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LIBRAIRIE LE SQUARE LE SQUARE LIBRAIRIE DE L’UNIVERSITE La Gazette Septembre 2010 du Square mail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr Philippe Forest, Patrick Lapeyre Robert Bober, Dan Franck romans français, romans étrangers, premiers romans Vassilis Alexakis, Chantal Thomas, Alain Crozon, Didier Daeninckx, Robert Bober, Patrick Lapeyre, Dan Franck, Philippe Forest, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Benoît Peeters, Claudie Gallay, Michel Serres Alain Crozon, écrivain/illustrateur jeunesse , assiettes illustrées, septembre/octobre François Schuiten, dessins tirés des Mers perdues , textes Jacques Abeille, novembre Mers perdues” Schuiten, Abeille, exposition des dessins en novembre

Gazette rentrée 2010

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Gazette rentrée 2010

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Page 1: Gazette rentrée 2010

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LE SQUARE LIBRAIRIE DE L’UNIVERSITE

La Gazette Septembre 2010

du Squaremail : [email protected] - site : www.librairielesquare.fr

Philippe Forest, Patrick LapeyreRobert Bober, Dan Franck

romans français, romans étrangers, premiers romans

Vassilis Alexakis, Chantal Thomas, Alain Crozon, Didier Daeninckx, Robert Bober,Patrick Lapeyre, Dan Franck, Philippe Forest, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,

Benoît Peeters, Claudie Gallay, Michel Serres

Alain Crozon, écrivain/illustrateur jeunesse, assiettes illustrées, septembre/octobreFrançois Schuiten, dessins tirés des Mers perdues, textes Jacques Abeille, novembre

“Mers perdues” Schuiten, Abeille, exposition des dessins en novembre

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Philippe ForestPhilippe Forest est né en 1962. Docteurès Lettres, diplômé de l'Institut d'étudespolitiques de Paris, il a enseigné la lit-térature française à Cambridge, a vécuet travaillé au Japon et est actuellementprofesseur de littérature comparée à l'u-niversité de Nantes. Il collabore àplusieurs revues, en particulier à ArtPress. C’est avec L’enfant éternel paru en1997 qu’on découvre Philippe Forest.L’ouvrage obtient d’emblée le PrixFemina du premier roman et marque defaçon durable les lecteurs comme l’oeu-vre d’un auteur dont le coeur restera aufil des livres (Toute la nuit, Sarinagara,Tous les enfants sauf un) la mort de sapetite fille à l’âge de 4 ans d’un cancer.Cet univers marqué par la souffrance, levide et l’impossible deuil, outre letémoignage d’une expérience humainedont il veut rendre compte au plus près,conduit Philippe Forest à interroger demultiples façons la mort et l’écriture quipeut l’exprimer de façon universelle.Chacun de ses livres, avec un souciconstant d’intégrité et une justesse deton remarquable, tente de dire chaque

fois autrement ce qui l’habite pour tou-jours. L’un de ses plus beaux textes,Sarinagara, « cependant » en japonaisnous conte trois histoires en parallèle,celles de Kobayashi Issa, grand maîtrede l’art Haïku, de Natsume Sôseki, legrand écrivain et de Yamata Yosuke quiphotographia les victimes et les ruinesde Nagasaki. A travers le destin de cestrois personnages, tous confrontés à lamort, dans cette quête qui le mène auJapon et le fait voyager dans le temps,c’est encore à cette même insolublequestion qu’est confronté le narrateurde ce beau roman : comment peut-onsurvivre à l’épreuve absolue de la mortdes autres ? Comment retrouver l’origi-ne inaltérable de ce qui fonde l’êtrehumain ? Le talent incroyable de Philippe Forestc’est de se tenir au point de rencontrede la plus intime expérience intérieureet du détachement qui lui permet desonder, d’ausculter les méandres dusentiment humain, d’en retracer sanspathos mais de façon bouleversante etsouvent poétique le questionnementexistentiel.

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PLAN

BIBLIOGRAPHIE romansEditions GallimardL’enfant éternel,“L’infini”, 1997, Prix Femina du pre-mier roman (Folio n°3115)Toute la nuit, 1999 Sarinagara, 2004, prix Décembre (Folio n°4361) Le nouvel amour, 2007 (Folio n°4829)

Essais (sélection)Editions GallimardTous les enfants sauf un, 2007 (Folio n°4775)Araki, enfin l’homme qui ne vécut que pour aimer,2008 (Arts et artistes)Editions Cécile DefautLe roman infanticide: Dostoievski, Faulkner, Camus,essais sur la littérature et le deuil, 2010..

Si un autre deuil hante le dernier roman dePhilippe Forest, celui de son père, le pilote deligne, c’est d’une autre manière et avec unetoute autre matière que l’écrivain a choisi deconstruire son dernier récit. Car s’il est vrai quec’est la vie du père qu’il retrace, c’est par le biaisd’une fresque qui dépasse de loin l’intime quel’on rentre dans ce roman au très beau titre, tiréd’Apollinaire, Le siècle des nuages. Remontantau début du vingtième siècle, nous redécouvronsles tout débuts de l’invention de l’aéronautique,cette merveilleuse aventure où l’on croise

Lindberg et Mermoz, Saint-Exupery ou Proust,par le biais de son amant perdant le contrôle deson aéroplane en plein vol.C’est aussi tout un siècle qui défile, les guerreset notamment celle de quarante qu’on vivra à lafois par l’histoire de ces avions qui après avoirfait rêver deviennent des machines à déverserdes bombes et par les souvenirs retrouvés ouplutôt reconstruits de la première rencontre dupère et de la mère du narrateur “ce fut commeune apparition” et des années qui suivent, unemer infranchissable les séparant.

