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Le CFO n'échappe guère à l'infl ation de standards internationaux et d’obligations nationales qui complexifi ent son travail. Eclairage et conseils pour y faire face.
Compliance Dossier >EN PRATIQUE
SOMMAIREN°53 - FÉVRIER 2012
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
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La gouvernance n’est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à une fin
L es codes de gouvernance d’entreprise ont réussi à
s’imposer ces dernières années, l’arrêté royal du 6
juin 2010 est ainsi venu donner un statut de code
de référence au « Code belge de gouvernance
d’entreprise 2009 » pour les sociétés cotées. Le principe de com-
ply or explain a également été reconnu légalement, obligeant
les entreprises cotées à se justifi er en cas de non respect de l’une
ou l’autre règle. Ce principe ne fait cependant pas encore l’una-
nimité, certains jugeant la signifi cation et l’application concrète
du volet « explain » peu précis.
Ce code prévoit notamment la méthodologie de travail et la
composition du conseil d’administration, ainsi que les rela-
tions entre le management et les actionnaires, l’organisa-
tion de comités d’audit et de rémunération. Pour Lutgart Van
den Berghe, Executive Director de Guberna et Professeur à la
Vlerick Business School, ces obligations dictées par la gou-
vernance ont parfois tendance à monopoliser les débats lors
des conseils, surtout pour les sociétés cotées en bourse, qui
voient leurs obligations en matière de reporting exploser.
QUELLE DÉFINITION?A quoi renvoie le terme de « gouvernance »? Sorte de code de
bonnes pratiques, la gouvernance est une notion peu palpable.
Depuis plusieurs années, la tendance dans les conseils d’administration des sociétés du BEL 20 est d'exiger une implication accrue des administrateurs. Plus au fait de l’actualité des sociétés qu’ils encadrent, ces professionnels doivent en outre s’immerger dans la gouvernance d’entreprise et la conformité aux normes tant nationales qu'internationales propres à leur secteur d’activité.
"Chaque entreprise doit mener sa réfl exion afi n de trouver le modèle de gouvernance qui conviendra à ses besoins."
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
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Nommée Associate Partner chez NautaDutilh à Bruxelles en
janvier 2012, Anne Tilleux a fait de la gouvernance d’entreprise
une de ses spécialités. Avant son arrivée en 2003 dans ce ca-
binet d’avocats d’affaires indépendant, elle est associée chez
Oppenheimer Wolff & Donnelly. « Les principales clés d’une
gouvernance durable sont la transparence, l’information et la
communication, explique-t-elle. Ces trois notions reviennent
fréquemment dans les codes belges, mais aussi dans les codes
adoptés à l’étranger. La gouvernance n’est pas une fi n en soi,
mais plutôt être un moyen pour arriver à une fi n qui est la créa-
tion de valeur à long terme. C’est une démarche transversale. »
PAS DE RECETTE MIRACLEUne vision partagée par Lutgart Van den Berghe. « La gouvernance
ne doit pas être un but à poursuivre, mais bien une vision d’ensemble
à adopter. Il faudrait, selon moi, pouvoir différencier les codes selon les
typologies d’entreprise et ne pas avoir les mêmes prescriptions pour
toutes les sociétés cotées, appuie-t-elle. Les sociétés du BEL 20 ou du
BEL Small, ne vivent pas forcément les mêmes réalités, leur actionna-
riat et leur capitalisation sont souvent très différents. Les obligations
ne sont souvent pas à la portée des sociétés du BEL Small ou du BEL 8,
surtout si on ajoute les recommandations britanniques. »
Pas toujours bien utilisé, le concept de gouvernance d’entreprise
renvoie ainsi dans un premier temps au fonctionnement et à la
composition du conseil d’administration. Chaque secteur d’acti-
vité peut ainsi défendre sa propre version. De manière plus large,
il évoque les relations entre les actionnaires, les administrateurs
et le Management d’une entreprise. La terminologie tend à se
modifi er pour adopter une ampleur plus holistique et moins
axée sur le capital. Dans la sphère socio-économique, sous l’in-
fl uence de la responsabilité sociétale, la gouvernance s’étend à
toutes les parties prenantes de la société.
« La gouvernance permet une réfl exion sur la stratégie du
Management, le fonctionnement de la société, la répartition
des compétences, poursuit Anne Tilleux. Son objectif fi nal
reste, bien sûr, de parvenir à la croissance. Sa récente prise en
compte dans le droit belge est, selon moi, un aspect très posi-
tif qui pousse de plus en plus de sociétés, cotées ou non, à
Lutgart Van den Berghe: « Une des diffi cul-tés majeures est d’apprendre ce qu’est une bonne gouvernance, on oublie souvent que c’est un moyen d’améliorer sa gestion, et pas seulement un kit d’obligations. »
« Les principales clés d’une gouvernance durable sont la transparence, l’information et la communication. »
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s’y intéresser, même s’il n’existe pas de modèle qui convienne
à tout le monde. Chaque entreprise doit mener sa propre ré-
fl exion afi n de trouver le modèle de gouvernance qui convien-
dra à ses besoins spécifi ques. »
SOUS PRESSIONCertains principes prévus par le Code de gouvernance d’entre-
prise ne sont pas contraignants, d’autres, comme l’obligation
pour les sociétés cotées d’organiser un comité d’audit au
sein de leur conseil d’administration et de choisir des admi-
nistrateurs non exécutifs, dont au moins un administrateur
indépendant pour le composer, sont obligatoires et inscrits
dans le Code des sociétés. « Du soft law, on est parfois passé
au hard law », ajoute-t-elle. « Plusieurs types d’adoption sont
envisageables, continue Lutgart Van den Berghe, les sociétés
peuvent jouer sur la fl exibilité offerte par leur code en moti-
vant toute déviation, s’il y en a. Les régulateurs, politiques ou
encore législateurs devraient aussi arrêter de voir les sociétés
qui n’appliquent pas à 100% tous les préceptes recommandés,
comme des mauvais élèves. »
La motivation à se conforter aux principes phares de la bonne
gouvernance, varie donc selon la taille d’une société, la nature
de son actionnariat ou son type d’activité. Pour la présidente
de Guberna, un clivage important existe encore entre les so-
ciétés qui ont fait le pari d’aller en bourse et les structures
indépendantes ayant parfois un actionnariat plus familial.
Etre coté implique toute une série d’obligations nouvelles.
