Garçons Maternelle

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    de l'Hrault

    Juin 2003

    Leila Acherar

    l'cole maternelle

    et

    FillesGarons

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    Filles et Garons

    l'cole maternelle.

    Leila Acherar

    Juin 2003

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    Prface

    Lgalit entre les hommes et les femmes est une priorit de lEtat. Elle se

    construit ds le plus jeune ge. Dans une dmarche globale et transversale aux diffrentes politiques

    publiques, une convention interministrielle a t signe le 25 fvrier 2000 pour lapromotion de lgalit des filles et des garons, des femmes et des hommes dans lesystme ducatif.

    Cet accord invite diversifier lorientation scolaire et professionnelle desfilles et des garons, promouvoir une ducation fonde sur le respect mutuel desdeux sexes, renforcer les outils de promotion de lgalit.

    LargionLanguedoc-Roussillonat lune des toutes premiresdcliner

    laconventionau niveaurgional, co-signe le 11 octobre 2000 parlePrfet de la

    rgion et parleRecteurde lAcadmie.

    De nombreuses actions ont vu le jourdans ce contexte, dans le sens de la

    sensibilisation, de laformation, de laproduction doutils concrets.

    Le prsent rapport a t ralis dans ce cadre. Madame Acherar, docteureen sciences de lducation, que nous remercions vivement, a souhait par cette

    tude mieux nous faire comprendre les strotypes et les processus luvre entreles filles et les garons ds lcole maternelle.

    Nous tenons remercier les coles maternelles qui ont accueilli ltude :lcole Pauline Kergomard Montpellier, les coles Louis Pasteur et Suzanne

    Lacore Ste. Nos remerciements vont tout particulirement aux directrices deces coles, aux institutrices et aux ATSEM qui sy sont associes et qui ont donngnreusement de leur temps. Sans oublier les enfants : ces petits gaux delavenir.

    Coline CONNEAUPrfecture de la rgion Languedoc-Roussillon

    Dlgue aux droits des femmes et lgalit

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION

    1. Contexte de ltude.2. Objet et droulement de ltude.

    PREMIERE PARTIE : Filles et garons lcole.

    1. cole et diffrences des sexes.2. Une rponse institutionnelle : la Convention interministrielle.3. La maternelle : caractristiques du milieu scolaire.

    - La maternelle : un milieu spar du monde extrieur.- La maternelle : un monde fminin.- La maternelle : un monde hirarchis.

    DEUXIEME PARTIE : Mthodologie.

    1. Comment approcher les pratiques enseignantes ?- Qui et o observer ?- Quoi et comment observer ?- Les mthodes employes pour lobservation.- Les difficults rencontres.

    2. Description de la population tudie.TROISIEME PARTIE : Filles et garons en maternelle.

    1. Lcole maternelle- Au seuil de lcole : les parents.

    2. Face aux activits : des filles et des garons.- Les activits de la section des moyens

    a) Lappel.b) Langage et interactions.c) changes etpunitions.d) Une langue sexiste ?e) Au cur de lactivit : la russite de tous ?

    f)

    Retour sur les contenus.- La bibliothque : les rapports aux livres et la lecture

    3. Lespace jeux .

    4. La cour de rcration.- Les garons en rcr .- Les filles.- Les interactions entre enfants de sexes opposs.

    RECOMMANDATIONS

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    CONCLUSION

    BIBLIOGRAPHIE

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    INTRODUCTION

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    1 - Contexte de ltude

    La question de lgalit entre les hommes et les femmes proccupe depuis denombreuses annes les institutions dtat. Pour mettre en uvre lesorientations de la politique gouvernementale, le ministre de lducationnationale a sign le 25 avril 2000 avec le ministre de lemploi et de la

    solidarit, le ministre de lagriculture et de la pche et le secrtariat dtat auxdroits des femmes et la formation professionnelle une convention pour lapromotion de lgalit entre les filles et les garons, les femmes et les hommesdans le systme ducatif. Ce premier texte a t suivi, en octobre 2000 par lasignature Montpellier, de la Convention rgionale pour lgalit entre leshommes et les femmes, les filles et les garons dans le systme ducatif. Cesorientations rappellent la ncessit pour le systme ducatif, daller plusloin et de dfinir une politique globale dgalit des chances entre lessexes en direction de tous les acteurs, du prlmentaire lenseignementsuprieur, de la formation initiale la formation tout au long de la vie .

    En Languedoc Roussillon, le Centre dinformation sur les droits des femmes(CIDF), en lien avec la Dlgation Rgionale aux droits des femmes et lgalit (DRDFE) contribue la rflexion, partir des situations ducatives,sur les moyens mettre en uvre en vue de promouvoir lgalit entre leshommes et les femmes, les filles et les garons. Il participe de ce fait, aux ctsde nombreux acteurs associatifs et institutionnels, la mission dobservation etde mutualisation des ressources au sein de son rseau.

    Dans ce cadre, une des priorits a t accorde lexamen de la contributionde lcole maternelle au processus de socialisation diffrencie des filles et desgarons. Il sagissait, pour mieux connatre les modalits de socialisationdiffrentielle des sexes lcole maternelle, de procder lobservation detrois classes de moyenne section choisies de faon respecter la diversitdes publics.

    Ralise durant le premier semestre 2002, ltude a port sur lanalyse deprise en compte des rapports sociaux de sexes lcole maternelle, partirdes valeurs sociales transmises par les enseignantes au sein de lespacescolaire via leurs relations la classe et la nature de leurs interactions verbalesavec les lves.

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    Pour ce faire, le choix dune classe denfants de quatre cinq ans,habituellement appele, classe de moyens , rpondait essentiellement ausouci dviter les trop grandes interfrences avec les proccupations plusdirectement scolaires qui se manifestent en grande section, souvent vcue

    comme une classe prparatoire la grande cole.

    Les classes choisies nous ont permis :

    - dobserver linteraction entre des projets pdagogiques et des publicsporteurs dune histoire propre en matire de rapports sociaux de sexes;

    - dinterroger sur les conditions actuelles de construction de lgalitentre les filles et les garons lcole maternelle ;

    - de proposer, au regard des exigences politiques prescrites, des outilsafin damliorer cette prise en charge.

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    2 - Objet et droulement de ltude

    La permanence de rapports ingalitaires entre les hommes et les femmes incite chercher, afin de les cerner, les structures et les pratiques qui les engendrentet les maintiennent. Il sagit de les cerner afin de pouvoir agir dans la

    perspective de les transformer. Or, si la production diffrentielle et ingalitairedes identits sexuelles nest pas une donne naturelle mais au contraire uneconstruction sociale et culturelle, elle met en jeu la totalit des pratiques et desstructures sociales. En premier lieu celles dans lesquelles ces identits seforment originellement : lducation et lenseignement au niveau des pratiques,la famille et lcole au niveau des structures.

    Nous avons choisi dans le cadre de cette tude de nous intresser lcole eten particulier la premire des coles : lcole que lon appelle, malgr lesrformes du cycle lmentaire, maternelle .

    Lcole publique, institution rpublicaine dinstruction se donne pour doubleprojet la promotion sociale et lmancipation intellectuelle des lves. Lune deses missions consiste assurer lintgration des jeunes gnrations aux normesdominantes. Linstauration dune politique publique dgalit dans lducationau moyen de la Convention interministrielle sur lgalit des chances entre lesfilles et les garons contribue ds fvrier 2000 prciser les normes envigueur. Les finalits officielles et les textes rglementaires de lducationnationale prvoient la prise en compte de lgalit entre les sexes par les diversenseignements.

    Mais quels effets ces incitations ont-elles eu sur linstitution en gnral et lesenseignants en particulier ? Quelle place occupe au sein du dispositif scolaireau regard des finalits affiches, lgalit entre les hommes et les femmes, lesfilles et les garons ? Dans quelle mesure les schmas de genre persistent-ilsencore tant au travers des reprsentations des enseignantes que des contenuspropres de lactivit scolaire ?

    Ces questions sont au cur de notre travail. Il nous fallait pour y rpondrecomprendre ce que font les enfants dans lcole, comment ils occupent

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    lespace scolaire ainsi que le rle des enseignants et des personnels de lcoledans la construction de lgalit des chances entre les filles et les garons.

    Nous sommes parties de lhypothse que si le sexe de lenfant influenaitprobablement sa manire dentrer dans lordre scolaire (nature des prises

    de parole, des jeux, des attitudes face la violence, des comportements face lautre), la manire dont les enseignantes apprhendent ce sexe nest passans effet sur la fois la socialisation future de lenfant et lgalit daccs tous les savoirs et comptences.

    Ce travail de socialisation et de construction des identits de sexe seffectueds le plus jeune ge de lenfant. Mais quelles normes de genre leur sont-ilsprescrits ? Par quelles mdiations lcole joue-t-elle un rle dans la productionde diffrences ?

    Nous nous sommes attaches, moins aux attentes des enfants vis vis de leurscompagnes ou compagnons de classe, quaux interactions entre les lves etlenseignant.

    Ces observations strictement limites de part la commande la nature desinteractions enseignants-enseigns ont pu occulter les autres dimensions quiauraient pu tre interroges :

    - les enfants, leurs rapports aux autres et la scolarit ;- les enseignants, leurs reprsentations de lactivit pdagogique

    ;- les parents et leurs systmes de valeurs.

    Nous avons donc privilgi lobservation des enfants lors des momentsdchanges avec le professeur d'cole, pendant les phases de travail et de jeu lintrieur de la classe et dans la cour de rcration.

    De mme nous avons privilgi lobservation directe de la classe tout autremthode (interviews des enfants, recension des opinions et discours tenus parles lves par rapport aux comptences, rles et fonctions attribus chacun

    des deux sexes ; reprage des reprsentations quils se font la fois deux-mmes et du rle des hommes et des femmes dans la socit)

    Par ailleurs, il ne sagissait pas de comparer ces observations la russitescolaire des enfants ni mme leur origine sociale et culturelle, mais demettre jour les modalits habituelles du travail pdagogique propre auxclasses de maternelle, la faon dont il prend en compte la variable sexe ainsi que ses effets (potentiels) sur lgalit entre les filles et les garons.

