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Cours de Français de Première Scientifique B. Extrait des cours de M. Gallo Rapporté par Eliah Rebstock, Laurie Desnouveaux, Anne Le Duigou, Xénia Gordon et Claudia Thivel 2011-2012 Sommaire I Lectures analytiques 4 1 Lecture Analytique n o 1 : Sonnet I, Les Regrets de Du Bellay 4 2 Lecture Analytique n o 2 : « Heureux qui comme Ulysse », Sonnet XXXI, Les Regrets, Joachim Du Bellay 7 3 Lecture Analytique n o 3 : Sonnet VI « Las où est maintenant ce mépris de fortune » 9 4 Lecture Analytique n o 4 : Sonnet IX « France mère des arts, des armes et des lois » 12 5 Lecture Analytique n o 5:« Le Grand Combat », Qui Je Fus 14 6 Lecture Analytique n o 6:« L’Albatros » 17 7 Lecture Analytique n o 7:« Art Poétique », Nicolas Boileau 20 8 Lecture Analytique n o 8: Le Barbier de Séville (I, 1) : Scène d’exposition 23 9 Lecture Analytique n o 9: Le Barbier de Séville (I, 2) : Le portrait de Figaro 25 10 Lecture Analytique n o 10 : Le Barbier de Séville (II, 7) : Scène de farce 28 11 Lecture Analytique n o 11 : Le Barbier de Séville (IV, 8) : Le dénouement 31 12 Lecture Analytique n o 12 : Dénouement de Rhinocéros, Eugène Ionesco (1958) 34 13 Lecture Analytique n o 13 : Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve 36 14 Lecture Analytique n o 14 : Le Roi se meurt, Eugène Ionesco 39 15 Lecture Analytique n o 15 : Extrait de Mme Bovary, Gustave Flaubert 42 16 Lecture Analytique n o 16 : Extrait de l’Assommoir, Émile Zola 44 17 Lecture Analytique n o 17 : L’incipit de L’Étranger, d’Albert Camus 46 18 Lecture Analytique n o 18 : Scène du meurtre dans L’Étranger (I,6) 48 19 Lecture Analytique n o 19 : « À part ces ennuis . . . tchécoslovaque. » L’Étranger (II, 2) 50 20 Lecture Analytique n o 20 : Explicit de L’Étranger (II, 5) 52 1

Fiche Analytique Premiere S

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  • Cours de Franais de Premire Scientifique B.Extrait des cours de M. GalloRapport par Eliah Rebstock,

    Laurie Desnouveaux, Anne Le Duigou, Xnia Gordon et Claudia Thivel

    2011-2012

    Sommaire

    I Lectures analytiques 4

    1 Lecture Analytique no 1 : Sonnet I, Les Regrets de Du Bellay 4

    2 Lecture Analytique no 2 : Heureux qui comme Ulysse , Sonnet XXXI, Les Regrets,Joachim Du Bellay 7

    3 Lecture Analytique no 3 : Sonnet VI Las o est maintenant ce mpris de fortune 9

    4 Lecture Analytique no 4 : Sonnet IX France mre des arts, des armes et des lois 12

    5 Lecture Analytique no 5 : Le Grand Combat , Qui Je Fus 14

    6 Lecture Analytique no 6 : LAlbatros 17

    7 Lecture Analytique no 7 : Art Potique , Nicolas Boileau 20

    8 Lecture Analytique no 8 : Le Barbier de Sville (I, 1) : Scne dexposition 23

    9 Lecture Analytique no 9 : Le Barbier de Sville (I, 2) : Le portrait de Figaro 25

    10 Lecture Analytique no 10 : Le Barbier de Sville (II, 7) : Scne de farce 28

    11 Lecture Analytique no 11 : Le Barbier de Sville (IV, 8) : Le dnouement 31

    12 Lecture Analytique no 12 : Dnouement de Rhinocros, Eugne Ionesco (1958) 34

    13 Lecture Analytique no 13 : Eugne Ionesco, La Cantatrice Chauve 36

    14 Lecture Analytique no 14 : Le Roi se meurt, Eugne Ionesco 39

    15 Lecture Analytique no 15 : Extrait de Mme Bovary, Gustave Flaubert 42

    16 Lecture Analytique no 16 : Extrait de lAssommoir, mile Zola 44

    17 Lecture Analytique no 17 : Lincipit de Ltranger, dAlbert Camus 46

    18 Lecture Analytique no 18 : Scne du meurtre dans Ltranger (I,6) 48

    19 Lecture Analytique no 19 : part ces ennuis . . . tchcoslovaque. Ltranger (II, 2) 50

    20 Lecture Analytique no 20 : Explicit de Ltranger (II, 5) 52

    1

  • 21 Lecture Analytique no 21 : De lducation des enfants , Les Essais (I,26), Michel deMontaigne 54

    22 Lecture Analytique no 22 : Des cannibales , Les Essais (I,31), Michel de Montaigne 57

    23 Lecture Analytique no 23 : Des Coches , Les Essais (I,31), Michel de Montaigne 59

    24 Lecture analytique no 24 : "Quand je danse, je danse... ", Les Essais 62

    25 Lecture analytique no 25 : Les Penses, Blaise Pascal, 1670 65

    26 Lecture analytique no 26 : Le Loup et le Chien, Fables Livre I, Jean de la Fontaine, 1668 68

    II Lectures cursives 71

    1 Lecture Cursive no 1 : La satire sociale dans Les Regrets 71

    2 Lecture cursive no 2La dsillusion dans les sonnets XXVI, XXXI et XXXIX 72

    3 Lecture cursive no 3 : Sonnet XCVII : " combien est heureux qui nest contraint defeindre. . ." dans les Regrets 73

    4 La posie au XVIe sicle : entre imitation et renouveau : tude de la Pliade et lecturecursive de Dfense et Illustration de la langue franaise 74

    5 Lecture Cursive no 5 : Les potes symbolistes sont-ils des voyants ? 75

    6 Lecture Cursive no 6 : Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire 76

    7 Lecture cursive no 7 : tude des actes III et IV du Barbier de Sville 77

    8 Lecture Cursive no 8 : Corpus sur le thtre de labsurde 78

    9 Lecture Cursive no 9 : Le projet du romancier 79

    10 Lecture cursive n 10 : tude des personnages des Misrables, Victor Hugo 80

    11 Squence IV : Entre dans luvre : Ltranger, Albert Camus (1942) 81

    12 Lecture cursive no 11 : Lecture tabulaire de Ltranger, Albert Camus, 1942 82

    13 Lecture Cursive no 12 : Le mythe se Sisyphe, Albert Camus (1942) 85

    14 Rsum de Bel-Ami, Maupassant 86

    15 Lecture cursive de Bel-Ami : rvisions 91

    16 Lecture Cursive no 13 : Le statut de lessayiste (p.326 : Les Essais, Montaigne) 93

    17 Lecture cursive no 14 : Extraits des Essais 94

    18 Lecture cursive no 15 : Les Caractres, La Bruyre 95

    19 Lecture cursive sur Candide de Voltaire 96

    III tudes densembles 97

    1 Les pouvoirs de le posie 97

    2

  • 2 La posie au XVIe sicle : entre imitation et renouveau 98

    3 Le Symbolisme 99

    4 Posie engage ou jeux potiques ? 100

    5 Histoire des Arts : des vases et une chanson 100

    6 LAnthologie potique 100

    7 Le thtre, un genre littraire part ? Dfinition en dix cls 101

    8 Les genres thtraux "classiques" 102

    9 Fiche synthse sur la comdie 103

    10 Le thtre et son public au XVIIIe sicle 104

    11 tude de la mise en scne du Barbier de Sville par Grald Marti (1997) 105

    12 Inventaire des connaissances sur le Roman 106

    13 Les fonctions du portrait pictural 107

    14 Entre dans luvre Ltranger, Albert Camus (1942) 112

    15 Largumentation et les textes littraires 113

    IV Supplments 114

    A Biographies 114

    B Mthodologie 116

    C Lexique 117

    3

  • Premire partieLectures analytiques1 Lecture Analytique no 1 : Sonnet I, Les Regrets de Du Bellay1.1 Quelle est la nature du projet de Du Bellay ?

    En premier lieu, la situation dnonciation du texte rvle la volont manifeste de lauteur exposer sonprojet :

    Des vers 1 3 on peut observer une anaphore Je ne veux point . La parole potique est donc dsle dbut du sonnet caractrise par la rptition donnant limpression au lecteur dun ton solennel etdogmatique. Le recours au verbe de volont suggre le fait que le message livr repose sur lexhibitiondune dmarche dcriture. Le pote expose ses principes, son crdo potique en insistant sur ce quilne veut pas faire. Il annonce au lecteur ds le dbut du sonnet quun projet est dj dtermin pourle pote, bas sur les principes de son crdo potique.

    Tout au long du pome, le prsent dnonciation et le prsent dhabitude par exemple aux vers 8 Jcris ou 9 Je me plains donnent entendre la voix dtermine de lauteur, avec un toncatgorique et dogmatique.

    Le champ lexical de la nature aux vers 1 nature , 2 univers , 3 abmes et 4 ciel montre quil fait le rejet dune posie qui ferait lloge de la nature, quil utiliserait comme uniquesource dinspiration. Leffet daccumulation donn par la conjonction de coordination ni au vers 4renforce le caractre dtermin de lauteur. Il oppose la nature infiniment grande au pote infinimentpetit (macrosome/microsome) en plaant en dbut de vers sa personne ( Je ), et en positionnantau contraire les lments de la nature en fin de vers, reprsentant ainsi la distance qui les spare,rendant la nature intouchable pour lhumain. Le pote ne peut se prtendre suprieur la nature, nepeut prtendre connatre tous ses secrets et pouvoir la dcrire. Il sagit dune critique implicite de sespropres inspirations (Ptrarque).

    Du Bellay prne une posie qui aspire au naturel, la simplicit et la navet (terme du XVIesicle). En effet, au v.12, les verbes peigner et friser renvoient lornement, au paratre. Par latournure ngative Je ne veux point , il dfinit son projet par opposition, projet qui repose sur refusde surcharge, de leffet baroque. On peut aussi remarquer la mtaphore au vers 5 Je ne peins mestableaux de si riche peinture o les pomes sont compars une autre forme dart, la peinture. Dansce vers et de la mme faon au vers suivant, il utilise ladverbe dintensit si qui renvoie unecomparaison avec les autres auteurs de son temps. Il est dans la volont de sortir des artifices habituelsquil prte aux textes de son poque, critiquant ainsi lcriture de ses contemporains.

    Du Bellay fait un paradoxe en dfinissant son style comme celui dun journal intime o lon griffonneses ides sans mise en forme particulire, puisquil utilise en ralit une forte musicalit et un rythmeparticulier propres aux pouvoirs de lcriture potique.

    En apparence, le locuteur dnigre ses pomes lui-mme, ce quon peut voir au vers 14 lorsquil lesqualifie de papiers journaux . Pourtant, il naura cess de les mettre en valeur et dinsister sur lecaractre spontan et naturel de son criture potique comme il le dit au vers 8 jcris laventure .Il se montre ainsi humble et sattire la sympathie du lecteur, tentant de sen rapprocher spirituellementet de lui donner envie de continuer sa lecture.

    Le verbe de volont vouloir est rpt 3 fois dans le premier quatrain : cest un rythme ternaire, quiscande et segmente la parole potique donnant un effet dinsistance et de martlement.

    On peut aussi remarquer aux vers 9 et 10 un paralllisme qui cr une insistance et donne un rythme ses propos, rejoignant les effets donns par les rptitions et montrant une nouvelle fois lexpositiondogmatique du pote.

