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FICHE HISTOIRE DES ARTS N1 NUIT ET BROUILLARD
Titre : Nuit et Brouillard
Auteur-compositeur-interprte : Jean Ferrat
Anne de cration : 1963 (sur lalbum ponyme)
Genre musical : chanson franaise du XXe sicle
Ils taient vingt et cent, ils taient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombs
Qui dchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils taient des milliers, ils taient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'taient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs ds avaient t jets
Ds que la main retombe il ne reste qu'une ombre Jean Ferrat
Ils ne devaient jamais plus revoir un t
La fuite monotone et sans hte du temps
Survivre encore un jour, une heure obstinment
Combien de tours de roues, d'arrts et de dparts
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jsus, Jhovah ou Vishnou
D'autres ne priaient pas mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre genoux Plaque commmorative la mmoire des Franais
dports Hinzert suite au dcret NN
Ils n'arrivaient pas tous la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils tre heureux
Ils essaient d'oublier, tonns qu' leur ge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair tait tendre leurs chiens policiers
On me dit prsent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille pouvoir m'arrter
Lombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l't
Je twisterais ces mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour vos enfants sachent qui vous tiez
Vous tiez vingt et cent, vous tiez des milliers
Nus et maigres tremblants dans ces wagons plombs
Qui dchiriez la nuit de vos ongles battants Affiche de Nuit et Brouillard , film
Vous tiez des milliers, vous tiez vingt et cent dAlain Resnais sorti en 1955
Formation : un chanteur, des timbales, une guitare acoustique, une guitare basse, une caisse claire, des bois
(clarinettes, hautbois), des cuivres (cor, trombone), des cordes frottes (violons, altos, violoncelles).
les timbales la caisse claire le cor le trombone ( coulisse)
Priode historique mentionne : la dportation (ou Shoah) durant la seconde guerre mondiale (1939-1945).
Le titre fait rfrence au dcret N.N. (Nacht und Nebel) du 7 dcembre 1941, qui ordonna la dportation de
tous les ennemis ou opposants du Reich. Les Juifs souffriront normment de cette dportation (ordonne
par les nazis), tout comme les Tsiganes, les rsistants et opposants politiques, et les homosexuels. Le pre de
Jean Ferrat, juif migr de Russie fut arrt par les autorits franaises, puis dport Auschwitz en 1942,
o il subit la solution finale .
Explications littraires : Texte crit en alexandrins (12 syllabes). Jean Ferrat rend hommage aux dports en
utilisant les champs lexicaux de la dportation (nus, maigres, wagons, survivre, voyage, allemands,
miradors) et de lespoir (ils se croyaient, survivre, obstinment, distiller lespoir). Cet hommage fait
partie de ce quon nomme le devoir de mmoire (commmoration pour ne pas oublier et ne pas reproduire
les erreurs du pass). Ce devoir est clairement mentionn dans la phrase Pour quun jour les enfants
sachent qui vous tiez .
Les nombres cits font rfrence au fait que les prisonniers du camp de concentration dAuschwitz avaient
un numro tatou sur la peau ; tout comme la phrase ils se croyaient des hommes, ntaient plus que des
nombres .
Au dbut de la chanson, Jean Ferrat dit ils , il voque les dports ; alors qu la fin il leur parle
( vous ), comme si le fait davoir crit cette chanson lavait rapproch deux (toujours lide dhommage).
Explications musicales :
- Forme strophique (pas de couplet ni de refrain)
- Prsence dun ostinato (lment rythmique rpt tout au long dun morceau). Cet ostinato est
dabord jou aux timbales, puis passe dinstrument en instrument, pour revenir aux timbales.
- Symbole du train qui arrive et repart : le morceau commence par un crescendo (de plus en plus fort)
aux timbales et se termine par un decrescendo (de moins en moins fort) aux timbales et la guitare.
De plus, il y a une accumulation sonore, car de plus en plus dinstruments apparaissent au fur et
mesure du morceau. Cette accumulation pourrait symboliser le train qui se remplit de plus en plus de
dports, et la dernire strophe il est vide.
Anecdote : lors de sa sortie, cette chanson fut dconseille par le directeur de lORTF. Cette forme de
censure fit que la chanson ne passa ni la tlvision, ni la radio jusquau jour o elle passa sans
autorisation la tlvision, dvoilant le premier succs de Jean Ferrat.