Philippe Forest sera à la librairie le 18 novembre 2010 à 18h30Espace -rencontre, entrée 20, rue de Sault

F.Folliot

La fille de libraires et le fils de confiseurs, Philippe Forest en déroule la vie, telle une légende, un roman, devenant souventcelui qui se souvient à la place, à la place du père notamment, peu bavard et dont l’écrivain imagine tour à tour les possi-bles pensées. Posé sur une fragile passerelle surplombante, le narrateur, à la fois acteur et observateur, penseur et rêveur,nous présente les différents visages de la réalité. Au fil de longues phrases magnifiques où s’enchassent pensées, douteset tous les possibles, de descriptions parfois lyriques et de moments d’émotion, c’est à la fois l’histoire d’une famille, l’his-toire d’une grande aventure et l’histoire d’un siècle qu’il nous offre, en un constant va et vient entre les trois, sans jamaislaisser le désenchantement souvent présent oblitérer la magie de la vie.

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Patrick Lapeyre

Patrick Lapeyre est un écrivain rare, qui a fait de la lenteur un principe – septromans publiés en 26 ans chez le même éditeur POL et six ans à attendreentre la parution de L’homme-soeur, prix Initiales et prix Inter 2004 et celle,aujourd’hui, de La vie est brève et le désir sans fin…De lui, on sait peu de choses, une date de naissance, une profession. De là àle comparer à ses personnages, il n’y a qu’un pas.Des êtres plutôt solitaires (des hommes-seuls) qui chercheraient à s’effacer,plus pour fuir le monde que pour s’y conformer. Car bien souvent la réalitécontrarie les combinaisons amoureuses, impossibles, dans lesquelles ils sontpris. Les histoires de Lapeyre sont en effet des défis à la symétrie. Il ne peuty avoir d’adéquation simple entre deux personnages, si miroir il y a, il est trou-ble, concave, convexe… Un homme ne peut éprouver de désir que pour sasoeur (L’Homme-soeur), une femme dont le corps obèse la dépasse, se perddans des relations réelles ou imaginaires (Sissy c’est moi), et on ne peut men-tionner toutes les variations à trois, avec des personnages victimes de poly-gamies « mentales », « caractérielles », un chauffeur de taxi saisi d’amourpour un couple (Welcome to Paris), l’entité Samy et Ludo qui tente l’éducationsexuelle avec une jeune fille (Ludo et compagnie)… Et l’art de Lapeyre est de mener ses personnages jusqu’au bout de leur étran-geté. Il est donc inévitablement question d’échecs.Pour autant cette inadéquation, cette inadaptation ne se crient pas. Si la dou-leur se diffuse, c’est murmurée, dans un humour éthique, cinglant.

GROS PLA

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BIBLIOGRAPHIE Le corps inflammable, POL, 1984La lenteur de l’avenir, POL, 1987, Folio n°4765Ludo et cie, POL, 1991, Folio n°4938Welcome to Paris, POL, 1994L’homme soeur, POL, 2004, Folio n°4218, prix Inter

Patrick Lapeyre sera à la librairie

le 27 octobre 2010 à 18h30Espace -rencontre,

entrée 20, rue de Sault

N.Trigeassou

Patrick Lapeyre partage avec Jean Echenoz le refus de l’effusion, du bruit, du spectaculaire- une nar-ration toujours extérieure et le goût de la phrase contenue, de courtes expositions que viennentimmanquablement bousculer, déséquilibrer des sentences ironiques.L’économie des mots va avec la brieveté des scènes. Dans un montage tout cinématographique («sur l’image suivante », « quelques images plus loin »), l’histoire avance, serrée, par successions decourtes séquences, dans lesquelles on ne dépeindra pas des champs de batailles, mais commentdans des gestes infimes, peut-être d’une grande banalité, se jouent des moments décisifs.Mais l’humour, c’est aussi tous ces personnages secondaires. Un peu comme chez Tati, le person-nage principal, lunaire, est entouré de seconds rôles, typés, et tout aussi fous. Pensons aux collèguesde Cooper, dans L’Homme-soeur, ou au salon Verdurin dans Welcome to Paris. Le drame de l’amours’inscrit alors dans une comédie absurde plus large.L’ivresse qui nous gagne à la lecture nous ferait presque oublier la tragédie qui avance inexorable-ment. Mais quand la musique de ces petits bals magiques s’arrête, on ne voit plus qu’un trou, béant.Et médusés, nous restons tout aussi seuls.En épurant encore son langage, Patrick Lapeyre nous donne avec son dernier livre, peut-être son plus beau. « Je sais pas si tu te souviens, lui dit-elle, de ce personnage de Bradbury, dans les Chroniques martiennes, qui a la particulari-té de changer de sexe et d’identité dès qu’il rencontre quelqu’un.Je n’ai jamais lu Bradbury.En fait, sans le vouloir, il prend à chaque fois le visage de celui ou de celle que l’autre attendait depuis des années. Comme s’ildevenait la projection de son désir.A la fin, tout le monde lui donne la chasse et il n’est plus qu’une silhouette galopante, épouvantablement malheureux.Murphy doit convenir que ce pourrait être une bonne définition de Nora ». ExtraitDerrière ce titre, définitif, d’une beauté toute asiatique, La Vie est brève et le désir sans fin, une histoire de Jules et Jim.Une femme, Nora, qui n’en fait qu’à sa tête, hésitant, valsant entre deux hommes, dans un jeu d’apparitions-disparitions.De ce point fixe mais fuyant, on ne saura que peu de choses. La tragédie nous est racontée, vécue par les hommes. ALondres, Murphy, qu’une innocence pataude empêche de retenir Nora. A Paris, Blériot, homme marié, à qui la notion mêmede choix semble étrangère. Dans ce tourbillon, comme dans un jeu fou de miroir (incessants va et vient, fondus dans destransitions étourdissantes), les histoires se démultiplient, amours à sens unique d’amis, faillites et folies conjugales àchaque génération…Mais attention, il peut être dangereux de traverser le miroir…Comme toujours, le sourire laissera placeau vide, il restera un tableau, glaçant, des petits compromis masculins avec le désir. Un chef d’oeuvre.