    Droulement de ltude

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    La premire tape de ltude a consist en une immersion au sein de troiscoles maternelles. Dans un premier temps il sest essentiellement agidobserver trois classes de moyenne section accueillant des enfants de 4 5 ans, slectionnes par linspection acadmique de lHrault, partenaire decette tude. Les quipes pdagogiques averties, les observations ont ds lors

    t effectues entre le mois du mars et le mois de juin 2002.

    Puis un guide dobservation a t constitu. Les donnes recueillies ont tsoumises aux enseignants. Les conversations informelles changes au sein delcole ont permis de donner sens aux gestes entrevus.

    Lapproche de lgalit entre filles et garons en maternelle est indissociablede ces choix et de ces contraintes mthodologiques. A mi-chemin entredmarche ethnographique et sociologique, linterprtation laquelle elle donnelieu est forcment partielle. Reconstruire les logiques de fonctionnement delcole maternelle suppose que dautres travaux poursuivent et affinent cepremier dbroussaillage.

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    PREMIERE PARTIE_____________

    Filles et garons lcole

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    1 - cole et diffrences des sexes

    Comment participer la transformation dune socit fonde sur le modle dela division sexue du pouvoir et des places qui en dcoulent ? Le modledominant de la division ingalitaire des rles et des places entre les hommes etles femmes bien que dlgitim par le droit se perptue et interroge chercheurset citoyens.

    Depuis plus de vingt ans des recherches de psychologie et de sociologietentent de reprer la fois les diffrences entre les filles et les garons ainsi quelge partir duquel ces diffrences sexpriment. Comprendre pourquoi lesexe reste lcole le second facteur de diffrenciation aprs lorigine socialeamne de nombreux chercheurs postuler lexistence dun effet cole surla constitution de destins diffrents selon le sexe de lenfant.

    On peut supposer que ces freins inscrits dans lhistoire sociale et culturelle dela France, se perptuent au cur mme de lcole. Cela ne nous permetcependant pas de comprendre la survivance des ingalits de trajectoiresscolaires entre filles et garons.

    En sciences de lducation, les travaux de Christian Baudelot et RogerEstablet, Marie Duru-Bellat, Nicole Mosconi, Claude Zaidman entre autrestentent de comprendre les processus ducatifs luvre dans lcole. Ilsrappellent que malgr la plus grande russite des filles, leur espace scolaire estsgrgu. Cette sgrgation a une histoire que Franoise et Claude Lelivre

    dvoilent dans leur ouvrage Histoire de la scolarisation des filles . Il fauten effet attendre 1924 pour que lcole commence instruire filles et garonsen vue du mme destin social. Les filles, futures pouses et mres de famille neseront que progressivement admises bnficier des mme programmesdenseignement que les garons.

    Instance de transmission culturelle, lcole a longtemps rserv linstructionaux hommes. La question de lgalit des filles et des garons lcole est uneide contemporaine. Il y a plus dun sicle lorsque lcole devenait avec JulesFerry laque, gratuite et obligatoire, il ntait pas question de scolariser filles et

    garons dans un mme lieu, avec les mmes enseignants, les mmesprogrammes et les mmes finalits.

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    Aujourdhui encore, lensemble des paramtres statistiques dmontre que,globalement, les filles se maintiennent en plus grand nombre et pour despriodes plus longues que les garons dans les systmes de formation. Enrevanche, elles sont moins nombreuses au sein des enseignements scientifiques,

    techniques et finalit professionnelle.

    On aurait pu penser que la mixit instaure au collge par le dcret du 3 aot1963, et dans les coles par la circulaire du 15 juin 1965 allait abolir toutediffrence de traitement. Force est de constater quen ce dbut de millnaireles ingalits de sexe, perdurent aux cts des ingalits sociales au sein delcole. Dans les faits, la mixit scolaire se traduit par un simple partage delespace sans rel effet sur lgalit dans la prise de dcision.

    Ces ingalits sont longtemps restes invisibles, innomes. La question des

    scolarits fminines na retenu que tardivement lattention des sociologuesfranais. Il faut dire que pendant longtemps, ceux-ci taient largementproccups par la question des ingalits sociales. Il faut attendre les annes80 pour que lon se proccupe des ingalits entre filles et garons. Baudelotet Establet, les premiers, expliquent la fois la meilleure russite des filles et lemaintien dorientations moins rentables par la permanence de modes desocialisation sexus qui entranent soumission et docilit chez elles, esprit decomptition chez eux. Mais la docilit des filles ne peut expliquerlextraordinaire essor des scolarits fminines depuis les annes 50. Ce quinous permet de dire quil y a aujourdhui, avantage scolaire et meilleure

    performance globale des filles. Elles russissent mieux que les garons enfranais, presque aussi bien en mathmatiques. Elles font en moyenne destudes plus longues que les garons. En 1999, leur esprance de scolarisationtait 19,2 ans et celle des garons de 18,8ans.

    Cependant, ni la mixit, ni les meilleures performances des filles ne produisentlgalit. On pourrait penser quaujourdhui la mixit, impliquant lunificationdes cursus et des filires assure un gal accs des deux sexes toutes lesfilires de formation. Or, force est de constater que les filles, qui bnficientglobalement dune meilleure russite scolaire que les garons, se rpartissentingalement au sein des diffrentes filires, plus nombreuses en lettres quensciences. A lUniversit, les mmes carts se manifestent, alors que les filles ysont devenues ds 1971 les gales des garons : elles reprsentent aujourdhuiplus de 57% des tudiants. Majoritaires en Lettres, (75%), en SciencesSociales, en Droit, elles reprsentent 54% des tudiants de mdecine, maissont nettement minoritaires en mathmatiques et en physique (35%).

    Dautre part les filles sont trs minoritaires dans les coles rputes les plusprestigieuses du systme scolaire franais. A leur dcharge, il faut reconnatreque ces tablissements ne souvrent que tardivement elles. Lcolepolytechnique ne les accepte qu partir de 1972 et lEcole Normale

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    Suprieure, rue dUlm, ne leur est ouverte quen 1986, aprs la fusion aveclEcole de Svres.

    Il en est de mme pour les niveaux infrieurs . Ainsi lissue du premiercycle de lenseignement secondaire, commun tous les lves, moins de filles

    que de garons sont orients vers les filires de lenseignement professionnel.Mais surtout dans ces lyces professionnels qui prparent Brevet d'EtudesProfessionnelles et Baccalaurat Professionnel, alors que la mixit est la rglede droit, celle ci nest jamais ralise. Cest mme ce niveau que lonobserve les plus fortes sgrgations. Les garons sont massivement prsentsdans les filires industrielles et artisanales. Dans le secteur secondaire, on netrouve de filles que dans les sections Matriaux flous (textiles) ou Productique matriaux souples . Elles y reprsentent 95,5% des lvesalors que leur proportion dans les autres filires industrielles reprsente entre0,5 et 5%. Dans ces tablissements, les filles sont surtout prsentes dans les

    filires tertiaires (employes de bureau, secrtariat).

    Cela se traduit au niveau du Baccalaurat Professionnel : les filles reprsentent46% des admis, 8% dans le domaine de la production et 71% dans celui desservices.

    Do cette constatation faite par de nombreux observateurs : si les filles fontdes tudes plus longues que les garons, et obtiennent de meilleurs rsultats, elles sont concentres dans un nombre limit de filires; ces filires sont moins professionnalises; elles sont moins prsentes dans les filires les plus prestigieuses.

    Bref, il ny a pas de vritable mixit de lcole.

    A quoi sont dues ces diffrences ?

    Quels mcanismes expliquent ces diffrences de cursus et comment sefabriquent ces carrires scolaires si diffrentes selon le sexe ?Certains auteurs et en particulier Marie Duru-Bellat expliquent ces russitesscolaires diffrencies par :

    ? les procdures dvaluation;? la relation matrelve;? les contenus denseignement;? et lorganisation scolaire elle-mme. Au total, crit-elle, ces diffrences tiennent une multitude de mcanismesquotidiens, parfois trs fins, en gnral inconscients qui font que filles etgarons vivent lcole quelque chose de profondment diffrent (Lcoledes filles, LHarmattan, 1990).

    Les effets de la relation matre-lve et en particulier des attentes des matrespar rapport lactivit mathmatique des filles et des garons ont t en

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    particulier illustrs par Annette Jarlegan. A lissue de ces interactions, les fillesauront appris en plus des mathmatiques, ne pas entrer en comptition avecles garons sur leur terrain et mettre en avant non pas leur intelligence, maisleurs qualits relationnelles.

    Quel effet ces attitudes vont-elles avoir sur limage que les filles se font deleurs comptences en mathmatiques ? A. Jarlegan montre que les fillessintressent de moins en moins aux mathmatique au fur et mesure quellesprogressent dans leur scolarit. Mais si ces diffrences dattitudes et deperformances se construisent en classe, on peut supposer quelles seconstruisent aussi dans la famille.

    Telles se prsentent les relations dans la classe, dont il faut cependantreconnatre, avec Claude Zaidman, quen son sein la loi scolaire existe.Lessentiel de la gestion sociale de la diffrence des sexes est encore plusmanifeste dans la cour de rcration : celle-ci est spatialement domine par lesgarons.

    Aux effets des interactions verbales dans la classe se surajoutent les contenusdenseignement et des manuels scolaires. Linstitution scolaire et sonfonctionnement opreraient-ils, au travers des contenus denseignement, desmodalits dapprentissage et dorientation, une division socio-sexue dessavoirs ? De nombreux travaux (Lelivre et Lelivre, 2000) montrent quenmatire de contenus scolaire et diconographie, les rles masculins et fmininssont strotyps. Les femmes sont, malgr leur prsence sur le march dutravail, prsentes aux fourneaux ou proccupes de leur corps oudducation des enfants et de lhygine domestique alors que les garons et leshommes, veillent au monde et se proccupent de savoirs, dexplorations et dedcouvertes et de dmocratie.

    Il savre ds lors ncessaire, pour identifier les phnomnes luvre dans lafabrication et la gestion sociale de la diffrence des sexes lcole, deretrouver, selon le mot de Marie Duru-Bellat, le curriculum rel cach ,cest--dire les pratiques effectives qui, lcole, par del leur contenu

    transmettent des rgles morales qui inscrivent diffrences et ingalits dans leplus intime de lhistoire des femmes.