    Au vers 8 Soit de bien, soit de mal, jcris laventure , lalexandrin est segment par une c-sure donnant deux hmistiches (6/6) qui elles mme sopposent par leurs rythmes diffrents. Dans lepremier, une nouvelle coupe (3/3) donne un effet de balancement, montrant linstabilit de la vie deDu Bellay. Dans le deuxime hmistiche il ny a pas de coupure et on retrouve donc une forme decontinuit et de stabilit, donne lorsquil crit laventure et donc donne par lcriture.

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  • 1.2 Dans quelle mesure peut-on dire que ces pomes accompagnent la vie de Du Bel-lay ?

    La prsence du pronom Je rpt en anaphore aux vers 1, 2, 3, 5, 8, 9, 10 et 12 suggre quecest bien lauteur lui-mme qui semble sadresser son destinataire (dailleurs mal identifi puisquilpourrait aussi bien sagir de ses contemporains que de ses futurs lecteurs) et son texte prend unedimension autobiographique. Cet indice personnel constitue pour ainsi dire la force organisatrice dutexte, son point de convergence : le Je est au cur du pome. Il refuse les effusions lyriques et secontente dexposer ses motions, nous ouvrant la sphre de son intimit.

    La posie accompagne sa vie, et donc lui font office de confidents comme il lexprime lui-mme au vers9 Je me plains mes vers . On peut de la mme faon remarquer le vers 10 je me ris avec eux avec lequel il forme un paralllisme. Les vers sont alors personnifis, il leur donne le rle de confidents.Le prsent dhabitude montre en plus quil sagit pour lui dune sorte de rite, que lcriture potique estson catharsis, quelle lui permet la purgation de ses passions et dextrioriser ses sentiments. On peutaussi voir ce vers comme une critique de la socit de Du Bellay, et litalienne plus particulirementpuisquil se trouve Rome au moment de lcriture de ses pomes. En effet, sil en vient se confier ses pomes, cest quil ressent un manque de confiance dans les personnes qui lentourent, quil juge lestres humains indignent de sa confiance et de fiabilit incertaine et donc quil reproche leur hypocrisie ses contemporains.

    Au vers 11, Comme tant de mon cur les plus srs secrtaires les pomes sont compars dessecrtaires, les dtenteurs de tous ses secrets. La tournure superlative insiste sur la relation intimequil entretient avec eux. On pourrait presque parler dune personnification, montrant les pouvoirs dutexte sur lauteur.

    ConclusionEn exposant la nature de son projet et en montrant que ses pomes lont accompagn pendant se vie, le

    pote exploite une stratgie oratoire particulire, dite Captatio benevolentiae . Elle fait office daccroche au dbut du recueil, en annonant lvocation dun secret dans les vers venir au fil du recueil. Lauteur ditpouvoir se confier ses vers de faon sure puisquils ne pourront pas le trahir comme le pourraient des treshumains. Pourtant, il fait ici un paradoxe puisquen effet ses pomes, soit disant ses plus srs secrtaires,pourront tre lus par nimporte qui. Cette confiance quil a en ses pomes est donc transmise aux lecteurs,qui se sentiront en connivence avec le pote et qui crera un lien fort entre eux.

    cAnne Le Duigou

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  • Le texte

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  • 2 Lecture Analytique no 2 : Heureux qui comme Ulysse , SonnetXXXI, Les Regrets, Joachim Du Bellay

    2.1 Ce sonnet exprime la nostalgie du pote V1 : On peut voir dans ce vers une rfrence mythologique au hros de lOdysse dHomre le roidIthaque qui a fait un voyage en mer pendant 10 ans. On Du Bellay fait allusion quelquun qui aaccompli un voyage riche, important et on peut ressentir lenvie du locuteur. Comme marque lacomparaison dun voyageur heureux avec le hros Grec. Lalexandrin a un rythme segment par unecsure. Lassonance en [i] et lallitration en [k] marque demble le pome dune dimension musicalequi scande le vers.

    V2 : Lunivers mythologique est repris avec une allusion Jason, personnage en qute de la toisondor et donc investit dune mission importante. Il ny fait quallusion puisquil utilise une priphrase cestui-l pour le dsigner, jouant ainsi sur une connivence culturelle avec le lecteur qui doit devinerde qui il sagit. On peut retrouver dans ce vers lassonance en [i] et lallitration en [k] et le pronom qui , lments dj prsent dans le premier, crant une cohsion phontique.

    V3 : La csure trs marqu casse le rythme de lalexandrin. On pourrait penser que cette csure marqueune ultime escale dans le voyage, comme sil sagissait dun long parcours, dune qute initiatique. Enparlant dusage et raison , le pote semble comparer ces voyages une qute identitaire, ontologique,o lintress acquire de lexprience et de la sagesse.

    V4 : Le point dexclamation dans ce vers souligne lenvie, la jalousie du locuteur vis--vis des grandsvoyageurs. Par ailleurs, cette jalousie est conforte par des allitrations en [r] et en [s] qui crent uneffet dinsistance.

    V5 : La csure est marque par une virgule aprs ladverbe hlas exprimant la plainte, et donc lesregistres lgiaque et lyrique. Elle est lexpression dune attente, dune frustration lie une coupuregographique. La prsence du pronom je et du possessif mon exprime lintimit du locuteuravec le petit village , o ladjectif petit est mlioratif puisquil sagit dun lieu taille humaine,contrairement Rome, la capitale, trop grande et imposante pour tre accueillante. Le futur unevaleur hypothtique et imprcise, renforant le sentiment dattente et dimpatience de lauteur.

    V6 : Lenjambement entre les vers 5 et 6 montre une continuit rythmique. Le lien entre les 2 vers(idem vers 6 et 7) insiste sur le caractre pittoresque, rustique, champtre et chaleureux du villagenatal travers une posie assez visuelle. La mtonymie de la chemine pour parler de toutes leschemines du village renforce le sentiment de possession de lieux, dappropriation et dappartenanceque nous donne Du Bellay. On y devine vie paisible et calme, loin des fastes de Rome.

    V7 : Linversion du sujet et du verbe souligne la tournure interrogative de la question rhtorique etlexpression de la nostalgie aprs lenvie exprime dans le premier quatrain. Ladjectif pauvre est icimlioratif, puisquil qualifie simplement les lieux de modestes en comparaison avec lopulence affichepar les difices romains. Le clos montre que cest un endroit calme, feutr et protg des vices deshommes.

    V8 : Ce vers exprime la nostalgie du pote. Sa maison reprsente tout pour lui, il nous renvoie sa maison natale qui lui parait mieux que Rome mme si il sagit dun cadre modeste. La csureet sa locution adverbiale lorsquil enchaine deux adverbes beaucoup davantage confirment cetteimpression avec un effet de surenchrissement.

    2.2 Ce sonnet repose sur un jeu doppositions V9 et 10 : Il fait allusion une nouvelle fois sa maison natale voque par priphrase. Il rend hommage ses anctres. Les deux vers reposent sur un systme dopposition, marquant la comparaison de sademeure et des palais romains. Ladjectif audacieux est mit en valeur par une dirse, soulignant lesfastes, le luxe et lexubrante opulence affiche par les palais romains de la Renaissance, ce qui renvoieparadoxalement un loge de la simplicit. On peut parler dun recours au discours pidictique.

    V.11 : Lauteur fait une antithse entre les matriaux nobles de larchitecture romaine et lardoise,rfrence au toit des chaumires. Il oppose les adjectifs dur valeur pjorative et fine valeurpositive.

    V12 et 13 : Lutilisation dans les vers parallles 12 et 13 du possessif mon oppos larticle dfini le donne une valeur ngative au caractre impersonnel de larticle.

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  • V.14 : On retrouve ici une nouvelle opposition avec lair marin , rfrence la proximit de Rome dela mditerrane, et la douceur angevine . En gnral, la chaleur et la mer italiennes sont apprcies,mais ce nest pas ici ltat desprit du pote, qui prfre lair angevin, lair de la rgion dAnjou oil est n. On peut aussi penser que lutilisation de cet adjectif nest pas laisse au hasard, puisquonpeut faire le rapprochement avec le nom ange contenu dans le mot et qui rapporte de nouveau aucaractre mlioratif quil porte sa rgion natale.

    On remarque lanaphore du superlatif Plus dans les vers 9, 11, 12 et 13. Dans ces 4 vers sont chaque fois compars des lments de France ou dAnjou, le village natal de Du Bellay avec deslments dItalie ou de la ville de Rome o il sjourne pendant 3 ans. Les deux tercets proposent unevariation sur le mme thme : la supriorit du village natal sur la ville de lexil.

    ConclusionDu Bellay montre dans ce sonnet sa jalousie envers les hros mythiques de lantiquit et tous ceux qui ont

    accompli un voyage riche et utile. Il considre son exil italien comme une perte de temps et une dception.Il en profite pour comparer la France et lItalie et dfaveur de cette dernire et transforme sa nostalgie enrage quil reporte sur le pays o il sjourne.

    cAnne Le Duigou

    Le texte

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  • 3 Lecture Analytique no 3 : Sonnet VI Las o est maintenant cempris de fortune

    3.1 Dans quelle mesure ce texte propose-t-il une dmarche de questionnement dupote ?

    3.1.1 Le pote autrefois

    V1 : Le pote se rappelle de son statut dautrefois (avant Rome), o il navait pas peur des coups dusort et restait matre de sa destine. Il sinterroge sur son statut actuel : il sagit dun questionnementexistentiel. En effet, le dmonstratif ce renvoie une situation quil connaissait bien mais passe.

    V3 : Le pote a perdu son dsir dimmortalit. Il fait dans ce vers allusion se devise, La musedonne limmortalit , rfrence implicite la mythologie grecque (Orphe).

    V4 : La belle flamme dont il parle est une rfrence aux convictions de lpoque et des humanistes :le don des potes tait donn par les dieux. Or il dit ici lavoir perdu. Il se permet dtre prsomptueuxpuisquil se considrait comme un lu des dieux en disant non commune . Maintenant il se penseredevenu ordinaire et ne plus rien avoir de spcial. Il prend son absence de talent comme une punitiondivine pour un mal qui aurait commis.

    V10 : Lauteur fait une mtonymie en parlant de son cur pour parler de lui-mme, acteur de sessentiments et de ses humeurs : il pense quavant il tait son propre matre et pouvait utiliser son don.Le temps verbal de cette proposition subordonne relative est limparfait, qui a une valeur dhabitudeet itrative.

    3.1.2 Le pote aujourdhui

    V9 : Le pote parle de sa condition actuelle par rapport sa condition passe dans ce vers, ce queje peux voir avec lutilisation de ladverbe temporel Maintenant . Il dit ne plus tre matre de sondestin, ntre plus que la victime des alas du sort. Il apparat que le pote nest plus certain de sonavenir. La structure syntaxique, o la fortune devient sujet et se personnifie, renforce laction quele destin sur lui et le fait quil le subisse, mimant ainsi le sens de ses propos.

    V12 : Le pote est tellement blas quil napporte plus dimportance sa notorit ou ce quon pensede lui. Il semble ne plus avoir dobjectifs ou dambition. Le plus montre lopposition avec ce quiltait et montre quil y portait de limportance avant. La rptition du groupe verbal je nai plus dfinit sa situation prsente en insistant sur ce quil a perdu. On peut de plus remarquer que cetteide est mise en relief par linversion du COI et du sujet dans ce vers.

    V14 : Les Muses sont une allgorie du talent de lcriture potique. Il veut dire que la posie luichappe, quil devient pour lui intouchable. Le fait quelles soient comme Estranges (trangres)pour lui montre que cest peine sil peut se rappeler du temps o il avait ce ton puisque le talentpotique lui est dsormais tranger. Cela marque la distance qui sinstalle entre le pote et son anciendon.