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Robert Bober

BIBLIOGRAPHIE Quoi de neuf sur la guerre, POL, 1993, Folio n°2690

Berg et Beck, POL, 1999, Folio n°3496Laissées pour compte, POL, 2005, Folio n°4561

Récits d’Ellis Island, histoires d’errance et d’espoir,Avec Georges Perec, POL, 1994

A voirCholem Aleichem, un écrivain de langue yiddish;

La génération d’après ; Réfugié provenant d’Allemagne Adresse provisoire : les Molines ; Récits d’Ellis Island ;

L’ombre portée ; En remontant la rue Vilin…

Ecrire est un métier, cela demande beaucoup de travail, d’abnégation, diverses connaissances,du talent parfois et ce métier n’est pas le mien. Aussi présenter un écrivain est un exercice déli-cat et fastidieux, et si l’on admire ce même écrivain depuis de nombreuses années, l’enjeu estdavantage anxiogène car on souhaiterait que la critique soit à la hauteur du personnage maisc’est immanquablement peine perdue. De Robert Bober je ne vous apprendrai rien que vous nepuissiez trouver seul ou sachiez déjà mais notice biographique oblige, voici quelques éléments :Robert Bober est né à Berlin en 1931 de parents juifs d’origine polonaise. Toute la famille fuit lenazisme, arrive en France et échappe de peu à la Rafle du Vel d’Hiv. A 16 ans il débute sonapprentissage de tailleur (Lire absolument sur ce sujet Quoi de neuf sur la guerre et Laissées-pour-compte). Les années 50 marquent la rencontre avec François Truffaut de qui il devient l’as-sistant sur des films magiques tels que les 400 coups, Tirez sur le pianiste et Jules et Jim dont ilest question dans son dernier roman. L’amour du cinéma est entendu mais l’amour du film-docu-mentaire le fera réaliser 120 films notamment avec Georges Perec (Récits d’Ellis Island en 1979)mais surtout avec Pierre Dumayet.

« Il y a les souvenirs, a-t-elle continué presque pourelle-même, mais on ne se recueille pas sur un sou-venir. Un souvenir c’est fait pour être gardé. Il y ales photos…oui, il y a les photos, mais sur lesphotos ils sont vivants. Il y a aussi les cimetières,mais lorsque pour Yom Kippour je vais dans celuide Bagneux, je sais que mes morts n’y sont pas. Iln’y a que des écureuils. Il y a plein d’écureuils àBagneux. Dans le cimetière de Przytyk aussi il yavait plein d’écureuils. Lorsque j’étais petite et queje les voyais sauter de tombe en tombe, je ne pou-vais m’empêcher de penser qu’ils sont pourquelques chose de ce qui se passe entre les mortsles vivants ».

On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvertles yeux est tiré de La plupart du temps de Pierre Reverdy.Initialement le titre devait être « Je vadrouille autour de monpassé, j’en ramasse ici et là de menus morceaux, il en traî-ne un peu partout, je tâche à le reconstituer, comme si l’onpouvait exister une fois de plus ». Mais peut-être que cettephrase tirée du Tout sur le tout d’Henri Calet semblait un peutrop longue à l’auteur et l’éditeur. Elle nous éclaire en toutcas un peu plus sur la démarche de l’écrivain à travailler surla mémoire, la sienne et celle de l’Histoire.Bernard le narrateur du livre rencontre par hasard à Paris uncertain Robert Bober qui effectue des prises de vues pour un

film intitulé Jules et Jim. Bober reconnaît Bernard et Bernard,Bober, qui fut autrefois son moniteur de colonie de vacances.Les deux hommes se lient d’amitié et Bober propose aujeune homme de figurer dans le film de Truffaut. Memoire etHistoire se retrouvent une fois encore et de façon poignantelorsqu’on apprend que Bernard a perdu son père, déporté àAuschwitz, que sa mère s’est remariée avec un ami d’enfan-ce, décédé dans un accident d’avion, mais dont elle aura unfils, Alex. Mais ne nous méprenons pas, le livre de Bobern’est pas un livre triste mais un hymne à la vie, drôle biensouvent même lorsque le contexte ne s’y prête apparem-ment pas.

L.Blondel

Robert Bober sera à la librairie

le 20 octobre 2010 à 18h30

Espace -rencontre, entrée 20, rue de Sault

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Il existe une chanson de Léo Ferré qui nous dit : Paris, c’est une idée. On pourrait dire de l’oeuvre de Dan Franck à peuprès la même chose. Cette oeuvre est un tableau, une toile de maître qui représenterait l’Europe et surtout le Paris desannées 1900 à 1950. L’homme est né en 1952 et pourtant sa culture semble précéder sa naissance.

Dan Franck

GROS PLA

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faire de boucherie. On retrouvera Max Jacob à Drancy et l’hommage que lui feront à l’église Saint-Roch, Mauriac, Picasso,Reverdy, Paulhan, Queneau. On rencontre, chose trop rare, la figure de Jean Prévost mort en Isère, fusillé à Sassenage surle Pont Charvet. Franz Werfel, ami de Kafka et Lion Feuchtwanger qui cherche désespérément le visage de sa femme pri-sonnière sur un quai de gare à Lourdes. Une conversation lumineuse entre Malraux, Hemingway et Adrienne Monnier. Lesquerelles puis la séparation définitive entre Drieu La Rochelle et Aragon où les femmes sont un enjeu plus fort que la poli-tique. Les chars allemands qui entrent dans Paris racontés par Jean Guéhenno. L’anecdote formidable où Samuel Beckettaide James Joyce à terminer Finnegans Wake. Albert Camus qui nous dit que «Celui qui désespère des événements est unlâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou». Et puis Jeanson, Malaquais, Beauvoir, Rebatet, Vaillant,Céline, Jouhandeau, Vercors, Dali, Koestler, Breton, Léautaud, Martin du Gard, Sartre, Bloch, Berl, Saint- Exupéry, Kessel,Sperber…On ne peut tous les citer mais toutes et tous ont leur place dans un livre prodigieux et exceptionnel. Minuit paraîtra le 1er octobre chez Grasset.