    Ainsi, pour expliquer les ingalits filles/garons au sein de lcolesenchevtrent plusieurs ordres de facteurs. Du jeu des diffrents acteurs(institution scolaire, enseignants, parents, et filles elles-mmes) aboutissent desngociations et des compromis varis plus ou moins satisfaisants pour les filles.Il nen demeure pas moins que dans le quotidien de lcole se construit, autravers de processus trs subtils et dont personne na conscience, lingalitentre les sexes. La construction sociale ainsi ralise de la diffrence des sexes

    est une ingalit en soi qui dtermine les proprits psychologiques desfemmes et leurs positions sociales.

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    Car les pratiques de socialisation diffrentielle peuvent influencer limage de soides filles et des garons. Lentourage impose lenfant les normes et modlesauxquels il est invit se conformer. De nombreux travaux (Belotti, 1972)signalent les diffrences de pratiques ducatives selon le sexe de lenfant et sur

    leurs effets notamment sur les processus affectifs .Ce processus qui se drouleinitialement dans le cercle familial se poursuit lcole. Do limportance de lapriode de la prime cole.

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    2 - Une rponse institutionnelle: la Conventioninterministrielle

    Pour participer la transformation des rapports entre les hommes et lesfemmes, limiter les freins au changement, les services de ltat se sont associsdans leur ensemble la dmarche galit et tentent de promouvoir lgalitentre les hommes et les femmes.

    Au sein du systme ducatif, un travail concert, en rseau se met en place.Depuis le 25 fvrier 2000, 5 ministres signataires de la convention nationalesengagent, afin de contribuer la transformation des rapports entre leshommes et les femmes, promouvoir lgalit des chances entre les filles etles garons, les hommes et les femmes dans le systme ducatif .

    Cette convention nationale a t suivie, pour le Languedoc-Roussillon, par lasignature en octobre 2000 de la convention rgionale pour la promotion delgalit des chances entre les filles et les garons, les hommes et les femmesdans le systme ducatif.

    Celle-ci sengage mettre en place des outils dobservation, danalyse,dinformation et de sensibilisation afin de permettre chacun de trouver saplace , et doffrir en particulier aux jeunes filles la possibilit daccder lensemble des formations et des mtiers. Ce premier champ dinterventionsapplique essentiellement au secteur de lorientation scolaire et professionnelleencore domine par la division sexue des trajectoires, ce qui nest pas sanseffet sur linsertion professionnelle des filles et des garons.

    Partant du constat que des discriminations scolaires sereines jointes aufonctionnement du march du travail contribuent, la perptuation desingalits, les efforts des parties signataires de la Convention vontsimultanment porter, entre autres activits, sur :

    - la promotion dune ducation fonde sur le respect mutuelentre les deux sexes. Les partenaires sengagent par l mme agirsurles reprsentations des rles respectifs des hommes et des femmes par lasensibilisation des personnels la prgnance des normes de sexes dans lesreprsentations sociales et individuelles. Dans ce cadre, leffort de productionet de diffusion de statistiques en matire dgalit entre les filles et les garons

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    par exemple contribue mettre en vidence les effets sur les ingalits entre leshommes et les femmes lis la neutralit des interventions ducatives ;

    - le renforcement des outils de promotion de lgalit au moyende linscription de la dimension de lgalit des chances entre les filles etles garons dans les projets des tablissements . Cette injonction devra setraduire par la mise en place de mallettes pdagogiques et llaborationdoutils visant transformer les rles affects chacun des deux sexes. Lethtre fait partie, en Languedoc-Roussillon, des mesures destines transmettre, au moyen du concours futur compos par exemple, uneculture de lgalit.

    - lencouragement prodigu aux filles qui sengagent dans des filirestraditionnellement masculines au moyen du prix de la vocation scientifique ettechnique des filles par exemple;

    - linformation, par voie de presse, daffichage, de manifestations,dvnements (journes femmes et sciences , expositions ouvertes tous,colloques, confrences en direction des enseignants et de la communautducative);

    - lintroduction au cours de la formation initiale et de la formationcontinue de modules spcifiques afin de former les membres de lacommunaut ducative lgalit des chances daider les enseignantsdans le travail de remise en cause des normes culturelles du masculin et dufminin.

    Ces axes dintervention viennent en complment de la Loi, contribuer laprise en charge par les acteurs de lducation de la lgitimit de lgalit entreles filles et les garons. Ils doivent terme trouver leur traduction, au traversdengagements quotidiens, dans de nouvelles manires de travailler en classeet dans linstitution scolaire.

    La promotion de lgalit entre les filles et les garons, les hommes et lesfemmes exige donc que les personnels de lducation nationale, de tous lescycles et niveaux participent la rflexion autour des enjeux de lgalit et dela mixit scolaire, afin que lcole prenne sa part de ce projet dmancipation.

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    De faon gnrale ces espaces (bibliothque, coin jeux, coin contes, cour,toilettes, tables de travail....) sont soumis un accs limit dans le temps. Danscet espace organis, les enfants sont tenus de se conformer aux rgles et auxprescriptions qui le rgissent. En contre partie, linstitution tente de rendre vivable et agrable le temps pass en son sein et dtermine ainsi le nombre

    maximum denfants par enseignant et le nombre maximum denfants paractivit et par surface. Ainsi, la cour, la bibliothque, le rfectoire et lestoilettes ne sont pas accessibles tous les enfants la fois.

    A ces considrations sajoute lobligation du contrle sur les enfants quinchappent quasiment jamais la surveillance des adultes.

    La maternelle : un monde fminin

    Les professions prsentes dans les coles maternelles sont marques par legenre fminin. Professions longtemps perues comme une vocation olempathie envers les enfants fait office de premire comptence.

    Si, aujourdhui la prise en charge et lencadrement des lves de maternellesont trs fortement sexus et demeurent lapanage des femmes, cettefminisation va-t-elle persister ? Car si pour nombre dinstitutrices le choixprofessionnel tenait compte de la disponibilit pour les vacances et les activitslies lducation de leurs propres enfants, dans la situation de crise delemploi, on peut penser que nombre de garons se dirigeront vers cesmtiers, garants minima dune relative stabilit de lemploi.

    Une tude reste faire pour approcher les difficults rencontres par leshommes pour accder ce mtier. On peut sinterroger sur linfluence de lamasculinisation de la profession tant sur la question de lintgrationprofessionnelle que sur lactivit proprement ducative. Il y a fort parier queles dbats autour de la place des hommes et des femmes dans la socit, delgalit entre les sexes affecteront les mtiers lis la petite enfance.

    La maternelle : un monde hirarchis ?

    Aujourdhui, lcole maternelle se prsente comme un lieu original quirunit dans les mmes locaux deux groupes de personnel dorigines sociale,culturelle et administrative diffrentes. Personnel ducatif, les enseignants dontun directeur et personnel municipal, les ATSEM, agents de service des colesmaternelles, se partagent la responsabilit de lenfant.

    Dautres types de personnels peuvent apparatre et transiter par lcolematernelle, des psychologues de C.M.P.P (Centres mdico-psycho-

    pdagogiques), des assistantes sociales, des ducateurs, des A.V.S.(auxiliaires de vie scolaire), stagiaires en cours de formation lIUFM... Il faut

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    en gnral dcouvrir leur prsence tant elle est tue par les enseignants.Considrs comme intervenants extrieurs, il faudrait aussi sinterroger sur leregard que ces professionnels portent sur lenfance et la diffrence des sexes.Leur prsence, mme sporadique, pourrait tre utilise comme sourcedchanges et dapprentissage.

    Si lcole maternelle fonctionne de manire trs hirarchise, les relationsinterindividuelles, ncessaires lactivit et plus importantes quailleurs,concourent lefficacit du travail en quipe. Ces liens, soudent lquipedadultes, permettant par l-mme aux enfants de varier leurs relationsaffectives, privilgiant tantt la matresse, tantt lATSEM.

    Car, par del les institutrices, gnralement pour les coles visites, professeurs des coles , les ATSEM, agents territoriaux spcialiss descoles maternelles, participent de manire silencieuse aux liens affectifs et laction pdagogique. Nouvelle appellation des femmes de service , ce sigle-dont il faut remarquer quil demeure non encore fminis- renvoie uneprofession, elle, totalement fminise. Nos observations nous ont conduit corriger nos reprsentations de ce mtier qui peut recouvrir selon les classes etlemployeur des ralits assez diffrentes.

    Quoique leurs missions se soient transformes passant du mnage au soutienpdagogique, les ATSEM que nous avons rencontres, parviennent souvent ce mtier aprs un cursus scolaire, social et professionnel marqu par denombreux checs. Elles contribuent cependant au sein des coles et desclasses o elles sont affectes par les mairies qui les emploient au mieux-vivredes enfants. Petites mains charges de nettoyer les classes, les meubles, les

    jouets, de prparer les activits, dassister les enfants, de leur prparer legoter, les ATSEM secondent en silence lenseignante et accompagnent delaccueil la classe, des toilettes la rcr , du goter la sieste les enfantsdes classes dont elles ont la charge. Elles calment les pleurs, nourrissent petiteset grosses faims, veillent en douceur au confort de chacun.

    Parmi les personnels divers , les ATSEM sont souvent prives dexplication

    sur ce qui se passe lcole ; elles semblent vivre lcart, ce qui fait natredans leur comportement une rsistance larve. Or, ces femmes de services,exclues de la dimension valorisante du travail ont aussi une capacit ducativeet pdagogique. Leur formation, devrait aussi porter sur des notionsducatives et psychologiques intgrant la dimension de la lgalit des sexes,ce qui leur assurerait plus de crdit dans lcole et de pertinence dans lactionducative.

    Souvent recrutes comme femmes de mnage, elles peroivent comme unedistinction, une promotion le fait de travailler en cole maternelle auprs des

    institutrices. Elles ont l loccasion de remplir une fonction daide maternelle.Comment viter que la reprsentation de leur mtier nentrave les enfants dans

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    leffort ncessaire pour saffranchir des identits prescrites ? Comment viterque leur statut et les tches affrentes ainsi que la dvalorisation qui lesaccompagnent ne les conduisent des attitudes de repli, damertume,daigreur... qui ne sont pas sans effet sur les enfants ?