    3.2 Comment sexprime la lassitude et la nostalgie du pote ?3.2.1 Plainte du pote

    V1 : Lexpression du regret est marque ds lattaque du pome travers ladverbe las . Noussommes dans le registre potique de llgie, du lamento.

    V11 : Le pote nous montre la grandeur de son mal et sa dception, son sentiment de perte pourquelque chose quil avait acquis, avec lhyperbole mille . Par le nom regrets , il reprend le titredu recueil, ouvrage qui lui permet dexprimer sa peine et ses tourments, rappelant et accentuant ainsile message quil veut faire passer. Le nom serf quil utilise pour qualifier son cur, et donc parmtonymie lui-mme, montre quil se voit comme un esclave et simpose lui-mme en victime. Le termesoppose dailleurs maistre dans le vers qui le prcde.

    3.2.2 Absence dardeur potique

    V5 : Il fait allusion aux plaisirs perdus de lcriture et sa nostalgie des soires pendant lesquelles ilcrivait dans un cadre nocturne, bucolique (en phase avec la nature). Les allitrations en [s] soulignent

    9

  • la cohsion phontique, le travail du pote sur la musicalit de ses pomes. La versification est elleaussi travaille avec des enjambements entre les vers 5, 6 et 6, 7 et des csures aux vers 5, 6, 13 et 14.Lauteur fait donc une mise en abyme, puisquil parle du texte quil est en train dcrire. Il voque sondon potique perdu tout en crivant un pome.

    V7 : Le registre dans ce passage est lyrique, la nature est mise en scne grce au champ lexical verd , rivage . La parole potique est baigne dans les clichs Ptrarquistes. Le pote en est bienconscient et il sagit presque dune satire de ce genre, puisquil peut paraitre ironique.

    V13 : Le pote parle ici de divine ardeur , chose quil a perdue et de nouveau attribut son talentpotique un don des Dieux. Il fait allusion linspiration Platonienne, en rfrence la pense antique,un des topo de la posie humaniste. Ladverbe aussi provoque de plus un effet daccumulation.Du Bellay na plus lenvie ou le courage dcrire et doute de son propre gnie.

    V14 : On peut remarquer des allitrations en [n] et en [m], des nasales rptes 5 fois, crant uneharmonie particulire. Ltirement des sons accentue llgie et sa lassitude avec une parole potiquelente et trainante.

    ConclusionCe texte propose une dmarche de questionnement du pote dans la mesure o il compare sa condition

    dautrefois, o il se considrait comme lu divin et aujourdhui, o il pense avoir perdu son don dcriturepotique. Il nous exprime donc se lassitude et sa dception dans une plainte et en nous expliquant sa nouvelleabsence dardeur potique. Pourtant, le message du pote reste trs paradoxal puisquil nous exprime sonincapacit crire tout en crivant un pome.

    cAnne Le Duigou

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  • Le texte

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  • 4 Lecture Analytique no 4 : Sonnet IX France mre des arts, desarmes et des lois

    4.1 Comment sexprime la relation entre le pote et son pays natal ?Le sonnet repose sur une mtaphore file. V3 : Le locuteur, qui est ici le pote, avec la comparaison comme un agneau est compar unagneau, symbolique judo-chrtienne : lagneau est lanimal sacrifi, une victime inoffensive et apprciedes dieux. Le locuteur suggre donc son innocence, sa fragilit.

    V2 : On observe une relation filiale entre la France, la mre nourricire et le pote qui la tutoie. Il meten exergue un lien unique et fusionnel entre la France personnifie et son enfant .

    V1 : Ce vers souligne le lien phontique entre certains termes par jeu dassonances en [a] et dallit-rations en [r]. On peut trouver un rapprochement phontique entre arts et armes : cest doncune paronomase. Par cet lan patriotique, le pote fait une attaque directe lItalie dans laquelle ilsjourne, que lon considre traditionnellement comme la mre des arts et des armes. Ce vers peutdonc avoir une dimension polmique, sous lapparence trs solennelle, presque emphatique et pom-peuse (impression notamment donne par lapostrophe France ). Selon le pote, alors quil est enItalie, cest la France que reviennent finalement plus ces qualits.

    V5 et 6 : La phrase interrogative est une question rhtorique adresse la France. Le registre et latonalit pathtique sont mises en vidence par lapostrophe cruelle . Le invocateur est unappel laide.

    V12 : Tes est un pronom possessif permettant au pote de renouer le dialogue avec la Francepeu prsent dans le tercet prcdent. Les autres franais ne manquent de rien et sont dans une positionconfortable contrairement lui et on peut en dduire quil sagit dune forme de jalousie de la part delauteur.

    V13 : Le pote a plac dans ce vers une accumulation de termes ngatifs qui renvoient certains versprcdents : le nom loup a dj t cit au vers 9 et vent et froidure renvoient au champlexical du froid du vers 10 ( lhiver , froide haleine ), insistant sur ces cts pjoratifs de lItalieet crant une continuit dans les ides voques par Du Bellay.

    4.2 Comment lexil est-il vcu par le pote ? V7 et 8 : Pour Du Bellay, lexil est synonyme de souffrance. Le pote se livre un appel au secours, uncri du cur. Le rythme lancinant et les rptitions de lapostrophe France font que le pays natal dupote devient le thme obsdant, le leitmotiv du sonnet. Cela donne limpression dune prire scande,faisant apparaitre le registre lgiaque. Au V8 l Echo est personnifi, en rfrence la mythologieGrecque : il sagissait de la nymphe amoureuse de Narcisse qui fut condamne toujours appelerson amoureux sans jamais obtenir de rponse. Le fait que des rfrences mythologiques nourrissent laparole potique est un topos de la posie humaniste.

    V9 : La mtaphore Loups cruels dsigne de manire pjorative les habitants de Rome, les italiens.Ladjectif dprciatif et hyperbolique cruel insiste sur lopposition entre linnocence du pote,victime de la mchancet, et lhypocrisie des courtisans quil ctoie. Lopposition entre le pluriel de loups , et le singulier je souligne le danger que cours le pote, seul contre tous. Le pote transformesa douleur en haine quil destine aux courtisans Italien quil mprise. Cest sa faon dextrioriser sonmal, comme si trouver des responsables sur lesquels il peut se venger allgerait sa douleur.

    V10 : On trouve dans ce vers des assonances en [e] et [i] et allitrations en [v] et [r], formant une sortede parole chantante et musicale. Elle a une valeur quasiment prmonitoire : par harmonie initiative, levent hivernal semble suggr. Le pote pressent une situation encore plus sombre pour les derniers moisde son exil et exprime son dsespoir. Lhiver est mme personnifi grce au terme anthropomorphique haleine qui lui est associ pour souligner la menace.

    V14 : Le pote se sent rejet et exclu, et le pome se termine sur un sentiment dinjustice. En effetil trouve injuste que les autres naient pas vivre son exil et pense ne pas mriter ce quil sembleprendre comme un chtiment. Il en profite pour accuser ses compatriotes Franais, en suggrant avecle superlatif pire que certains dentre eux sont mauvais, et mriteraient dtre puni.

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  • ConclusionLe pote nous expose dans ce sonnet la force de son lien avec son pays natal, avec laquelle il semble

    entretenir une relation filiale, suggre par lutilisation dune mtaphore file o il est un des agneaux du troupeau franais . En effet, Du Bellay semble mettre un vritable appel au secours alors quil se trouveen Italie, pays qui la du et la population quil mprise et insulte notamment travers ce pome. Ilvit trs mal son isolement sur une terre quil considre hostile et ce sont principalement des sentiments desouffrance et dinjustice qui ressortent de ce texte.

    cAnne Le Duigou

    Le texte

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  • 5 Lecture Analytique no 5 : Le Grand Combat , Qui Je FusBiographie de Henri Michaux (1899-1984)

    Lauteur est un pote et peintre belge du XXe sicle. Il est considr comme auteur atypique et na pasvraiment dappartenance particulire un certain mouvement littraire, mme si on le rapproche le plussouvent des surralistes. Il tait un grand voyageur et les reportait dans des rcits tels quUn barbare en Asie.Ce pote tourment fera lexprience de la mescaline sous linfluence de laquelle il crira Connaissance parles gouffres. On peut aussi citer comme ouvrages Lespace du dedans, La nuit remue ou encore Un certainPlume.

    5.1 En quoi ce pome peut-il tre considr comme complexe, trange voire incom-prhensible ?

    Ce texte prsente un grand nombre de nologismes : V1 : Lexpression Il lemparouille rappelle le verbe semparer auquel on aurait ajout le suffixe ouille , donnant ainsi un effet comique au mot. Lendosque rappelle le verbe endosser ,paronomase suggre par leur rapprochement phontique.

    V2 : rague pourrait ressembler racle et roupte serait un mlange de rouer de coup etde pter comme sil sagissait dune explosion. Le drle rappelle le rle , le cri du mourant.Les allitrations en [r] et des assonances en [a] donne une musicalit particulire au vers et souligneles actions du combat.

    V3 : Le mot pratle ressemble martle et libucque nous laisse imaginer le billonnagedun des personnages par lassemblement des termes ligoter et bouche . Dans lexpression barue les ouillais on peut aussi trouver une ressemblance avec baffer et oreilles .

    V4 : Le Tocarde ressemble lestocade , ce qui signifie donner des coups et Marmine marmite, laissant penser que quelquun se fait cuir la marmite.

    V5 : On trouve dans ce vers un chiasme phontique en A, B, B, A avec rape ri et ripe ra quimontre la contamination des sonorits les unes avec les autres.

    V6 : Les sonorits du terme lcorcobalisse ne sont pas sans rappeler les verbes corcher ou gorger . Tout le texte est un jeu du pote avec le langage. Ses nologismes sont travaills, et le lecteurpeut samuser trouver des points communs avec des mots quil connait, dcelant ainsi un sens au texte.Le texte est donc finalement traduisible et les mots reconnaissables. Michaux invente une nouvellelangue par un brouillage lexical laissant dabord perplexe le lecteur qui peut nanmoins comprendrequil sagit dun combat entre plusieurs, apparemment deux, protagonistes. Cette impression est bienen accord avec le titre du pome qui prparait dj le lecteur la narration dun combat.

    5.2 En quoi peut-il tre considr comme violent ?Le texte explore le registre pique et prend des airs dpope (texte long en prose ou en vers qui narre les

    pripties dun hros devant accomplir une qute dont les principaux topo sont le combat, les faits darme,les mouvements de foules et des scnes visuelles. Cest en effet ce quoi est confront le lecteur qui doitfaire appel sn imaginaire.

    La violence se trouve jusque dans les sonorits, avec des sons agressifs. Les gestes rapports des person-nages traduisent des actes de barbarie, laffrontement, la mutilation et la destruction des corps.

    En effet on pourrait traduire le V7 se dfaisse, se torse et se ruine par se dfait, se tord et tombe enruine, faisant une gradation dans les termes. Le corps du combattant semble alors en dcomposition.

    Des vers 12 15 Le pied a failli ! Le bras a cass ! Le sang a coul ! , On retrouve une gradationde la violence. Le rythme ternaire et les vers de 5 pieds donnent une impression de rgularit et deparalllisme dans la versification. Le pied voqu dans le pome pourrait dailleurs se rapporter auxpieds, le dcompte des syllabes en posie.

    Au vers 16, Dans la marmite de son ventre est une mtaphore faisant rfrence un rite paen quivisait tudier les entrailles danimaux sacrifis pour prdire lavenir, rappelant une sorte de procdbarbare et sanglant.