A lire Bohème et Libertad, l’écrivain raconteSoutine, Foujita, Picasso, Hemingway, Carco,Cocteau, Gide, Malraux, Aragon… La liste estimpressionnante mais lui demeure clair, limpide.Son sujet, son obsession, son amour des per-sonnages, il tient à nous les présenter commedes connaissances, des amis intimes. Le per-sonnage même de Boro, créé en 1987 avec sonami Jean Vautrin, reste un roman feuilletonmoderne qui débute avec la Guerre d’Espagneet se termine après la guerre. Une époque qu’ilessaie de comprendre ou qu’il a bien trop com-prise, qu’il appréhende sans cesse dans son tra-

vail. Dans tous les cas, Dan Franck est un écri-vain prolixe. Il a effectivement beaucoup écritpour les autres (plus de 60 ouvrages, ce qu’ilracontera dans un récit, Roman nègre chezGrasset) mais pour lui, et nous surtout, sansjamais nous étouffer. Dan Franck n’a pas la cul-ture pédante, l’étalage de confiture culturellen’est pas sa chose. Son dernier livre Minuit, àparaître dans quelques jours, est une merveille.Il semble aussi à l’aise dans cette période de 39-45 que dans son fauteuil préféré. Minuit c’estdes centaines d’artistes, écrivains, intellectuels,résistants, salauds aussi, qu’il dissèque sans

BIBLIOGRAPHIE sélectiveLes Calendes grecques, Calman-Lévy, 1980

Apolline, Stock, 1982, Points, 1982.

La dame du soir, Mercure de France, 1984.

Les adieux, Flammarion, 1987.

Le cimetière des fous, Flammarion, 1989.

La séparation, Seuil, 1991, Points, 1998, prix Renaudot

Une jeune fille, Seuil, 1994, Points, 1996.

Tabac, Mille et une nuits, 1997.

Nu couché, Seuil, 1998, Points, 2007.

Bohèmes, Calmann-Lévy, 1998, LDP, 2006.

Les enfants, Grasset, 2003, LDP ,2005.

Libertad, Grasset, 2004, LDP, 2006.

Les années Montmartre , Menges, 2006.

Roman Nègre, Grasset, 2008.

Les aventures de Boro, reporter-photographe avec

Jean Vautrin disponible chez Pocket (plusieurs volumes)

Un siècle d’amour avec Enki Bilal, Fayard, 1999.

L.Blondel

Dan Franck sera à la librairie le 9 novembre à 18h30

« Au moment où apparaissaient les Editions deMinuit, deux futurs et illustres auteurs se rencon-traient pour la première fois. Dix ans plus tard,Nathalie Sarraute et Samuel Beckett devien-draient les piliers de cette école qualifiée deNouveau Roman par un critique littéraire. En1942, ils se cachaient dans une petite maison dela vallée de Chevreuse. Nathalie Sarraute, russe,juive, avocate radiée du barreau par les loisnazies, y était arrivée la première avec son mariet ses enfants. Beckett y vint en 1942, fuyant Pariset les allemands. Samuel Beckett se trouvait enFrance longtemps avant la déclaration de la guer-re. Il aurait pu profiter de sa nationalité irlandaisepour décamper en 1939. Il n’en fit rien ».

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S DE COEUR

Romans français

Le premier mot, Vassilis Alexakis, Editions Stock, 22€Entre la Grèce et la France, Vassilis Alexakis n’a pas eu à choisir et ces deux pays imprègnent touteson oeuvre. Ce qu’il choisit par contre et avec une force et une constance remarquable c’est la langue,les mots, les interrogations qu’ils suscitent et les univers ainsi déployés au gré de sa fantastique éru-dition. Si c’est autour des mots et plus précisément autour du premier mot que s’articule ce roman, c’està une fiction en forme d’enquête que nous invite cette fois Vassilis Alexakis. Car ce premier mot là c’estcelui que veut connaître le professeur Miltiadis, savant érudit, professeur de littérature comparée àParis. C’est sa soeur qui, à sa mort, reprendra le fil de l’enquête en cours. Un prétexte, comme vousvous en doutez, pour notre auteur amoureux des langues à jongler avec les théories du langage, ànous présenter avec brio au gré des rencontres de la jeune femme toutes les données scientifiquespermettant d’élaborer les hypothèses les plus variées sur ce premier mot prononcé. Un gros livre qu’onlit comme par enchantement, où l’on s’amuse avec les personnages rencontrés, où l’on se passionnepour la quête fantastique des origines du langage, où l’on voyage dans le monde sensuel et magiquedes mots au fil des souvenirs de l’héroïne et des histoires innombrables qui jalonnent sa recherche.

F.F

Beau rivage, Dominique Barbéris, Editions Gallimard, 15,90€Ambiance surannée, pleine de charme. Le temps file doucement dans ce petit hôtel de montagne pen-dant une arrière saison encore douce qui voit peu à peu arriver le mauvais temps. Les personnagessont banaux et énigmatiques à la fois autour d’une narratrice qui se souvient et observe les mille détailsde la nature comme des gens. Non loin une ville thermale avec un sanatorium et la frontière. Un peuproustien, en plus léger. On pense aussi à Thomas Mann. Les paysages décrits avec légèreté et pré-cision par l’écrivain sont auréolés d’un parfum étrange. Dans cet hôtel presque vide, quelque chose senoue entre les derniers touristes réunis malgré eux au bord du lac, au pied de la montagne de l’Altefrau.Des zones d’ombre entourent le deuxième couple installé à l’hôtel et cet homme singulier et séducteuravec qui se lie la jeune femme esseulée, un peu abandonnée par un époux qui travaille dans sa cham-bre. Elle tente de déchiffrer les signes et les silences sans jamais réussir à lever tout à fait le voile.Nous sommes toujours au bord de quelque chose, en attente d’un fait singulier, d’un abandon de lanarratrice peut-être, d’une fuite, d’un éclat...Et Dominique Barbéris joue à merveille des demi-teintes etdistille cette exaspération des sens provoquée par un lieu étrange et l’oisiveté, ce chien qui aboie etcet homme qu’on ne voit jamais arriver. Le prétexte à une réflexion sur le temps, la vie qui passe, l’i-néluctable et finalement la mort semblable pour tous de ce qui fut et ne reviendra jamais, et sur le peud’importance de tout cela…Un véritable ton, un roman parfaitement réussi, doux amer et qui joue unemusique délicate, nostalgique et romantique. F.F