    Leur travail parait simple : laver les lavabos et W-C, nettoyer les classesplusieurs fois par jour, accompagner les enfants aux toilettes, mais elles doiventsouvent se rpartir entre plusieurs institutrices. Mais, aux exigences desinstitutrices sajoutent les exigences des municipalits. Prises en tau entre desinjonctions parfois paradoxales, au cur dune situation o deux hirarchiesexercent une pression, elles tentent de grer au mieux le temps de travail quileur est allou, ce qui nest pas sans effet sur les activits de linstitutrice.

    A cette ambivalence se surajoute un paradoxe : les ATSEM, personnel dont latche ducative est apparente, sont contrles et notes par les surveillants dela municipalit qui ne sintressent qu la propret des locaux. Il semble, auxdires des ATSEM rencontres, ngliger dans leur apprciation laspectrelationnel quelles entretiennent avec les enfants et les enseignants. Le savoirfaire exig dans ce cas ne se situe quau niveau du mnage et de lentretien deslocaux. Cette situation peut tre source dambiguts et de difficults. En effet,les agents, malgr leur bonne volont restent dpourvus de formationducative, ce qui ne sera pas sans effet sur leurs relations aux lves.

    Leur statut, aux marges du projet ducatif de lcole maternelle, les amne ydvelopper des pratiques et des finalits la mesure de leurs attentes et deleurs reprsentations des lves et de leurs possibles. Peu formes remettreen question la lgitimit des rles de sexes, elles perptuent par leurscomportements, leurs attentes en direction des enfants et les rponsesaffectives quelles apportent leurs prestations, une reprsentation du mondequi renforce lappartenance de chacun sa catgorie sociale de sexe.

    Extension dans lcole du travail domestique, leurs activits ne les autorisentque trs modrment sinterroger sur le sens de leur travail et leur rle dansla construction des rapports sociaux de sexe. Et pourtant, quoique non

    directement scolaire, celle-ci nest pas sans effet sur le devenir des enfants !

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    DEUXIEME PARTIE__________

    Mthodologie

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    1 - Comment approcher les pratiques enseignantes ?

    Nous avons choisi dapprhender les pratiques enseignantes dans desconditions de forte proximit, privilgiant ainsi la prsence active et dans ladure au sein de ltablissement.

    Cest dans ces conditions que nous avons tent dobserver la lumire duparadigme de lgalit entre les sexes les situations pdagogiques mises enuvre dans deux classes de moyenne section proposes par le Rectorat etanimes toutes les deux par des professeures des coles et dans une troisimeclasse de la ville de Ste. Les pratiques enseignantes seront donc tudiespour une mme classe dge partir de leurs variations entre les coles et chezune mme enseignante.

    Qui et o observer?

    Les classes comprenaient respectivement 28 lves, 27 lves et 23 lvespour la classe situe en R.E.P. (Rseau dducation prioritaire), soit au total,40 filles et 38 garons.

    Nous nous sommes attaches rechercher les diffrences de socialisationscolaire lies partir de comportements se rapportant des enfants observssystmatiquement durant trois (3) mois, de mars juin 2002. Malgr la petitetaille de lchantillon, une tendance gnrale semble se dgager descomportements les plus frquemment observs.

    Nous navons cependant pas distingu dans le temps des observations, lesenfants selon leur origine sociale et culturelle. Les diffrences qui apparaissentselon la frquentation sociale des coles, plus classes moyennes pour lune,situes en R.E.P. pour les deux autres et probablement affectes par lapauvret relative des familles, concernent a priori essentiellement les activitsde langage.

    Quoi et comment observer?

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    Quels types dinformations recueillir ? Le choix des mthodes appropriespour obtenir ces informations dcoule de la rponse apporte cette question.

    Nous avons dcid :? de privilgier lobservation la plus participante possible ;? de suivre les enfants et leurs enseignantes travers leurs habitudes

    quotidiennes de vie en classe et de les questionner ds quunchange serait permis ;

    ? Dans les faits, nous avons dans lune et lautre classe t tour tour en retrait, prenant discrtement des notes et plus activeparticipant laccompagnement des enfants lors de certainessquences de travail (accompagnement en bibliothque,distribution du goter, participation lactivit dart plastique).

    Nous avons alors choisi de diversifier les lieux et les sances de lobservation(cours, sances de lecture, activit graphique, conte, dessin, bibliothque).Nous nous sommes attaches, au moyen de grilles construites en coursdactivits, observer, cest dire voir les comportements et entendre lesinteractions ( y compris les changes verbaux entre enfants).

    Nous tudierons donc les comportements des enfants en classe et dans la couren utilisant une grille dobservation des activits lintrieur de la classe, ainsiquune cartographie de la cour. Nous verrons ainsi quil existe selon le sexedes endroits plus frquents que dautres.

    Il faut cependant signaler quaprs un premier essai par comptage desinteractions en classe, celui ci ne nous a pas sembl pertinent. Cette manirede procder prsentait linconvnient dextraire un comportement de lasituation dans laquelle il a t observ, si bien que lon perd ainsi une partimportante de linformation. Par exemple, il ne suffit pas de savoir sil y a eudes injonctions disciplinaires en direction des filles ou des garons et combiende fois, mais de comprendre pourquoi cette injonction a eu lieu. Ce qui resterelativement lourd mettre en place dans la classe.

    Mais cette dichotomie qualitatif/quantitatif nest pas aussi tranche. Nousavons tent de la contourner de deux manires : En multipliant nos angles dobservation. Plusieurs mthodes ont ainsi t

    employes afin de recueillir un maximum dinformations sur la nature desinteractions entre filles et garons avec ou sans prsence dadulte ;

    En utilisant, pour relever la frquence de certaines pratiques observes,des quantificateurs tels que le plus souvent , presque toujours , quelque fois

    Le guide dobservation va ds lors privilgier plusieurs espaces etconfigurations. Il sagit, de reprer les changes verbaux spcifiques en

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    direction des filles et des garons, partir dinscriptions diffrentes danslespace.

    Les mthodes employes pour lobservation

    a) Premire inscription : le tour dhorizon

    Cette mthode consiste balayer le lieu tudi, salle de classe ou cour dercration afin de noter les diffrents comportements qui apparaissent.

    La multiplicit des mouvements conjugus au nombre denfants a rduit notre tour dhorizon au rpertoire des lieux les plus frquents par chacune lespetites filles et les petits garons ainsi que les lieux que chacun dentre euxdlaissent le plus souvent.

    La photographie ou le film aurait pu constituer un appoint utile pour obtenirune observation plus fiable. Mais la proximit avec les enfants aurait pu lesperturber, transformant ainsi lactivit elle-mme.

    b) Lobservation cible

    Cette mthode consiste observer soit une personne, soit une activit, soit unlieu prcis au cur du grand espace classe ou cour afin de visualiserlensemble des activits et des relations constitues durant un temps dtermin.

    Ce mode dobservation peut permettre dapprocher pour un groupe denfantsle sens et la nature des interactions de sexes.

    c) Les incidents critiques

    Des vnements extrieurs peuvent perturber lordre de la classe. Cesvnements sont prcieux. Ils permettent de comprendre par contraste lesprocds mobiliss par lenseignante vis vis des enfants et ouvrent la voie de nouvelles interrogations.

    d) Les entretiens

    Des entretiens auraient pu pallier les limites des observations pour rendrecompte du sens donn, des logiques dinterprtation et de r appropriation luvre dans les pratiques.

    Mais, comment faire parler les enseignantes de leur activit tout en vitant lesdiscours pr construits ? Nous avons choisi de privilgier des entretiens plusinformels. Raliss avec les enseignantes, les ATSEM, dans le cadre de la

    classe, dans la cour de rcration et quelquefois aprs les heures de classe, lesentretiens leur ont alors permis non seulement de dcrire, mais galement de

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    comprendre les situations releves et dagir. Parler de son activitprofessionnelle revient se regarder agir sous un autre regard.Pour viter les discours normatifs voire conventionnels, nous avons opr unzoom sur un moment critique de lactivit : et si lon retrouvait un momento vous vous tes trouve prise dfaut. A ce moment prcis quavezvous fait ?

    Cette mise en vocation dun moment trs cibl permet de faire advenirlexprience singulire, mme gnrale et rationnelle. Dans ce cas, la mise enforme du rcit permet didentifier, au-del des confidences, des doutes, desremises en question, des interrogations, les pistes quelles souhaitent explorer.

    Difficults rencontres

    Certaines tiennent des donnes objectives. Ces dernires sontessentiellement lies des problmes dorganisation temporelle. En effet,concilier les emplois du temps des classes, celui des enseignantes et le ntrena pas toujours t chose facile. Entre les absences pour formation, lesactivits organises hors de la classe en prsence danimateurs extrieurs etdautres classes de la ville, certains temps dchanges ont t quelquefoisrduits.

    Dautre part, des difficults ont surgi du fait que ces observations taientralises au seul moyen dun journal de bord et dun dictaphone.

    Lobservation proprement dite na dmarr quaprs un moment dimprgnation du climat des classes. Il sagissait de prendre le tempsdtablir un premier contact avec les enseignantes et les lves. De nous faireaccepter par la classe et de nous y sentir moins trangre, de trouver notreplace dans la classe : les dispositions gographiques tant diffrentes, nousnous sommes places diffremment. Mais les activits de moyenne sectionobligent de frquents changements de place, voire de lieu, et chaque fois ilnous a fallu choisir langle qui nous garantissait le meilleur point de vue.

    Il nous a sembl important de ne pas perturber les enfants, mais certains sesont attachs plus que dautres rechercher notre prsence, quitte sedisputer nos mains pour les conduire la cour, aux toilettes ou en salle debibliothque.

    Autant dimprvus qui ont pu perturber lactivit habituelle de la classe. Maisles enseignantes elles-mmes reconnaissent lobjet de notre prsence na past sans transformer leurs pratiques, en les rendant plus vigilantes ( moinsspontanes ) par rapport lactivit et les relations engages.

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    Dans tous les cas de figure, leurs changes verbaux avec les enfants, quilssoient relatifs lordre scolaire, au respect du matriel et de la discipline, ou lordre spatial, quils rappellent les exigences relatives au maintien des corpsou les apprciations du travail en cours, lintrt port aux apprentissages desuns (unes) ou des autres, sont lobjet de ce travail. Cest partir de ce

    matriau recueilli que nous proposerons lanalyse qui suit.

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    2 - Description de la population tudie

    Lobservation a t faite auprs de classes de la section des moyens detrois coles maternelles de lHrault, pendant 30 matines, durant trois moisde mars juin 2002.