« Passer d’une société fermée à une société publique implique
de travailler sur son ouverture en communiquant des informa-
tions pertinentes sur son entreprise. L’investissement n’est pas
seulement fi nancier, explique-t-elle. C’est toute une nouvelle
culture à mettre en place, qui comporte, comme bien souvent,
des avantages et des contraintes. Dans la plupart des cas, le
but est de fi nancer sa croissance, mais aussi d’avoir une réfé-
rence externe en matière de valeur et une reconnaissance de
Anne Tilleux: « Les professionnels de la fi nance doivent
concilier une connaissance précise des normes en vigueur
et une connaissance du fonctionnement interne de leur
entreprise et des décisions qui y sont prises. »
« Sociétés cotées et non cotées ont des choses à apprendre en matière de gouvernance. »
DOSSIER
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ses activités. Avant de se lancer, le conseil d’administration doit
veiller à avoir une gouvernance solide, ce passage implique à la
fois plus de reporting et de contrôle extérieur. »Au sein de ces
sociétés, des disparités demeurent entre les petites sociétés
à actionnariat concentré, qui vont devoir en priorité s’assu-
rer de la défense des actionnaires minoritaires, et les plus
grandes structures qui disposent d’un actionnariat plus dis-
persé et vont mettre en place des mécanismes de reporting
élaborés pour rendre des comptes à tous les actionnaires. « Il
ne faut surtout pas que les petites sociétés copient ce qui se fait
dans les grandes entreprises, il faut adapter les mesures pré-
vues au contexte de l’entreprise », complète-t-elle.
DIVERSITÉ DES REGARDSLa codifi cation de la gouvernance d’entreprise et la multiplica-
tion des normes à respecter, a eu pour effet de modifi er quelque
peu la répartition des compétences et les profi ls des adminis-
trateurs au sein des conseils d’administration, rendant parfois
plus complexes leurs réunions de travail. « Sous l’infl uence euro-
péenne, explique encore Anne Tilleux, il y a eu un accroissement
des devoirs et obligations des actionnaires (loi du 20 décembre
2010), en parallèle à un transfert de compétences dans l’objectif
d’impliquer davantage les actionnaires dans la vie quotidienne de
l’entreprise. La loi du 6 avril 2010 leur a conféré ainsi un droit de
regard en matière de rémunération des cadres supérieurs exécu-
tifs. L’idée est aussi d’encourager le dialogue et la complémentarité
entre le management, le conseil d’administration et les action-
naires. » « Au sujet de l’implication demandée aux actionnaires,
une fois encore, il y a beaucoup d’hétérogénéité selon les entre-
prises, ajoute Lutgart Van den Berghe, il n’existe pas de modèle
de référence. L’essentiel pour les actionnaires est de tenir compte
de l’intérêt de la société, qui peut parfois être en porte-à-faux
avec celui du management à un certain moment. Le conseil n’a
pas seulement pour mission de contrôler la conformité de l’entre-
prise, mais bien de stimuler sa croissance et l’entrepreneuriat, d’où
l’importance de rassembler une diversité d’expériences et de par-
cours. Chaque administrateur doit avoir un minimum de connais-
sance en matière de réglementations, surtout dans celles suscep-
tibles de toucher son secteur, que ce soit Solvency ou Bâle III pour
le secteur bancaire ou MiFID pour le secteur du retail. Bien sûr,
chaque membre ne peut pas les maîtriser toutes. Un bon conseil
est construit sur mesure et mélange compétences sectorielles,
techniques et connaissances de l’entreprise. L’idée centrale est de
pouvoir représenter tous les intérêts. »Une des lois qui risque de
modifi er la composition des conseils d’administration à l’avenir
est sans doute celle sur les quotas (loi du 28 juillet 2011). Les
entreprises sont priées d’atteindre un tiers de femmes au sein
de leurs administrateurs d’ici 2017. Elles devront justifi er les
actions entreprises à cette fi n dans leurs rapports annuels.
OBSTACLES À ÉVITER Le reporting imposé aux départements fi nanciers est également
de plus en plus exigeant, ce qui représente une charge de travail
plus que conséquente pour le CFO et son équipe.
« Un des pièges à éviter en matière de gouvernance d’entreprise,
précise Anne Tilleux, est d’imposer trop de contraintes aux
conseils d’administration. On exige souvent trop de quantité
au détriment de la qualité. Une bonne gouvernance réclame
pourtant une vision à long terme dans une perspective de crois-
sance et des informations utiles sur l’entreprise et ses secteurs
d’activité. Trop de réglementation n’est pas constructif, résister à
cette pression est devenu très diffi cile. On demande davantage
de compétences aux CFO qui doivent ensuite se faire aider en
interne ou en externe pour assumer ces responsabilités supplé-
mentaires. Il est certain que le profi l type d’un directeur fi nancier
aujourd’hui n’est plus celui qu’il était il y a 10 ans. Les entreprises
doivent s’en rendre compte pour attirer et garder leurs talents. Le
même constat existe pour les conseils d’administration, on de-
mande aux administrateurs plus d’engagement, s’ils cumulent
plusieurs mandats, cela peut devenir compliqué à gérer. Leur but
premier doit rester d’améliorer la croissance de l’entreprise, c’est
la raison pour laquelle ils ont été engagés. »
« La complexité est telle que les conseils doivent pouvoir comp-
ter sur des spécialistes pointus qui connaissent le secteur de
l’intérieur, le marché et ses mécanismes », continue Lutgart
Van den Berghe.
Face à la complexifi cation des normes et des standards, un
autre danger à éviter est une compartimentation trop grande
des activités et un manque de responsabilité globale. « D’où
l’importance de la transparence et du dialogue, toute les déci-
sions opérationnelles ont des conséquences fi nancières. Les
professionnels de la fi nance doivent donc concilier une connais-
sance précise des normes en vigueur et une connaissance du
fonctionnement interne de leur entreprise et des décisions qui
y sont prises. Ils doivent donc effectuer un double contrôle in-
terne », ajoute Anne Tilleux.
