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1S18 Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 1, 1S18-1S19 Faut-il opérer les patients parkinsoniens précocement ? M.-L Welter, D. Maltete, J.-L. Houeto, M. Schupbach, L. Mallet, M. Gargiulo, C. Behar, A.-M. Bonnet, V.Mesnage, B. Pidoux, D. Dormont, P. Cornu, S. Navarro, Y. Agid Fédération de Neurologie, Hôpital de la Salpêtrière, Paris. La maladie de Parkinson résulte d’une dégénérescence des neurones dopaminergiques et avant tout de la voie nigrostriatale, avec pour conséquence une désorganisation de l’activité neuronale des ganglions de la base et l’apparition de symptômes moteurs tels que le tremblement de repos, l’akinésie et la rigidité. Le traitement médical, fondé sur l’administration de L-dopa, est efficace, mais source de complications motrices (fluctuations d’effet moteur et dyskinésies) après quelques années de traitement. La stimulation cérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques (NST) représente une alternative thérapeutique per- mettant une amélioration de 60 à 90 p. 100 du handicap moteur et des complications motrices provo- quées par la L-dopa. Actuellement, cette intervention est proposée aux patients ayant une forme avancée de la maladie avec une durée d’évolution moyenne de 15 ans, chez lesquels le handicap moteur est sévère, avec pour conséquence une désinsertion socioprofessionnelle et une altération de la qualité de vie. Le but de cette étude est d’évaluer l’impact de l’application de la stimulation bilatérale du NST à un stade précoce de l’évolution de la maladie sur le plan social, psychologique et moteur. Il s’agit d’une étude pilote, randomisée et contrôlée en deux groupes parallèles comparant des patients traités par stimulation bilatérale du NST (n = 10) à des patients, appariés de façon stricte, traités médicalement (n = 10) sur une période de 18 mois. L’évaluation comprenait : 1) l’étude de la qualité de vie dont la perception de l’état général de la santé et la qualité de vie (PDQ-39), de la satisfaction (Whoqol- 26), du fonctionnement social, affectif, familial et professionnel (Social Adjustment Scale, SAS), des troubles psychologiques (Comprehensive Psychopathological Rating Scale, CPRS), des stratégies de “coping” face à la maladie et la perception et l’estime de soi (the Way of Coping Check List, échelle IPC de Levenson, Self-Esteem Scale) ; 2) la charge de la maladie et du soutien social (Burden Inventory) ; 3) des tests neuro-psychologiques (Mattis Dementia Rating Scale, Grober et Buschke, Wisconsin Card Sorting Test) ; 4) l’évaluation psychiatrique ; 5) l’analyse du handicap moteur par- kinsonien et des complications motrices (UPDRS). Cette évaluation clinique était effectuée lors de l’inclusion (1 mois avant l’opération), puis après 6, 12 et 18 mois. Vingt patients ont été inclus, appariés par paire pour l’âge (48,5 ± 3,1 ans), la durée d’évolution (6,8 ± 1,2 an), la sévérité de la maladie (Hoehn & Yahr “off” L-dopa : 2,5 ± 0,4), le handicap moteur (UPDRS III “off” = 29 ± 12), l’amélioration du syndrome parkinsonien sous L-dopa (92 ± 7 p. 100), la dose d’équivalent-L-dopa (992 ± 243 mg/j) et le retentissement social, personnel et professionnel évalué par l’échelle “Social and Occupational Functioning Assesment Scale” (SOFAS). Actuellement, tous les patients du bras chirurgical ont été opérés. Quatorze patients ont été évalués au bout de 6 mois et 4 après 1 an. Six mois après l’inclusion, le handicap moteur et la dose d’équi- valent-L-dopa étaient améliorés de 57 p. 100 et 80 p. 100, respectivement, chez les patients opérés et aggravés de + 29 p. 100 et + 9 p. 100, respectivement, chez les patients sous traitement médical. L’échelle PDQ-39 était améliorée de 18 p. 100 et 4 p. 100 chez les patients opérés et traités médi- calement, respectivement. L’échelle Whoqol-26 n’était pas modifiée, tant chez les patients opérés que chez les patients traités médicalement.

Faut-il opérer les patients parkinsoniens précocement ?

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Page 1: Faut-il opérer les patients parkinsoniens précocement ?

1S18 Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 1, 1S18-1S19

Faut-il opérer les patients parkinsoniens précocement ? M.-L Welter, D. Maltete, J.-L. Houeto, M. Schupbach, L. Mallet, M. Gargiulo, C. Behar, A.-M. Bonnet, V. Mesnage, B. Pidoux, D. Dormont, P. Cornu, S. Navarro, Y. Agid

Fédération de Neurologie, Hôpital de la Salpêtrière, Paris.