    Les classes comportent entre 28 et 23 lves. La classe de REP en comptantle moins grand nombre, soit au total 40 filles et 38 garons, pas toujoursprsents, les absences augmentant au fur et mesure de lapproche des

    journes dt et des vacances scolaires.

    Au premier abord les lves diffrent selon les coles : leur langage, leurculture marquent immdiatement lappartenance socio culturelle... mais il nesagit pas dtiqueter. Malgr ces hritages diffrents, les enseignantessastreignent transmettre les formes langagires utiles pour parler selon lesnormes en vigueur lcole (selon le mot dune institutrice)

    Ces aspects ont dlibrment t exclus de ltude. Durant le temps dercration, seuls ont t observs les lves de la classe slectionne pourltude alors mme que la rcration rassemblait plusieurs classes et taitplace sous la surveillance de plusieurs matresses (deux au minimum).

    Les observations ont t faites partir de plusieurs positions :

    - en classe, assise un coin de la salle afin de laisser les lves libres

    dans leurs interactions avec la matresse, le ou la stagiaire, lATSEM, leurscamarades. Rapidement aprs les questions du dbut, les enfants ont oublima prsence, quoique les matresses la signalent souvent pour obtenir une plusgrande rigueur dans le travail, voire plus de discipline ;

    - avec les enfants et interagissant avec eux, lors dactivits situes horsde la classe, mais dans ltablissement : bibliothque, activits artistiques,goter... Ces moments dchanges permettent de crer des liens avec certainsenfants et de mieux comprendre le sens quils attribuent aux activitsproposes ;

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    1 - Lcole maternelle

    Lcole maternelle, tape premire de lintgration rpublicaine par lcole etlieu daccueil de la quasi-totalit des enfants de 3 6 ans joue un rle centraldans la socialisation des enfants. Elle prpare, selon les textes du Ministre delducation Nationale, la scolarit ultrieure en mettant en place les premiersapprentissages. Premire sortie de la famille pour de nombreux enfants, elledispense tous les rudiments de savoir ncessaire non seulement auxacquisitions scolaires venir mais aussi la vie civique.

    Au seuil de lcole : les parents

    Si les caractristiques socio-conomiques et culturelles du public accueilliinfluencent la nature des relations entre les enfants et lenseignante, ce critrena pas t lobjet de nos observations. On peut cependant remarquer que lesparents les plus fortement dots en capital scolaire, gnralement bi actifs, separtagent la prise en charge de laccompagnement de lenfant en classe : auxpres laccompagnement du matin, aux mres la sortie de classe de midi oucinq heures et les tches domestiques affrentes.

    A cette premire nouveaut qui caractrise essentiellement lcole des couches moyennes sen surajoute une seconde. Loin des strotypesambiants, les pres profitent de ce moment pour informer la matresse desderniers dveloppements de la vie de lenfant (sommeil perturb, fatigueconscutive aux activits ralisescraintes et tracas). Ils sinforment, linstar des mres de mme catgorie socioculturelle, de la nature des activitspdagogiques et de ses effets attendus, lui livrent leurs interprtations delactivit ralise ou en cours de ralisation, et changent longuement avec elledans un rapport de relative proximit culturelle.

    Ce nest pas toujours le cas des autres coles observes o les pres moinsprsents au seuil de ltablissement et dans la classe, voire au moment de nosobservations quasiment absents, sont remplacs plus classiquement par lesmres qui profitent de cette sortie matinale pour converser, non avec lamatresse (sauf problme grave), mais entre elles, dans le hall de lcole. Cette

    premire diffrence nest pas sans nous interroger.

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    Moment de sociabilit, le seuil de la classe est diversement utilis par lesfamilles. Les carts dattitude renvoient dabord la plus ou moins grandedistance culturelle entre les familles (hommes et femmes) et lcole, leurconnaissance plus ou moins fine de linstitution scolaire, leurs conceptions -socialement labores- de la place des parents face linstitution scolaire et

    aux enseignants, bref, leurs inhibitions ou leurs connivences mais aussi laplus ou moins grande lisibilit de lcole. On peut cependant mettre uneseconde hypothse : dans quelle mesure la moindre visibilit des hommes dansles coles de Z.E.P. ou de R.E.P. nestelle pas le reflet de la pauvret plusgrande des familles habitant les zones dducation prioritaire ? Desobservations convergentes rappellent quen France une majorit denfantspauvres vit avec des parents sans emploi, et plus dun sur quatre avec un seulparent, essentiellement la mre.

    Ainsi, au seuil de lcole, se manifestent les ingalits sociales propres lenvironnement scolaire. Lapparent absentisme des pres des quartierspopulaires est corrler avec la plus grande proportion de femmes seules et appauvries. Les rapports des parents lcole, lenfant et la gestion dutemps doivent tre en partie relis leurs conditions propres dexistence. Lespres prsents des couches moyennes, symboles de la transformation encours des rles parentaux, appartiennent un modle de famille domin par lecouple. La composition familiale des enfants des couches populaires reste plussouvent marque par la monoparentalit : les mres assumant elles seules lacharge de la famille.

    Selon leur position sociale, le niveau et le type de formation, la situation parrapport lemploi et probablement selon leur histoire personnelle et le pays oils sont ns, les parents expriment un rapport diffrent la fois lcole maisaussi la rpartition des tches au sein du couple et de la famille. Cescaractristiques traversent la vie des lves et leurs reprsentations du monde.Comment les enseignants prennent-ils appui sur ces diffrences sociales pourconstruire lgalit entre tous, mais aussi entre les sexes ?

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    2 - Face aux activits : des filles et des garons

    Les activits se dcoupent en squences de travail d1/4 dheure, 20 minutes,chacune, spares de coupures pendant lesquelles la matresse expliquelexercice faire ou prpare lactivit suivante.

    Les enfants arrivent accompagns dun des deux parents ils se dirigent vers lesportemanteaux et accrochent sur la patre, au-dessus de leur nomorthographi, leur vtement. Ceux qui arrivent les premiers se dirigent vers unespace de jeu, organis gnralement au fond de la classe. Chacun son grrcupre sur une tagre ou dans des casiers les objets, jouets, jeux dsirs etrangs par grands thmes (jeux de socits, jeux de constructions, poupes,dnettes et autres objets propres lespace domestique, vtements etdguisements, vhicules, figurines masculines ou fantastiques . De faongnrale, durant ce temps libre pendant lequel les enfants dessinent ou jouenten prsence de la matresse et de lATSEM, ces dernires saffairent qui

    laccueil des parents, qui la prparation des supports ncessaires lactivitde la journe.

    Les activits de la section des moyens

    Les activits dans la classe sont organises selon une planification qui alterne,aprs le moment de laccueil :

    - Des activits de langage qui permettent aux enfants de communiquer loral autour de textes, graphiques, images quils doivent au pralablediscriminer;- Des activits motrices;- Et des travaux de graphisme.

    Une collation, gnralement servie par lATSEM, prcde la rcration ou sedroule, lextrieur, au dbut de celle-ci. Les enfants assis partagent selonleur apptit et leurs penchants laitages, crales, gteaux et /ou confiseriesdiverses.

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    La matine sachve en attendant le dpart la cantine des demi-pensionnaires ou larrive des parents, des mamans , par un moment pluscalme consacr au dessin, aux comptines, au chant ou la posie.

    a) Lappel9 heures 05 : appel. Ds cette premire activit, nous avons pu observer unrituel quasi immuable. Lorsque la matresse appelle les garons, de faongnrale, ils rpondent : coucou ! Lorsquelle appelle les filles, elles ragissent en disant : bonjour ! ;Quelques garons et filles rpondent en disant : je suis l ! Seul dans cette classe un petit garon au prnom arabe rpondra en disant : bonjour !

    Les rponses largement diffrencies refltent-elles lintriorisation, ds 4 ans,par les filles et les enfants issus de populations racises et domines desnormes de civilit fort peu transgresses ? Le processus de conformationapparent traduit-il dj une plus grande soumission aux rgles dominantes?

    b) Langage et interactionsUne grande partie des activits de la moyenne section est consacredirectement ou indirectement lapprentissage de la lecture. Il est trs difficilede mesurer avec prcision le temps consacr en raison des multiples activitsqui sy rapportent.

    Ds la mise en route, lactivit de lecture est aborde collectivement. Lesenfants se rassemblent autour de linstitutrice qui charge un ou une lve, dereprer et lire sur un calendrier accroch au mur, la date du jour, de noter aumoyen dune icne, la mto et les prnoms des lves absents.

    Cette activit dbute gnralement par un temps collectif o, chaque jour, les

    enfants sont appels lire avec les autres la date du jour, la cocher sur uncalendrier, reprer la mto ; puis selon linspiration la matresse peut crirecertains mots au tableau, les enfants doivent reconnatre des sons, des lettres,des mots... Cest souvent par cette sorte de jeu collectif sur les mots et leslettres que dbute lactivit scolaire de la journe.

    La matresse peut aussi lire une histoire. Ce moment est prtexte denouveaux changes verbaux entre la matresse et les lves. Une fois lhistoirelue, la matresse interroge les enfants et par un jeu de questions-rponses,vrifie si lhistoire est bien comprise, si le vocabulaire est acquis

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    Ce temps dinteractions verbales entre la matresse et les lves est souvent,bien que de faon non intentionnelle, marqu par des changes plus frquentsavec les garons quavec les filles, ce quel que soit le support (conte, livre).

    Exemple parmi dautres, cette squence autour dun livre. Antoine vient de

    prsenter ses camarades de classe le dernier album reu en cadeau.

    - La matresse : Avez-vous des questions poser Antoine(silence).Que fait le loup pour faire peur la chouette ?- Jean : il va sous larbre et crie pour la dranger.- La matresse : Que fait-il encore ? Jrme !- Jrme : Il se promne.- La matresse : Non, ce nest pas ce que jai demand Louis !- Louis : Il donne des coups de griffe sur larbre.- La matresse : Que fait-il encore ?- Rachel : Peut tre il peut grimper sur larbre.- Louis : Non, les loups, a ne grimpent pas !- La matresse : Que peut-il faire encore(en voyant les doigts levs)? Cest toujours les mmes qui parlent Alexis !- Alexis (silencieux)- La matresse : Tu as une ide Lola ?- Lola : Il grimpe- La matresse (interrompant Lola ) : On la dit ! Que peut-il fairedautre, Julien ?