« Une des diffi cultés majeures est d’apprendre ce qu’est une
bonne gouvernance, on oublie souvent que c’est un moyen
d’améliorer sa gestion, et pas seulement un kit d’obligations,
conclut Lutgart Van den Berghe. Trop de discussions tournent
autour de la compliance dans les conseils, parfois au détriment
de la stratégie ou de la croissance. Dans les sociétés non cotées,
on constate souvent le problème inverse, car il n’y a pas cette
demande d’ouverture des investisseurs. La démarche doit venir
de l’intérieur. Sociétés cotées en bourse et non cotées ont des
choses à apprendre en matière de gouvernance! »
« Le profi l type d’un directeur fi nancier aujourd'hui n’est plus celui qu'il était il y a 10 ans. »
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Une réforme fiscale opportuniste!
Avocat associé chez Claeys & Engels, Olivier Debray insiste
d’emblée: cet accord reste, dans bien des cas, à l’état de
déclaration de principe. Il faut encore déterminer quand et
comment certaines mesures vont être appliquées. Parmi la
vingtaine de pages destinée à modifi er le marché du travail
afi n d’améliorer le taux d’emploi, on peut classer les mesures
en trois grands pôles: un volet socio-juridique, des mesures
fi scales et un volet dédié aux pensions. « L’accord s’apparente
à un saupoudrage de mesures qui rendent certains avantages
moins intéressants, observe-t-il. Il s’agit plus de rééquilibrer et
de corriger que de transformer fondamentalement notre fi sca-
lité. On sent qu’il est issu d’un compromis entre plusieurs partis
opposés, surtout qu’il prévoit toute une série d’exceptions. »
« Cette réforme fiscale, attendue de longue date, a clairement
une vocation purement budgétaire, elle ne transforme pas
fondamentalement le système fiscal belge, mais donne lieu
à des impositions complémentaires ciblées, appuie Xavier
Gérard, avocat fiscaliste pour le cabinet Nibelle & Avocats.
C’est une réforme fiscale opportuniste. Une partie de l’accord
devait absolument sortir en décembre pour être effectif au
1er janvier, notamment pour ce qui concerne le précompte
mobilier. La loi du 28 décembre 2011 a donc été précipitée
et manque cruellement de rigueur légistique. Contrairement
à la réforme de 2001 lancée par Didier Reynders, il n’y a pas
de vraie progression, ni de réflexion en profondeur visant à
réformer intelligemment le régime fiscal belge. » Les autres
recettes fiscales prévues dans l’accord gouvernemental sont
actuellement en préparation et seront vraisemblablement
complétées par de nouvelles mesures qui devront être prises
lorsque le Bureau du Plan aura communiqué vers la mi-fé-
vrier ses nouvelles perspectives économiques pour la Bel-
gique en 2012.
PREMIÈRE SALVE L’idée centrale est bien de combler une partie du défi cit
budgétaire par de nouvelles mesures fi scales, à la fois par
la hausse de certains impôts et la création de taxes supplé-
mentaires. Ainsi, en matière d’impôts sur les personnes phy-
siques, le précompte mobilier, la cotisation supplémentaire
sur certains revenus mobiliers, les avantages en nature sur
Attendu depuis de longs mois, l’accord gouvernemental – dit « papillon » car conclu sous la houlette d’Elio Di Rupo –, comporte de nombreuses mesures qui vont impacter les entreprises et leurs travailleurs. Epais de 180 pages, le document prévoit notamment des changements dans l’impôt des sociétés, des personnes physiques et morales. Un vaste chantier de mise en conformité s’est donc ouvert pour les directeurs administratifs et fi nanciers.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
« Il n’y a pas de vraie progression, ni de réfl exion visant à réformer intelligemment le régime fi scal belge. »
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les voitures de société, les options sur actions, divers crédits
d’impôt et déductions fi scales (notamment sur les titres-ser-
vices) verront leur régime de taxation modifi é à la hausse ou
leur avantage diminué.
Au niveau de l’impôt des sociétés, les deux grands change-
ments se situent sur les intérêts notionnels et les plus-va-
lues sur actions, moins intéressants qu’avant. Sur les 11,3
milliards d’économies prévues, 42% de l’effort viendra d’éco-
nomies sur les dépenses, 34% de nouvelles recettes et 24%
de mesures dites « autres », dont une taxe sur les opérations
boursières et sur la conversion des titres au porteur. Cer-
tains points de l’accord sont d’ores et déjà sujets à révision
et des chapitres sur la lutte contre la fraude fiscale doivent
être complétés.
AVANTAGE MIS EN CAUSE« Ce programme est réparti autour de nouvelles recettes et
d’économies budgétaires. Il prévoit un effort record depuis la
deuxième guerre mondiale, souligne Rony Baert, conseiller
général chez Partena HR. Cela dit, on sait déjà que cet accord
ne sera pas suffi sant pour sortir de l’impasse. Il comprend de
nombreuses déclarations d’intentions qui devront sans doute
être adaptées, étant donné le climat social actuel. De plus, les
paramètres suivant lesquels le budget a été dessiné misaient
sur une croissance de 0,8% en 2012. Or, la FEB a annoncé qu’elle
estimait ce pourcentage à 0,2%. Chaque dixième de pourcent
de défi cit supplémentaire représente pas moins de 200 millions
d’euros… » Une évaluation de l’accord devrait intervenir peu
après le bouclage de cette édition, avec de nouvelles mesures
à la clé.. Des arrêtés royaux d’exécution devront également
être publiés dans les semaines à venir afi n de préciser cer-
tains points du premier accord, aucun délai n’a encore été
annoncé à ce sujet.
En matière de fi scalité des personnes physiques, un gros mor-
ceau se situe dans les avantages en nature, notamment dans
les voitures de société. Le nouveau gouvernement espère
bien récolter 200 millions de recettes supplémentaires, grâce
à ces dernières. Pan important de l’économie belge, elles sont
estimées au nombre de 550.000 et seront à présent taxées
suivant leur taux d’émission CO2 et leur valeur catalogue. Le
kilométrage forfaitaire sera ainsi remplacé par le kilométrage
réellement parcouru. Le ratio se calcule comme suit: coeffi -
cient de CO2 x 6/7 x valeur catalogue. Cette défi nition vaut
tant pour les véhicules neufs, que d’occasion et en leasing.
« Ce nouveau régime cherche à pénaliser le bénéfi ciaire du
véhicule de société, alors qu’il s’agit initialement d’une mesure
permettant à l’employeur de réduire ses coûts salariaux. La
nouvelle formule, qui repose sur la valeur catalogue, ressemble
davantage à une forme d’imposition déguisée de signes exté-
rieurs de richesse », explique Xavier Gérard. Déjà prévu par la
note Di Rupo de cet été, le coût de cette valorisation devrait
être divisé entre l’employeur (1/7ème) et le bénéfi ciaire (6/7ème).