La maladie de Parkinson résulte d’une dégénérescence des neurones dopaminergiques et avant tout de lavoie nigrostriatale, avec pour conséquence une désorganisation de l’activité neuronale des ganglions dela base et l’apparition de symptômes moteurs tels que le tremblement de repos, l’akinésie et la rigidité.Le traitement médical, fondé sur l’administration de L-dopa, est efficace, mais source de complicationsmotrices (fluctuations d’effet moteur et dyskinésies) après quelques années de traitement. La stimulationcérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques (NST) représente une alternative thérapeutique per-mettant une amélioration de 60 à 90 p. 100 du handicap moteur et des complications motrices provo-quées par la L-dopa. Actuellement, cette intervention est proposée aux patients ayant une forme avancéede la maladie avec une durée d’évolution moyenne de 15 ans, chez lesquels le handicap moteur estsévère, avec pour conséquence une désinsertion socioprofessionnelle et une altération de la qualité devie.Le but de cette étude est d’évaluer l’impact de l’application de la stimulation bilatérale du NST à unstade précoce de l’évolution de la maladie sur le plan social, psychologique et moteur. Il s’agit d’uneétude pilote, randomisée et contrôlée en deux groupes parallèles comparant des patients traités parstimulation bilatérale du NST (n = 10) à des patients, appariés de façon stricte, traités médicalement(n = 10) sur une période de 18 mois. L’évaluation comprenait : 1) l’étude de la qualité de vie dontla perception de l’état général de la santé et la qualité de vie (PDQ-39), de la satisfaction (Whoqol-26), du fonctionnement social, affectif, familial et professionnel (Social Adjustment Scale, SAS), destroubles psychologiques (Comprehensive Psychopathological Rating Scale, CPRS), des stratégiesde “coping” face à la maladie et la perception et l’estime de soi (the Way of Coping Check List,échelle IPC de Levenson, Self-Esteem Scale) ; 2) la charge de la maladie et du soutien social (BurdenInventory) ; 3) des tests neuro-psychologiques (Mattis Dementia Rating Scale, Grober et Buschke,Wisconsin Card Sorting Test) ; 4) l’évaluation psychiatrique ; 5) l’analyse du handicap moteur par-kinsonien et des complications motrices (UPDRS). Cette évaluation clinique était effectuée lors del’inclusion (1 mois avant l’opération), puis après 6, 12 et 18 mois. Vingt patients ont été inclus, appariés par paire pour l’âge (48,5 ± 3,1 ans), la durée d’évolution (6,8± 1,2 an), la sévérité de la maladie (Hoehn & Yahr “off” L-dopa : 2,5 ± 0,4), le handicap moteur(UPDRS III “off” = 29 ± 12), l’amélioration du syndrome parkinsonien sous L-dopa (92 ± 7 p. 100),la dose d’équivalent-L-dopa (992 ± 243 mg/j) et le retentissement social, personnel et professionnelévalué par l’échelle “Social and Occupational Functioning Assesment Scale” (SOFAS).Actuellement, tous les patients du bras chirurgical ont été opérés. Quatorze patients ont été évaluésau bout de 6 mois et 4 après 1 an. Six mois après l’inclusion, le handicap moteur et la dose d’équi-valent-L-dopa étaient améliorés de 57 p. 100 et 80 p. 100, respectivement, chez les patients opéréset aggravés de + 29 p. 100 et + 9 p. 100, respectivement, chez les patients sous traitement médical.L’échelle PDQ-39 était améliorée de 18 p. 100 et 4 p. 100 chez les patients opérés et traités médi-calement, respectivement. L’échelle Whoqol-26 n’était pas modifiée, tant chez les patients opérésque chez les patients traités médicalement.

Page 2: Faut-il opérer les patients parkinsoniens précocement ?

Conclusion : Ces résultats, encore préliminaires, puisque l’étude n’est pas terminée, montrent quela stimulation bilatérale du NST chez des patients parkinsoniens ayant une courte durée d’évolutionde la maladie permet d’obtenir rapidement une amélioration du handicap moteur et une réductionmajeure du traitement médical. Concernant la qualité de vie, la satisfaction et l’adaptation sociale,les résultats à 6 mois ne permettent pas d’évaluer correctement le bénéfice obtenu. La réponse à cettequestion ne sera obtenue que lorsque l’évaluation clinique sera effectuée après 12 et 18 mois surl’ensemble des patients.

1S19Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 1, 1S18-1S19