    Suivent les rponses de Louis, Jean et Rachel. Puis Jean, Louis,Valentine; puis Antoine et Jean

    De fait les garons sont la fois beaucoup plus souvent partie prenante desinteractions, mais aussi plus souvent sollicits. A plusieurs reprises les petitesfilles actives ou bavardes sont sommes de se faire plus discrtes, voire dese taire. Celle qui parat la matresse la plus agite est isole, mise enretrait du groupe dactivit.

    c) changes et punitions.A loccasion dune activit quivalente, la matresse aprs avoir lu un livre,interroge les enfants. Les garons lvent le doigt et rpondent un un.

    - La matresse : Manon, tais-toi ! (Manon bavarde)- La matresse : On passe la partie documentairetes un peucasse pied Laura, va te mettre prs de Pierre !

    Lchange verbal avec les petites filles rappelle que leur agitation moinstolre que celles des garons est passible de sanctions. Parmi les punitions en

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    usage dans la classe : lloignement au ct dun garon, auquel la petite filleest probablement moins lie, est vcue comme pacificatrice. Mais quel peuttre leffet de cette sanction rpte sur lordonnance des sexes ?

    La sanction qui ponctue gnralement les activits renvoie au silence les

    enfants exclus de linteraction. Si les filles semblent dans les classes observesbeaucoup plus prcises que les garons quant aux rponses attendues, ce sontces derniers qui demeurent le plus souvent sollicits et interrogs quand bienmme ils ne souhaitent pas sexprimer.

    d) Une langue sexiste ?Mais le travail sur le langage et les changes quil ncessite oblige composeravec le sexisme ordinaire de la langue franaise. A de nombreuses reprises,pour ne pas dire quasi systmatiquement, les enfants et en particulier les petites

    filles interrogent la reprsentation inquitable des hommes et des femmes dansles textes et les discours.

    Scne 1La matresse lit lhistoire de Phocia, le petit phoque : la mamansent pour reconnatre son petit - Rachel : Ou sa petite (la matresse nentend pas et poursuit)- Rachel : Ce nest pas un petit, cest une petite phoque.Pourquoi on ne dit pas une phoque ?- La matresse : Cest comme a !et poursuit.

    Scne 2- La matresse : Qui peut me rappeler les activits des hommes

    prhistoriques ?- Pierre : Ils vont la chasse- Thibaut : Ils pchent- Jean : Ils tuent les mammouths- Manon : Et les femmes ?- Julie : Elles gardent les bbs !- La matresse : Que font encore les hommes ?-

    A de nombreuses reprises, mais jamais entendues par la matresse, les petitesfilles rappellent que lordre du monde est sexu. De faon gnrale, lors denos observations, ces interpellations ne rencontrent que le silence desenseignantes. Or, en jouant avec les mots, lenfant va dcouvrir non seulementdes mots inconnus et des structures nouvelles, mais sera amen observer etreprer les diffrences, les ressemblances dans la langue, mais aussi dans lemonde social.

    Lors de cette partie de lactivit consacre loral, les changes verbauxvisent familiariser les enfants avec les mots, la syntaxe. Il sagit de leur faire

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    dcouvrir, par del la prise de parole et lexercice de communication quellesuppose, la structure et le fonctionnement de la langue. Mais, par del le capital mots les enfants, et en particulier dans nos observations les petitesfilles, interrogent la perspective androcratique de la grammaire et de lalangue franaise, leur vision fige et homognisante de la socit. Leurs

    questionnements obligent penser la capacit de la langue franaise volueret fminiser les noms communs, mais lordre scolaire le peut-il ?

    Dans un cadre o fminin et masculin sont conus comme des ensembles detraits rifis, jamais interrogs, mais ncessaires la perptuation dun systmeordonnant la place des deux sexes, les questions des petites filles portent engerme les lments du changement. Le silence qui les accompagne, ne renvoiepas seulement lordre pdagogique dune squence qui suit son train ,mais un ordre idologique qui perptue, de faon non intentionnelle certes,les discriminations entre les hommes et les femmes.

    Difficile l aussi de prvoir les effets de cet ordre masculin sur lesreprsentations et les comportements attendus des filles et des garons !

    De faon gnrale, les enseignantes dnient toute intervention pdagogiquediscriminante et diffrencie selon le sexe de lenfant. En fonctionnairesconsciencieuses, elles accomplissent le programme sans, le plus souvent,sinterroger sur les effets de leurs actes autres que ceux prvus par linstitution.La Convention sur lgalit entre les filles et les garons dans le systmeducatif reste mconnue et suscite dans certains cas mfiance et ironieIl est

    vrai quelle ne semble pas concerner le cycle prlmentaire.

    Par del cette apparente soumission au discours universaliste dominant, lesenseignantes restent convaincues que le dispositif scolaire quelles mettent enplace est capable, selon les mots de lune delles de donner chacun, quelque soit son sexe la chance de penser et dagir en toute libert .

    Mais comment parviennent-elles concilier libert de choisir son destin etgalit entre les sexes ? Dans quelle mesure les situations pdagogiques misesen uvre permettent-elles aux filles et aux garons de transgresser lordretabli ?

    Nos premires observations renouvellent les constats antrieurs et dvoilent la fois des interactions plus nombreuses avec les garons et une relative confiscation de la parole des filles. Peut-on affirmer que la nature de ceschanges est domine par la prise de pouvoir des garons dans la classe avecla complicit active, mais muette, des enseignantes ?

    Si les interactions verbales entre lenseignante et les lves ne sont pasdissociables du cadre dans lequel elles sont gnres, de lorganisation dessquences, de lagencement des lves, de la discipline et du mode de

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    transmission pdagogique choisis, quoi peut-on imputer ces diffrences ?Doivent-elles tre attribues au sexe de lenfant ? A la reprsentation quilinduit ? Ou selon le mot dune institutrice au caractre plus agit desgarons , qui requiert plus dattention, une prsence soutenue et donc desinteractions plus nombreuses ?

    Il nen demeure pas moins que dans ce cas, les interactions, dans une classemixte sont alors essentiellement centres sur la rgulation des conduites desgarons.

    Quen est-il alors des types dinteractions mises en uvre par lenseignantepour favoriser la participation des filles et des garons dans le droulement delactivit scolaire ? Nous rfrant la notion de curriculum cach nousconsidrons quau-del des buts poursuivis par linstitution, les contenusdenseignement et les apprentissages scolaires transmettent galement desvaleurs, des modes de sociabilits, des apprentissages sociaux le plus souventnon contrls par lenseignant. Or, si laction socialisatrice de lcole contribuedans les cas de figure observs apprendre aux filles et aux garons unsystme de rapports entre les sexes, on peut aussi mettre lhypothse quellepeut aussi les rendre moins dpendants du genre.

    e) Au cur de lactivit : la russite de tous ?De faon gnrale, linstar des exemples prcdents, les filles sont soumises une dynamique interactionnelle domine par le souci des performances desgarons. Plus souvent interrogs, ils sont la fois aids par la matresse,lATSEM et les petites filles appeles cette tche par la matresse.

    - La matresse : Attention, on prend un feutre rouge ! , Et si vousnavez pas de feutre rouge, on..- Anas : On prend un feutre orange- La matresse : Martin, montre-moi ton feutre. Cherchez mu etentourez-le !- Thierry : Matresse, je ne trouve pas.

    - La matresse : Cherche, Thierry(voyant quil erre sur safeuille) Julie, aide-le !- LATSEM : Pierre, il y en a un autre ! (de mu )- La matresse : Laura, montre Aymeric !- La matresse : Leslie, aide Thierry

    Prise sur le vif, dans leur succession brute, les directives de la matresse et lesinterventions de lATSEM montrent combien tant au plan qualitatif quequantitatif les changes avec les enfants ne sont pas neutres. Le souci depermettre tous de russir lexercice demand se traduit dans les faits :

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    - par une attention plus grande aux garons, auxquels certainsmoments la matresse, voire lATSEM, tiendront systmatiquement lamain ;- et une demande particulire destination des filles, appeles seconder lenseignante dans son travail de formation.

    Dans quelle mesure ces demandes ritres, qui valorisent dabord chez lesfilles leur disponibilit permanente pour aider et secourir, vont-elles contribuer renforcer chez elles ladquation aux pratiques sociales dominantes ?

    f) Retour sur les contenusComment les contenus propres lactivit pdagogique peuvent-ils contribuer favoriser lapprentissage de nouvelles relations inter sexes en classe ? Lasquence qui suit, observe dans une classe loccasion dune squence detechnologie ne peut pas tre gnralise.

    Alors qu lcole maternelle peu de contenus sont prescrits, des choix sontoprs en termes de savoirs et de socialisation. En labsence de prescription,se fabriquent de fait lcole des catgories intellectuelles et des modesdlaboration de la pense qui, loin de remettre en cause la divisiontraditionnelle du travail de production et de reproduction entre les sexes,tentent, au dtriment de lexprience des enfants, de les renforcer.

    Squence de technologie : les gantsLa matresse propose une srie de gants, il sagit de les reconnatre,de nommer le matriau qui les compose et de dire quoi ilsservent. Il y a l des gants de ski, des moufles qui protgent du

    froid , des gants de cycliste, des gants en plastique, des gants decheval, des gants de boxe, des gants de karat; il y a des gants

    pour se protger du froid, pour se laver, pour jardiner, un gant detoilette et des gants de maman pour faire la vaisselle, des gants de papa pour faire la moto - Damien : Mais moi, ma maman aussi fait de la moto !-

    Silence de la matresse! Qui poursuitet ces gants ? ce sont desgants de jardinier !- Alice : ma grand mre en a pour cueillir les roses. Cest pour ne

    pas se piquer- La matresse poursuit lexercice et ne relve pas

    La sance de travail autour des gants permet lexpression de rponses trslargement marques par le conformisme social. Bien que des enfants, filles etgarons, rappellent que le monde se transforme, lchange avec lenseignantese clt, comme dans cet exemple, sur les reprsentations les plus strotypes.

    Lors de la vrification des acquisitions de la squence, les enfants ont

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    appris , au dtriment de leur exprience propre saccommoder avec lapense traditionnelle de la famille.

