32
2 LE TRA LE TRAV AIL AIL FRANÇOIS-JEAN MARTIN FORCES ET FAIBLESSES DU TRAVAIL SELON LA BIBLE « Le bien le plus précieux de l’homme, c’est l’activité. » (Pr 12.27) « Celui qui croise les bras est un insensé et il se détruit lui-même. Il vaut mieux une main pleine de repos que deux mains pleines de tra- vail à courir ainsi après le vent » (Ec 4.5-6) « Quel avantage celui qui travaille retire- t-il de la peine qu’il se donne ? » (Ec 3. 9) « J’ai entrepris de grands travaux. Je me suis bâti des maisons. Je me suis planté des vignes. Je me suis aménagé des jardins et des vergers et j’y ai planté des arbres fruitiers de toutes sortes. Je me suis fait des bassins pour irriguer des pépinières où croissent des arbres… Oui j’ai joui de tout mon travail et c’est la part que j’ai retirée de toute la peine que je m’étais don- née pour les accomplir. Et je me suis rendu compte que tout est déri- soire : autant courir après le vent. Il n’y a aucun avan- tage à tout ce qu’on fait sous le soleil. » (Ec 2.4 ; 10-11) Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 2

FORCES ET FAIBLESSES DU TRAVAIL SELON LA … · l’homme à son image. Dieu place l’homme dans le jardin (Ge 2.8) pour le cultiver et le garder. Il reçoit donc l’appel à être

Embed Size (px)

Citation preview

2

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

FORCESET FAIBLESSESDU TRAVAIL SELON LA BIBLE

« Le bien le plus précieux de l’homme, c’est l’activité. » (Pr 12.27)« Celui qui croise les bras est un insensé et il

se détruit lui-même. Il vaut mieux une mainpleine de repos que deux mains pleines de tra-vail à courir ainsi après le vent » (Ec 4.5-6)

« Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de la peine qu’il se donne ? » (Ec 3. 9)

« J’ai entrepris de grands travaux.Je me suis bâti des maisons. Je me suisplanté des vignes. Je me suis aménagédes jardins et des vergers et j’y aiplanté des arbres fruitiers de toutessortes. Je me suis fait des bassinspour irriguer des pépinières oùcroissent des arbres…

Oui j’ai joui de tout mon travailet c’est la part que j’ai retirée detoute la peine que je m’étais don-née pour les accomplir. Et je me suisrendu compte que tout est déri-soire : autant courir après levent. Il n’y a aucun avan-tage à tout ce qu’onfait sous le soleil. »(Ec 2.4 ; 10-11)

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 2

3

Aborder ce sujet en quelques pagesn’est pas évident, surtout qu’il s’agitd’une réalité qui occupe une grande

partie de notre vie. C’est un élémentmajeur de nos pensées, de nos soucis, denos échanges soit à cause de la réalité desdifficultés à l’exercer soit à cause de sonabsence.

On parle souvent du travail dans laBible. Mais on y chercherait en vain uncours de théologie ou d’éthique sur cethème. Les textes qui y font référenceappartiennent à des genres littéraires trèsdifférents (récits fondateurs, lois, prophé-ties, conseils de sagesse, lettres pastorales,etc.). Ils semblent parfois se contredire.Mais on peut, à partir de tous les textes,construire une théologie du travail cohé-rente qui permette d’assumer les contra-dictions.

Robert Somerville dans un solideouvrage qui fait référence1 dit : « Deuxperspectives dominent la conceptionbiblique du travail humain : d’une part, letravail est considéré comme une bonnechose, voulue par Dieu pour le bien et lajoie de l’homme ; d’autre part, il apparaîtcomme un fardeau, une source de souf-frances. »

Le travail : un don Les premières lignes de la Bible nous

montrent Dieu au travail. Dieu créel’homme à son image. Dieu place l’hommedans le jardin (Ge 2.8) pour le cultiver etle garder. Il reçoit donc l’appel à être agri-culteur, jardinier mais aussi gérant de cetteTerre. Il a mission de gestionnaire écolo-giste : il doit la garder, veiller sur elle. Lejardin n’est pas un lieu de farniente, on ytravaille mais le travail de l’homme àl’image de celui de Dieu n’est pas pénible.

Il le devient seulement avec la chute. Lestextes de Genèse 3.17 et 3.19 prouventbien cette réalité. L’homme accomplit aussidans le jardin un travail de biologiste, ilidentifie les animaux, les sépare les uns desautres et de lui-même, il les classe.

Le travail de l’homme est participationà la création, au plan de Dieu. C’est unrôle de collaborateur. Son travail reflètecelui de Dieu. Le décalogue met en paral-lèle les six jours de la création avec lasemaine de travail des humains (Ex 20.7-11). Le travail est donc un don de Dieu.Jésus a donné l’exemple. Il est fils d’arti-san, il a certainement travaillé dans l’ate-lier et les chantiers de son père. Dans savie terrestre, il a surtout porté un bleu detravail On est loin de la conception grecquequi par le mythe de Prométhée conçoitl’homme comme un rival des dieux. Dieu,lui, fait confiance aux hommes, il sedépouille pour les enrichir, il leur confieune mission et bénit leur œuvre (Dt 30.9).Le travail n’est pas méprisable, c’est undroit pour tout homme. C’est pourquoi lechômage est un fléau qu’on ne peut tolé-rer car on nie l’image de Dieu dansl’homme. Dieu condamne sévèrementceux qui privent des hommes d’un travailalors qu’ils détiennent économiquement lepouvoir de leur donner et de leur accor-der un salaire (Dt 24.14-15 ; Jc 5.1-5). Cal-vin considérait que priver quelqu’un de tra-vail était un crime.

Le travail : unaccomplissement

Il est normal que Dieu commande àl’homme de travailler : « Tu travaillerassix jours et tu feras tout ton ouvrage. » (Ex

1 L’Ethique du travail, Collection Alliance, Editions SATOR, 1989, p.29

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 3

4

20.9), puisqu’il en a fait son intendant.Les chrétiens de Thessalonique de culturegrecque pensaient que le travail était unmal à éviter si possible et que la perspec-tive du retour imminent du Seigneur por-tait à considérer la vie terrestre commesans valeur. Aussi Paul leur écrit en don-nant son propre exemple : alors qu’il auraitpu profiter du droit attaché à sa fonction,il a travaillé afin de n’être à charge de per-sonne. Il leur dit « Si quelqu’un ne veut pastravailler, qu’il ne mange pas non plus. ».Puis il conclut : « Pour vous, frères, nevous lassez pas de faire le bien. » (2Th3.6-13). Un des sensdu travail est donc defaire le bien, derechercher ce qui estutile aux autres, aulieu de vivre en para-site, à leurs dépens.2

C’est pourquoi laBible condamne laparesse qui est sourcede misères : l’oisiveténe nourrit pas sonhomme. En outre letravail contribue àdévelopper la vie sociale, les relations avecautrui ; par son travail l’homme participeà une œuvre commune. Ainsi l’hommepeut se réjouir de son travail, en être fier,il accomplit une œuvre. C’est le sens posi-tif du mot grec « ergon » qui traduit plu-sieurs mots hébreux de l’Ancien Testa-ment pour l’habileté humaine : le chefd’œuvre comme dans Exode 35.30-35,mais aussi l’idée d’accomplissement (Gn2.1-3) et celle de service (Ex 35.24).3

En faisant de son activité une œuvre, enla reliant à un projet utile commun,l’homme est un reflet de Dieu par son tra-vail, il peut s’en réjouir et y trouver un sens.

Le travail : une souffranceLe Nouveau Testament utilise d’autres

termes comme « kopos » pour indiquer lapeine, l’effort, la souffrance liés au travail.Le labeur des hommes n’est pas toujoursjoie et liberté. Il peut être peine, contrainteet frustration. C’est une conséquence dela chute qui a faussé l’ordre créationnel(Gn 3.17-19). Il faut noter ici que le travailn’est pas devenu une malédiction en soi,mais plutôt les conditions dans lesquellesil s’exercera. Le travail n’est pas devenuune chose mauvaise mais une chosepénible. C’est ce que souligne l’expres-sion « à la sueur de ton front ». Pouressayer de faire comprendre sa souffranceJob se compare à un ouvrier salarié (Jb7.1) et Paul, pour encourager Timothée àsouffrir pour Jésus-Christ, lui donnel’exemple du laboureur qui peine (2 Tm2.3-6). L’esclavage des Israélites en Egyptesouligne la dure condition des travailleurs,aggravée par les mauvais traitements. LaBible montre le souci de Dieu pour proté-ger les ouvriers (Dt 5.14 ; 24.14-15) et lesProphètes comme l’Apôtre Jacquescontrent ceux qui s’enrichissaient auxdépens de leurs ouvriers (Jr 22.13 ; Am2.6-7 ; Jc 5.4). Le mot français « travail »rappelle cette réalité puisqu’il dérive dulatin « tripalium » qui était un instrumentde torture.

La plupart des hommes ne travaillentpas par plaisir, par libre choix, mais parnécessité, contraints par le besoin. L’ab-sence de travail signifie la pauvreté, lamisère.

Il faut aussi dire que le travail enrichis-sant pour toute la personnalité, n’est plus

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

2 Ce paragraphe doit beaucoup au travail de R. Somerville déjà cité.3 Le mot « ergon » n’a pas toujours un sens positif, il désigne les actionshumaines en général bonnes ou mauvaises. C’est le contexte qui en révèlele sens.

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 4

5

la réalité de la majorité. Un labeur épui-sant, salissant, mal considéré, qu’on n’apas choisi et qui n’a ni utilité ni sens à sesyeux et à ceux de la société, ne valoriseguère le travail. On est loin du bel ouvragede l’artisan. Le travail dépersonnalisé, enmiettes, répétitif, sans fin, aux cadencesinfernales, surveillé, chronométré (cf. « Lestemps modernes » de Chaplin), n’attachepas à son poste et est une atteinte à ladignité de l’homme. En outre, l’éventaildémesuré des salaires, les profits exorbi-tants de certains, le passage dans l’entre-prise du pouvoir des entrepreneurs auxfinanciers, la situation des syndicats, don-nent aux travailleurs le sentiment d’êtreexploités et d’être impuissants à faire évo-luer cette situation. A quoi bon s’investir etse fatiguer, si c’est un autre qui doit profi-ter de mes efforts ?

On ne croit plus au progrès qui feranaître un monde meilleur du labeurhumain. Le travail n’a plus qu’une valeurmarchande, celle-ci n’est pas porteused’utopies !

Avec le terme « ergon » le travail peutaussi désigner une œuvre mauvaise. Ainsitout travail n’est pas utile, il peut même êtremauvais. Pour les hommes, le travail voitparfois sa réalité dévoyée, il devient com-bat, conquête, lutte pour la suprématie,pour le pouvoir. Le travail n’est plus pourle bien commun des hommes mais leshommes sont instrumentalisés pour le pro-fit d’un seul ou d’un groupe. Source derichesse et de pouvoir, il est une fin en soiet justifie tous les moyens.

Même quand le travail est choisi et qu’ilréalise une œuvre, celle-ci reste vanité etson acquis ne suit pas le travailleur dansla tombe. Face à la mort, à quoi sert toutce pourquoi il a travaillé ?

Le travail : bonheur etmalheur

Même pour le réaliste Ecclésiaste - cer-tains diraient pessimiste - il est encore pos-sible à l’homme de travailler dans unmonde pécheur à une œuvre dont il peutse réjouir. Même si ses efforts sont accom-pagnés de peine, ils ne sont pas inutiles.Dieu est disposé à bénir le travail del’homme et ce travail est source d’accom-plissement. Il permet à l’homme de gagnerson pain, ce qui est motivation honorablepour le travailleur, «l’ouvrier mérite sonsalaire » (Lc 10.7). Cela procure à l’hommeune satisfaction légitime (Pr 30.8-9). Lesalaire peut permettre non seulement l’aidedes siens mais aussi celle de ses frères enla foi et celle de ses prochains. La pro-ductivité n’est plus une fin en soi.

La Bible ne donne pas d’indication pré-cise et impérative sur le choix d’un systèmeéconomique ou politique. Elle définit plusun esprit, une inspiration, des principesplutôt que des formes rigoureuses. Ainsichaque système gardera une valeur rela-tive et seconde. Ce qui signifie qu’à l’imagede l’homme, nul système humain n’estparfait. Par là, le chrétien est soigneuse-ment mis en garde contre toute idolâtrie,économique ou politique. Si la Parolereconnaît la propriété et la responsabilitéindividuelle, elle appelle aussi au partageet même, avec l’institution du jubilé, à laredistribution des terres et à la remise desdettes. Elle empêche la pauvreté et l’indi-gence héritées. Elle rappelle aussi la séduc-tion des richesses et leur danger sans pourautant les diaboliser.