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  • 5.3 Dans quelle mesure le grand secret peut-il tre la rponse au grand combat ?Le texte nous invite mener nous aussi un combat : le lecteur se retrouve faire la qute du sens du

    pome. Cest en effet explicite au dernier vers (v20) On cherche aussi nous autres, le Grand Secret. Le nous englobe aussi bien les lecteurs que le pote lui-mme. Le Grand Secret est une rfrence autitre du pome, Le Grand Combat , mais aussi au sens du combat rapport par le texte et lidentitmconnue des protagonistes. En effet, le texte est polysmique et on peut mettre plusieurs hypothses :

    Les deux combattants sont Michaux et le texte, la posie quil veut rinventer. Lauteur cherche dconstruire puis reconstruire le langage potique. Il adopte une dmarche dcriture similaire celle des potes surralistes, originale et ludique. Il sagirait dune mise mort du langage traditionnel.En effet, le pote fait de nombreux nologismes et ne suit pas les rgles classiques de la posie par unseul paragraphe et des vers libres.

    Les deux combattants sont le lecteur et le texte. Le lecteur doit se battre pour trouver un sens aupome non seulement parce quil doit comprendre les nologismes de lauteur mais aussi parce quillutte pour trouver une explication au combat et dcouvrir le secret.

    Les deux combattants sont Michaux contre lui-mme, contre ses tourments intrieurs. Au v11 en effet Abrah ! Abrah ! Abrah ! ressemble une invocation du divin, le terme ressemblant Allah ouAbraham. On trouve une dimension religieuse dans ce texte, o Michaux met un appel laide Dieu, dans une recherche du sens de la vie.

    Le texte voque peut tre aussi tout simplement les conflits arms de la premire Guerre mondiale quiont profondment marqus Michaux. Quel est le sens de la guerre ? Les hommes mnent toujours descombats, parfois sans mme savoir pour quelle raison ils sentretuent et si elle en vaut vraiment la peine.Voltaire dans Candide qualifiait ainsi ironiquement et paradoxalement une bataille de boucheriehroque . Cet argument est renforc par la prsence de lexpression Mgres alentour au vers 17o il semble faire allusion aux mres et aux femmes des combattants, spectatrices impuissantes duneguerre cruelle et insense.

    La fonction du pote dans ce texte semble tre de bouleverser les habitudes du lecteur, de proposer unerflexion sur la cration et la lecture de pomes et de chercher questionner le monde absurde et violentqui lentoure. Michaux cherche aussi faire voluer la langue et les codes grce un style innovant, lenon-respect des codes formels et lutilisation deffets comique pour parler dun thme tragique. Ne trouvantpas les mots pour le dcrire, Michaux est oblig de devenir le dmiurge de nouveaux termes. Pourtant, illaisse un sens, voire mme plusieurs son texte et tente de transmettre un message.

    cAnne Le Duigou

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  • Le texte

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  • 6 Lecture Analytique no 6 : LAlbatros Biographie de Charles Baudelaire (1821-1867)

    Cet auteur tait un dandy parisien, en partie influenc par les potes romantiques. Non seulement pote,partisan du Parnasse puis du symbolisme, il tait aussi critique dart et esthte. Baudelaire tait considrcomme un marginal et eut une vie trs sombre. Il faisait partie de la gnration des potes maudits, incomprispar la socit de son poque. Il crivit notamment Petits pomes en prose et Le Spleen de Paris. Dabordannonc Les Lesbiennes puis Les limbes, son recueil Les Fleurs du Mal publi en 1857 fit scandale pouroutrage la morale publique. Lalbatros est un des pomes de la subsection Spleen et Idal du recueil.

    6.1 Le pome repose sur une mtaphore file de lalbatros Dernire strophe : Les derniers vers rvlent lanalogie pote/albatros avec la comparaison marquepar semblable . Baudelaire livre une image du pote incompris et marginal, quelquun de suprieurau commun des mortels. En effet, il est compar un prince au vers 13, et le pote tel lalbatrosest lclaireur des hommes, son prophte. Comme Hugo dans Le prophte , il dveloppe lide quele pote est un lu des dieux, que sa fonction est dclairer, de guider le peuple, au risque den devenirlennemi. Baudelaire reprend cette tradition romantique du XIXe sicle. Dans ce pome reposant surune mtaphore file, on distingue les prmices du symbolisme avec sa thorie des correspondances(lalbatros est le symbole du pote).

    V1 : La prsence de ladverbe valeur temporelle souvent dans cet alexandrin voque lhabitude,le rituel. Il nest pas rare que les marins samusent capturer et malmener les oiseaux marins.

    V2 : Lenjambement entre le V1 et le V2 marque une continuit rythmique. Le pote prsente untableau pittoresque en racontant une anecdote vcue loccasion dun voyage. Il oppose dans ces 2vers deux univers diffrents : les marins, (hommes sur terre) et lalbatros, (oiseaux dans le ciel). Ilsont tout de mme un point commun : la mer quils se partagent, pont entre les deux mondes. Leprsent de lindicatif valeur itrative (habitude) montre lemprise que les marins souhaitent avoir surlanimal. Il dsigne les albatros par vastes oiseaux des mers , une priphrase qui se veut laudative,mliorative.

    V4 : Ce vers propose un jeu phontique avec des allitrations en [g] et en [r], sonorits la fois douceset agressives. La scne est alors thtralise, une atmosphre se cre. La parole potique aspire uneforme dharmonie, de musicalit.

    V8 : La comparaison comme des avirons donne une image triviale qui prouve que loiseau estentrav dans ses gestes, quil ne peut progresser. Le pote de la mme faon tellement de penses,dides, trop grandes et incomprises par le commun des mortels quelles le gne en socit.

    6.2 Le pote est victime/incompris de la socit qui lentoure V11 et 12 : Les marins agressant vulgairement loiseau montre une image de la socit de lauteur.Baudelaire fait rfrence aux mauvaises critiques reues lors de la premire parution des Fleurs duMal et de son procs en 1857, attaqu par Ernest Pinard pour outrage la morale publique.

    V3 : Ce vers est une proposition subordonne relative qui contient une expansion du nom indolentscompagnons de voyage qui caractrise lalbatros. Loiseau est en quelque sorte affili aux marins,il a besoin de nourriture comme le pote aurait besoin dun public, mais aussi dune inspiration, nourriture de ses vers, lui venant de la socit qui lentoure.

    V5 : A peine les ont-ils... Le pote prsente les conditions, les circonstances de son anecdote parune locution verbale valeur temporelle, donnant limpression dune action soudaine, instantane :loiseau perdra de sa superbe dans linstant. De la mme faon, ds que le pote se retrouve au milieudes hommes, il devient victime de toutes les railleries. Une fois dpos sur les planches , lalbatrosest coup de son Univers, les airs, pour arriver dans celui des hommes : en effet les planches sontde production humaine et artificielle. Il est alors priv de sa libert et rabaiss.

    V6 : La csure spare la priphrase mliorative Que ces rois de lazur des adjectifs dprciatifs Maladroits et honteux en une coupure nette, dcalage entre le statut du pote, qui volue dans leshautes sphres et celui des autres hommes. Redescendu leur ct il redevient banal comme eux, etdonc maladroit et honteux, lieu commun de toute lhumanit.

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  • V7 : Ladverbe piteusement est mis en valeur par le nombre de syllabes et prend donc toute sonimportance dans le vers : sur le sol, loiseau perd de sa superbe et devient pitoyable. On tombe icidans le registre pathtique. On peut sparer les deux hmistiches de ce vers (6/6) par leur sens : laissent piteusement soppose en effet leurs grandes ailes blanches crant un contraste dans ladescription de lalbatros entre les cts mlioratif et pjoratif. Les ailes de loiseau sont ce qui le dfini,le diffrencie des autres tres vivants, quelque chose denvi et rare. Le dsir des hommes de slever la manire des oiseaux existe depuis la nuit des temps (rfrence Icare). Les hommes sont jalouxde ce pouvoir quils nont pas et en vienne le mpriser et tenter de le tourner en ridicule.

    V9 : Loiseau, et donc le pote, est voqu dans la priphrase Ce voyageur ail . Le pote surplombele monde, il invite le lecteur le parcourir avec lui, il a le pouvoir dvasion. Pourtant, il a une faiblesse :sa fragilit dpend du regard que les autres posent sur lui.

    V10 : Le dbut et la fin de lalexandrin sont contrasts entre le ct mlioratif et pjoratif de lalbatros,marquant lopposition entre lavant et laprs. Le pote donne une image grotesque de loiseau dont labeaut venait dtre souligne par une expression positive accentu par ladverbe dintensit si .

    ConclusionBaudelaire donne dans ce pome une image du statut du pote son poque, en le comparant un

    albatros. Comme loiseau, le pote est plus proche de dieu et volue dans les hautes sphres. Mais ce pouvoirdvasion et son don attirent la jalousie et le mpris des autres hommes. Le pote nous montre que lui etses semblables dpendent de la socit qui les entoure et quils en deviennent les victimes incomprises.

    cAnne Le Duigou

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  • Le texte

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  • 7 Lecture Analytique no 7 : Art Potique , Nicolas BoileauBiographie de Nicolas Boileau

    Boileau est un ancien avocat, auteur du XVIe et XVIIe de satyre et dpitres. Il se place dans le mouvementdu classicisme aux rgles formelles et strictes. Il est contre une rvolution de lcriture potique etsinsurge contre les nouvelles rgles de la posie quil trouve dgrade, comme il lvoque dans son pome Lart potique de 1674. Il y dfinit sa conception de la posie en donnant les rgles de lcriture potiqueet insiste sur le rle du pote.

    7.1 Boileau voque sa conception de la posie.Boileau commence par voquer la posie de Malherbe quil considre comme une rfrence ; celle-ci est

    pour lui la posie idale. En effet, son loge pour le pote stend sur plusieurs vers, du V1 au V12 : V1 : Ladverbe temporel enfin privilgi par sa place en dbut de vers souligne lespoir, lidede renouveau, comme larrive du Messie , le guide suivre. Lide du guide est en effet suggredurant tout cet extrait sou forme de mtaphore file. Il le qualifie lui-mme ainsi de faon expliciteau V9 ce guide fidle . Et utilise une tournure injonctive au V11 Marchez donc sur ses pas ,ordonnant pratiquement aux potes de suivre cet exemple.

    V10 : Malherbe est lauteur modle pour les autres, dont linfluence est encore perceptible fin XVIIe. Le vers Ce que lon conoit bien snonce bien la tournure dun proverbe, on peut parler dapho-risme nonant une vrit gnrale. Le pote doit avoir lesprit des ides claires, elles mme noncesde manire limpide. Boileau montre donc son opposition la posie baroque et attaque les auteurstels que Chassignet, Du Batras ou Jean de Sponde.

    V5 : Boileau lui accorde sa reconnaissance, notamment au vers 5 o il utilise ladjectif qualificatif sage .

    V2 : Lexpression : Juste cadence insiste sur la ncessit dune harmonie rythmique.

    7.2 Boileau dfinit la fonction du pote. V31-32 : Le pote doit avant tout sintresser la clart de la langue et de ses propos. Les deuxderniers vers le rsument bien : Lopposition entre les 2 termes mis la rime marque lantithse entrela tournure superlative divin et ladjectif pjoratif mchant . Le pote doit rester clair, ne jamaisavoir des propos hermtiques au lecteur ou incomprhensibles. Le locuteur interpelle les autres poteset les met en garde : ce qui compte avant tout cest la comprhension du texte par le lecteur. Il appuicette ide par lopposition des possessifs vos vers et mes ides , marquant la brche entre lesdeux monde facilement ouvrable.