Le montant de cet avantage en nature ne pourra jamais être
inférieur à 1.200 euros par an. Présente dans la plupart des
packages salariaux, la voiture de société sera peut être
Olivier Debray: « L’accord s’apparente à un saupoudrage de mesures qui rendent certains avantages moins inté-ressants. Il s’agit plus de rééquilibrer et de corriger que de transformer fondamentalement notre fi scalité. »
« Chaque dixième de pourcent de défi cit
supplémentaire représente pas moins de 200 millions
d’euros… »
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ainsi délaissée au profi t d’augmentations en cash, comme le
craignent beaucoup d’entreprises.
POLLUEUR = PAYEUR ?« Les voitures qui souffriront le plus sont les modèles chers et
polluants, pointe Nicolas de Limbourg, Partner chez PwC. Pour
les modèles à faible valeur catalogue produisant peu d’émis-
sions, les nouvelles mesures peuvent s’avérer positives. Dans un
premier temps, il sera diffi cile pour les entreprises de compen-
ser ces montants pour la première catégorie qui peuvent être
très importants. Il y aura une période de transition, surtout
suite à la tendance à l’allongement des contrats de leasing de
ces dernières années, même si les entreprises qui ont toujours
mené une politique de fl otte responsable ne devraient pas
trop souffrir. » Dans d’autres cas de fi gure, comme pour les
véhicules d’occasion ou les véhicules en renting, la loi du 28
décembre 2011 laisse planer certaines incertitudes quant à
la détermination du prix catalogue. L’avant-projet de loi-pro-
gramme modifi era à nouveau ce régime.
« Voici une démonstration de négligences dues à la précipita-
tion. L’avant-projet de loi-programme prévoit que, pour les vé-
hicules neufs, il sera tenu compte de la valeur facturée et, pour
les autres véhicules (occasion, leasing ou renting), de la valeur
catalogue. Dans les deux cas, ces valeurs seront diminuées de
6% par an avec un maximum de 30%, continue Xavier Gérard.
Alors que le régime de la loi du 28 décembre 2011 créait une
discrimination entre un véhicule identique acheté neuf ou d’oc-
casion, le nouveau projet supprime une discrimination pour
en créer une autre. Dans la pratique, nombre de distributeurs
commercialisent des véhicules neufs à une valeur sensible-
ment inférieure à la valeur catalogue, sans que cette différence
constitue une réduction qui doit être additionnée au prix fac-
turé pour les besoins du calcul de l’avantage en nature. Encore
une fois, un véhicule identique impliquera une imposition dif-
férente selon qu’il est acquis neuf ou autrement. De plus, ce
régime a gommé le caractère écologique de l’ancien système
; les nouveaux véhicules électriques ont une valeur catalogue
importante et l’avantage en nature dépend de cette valeur. »
GARDER AU TRAVAIL Si l’âge offi ciel du départ à la retraite est maintenu à 65 ans,
l’accord prévoit aussi un recul progressif de l’âge d’accès à la
prépension, un recul progressif de l’âge d’accès à la pension
anticipée et une limitation des possibilités de pauses-car-
rières, tout cela en vue de garder les travailleurs plus long-
temps au travail. La taxation des capitaux de pension a éga-
lement été revue en profondeur. Deuxième pilier des fonds
de pensions au côté de la pension légale et des assurances
vie personnelles, la déductibilité fi scale des assurances de
groupe est à présent plafonnée aux sommes maximales au-
torisées dans le secteur public, soit environ 72.000 euros par
an, ce qui n’était pas le cas avant. La volonté est bien d’unifor-
miser secteurs privé et public.
FISCALITÉ DOSSIER
« Le texte de l’avant-projet de loi-programme est
techniquement critiquable et comprend déjà des
discriminations. »
Nicolas de Limbourg: « Il faudra trouver de nouveaux équi-libres. Ce qu’on conseille à nos clients, c’est d’optimiser les enveloppes salariales en équilibrant salaire et avantages en nature, et ne pas introduire trop d’exceptions. »
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
« Les contributions à un plan de pension, souvent réparties
entre l’entreprise et son collaborateur, donnaient lieu à une
réduction d’impôts située entre 30 et 40% pour l’employé, ce
pourcentage est aujourd’hui plafonné à 30%, indique Nicolas
de Limbourg. Il y a donc un plafond maximal pour les entre-
prises et moins de réductions pour les employés. Ce qui rendra
d’autant plus intéressant, si on reste dans les rentes maximales,
que seuls les employeurs cotisent. »
Une autre mesure viendra appuyer la volonté de conserver les
gens au travail plus longtemps en taxant le capital constitué
de manière dégressive, de 20% à 60 ans jusqu’à 10% à 65 ans.
« Il faudra travailler jusqu’à 62 ans pour avoir les mêmes condi-
tions qu’aujourd’hui », évalue Olivier Debray. La règle des 80%
stipule aussi que les montants cumulés perçus ne pourront
pas dépasser 80% du dernier traitement.
« Les coûts du travail étant très élevés en Belgique, les entre-
prises ont souvent fait bénéfi cier leurs travailleurs d’avantages
comme les chèques repas, voitures de société ou plans de pen-
sion, note Nicolas de Limbourg. C’est aujourd’hui moins ren-
table pour les entreprises qui se retrouvent dans une position
diffi cile. Elles ne veulent pas non plus ajouter de la pression sur
leurs employés. Il faudra trouver un nouvel équilibre. Ce qu’on
conseille à nos clients, c’est d’optimiser les enveloppes salariales
en équilibrant salaire et avantages en nature, et ne pas intro-
duire trop d’exceptions. »
Le taux d’occupation des travailleurs âgés de 50 à 65 ans se
situant seulement entre 30 et 35%, la Belgique est considé-
rée par l’Union Européenne comme un mauvais élève et est
donc priée d’atteindre les 50% dans les années à venir. Pour
encourager ces travailleurs expérimentés à rester au travail,
le gouvernement a décidé de maintenir le « bonus pension »
déjà octroyé depuis quelques années aux employés qui ne
s’arrêtent pas à 62 ans. Leur pension légale sera ainsi majo-
rée d’une somme « bonus ». Cette décision, temporaire, devra
encore être confi rmée pour l’avenir.