La valorisation extrême du travail parnos sociétés, le travail conçu comme unefin en soi, la valeur qui justifie qu’on lui

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 5

6

consacre sa vie, qui est le sens ultime del’existence, a pour corollaire l’exclusion etla marginalisation des chômeurs, desjeunes, des retraités, de certains handica-pés et des malades. Il faut savoir définirune personne par autre chose que sonmétier ou son salaire. Pour garder leshumains de tout attendre de leur travail(Ex : le travail fut sa vie !) Dieu a donné àson peuple le commandement du repos(Ex 20.8-11 ; Dt 5.12-15). Jésus indique(Mc 2.27) que ce commandement doitêtre pour l’homme une libération et nonune contrainte. Par cet ordre Dieu montre

qu’il y a plus que le travail et qu’Il prendsoin de sa créature. L’homme ne vit passeulement pour travailler. Ne pas savoirs’arrêter c’est se croire indispensable. Clé-

menceau disait : « Les cimetières sontpleins de personnes indispensables ».

Le travail exprime et enrichit la per-sonnalité de l’homme qui, en mettant envaleur ses dons, s’accomplit lui-même. Encréant l’homme à son image, en l’associantcomme intendant, Dieu a honorél’homme. Ce dernier était comme les ani-maux, façonné de la poussière du sol etnon un pur esprit, ce que soulignait sonnom Adam « le terreux ». En travaillant,l’homme prend sa vraie place dans la créa-tion. Il s’inscrit là dans une réalité com-munautaire.

Le service est le mot clé de la concep-tion biblique du travail, il lui donne savaleur et son sens. Aucune tâche n’estalors méprisable, puisqu’elle a valeur deservice et est expression de Dieu et del’amour du prochain (Ga 5.13 ; 1 Jn 4.18).Jésus nous a donné l’exemple. Cetteconception du travail apparaît dans le motfrançais métier qui vient du latin « minis-terium » service. En Christ, le travail peutretrouver du sens.

Par son travail l’homme accomplit lemandat que Dieu lui a confié et par sa col-laboration il glorifie Dieu (1 Co 10.31 ; Col3.17). S’il y a pour le travail une espéranceéternelle comme source de bonheur dansla cité céleste selon des textes bibliques (Ap14.13 ; 1 Co 15.58 ; Lc.16.9), les chrétienspeuvent être source d’espérance déjà ici-bas en mettant leur éthique du travail enœuvre, soit comme patron soit commeemployé. Des chrétiens engagés ont été àla source de progrès dans l’entreprise, deconditions de travail plus justes, de la par-ticipation aux bénéfices et aux décisions,du syndicalisme. Les chrétiens peuventêtre encore lumière et sel de la Terre dansle monde du travail.

F-J.M.

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 6

RESSOURCESINHUMAINES

En France, un peu plus de 27 mil-lions de salariés, dont 54% d’hommes et46% de femmes, et près de 220 millionsen Europe (25 états membres)2, chiffresauxquels il conviendrait de rajouter envi-ron 9% de chômeurs, sont, au quotidien,confrontés à un ensemble de comporte-ments qui pour certains peuvent revêtirle qualificatif d’inhumains.

Un document rédigé par Jean-LucFoucher sous le titre «Ressources inhu-maines»,3 est éclairant et instructif pourceux qui n’ont jamais été confrontés à detelles attitudes. Il vient malheureusementconforter et confirmer ce que plusieursd’entre nous ont déjà pu connaître dansleur parcours professionnel. La 2ème par-tie de l’ouvrage est plus optimiste. Ilévoque les voies empruntées par certainsmanagers qui ont une vision plus humainede l’entreprise.

QUAND LA REALITEDEPASSE LA FICTION

Parce qu’en France, la loi n’imposepas de Plan de Sauvegarde de l’Emploien dessous de 10 salariés licenciés oureclassés, dans le même mois, 2 dirigeants

de PME, dont 1 en Alsace, ont, demanière arrogante, méprisante et cynique,mais en parfaite conformité avec la légis-lation, proposé à 9 de leurs salariés : soitde les licencier pour raison économique,sans doute justifiée, soit de les reclasserauprès de partenaires, pour les uns enRoumanie à 110 €/mois et pour les autresà l’Ile Maurice pour 117 €/mois.

Cette attitude est aussi insuppor-table que les salaires disproportionnés decertains dirigeants, 100 à 150 fois le salairemoyen de leurs salariés, alors que les per-formances et les résultats de leurs entre-prises ne les justifient pas. D’autant, quecontrairement aux footballeurs ou auxartistes, dont les revenus sont aussi exor-bitants, les patrons, eux, ne font pas rêver.

COUPABLE OURESPONSABLE ?

Médiatisées, ces situations sont nonseulement préjudiciables pour tous lesentrepreneurs, mais elles alimentent la sus-

Les salariés : un matériel jetable ?1

Les salariés : un matériel jetable ?1

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

CLAUDE

GRANDJEAN

7

1 Conférence donnée dans le cadre du CongrèsEuropéen d’Ethique du 27, 28 et 29 mai 2005 àStrasbourg. Texte réduit et reproduit avec l’ai-mable autorisation de l’auteur.2 INSEE, statistiques sur l’emploi3 FOUCHER Jean-Luc, «Ressources inhumaines»,Bourin éditeur

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 7

8

picion et contribuent à discréditer tous ceux, lesplus nombreux, qui, chaque jour, par leurengagement, contribuent à maintenir et àdévelopper la richesse de notre pays. Notresociété préfère les coupables. Ils sontsécurisants et lui permettent d’échapperà sa responsabilité.

Si dans la plupart des cas ce sont les sala-riés qui subissent, il serait inexact, de n’attribuerqu’aux politiques, aux technocrates européens,aux actionnaires avides de dividendes, auxpatrons ou à la mondialisation et à la libre cir-culation des hommes et desbiens, tous les maux aux-quels nous contribuonsaussi en tant que clients etconsommateurs.

Si le marché fait loi, quimieux que le client - en fait,le consommateur que noussommes - peut permettred’influer sur ce dit marché? Le salarié de par sa situa-tion en est fournisseur, c’estla part des services qu’il se fait rémunérer pourson travail, et client quand il devient le consom-mateur avisé et attentif veillant à acheter dansle meilleur rapport qualité/prix/service.

Avant de rechercher des coupables, nedevrions-nous pas prendre notre part de res-ponsabilité, nous imposer une éthiquecitoyenne dans laquelle la solidarité, la com-passion, le respect de l’autre et de son envi-ronnement, le devoir de justice et d’équité,contribueraient à rendre notre quotidien, pournous et pour les autres, plus facile à vivre ?

Rien de contraire à la révélation biblique,rien d’opposé aux Béatitudes : le chrétien, depar la foi qui l’anime se trouve dans une posi-tion privilégiée puisque l’Esprit qui l’habite estle même que celui qui inspire et prescrit cescomportements.

FOI ET COMPORTEMENTSJacques Buchhold4 dans un exposé sur le

thème « Jésus, la venue du Royaume et laquestion sociale », aborde ce qu’il appelle les

3 éthiques bibliques à savoir : l’éthique de lasainteté, l’éthique du compromis et l’éthiquedes limites.

L’éthique de la saintetéDieu est saint, ses lois sont parfaites et

dans l’absolu c’est vers cette perfection que lechrétien doit tendre. A aucun moment Dieu nepeut être associé au péché ou à nos mauvaisesmanières. Le seul moment où Dieu pourraitavoir à faire avec le péché, c’est en Christquand, à la croix, il a porté nos péchés (Es 53)ou comme le dira Paul : « Celui qui n’a pointconnu le péché, il l’a fait devenir péché pournous, afin que nous devenions en lui justice deDieu » (2 Co 5.21)5.

A la corruption de l’homme par le péché,Dieu répond par le salut en Christ et parl’œuvre de sanctification qu’accomplit le Saint-Esprit en nous, afin de nous rendre conformesà Christ et agréables à Dieu. C’est un cheminà parcourir et Dieu sait de quoi nous sommesfaits, il tient compte de la réalité. La « nouvellecréature » doit devenir visible. Si l’absolu nenous semble pas à notre portée, le possibledoit mobiliser notre énergie.

L’éthique du compromis.Il ne faut pas confondre « compromis » et

« compromission ». Le « compromis » est unedécision, un acte arbitré qui prend en compteune situation et un niveau de connaissance oud’information, qui permet de faire des choix rai-sonnables, mais sans aucun doute imparfaits.La « compromission » relève de l’accommo-dement coupable fait par lâcheté ou par inté-rêt. Elle peut, dans certains cas, devenir répré-hensible par rapport à la loi.

« Il n’existe pas de bonne manière defaire une chose mauvaise. » Nous demeu-

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

4 BUCHHOLD Jacques, Revue HOKHMA N° 86, « Jésus, la venue du Royaume et la ques-tion sociale », compte-rendu des conférences données lors d’un séminaire qui s’est dérouléà l’Institut Biblique et Missionnaire Emmaüs en mai 2004 sous le thème général « Lesenjeux de l’éthique ».5 Textes bibliques cités d’après la version « Segond » ou « Parole vivante », transcrip-tion du Nouveau Testament par A. Kuen

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 8

9

rons des êtres faillibles, Dieu le sait et noscontemporains qui ne partagent pas notre foile voient. Ce qu’ils attendent, ce n’est pas quenous soyons parfaits, mais cohérents avec la foique nous professons et avec le sens que Dieudonne à notre vie.

L’apôtre Paul nous exhorte à être consé-quents : « Nous rejetons les ‘méthodes secrètes’,les ‘voies cachées’ et tout ce qui se trame dansl’ombre. Nous n’avons rien à dissimuler, riendont nous devions rougir. Nous ne nourrissonsni ‘arrière-pensées’, ni ‘calculs intéressés’. Nousne recourons pas à l’intrigue ou à la ruse, nousles dénonçons, au contraire, sans ménagement.Nous n’altérons pas la Parole de Dieu et n’entordons pas le sens » (2 Co 4.2).

L’éthique des limites, éthique durefus

Si l’on comprend bien ce que sont leslimites, ce que d’autres appelleraient l’inac-ceptable, je préfère les remplacer par uneéthique du refus. Passer de la passivité quiconstate, à l’action qui s’oppose. Le chrétien nedoit pas simplement faire entendre ses convic-tions, il doit aussi prendre ses responsabilités,mettre en œuvre tout ce qui est en son pouvoir,à sa portée, pour que justement, les limites nesoient pas franchies. Les risques ne sont pas dela même nature et les conséquences indubita-blement différentes, mais faut-il pour autantdemeurer en retrait ?

Salariés matériel jetable ?Si les salariés n’ont, pour certains, pas plus

de poids que n’importe quel matériel de pro-duction, s’ils ne constituent qu’un « postecharges » du compte d’exploitation, si leurvaleur ne s’exprime qu’en termes de producti-vité, alors les limites sont franchies etnotre opposition doit être résolue.

Cependant pour que cette opposition soitcrédible, il faut que nos comportements per-sonnels soient, comme nous l’avons déjà dit, enaccord avec la foi que nous professons.

Dans le domaine économique, il n’existepas de bons projets d’entreprise sans de

bons projets pour l’homme.Justement en matière de comporte-

ment et de notre relation à l’autre, quelssont les principes que nous pourrionsretenir et mettre en œuvre ? A titre per-sonnel6, deux versets de la Bible m’ont parti-culièrement parlé et contribué, avec la grâce deDieu, à assumer mes responsabilités et en sup-porter les conséquences :

« Ce que l’Eternel demande de toi, c’estque tu pratiques la justice, que tu aimes lamiséricorde, et que tu marches humblementavec ton Dieu » (Mi 6.8). Cette parole m’est per-sonnelle, mais je crois que toute personne assu-mant des responsabilités devrait réfléchir à cetteproposition : Etre des hommes justes, deshommes de cœur, avec la force que Dieudonne à chacun.

« J’ai été jeune, j’ai vieilli ; et je n’ai pointvu le juste abandonné, ni sa postérité mendierson pain » (Ps 37.25). Je peux faireconfiance à Dieu.

Je voudrais préciser que quel que soit leniveau de responsabilité que j’ai dû assumer,j’ai avant tout cherché à l’accomplir en tant que« chrétien manager » ou « chrétien patron » etnon l’inverse. J’ai essayé, dans l’exercice demes responsabilités, d’appliquer à mon mana-gement les principes suivants :

• Une définition claire et aussi précise quepossible des responsabilités de chacun (droitset devoirs), ainsi que de leur mode d’appli-cation. Ne pas laisser de place au doute enfavorisant l’initiative.

• Le respect des engagements pris, tant enversceux de l’extérieur (clients, fournisseurs),qu’envers le personnel. C’est une questionde respect de l’autre et de la parole.

• La transparence dans l’information et la pré-sentation des chiffres et des résultats. Dire lavérité c’est avoir de la considération pour lescollaborateurs qui y contribuent.