    V20 : Le pote doit apprendre penser avant dcrire. Le mode verbal impratif prouve que lauteurveut donner un conseil aux crivains contemporains. Son ton est dogmatique, premptoire, catgorique.La csure marque la sparation entre les deux tapes (penser/crire), quelles doivent tre faites defaon ordonnes lune aprs lautre et pas simultanment.Ce texte est une mise en abyme, o le pote explique dautres auteurs comment crire un pometout en en rdigeant un lui-mme, comme pour montrer lexemple.Une des fonctions du pote pour Boileau est de montrer aux autres le chemin suivre, et cest donc cequil fait lui-mme en donnant un exemple de pome rdig dans les rgles de lart, appuyant le sensde son crit. Les potes doivent dfinir leur rle partir des autres crivains. Malherbe fait voluerle genre potique vers une forme didal. Tout connait ses lois donne la rhtorique de lexemplum,et montre le modle suivre.

    V4 : Malherbe a su canaliser son inspiration. Cest la forme du texte qui prvaut, pas son contenu.Pour Boileau, il ne sert rien de dire pour mal dire. La mtonymie, voir lallgorie de la Muse oun nom propre est transform en nom commun montre le dnigrement de lauteur.

    ConclusionBoileau est un auteur classique qui ne tolre pas dentorse aux rgles de lcriture potique. Pour lui,

    mieux vaut ne rien dire si cest pour mal le formuler et aucune pense nest plus importante que la forme.Il faut savoir canaliser son criture, la faon du pote Malherbe dont il fait lloge durant tout lextrait.

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  • Lauteur nous donne donc ici limage quil se fait de la fonction du pote et des rgles quil doit suivre envoquant sa conception de la posie.

    Le texte

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  • 22

  • 8 Lecture Analytique no 8 : Le Barbier de Sville (I, 1) : Scne dexpo-sition

    8.1 Cette scne une fonction informative Lieu de laction : Dans une rue de Sville, en Espagne. Ce choix renvoie au gout pour lexotisme dupublic. Cest une allusion la pice Labuseur de Sville (renomme Tirso de Molina) qui a inspirDon Juan, la pice de Molire. Lespace scnique est ouvert, facilitant les dplacements et les passages,larrive de nouveaux personnages. Un acte en extrieur est moins contraignant pour le dramaturge. Lesgrilles devant les fentres soulignent lopposition avec lintrieur et mettent doffice lespace scniquesous tension.

    Costume : Le personnage volue cach et dguis. Le geste de tirer sa montre traduit limpatiencedu personnage. On peut aussi y voir un clin dil au mtier dhorloger, dont Beaumarchais faitlapprentissage. Le sentiment dimpatience est soulign par le champ lexical du temps trs prsentdans le texte : tt , instant , matin , temps ... Accompagn du champ lexical de lhabitude coutume , tous les matins , il montre aussi quil sagit dun rituel quotidien pour le personnage,quil est obsd par le temps qui passe et lheure.

    Phrase1 : Le personnage semble avoir perdu la notion du temps car il est amoureux. Il aimerait que letemps sacclre pour voir son aime. Leffet phontique avec les assonances en [e] donne limpressiondune parole scande, telle lavance des aiguilles dune horloge.

    Phrase 2 : Lallusion la jalousie (treillis de bois ou de fer fix sur une fentre qui permet de voirsans tre vu) nous donne linformation que la femme quil aime, Rosine, se montre tous les jours la fentre, son dsir de sortir. La jalousie peut avoir un double sens, puisquil peut aussi sagir de lajalousie dun autre. Rosine est inaccessible et cach derrire plus quun objet physique, ajoutant desobstacles la qute du personnage.

    Phrase 3 : Limportance du rituel est encore souligne dans cette phrase. En disant il vaut mieuxarriver trop tt en utilisant un prsent de vrit gnrale, le comte montre quil ne semble vivre quepour cet instant tant attendu mais phmre o Rosine va apparatre. Elle est lobjet dune obsessionqui peut pousser le comte commettre des actes excessifs.

    Phrase 4 : On apprend que le comte est un homme de Cour , quil a un statut social lev.Le complment circonstanciel de lieu Madrid montre que le comte a parcouru des centaines dekilomtres pour voir Rosine. On apprend aussi que le comte na jamais parl Rosine et quil ne laconnat pas encore.

    Parlant des chevaliers du temps dIsabelle comme quelque chose dancien et vieux jeu, montrantainsi que le temps de lhistoire, lpoque dans laquelle il volue est postrieure au temps dIsabelle (XVIIe sicle).

    Phrase 5 : Le comte nonce ici un aphorisme Chacun court aprs le bonheur Phrase 6 : Par la mtonymie le cur de Rosine , le comte entend conqurir et plaire la femme. Iljustifie, comme pour se rassurer lui-mme, son besoin dtre aim par Rosine et den tre fou amoureux.

    Dernire phrase : Limportun annonce larrive dun autre personnage, dun second dans la picesuivante. On sait que le comte va faire des rencontres pendant la pice, qui pourront soit laider soitdevenir de nouveaux obstacles pour lui dans sa qute.

    Dans ce monologue, le personnage dresse un portrait de lui-mme. On en apprend donc plus sur lui,sa caractrisation interne, comme le rejet des mariages par intrt, par convenance et le rejet dulibertinage, des valeurs nobles lui donnant laspect du hros de lhistoire.

    Il prsente aussi un deuxime personnage qui nest pas encore prsent. Puisquil est un personnagenoble qui en vient attendre sous les fentres de cette femme, on peut penser quelle sera spciale etquelle mrite tant dattention.

    Enfin, il donne le thme de la pice, qui sera une intrigue amoureuse.

    8.2 Elle a aussi une fonction apritiveLa pice commence donc sur une prsentation de lhistoire qui se doit de captiver, le lecteur/spectateur. Le lecteur/spectateur est amen imaginer et sinterroger sur ce quil se passe derrire les murs, dansles maisons. Ds le dbut de la pice, une atmosphre mystrieuse est cre, lespace thtral est encore conqurir.

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  • Le costume nigmatique du comte insiste sur la thmatique du dguisement, de la supercherie. Ledguisement cr dj un aspect comique.

    Est encore loigne Le spectateur sidentifie au comte et se place dans une situation dattente, demnagement, dimpatience.

    Le pronom personnel elle cr un horizon dattente chez le spectateur qui dsire lui aussi rencontreret voir cette femme au caractre surement exceptionnel puisquun comte en est attir. On imagine labeaut de la femme pour laquelle le comte est capable de parcourir de grandes distances tel un chevalieret de perdre sa dignit.

    Le personnage ponyme et surement le principal, Le Barbier de Sville napparat pas encore dansla pice, crant une nouvelle forme dattente pour le spectateur. Son horizon dattente est djoue,napparat que de manire allusive dans la dernire exclamation au diable limportun ! .

    Figaro qui arrivera dans la pice suivante est qualifi d importun . Ce terme est en effet appropripour le valet, qui sera la fois adjuvant pour le comte et opposant pour Bartholo.

    Le monologue, rendu dynamique par des questions rhtoriques, des phrases nominales et une ponc-tuation forte, rvle les penses du comte et cr une connivence entre le personnage et le spectateur,liant ce dernier au premier pour le reste de ses aventures.

    Le comte fait un paradoxe avec Il est si doux dtre aim pour soi-mme . En effet, il ne connait pasRosine, et pourtant aspire un amour sincre : la rencontre amoureuse est mnage. Le spectateurprouve demble de la sympathie pour ce hros attachant qui parait noble et sans vanits. Pourtant,le personnage disant tre aim pour lui-mme est dguis, et donc nest pas vraiment soi-mme .

    Le lecteur se demande si lhomme russira trouver son bonheur, quil semble chercher avec acharne-ment et se doute quil sagira du but de la pice, que son accomplissement sera le moment o il seraou non en couple avec Rosine. Ce suspens donne envie au lecteur de continuer la pice, afin den voirle dnouement. Le comte semble en effet risquer son honneur et sa dignit comme il le suggre avec il me prendrait pour... . Il pourrait paraitre ridicule courtiser ainsi cette femme de manire trange.Peut-tre que le statut social du comte sera un nouvel obstacle pour les personnages qui devront secacher et tout risquer pour leur amour.

    ConclusionLes principes dune scne dexposition sont dexposer les prmices de la fable (histoire), de donner une

    premire approche des personnages, les indications de lieu, la tonalit, la situation dnonciation (comique,tragique...) et de faire office daccroche de donner au lecteur/spectateur lenvie de connatre la suite.

    Cette scne sinscrit bien dans une fonction informative et incitative.cAnne Le Duigou

    Le texteACTE PREMIER.

    Le thtre reprsente une rue de Sville, o toutes les croises sont grilles.

    SCNE PREMIRE.

    LE COMTE, seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.

    Le jour est moins avanc que je ne croyais. Lheure laquelle elle a coutume de se montrer derrire sajalousie est encore loigne. Nimporte ; il vaut mieux arriver trop tt, que de manquer linstant de la voir.Si quelque aimable de la Cour pouvait me deviner cent lieues de Madrid, arrt tous les matins sous lesfentres dune femme qui je nai jamais parl, il me prendrait pour un Espagnol du temps dIsabelle. -Pourquoi non ? Chacun court aprs le bonheur. Il est pour moi dans le cur de Rosine. - Mais quoi ! suivreune femme Sville, quand Madrid et la Cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? - Et cest celamme que je fuis. Je suis las des conqutes que lintrt, la convenance ou la vanit nous prsentent sanscesse. Il est si doux dtre aim pour soi-mme ! Et si je pouvais massurer sous ce dguisement. . .Au diablelimportun !

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  • 9 Lecture Analytique no 9 : Le Barbier de Sville (I, 2) : Le portraitde Figaro

    9.1 A partir de cette tirade, on en apprend plus sur le pass de Figaro On en apprend plus sur la condition sociale du personnage lorsquil appelle le comte Excellence :il nest pas noble mais de condition infrieure : en effet lorsquil dit mon ancien matre en parlantdu comte, on apprend quil tait au service du personnage (son valet) et quil a dsormais regagn salibert. On apprend le lien quentretenaient Figaro et Almaviva. Dailleurs, par je suis heureux ,Figaro nous apprend quils entretenaient une relation presque amicale, pour le moins agrable et quila de la sympathie pour lui.

    Le personnage dbute une analepse par Voyant Madrid , nous apprenant quil vivait Madrid.La ville est ici pour le spectateur un espace virtuel puisquil nest quvoqu par un des personnages,en opposition avec lespace scnique dans lequel ils voluent.

    On en apprend aussi sur ses occupation, son pass de littraire puisquil tait la Rpubliquedes Lettres . Cette inadquation avec sa condition de valet permet deffectuer un rapprochementautobiographique avec Beaumarchais.

    Il fait allusion une socit o le plus fort domine en lattribuant mtaphoriquement aux loups ,insistant sur une animalisation de la socit des Lettres par laquelle il semble stre fait malmener. Ilsagit ici dune critique de Beaumarchais envers la Rpublique des Lettres franaise dont il faitpartie en se cachant derrire le cadre espagnol de la pice. Figaro le reprsente, victime de la Cabale(complot) et de la censure comme beaucoup dauteurs de son poque.

    Lnumration de participes passs pjoratifs Fatigu dcrire, ennuy de moi... montre la lassitudedu personnage, consquence de lacharnement des loups , caractrisant lattitude du personnage.Nous sommes dans une situation de double nonciation, il est le porte-parole de Beaumarchais, donnant cette tirade une dimension autobiographique. Beaumarchais fait une mise en abyme, tant en traindcrire.