CHANTIERS EN ATTENTE Certains sujets sensibles n’ont pas encore été couverts par
l’accord. Un grand chantier devrait être consacré à l’harmo-
nisation des statuts entre employés et ouvriers, notamment
dans le but d’équilibrer la durée des périodes de préavis. Une
première tentative avait déjà eu lieu avec un accord inter-
professionnel avorté qui entendait modifi er les conditions
des préavis. Le gouvernement a toutefois exécuté l’accord de
principe conclu entre les partenaires sociaux, mais désavoué
par les bases syndicales socialistes et libérales. Une première
étape du rapprochement entre les délais de préavis appli-
cables aux ouvriers et aux employés est donc d’application
depuis le 1er janvier 2012. « Nous sommes le seul pays euro-
péen à maintenir une telle différence, rappelle Olivier Debray.
Un arrêt de la Cour Constitutionnelle nous donne deux ans
pour harmoniser ces statuts: nous n’avons plus le choix. Quand
les ouvriers disposent de quelques semaines d’indemnités lors
d’un licenciement, un employé a droit à plusieurs mois, voire
plusieurs années. L’équilibre devra se faire au bénéfi ce des
ouvriers et donc au détriment des employés. Nous défendons
l’optique d’un préavis d’un mois par année travaillée, quel que
soit le statut, avec un plafond de 12 mois. »
Dans le cadre de l’accord budgétaire, on ne prévoit pas encore
d’indications de modalités, ni de timing effectif. Les règles
régissant les vacances annuelles devront aussi encore être
redéfi nies et la remise en question de l’indexation automa-
tique des salaires n’a pas été négociée. Une fois encore, la
Belgique demeure le seul pays au monde à encore pratiquer
cette dernière. « C’est un accord défensif, une série de pro-
Xavier Gérard: « Cette réforme fi scale, attendue de longue date, a clairement une vocation purement bud-gétaire, elle ne transforme pas fondamentalement le système fi scal belge, mais donne lieu à des impositions complémentaires ciblées. »
« C’est un accord défensif, une série de problèmes n’ont pas été traités. »
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
blèmes comme l’emploi des jeunes, la gouvernance publique, la
lutte contre la discrimination ou les différences de statuts entre
ouvriers et employés n’ont pas été traités. Il y a peu de mesures
visant à encourager l’emploi », soutient Rony Baert.
Malgré ces zones d’ombres, les entreprises n’auront pas
d’autres choix que de s’atteler aux adaptations et ce, dès
maintenant. « Dans les jours à venir, les questions sur les avan-
tages en nature liés à l’acquisition en société de la maison
d’habitation, les plus-values sur actions à l’impôt des sociétés
et les provisions internes pour les sociétés de management,
devront être clarifi ées, tout comme les modalités concrètes de
lutte contre la fraude fi scale, conclut Xavier Gérard. Il ne s’agit
pas ici d’une modifi cation sensée et durable de notre fi scalité.
Le gouvernement a clamé un renforcement de la lutte contre la
grande fraude fi scale pour annoncer ensuite un renforcement
des contrôles auprès des employés qui optent pour les frais réels.
Le texte de l’avant-projet de loi-programme est techniquement
critiquable et comprend déjà des discriminations. Une réforme
fi scale de grande ampleur nécessite un travail consciencieux ;
une lutte effi cace contre la grande fraude fi scale et le rétablis-
sement d’une certaine justice fi scale semblerait supposer une
bonne dose de courage politique qui fait défaut. Cette poli-
tique fi scale a pour seule conséquence l’adoption de mesures
décousues qui permettront probablement de combler le défi cit
budgétaire à court terme, à défaut de soutenir l’esprit d’entre-
prendre et de renforcer la compétitivité des entreprises belges
créatrices d’emploi. »
« Cette réforme fi scale, attendue de longue date, a clairement une vocation purement budgétaire. »
Rony Baert: « On sait déjà que cet accord ne sera pas suf-fi sant pour sortir de l’impasse. Il comprend de nombreuses déclarations d’intentions qui devront sans doute être adap-tées, étant donné le climat social actuel. »
FISCALITÉ DOSSIER
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Le CFO doit jouer un rôle de bétonneur de l’entreprise
P lus impliqué dans la stratégie et la découverte de
nouvelles opportunités de croissance, le directeur
fi nancier cumule les lourdes tâches d’assurer la
gestion des risques, de planifi er les budgets, de
produire un reporting précis, de prévoir les résultats fi nanciers
futurs, de mettre en place une gouvernance durable… Com-
pliance, reporting et gouvernance se partagent désormais une
bonne partie de son agenda. Si sa société est cotée, elle doit aus-
si organiser un comité d’audit en soutien au conseil d’adminis-
tration et choisir des administrateurs indépendants pour siéger
dans ce dernier, multipliant encore les obligations légales.
En 2000, Pierre Lambert rejoint Zetes en tant que CFO. No-
tamment spécialisée dans la création de cartes d’identité
électroniques, la société a choisi d’aller en bourse en 2005.
De son côté, Jean-Marc Kesteman, est arrivé chez Nuon en
2005 en tant que Credit & Collection Manager. Après avoir
été Compliance manager, il occupe à présent la fonction de
CFO depuis un peu plus d’un an. Créé en 2002, le fournis-
seur d’énergie vient d’être racheté par ENI, un grand groupe
international. Si leurs secteurs d’activité sont très différents,
ces deux CFO partagent certains points de vue sur leur mé-
tier et ses défis.
DE SOCIÉTÉ PRIVÉE À PUBLIQUEAvec un profi l d’économiste et plusieurs expériences en
banque, Pierre Lambert est engagé chez Zetes en 2000 suite
à une volonté d’expansion européenne et de renforcement
des équipes fi nancières de l’entreprise. De 300 employés du-
rant cette période, les équipes de Zetes sont passées à 1.100
collaborateurs aujourd’hui. « En 12 ans, le visage de la société
a bien changé, explique-t-il. Mes tâches ont également beau-
coup évolué. La réglementation a sans doute eu une infl uence,
mais ce n’est pas le seul élément. La taille de l’entreprise et sa
dynamique d’expansion y sont aussi pour beaucoup. Présents
auparavant dans 4 ou 5 pays en Europe, nous travaillons désor-
mais avec une quinzaine de pays dans le monde ».