6 GRANDJEAN Claude, Magazine « Certitudes » N° 173 de Janvier-Février 1996, article« A la tête d’une entreprise, aux pieds du Christ »

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 9

10

• La valorisation des compétences, c’est enri-chir la société et transformer « les ressourceshumaines » en « richesses humaines »

• L’analyse régulière des points forts et despoints faibles de nos produits, de nosméthodes et de nos structures et de ceux quiles composent, permet une adaptation quidoit contribuer au bien-être général de l’en-treprise.

• La rigueur pour tous dans la mise en œuvredes décisions. Le niveau hiérarchique nedispense pas l’intéressé de s’affranchir descontraintes imposées.

Exigences économiques,souci d’éthique

La rentabilité et le profit sont des élémentsvitaux à la vie de l’entreprise. Mais je sais quel’un comme l’autre ne peuvent se faire sans leshommes qui la composent. La réussite n’est pasautomatiquement garantie car chacun n’a enfonction de son poste, qu’une vision partielledes choses, et le personnel prête souvent à sesdirigeants des intentions ou des ambitions per-sonnelles qu’ils n’ont pas.

Si l’entreprise est productrice de richesses,elle ne doit à aucun moment n’exister que pourle profit qu’elle produit. L’entreprise a un rôle« citoyen », elle est un élément de la « cohésionsociale » mais ne se substitue pas à l’assistancesociale. « Gérer seulement pour le profit,c’est comme jouer au tennis en regardantle score plutôt que la balle. »

Le profit, quand il existe, doit trouver sajuste répartition entre :

• les actionnaires qui assument, en partie, lesrisques financiers,

• les salariés, managers compris, qui par leurscompétences et leur temps, assurent au quo-tidien la bonne marche de l’entreprise,

• l’investissement en moyen de recherche et deproduction, mais également en contribuantà développer l’emploi,

• les fournisseurs qui y contribuent en tantque partenaires de l’entreprise. « Etrangler »ses fournisseurs n’est jamais productif.Certaines conditions économiques ou des

mauvais choix conduisent parfois le dirigeantà procéder à de nécessaires restructurations. Sides licenciements peuvent se faire sans « étatd’âme », ils ne peuvent pas se faire sans cas deconscience. Derrière chaque nom il y a une per-sonne, une famille. Ce sont autant de créaturesde Dieu au même titre que moi. La massesalariale n’est pas qu’un poste « charges » !

Il faudrait un peu plus d’imagination, un peuplus de liberté et moins d’égoïsme, donc un peuplus de solidarité pour transformer des situa-tions dramatiques en conditions satisfaisantespour tous.

VERS D’AUTRES SYSTEMESD’EVALUATION

« Ce n’est pas parce que les chiffres sontbons que les décisions sont bonnes. » La régle-mentation et l’opinion publique se font de plusen plus pressantes pour que la qualité et les per-formances d’une entreprise ne se mesurentplus sur le profit réalisé, mais également sur saprise en compte de l’impact de son activité surl’environnement et sur son bilan social enmatière de participation, d’égalité et de res-pect des salariés.

Savoir renoncer à un achat parce que celui-ci a impliqué de manière inacceptable et dansdes conditions inadmissibles le travail d’en-fants, ou payer plus cher des produits distribuéspar la filière du commerce équitable et qui ontfait l’objet d’une juste rémunération, sont autantd’actes concrets qui, à l’échelle de chacund’entre nous, peuvent, à terme, avoir un impactpositif et contribuer au changement en matièred’éthique sociale.

Pour conclure, une citation qui m’accom-pagne depuis près de 40 ans et que je crois êtrede Romain Rolland : « L’important est deconnaître ses limites, et de les aimer. »

C.G.

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 10

Que veut-on dire par un salairejuste ? Quel salaire mérite l’ou-vrier ? La réponse à ces questions

est délicate. Jean-François COLLANGE,qui fût un des mes professeurs dethéologie disait à ce sujet qu’énon-cer que « l’ouvrier mérite son

salaire », c’est dénoncer toute rétri-bution qui ne s’appuierait pas

sur un travail effectif, et toutescelles qui seraient sans com-mune mesure avec la réalité

du travail accompli. L’éta-blissement d’un salaireminimum va dans ce

sens mais quel est leminimum nécessaire

pour vivre décemment ?Comment estimer objecti-vement les besoins ?

La quasi-totalité de ceux à qui on demandes’ils sont satisfaits de leur salaire, répondent par la négativeestimant qu’il leur faudrait presque le double. Mais si quel-qu’un voit son salaire doubler (à la suite d’une promotion oud’un changement d’emploi), il suffit de deux ans pour quele nouveau salaire paraisse insuffisant !3 Notre société est unesociété de consommation entretenue par la publicité quijoue sur l’avidité et la convoitise. Toujours plus, car je le

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

11

Sous des appel-

lations et

des formes

différentes, le

salaire

se pré-

sente

comme la

contrepartie

de la prestation

de travail dont le

versement

constitue l’obli-

gation principale

de l’employeur.2

1 Cet article doit beaucoup au livre de M. Robert Somerville, L’éthique du travail, Edi-tions Sator, Collection Alliance, 19892 Définition de l’Encyclopédia Universalis, Article : « salaire »3 Jean Fourastié, Les 40000 heures, Robert Laffont&Gonthier, 1965, pp38s

Un juste salaire1Un juste salaire1

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 11

12

vaux bien ! Mais cela entraine de nom-breuses frustrations et fausse les relationssociales, on juge un homme à ce qu’ilgagne : « Un tel vaut tant. » On constatede grandes inégalités de revenus, des pri-vilèges acquis (conditions de travail,horaires, vacances, âge de la retraite,avantages en nature, stocks options, indem-nités de départ démesurées…). On voitaussi des disparités dans les salaires entrehommes et femmes ; pour un même tra-vail, on est loin d’un même salaire.

Il apparaît très difficile de dire ce qui estun juste salaire. Notre perception de lajustice est liée aux comparaisons que nouspouvons faire avec d’autres. Aussi il n’estpas surprenant que de nombreux tra-vailleurs ressentent comme une injustice lesgrandes disparités de rémunérations dontla raison est souvent difficile à comprendre.Il est donc nécessaire de s’interroger surl’échelle des salaires.

L’éventail des salairesIl est normal et souhaitable que ceux

qui occupent des positions de responsa-bilité, qui du fait de leurs compétencesacquises à la suite de longues études oud’une longue expérience sont difficilementremplaçables, qui ont osé entreprendre enprenant des risques donnant ainsi du tra-vail à d’autres, qui ont prouvé par lesérieux de leur travail qu’on pouvait comp-ter sur eux, gagnent plus qu’un débutantou qu’un manœuvre. Des salaires égauxpour tous, sans référence à la valeur du tra-vail fourni, encourageraient la médiocrité,la paresse et le laisser-aller. Il est donc justequ’il y ait un éventail des salaires.

L’espoir de gagner plus est un encou-ragement à bien travailler, à développer sescapacités, à mieux se former, à accepter desresponsabilités. Cependant, d’autres raisons

sont aussi importantes que la rémunéra-tion : aimer son travail, réaliser une œuvre,se savoir utile. D’autres aspects, comme lesconditions de travail, le temps libre, l’as-surance du travail, la participation aux béné-fices, la solidarité sociale, font accepter desconditions de salaire moins avantageuses.

Une trop grande échelle des salairesentraine des dangers contre lesquels laBible nous met en garde à savoir la cupi-dité (Col 3.5 ; Lc12.15 ; 1 Tm 6.9), l’in-justice (Lc 16.19-31)4 et le manque decohésion sociale.

Face à la cupidité, la Parole deDieu nous encourage à ne pas nous cou-ler dans le moule du temps présent(Rm12.1),5 de savoir modérer nos désirs(« Ne me donne ni pauvreté, ni richesse »(Pr 30.8)), de pratiquer le don et la géné-rosité (2 Co 8.9 ; 1 Tm 6.18-19), de choi-sir sa profession en fonction non du gainmaximum mais de son intérêt et surtout deson utilité pour les êtres humains. C’estégalement là que se placent le travail béné-vole ou celui du conjoint au foyer.

Face à l’injustice, il faut rappe-ler ce que dit la Parole : la responsabilitédes nantis face aux démunis (Jc 5.1-6),

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

4 Les Pères de l’Eglise s’indignent eux aussi comme Ambroise de Milan :Ce n’est pas de ton bien que tu fais largesse aux pauvres. Tu lui rends cequi lui appartient. Car ce qui est donné en commun pour l’usage de tous,voilà que tu te l’arroges. La terre est donnée à tout le monde, et pas seu-lement aux riches. Jusqu’où, riches, étendez-vous vos folles envies ? Seriez-vous seuls à habi-ter sur la terre ? Pourquoi rejetez-vous celui qui partage votre nature et reven-diquez-vous la possession de cette nature ? La terre a été établie en com-mun pour tous, riches et pauvres ; pourquoi vous arrogez-vous, à vous seuls,riches, le droit de propriété ? La nature ne connaît pas les riches, elle quinous enfante tous pauvres…. La terre nous a mis au jour nus, démunis denourriture, de vêtement, de boisson : la terre reçoit nus ceux qu’elle a enfan-tés, elle ne sait enfermer dans un tombeau les limites de propriétés.Thomas d’Aquin dit : Quand les riches conservent à leurs fins personnellesune surabondance qui serait nécessaire à la subsistance des pauvres, ils lesvolent.5 Transcription par A. Kuen, « Parole Vivante »

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 12

13

donner des salaires qui permettent auxtravailleurs et à leurs familles de vivredécemment et pas seulement de sur-vivre(Mt 20.1-16), refuser l’autonomie del’économie qui obéirait à ses propres loiset refuserait toute morale. Aucundomaine de l’existence humaine nepeut échapper à la souveraineté deDieu. Les nombreuses lois de l’AncienTestament apparaissent comme des freinset des correctifs à « la loi du marché » quiest en réalité la loi du plus fort et qui s’éta-blit aux dépens du plus faible. Dieu attenddes autorités qu’elles œuvrent pour le biendes plus fa ib les (Rm 13.1-7) et I lcondamne la Grande Babylone non seu-lement pour son luxe et sa débauche maisaussi pour son commerce et ses richessesen partie dûs au trafic « des corps et desâmes d’hommes » (Ap18.13). Aussi, mêmesi nous ne sommes pas riches ou patrons,comme citoyens d’un pays démocratique,nous devons, lors du choix de nos diri-geants, tenir compte de ces valeurs dansnos votes. Nous pouvons aussi nous enga-ger dans la vie politique (syndicalisme,charges représentatives diverses, …)

Face au manque de cohé-sion sociale, la Parole encourage àun partage équilibré de la richesse produitepar le travail. Si la Loi protégeait lespauvres, ce n’était pas seulement à causede la compassion de Dieu à leur égardmais aussi pour préserver le caractère com-munautaire du peuple d’Israël. L’annéesabbatique (Dt 15.1-11) et l’année jubi-laire(Lv 25.1-17) en témoignent fortement.En particulier pour la question des terres,qui a été chez nous un point fort du passé6

et reste un problème fort dans certainscontinents comme l’Amérique du Sud. LeChrist a aboli « le mur de sépara-tion » entre catégories sociales (Ep

2.14) et les distinctions sociales sont sansvaleur devant Dieu, il n’y a plus ni esclaveni libre (Ga 3.28). La valeur d’un êtrehumain ne dépend ni de ce qu’il gagne, nide sa réussite professionnelle ou socialemais de la grâce qui lui est faite en Jésus-Christ. De trop grandes différences éco-nomiques constituent un obstacle diffici-lement surmontable aux rapports humains,à la communication donc à la commu-nion et à la communauté (1 Co11.17-22 ;Jc 2.1-11). Une société cloisonnéen’est pas une société saine. Or nousavons créé des sociétés à deux vitesses,voire à plus … Ne parle-t-on pas de quartmonde chez nous ! La France d’en hautface à celle du bas à qui l’état donnera dupain et du cirque - ou plutôt le RMI et latélévision !

Le rapport Nord-Sud doit aussi nousinterpeller, notre aisance n’existe que surle dos de la misère des pays dits en voiede développement. Nous vivons en Francecomme si nous possédions trois planètes(cinq pour les Etats-Unis) aux dépens decelle des autres pays et de celle de nosenfants.

Que nous soyons patron ou ouvrier,ces questions nous encouragent non seu-lement à une réflexion indispensable, maisaussi à traduire tous les jours les valeursbibliques en action, en particulier danscette question de justes salaires. Etant touscitoyens et consommateurs, nous avons ànous prononcer dans la question du com-merce équitable, d’échanges Nord-Sudjustes, dans les choix politiques, dans nosengagements et nos modes de vie7.

F-J.M.