    Figaro nous apprend aussi quil a d faire face des problmes dargent. Les termes misres , bagage sautoir , rappellent le personnage du picaro (en littrature espagnole, jeune homme vivantdes pripties lors dun parcours initiatique). Le personnage semble mener une vie romanesque. Il part laventure sans peur du changement ou de la coupure, image trs visuelle mtaphore de la lgretde Figaro, toujours en qute de mouvement et de nouveaut. Il sagit dun topos du hros picaresque.On peut dailleurs remarquer le rapprochement, la paronomase entre les noms Figaro et picaro.

    Il fait une antithse avec les termes utile et vains qui, associe aux mtonymies rasoir et plume , souligne la diffrence entre son mtier artisanal ne prtant pas la critique comme lemtier prcaire et instable dcrivain qui peut paratre glorieux mais ne lui apporte finalement que desproblmes. On peut parler ici dune nouvelle mise en abyme de lauteur.

    La csure dans lexpression en 12 pieds accueillit dans une ville, emprisonn dans lautre marquelopposition par un rythme binaire. Il donne la cadence dans le voyage, illustrant la vie doppositionsde Figaro, chaotique mais quil a construit lui-mme et qui ne lui dplat pas.

    La relation matre/valet est inverse lors de la question du comte Qui tas donn ... ? , montrantladmiration du personnage et son tonnement : le Figaro quil retrouve est diffrent de lancien, celuiquil connaissait.

    9.2 On en apprend aussi sur la philosophie et le portrait moral du personnage Figaro fait allusion la bonne toile qui a provoqu cette rencontre en utilisant lexpression cestbon ange , donnant lhumeur du personnage et son avis sur cette rencontre fortuite : il semble en treheureux.

    La formule de complaisance mon ancien matre est la limite de la dsinvolture, montrant unpersonnage semblant se moquer des codes ou de la hirarchie sociale.

    Son discours devient polmique (ensemble de procds soulevant un dbat dides qui mettent laccentsur la confrontation entre deux points de vue) et satyrique lorsquil dit que la Rpublique des Lettresest celle des loups , mettant une critique sociale passant par le rire et lironie. Figaro nhsite pas sattaquer aux gens de lettre qui lont malmen. En ralit, Madrid est un alibi pour faire une satire dela socit franaise. On reprochait (et notamment au duc de Chaumes) Beaumarchais sa polyvalence

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  • et de ntre quun ple imitateur de Molire sans originalit. Linspiration de Beaumarchais pourcette pice est certainement en partie tire de son voyage en Espagne de 1764 o il a dcouvert lesIntermdes, petites farces agrmentes de chansons.

    Lexpression Toujours arms les uns contre les autres une dimension polmique. Ladverbetemporel toujours montre que ces querelles sont permanentes. Le paralllisme Les uns / Lesautres marque lopposition. Il ne sinclut pas dans la socit intestine quil dpeint. Figaro met unecritique, un jugement. Cette socit la rendu aigrit.

    Il qualifie leur acharnement de risible , adjectif dprciatif rvlant une moquerie. En effet, il faitune satire de la Socit des Lettres quil dnigre et mprise.

    Lnumration des noms dinsectes insectes,..., maringouins... Est une mtaphore dsignant laRpublique des Lettres et est dtaille pour attaquer chaque fonction. Les insectes inspirent le dgouttout comme ils linspirent Figaro. Il les compare des animaux suceurs de sang comme ces hommesont lhabitude de sucer toute la substance. Il mprise ces critiques, qui incapables de crer eux-mmes,jalouse les travaux des crivains et veulent tout de mme faire profit de quelque chose.

    Le registre devient pathtique avec ladjectif malheureux. Il sinclut dans cette catgorie et inspire lapiti, la sympathie du lecteur.

    Ladverbe philosophiquement montre lide que se fait Figaro du voyage, que cest sa philosophiede vie. En parcourant lEspagne, il a jou un rle dobservateur, est rest en retrait. Cest pour lui la fois un voyage ontologique, intrieur et gographique, extrieur. Il numre les rgions Castilles,la Manche... , Noms propres donnant la couleur locale, le ct exotique de la pice.

    En disant la fois quil se sentait suprieur et quil riait de sa misre Figaro fait une antithseet un paradoxe. Il illustre encore sa philosophie de vie. Ce Figaro est suprieur aux vnements.

    Cest un personnage anticipateur, opportuniste, qui tombe propos, aidant au bon temps , qui faitune prolepse par rapport la suite de la pice.

    Ladverbe valeur dintensit aussi dans lexpression une philosophie aussi gaie souligneltonnement du comte et le caractre exceptionnel de Figaro et sa lgret. La rponse de Figaro Lhabitude du malheur sous forme de phrase nominale est paradoxale. Cette philosophie de vieempirique repose sur laccumulation des expriences.

    Lexpression faisant la barbe tout le monde est une allusion au personnage ponyme de la pice.Elle rapporte par mtonymie la fonction de Figaro et au temprament moqueur, espigle et insolentdu personnage. Figaro domine la parole thtrale, inversion dj la relation matre/valet. Cela rsumebien la pice qui en effet reposera sur la tromperie du valet.

    ConclusionFigaro a volu au cours de sa qute passe et a acquis une philosophie empirique, plus gaie et dtache.

    Sa tirade est une mise en abyme de lauteur, de la pice elle-mme (Figaro est lacteur principal), de lalittrature de lpoque et du rle de la parole thtrale (jouant sur les contrastes des personnages.) Ellersume la condition des gens de lettre, et la philosophie de Beaumarchais, optimiste et joviale. Le valetdoit accomplir les volonts de son matre mais accepte sa condition. A la fin de cette scne, la relationmatre/valet redevient normale et rendre dans lordre. La dernire phrase de la scne tu me perds. ,prononce par lancien matre de Figaro est valeur prmonitoire : en effet Figaro perdra son matre durantla pice, qui est dsormais Bartholo.

    cAnne Le Duigou

    Le texteActe I, Scne II.

    FIGARO ; LE COMTE

    LE COMTE. Ta joyeuse colre me rjouit. Mais tu ne me dis pas ce qui ta fait quitter Madrid.FIGARO. Cest mon bon ange, Excellence, puisque je suis assez heureux pour retrouver mon ancien

    matre. Voyant Madrid que la rpublique des lettres tait celle des loups, toujours arms les uns contreles autres, et que, livrs au mpris o ce risible acharnement les conduit, tous les insectes, les moustiques,les cousins, les critiques, les maringouins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les censeurs, et tout ce qui

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  • sattache la peau des malheureux gens de lettres, achevait de dchiqueter et sucer le peu de substance quileur restait ; fatigu dcrire, ennuy de moi, dgot des autres, abm de dettes et lger dargent ; la finconvaincu que lutile revenu du rasoir est prfrable aux vains honneurs de la plume, jai quitt Madrid ;et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les deux Castilles, la Manche, lEstramadure,la Sierra-Morena, lAndalousie, accueilli dans une ville, emprisonn dans lautre, et partout suprieur auxvnements : lou par ceux-ci, blm par ceux-l ; aidant au bon temps, supportant le mauvais ; me moquantdes sots, bravant les mchants ; riant de ma misre, et faisant la barbe tout le monde, vous me voyez enfintabli dans Sville, et prt servir de nouveau Votre Excellence en tout ce quil lui plaira de mordonner.

    LE COMTE. Qui ta donn une philosophie aussi gaie ?FIGARO. Lhabitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur dtre oblig den pleurer. Que

    regardez-vous donc toujours de ce ct ?LE COMTE. Sauvons-nous.

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  • 10 Lecture Analytique no 10 : Le Barbier de Sville (II, 7) : Scne defarce

    10.1 Beaumarchais exploite le comique farcesqueComique de rptition

    La reprise des mmes indications scniques dans les didascalies forme des rptitions des gestes ternuant , baillant , pleurant ... Sinscrivant dans une forme de comique de rptition. Lephilosophe du XIXe Henri Bergson dfinit ce procd dans son essai sur le rire et le comique comme du mcanique plaqu sur du vivant . Comique de geste :

    Il utilise ici la technique du Lazzi, qui ne ncessite pas dchanges et faire rire grce une gestuelleexagre.

    Comique de mot

    La dnomination des personnages est antiphrastique : La Jeunesse est un vieillard , et Lveilltombe de sommeil. Beaumarchais a fait un paradoxe dans les noms et lattitude des personnages,crant un effet comique.

    Lonomatope de Bartholo et tchi et tcha est moqueuse envers la jeunesse en limitant. Cetteparole lgre est libre et ludique. Il les contrefait , les imite, et on peut mme imaginer un gestuelaccompagnant ses propos, ajoutant au caractre comique de la rplique. Beaumarchais fait une miseen abyme en faisant jouer un double rle au personnage : il fait du thtre dans le thtre.

    Lexpression Tu ternueras dimanche est paradoxale. Bartholo essaie duser de son autorit dematre de faon absurde, se ridiculisant autant que ses valets.

    Comique de situation

    Dans lexpression de lhyperbole voil plus de 50... 50 fois... dans un moment ! , la parole thtraleest interrompue par des points de suspension et ponctue de points dexclamation. Cette phrase o legeste et la parole sont mlangs traduit la lassitude du personnage.

    Bartholo est ironique en rptant pauvre homme de bien , qui est une antiphrase. Il se moqueencore une fois de ses valets.

    Il donne dans ses propos une vision image de la scne en la dcrivant Lun mternue au nez, lautremy baille. Il sagit dun paralllisme o le personnage raconte aux spectateurs ce quil se passe surscne, renchrissant ainsi sur le comique de geste visuel dj trs prsent.

    Comique de caractre

    je suis bris est une mtaphore valeur hyperbolique, saccordant au caractre du personnage. Bartholo comme le pouvoir de faire entrer et sortir les personnages, comme sil tait le dramaturgelui-mme. En effet lEveill ne parlera plus et sortira sous son injonction sors donc .

    10.2 Beaumarchais exploite le comique dans le but dune critique sociale Bartholo semble suprieur en tout ses valets. Dans lexpression quand une chose est vraie... pasvraie , la triplication du mot vraie donne un effet dinsistance et de martlement dans ses propos,montrant la supriorit dune parole autoritaire et crasante. Il se prsente comme intolrant, injusteet de mauvaise foi. Ses valets ne sont devant lui que des pantins qui feront tout ce quil veut, exposantun rapport de force de dominant/domin. Le puissant domine les faibles, image de la hirarchie pyra-midale du XVIIIe sicle. Cette relation matre/valet sera pourtant inverse dix ans plus tard, aprs larvolution franaise. La dmarche satyrique et comique se met ici au service de la critique sociale.

    Ltat de sant des valets est affect par laction de Figaro. Leur image et leur apparence physiquene sont pas valorises et ils prsentent mme des infirmits physiques comme le dit La Jeunesse par Je suis bris . Cette rplique courte rsume sa condition sociale actuelle et atemporelle. Les valetsnont pas la parole au thtre. La brivet de leurs interventions plutt anecdotiques montre bienquils nont pas de fonction importante au sein de la pice et ne servent qu faire rire. Le malheurdes valets souligne aussi la force de lingniosit et de limportance du personnage principal, Figaro,

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  • alors quil nest mme pas prsent dans la scne. Ils sont instrumentaliss par le dramaturge, tels desmarionnettes de la commedia dellarte.

    La comparaison opposant les termes homme de bien et misrable parat anodine, masquepar le comique. Le sentiment dinjustice est confirm, mettant en vidence la faiblesse du personnage.On devine lagressivit verbale et physique de son matre son gard. Bartholo pense mme pourvoirdcider des fonctions organiques de ses valets, mettant encore en avant sa suprmatie en ordonnant tu ternueras dimanche . Le matre fait abstraction de leur humanit ne tient pas compte de leursbesoins et joue les despotes. Il utilise des injonctions autoritaires telles que je vous demande... .