Un deuxième changement pour Zetes a été son passage d’une
société privée à une société publique en 2005. L’entreprise a
ainsi choisi d’être cotée à Euronext pour grandir et fi nancer
de nouveaux projets. « Nous étions victime d’un paradoxe,
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Chargé de s’assurer du respect des normes et de la gestion des activités fi nancières de son entreprise, le CFO à affaire à une infl ation de standards internationaux et d’obligations nationales qui complexifi ent son travail. Equilibriste, il doit s’entourer d’experts pour pouvoir faire face à ces défi s, tout en continuant à soutenir le business. Deux CFO témoignent du changement de leur métier et de l’évolution du travail des conseils d’administration.
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
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nous avions des ambitions fortes, mais une structure de bilan
assez faible qui limitait notre développement, rappelle Pierre
Lambert. Ça s’est avéré une bonne décision car, depuis lors,
sans plus faire appel au marché, nous conservons une dyna-
mique de croissance. Cela a bien sûr eu des conséquences en
matière de gouvernance d’entreprise et d’obligations légales.
L’effort est assez conséquent, mais il apporte des effets collaté-
raux positifs, notamment au niveau du recrutement et de notre
renommée. Dans notre métier de People ID, c’est également un
atout et un aspect qui rassure nos clients sur la pérennité de
notre entreprise. Cependant, je ne suis pas sûr qu’une société
de notre taille ferait encore ce choix aujourd’hui, car les régle-
mentations et les contraintes ont beaucoup augmenté et que
le saut du privé au public est encore plus grand qu’en 2005. »
COMPLÉMENTARITÉ DES PROFILSCes évolutions en matière de régulation, ainsi que dans la
structure de Zetes se sont aussi refl étées dans la composi-
tion de son conseil d’administration. « Il y a dix ans, un conseil
était généralement composé de représentants d’actionnaires
qui étaient surtout là pour veiller sur leur investissement, pour-
suit-il. Aujourd’hui, on recherche davantage des administrateurs
ayant des compétences pointues et diversifi ées, par exemple, en
matière de fusions et acquisitions, qu’ils soient représentants
d’actionnaires ou pas. On attend d’eux qu’ils nous aident à
prendre les bonnes décisions stratégiques et qu’ils soutiennent
les initiatives du business en ayant un regard critique. »
Leur rôle va bien au-delà de la simple observation des règles.
« Comme ils ont souvent d’autres mandats, on sait aussi qu’ils
ont les compétences en matière de régulation. Nous avons éga-
lement l’obligation légale de solliciter la présence d’actionnaires
indépendants, qui ne détiennent pas une participation signifi -
cative, mais sont garants des intérêts de tous les actionnaires.
Je ne pense pas pour autant que les membres non exécutifs du
conseil doivent être plus impliqués qu’avant, mais on vise une
plus grande complémentarité des profi ls et des expériences. »
Le Conseil de Zetes se compose ainsi de dix administrateurs,
dont trois exécutifs qui sont impliqués dans la gestion quoti-
dienne de la société, le CEO, le CFO et le Président du conseil qui
maîtrise les affaires légales; trois administrateurs indépendants
choisis pour leur expérience sur proposition du conseil lors de
l’Assemblée Générale et quatre représentants des actionnaires.
PAS UN SUPER HÉROS « Le CFO est le gardien de l’orthodoxie, mais se doit aussi de
soutenir les opportunités pour son entreprise. Etre uniquement
un dinosaure qui contrôle parfaitement les règles ne peut plus
fonctionner, continue Pierre Lambert. Il doit bien s’organiser et
bétonner les risques, tout en soutenant le business. Bien sûr, le
CFO ne peut pas pour autant jour le rôle de superman et tout
faire. Il s’agit de trouver un équilibre en s’entourant de bons
collaborateurs. De mon côté, je n’assure pas le travail d’inves-
tigation en matière de compliance. Je m’appuie notamment
sur le Contrôleur Groupe, qui réalise le suivi des normes, IFRS
ou autres, et les traduit dans l’organisation. Nous présentons
ensemble un résumé au Comité d’Audit qui vérifi e ensuite si les
règles sélectionnées sont bien pertinentes pour nos activités. »
Pour éviter d’être submergé, le CFO doit ainsi connaître ses
limites et défi nir ses priorités, tout en s’entourant de pro-
fi ls spécialisés. « Je pense que le plus fructueux pour un CFO,
ajoute-t-il encore, est de créer la bonne équipe et le bon
contexte de travail en veillant à la clarté du message interne.
Tout contrôler est une cause perdue d’avance. La responsabilité
du CFO est surtout une question d’équipes. Collaborer dans la
vigilance est, selon moi, le modèle à suivre. »
Les auditeurs externes vérifi ent également si les obligations
légales sont bien respectées, permettant ainsi à l’entreprise
un mécanisme de double contrôle. « Nos auditeurs savent que
nous sommes IFRS-compliant, ils en tiennent compte lors de
leur travail », complète le CFO de Zetes.
AGILITÉ ET ADAPTABILITÉCette multiplication des réglementations nationales et in-
ternationales est souvent perçue comme un poids pour les
petites et moyennes structures. « J’ai pu remarquer un chan-
gement depuis ces sept dernières années. Le volet compliance
requière beaucoup de ressources, ce qui est parfois diffi cile pour
une société de notre taille, appuie Pierre Lambert. Nous fai-
sons en gros un chiffre d’affaire de 200 millions et pour nous,
les obligations de gouvernance d’entreprise représentent des
investissements proportionnellement plus lourds que pour
Pierre Lambert: « Le plus fructueux pour un CFO est de créer la bonne équipe et le bon contexte de travail en veillant à la clarté du message interne. Tout contrôler est une cause perdue d’avance. »
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une grosse entreprise. Cela dit, la conformité aux normes
répand des valeurs d’équité et de bon fonctionnement dans
l’entreprise. Subir les normes comme des contraintes est peu
constructif, renverser la vision en essayant que le business soit
fait dans les règles, peut s’avérer positif, même si cela nécessite
des efforts constants. » Pour y faire face, adaptabilité, vigilance
et agilité sont les maîtres mots. L’équilibre doit donc se faire
entre respect des règles fi nancières et soutien du business.