6 Thème du film remake « Jacquou le croquant » qui vient de sortir.7 Le Défi Michée est une campagne internationale dont le but est de mobi-liser les chrétiens contre la pauvreté par l’engagement des chrétiens enversles pauvres et l’interpellation des dirigeants afin qu’ils accomplissent lesObjectifs du Millénaire pour le Développement.

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 13

14

Les causes du chômage

Raisons humainesEn premier lieu, l’inadaptation de la main-d’œuvre aux

besoins de l’économie. Il y a une relation indiscutable entre le tauxde chômage et le niveau d’études.

Mais on doit aussi se poser la question du «travail au noir» :quelle influence a-t-il sur le marché du travail ? Ne réduit-il pasle nombre des emplois réguliers que l’on peut offrir aux chômeurs ?Les emplois à temps plein occupés par des travailleurs clandes-tins - pas seulement des immigrés - donnent du travail à quelques-uns, mais c’est sans participation aux organismes de solidaritécomme les ASSEDIC2, la Sécurité Sociale et les impôts.

Il ne faut pas cacher non plus le fait que les indemnités dechômage permettent à certains de vivre sans travailler en béné-ficiant de différentes formes d’aide sociale. Il y a bien sûr des pro-fiteurs parmi les chômeurs, mais ils ne représentent qu’une trèsfaible minorité, selon les responsables de l’ANPE3.

Enfin, certains travailleurs sont incapables de garder unemploi, par paresse, manque de conscience professionnelle, refusde la discipline, chapardage, instabilité personnelle, etc. Ici encore,il s’agit d’un phénomène de portée très limitée, mais l’exclusionde nombreux jeunes du monde du travail risque de faire croîtrele nombre des marginaux, inadaptés à la vie professionnelle.

La grande majorité des travailleurs s’efforce de remplir hon-nêtement leur tâche et doit être protégée de la menace de licen-ciements abusifs pour une faute exceptionnelle ou sans gravité.

On ne peut, en

parlant du travail,

négliger d’évoquer

la situation de

ceux qui en sont

privés, les

chômeurs. Le

chômage est une

réalité

douloureuse pour

des centaines de

milliers d’hommes

et de femmes, et

une lourde

menace pour

beaucoup

d’autres.

Le chomage1Le chomage1

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

MARCEL REUTENAUER

1 Condensé partiel du chapitre éponyme de l’ouvrage de M. Robert SOMERVILLE

« L’Ethique du travail » (Editions Sator, Collection Alliance, 1989, Chapitre 9, pages153 à 176). Nous remercions l’auteur pour son aimable autorisation et espérons que lelecteur aura envie de lire l’ensemble du texte original.2 Association pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce, chargée de l’indemnisationdes chômeurs.3 Agence Nationale pour l’Emploi.

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 14

Par contre, on peut se demander si cette pro-tection ne va pas quelquefois trop loin, lors-qu’elle conduit au maintien à un poste de res-ponsabilité quelqu’un qui n’y rend aucunservice.

Raisons économiquesCe sont les raisons économiques qui

occupent la première place dans l’augmen-tation du chômage. L’activitééconomique connaît deshauts et des bas que l’on nesait qu’imparfaitement pré-voir et maîtriser. Lorsque lademande faiblit, les usinestournent au ralenti et cher-chent à économiser sur lecoût de la main d’œuvre, aumoyen du licenciement. Maisune reprise de la demanden’entraîne qu’une légèreremontée de l’emploi, pourdes raisons psychologiques et économiques.

Mais les causes du chômage sont surtoutstructurelles, liées à l’organisation de l’éco-nomie mondiale. Les chômeurs sont lesvictimes d’une situation qui les dépasse detrès loin. Pour « raisons économiques », ilsse retrouvent sans travail. Cette situation de«gaspillage humain» à l’échelle de la planèteoblige à s’interroger sur la manière dont s’or-ganisent les sociétés modernes et sur les forcesqui dominent leur économie. Les problèmeshumains, tel que le chômage, ne sont-ils pasrévélateurs d’une mentalité qui est la sourcemême de ces problèmes ? La mentalitédominante privilégie la puissance que don-nent la technique et la richesse que procurel’activité économique. Ce sont là les valeursrecherchées avant tout.

Le remarquable enrichissement, après-guerre, des nations développées, la pro-gression rapide du pouvoir d’achat, ontdonné à croire que tout progrès est d’ordrematériel, que plus de richesse égal plus debonheur et que, par conséquent, l’économiedoit être la préoccupation prioritaire des

hommes. La réussite matérielle est l’indicede la valeur d’un homme. La gloire est à ceuxqui parviennent à devancer les autres, le mal-heur à ceux qui ne peuvent pas suivre.L’efficacité passe avant l’amour.

La primauté de la technique et de l’éco-nomie est une véritable idéologie, on peutmême dire une foi. De tout temps, leshommes ont eu tendance à adorer le pou-

voir et la richesse, àen faire des idoles.Mais aujourd’hui leprogrès techniqueet l’opulence ren-forcent l’idée quel’homme est capablede diriger seul sondestin, qu’il peutcompter sur sespropres forces et sursa propre sagesse,que la gloire ne doit

revenir qu’à lui seul, s’il se montre puissantet acquiert la richesse.

Là se trouve la racine du mal, dont le chô-mage est un des symptômes. La lutte contrele chômage doit être aussi une lutte contrel’orgueil et l’égoïsme humains. Le peuplede Dieu est appelé à entrer dans cette lutte,à venir en aide aux chômeurs et à partici-per aux efforts pour réduire le chômage. Maissa première responsabilité est d’appeler leshumains à changer de mentalité, à se repen-tir, à se tourner vers Dieu dans la foi. « Lavie d’un homme ne dépend pas de ce qu’ilpossède, fût-il dans l’abondance » (Lc 12.15),« Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâceaux humbles » (Jc 4.6), et « il prend plaisirà la miséricorde » (Mi 7.18). Sans le chan-gement de mentalité que demande l’Evangileil ne peut y avoir de vraie solution.

Le chômage tel qu’il est vécuCertes, il existe une diversité de situations

de chômage, mais dans la grande majoritédes cas, la privation d’emploi est une expé-rience douloureuse.

15

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 15

16

Le chômeur éprouve un sentimentd’échec. Il ne gagne plus sa vie par son tra-vail et se sent dévalorisé. Un agent del’ANPE le résume bien : « Je crois qu’on abeaucoup de mal à saisir ce qu’il y a dansl e f o r i n t é r i e u r d ’ u n c h ô m e u r .Fondamentalement, il a honte, il n’est pas biendans sa peau et il n’a pas envie de le dire. Iln’a pas envie qu’on le sache. »4 «Ne pas avoirde profession est synonyme d’amputation»5,déclare un chômeur.

Ce malaise est lié à une perte d’iden-tité. Pour la plupart des hommes et desfemmes qui exercent un emploi, le travail leurdonne une place reconnue dans la société,des repères, des relations. Tout cela disparaîtavec le chômage : on ne parvient plus à sesituer, on ne sait plus très bien qui on est. Ledésarroi que cela entraîne rejaillit sur les autresrelations, y compris les relations familiales ouamicales. Le chômeur traverse des momentsde dépression et a tendance à se replier surlui-même. Il a l’impression d’être jugé : « Sivous êtes ici, c’est que vous êtes des gens àproblèmes » s’est entendu dire une chômeuse.Elle ajoute : « Je me suis sentie écrasée, mépri-sée. On voulait me faire comprendre que jene valais pas ‘un clou’, que je ne comptaispas, que, d’une certaine façon, je n’avais pasma place dans la société.»6

Un autre aspect difficile de la situation duchômeur est sa précarité. Malgré l’aidesociale dont il peut bénéficier, il a perdu lasécurité que lui donnait un emploi. Lesindemnités perçues iront en diminuant aprèsun certain temps. La menace de difficultésmatérielles empêche de faire des projets. Latâche de retrouver un emploi s’accompagnede nombreuses obligations administrativespour avoir droit aux prestations sociales quipermettent de vivre. Ces démarches sont frus-trantes, sinon humiliantes, car le demandeurqui cherche à faire valoir ses droits a toujoursl’impression que « les devoirs sont impéra-tifs, les droits sont conditionnels ». Cela estgénérateur d’anxiété.

D’une certaine façon, c’est un emploi

à plein temps que de chercher active-ment un emploi. Le demandeur d’emploidoit aussi accomplir de nombreusesdémarches coûteuses et souvent sans effet.Il se trouve en situation de concurrence carles chômeurs sont nombreux sur le marchéde l’emploi. On lui demande de faire preuved’initiative, de savoir se mettre en valeur, alorsqu’il est angoissé et démoralisé.

Il faut tenir compte de cette fragilité occa-sionnée par le chômage pour comprendre lafréquente apathie dont font preuve les chô-meurs, après quelques mois de vainesdémarches. Il est facile de leur dire :« Maintenant que tu as du temps, profites-enpour étudier, pour t’occuper utilement danston Eglise, dans une association ! » En réa-lité, dans de nombreux cas, l’obsession de larecherche d’un emploi et l’inquiétude devantl’avenir, l’amertume, paralysent l’énergie : « Onn’a goût à rien.»

Comment aider leschômeurs ?

Si, sans un changement de mentalité, il nepeut y avoir de guérison du mal dont le chô-mage est un symptôme, cela ne veut pas direqu’il faut laisser l’humanité subir les consé-quences du mal sans intervenir. Les efforts pourvenir en aide aux chômeurs, pour réduire lechômage par de meilleures lois et des struc-tures sociales mieux adaptées ne peuvent paslaisser les chrétiens indifférents. Ils doivent yparticiper sans confondre les améliorationssociales avec la venue du Royaume de Dieu.

La première forme d’aide est de consi-dérer les chômeurs avec le même res-pect que ceux qui ont un travail, enveillant à ne pas tomber dans la pitié, ni dansle mépris. L’amitié, l’accueil bienveillant,l’écoute, leur sont nécessaires pour briser leurisolement et surmonter le sentiment de pertede valeur et le repli sur soi. Pour cela, il faut

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

4 F. Rochat La Saga du boulot (Lausanne : Favre) p.167.5 Paroles de chômeurs «La foi interpellée» Brochure du Comité Chrétien deSolidarité avec les Chômeurs, juin 1989, p5.6 lbid.p.9.

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 16

17

lutter contre sa propre gêne devant ceux quine font plus partie du monde des actifs.

L’une des choses qui démoralisent le plusle chômeur est de s’entendre assimiler à unparesseux. Il a besoin, au contraire, deréconfort. Un chrétien devrait comprendre celaaisément. La Bible lui enseigne à accueillir,à encourager, à consoler ceux qui sont abat-tus, à supporter les faibles (1 Th 5.14). Dansl’Eglise de Jésus-Christ, la valeur d’un hommene se mesure pas à sa réussite professionnelleou autre, mais au prix qu’il a aux yeux deDieu. La parabole des ouvriers de la onzièmeheure7 montre que, devant Dieu, celui qui apeu travaillé a la même valeur que celui quia beaucoup travaillé. L’Eglise est appelée àincarner une communauté qui sait accueillirau lieu d’exclure. Ceux qui ont emploi,sécurité, habitation, retraite... ne peuvent s’ac-commoder, évangéliquement parlant, duvoisinage de la détresse.

La deuxième forme d’aide est d’appor-ter aux chômeurs un soutien pratique poursortir de leur détresse. Ce soutien ne remplacepas l’aide que peut apporter l’Etat, mais il lacomplète ou la rend plus accessible, parexemple en informant les demandeurs d’em-ploi sur leurs droits, sur les différentesdémarches à entreprendre ou sur la manièrede les faire. Pour faire face au handicap duchômage, « l’appui d’un groupe où partagerest une véritable bouffée d’oxygène ».8 Unecommunauté chrétienne locale doit être untel groupe. Elle cherchera aussi à collaboreravec des associations qui ont ce souci de soli-darité active avec les chômeurs.

Une autre action concrète est la créationd’entreprises - c’est-à-dire d’emplois. Ils’agit là, d’opérations qui demandent desolides compétences. Mais il ne manquepas d’exemples où des chômeurs ou des per-sonnes suffisamment motivées, capables detrouver des capitaux et de mettre sur pied uneentreprise, sont parvenus à créer de nouveauxemplois durables. Même si une entreprise d’in-sertion ne pourra offrir que des emplois dedurée limitée, ceux-ci ne sont pourtant pas

à négliger, dans la mesure où ils donnent auxchômeurs la possibilité de se réinsérer dansle monde du travail.

Parfois, la seule aide qu’on pourra appor-ter visera à fournir aux chômeurs uneoccupation qui ne sera qu’un palliatif,mais qui les protégera tout de même du lais-ser-aller, du désespoir, voire de la mentalitéd’assistés permanents. Une Eglise locale estun lieu où ceux que la société a décrété inutilespeuvent trouver une nouvelle utilité, un ser-vice à accomplir. Il faut en même tempsessayer de libérer les personnes de l’idée selonlaquelle la dignité d’un travail est liée à sarémunération. Une activité bénévole a unegrande valeur, dès lors qu’elle est utile.