    Lorsque la matresse montre un gant de mnage : ma maman enmet pour faire la vaisselle (une fille)Une manique : ma maman met ce gant pour ne pas se brler (une fille)Un gant de moto : mon papa fait de la moto, il met des gantscomme a ! (un garon)Ce quoi une fille ragit dans lindiffrence de tous- : On na

    pas dit un gant de monsieur ! .

    On ne peut bien videmment traduire cette situation, reprsentative debeaucoup dautres, par la volont systmatique de la matresse de privilgierune lecture fixiste du monde. Mais les silences sur lvolution des rapportssociaux entre les hommes et les femmes peuvent terme cautionner uneinterprtation du monde marque par la division sexuelle du travail, cest direpar la sgrgation entre les sexes.

    Cette situation est cependant loin dtre isole; le mme oubli de laprsence sociale des femmes traverse les squences de langage, y compriscelle qui partent de lobservation ralise par les enfants lors de la sortie.Ainsi, lissue de la journe passe en Camargue, les enfants ont vu despcheurs, un manadier, un berger, un agriculteur, un vigneron, un puisatier, etpas de femmes. Ce monde si videmment masculin ne suscite plus aucunequestion de la part des enfants. Il nest pas sans effet sur leur implication dansles changes pdagogiques et leur rapport au savoir, comme lillustrelobservation ralise dans cette classe qui travaille depuis peu sur leshommes prhistoriques .

    - La matresse : Que font les hommes prhistoriques ?- Luc : ils chassent les mammouths- La matresse : et puis encore?- Lucie : ils pchent,

    - Jean : ils cueillent des fruits dans les forts,- Lucas : ils ont des arcs et des flches- Samir : des btons,- Jordan : des couteaux

    La sance se poursuit sur lnumration des faits darmes, les petites filles se sont progressivement tues alors que les garons excits, jouent lhomme prhistorique. Lvidence dun monde sans femme. Les

    petites filles elles-mmes lors de cette squence ninterrogent pas lamatresse. La prhistoire rduite dans lintitul de la squence aux hommes

    prhistoriques et leur activit exclut toute intervention sur la participation

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    des femmes. Et pourtant, un dtour par les gravures rupestres par exempleaurait permis dapprocher le monde sexu.

    Les modalits dintervention pdagogiques des enseignantes, par del lerespect apparent de lenfant et de ses choix, sont loin dtre neutres. Si elles

    interrogent peu les lves sur les enjeux de leurs rponses, leur silence sur leschoix exprims par les enfants invite ces derniers explorer et investirdiffremment le monde.

    Mais les deux squences qui suivent illustrent le caractre non systmatique deleurs interventions. La premire squence met laccent sur linvisibilisation deschoix lorsquils sont extrmement strotyps, alors que le second changerappelle, lui, que certaines fonctions deviennent progressivement mixtes.

    Squence 1

    Quel est le gant qui ta plu ?- Une fille : Le gant paillettes,- Un garon : Le gant de ski.

    Squence 2- Qui vient maider ? Un garon et une fille !

    Ce second change montre comment imperceptiblement les situationspdagogiques voluent. Lthique intriorise renvoie au ncessaire partage, galit, des corves . Les aspects de contenus se superposent alors aux

    aspects relationnels et favorisent dans ce cas l lapprentissage de lentraideentre enfants de sexe diffrent.

    La bibliothque : Les rapports au livre et la lecture

    Le travail autour du livre est un moment essentiel de lactivit en section de moyens . Le Ministre de lducation nationale et de la culture rappelait en1992 : . Le livre est une part essentielle de notre culture. Il faut quildevienne un objet familier pour tous, et ds le plus jeune ge(...)

    Aujourdhui lire est un impratif vital. En France moderne, lcrit, cenest pas seulement le livre, cest le journal, le document, le modedemploi, laffiche, lcran dordinateur, les sous-titres dun film... Bien

    parler, bien lire bien crire, ces trois impratifs, videmment lis sont lescls de la pleine citoyennet... (La matrise de la langue lcole, Paris,CNDP, 1992, p.2)

    Ds lcole maternelle commence lapprentissage des premires notions delecture et dcriture. Le travail de familiarisation des lves avec les textescrits traverse lensemble des activits. Il sagit de permettre aux enfants detoucher, feuilleter, dcouvrir mots, images, sculptures et textes divers (bandes

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    dessines, tiquettes, journaux, publicits, signatures dartistes....). Autantdactivits motrices et cognitives qui progressivement amnent les enfants lire, crire et compter.

    Mais le lieu principal de cet apprentissage demeure la bibliothque. Dans

    chaque classe un espace est rserv aux livres. Il se prsente sous la forme demini bibliothque. On y trouve de petits prsentoirs et des caisses de couleurremplies dalbums que les enfants peuvent feuilleter assis au sol, quils peuventconsulter en libre accs le matin lors de laccueil en classe...

    Les petits coins livres , accueillants et colors permettent davoir un accslibre et facile aux livres. Leur consultation se fait soit pendant le temps libre,soit pendant la matine bibliothque , durant laquelle les enfants peuventemprunter un livre et le garder chez eux jusqu la semaine suivante.

    Les choix de livres ne sont pas neutres. Lors dune sance o je lesaccompagnais la bibliothque pour enregistrer les livres rendus et emprunts,les garons montrent un intrt massif, sans que lon puisse faire la part dessocialisations antrieures et de leffet identitaire du groupe de garons, pour leslivres de documentaires , disent-ils, sur la vie des animaux : les mammifres,la chouette, alors que les petites filles sattachent aux livres qui racontentdes histoires . Mis en prsence du livre, leurs ractions divergent entre ceuxqui tentent dabord de nommer les objets dessins : cest un fossile! et cellesqui, plus centres sur les sensations commencent par le dcrire : on dirait quecest mouill ! a a lair plutt doux ! .

    Lactivit autour du lire occupe dans la classe des moyens un espace et untemps relativement important. Un premier inventaire rapide met jour desconstats connus : les reprsentations du masculin et du fminin proposes parles albums de jeunesse prsentent une lecture largement sexue du mondeet peut interdire aux filles de mettre en place des stratgies alternatives dechoix du professionnel et de rles sociaux.

    La manire dont les enseignants se saisissent du livre et de son histoire peut

    contribuer modifier, parce quils rendent visibles les modifications, lesvolutions, les dominations, les reprsentations du monde, ouvrant par-lmme des brches possibles lmancipation de chacun. Il faudrait pour celasortir des lieux communs ce qui suppose une posture professionnelle plussubversive que celles observes.

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    3 - Lespace jeux

    Le jeu est un lment essentiel du dveloppement de lenfant. Il le prpare un certain nombre de comportements, de rapports soi et lautre.Linvestissement ludique lui permet de faire lapprentissage de certains gestesdont le corps conserve la mmoire.. En cela il y a toujours une relation,

    souvent peu parle, entre le jeu et lducation. Ces moments o lenfantchappe la contrainte du travail et de leffort, o il sautorise la cration, meten vidence les modalits de la socialisation.

    Or, souvent, alors mme que les lieux communs postulent la valeur ducativedu jeu, dans cet espace invisible, les enfants occupent souvent, hors du regarddes adultes, hors du champ pdagogique, une partie de leur temps scolaire.Dans cet espace, la relation entre le jeu et lducation est renvoye laresponsabilit propre des enfants.

    Dans chacune des classes observes un coin est amnag pour les jeux. On ypropose aux enfants, en libre accs, des jeux et jouets divers reproduisant enrduction lunivers social.

    Des observations ritres permettent de distinguer des jeux et jouetsappartenant diffrentes dimensions.

    - La dimension de la fminit : poupes Barbie , poupes diverses,vtements ;- La dimension de la sduction : maquillage, bijoux et colifichets, soinsdes cheveux;

    - La dimension du maternage : poupes, poupons, berceaux, landaus ;- La dimension du domestique : cuisine, repassage, mnage reprsent

    par des objets comme la cuisinire, marmites, casseroles et plats divers,fruits, lgumes et viandes cuisiner...

    - La dimension du voyage : camions, voitures, trains, caravanes, avions etbateaux ;

    - La dimension de la guerre : armes diverses... fusils missiles, revolvers,pes ;- La dimension de la "masculinit" : figurines et objets reprsentant deshommes au corps viril, hyper masculiniss, qui limage du GI sontmuscls, puissants, belliqueux semblent prts utiliser la force.

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    Ces images idales ou fantasmes prsentent une palette dhommes et defemmes lapparence relativement homogne quoique visiblement distincts lesuns des autres. Les hommes et les femmes sont nettement diffrencis,voire strotyps : les reprsentations masculines portent par exemple des

    moustaches, celles signalant la prsence de femmes ont des boucles blondesou brunes Manifestement, le souci de ralisme genr revendiqu par cesfigurines et personnages a pour effet dinscrire les enfants dans le monde et au-del dun certain type dhommes ou de femmes, leur propose un certain typedimaginaire.

    On peut sinterroger sur les valeurs que reproduisent ces jeux et jouets quisoulignent la puissance et le got de laventure des uns et la fragilit, la joliesse,la centration sur le domestique des autres.

    Mais, comment les petits garons et les petites filles sapproprient-ils les jeuxmis leur disposition ? .Quel curriculum cach se transmet au travers de cesactivits si anodines quelles ne requirent ni lintervention de la matresse, nicelle de lATSEM, si ce nest pour faire rgner un calme relatif, lordre et ladiscipline ?

    Scne 1,1 : des petits garons dans lespace jeux . Groupe nonmixte.- Pierre joue avec des Lego : Je vais construire un bateauavec des ventilateurs et quand il coulera, les gens dedans pourrontnager ;- Hugo construit lui un centre pour les chevaux avec piste,curie et parking pour les voitures

    __________

    Scne 1,2 : tout juste ct des petites filles jouent aussi aux Lgo . Oriane construit un avion drle, sans ailes, avec un

    pilote .Moi : Cest un homme ?

    Oriane : OuiMoi : Pourquoi ?Oriane : Parce quil a un pantalon !

    Moi : a pourrait tre une femme ?Oriane : non, les femmes portent des robes !

    Je constate alors, in petto, que les pilotes de Lego ont des ttes dhommes, moustache. Difficile de mettre une femme ce poste !