UN MARCHÉ EN CONSTRUCTIONNuon Belgium, fournisseur belge de gaz et d’électricité, a ré-
cemment fait l’actualité en étant racheté par le groupe italien
Eni, un géant pétrolier et gazier présent dans près de 80 pays
et employant 80.000 personnes, et déjà présent dans le sec-
teur à travers Distrigas en Belgique. La transaction a abouti
en janvier dernier, Nuon sera progressivement intégré dans
l’entreprise Eni, lui ouvrant, ainsi qu’à ses clients, de nouvelles
perspectives. La société rassemble 150 employés sur le pay-
roll et 300 emplois indirects.
« Le secteur de l’énergie est en perpétuel mouvement et particu-
lièrement normé, explique Jean-Marc Kesteman, CFO de Nuon
Belgique. La diffi culté, en Belgique, est d’avoir quatre régu-
lateurs : l’Etat fédéral et les trois régions, ce qui demande une
certaine fl exibilité et une souplesse pour parvenir à coordonner
toutes les directives. Nous devons également suivre la politique
européenne en matière d’énergie, ce qui en fait un domaine pas-
sionnant, mais où on ne peut jamais se reposer sur ses acquis. Il
ne faut pas oublier que la libéralisation de l’énergie a à peu près
dix ans, le marché est encore en train de se construire. Chaque
pays doit s’adapter à ce que fait ses voisins. »
Jean-Marc Kesteman rejoint Pierre Lambert en soulignant le
besoin d’organisation du CFO. « Nos obligations en matière de
compliance nous demandent beaucoup de ressources. Rien que
pour les questions de régulation, deux juristes, sont employés à
temps plein, ce qui est beaucoup pour une entreprise de 150 per-
sonnes. J’ai toujours travaillé dans un milieu de multinationales.
Je constate que les réglementations internationales comme IFRS
ou SOX sont des exercices plutôt contraignants pour les petites
structures. Ils introduisent des changements dans la manière de
conduire son business », précise le CFO de Nuon.
MOINS DOGMATIQUE Si ces réglementations sont de plus en plus nombreuses, la
façon d’y répondre a également évolué. « Je remarque surtout
une évolution dans la manière de traiter ces régulations
fi nancières. Il y a dix ans, les entreprises étaient plutôt dans
une application dogmatique et une implémentation stricte, ce
qui représentait un coût énorme, ajoute Jean-Marc Kesteman.
On va aujourd’hui vers une approche plus pragmatique et une
plus grande adaptation à son métier. Gérée par le département
fi nancier, la compliance impacte néanmoins toute l’entreprise.
L’IT, par exemple, possède un important rôle à jouer, la techno-
logie devant traduire les obligations réglementaires dans les
processus, ce qui nécessite un contrôle technique et fi nancier
très précis. Ce reporting est devenu tellement important qu’il
représente en moyenne 10% des nos investissements. Avec mon
équipe, je me charge de la conformité fi nancière, mais aussi de
consolider les aspects compliance des départements juridiques
et techniques. Outre la coordination, mon rôle est également
d’être un point de contact pour nos actionnaires. »
Pour résumer, le CFO doit donc constamment jouer l’équi-
libriste en assurant les tâches fi nancières historiques de
comptabilité et de fi scalité, tout en étant un stratège et en
prévoyant à long terme les résultats de son entreprise, la
direction à suivre et les investissements nécessaires pour
répondre aux besoins croissants en terme de compliance. « Il
doit occuper un rôle de gardien et de bétonneur de la société.
Il ne peut jamais être en pilote automatique, mais doit être
attentif en permanence. Il lui faut aussi conscientiser chaque
personne de la société à son niveau, en fait, il doit constam-
ment alterner plusieurs niveaux de vision: plongée et recul »,
termine Pierre Lambert.
« La compliance impacte toute la société. L’IT, par
exemple, possède un important rôle à jouer. »
Jean-Marc Kesteman: « Les réglementations internationales comme IFRS ou SOX sont des exercices plutôt contraignants pour les petites structures. Ils introduisent des changements dans la manière de conduire son business. »
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Vers un système de cotations boursières plus réel
E t si les marchés fi nanciers allaient droit dans le
mur? Admettre qu’ils ont tort, c’est reconnaître
leur manque d’effi cacité à long terme. La crise
de la dette a ainsi permis de mettre en lumière
les failles du système fi nancier international. Certains évoquent
même une « défi nanciarisation » de nos économies nécessaire
pour retrouver des économies moins volatiles et plus respon-
sables. Dans son livre L’empire de la valeur, André Orléan, direc-
teur de recherche au CNRS en France, insiste sur cette impor-
tance disproportionnée accordée à la fi nance dans nos sociétés.
Selon lui, les prix sur lesquels reposent les marchés sont des
valeurs tronquées qui ne refl ètent pas la demande réelle.
Un marché physique réel se construit sur base de l’offre et de
la demande d’un bien pour en déterminer son prix. Plus ce
bien est rare, plus son prix doit être élevé. La fi nance moderne
a étendu ce constat lié aux biens physiques aux actifs fi nan-
ciers, qui ne suivent pourtant pas tout à fait la même logique,
étant donné que sur ces marchés, les prix évoluent en fonc-
tion de l’anticipation des revenus futurs, encourageant ainsi
la spéculation. Ceci expliquant pour André Orléan la volatilité
des marchés et la création de bulles fi nancières qui déstabi-
lisent l’économie réelle.
TENIR COMPTE DES VOLUMESLors de ses conférences « Comprendre & Investir », Christian
Pire insiste sur le fait que la crise actuelle a davantage de ra-
cines comptables que fi nancières. « Le marché fonctionne en
circuit fermé. Il y a trois ans, c’était trop tôt pour dénoncer son
fonctionnement, c’est à présent le bon moment, explique-t-il.
Nous sommes aujourd’hui plus face à une crise comptable, qu’à
une réelle crise boursière qui verrait déferler les ordres de vente.
Certaines normes fi nancières sont complètement délirantes sur
le plan de la comptabilité. Je pense que la prise de conscience
doit venir du consommateur lambda qui consomme des SICAV
ou des fonds communs sans forcément maîtriser les rouages
fi nanciers, ni la manière dont l’information fi nancière se
construit. Il y a un vrai travail de sensibilisation à effectuer. »
Le gestionnaire défend l’idée d’une information socialement
responsable qui tiendrait compte des volumes échangés sur
le marché, ce que ne fait pas le système de cotation actuel. Les
Lassés de la volatilité des marchés et des variations extrêmes des cours des actions, certains acteurs de la fi nance défendent un système de cotation des valeurs boursières plus réel. C’est le cas de Christian Pire, gérant de portefeuilles, créateur de l’indice ISR – un indicateur des variations boursières relevant de l’information socialement responsable – et du site SOCIOECOPOFI.