Le testament d’Olympe, Chantal Thomas, Editions Seuil, 18€

Et si écrire le roman d’Histoire parfait était d’épouser la forme littéraire d’une époque pour dire cettedernière ? En reprenant le canon de la lettre testamentaire, Chantal Thomas nous restitue un XVIIIesurprenant, complexe, un monde où la chair n’est pas que rose comme dans un délicat tableau deFragonard. Les rues du peuple sont pleines de bruits, de pleurs, famine et épidémies sèment la mort.Et derrière le plaisir du calcul libertin, tapies, la hantise de la putréfaction, la brûlure du péché.Le Testament d’Olympe nous raconte le destin de deux femmes. Deux soeurs nées à Bordeaux dansune famille que la dévotion des parents mène à la ruine. Apolline est placée dans un couvent.Devenue plus tard préceptrice, elle retrouve sa soeur Ursule, devenue Olympe, agonisante, qui luilaisse avant de mourir un manuscrit dans lequel elle raconte sa vie. Une fuite de Bordeaux avec songouverneur, le Duc de Richelieu, le plus grand libertin de son temps. Et un itinéraire dans les plaisirsjusqu’à devenir l’ultime offrande d’un courtisan à son Roi, Louis XV. Subtile érudition, vraie tensionromanesque font de cette histoire de Religieuse et de Bijoux indiscrets une réussite. N.T.

Chantal Thomas sera à la librairie le jeudi 7 octobre 2010 à 18h30

Vassilis Alexakis sera à la librairie le vendredi 1er octobre 2010 à 18h30

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Romans français

L’homme mouillé, Antoine Sénanque, Editions Grasset, 17 €

« La douleur fut inopérante. Il entra dans la salle de bains et se coucha dans la bai-gnoire. L’écoulement ne tarissait pas. Il ferma ses poings pour contenir les sécrétions,la pression chassa l’eau qui fusa à travers sa peau. La serviette en écharpe autour deson cou devint lourde et étouffante, il la retira au milieu d’un flux opaque qui jaillit deson cou et de ses épaules ».

Non Kafka n’est pas mort, il s’est réincarné dans la peau d’Antoine Sénanque le temps d’un livre. L’Homme mouillé estpeut-être le roman le plus étrange de la rentrée mais aussi l’un des meilleurs. 1938 à Budapest, Pal Vadas, fonctionnairese réveille couvert d’une eau salée qui ressemble étrangement à de l’eau de mer. Les idées nationales-socialistes gagnenten Hongrie, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne est proclamée et Pal Vadas lui, transpire, évacue des litres d’eau conte-nant bientôt des algues. On se méfie de lui autant qu’on en a peur mais le lecteur est fasciné par tant de savoir-faire etébloui par cette idée de génie. L.B.

Les jardins statuaires, Jacques Abeille, illustré par Schuiten, Editions Attila, 24 €

Après Joëlle Losfeld en 2004 (édition originale Flammarion 1982) c’est au tour d’Attila de rééditer cetimprobable et formidable ouvrage. Premier volume du “Cycle des contrées”, le roman de JacquesAbeille, à l’imaginaire merveilleux et fascinant est à placer aux côtés des plus grands. Gracq, Tolkien,Buzzati, ce sont tous les frères d’un romancier qui plonge son lecteur dans une sorte de rêve hallu-cinatoire. Au pays où nous entraîne un narrateur à la fois poète et philosophe, les hommes peuplentsleurs jardins de statues que des jardiniers méticuleux soignent précieusement, insufflant jour aprèsjour la forme en gestation jusqu’à l’ultime étape. Dans cette contrée étrange les rites et les usagesliés à la culture des statues sont multiples et fort particuliers. C’est tout un univers surréaliste qui sedéploie, comme une féérie à laquelle il vous sera impossible d’échapper, comme il advient à ce voya-geur pris en charge par un guide plein de civilité. La vision puissante de l’auteur semble avoir despouvoirs magiques et a trouvé avec les dessins de Schuiten un art à sa mesure. Vous ne pourrezrésister à la poésie sombre et lumineuse de cette contrée extraordinaire. Dans une langue fluide etprofonde, Jacques Abeille décrit avec précision et complexité une société totalement fantastique quivous réseve quelques cruelles surprises. Ce voyage ethnologique au coeur d’un territoire imaginaireest d’une beauté foudroyante. Réellement hors catégories !

Les Editions Attila éditent en même temps Les mers perdues un roman graphique écrit par JacquesAbeille et illustré par François Schuiten. Les deux univers romanesque et graphique résonnent decorrespondances singulières et ils nous emmènent dans une bien étrange expédition à la suite d’unejeune géologue, d’un dessinateur et d’un écrivain en quête d’un mystèrieux Graal. Une absolue réus-site pour cet album né d’une rencontre entre deux grands créateurs. L’exposition de 20 dessins de Schuiten, accompagnés d’un texte calligraphié inédit de JacquesAbeille reproduits en tirage limité sera présentée à la librairie en novembre (affiches en vente).