    __________

    Scne 1, 3 : Deux autres petites filles construisent avec des Lgoidentiques une ville, avec des immeubles, un parc, des bancs et se

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    disputent propos de lemplacement des bancsprs ou loin desespaces de jeux des enfants

    __________

    Scne 1,4 : Quelques centimtres droite, des petites filles jouentensemble la dnette :o Anna : On prpare le pique-nique!o Moi : Et o sont les papas?o Anna : Il ny en a pas !o Moi : Pourquoi ?o Jessica : Parce quon les veut pas les papas !o Moi : Alors, qui va au pique-nique ?o Anna : les mamans, les petites filles (un moment aprs)les

    grandes surs(silence)et les bbs aussi

    Ainsi les jeux et jouets proposs construisent, selon leurs modalits propres lasocialisation diffrencie des jeunes enfants. La construction de la masculinitet de la fminit est luvre travers les propositions dactivits et lesidentifications quelles vhiculent. Aux hommes la conduite des avions, auxfilles les dguisements de jolie princesse !

    Il sy construit un habitus prdisposant les petits garons la violence, ou minima la rendant tolrable , parce que naturelle et jamais interdite ourgule. Censes procurer du plaisir, ces activits inscrivent dans limaginaireun ordre de possibles diffrents pour les filles et les garons. Ainsi, loin desyeux et des mots des adultes, mais souvent encourag par eux Quelle joliemarie! ; Fais tourner ta jupe pour voir! ; ce que tu es fort! ,lespace jeux autorise la construction dun habitus de prdisposition soit auxsoins du mnage, des enfants et de la beaut, soit au travail technique, soit laviolence ncessaire (?) la protection des plus fragiles...

    Mais la prsence de jouets ne suffit pas expliquer les choix de jeux diffrentschez les filles et les garons. Ce matin en classe, les petites filles jouent lamarie et essaient les diffrentes robes de la crmonie.Elles y dbattent

    de robes, mais aussi de coiffure, de maquillage et rappellent, sans trecontest, lordre du monde :

    - Zo : Et moi, je serai le garon dhonneur !- Manon : Tu ne peux pas tre un garon, tu as des

    cheveux longs !

    Les genres sentre dfinissent et sentre construisent. Ils reproduisent lesingalits, diffrences vcues par les hommes et les femmes dans lespacesocial, mais aussi les transgressions possibles que certaines petites filles

    leaders sautorisent. Mais gnralement, ces prises de pouvoir ne seralisent pas en groupe mixte.

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    - La : aujourdhui, cest moi qui dcide, je suis le chef, lechef !

    Il faut donc distinguer dans cet espace, comme travers toutes les activits de

    la classe, les diffrences exprimes des diffrences de traitement. Lespetites filles, qui en ces jours de chaleur qui prcdent lt, sextasient sur lescouleurs des vtements, le rose des chaussures, les bandeaux ou barrettesassorties et font virevolter leurs robes sous le regard attendri de lATSEM etde la matresse, sous le regard bloui des autres petites filles, que nous disent-elles de lensemble du processus de socialisation auquel elles sont soumises ?

    Si les jouets engagent le garon dans un devenir homme dominant , et la filledans une avenir de femme aimante et sduisante , ils sont partie intgrantedun processus de socialisation beaucoup plus vaste. Mais quelle place estdonc laisse pour le libre arbitre ? Si la domination est prescrite aux petitsgarons, quen font-ils ? Comment sen emparent-ils ? Quelles attitudes, face ces comportements rpts, les adultes prsents dans la classe adoptent-ils ?

    Gnralement; face la non-mixit des jeux, les matresses prnent la non-intervention.

    Jai vu que certains groupes ntaient pas mixtes, mais cet ge l,je naime pas les forceret puis si on les force, celui quon obligeva enquiquiner les autres.

    Dans lordre scolaire, la logique dgalit se dilue dans des proccupationsdisciplinaires : pour avoir la paix, on laisse faire! . Or, si lenfant, tre former par des adultes investis dune mission de scolarisation, est lui aussiporteur dun projet construit pralablement, cela transforme la relationducative, mais ne lannule pas.

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    Les garons en rcr

    En moyenne section, les garons jouent le plus souvent se poursuivre, jouer au ballon, se battre par terre et courir. Ce sont en gnral desactivits de dfoulement moteur et souvent des jeux de comptitions. Ils font

    par ailleurs rarement appel aux adultes pendant leurs activits en groupe.

    On peut aussi remarquer que les groupes de garons sont plus importants queles groupes de filles; ils entourent un leader qui organise lactivit ou en donnele signal.

    Dans le silence, les petits garons sont autoriss exercer leur domination.Loccupation de la cour, la priorit dans lusage des appareils , lusage dela violence contre les filles quil sagit de battre, denchaner, dloigner, desoumettre- mme symboliquement- occupe leur temps de rcr .

    De faon gnrale, la prescription de genre dfinit une forme hgmonique demasculinit qui se construit contre des masculinits diffrentes. Cest ainsi queles agressions concernent surtout les garons entre eux. Lorganisationhirarchique au sein de leurs groupes se retourne souvent contre certains petitsgarons, plus fragiles, moins violents, eux mmes domins par dautres petitsgarons.

    Ces batailles , menes en gnral en labsence de contrle scolaire, laissentlibre jeu la conformation au modle dominant.

    Les filles

    Les filles de moyenne section jouent quant elles souvent deux, mais aussidans des groupes de quatre six filles. Elles ont des contacts plus stables entreelles que les garons. Leurs activits sont plus calmes et sorganisent souventautour de jeux symboliques qui refltent en gnral lintriorisation de normeset conventions sociales qui laissent la monoparentalit la part belle.

    Leslie joue la maman chien . Elle promne dans la cour quatre pattes, un bb chien , un frre chien et une grande sur chien Il ny a pas de papa chien

    De faon gnrale, en rcration, les filles passent le plus souvent du tempsentre elles et coexistent moins avec des garons du mme ge. Plus calmesque ces derniers, elles partagent leur activit dans la cour de rcration entrede longs conciliabules avec une amie prfre et des discussions entrefilles. Ces changes ont lieu soit dans un coin, assises cte cte ou en cercle,

    soit en promenade le long de la cour.

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    Contrairement aux garons, les filles courent peu et demeurent sur une pluspetite portion de cour, gnralement la mme. Les garons quant eux,tendent utiliser lensemble de lespace cour . De faon gnrale, quelleque soit lcole et la surface de la cour, les garons tendent occuper, comptetenu de leurs activits, plus physiques, des terrains de jeux plus grands que

    ceux utiliss par les filles.

    Elles peuvent aussi jouer des jeux de rles. Il sagit souvent de rlesfamiliaux, tels que la maman ou la grande sur, de rle professionnels, commela matresse, la marchande ou la coiffeuse ou bien des rles fictifs se rfrantpar exemple des hrones de bandes dessines (Sissi, la Tortue Ninja).

    A de multiples reprises les papas et les mamans reviennent dans lesconversations et les changes entre enfants. Si lon exclut la scne de jeuprcdemment voque qui traduit de la part des filles la volont de jouerseules entre filles , voire entre mamans, enfants et bbs, denombreuses reprises nous avons pu observer, y compris de la part de petitsgarons, le refus de jouer avec un preIl y a bien un petit frre, une petitesur, une maman, mais Oh non, pas de papa ! dfinitif.

    Dans ces jeux-l, la place laisse au pre est souvent rduite, voire absente.Interroges sur labsence des pres, les filles marquent leur irritation. Raction mon irruption dans leurs jeux, labsence de pre dans la famille ou aux hommes en gnral ?

    Si les papas absents sont rarement prsents sous des traits affectueux, ilsdisposent dun privilge rare : celui de recevoir des marques daffectionsans tre tenus den donner.

    - Marie : Ma maman, elle naime que les bisous et les clins !- La matresse : Et les papas, ils naiment pas ?- Colin : Mon papa, il aime bien quand je lui fais des bisous et desclins !- Laure : Les mamans, elles aiment les bisous et elles en donnent aux

    papaset les petites filles aussi, elles embrassent les papas

    changes plutt fminins dans ce groupe : les papas reoivent les bisous lorsquils reviennent du travail ; les mres ne semblent pas travailler etdonnent des bisous tous, y compris aux pres. Les enfants embrassenteux aussi chacun des parents. Seuls, les pres se contentent de recevoir

    Les interactions entre enfants de sexe oppos.

    Les enfants de moyenne section observs laissent ressortir une relativefaiblesse des relations mixtes lors des jeux. Si de faon gnrale filles et

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    garons ont des centres dintrt diffrent, ils peuvent jouer ensemble soit certains jeux de rle, soit au ballon, soit la charrette , lun poussantlautre assis sur un vhicule roues.

    Mais souvent lorsquils sont en petits groupes mixtes, filles et garons se

    taquinent, se bousculent gentiment, feignent de se toucher et dtre fchs. Denombreux comportements du registre de la sduction slaborent sous nosyeux. Mme lorsque la sduction est absente, les violences observescontre les filles restent moins physiques qu lgard des garons du mmege.

    Ces observations corroborent les tudes effectues pendant les rcrations dematernelle. Dans la diffrence des sexes , ouvrage paru en 1986, M.C.Hurtig et M.F. Pichevin, (Paris, ed. Tierce, 1986) ont pu en effet observer,entre la maternelle et le cours prparatoire, une diminution des activitsralises par des pairs de sexes opposs et une augmentation des activitsdiriges vers lautre sexe telles que taquineries, observations, parades. Ellesnotent cependant que ces relations sont brves et ne donnent lieu que trsrarement une interaction. Il existe ainsi une distanciation de plus en plusmarque entre les sexes avec lge.

    On peut par ailleurs noter que cet loignement entre les filles et les garons vade pair avec le jugement de plus en plus dfavorable lgard de lautre sexe.Les filles qualifient les garons de brutaux, de mchants et dagressifs ettendent donc sen loigner.

    Certains garons interrogs reconnaissent apprcier chez les filles les qualitspropres leur sexe : la douceur, le calme et leur aptitude refuser dersoudre les conflits par la violence. Ils peuvent aussi se rvolter contre lesconduites perptuellement agressives dautres garons. Mais lapprentissagede la virilit contraint nombre dentre eux accepter le corps corps .

    La cour de rcration demeure donc un espace livr aux enfants sans autremdiation que celui de lenseignante en cas de pleurs. Le