L’encouragement à apporter aux chô-meurs peut aussi consister à favoriser leurformation et leur recyclage pour avoir lesqualifications demandées par les employeurs.Parfois, il faudra aussi les motiver pour qu’ilsne reculent pas devant les obstacles quipeuvent leur paraître difficilement surmon-tables.

La responsabilité de l’Eglise est encore d’of-frir à ses membres un accompagnement etun soutien spirituel, afin que l’épreuve qu’ilstraversent n’affaiblisse pas leur foi, mais lesfortifie en les conduisant à découvrir à nou-veau la fidélité de Dieu qui donne à sesenfants le pain de chaque jour. La foi com-porte des « traversées du désert », où la ten-tation du doute et de la révolte existent, maisoù la grâce de Dieu est renouvelée de jouren jour à ceux qui se tournent vers lui. Lechômage est une épreuve douloureuse, maisl’épreuve peut être une occasion d’apprendre,de grandir, avec le soutien des frères en lafoi. Celui qui, à travers l’épreuve du chômage,a appris à vaincre l’anxiété du lendemain età faire assez confiance à Dieu pour « recher-cher premièrement son Royaume et sa jus-tice » (Mt 6.33) a trouvé une vraie liberté, quile rend capable d’être un appui pour les autres.

7 Mt 20.1-168 Paul Tournier Les Forts et les faibles (Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, rééd.1985) p.146

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 17

18

Rôle des Eglises face auchômage

Les Eglises ne peuvent prétendre appor-ter des solutions techniques, économiques oupolitiques au problème du chômage. La foine remplace pas la compétence !

Mais l’Eglise doit s’inquiéter des victimesde cette situation. Pas seulement en organi-sant des «secours». Un aspect du ministèredes prophètes de l’Ancien Testament était derappeler le droit des pauvres et de se faire leursdéfenseurs, au nom de Dieu, face à ceux quiles opprimaient ou qui les oubliaient (Es 10.1-2). Il appartient aujourd’hui encore au peuplede Dieu de faire connaître les exigences duSeigneur, non seulement aux individus, maisaussi à la société.

« Le message du salut implique aussi unmessage de jugement sur toute forme d’alié-nation, d’oppression et de discrimination.Nous ne devons pas craindre de dénoncerle mal et l’injustice où qu’ils soient. Lorsqueles hommes acceptent le Christ, ils entrent parla nouvelle naissance dans son Royaume etils doivent rechercher, non seulement à reflé-ter sa justice, mais encore à la répandre dansun monde injuste.9 »

Selon l’apôtre Paul, les dirigeants sont char-gés de maintenir l’ordre que Dieu a voulu pourla société et de faire échec à ceux qui le détrui-sent (Rm 13.1-7). Le chômage est undésordre, une menace pour la paix sociales’il s’étend et se maintient trop longtemps. Làoù un gouvernement serait tenté d’oublierceux qui sont privés d’emploi, les chrétiensdoivent lui rappeler que Dieu aime les faibles,les pauvres et demande que leurs cris soiententendus. Ils l’inviteront donc à la solidaritéet à la lutte contre le chômage.

Mais il faut reconnaître que ce n’est pasune tâche facile. La conduite d’une nationmoderne est extrêmement complexe, cartout se tient. D’où, pour des chrétiens, lanécessité de prier pour les autorités (1 Tm 2.1-4). On voit mal comment un gouvernementpourrait garantir le droit au travail pour tousles citoyens en âge de travailler. Il faut, par

contre, affirmer le devoir des gouverne-ments de prendre en compte la situation deschômeurs, de rechercher le plein emploidans toute la mesure du possible et de veniren aide à ceux qui, malgré cela, ne trouventpas de travail, sans qu’ils soient considéréscomme des citoyens de second ordre.

Enfin, ne peut-on pas voir dans certainesdispositions de la loi mosaïque en faveur desplus démunis, l’affirmation d’un droit à unesorte de revenu minimum : droit de glaner(Lv 19.9-10), de cueillir épis et fruits à la main(Dt 23.25-26) ? Ceci motive l’idée d’unrevenu minimum pour tous. Le risque est defavoriser une mentalité d’assisté, de parasitede la société. C’est pourquoi le législateur aajouté la notion d’insertion. Une telle aide doitêtre un encouragement à se réinsérer dansle monde du travail, car elle permet de « pro-fiter d’une quotidienneté rendue moins rudeavec un peu d’argent, pour renouer sociale-ment des liens, retrouver des goûts en des apti-tudes, retrouver l’accès aux soins et au loge-ment »10. Malheureusement, nul ne peutgarantir une telle insertion. Tous ceux qui dési-rent travailler n’en auront pas la possibilité.Il ne faudrait pas que certains, par exempleceux qui sont trop âgés pour espérer unereconversion efficace, soient pénalisés pourincapacité d’insertion.

* * *Il est clair qu’il n’y a pas de remède miracle

au chômage. Mais de même que chaquecitoyen doit se reconnaître responsable enversla société et donc s’efforcer, par son travail- comme par son respect des lois - d’y jouerun rôle utile, la société doit se reconnaître res-ponsable envers ses membres les plus défa-vorisés, ceux que les circonstances ont exclusdu monde des actifs. L’équilibre social est danscette réciprocité de droits et de devoirs,cette solidarité sans laquelle il ne peut y avoirde vraie communauté humaine.

M.R.

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

9 Déclaration de Lausanne, 1974, « La responsabilité sociale du chrétien »10 Citation d’un responsable de la Maison des Chômeurs de Toulouse

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 18

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

19

« Que celui qui ne travaille pasne mange pas »(2 Th 3.10)

En réaction à ceux qui abusent de l’en-traide, on entend parfois dans lesEglises cette phrase de Paul. Au ver-

set 8, Paul cite son propre exemple :« Nous n’avons mangé gratuitement lepain de personne ; mais, dans le labeur etdans la peine, nous avons travaillé nuit et

jour pour n’être à charge à aucun devous. » La sécheresse de l’injonctionsurprend, la solidarité n’est-elle pas unevertu chrétienne ?Cela surprend d’autant plus qu’en Ep4.28 l’exhortation à travailler a jus-tement pour but la solidarité avec celuiqui est dans le besoin. Et Paul indique

en Ac 20.34-35 que par son travail il pour-voyait à ses besoins mais pouvait égalementsubvenir à ceux des plus faibles.

La lecture du verset lui-même, plutôt quede sa formulation approximative, nouséclaire déjà : « si quelqu’un ne veut pastravailler, qu’il ne mange pas nonplus ». Il ne concerne pas celui quine trouverait pas de travail ou tra-verserait quelques dif f icultés.Concerne-t-il alors le paresseux ?

Le verset est entouré de références audésordre (v. 6, 7 et 11). Paul y fait déjàallusion en 1 Th 5.14 et exhorte aussi lescroyants à gagner leur vie en travaillant deleurs mains (4.11). Il y a chez lesThessaloniciens un problème à ce sujet.

La lecture des deux épîtres nous montreque leur espérance eschatologiqueétait vive ... et en partie

inexacte, certains se fondant sur desrumeurs1 pensant que le Jour du Seigneurest déjà arrivé.

Or cette croyance est réapparue à dif-férents moments dans les siècles passés eta souvent donné lieu aux mêmes caracté-ristiques : certains arrêtent de travailler (àquoi cela sert-il si Jésus revient très bien-tôt ?), on assiste à divers débordements, àla débauche sexuelle.

Le cas le plus célèbre est celui deMünster en 1535. Un royaume théocratiqueest instauré, le prophète introduit la poly-gamie, etc. La débauche y est telle que lesarmées catholiques vont massacrer tous leshabitants dans un acte de purification.

La même chose, plus modérée car priseà temps par l’Apôtre Paul, est en train dese produire à Thessalonique. Paul rectifie

la doctrine, mais exhorte aussi cha-cun à reprendreses esprits et àmener une vie

normale. Le chré-tien, s’il n’est pas dumonde est dans le

monde, et cela vaut pourson rythme de vie et ses

occupations.

1. L’origine de l’information estconfuse, Paul en 2 Th 2.2 parle derévélation, d’un message, d’unelettre qu’on lui attribue.

Grain à moudre

THIERRY SEEWALD

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 19

20

L’AntiquitéSans nous arrêter sur la préhistoire, faute de données

très fiables, commençons ce survol par le monde antique.Le travail est alors généralement perçu comme une sortede malédiction. Platon écrit : “ C’est le propre d’un hommebien né que de mépriser le travail ”. Aristote renchérit :“ Le privilège de l’homme libre n’est pas la liberté, maisl’oisiveté, qui a pour corollaire obligatoire le travail forcédes autres, c’est-à-dire des esclaves ”. Les Romains ontrepris en grande partie cette vision.

La chrétienté du Moyen AgeLes Pères de l’Eglise, nourris des textes bibliques, repren-

nent la vision juive du travail (“ Tu travailleras six jourset tu feras tout ton ouvrage ” Ex 20.9). Augustin au IVesiècle, et même le fondateur des Bénédictins (Benoit),condamnent l’oisiveté et exaltent le travail. Néanmoins,peut-être par une certaine influence de la philosophiegrecque, la contemplation est trop accentuée par rapportau travail. Le pape Grégoire le Grand au VIe siècle écrit :“ la vie active est bonne, mais la vie contemplative estmeilleure ” . Pour Thomas d’Aquin (au XIIIe siècle) le tra-vail productif n’a donc en soi aucune valeur religieusedurable, il est un obstacle à la vie de relation avec Dieu.Cette relation se cultive uniquement dans le loisir de lacontemplation. En revanche, la Renaissance (au XIVe)opérera un virage progressif en considérant l’hommecomme appelé à ressembler à Dieu non seulement parla pensée, mais par son activité productrice.

La RéformePar sa redécouverte de la Bible et d’un bon sens pra-

tique, la Réforme protestante se démarquera de l’approche

Le verbe travailler en fran-çais est dérivé du latintripaliare, qui signifie ‘tortureravec le tripalium’, uninstrument fait de trois pieuxdestiné à tenir un animal pourle ferrer ou le soigner. Lesimple mot nous enseignedéjà que le travail a été, etcontinue d’être, un lieu depeine et de labeur comme lerécit biblique de la Chutel’avait annoncé. L’histoire etl’actualité nous montrent aussique c’est un moyen privilégiéde reconnaissance sociale etd’accomplissement d’une cer-taine vocation. En unparcours historique très simpli-fié, nous constaterons avecquellediversité le tra-vail a étéperçu.

Le travail : repèreshistoriques et théologiquesLe travail : repèreshistoriques et théologiques

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

REYNALD KOZYCKI

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 20

catholique de son temps. Pour Luther, le tra-vail devient une “vocation divine”. Dieu sesert de notre travail pour exercer sa providenceenvers les humains, il poursuit en quelquesorte son œuvre de création à travers les mainsde l’homme. Luther considère les vœuxmonastiques comme une forme “ d’égoïsmereligieux ”. Calvin, non seulement voit la “viecontemplative” comme une oisiveté, affirmantque les Sorbonistes ont pris d’Aristote ce qu’ilsgazouillent de cette manière, mais il voit lamarque du péché dans l’homme et dans lesstructures de la société. Il ne faut pas accep-ter avec résignation tout ordre social établi(chose que Luther acceptait volontiers), maisl’examiner avec le regard critique des pro-phètes de l’Ancien Testament. Pour Calvin,même l’esclavage est contraire à l’ordre dela nature. Il est intéressant de remarquer queles thèses du protestantisme sur le travail serontreprises au XXe siècle par le Catholicisme.

La Révolution industrielle Le protestantisme a joué un rôle impor-

tant dans cet essor industriel. Pierre Chaunuremarque que selon “ les classifications deRostow dans les étapes du décollage et de lacroissance soutenue, nous retrouvons toujoursen tête, à plus de 80 %, des pays en majo-rité protestants ou à culture dominante pro-testante, et, aux places en flèche, de traditioncalviniste ”.

Probablement que l’alphabétisation despays protestants, la valorisation du travail, larigueur et la précision de la théologie réfor-mée ont contribué à cet essor. Alain Peyrefittepense que “ le ressort du développementréside en définitive dans la confiance accor-dée à l’initiative personnelle, à la libertéexploratrice et inventive ” (liées pour lui auprotestantisme).

Face à la dégradation des conditions detravail qu’engendrera cette révolution indus-trielle, quelques protestants célèbres poserontdes bases à une protection en faveur des tra-vailleurs. Mais c’est Karl Marx qui sera l’un

des plus virulents dénonciateurs des injusticessociales. Les ouvriers travaillent à cetteépoque 14 heures par jour, ils croupissent dansdes logements insalubres, les tâches sont abru-tissantes, pas de soins médicaux ni instruc-tion. Si le travail est encore plus valorisé dansle marxisme pour devenir le but essentiel del’existence, les solutions prônées pour luttercontre le “capital” et contre les injustices serontloin d’être concluantes, comme le XXe siècleet l’effondrement des communismes l’ontdémontré. Les syndicats, malgré quelquesdérapages, ont contribué à corriger en par-tie ces injustices.