F.F

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Mathias Enard, Actes Sud, 17 €

1506 . Constantinople. Michel-Ange est invité par le sultan Bayazid pour concevoir un pont sur laCorne d’Or, projet auparavant demandé à Léonard de Vinci mais rejeté. Michel-Ange en litige avecle Pape Jules II à propos de la construction de son mausolée, fuit donc l’Italie et répond à l’invitationdu sultan.Mathias Enard, dans un court texte et par une économie de moyens, nous invite à un conte orientaldans une des plus belles cités de l’époque, riche de culture, d’art et de sciences. L’artiste italien nes’y trompe pas. A la fois fasciné et intrigué par ces impies de Mahométans, il s’éprend de la ville, duraffinement de la cour, d’une intrigante danseuse, et devient l’objet de désir du poète Mehisi.Ici la Renaissance italienne n’a rien à envier aux splendeurs ottomanes, ni sa jalousie, ses intrigueset ses crimes. Pendant trois mois Michel-Ange se nourrit de l’ambiance stambouliote afin de créerun pont dont le projet sera admiré et retenu par Bayazid.La suite, on la connaît, le 14 septembre 1509 un tremblement de terre dévaste Constantinople...

C.M.

Page 8: Gazette rentrée 2010

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S DE COEUR

Romans étrangersHistoire des cheveux, Alan Pauls, Bourgois, 18,00 €Le narrateur de l’Histoire des cheveux est hanté par ses cheveux et leur coiffure. Se faire une nou-velle coupe est toujours pour lui l’objet d’un véritable casse-tête. Un mélange de peur et de satisfac-tion, une envie de changement et un plaisir narcissique. En quête d’une nouvelle coiffure, qui l’amè-ne à faire la connaissance de personnages plus extravagants les uns que les autres, il découvre quenos histoires ne tiennent qu’à un cheveu et que l’histoire défile aussi rapidement que les modescapillaires. De couvre-chef en tignasse, une écriture labyrinthique où il est question d’un pan entierde l’histoire de l’Argentine se fait alors jour. Les chevelures du narrateur disent une époque et lesdéceptions politiques qui l’accompagnent tout autant que les blessures sentimentales et amicalesqu’il a eues à affronter. Derrière la moumoute ou la coupe afro se déroule un besoin de dire notre inti-mité comme notre étrangeté, de revenir sur ce qui s’est élaboré mine de rien, comme ces cheveuxqui continuent à pousser même chez les morts. Avec l’histoire des cheveux Alan Pauls poursuit le tra-vail qu’il avait débuté avec L’histoire des larmes et La vie pieds nus , de manière profondémentintrospective et irrévérencieuse. F.C

Maudit soit le fleuve du temps, Per Petterson, Gallimard, 18,50 €Traduit du norvégien par Terje Sinding

Une femme apprend sa maladie et son état avancé. Pour se retrouver, elle quitte sans prévenir, safamille à Oslo, et part seule dans la petite maison qu’elle possède sur la côte danoise. Son fils Arvid,la quarantaine, est en pleine déroute, le divorce avec sa femme semble inévitable, et la chute du Murde Berlin, nous sommes en 1990, va balayer ce qui lui restait d’illusions. Il sait sa mère malade, il saitpourquoi elle part, mais de même qu’il n’est jamais arrivé à lui dire combien il l’aime, il ne peut se pas-ser d’aller pleurer devant elle son malheur. Une nouvelle fois, c’était déjà le thème central du très beauPas facile de voler des chevaux, Per Petterson dans un récit mêlant présent et passé, interroge laquestion de la filiation. Discussions lors de ballades sur les dunes, mais aussi accès éthyliques minables…il est difficile pourArvid de revivre son passé. Contre quelle origine a-t-il fait le choix à vingt ans de l’ « établi » ? Et quel-le part d’elle-même, sa mère veut-elle lui apprendre en lui révélant des histoires occultées ? Il faut entout cas parler, ultime chance de réduire en ces jours comptés, la part d’étrangeté entre eux. Mais laradicale beauté de la scène finale fait douter qu’un jour Arvid accède à une quelconque maturité.Implacable. N.T.

Rosa candida, Audur Olafsdottir, Editions Zulma, 20,00 €Traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson

Arnljottur, devenu père à 23 ans, quitte la maison familiale, son père octogénaire et son frère autiste,peu de temps après la mort de sa mère. Toute sa vie s’ordonne autour des fleurs. Elevé au milieu desroses par sa mère adorée, il conçoit un enfant une nuit d’amour dans la serre, puis s’en va sur le conti-nent redonner vie à la roseraie d’un monastère. Il emmène avec lui quelques boutures de rosa candida,rose très rare à huit pétales. Homme touchant que ce personnage créé par Audur Ava, plein de candeuret de tendresse envers son vieux père et son enfant. C’est un roman au parfum féminin où les filles nais-sent dans les roses et où les moines sont cinéphiles, un road-movie sur les terres de glace et de lave.La justesse psychologique des personnages côtoie un réalisme épuré qui donne au roman un ton trèsjuste dans cette quête de soi menée par un ingénu. C.M.

Le navigateur endormi, Abilio Estevez, Grasset, 21,50 €traduit de l’espagnol (Cuba) par Alice Seelow

. Voici le livre tombé par hasard dans les mains du libraire, qui, il doit bien l’avouer, aurait été noyé dansla masse livresque si le sort ne l’avait pas amené dans sa boîte-aux-lettres. Une fois franchi ce cap,une deuxième épreuve attend ce pauvre livre, la quatrième de couverture évoque Proust comme écri-vain référent, mais pas de crainte à avoir, le livre d’Estevez est assez peu descriptif. Les phrases etles chapitres sont courts et le conteur est prodigieux. En 1977 à Cuba, la famille Godinez s’active àprotéger, barricader leur maison car l’ouragan Katherine approche. Trois générations vivent sous cetoit mais il y a surtout Jafet qui malgré la tempête annoncée décide de quitter l’île à bord d’un radeaupour fuir le régime cubain, il devient le navigateur endormi. Une épopée sublime, le roman à achetervendredi pour le terminer dimanche, trois jours de voyage à la Havane. L.B.