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TEXTE : FLORENCE THIBAUT
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marchés boursiers n’ont jamais eu pour objectif de détermi-
ner la valeur de tous les titres. Ce sont les marchés des valeurs
(lieu où l’on peut s’échanger un volume de titres contre un
prix) et non de la valeur de tous les titres. Ce n’est pas parce
que 50.000 Belges ont gagnés (ou perdu) au Lotto que l’on dit
à tous les Belges qu’ils ont gagné (ou perdu) la même chose.
Les prix fi xés par les marchés ne sont ni faux, ni ineffi cients,
puisqu’ils sont la résultante d’un échange à prix donné pour
un volume donné. La « fausseté » et « l’ineffi cience » des mar-
chés viennent de l’extrapolation à tous les titres que la comp-
tabilité fait jouer à un cours de bourse réalisé à une heure
précise pour un volume précis.
DISSYMÉTRIE DE L’INFORMATION « Les cours de bourse ne peuvent pas être pris à eux seuls
comme informations de référence de la valeur des titres et des
portefeuilles. Il suffi t de quelques titres échangés à la clôture
pour que l’on affecte mécaniquement la hausse ou la baisse
à des millions voire des milliards de titres. Quoi de plus fou?
La dissymétrie de l’information fi nancière, soit sa perception
variable selon les connaissances du lecteur ou de l’auditeur,
peut devenir de la désinformation », complète Christian Pire.
Pour retourner à une communication fi nancière plus saine,
il recommande ainsi, l’obligation pour la presse fi nancière
d’ajouter à la variation spéculative du jour (variation offi cielle
actuelle fournie par Euronext), une variation socialement res-
ponsable tenant compte des volumes échangés.
Il prône également que les gérants des SICAV et FCP stipu-
lent leur indice de liquidité 3L. Cet indice, en comparant les
volumes de titres détenus par le gérant de la SICAV ou du FCP
au volume traité en bourse, donne une idée de la crédibilité
des performances annoncées. Si le volume détenu par le gé-
rant est dix fois plus élevé que ce qui est échangé en bourse,
qu’elle est la crédibilité des performances annoncées par
le gérant? Trop souvent, il est vendu des performances fan-
tasques. C’est bien la liquidité des lignes qui détermine la fi a-
bilité des performances annoncées. Il revendique ainsi l’ins-
tauration d’un tableau de bord « information socialement
responsable » dans un but de transparence des opérations et
sur l’utilisation des fonds dans l’économie réelle ou virtuelle.
Ce manque d’informations fi nancières solides pourrait être
imputé à la création des indices, comme le BEL 20 fondé en
1990, devenus de vrais outils commerciaux.
« Quand on analyse les variations des valeurs boursières, les
cours à la clôture imposent des réponses fi nancières instan-
tanées qui ne correspondent pas à ce qui s’est vendu, mais à
ce qui pourrait se vendre, résume Christian Pire. En d‘autres
termes les valeurs sont extrapolées et on crée des richesses ou
des pertes uniformément et de manière artifi cielle sans appui
de volumes échangés, ce qui peut créer une forme d’hystérie ou
de panique. La logique ne voudrait-elle pas que l’on fasse res-
sortir dans le cours le faible pourcentage du volume échangé?
Toute l’économie se fonde pourtant sur ce marché virtuel. »
Le site www.agencedecotationisr.com, notamment alimenté
par le gestionnaire, propose une lecture différente de la varia-
tion des cours boursiers afi n d’offrir une vision alternative. Il
retraite ainsi systématiquement les cours du jour des actions
sur le CAC 40 (indice Français), BEL 20, FTSE MIB (Indice Italien)
et le SMI (Indice Suisse) en fonction des volumes échangés. A
cette occasion, il calcule l’impact du système comptable sur la
variation des cours via l’indice de destruction comptable (ou
l’indice de création comptable en cas de hausse) qui calcule
le pourcentage de la baisse (ou de la hausse) du cours du uni-
quement à la méthode de valorisation comptable qui ne prend
pas en compte les volumes échangés (liquidité). Il repose sur le
constat que la fi nance se fonde sur une conception continue
des variations économiques et sur le fantasme qu’on peut tout
contrôler et tout prévoir, risques comme plus-values, amenant
à une spéculation dangereuse. Pour un indice, la variation ISR
se calcule en multipliant la variation offi cielle multipliée par
la somme des volumes échangés pour chaque constituant de
l’indice et pour une valeur, c’est la variation offi cielle corrigée
du volume échangé/nombre de titres en circulation.
SYSTÈME ARTIFICIEL« Il ne faut pas oublier que le cours de bourse n’a d’importance
que pour les ‘petits’ porteurs qui ne suivent pas la masse pour pas-
ser leurs ordres boursiers, ainsi que pour les investisseurs qui ont
effectivement acheté ou vendu leurs titres. Avec mes collabora-
teurs, nous défendons un label de ‘performance’ réalisable, pour-
suit-il, qui viendrait classer et défi nir les cours boursiers en une
réalité fi nancière réalisable ou réalisée. Le principe étant, non pas
de donner un cours applicable à tous les porteurs de parts, mais
un potentiel de réalisation de l’information donnée sur les cours. »
Enfi n, pour en fi nir avec un système fi nancier artifi ciel, le sec-
teur devra être régulé, sans être réprimé, pour lui redonner sa
place au service de la croissance, du fi nancement de l’activi-
té et des investissements, en combattant ex-post la création
de bulles fi nancières. « Notre système actuel a clairement
montré ses limites, nous avons été trop loin. Le moment est
venu de nous doter de nouveaux outils. Je prône, par exemple,
l’établissement d’un prélèvement sur les gains réalisés sur les
marchés dérivé et virtuels, qui servirait à octroyer, par les
organismes prélevés, des prêts à taux très faibles à des pro-
jets favorisant l’Environnement, le Social et la Gouvernance.
Il n’est pas trop tard pour agir, le marché est demandeur de
changements », conclut Christian Pire.
« Certaines normes fi nancières sont complètement délirantes sur le plan de la comptabilité. »