De nos joursDe nombreux facteurs ont modifié sérieu-

sement la réalité du travail. Citons parexemple l’allongement de la scolarité, de l’es-pérance de vie, la réduction du temps de tra-vail, la généralisation du travail des femmes,mais aussi la crise économique, les contraintesd’efficacité, les fusions-absorptions d’entre-prises, la mondialisation, le développementdes technologies…

La valeur “ travail ” s’impose encore dansnotre société, mais probablement moinsqu’avant. Le mariage avec l’entreprise s’esttransformé en une sorte d’union libre. En cestemps de postmodernité, le désir de s’épanouirdans sa vie professionnelle s’impose à noscontemporains, mais il ne doit pas venir encontradiction avec la réussite de la vie fami-liale, amicale et personnelle.

Peut-être avons-nous, plus qu’à d’autresépoques, la possibilité de réfléchir à la voca-tion qui nous est confiée par Dieu dans notretravail. L’accroissement du “ temps libre ”devrait être une formidable opportunité, nonseulement pour consolider nos vies familiales,mais aussi pour vivre une vie d’Eglise plusintense et accomplir notre mission de pierresvivantes du Temple de Dieu, tout en étant selde la terre et lumière du monde.

R.K.

21

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 21

Interview de Jean Eyraud

Délégué du personnelet chrétienDélégué du personnelet chrétien

Quelle est ton activitéprofessionnelle, etquelles ont été tes

implications dans le monde dusyndicalisme ?

Je suis technicien en électro-nique au service après-vente d’uneentreprise. Ce S.A.V. fait d’ailleurspartie des leaders dans le service etla vente au niveau national. Celafait presque 20 ans que je suis dansla même entreprise. J’ai gravi tousles échelons.

Ayant eu l ’es t ime et laconfiance d’une bonne partie demes collègues de travail, un délé-gué syndical a pris contact avecmoi et m’a proposé de me pré-senter en tant que « délégué dupersonnel ». J’ai tout d’abordrefusé, puis, après avoir réfléchi etprié, il m’a semblé qu’un chrétienpouvait avoir un rôle positif à jouerdans cette sphère ; j’ai doncaccepté.

J’ai accompli cette fonctionpendant un peu plus de 4 ans dansles circonstances difficiles du pas-

sage aux 35 heures avec modula-tion du temps de travail, périodequi a été suivie d’une granderestructuration interne.

Ces 4 années ont été très enri-chissantes. Il est clair que c’est uninvestissement de temps et d’éner-gie. C’est pourquoi, pour des ques-tions de priorités, j’ai refusé derenouveler mon mandat, ressen-tant l’appel du Seigneur à devenirplutôt ancien dans mon Egliselocale, où il y avait un besoin dansce domaine.

Quelles sont pour toi lesraisons principales qui font dusyndicalisme une nécessitépour le monde actuel du tra-vail ?

En fait le syndicalisme contre-balance le pouvoir des dirigeants.Il permet l’équilibre des forces enprésence et met des limites au pou-voir de manière à ce qu’il soitconstructif et non néfaste.

Il m’est arrivé par exemple, àplusieurs reprises, d’informer ma

Propos recueillis par Reynald Kozycki

22

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

Ancien dans une Eglise CAEF en région parisienne

JEAN EYRAUD

Servir 01-2007 8/03/07 18:03 Page 22

direction des inquiétudes dessalariés suite à une option choi-sie par cette direction. Il y avait,à mon sens, un risque inévi-table de blocage, voire degrève ! Le signal ayant été prisau sérieux, nous avons pu ainsiéviter le pire.

La France a laréputation d’avoirdes syndicatsquelquefois trop«durs». Qu’enpenses-tu ?

Au sein mêmedu syndicalisme, entant que chrétien,on se rend assez vitecompte des limitesde ce système,même si celui-ci estnécessaire en soi. Ilpeut devenir, telle-ment il est prenantparfois, un objectifde vie, occupantprogress ivementtoute la place. Avec le tempson découvre qu’au centre il y asouvent la promotion d’unhomme, d’une philosophiehumaine entachée d’imperfec-tions.

Chaque famille syndicale ases particularités, et peu à peu,on s’aperçoit qu’il existe desrivalités, de la jalousie, et lavolonté de réussir là où lesautres ont échoué afin d’appa-raître aux yeux des salariéscomme les plus efficaces, doncles meilleurs. On peut facile-

ment se laisser entraîner parcela.

Comme chrétien, il fautveiller à rester en dehors de cesmanigances. Le juste équilibreest à rechercher quotidienne-ment et n’est pas facile à obte-nir. J’ai souvent formulé cette

prière : « Seigneur aide-moi àrester vrai, juste, et à ne pas melaisser aller à des rivalités par-tisanes, oubliant l’objectif pre-mier qui est de défendre lesdroits du salarié dans l’entre-prise. »

En tant que chrétien,vois-tu des liens entre lesyndicalisme et la foi chré-tienne ?

J’ai observé que l’écouteattentive est un élément capital

dans la relation syndicale. Cer-tains problèmes se résolventmême tout seuls dans cette atti-tude ... Cette écoute doit être dela même qualité, quel que soitle salarié qui est en face denous, d’où la notion d’être justedans notre manière de faire

valoir les droits dechacun et chacune.Le faible a besoind’être assisté, repré-senté et revalorisé.C’est souvent untravai l caché. I lremet chacun à sajuste place au seinde l’entreprise. L’estime de l’autreest aussi une valeurbiblique, je citeraiaussi le respect dela hiérarchie,apprendre à com-muniquer les unsavec les autres, rap-peler que si nousavons des droitsnous avons aussi

des devoirs ! Le rôle du déléguédu personnel est d’être uneinterface entre la direction et lessalariés et de développer le dia-logue et le respect.

Je suis convaincu qu’unchrétien peut avoir sa placedans cette sphère. La fonctionn’est pas facile, mais si Dieunous y appelle, il faut y aller, enlui demandant chaque jour sasagesse, et son inspiration dansnos actions. « Nous sommes lesel de la terre... » (Lc 14.34).

23

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 23

Témoignages

Sur le lieu de travail...

Sur le lieu de travail...

Des joies « J’essaye d’être un

ouvrier de paix, expliqueDenis. C’est une joie quandon peut arranger certainsconflits. Par exemple, j’ai uncollaborateur qui veut paraîtredans le travail. Je craignais derégler le problème en sadéfaveur. J’ai prié pour cettesituation et cela a pu s’ar-ranger pour le bien de toutle monde. »

« Je rencontre certainespersonnes en grande détresseà l’entreprise et c’est unejoie de pouvoir les accom-pagner. J’aime les gens etDieu m’a placée là pour untemps. Je me sens bénie etencouragée» affirme Colette.« Etre apprécié, c’est aussiune joie, complète Denis.Cela fait plaisir d’entendre :On peut compter sur toi ; ouce qu’on m’a dit un jour : Ceque j’apprécie en toi, c’estque tu es droit. Et quand onte demande quelque chose,tu le fais volontiers. »

De son côté, Reine consi-dère que sa joie au travail :

« c’est d’être une lumière.Peut-être, au travers de moncomportement, il y a un mes-sage qui passe. Mais quandje pense au travail, je voisplus de difficultés que dejoies. »

Quellesdifficultés ?

« Dans mon travail, sou-ligne Reine, il m’est impos-sible de me soumettre à cer-taines décisions ou demandesqui entravent la rigueur. Encas de désaccord, la pressionest parfois tellement impor-tante (surtout lorsque le tonmonte et devient désa-gréable) qu’il faut beaucoupde sagesse et de maîtrise desoi pour ne pas répondresur le même ton et ramenerle dialogue à une bonnecommunication. »

La pression … PourColette, « c’est le stress del’accident, la crainte d’unproblème technique. Avantd’intervenir, je prie que Dieume rende efficace. »

Les difficultés ne relèvent

Joies, difficultés,encouragements,stress, frustrations …Voici quelques échos de ce qui se vit sur leterrain avec Colette(infirmière en milieuindustriel), Reine(agent de recouvrement/comptable), Denis(contrôleur de travaux,responsable d’uneéquipe d’exploitation)et Christine (directriced’une crèche). Tous lesquatre fréquentent uneassemblée CAEF àMarseille ou en régiongrenobloise. Merci à chacun pour cepartage.

« C’est une grâce deDieu d’avoir untravail » souligneColette dans unesociété où le chômageinquiète nos contempo-rains. « Et avoir un tra-vail qui me plaît : c’est

déjà unebénédic-tion »ajouteDenis.

24

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

MARIE CHRISTINE FAVE

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 24

pas toujours des autres ou descirconstances. Elles correspon-dent parfois à nos limites,comme l’explique Reine quis’approche de la retraite : « Avecles années, j’ai de moins enmoins de patience. Réexpliquerles mêmes procédures aux col-laborateurs, c’est usant. »

Regards surl’entreprise

Sans développer une longueanalyse sur le milieu de l’entre-prise, Reine et Colette exprimentspontanément une certaine tris-tesse quant aux mentalitésambiantes. « Je fonce quitte àécraser l’autre » constate Reinede la part de certains employés.« En entreprise, confie Colette,je suis triste de voir comment lesgens sont considérés. Ils sont despions. »

Témoigner dansson contexte

Celui de Christine est bienparticulier : elle dirige un éta-blissement (crèche) apparte-nant à la communauté juive.« C’est rarissime de travailleravec des gens religieux, affirmeChristine. Dans mes conversa-tions, je peux utiliser le nom deDieu. Toutefois, j’avance endouceur, parce que les per-sonnes religieuses ont desconvictions très fortes. Certainsont envie de savoir en quoi jesuis différente. J’insiste sur l’as-pect relation avec Dieu, et nonreligion avec ses obligations. »

De son côté aussi, Colettepartage sa foi avec certainspatients mais avant « je prie, etje réfléchis beaucoup pour quecela vienne de Dieu, pour quece soit son moment. » relève-t-elle et elle cite quelquesexemples : « Une employée bri-sée par un divorce, se retrouve

parfois en larmes à l’infirmerie.Elle a une quête spirituelle, et jelui explique que ce qui me rendheureuse, c’est ma relation avecDieu. » Après une première dis-cussion, Colette attendra quecette dame aborde d’elle-mêmela conversation sur Dieu. Unautre jour, un employé demandeà Colette en sortant de l’infir-merie : « Comment Dieu t’aparlé à toi ? » Cet homme étaitsuivi par le service médical del’entreprise pour un problèmed’alcool, mais il se débattaitaussi avec de la culpabilité. Saquestion est venue après unentretien avec Colette où elle luiavait confié : « Je suis chré-tienne. Dieu m’a sorti d’un pro-fond désarroi. Il a la solutionpour me déculpabiliser.» Mêmesi les conversations deviennentplus personnelles, le travailgarde ses exigences et Colette adû rester ferme quand cetemployé qui risquait une exclu-

sion de poste lui a demandé :« Au nom de l’amitié, peux-tucacher mon taux d’alcool ? » Iln’avait pas respecté le contratd’alcoolémie passé avec l’en-treprise.

Le contexte s’avère bien dif-férent selon le métier que l’onexerce. Pour Reine ou pourDenis, les discussions à carac-tère plus personnel se présen-teront moins naturellement quepour Christine ou Colette où lerelationnel fait partie du tra-vail. « Je donne mon mot dansune discussion, souligne Reine,mais je ne peux pas dire que jetémoigne vraiment. C’est davan-tage au travers de ce que jesuis. » Et selon Denis : « pour letémoignage, c’est beaucoupl’attitude qui compte. C’est dif-ficile de parler directement, maisc’est important d’être reconnuen tant que chrétien. Quand cer-taines plaisanteries arrivent, il ya quelqu’un qui dit : Denis neva pas être d’accord. »

Les opportunités de témoi-gnage diffèrent selon les situa-tions, mais ce qui ressort de cespartages, c’est que ce que l’onest compte beaucoup. Chacunessaye d’agir avec la sagesse quele Seigneur lui donne, et parlequand il le peut. Sans oublier laprière pour les personnes etpour les situations délicates àgérer dans son travail : « Parfois,reconnaît Reine, dans les diffi-cultés au travail, je crie ausecours au Seigneur. »

M-C.F.

25

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 25

Interview de Beat Lehmann

Chef d’entrepriseChef d’entreprise1) En quelques mots, quelle

est ta formation professionnelleet les différents emplois que tuas eus ?