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COUPS DE

CO

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La baie de midi, Shirley Hazzard, Gallimard, 18,50 €Traduit de l’anglais (Australie) par Claude et Jean Demanuelli

Naples. Immersion dans une ville en ruines et plus vivante que jamais, où règne une atmosphère de finde siècle. A l’image de cette cité du Sud que Jenny apprend à découvrir et où elle s’installe pourquelques temps, la rencontre avec les autres, l’amitié qui va la lier à la belle Gioconda et à son amantmarié vont prendre des chemins insoupçonnés. Jenny peu à peu découvrira qu’elle aussi peut fairel’histoire. Dans le grand appartement un peu délabré, aux tentures épaisses et aux tapis élimés, audétour des rues extravagantes, sous le soleil de Naples, se déploie l’étonnement, la naïveté de Jennyl’étrangère qui peu à peu s’approprie ce monde fascinant. Une langue pleine de couleurs et de splen-deur. Un regard fin, intelligent. Un ton qui laisse entrevoir les dessous des apparences. Un superberoman sur les sentiments et sur l’appartenance aux lieux. Une ballade sur le temps qui passe, l’ap-prentissage de la vie, l’innocence qui s’enfuie. Magnifique.

F.FShirley Hazzard est l’auteur du Grand incendie (National Book Harward).

Romans étrangers

Purge, Sofi Oksanen, Stock, 21,50 €Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli.

Troublant et envoûtant, le tout premier roman traduit decette jeune finlandaise est une vraie révélation. Dans unelangue qui crisse, qui racle, qui respire et halète, à l’odeurforte, charriant les relents de pourrissement d’une sociétémalade des épreuves qu’elle subit, Sophie Oksanen racon-te la vie de la vieille Aliide, estonienne pauvre vivant dansune campagne encore rude et archaïque, jouet de la gran-de Histoire qui, des années de guerre jusqu’à l’effondrementde l’Union soviétique va l’emporter dans la tourmente.Aliide, amoureuse de Hans, qui épouse sa soeur, Aliide quin’hésitera pas à accomplir trahison et crime pour survivredans une société où la délation est devenue monnaie cou-rante. Aliide qui voit un jour, plus de quarante ans après,arriver dans son village reculé, alors qu’abandonnée detous, elle continue les gestes du quotidien, la confection desconfitures, le salage et tous les rituels de la culture populai-re estonienne, une jeune femme en perdition, fuyant lesmafieux proxénètes à sa poursuite. C’est cette toute jeunefemme perdue, Zara, qui ravivera tous les souvenirs et c’est

pour elle, peut-être en forme d’expiation qu’Aliide ira jus-qu’au bout. Le texte vous saute au visage, vous remue etcreuse au plus profond. Comme dans Les Saisons de Ponsla langue de Sophie Oksanen est non pas l’expression dessensations, des émotions et des sentiments mais elle estl’émotion même qui palpite, le tremblement même de lapeur qui enfle, le tranchant du froid qui vous saisit, l’odeur etle poisseux de la saleté. Elle vous conduit dans un mouve-ment irrésistible au centre du monde de l’autre et vous obli-ge à regarder et vivre à travers ses personnages. Une tra-versée terrible et éprouvante sans concession aucune.

F.F

Poser nue à la Havane, Wendy Guerra, Stock, 20 €Traduit de l’espagnol (Cuba) par Marianne Million

« J’écris, j’écris comme s’il grêlait, et c’est de l’essence, c’est le riz des fiancés qui pleut sur le papier,l’encre dérape et s’écrase contre les grains, pendant que je m’épanche en larmes lilas. L’humidité dece climat apporte un épais manteau de sel avec le lilas, je m’y réfugie et apprend à me relire sanspudeur. »

Deux femmes, Wendy Guerra et Anaïs Nin, un même journal et une même ville, La Havane, sibouillonnante, si énigmatique, La Havane qui représente ce père disparu à qui Anaïs a dédié tous sesjournaux, La Havane si propice à l’éveil des sens et de la chair qu’elle transforme et marque à jamais. Anaïs Nin a passé une année à Cuba de 19 à 20 ans, pas encore éveillée, pas encore femme, pasencore Anaïs. Elle n’a laissé que quelques fragments de notes et de journaux que Wendy Guerra a sufaire siens. Leurs mots s’entremêlent et ne forment plus qu’une voix venue du coeur, criante de sin-cérité et de sentiments, qu’une poésie qui entête et nous rend plus humains.Il est de ces livres que l’on rêve d’avoir écrits. Les mots d’Anaïs, de Wendy sont aussi les miens, lesvôtres et ceux de toutes les femmes aspirant à la liberté. E.P.

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Pre

mie

rsromans

Premiers romans

France 80, Gaëlle Bantegnie, Gallimard, L’arbalète, 17 €

Avec le même plaisir de la liste, Gaëlle Bantegnie nous rappelle les Choses des années 80. Deuxpersonnages, une adolescente bougonne au désir incertain et à l’univers plombé, entre collège etpavillon familial de la banlieue nantaise, et un VRP trentenaire, objet de son propre désir, dont onva suivre les destins sur six ans. Ce livre est la tentative, maniaque mais toujours complice, derecréer l’univers visuel, sonore, olfactif, mental d’une décennie, et de dire par là même le sentimentde finitude des classes moyennes.Objets, marques sont énumérés tant pour signifier l’envie de toujours plus que pour rendre l’im-pression d’un monde clos. Point de nostalgie racoleuse dans cette entreprise, encore moins deméchanceté, aiguisée par le goût du kitsch. L’humour est là – un humour d’une adolescence tropaiguë, mais jamais de réalisme gluant, de mépris surplombant. Avec de courtes phrases descrip-tives – rarement interprétatives- Gaëlle Bantegnie laisse leurs chances à ses personnages. Et c’estpeut-être ce respect anthropologique qui fait de cette transcription froide drôle et désenchantéed’une vie pavillonnaire, le roman des classes moyennes que l’on attendait tant. Merci. N.T.