    Bartholo souligne un trait de caractre de Figaro, le rus... Il apparat comme trs mfiant voiremme paranoaque. Cette scne nest en ralit quun pseudo-dialogue puisquil ncoute que lui.

    Cette scne montre le rapport dominant/domin qui sinversera plus tard. Du point de vue du statutsocial, cest en effet Bartholo qui est suprieur Figaro qui lui-mme est encore suprieur La Jeunesseet LEveill.

    Bartholo fait une anadiplose en rptant De la justice ! , dernier mot de la question rhtoriquequi prcde. Cest une rponse mprisante, accompagne par vous autres misrables , rabaissantencore ses valets. La justice semble alors ne pas faire partie du monde des bourgeois, des puissants.On observe ici une des vises de la comdie qui doit rire et faire rflchir : on peut citer corriger lesmurs par le rire .

    Le pronom personnel moi plac en apposition dans lexpression je suis votre matre, moi,pour avoir toujours raison insiste sur le statut social dominant. Bartholo pense tre une rfrence,dtenant toujours la vrit sous prtexte quil est plus lev queux au niveau social. La rupture dansla construction de la phrase donne une structure syntaxique bancale de cette anacoluthe, illustrant leraisonnement erron de Bartholo. Il se pose tout de mme comme un obstacle contraignant. Il nestpas dupe et est conscient des manigances dont il est victime. Il sait dj quil court sa perte danscette histoire. Le despote est dj isol, seul dans son idologie, plus faible.

    Dans la premire version du Barbier, Rosine devait intervenir avec cette phrase Vous ntes pasaussi malheureux que moi. . Le registre pathtique utilis par les personnages (autres que Bartholo)renforce le caractre cruel du matre.

    ConclusionCette scne rapporte en particulier lautorit abusive que Bartholo utilise sur ses valets maltraits. La

    parole thtrale est rendue impossible, donnant du comique la pice et illustrant les rapports sociaux entrematres et valets. La comdie tend vers la farce mais a aussi pour but de faire rflchir, illustrant deux topode la comdie.

    cAnne Le Duigou

    Le texteActe II, Scne VII

    LES ACTEURS PRCDENTS, LA JEUNESSE

    La Jeunesse arrive en vieillard avec une canne en bquille ;il ternue plusieurs fois.LVEILL, toujours billant. La Jeunesse ?BARTHOLO. Tu ternueras dimanche.LA JEUNESSE. Voil plus de cinquante. . .cinquante fois. . .dans un moment ! (Il ternue.) Je suis bris.BARTHOLO. Comment ! Je vous demande tous deux sil est entr quelquun chez Rosine, et vous ne

    me dites pas que ce barbier. . .LVEILL, continuant de biller. Est-ce que cest quelquun donc, monsieur Figaro ? Aah, ah. . .BARTHOLO. Je parie que le rus sentend avec lui.LVEILL, pleurant comme un sot. Moi. . .Je mentends !. . .LA JEUNESSE, ternuant. Eh mais, Monsieur, y a-t-il. . .y a-t-il de la justice ?. . .

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  • BARTHOLO. De la justice ! Cest bon entre vous autres misrables, la justice ! Je suis votre matre, moi,pour avoir toujours raison.

    LA JEUNESSE, ternuant. Mais, pardi, quand une chose est vraie. . .BARTHOLO. Quand une chose est vraie ! Si je ne veux pas quelle soit vraie, je prtends bien quelle ne

    soit pas vraie.Il ny aurait qu permettre tous ces faquins-l davoir raison, vous verriez bientt ce que deviendrait

    lautorit.LA JEUNESSE, ternuant. Jaime autant recevoir mon cong.Un service terrible, et toujours un train denfer !LVEILL, pleurant. Un pauvre homme de bien est trait comme un misrable.BARTHOLO. Sors donc, pauvre homme de bien ! (Il les contrefait.) Et tchi et tcha ; lun mternue au

    nez, lautre my bille.LA JEUNESSE. Ah, Monsieur, je vous jure que, sans Mademoiselle, il ny aurait. . .il ny aurait pas

    moyen de rester dans la maison.Il sort en ternuant.

    BARTHOLO. Dans quel tat ce Figaro les a mis tous ! Je vois ce que cest : le maraud voudrait me payermes cent cus sans bourse dlier. . .

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  • 11 Lecture Analytique no 11 : Le Barbier de Sville (IV, 8) : Le dnoue-ment

    Le dnouement est une scne stratgique et importante o le sort des personnages est scell. Dans unecomdie, ce dnouement est heureux et le hros obtient ce quils dsiraient. Les bons prennent le dessus surles mauvais.

    11.1 Dnouement Tous les personnages sont sur scne, leur nombre est donc important. La prsence de tous les person-nages est une particularit de la comdie classique. Cette runion est ncessaire pour exprimer lavenirde chacun des personnages. La didascalie augurale de la scne annonce tous les personnages connus etde nouveaux acteurs faisant office de publique. Lespace intime de Bartholo, sa maison a t conquisepar Figaro et Almaviva. Lui qui ne voulait personne dans sa demeure au dbut se retrouve avec denombreuses personnes, mme inconnues chez lui.

    La phrase exclamative des Bartholo Rosine avec ces fripons ! est nominale. Il est surpris et cetterplique courte donne limpression que sa parole thtrale est aussi limite que lui. Il est victime dela situation. Tout est fix et on approche de la fin de la pice.

    Bartholo croit en la thorie du complot Ils taient tous contre moi . Cest la chute de Bartholo, lerapport de force hirarchique et social est invers. Mais son pouvoir avait dj t usurp pendant lapice et il sen rend compte, il sait quil na jamais eu aucune chance darriver ses fins.

    Rosine fait une affirmation courte et catgorique Rosine : il dit vrai... Le dialogue est trs vif,agrment de questions rhtoriques. Rosine prend le pouvoir et lui tient tte en renvoyant Bartholo ses propres propos.

    Les anadiploses telles que heures indues , notaire et lenchanement de questions/rponses avecun enchanement de rpliques courtes annonce une chute rapide, et illustre le rythme du dnouement.

    Les termes Fautes de soin et faute de sens font une anadiplose et une paronomase. La paroleest fluide et continue, image de la vivacit caractristique cette pice.

    11.2 Valider le caractre des personnagesBartholo : Il tente toujours dtre autoritaire mais perd de plus en plus de son pouvoir. La ponctuation trs

    forte et marque dinterjections telles que Ah Don Bazile !... et Eh , montre son emportementet sa surprise. Le traquenard est confirm, il prend conscience quil a t pig depuis le dbut de lapice.

    Bazile : Il apparat de nouveau superficiel et ne connat pas le vrai amour. Il est faible et se montre cupide,comme avec cette rplique calculez docteur que largent vous reste . La tournure injonctive utili-sant limpratif comme fonction de conseiller Bartholo, de prendre largent comme une consolationpuisquil a perdu Rosine. Il tente mme de rendre les autres personnages aussi cupides que lui.

    Figaro : Il est le matre de lintrigue et son importance est souligne puisquil donne la dernire rplique et le dernier mot dans cette histoire. Il souligne la force de la jeunesse et de lamour en le personnifiantsur la vieillesse de Bartholo par opposition. Il donne la morale, lenseignement au spectateur/lecteur.Bartholo a beau tre un bourgeois, il ne peut pas obtenir tout ce quil dsire malgr son statut social.

    Le Comte Almaviva : Dans sa rplique Oui, le rang... il reprend les paroles de Bartholo mais soulignela supriorit de lamour sur la hirarchie sociale. Il incarne des valeurs nobles, de hros chevaleresque,ne rclame que la reconnaissance par lamour. Il est loppos de Bartholo et Don Bazile.Il accorde foi en une justice que les personnages prsents nincarnent pas par laphorisme Les vraismagistrats sont les soutiens... faisant office de morale et sentence avec on prsent de vrit gnrale.

    Rosine : Elle est discrte mais pertinente. Elle ne fait quune seule intervention pose. La jeune fille estdevenue une femme au cours de la pice, elle a volu et accomplit sa destine. En effet, Le comtele souligne en Commenant une de ses phrases par Mademoiselle mais en la terminant par Mafemme , illustrant le chemin et laccomplissement du destin de Rosine.

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  • 11.3 Corriger les murs par le rire Dans cette scne sont prsents les registres comique et satyrique. Figaro Riant , un rire moqueur

    pour Bartholo et Don Bazile. Il dnonce lhypocrisie des nobles, des clercs et des hommes de pouvoirpouvant facilement changer de point de vue pour largent. Leur vnalit est souligne.

    Le futur dans la rplique de Bartholo je me moque de ses arguments, juserai de mon autorit est valeur hypothtique, pas prophtique. Il ne pourra en effet pas user de son autorit. Il se croit plusfort que les autres grce son statut mais le public doit en ralit se rendre compte que cest faux.

    La didascalie Figaro embrasse grotesquement Don Bazile souligne le comique de geste. Ladverbecirconstanciel de manire illustre le caractre comique du personnage. Il incarne la VIS COMICA, laforce comique. Nous sommes presque dans une scne de farce, o un homme dglise se fait embrasser.Beaumarchais se permet dangereusement de se moquer de tout dans sa pice.

    Les interventions ridicules du notaire ne sont-elles pas deux ? ou je ny comprends plus rien font partie du comique de situation. Beaumarchais rgle ses comptes avec les hommes de loi dans unesatire, inversant les valeurs : un homme sens tre clairvoyant et objectif apparait en fait comme naf,idiot et crdule.

    La tournure restrictive de Que la quittance de... donne un aspect comique, en dcalage avec lesrpliques prcdentes. On peut penser au dnouement de Don juan o le valet crie mes gages pourrclamer ses droits et son argent alors que son matre est en train de mourir, paraissant totalementdplac.

    ConclusionCette scne est le dnouement de la pice o tous les personnages sont prsents et leurs caractres sont

    confirms. Beaumarchais corrige les murs par le rire grce la critique sociale. Le dnouement est heureux,typiquement la comdie. La pice finit sur le mariage du comte, et dans le deuxime volet Le mariage deFigaro, une nouvelle intrigue amoureuse est attendue.

    cAnne Le Duigou

    Le texteScne 8 et dernire

    BARTHOLO, UN ALCADE, DES ALGUAZILS,

    DES VALETS avec des flambeaux, et LES ACTEURS PRCDENTSBARTHOLO voit le comte baiser la main de Rosine, et Figaro qui embrasse grotesquement don Bazile ;

    il crie en prenant le notaire la gorge. Rosine avec ces fripons ! Arrtez tout le monde. Jen tiens un aucollet.

    LE NOTAIRE. Cest Votre notaire.BAZILE. Cest Votre notaire. Vous moquez-Vous ?BARTHOLO. Ah ! don Bazile, et comment tes-Vous ici ?BAZILE. Mais plutt Vous, comment ny tes-Vous pas ?LALCADE, montrant Figaro. Un moment ! je connais celui-ci.Que viens-tu faire en cette maison, des heures indues ?FIGARO. Heure indue ? Monsieur voit bien quil est aussi prs du matin que du soir. Dailleurs, je suis

    de la compagnie de Son Excellence monseigneur le comte Almaviva.BARTHOLO. Almaviva !LALCADE. Ce ne sont donc pas des Voleurs ?BARTHOLO. Laissons cela. - Partout ailleurs, monsieur le comte, je suis le serviteur de Votre Excellence ;

    mais vous sentez que la supriorit du rang est ici sans force. Ayez, sil vous plat, la bont de vous retirer.LE COMTE. Oui, le rang doit tre ici sans force ; mais ce qui en a beaucoup est la prfrence que

    Mademoiselle vient de maccorder sur vous en se donnant moi volontairement.BARTHOLO. Que dit-il, Rosine ?