J’ai fait mes études à l’EcoleSupérieure de Commerce de Saint-Imier dans le Jura bernois, puis àl ’ I n s t i t u t I n t e r n a t i o n a l d eManagement (IMD) de Lausanne.J’ai ensuite travaillé comme tra-ducteur, puis comptable et je suisentré dans l’entreprise GMACBanque, pour en devenir PDGFrance depuis 1993.

2) Comment présenterais-tucette entreprise ?

GMAC est un des principaux

établissements financiers dans lemonde depuis 1919. Il est détenuà 49% par General Motors. Il estprésent dans 38 pays. Cette entre-prise comprend actuellement38.000 employés dans le monde.En 2006, les profits nets ont dépasséles 2,5 milliards de dollars.

3) En quoi consiste plusprécisément ton travail actuel ?

En tant que président directeurgénéral de la banque et présidentdu conseil d’administration, mesprincipales responsabilités sont, eninterne, de définir la stratégie de labanque à moyen et long terme avecles membres de la direction, et enexterne je dois faciliter le déve-loppement de la banque soit parune croissance organique ou pardes acquisitions en vertu de lastratégie fixée…

4) Qu’est-ce que cela signi-fie pour toi «Etre chrétien à sontravail» ?

Depuis que je suis chrétien (néde nouveau), ma vie s’oriente clai-rement sur Jésus-Christ, et je n’aiplus aucune crainte de l’avenir.Même quand les incertitudes veu-lent m’accabler, il n’y a pas le

26

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

Propos recueillis par Reynald Kozycki

BEAT LEHMANN

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 26

moindre doute non plus queDieu me veut du bien. J’aiappris que tous les défis de la viepersonnelle, professionnelle,mes victoires, mon honneurn’ont pas à être essentiels. Maconfiance croissante en la puis-sance universelle du Créateur dece monde m’a aussi libéré de lapression qu’entretient l’obligationd’être bon ou le meilleur auxyeux du monde. C’est ainsi queje peux m’attaquer aujourd’huide manière calme, sereine etdécrispée à des tâches lourdesde responsabilités et à de grosdéfis. Alors, l’enjeu du chefd’entreprise chrétien aujour-d’hui va au-delà du simple suc-cès. Il doit avoir à cœur decomprendre les autres, démon-trer, traduire et à mettre en pra-tique les valeurs sûres que sontl’amour du prochain, l’huma-nisme, la justice et la confiance.A son contact, dans sa zone d’in-fluence, tous doivent pouvoirdécouvrir et expérimenter parson intermédiaire ce que produitla foi. Sinon, nous refusons à nossemblables la clé de leurrecherche de sécurité, d’orien-tation et de paix du cœur.

4) Tu assures aussi desresponsabilités dans tonEglise locale et au-delà…Quels principes te semblentimportants pour essayer deconcilier une vie profes-sionnelle, une vie familialeet une vie d’église ?

C’est un sujet auquel il est dif-ficile de répondre. Quelle est la

bonne mesure ou la répartitionsaine entre la famille, ses propresloisirs et l’Eglise ?

Je pense que ce temps doitêtre réparti selon l’appel divin,mais il peut varier d’une per-sonne à l’autre car il n’y a pasde modèle imposé ou à suivre ;seul le Seigneur décide. Il utiliseles uns et les autres selon Savolonté, en fonction de leurscapacités, leurs qualités et leursdons. En ce qui me concernepersonnellement, depuis tou-jours, j’ai plutôt ressenti le besoinde m’engager pour les autres, ausein d’une Eglise et d’associa-tions chrétiennes, au service duprochain, soit par le soutienfinancier ou le soutien moral etspirituel… Un vrai chrétien quivit sa foi dans la vérité ne peutpas rester indifférent à ce qui sepasse dans l’Eglise et dans lemonde, il ne peut pas rester pas-sif ou simplement « consom-mateur » le dimanche matin.Dieu veut aussi que nous soyonset restions de bons maris et debons pères sinon, commentpourrait-il nous confier une mis-sion simple si nous négligeonsce qu’il nous a confié de si pré-cieux qu’est la famille ! LeSeigneur est bon et, bien sûr, ilveut notre bonheur. Quand letemps me le permet, je peuxaussi m’adonner à mes pas-sions que sont la course auto-mobile et le golf.

5) Tu interviendras auprochain congrès des CAEFen mai 2007 sur le thème du

«leadership» … Commentvois-tu spontanément le« fonctionnement» et le«caractère» d’un leader ?

Le «leadership» est un sujetfascinant et complexe doté d’unelittérature importante. Avec unpeu d’ironie je pense qu’il y aautant de types de «leadership»qu’il y a de troubles comporte-mentaux chez les hommes, tantdans le domaine professionnelqu’associatif et cultuel. Certainspensent que seul l’Esprit doit diri-ger l’Eglise alors que d’autres pré-tendront qu’elle doit être dirigéeavec autorité par des hommesde Dieu fidèles à la Vérité…

Alors quel type de leadership ?Pierre écrit : «Faites paître letroupeau de Dieu qui est avecvous, non par contrainte…, maisde bon cœur ; non en tyranni-sant…, mais en devenant lesmodèles du troupeau.» (1 P 5.2-3) Le leadership est doncbiblique, mais il y a de bons etde mauvais bergers (leaders) ! Leberger doit entre autres rassem-bler le troupeau et pas lecontraire. Bien sûr, ce leader vitune vie intime avec Dieu ; c’est-à-dire, il entretient une relationverticale pour être ensuitecapable de gérer sa relation avecles autres, la relation horizontale.

Sur les qualités du serviteur,les mots qui me viennent à l’es-prit sont intégrité, honnêteté,bienveillance, amour pour leprochain, conviction, écoute,responsabilité, respect, encou-ragement, soutien des plusfaibles, enthousiasme…

27

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 27

28

Plusieurs églises et œuvres

chrétiennes en France

bénéficient de dons en

provenance de la « J.W.

Laing Trust », en Grande-

Bretagne. Quelles sont les

origines de cette

association caritative

chrétienne ? John Laing

and Co. est aujourd’hui une

des plus grandes

entreprises de bâtiments et

travaux publics du

Royaume-Uni, engagée dans

divers grands projets dans

le monde entier, mais il n’en

a pas toujours été ainsi.

Sir John LaingSir John LaingChef d’entreprise et serviteur de Dieu (1879-1978)1

L E T R AL E T RA VV A I LA I L

John Laing (plus tard, Sir John Laing) estné en 1879 dans une famille d’entrepreneursdu bâtiment dans la région de Carlisle, ville

importante du nord-ouest de l’Angleterre, toutprès de l’Ecosse. D’intelligence très vive, Johna décidé de quitter l’école à l’âge de 15 ans afinde suivre une formation comme apprenti maçon,tout en continuant à s’instruire sa vie durant parla lecture et les études personnelles. Après cetapprentissage il s’est engagé dans l’entreprise fami-liale. A cette époque, le rayon d’activité de celle-ci était surtout local, tourné en grande partie versla construction de maisons individuelles.

Les parents de John étaient des chrétiens enga-gés et John a grandi dans une atmosphère derespect pour Dieu et de service du prochain. Enprenant petit à petit des responsabilités dans l’en-treprise, jusqu’à en devenir directeur, il a cher-ché constamment à appliquer ses convictions chré-tiennes dans la gestion et dans les relationscommerciales et industrielles. En cela il a contestéla devise commerciale : « Acheter le moins cherpossible, vendre au plus cher. » Pour lui, une telledevise était contraire à l’enseignement du Christ :Faites pour les autres tout ce que vous voulez qu’ilsfassent pour vous. Ainsi a-t-il figuré parmi les pion-niers de certaines avancées sociales du XXe s. auRoyaume-Uni. Deux exemples : l’instaurationdans son entreprise de congés payés, bien avantle passage de législation à cet effet, et l’encou-

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 28

ragement à l’épargne pour la retraite,avec une aide importante de la part de l’en-treprise. Il a aussi devancé l’industrie dubâtiment en payant les heures perdues pourcause de mauvais temps, à une époque où,si un chantier était arrêté, les ouvriersn’étaient pas payés.

John Laing était rigoureux envers lui-même, exigeant envers ses employés,mais toujours profondément humain. Unmatin, en visitant un chantier, il a vu unouvrier qui avait l’air mal en point. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » lui a demandé le direc-teur. L’ouvrier a expliqué que sa femme étaitmalade depuis plusieurs semaines, et qu’ildevait s’occuper des enfants avant departir au travail, et encore le soir. Sans riendire, John est parti. De retour sur le chan-tier, il a retrouvé le même homme en luidisant : « Prenez deux semaines de congéspayés, votre famille a besoin de vous. »Rentré chez lui, l’ouvrier a découvert queson patron était passé pour vérifier qu’ildisait vrai, et qu’il avait laissé de l’argentsur la table de la cuisine avant de repar-tir au chantier !

Pendant la guerre 39-45 l’entreprise aparticipé à la construction dans l’urgencede pistes d’aviation, ainsi que d’une par-tie du port artificiel utilisé pour le débar-quement des troupes alliées à Arromanches.L’expérience ainsi gagnée a ouvert la voieà l’expansion importante des années sui-vantes, avec des contrats comme la cathé-drale de Coventry, construite sur le site decelle détruite par les bombes allemandeset la construction du premier tronçonimportant d’autoroute en Angleterre.

Sir John Laing était un homme ambi-tieux, mais ce qui le motivait n’était pas ledésir de s’enrichir ou la soif du pouvoir. Ilvoulait plutôt faire du mieux qu’il pouvaitdans les domaines où Dieu lui avait donné

des compétences. Surtout, il n’a jamais tenuà l’argent, ni à un train de vie luxueux. Unepartie très importante des bénéfices de sonentreprise a toujours été consacrée àl’œuvre de Dieu : construction à prix coû-tant de lieux de culte, dons très importantspour soutenir des mouvements comme lesGBU et les Sociétés Bibliques… A samort en 1978, cet homme qui aurait pufigurer parmi les personnalités les plus richesde son époque, a laissé comme toute for-tune personnelle : £ 371 … Tout le reste,il l’avait donné, et la fondation qui porteson nom continue à subvenir aux besoinsde l’œuvre de Dieu dans le monde entier.

A.K.

29

1 Source de renseignements : « Laing », de Roy Coad, Eds Hodder andStoughton, 1979. PHOTO : «Avec l’aimable autorisation du JohnLaing Charitable Trust».

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 29

30

Vous comme moi, nousallons passer, sauf casparticulier, au moins 40

années dans le monde du tra-vail soit près de 2.000 semainesou 10.000 jours. Malgré l’ap-proche de la retraite, je ne meconsidère pas comme un expertet je demande pardon auSeigneur pour tous mes man-quements. J’ai connu des pro-blèmes de conscience devant latricherie, le mensonge, la médi-sance, la calomnie… Ce n’estpas facile de dire : « Nous nemangeons pas de ce pain là ! ».Et pourtant, dans sa grâce, leSeigneur m’a permis de voir uncertain nombre de mes col-lègues écouter l’Evangile et fré-quenter l’Eglise, et plusieurs demes élèves se sont donnés à Lui.

Situation difficileA mon travail, j’ai remarqué

que la laïcité est une véritablereligion avec ses dogmes basés

sur la raison humaine et non surl’absolu divin. Et tout cela pournous faire taire ! Si nous sommesentrés dans une période deréchauffement de la planète,nous sommes également entrésdans une période de refroidis-sement de la foi et je crois quec’est encore bien plus gravepour l’espèce humaine ! Cetaffadissement de la foi nouspénètre, nous envahit, nouscontamine. C’est la cause de nosattitudes souvent bien mièvreset peu glorieuses sur notre lieude travail.

Face aux réactions des per-sonnes qui nous entourent,sommes-nous une lettre ouverteou fermée ? Comment réagis-sons-nous devant les proposdu genre : « Ah bon vous êteschrétien ! » « Tiens, il est dansune secte. » « C’est un réac… ».Et pourtant, nous désirons êtredes disciples !

Des certitudes quifont toute ladifférence

1. Nous ne sommes pasdans cette entreprise parhasardSoyons persuadés que noussommes intégrés dans le plan dela bienveillance de Dieu enversnos collègues. Sachons aussi queDieu aime tous les hommes, ilaime nos collègues et nospatrons et il veut les sauver ! 2. Grandeur de notre posi-tion de témoinNous sommes des serviteursinutiles mais, comme Onésime,rendus utiles par le Seigneur lui-même. Ainsi cinq qualificatifsdevraient s’appliquer sur notrelieu de travail :• Lumière. Ne soyons pas illu-

minés mais lumineux !« Personne n’allume unelampe pour la mettre dans unecachette ou sous le boisseau »(Lc 11.33).

Évangéliser aujourd’huiRubrique de la Commission d’Évangélisation et d’Implantation d’Eglises (CEIE) des CAEF

C.E.I.E.