Le retour de Jim Lamar, Lionel Salaun, Liana Levi, 17€

“Planté, les mains dans les poches, sur le seuil du petit hangar à bateaux qui s’ouvrait sur un brasmort du Mississippi, bercé par le glissement cadencé de l’outil sur le bois, je m’abandonnais à lamagie des lieux. De temps à autre, je glissais un oeil sur la silhouette massive de mon oncle, la têtedans les épaules, tanguant d’avant en arrière comme un sprinter méditant un départ indéfinimentreporté.”

Cent seize chinois et quelques, Thomas Heams-Ogus, Seuil, 15€Parce que la Chine était en guerre contre le Japon et que le Japon était l’allié de l’Italie, l’Italie fas-ciste interna à partir de 1941 tous les Chinois vivant dans le pays, soient Cent seize Chinois etquelques…Acheminés dans les Abruzzes, région où avant eux le régime a enfermé adversaires poli-tiques, Juifs et Tsiganes, ils sont confinés, non loin de la montagne du Gran Sasso, dans un monas-tère. Et presque livrés à eux-mêmes. Seuls dans une étrangeté absolue. La cérémonie de baptême,seul moment en trois ans où les autorités se rappellent de leur sort, achève l’absurdité de leur situa-tion. Ce roman a pour projet de raconter un épisode dont on sait peu de choses finalement, enessayant de faire éprouver le sentiment d’abandon de ces Chinois, l’indifférence des jours, le videde la campagne qui les enserre. Et de redonner ainsi à ce « ils » indistinct une dignité et une identi-té volées. Il n’y aura pas de voix, pas de dialogues - ils sont muets de fait - mais la voix du conteur.D’emblée, on est abasourdi par cette langue, un ton presque incantatoire (avec notamment cetteomniprésence des démonstratifs) qui élève faits et gestes au rang de mythes. Quand dans le chaosde 1943, ces Chinois s’enfuient pour rejoindre la cohorte des traqués, la fable de poétique devientpolitique. Ebloui, on referme le livre avec l’assurance d’avoir découvert une nouvelle voix.

N.T.

Stanford, Missisippi, une petite bourgade comme tant d’autres loin des grandes villes, des fermiers aux mentalités et auxusages plutôt brutaux, un milieu rural qui ne fait pas de cadeau, ni aux enfants, ni à ceux qui sont différents. Mais parmieux, Billy, un jeune garçon au coeur plus tendre et à l’esprit plus éveillé que les autres. Un adolescent en mal de père dansune famille où la parole est interdite et la violence sourde. C’est lui qui saura accueilir Jim, Jim Lamar que tout le mondepensait disparu au Vietnam et qui revient au bout de treize longues années qui ont vu mourir de chagrin son père et samère. Jim que tout le village avait déjà enterré et dont ils avaient au fil des ans dévalisé la ferme familiale. Entre Jim et Billy,dans cette Amérique rude où l’apprentissage de la vie est souvent violent, va naître, chacun apprivoisant l’autre au fil desrencontres, tout au bord du grand fleuve qui les attire, une amitié véritable. Ces treize années sans rentrer, les images ter-ribles de la guerre, la route, c’est tout cela que Jim raconte. Jamais le jeune Billy n’oubliera celui qui lui apprit mieux quetout autre la vie. Un premier roman sensible et prometteur qui sait donner des voix singulières à chacun des protagonistesdu récit et qui alterne plutôt avec bonheur dialogues rudes, moments de plénitude et évocation du fleuve mythique et desforêts qui le bordent. F.F

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TIO

NS

ANIMARencontres

Samedi 9 octobre à 15heures, dans le rayon jeunesse de la librairie

Alain Crozon spécial jeunesse !A table !Editions Sarbacane

Exposition d’assiettes illustrées par Crozon du 15 septembre au 15 octobre à la librairie

Mercredi 20 octobre à 18h30

Robert BoberOn ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux

Editions POL(portrait page 4)

Vendredi 1er octobre à 18h30

Vassilis AlexakisLe premier motEditions Stock

(article page 6)

Jeudi 7 octobre à 18h30

Chantal ThomasLe testament d’Olympe

Editions Seuil(article page 6)

Mercredi 27 octobre à 18h30

Patrick LapeyreLa vie est brève et le désir sans fin

Editions POL(portrait page 3)

Sauf indication contraire, toutes les animations ont lieu dans l’espace rencontre du Square, (entrée libre dans la limite des places disponibles) 20, rue de Sault.

Mercredi 13 octobre à 19heuresrencontre avec Didier Daeninckx et lecture de ses textes

Dans le cadre du Festival de lectures policières L’échappée noire !

En partenariat avec Anagramme et avec la complicité d’Un tramway nommé culture. Rencontre animée par Dorothée Athem.

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AN

IMA

TIONSRencontres (suite)

Le Squarelibrairie de l’Université

2, place Dr Léon Martin. Grenoble. Tel 0476466163

La Gazette du Square, directrice de publication et rédactrice en chef : F.FolliotRédacteurs : F.Folliot, L.Blondel, C.Meaudre, N.Trigeassou, F.Calmettes, E.Pautus

Mardi 9 novembre à 18h30

Dan FranckMinuit

Editions Grasset(portrait page 5)

Vendredi 26 novembre à 18h30

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot Le président des riches

Editions de La découverte

Jeudi 18 novembre à 18h30

Philippe ForestLe siècle des nuages

Editions Gallimard(portrait page 2)

Mardi 30 novembre à 18h30

Benoît Peeters

Derrida

Editions Flammarion

Vendredi 10 décembre à 17h00, dédicaceà 18h30, rencontre débat

Claudie Gallay

L’amour est une île, Editions Actes Sud

En préparation : -rencontre avec Roland Le Mollé autour

de son ouvrage sur Pontormo, -soirée en décembre avec Michel Serres

D’autres rencontres sont susceptiblesd’être programmées sur novembre et

après, vous serez tenus informés par lesite et notre lettre d’infos.