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  • ROSINE. il dit vrai. Do nat votre tonnement ? Ne devais-je pas, cette nuit mme, tre venge duntrompeur ? Je le suis.

    BAZILE. Quand je vous disais que ctait le comte lui-mme, docteur ?BARTHOLO. Que mimporte moi ? Plaisant mariage ! O sont les tmoins ?LE NOTAIRE. il ny manque rien. Je suis assist de ces deux messieurs.BARTHOLO. Comment, Bazile ! vous avez sign ?BAZILE. Que voulez-vous ? ce diable dhomme a toujours ses poches pleines darguments irrsistibles.BARTHOLO. Je me moque de ses arguments. Juserai de mon autorit.LE COMTE. Vous lavez perdue en en abusant.BARTHOLO. La demoiselle est mineure.FIGARO. Elle vient de smanciper.BARTHOLO. Qui te parle toi, matre fripon ?LE COMTE. Mademoiselle est noble et belle ; je suis homme de qualit, jeune et riche ; elle est ma

    femme : ce titre, qui nous honore galement, prtend-on me la disputer ?BARTHOLO. Jamais on ne ltera de mes mains.LE COMTE. Elle nest plus en votre pouvoir. Je la mets sous lautorit des lois ; et Monsieur, que vous

    avez amen vous mme, la protgera contre la violence que vous voulez lui faire. Les vrais magistrats sontles soutiens de tous ceux quon opprime.

    LALCADE. Certainement. Et cette inutile rsistance au plus honorable mariage indique assez sa frayeursur la mauvaise administration des biens de sa pupille, dont il faudra quil rende compte.

    LE COMTE. Ah ! quil consente tout, et je ne lui demande rien.FIGARO. . .que la quittance de mes cent cus ; ne perdons pas la tte.BARTHOLO, irrit. ils taient tous contre moi ; je me suis fourr la tte dans un gupier.BAZILE. Quel gupier ? Ne pouvant avoir la femme, calculez, docteur, que largent vous reste ; eh oui,

    vous reste !BARTHOLO. Ah ! laissez-moi donc en repos, Bazile ! Vous ne songez qu largent. Je me soucie bien de

    largent, moi ! A la bonne heure, je le garde ; mais croyez-vous que ce soit le motif qui me dtermine ?Il signe.FIGARO, riant. Ah, ah, ah, Monseigneur ! ils sont de la mme famille.LE NOTAIRE. Mais, Messieurs, je ny comprends plus rien. Est-ce quelles ne sont pas deux demoiselles

    qui portent le mme nom?FIGARO. Non, Monsieur, elles ne sont quune.BARTHOLO, se dsolant. Et moi qui leur ai enlev lchelle, pour que le mariage ft plus sr ! Ah ! je

    me suis perdu faute de, soins.FIGARO. Faute de sens. Mais soyons vrais, docteur : quand la jeunesse et lamour sont daccord pour

    tromper un vieillard, tout ce quil fait pour lempcher peut bien sappeler bon droit La Prcaution inutile.

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  • 12 Lecture Analytique no 12 : Dnouement de Rhinocros, Eugne Io-nesco (1958)

    IntoductionEugne Ionesco est n en 1909 et mort en 1994. Il est lun des dramaturges les plus importants du XXe

    sicle. Il est dorigine roumaine. Il est le chef spirituel du mouvement de labsurde. Pour cela, il cre unthtre contestataire, qui surprend les habitudes du lecteur/spectateur. Cette remise en question cre-t-ilun anti-thtre ? Eugne Ionesco crivit quatre pices importantes : Rhinocros, La Cantatrice Chauve, LaLeon et Le Roi se meurt.

    Contexte : Rhinocros, crit en 1958, raconte lhistoire dune ville touche par la Rhinocrite, une maladiequi atteint tous les habitants et les transforme en rhinocros. Dans la scne de dnouement, Brenger, lepersonnage principal, rsiste la transformation.

    En quoi cette scne est-elle reprsentative du tragique de la condition humaine ?

    12.1 Un monologue rvlateur de la tragdie de la condition humaine par le dilemmede Brenger.

    Le dilemme de Branger consiste tre tiraill entre la mtamorphose et la rsistance. Symbole de la glace = Objet scnique qui permet lexamen de son me. Le personnage se demandequi il est : rflexion ontologique

    Jai eu tort ! Oh ! Comme jaurai voulu tre comme eux ! > retour sur la posture adopte depuisle dbut de la pice (rejet, incomprhension, hostilit) => Les sentiments lemportent sur la raison : Oh ! > Interjection / Je voudrais > lexpression du souhait > au conditionnel

    Hlas ! > Expression du dsarroi => Frustration physique. Ma carabine > Phrase nominale rpte => Rappel la chasse, ici cest la chasse aux rhinocros=> Symbole du combattant / sursaut de courage

    Le personnage a conscience de sa marginalit > devenu un handicap => Bienheureux sont ceux quisont les plus nombreux // Malheureux les originaux > Prsent de vrit gnral => presque unaphorisme

    Ionesco invite le lecteur rflchir face aux dangers de luniformisation et du totalitarisme de la pense.Risque dalination de soi (alien = tranger => tre tranger soi est peu recommand pour la sant)Inversion des valeurs : bestial = normal ?

    Monologue dimension emphatique => dsarroi du personnage Homme libre disparait de la scne => cri final pour la libert => Renforcement du tragique de sasituation

    Tentation de la mtamorphose : invitation du cri du rhinocros > Ah brrr ! Barrissements =>Absurde/grotesque => chec de lanimalisation du personnage => Un homme en rhinocros = pertedhumanit = perte du langage = perte de la libert

    Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je en peux pas > gradation coup par la conjonctionde coordination mais => Mtamorphose impossible cause du doute

    Le dnouement se termine par la rsolution du dilemme => Le personnage a dlibr (de manirecertes confuse) => il choisit la rsistance.

    12.2 Rvlateur de cette tragdie aussi par lisolement trs fort et trs inquitant dupersonnage.

    Je ne suis pas beau > La beaut est devenue synonyme duniformit => Pour tre beau, il fauttre rhinocros. (rfrence Hitler et ses fantasmes envers la race aryenne)

    Brenger incarne une marginalit physique Sentiment de bestialit/de fureur > retranscrite par la didascalie les jette par terre avec fureur => Mise sous tension du personnage => Gestuelle frntique et incontrle

    Ce sont eux qui sont beau => Tournure emphatique La corne des rhinocros est un symbole du totalitarisme (rhinocros = obtus) Ponctuation importante et trs marque => Elle souligne lemportement/le trouble/la dsolation dupersonnage (nombreuses phrases exclamatives)

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  • Contre tout le monde . . .capitule pas > Action future => Valeur qui oscille entre lhypothtique(daprs le point de vue du spectateur) et le prophtique (daprs la dtermination du personnage)

    Je suis le dernier... > Perte de lespoir/un destin scell. Mais maintien de la fugue du combattant Prsence danaphores // phrases courtes => Le langage perd de son importance Comme jai mauvaise conscience => Brenger considre quil na pas su choisir temps la Rhino-crite

    Importance de la thtralit > Au travers de lisolement + refus de ce quil est (rejet tableaux/miroir)+ noyade parmi les rhinocros qui lentourent.

    Le texteEugne Ionesco : Dnouement de RhinocrosBRENGER

    Cest moi, cest moi. (Lorsquil accroche les tableaux, on saperoit que ceux-ci reprsentent un vieillard, unegrosse femme, un autre homme. La laideur de ces portraits contraste avec les ttes des rhinocros qui sontdevenues trs belles. Brenger scarte pour contempler les tableaux.) Je ne suis pas beau, je ne suis pas beau.(Il dcroche les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace.) Ce sont eux qui sont beaux.Jai eu tort ! Oh ! comme je voudrais tre comme eux. Je nai pas de corne, hlas ! Que cest laid, un frontplat. Il men faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. a viendra peut-tre, et je nauraiplus honte, je pourrai aller tous les retrouver. Mais a ne pousse pas ! (Il regarde les paumes de ses mains.)Mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? (Il enlve son veston, dfait sa chemise, contemple sapoitrine dans la glace.) Jai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir unepeau dure et cette magnifique couleur dun vert sombre, dune nudit dcente , sans poils, comme la leur ! (Ilcoute les barrissements.) Leurs chants ont du charme, un peu pre, mais un charme certain ! Si je pouvaisfaire comme eux. (Il essaye de les imiter.) Ahh, ahh, brr ! Non, a nest pas a ! Essayons encore, plus fort !Ahh, ahh, brr ! Non, non, ce nest pas a, que cest faible, comme cela manque de vigueur ! Je narrive pas barrir. Je hurle seulement. Ahh, ahh, brr ! Les hurlements ne sont pas des barrissements ! Comme jaimauvaise conscience, jaurais d les suivre temps. Trop tard maintenant ! Hlas, je suis un monstre, jesuis un monstre. Hlas, jamais je ne deviendrai un rhinocros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer,je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. Jai trop honte ! (Iltourne le dos la glace.) Comme je suis laid ! Malheur celui qui veut conserver son originalit !(Il a unbrusque sursaut.) Eh bien, tant pis ! Je me dfendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! (Il seretourne face au mur du fond o sont fixes les ttes des rhinocros, tout en criant :) Contre tout le monde,je me dfendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusquau bout ! Je ne capitule pas !

    RIDEAU

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  • 13 Lecture Analytique no 13 : Eugne Ionesco, La Cantatrice ChauveIntroduction

    Eugne Ionesco cherchait apprendre langlais (via la mthode assimil ). Il a t frapp par lencha-nement dcousu des phrases apprendre.

    La Cantatrice Chauve, Anti-pice, consiste en une dmarche de critique du langage et de ses conventions.

    Montrer en quoi ce texte reprsente le tragique de la condition humaine

    13.1 Une critique de la bourgeoisie Didascalie : Toujours dans son journal > adverbe temporel qui insiste sur des habitudes bour-geoises. => La communication semble tre strile et prend surtout appui sur les faits divers du journal.> Communication se limitant lanecdotique.

    Pourquoi prends-tu cet air tonn ? > Question rhtorique et artificielle sans porte ou enjeux.=> Dtournement du langage.

    Conserv > participe pass polysmique => humour noir en faisant rfrence Bobby et laconservation des cadavres.

    Mme Smith : superficielle => se focalisant sur lapparence. Critique de la question de lapparence. "Le plus joli cadavre de Grande-Bretagne." Est-ce quelle est belle ? > Interrogation formule sans effets de style = Vacuit de lchangebourgeois => Dans cette socit, seule lapparence compte. Or cest celui dun mort. => Beautparadoxale de la mort

    Analyse onomastique : M. et Mme Smith > Patronymes trs strotyps => rfrence lamthode assimil avec des noms galvauds / habituels => Les personnages sont des anti-hros

    Bobby Watson Nom galvaud galement. Prolifration des Bobby Watson => Des personnages qui ont le mme patronyme, pour soulignerluniformit dune socit compose de pions/pantins.

    Elle sappelait comme lui, Bobby, Bobby Watson > rptitions, insistance sur laspect absurdede Mme Smith (un langage du bgaiement)

    Elle lui prsente des condolances => Perte des conventions sociales => Dfunt reoit des condo-lances.

    Consquence dune temporalit absurde : les temps scnique et didascalique (en plus du temps virtuel)sont incohrents.

    13.2 Une critique du lan