Témoin dans le monde du travailRobert Grenet, enseignant en région parisienneExtrait d’une conférence donnée lors de la convention biblique de Palaiseau en 20061

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 30

31

• Sel. « C’est vous qui êtes lesel de la terre » (Mt 5.13).

• Odeur de Christ, odeur devie ou de mort. « Noussommes en effet, pour Dieu,le parfum du Christ parmiceux qui sont sur la voie dusalut… » (2 Co 2.14).

• Lettre de Christ. « Il estmanifeste que vous êtes unelettre du Christ, confiée ànotre ministère, écrite avecl’Esprit du Dieu vivant » (2 Co3.2). Sommes-nous lisibles,même par les plus myopes spi-rituellement ?

• Ambassadeur de Christ etnon avocat ! « Nous sommesdonc ambassadeurs pour leChrist ; c’est Dieu qui encou-rage par notre entremise » (2Co 5.20). Quelle tâche mer-veilleuse, quelle confiance dela part du Seigneur enversnous !Nous sommes donc des mis-sionnaires dans la jungle (poli-cée), au milieu des païens oùle Seigneur nous envoiecomme des brebis au milieudes loups. Quand le Seigneurnous a donné de commencerun travail pionnier à Nanterre,nous étions pleins d’a prioricomme : « C’est un travaild’évangéliste ou de pasteur àplein-temps ». En fait, Dieum’a convaincu que nous, sesdisciples, devons être tousdes « ouvriers à plein temps »pour Lui, même dans notretravail ! Il m’a aussi fait comprendreque si nous voulons être destémoins, nous serons proba-

blement détestés, voire per-sécutés. Un frère me disaitrécemment à quel point unchrétien dans son entrepriseétait un sujet de risée de la partde tous, mais son témoignagel’avait touché et l’avait amenéau salut.

Des attitudes quidécoulent descertitudes1. C o n f e s s o n s n o t r e

manque d’engagementdû à notre manque de foi,notre incrédulité. Repentons-nous s’il le faut. CommeJosué, fortifions-nous enChr i s t : « Ma in tenantSeigneur avec ta grâce, ça vachanger. »

2. Prions. Avant de présenterle Seigneur aux collègues,présentons dans la prièrenos collègues au Seigneur.

3. Soyons d isponib le .Rejetons les excuses clas-siques comme « Ce n’estpas le lieu ! », « Ne pas fairede ‘rentre dedans’ ! » Ceuxqui tiennent ces propos nefont jamais rien d’autre !

4. Profitons de toute occa-sion. C’est le conseil deP a u l à T i m o t h é e :« Proclame la Parole, inter-viens en toute occasion » (2Tm 4.2). Demandons auSeigneur l’intelligence, lasagesse. Il y a de nom-breuses occasions à saisirlors de mariages, de nais-sances, de décès. Les calen-driers sont comme des mis-

sionnaires muets mais com-bien efficaces.« Que votre parole soit tou-jours accompagnée de grâce,assaisonnée de sel, pour quevous sachiez comment vousdevez répondre à chacun. »(Col 4.6).

1 Cette conférence a été résumée par ReynaldKozycki. Vous pouvez vous procurer la confé-rence intégrale en audio au 01 69 31 32 57.

BIBLIOGRAPHIELE TRAVAIL

• L'éthique du travail,SOMERVILLE Robert, Edi-tions SATOR, 192 pages,5,00 €

• Comment s'épanouirdans son travail,BRUGNOLI Carlo,Editions Jeunesse en Mis-sion, 96 pages, 4,75 €

• Agir, travailler, militer,DE CONINCK Frédéric,Editions Excelsis, 2006,630 pages, 38,00 €

• Du travail en généralet du chômage en par-ticulier,DEGAGER-PHALANCHERE Muriel,2000, 142 pages, 15,80 €

• Les relations autravail,WRIGHT Norman,Editions Farel, 2003, 208pages, 15,00 €

• La trame de ce monde.Vocation, choix carrière,finalité du travail,LEE Hardy, Editions LaClairière, 1995, 218pages, 10,00 €

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 31

32

Paruen librairie

La mission A l’heure de la mondiali-sation du christianismeSAMUEL ESCOBAR, EDITIONS

EMMAÜS/FAREL, 216 P, 2006,15,00 €

La mission chrétienne n’est plusune question de missionnairesoccidentaux allant vers le restedu monde. En ce début de XXIè

siècle, la mission chrétienne estmondiale, avec des mission-naires de tous pays allant verstous les peuples. Le missiologueSamuel Escobar présente uneintroduction à la mission chré-tienne aujourd’hui. Il exploreles nouvelles réalités de notremonde globalisé et évalue lecontexte d’un champ mission-naire fluctuant, qui est simul-tanément sécularisé et syncré-tiste. Il élabore également unethéologie trinitaire de la mis-sion, considérant commentchaque personne de la trinité,Dieu le Père, le Fils et l’EspritSaint est au travail à travers lemonde, avec les implicationsdans la manière dont les chré-tiens doivent aborder la mis-sion. T.S.

Tous mes dons auservice de l’Eglise Questionnements sur lesministères fémininsMARILYN SMITH, EDITIONS FAREL,166 P, 2006, 16,00 €

A l’origine ce livre a été écritpour la commission des affairesféminines de l’Alliance Evan-gélique Mondiale. Une grande

partie du livre (la partie cen-trale) est consacrée à l’étudedes textes bibliques évoquantles ministères féminins. Celle-ciest précédée d’une réflexiondoctrinale plus générale sur lesnotions de masculin et féminindans la Bible et suivie d’un petitsurvol historique et sociolo-gique des influences culturelleset des préjugés. Un livre plutôtdans l’air du temps, clairementouvert à une utilisation trèslarge des dons de la femmedans l’Eglise. Un livre utile dansson rappel de certaines véritésbibliques au-delà d’un lapidaire« Que les femmes se taisentdans l’assemblée ». On regret-tera néanmoins que, concer-nant certaines thèses contro-versées, les critiques et leuréventuelles réfutations nesoient pas évoquées (Parexemple : pour le sens du mot‘tête’ dans le Nouveau Testa-ment, lorsqu’il est question del’homme ‘tête’ de la femme oude Christ ‘tête’ de l’Eglise). T.S.

Tous disciples Plaidoyer pour l’Eglise JOHN H. OAK, ED. EXCELSIS, 284 P,2006, 14,00 €

Comme son nom ne l’indiquepas, l’auteur fait partie de cesauteurs non-occidentaux (il estcoréen) qui nous rappellentque la majorité du mondeévangélique n’est plus en occi-dent, mais en Afrique, Asie ouAmérique du Sud, et que bien-tôt la théologie se fera (et sefait déjà) dans ces pays et nonplus sur le vieux continent. Un

regard sur une culture d’Eglisepeu connue (hormis l’incon-tournable et controverséYonggi Cho).En bon membre d’une Eglisede frères (et sœurs), on ne par-tagera sans doute pas sonecclésiologie (réformée) avecune vision sacerdotale où laconsécration du pasteur estimportante. Mais on se réjouirad’autant plus de son insistancesur le rôle essentiel des laïcs.Son livre est une réactioncontre un surdimensionnementdu rôle du pasteur et les ten-dances américaines à la miseen avant d’un leadership fort etdes mégachurch. Un livre quisouligne l’importance de l’en-gagement et la formation deslaïcs pour une vie d’Eglise saineet équilibrée. T.S.

Les fondements duchristianismeC.S. LEWIS, ED. LLB, 227 P, 2006,9,80 €

Sixième réédition d’un ouvragede C.S. Lewis, qui nous rappelleque Lewis n’était pas seule-ment l’auteur d’excellents livrespour enfants (cf. les Chroniquesde Narnia sorties au cinémal’hiver dernier). Il a égalementété un important apologiste(c’est-à-dire un défenseur de lafoi chrétienne et de sa cohé-rence) dans l’Angleterre dumilieu du XXè siècle.Contrairement à ce que le titrepourrait laisser croire, il nes’agit pas à proprement parlerd’un livre de doctrine. Il s’agitplutôt d’un livre présentant un

La rédaction de « Servir » ne cautionne pas obligatoirement toutes les affirmations et positionsprésentées dans les ouvrages répertoriés. Certains peuvent toutefois présenter un intérêt pourl’étude et nous faisons mention de nos réserves.

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 32

33

regard chrétien sur le monde,une présentation des valeurschrétiennes centrales que sontl’amour, la pureté, ... finissantsur une présentation du Dieutrinitaire des chrétiens. Un livreà mettre dans les mains de tousceux (non-chrétiens mais aussichrétiens) qui aiment réfléchir.

T.S.

C’est bien, bon et fidèleserviteurRICHARD DOULIERE, EDITIONS

EXCELCIS, 100 P, 2006, 12,00 €

Comment gérer ce que noussommes et possédons si nousvoulons un jour nous entendredire : « C’est bien, bon et fidèleserviteur ; entre dans la joie deton Maître » ? Ce modesteouvrage, au regard de tout cequi pourrait être dit sur le sujet,est très facile à lire, et dégageles grands principes de la gestiondans le domaine personnel,familial, communautaire etsocial. M.R.

Dîmes et offrandesMARIE-CHRISTINE COLLAS, EDITIONS

FAREL, 80 PAGES, 6,00 €

Peut-on traiter d’un tel thèmeen si peu de pages ? Certes pasd’une manière exhaustive. Maisdans un style simple – agré-menté de quelques histoiresdrôles – l’auteur pose les grandsprincipes bibliques et pratiquesd’après lesquels le lecteur pourrafaire le point sur sa manière dedonner pour l’œuvre de Dieu,c’est-à-dire à Dieu lui-même.Deux questionnaires, l’un pourgroupe, l’autre individuel,concluent cet ouvrage. M.R.

En Esprit et en vérité DAVID PETERSON, ©2005 EDITIONS

EXCELSIS, 342 P, 18,00 €

Voici une approche théologiquede l’adoration qui nous encou-ragera à examiner nos façons defaire qui relèvent parfois detraditions ecclésiastiques plutôtque b ib l iques . C ’es t uneréflexion poussée, basée sur unexamen sérieux de nombreuxtextes bibliques concernantl’adoration, à commencer par leslivres de Moïse. Cette réflexionnous encourage à sonder larichesse de la notion d’adorationdans la Bible, à côté de laquellenos cultes sont souvent trèspauvres. L’auteur insiste sur lanécessité de la révélation deDieu dans sa Parole, sanslaquelle nous ne pouvons pasl’adorer convenablement. Il nousencourage aussi à ne pas limiternotre adoration à nos rencontresd’église : dans le NouveauTestament l’adoration débordelargement d’un tel cadre res-treint, pour marquer toute lamanière de vivre du disciple duChrist. A.K.

La grande vision d’unepetite égliseJOHN BENTON, EUROPRESSE, 2006,185 PAGES, 14,90 €

L’auteur fait le constat d’unesociété qui adore le gigantisme,le sensationnel. Seule la vie desgrands, des stars mérite l’atten-tion. Comment dans une tellesituation, être entendus et tenirle coup quand on est petit etfaible ? L’auteur rappelle queDieu est un penseur « original »,Il se sert des choses modestes etméprisées pour montrer le néantdes grandes et des prestigieuses,

il choisit les choses faibles pourconfondre les fortes, afin quetoute la gloire lui revienne (1 Co1.27).Votre Eglise est-elle petiteet faible ? Il se pourrait alors quevous soyez dans la conditionidéale pour rendre le maximumde gloire à Dieu. L’auteur, aprèsavoir analysé la situation, pro-pose cinq axes de travail pourtraduire par des actes la visiond’amour qui doit animer touteEglise. Il s’agit d’une présence dequalité, d’un accueil de qualité,d’un enseignement de qualité,d’une hospitalité de qualité etd’une prière de qualité. Onremarque l’accent fort sur larecherche de la qualité. John Benton encourage les per-sonnes qui fréquentent depetites communautés avec sen-sibilité et pragmatisme. Ainsi, iln’ignore pas les difficultés de viedans un tel groupe. Il souligneque la santé d’une Eglise netient pas à sa taille, mais à lavocation que Dieu lui adresse età sa réponse à cette mission. Lapetite Eglise et la grande sontinvitées à répondre à l’appelque Dieu leur a fait.Dans un autre contexte, on a uti-lisé par le passé, le slogan « Smallis beautiful » (Ce qui est petit estbeau !), nous voulons dire avecl’auteur : « Ce qui est petit, estaussi beau ! ». F-J.M.

L’amitié au fémininDEE BRESTIN, EDITIONS ELB (BLF EUROPE), 2006, 280 PAGES

Un livre sur l’amitié destiné auxf e m m e s . L’ a u t e u r p r e n dl’exemple de trois amitiés dansla Bible. Une lecture trèsagréable, enrichissante et sti-mulante qui donne envie decultiver des amitiés selon le plande Dieu. Isabelle Kozycki

Servir 01-2007 8/03/07 18:04 Page 33