12
Géo politik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La queson nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé- rante au sein des préoccupaons de la com- munauté internaonale. La possession par la République islamique de la bombe nu- cléaire pourrait inébranlablement changer la donne dans une région qui ne manque déjà pas de conflits et de crises. Ainsi confortée dans ses démarches, Téhéran serait plus à même de poursuivre ses ob- jecfs d’hégémonie régionale, et ce, avec davantage de convicon et de ressources. La crise autour du programme nucléaire iranien devrait selon toute vrai- semblance s’aggraver encore. La stratégie d’accompagner le jeu diplomaque par une mulplicaon des sancons ne ent plus et ses effets sont au mieux très limi- tés. Les rappels à l’ordre onusiens non plus ne sont pas pris au sérieux par un Iran très convaincu non seulement de sa capacité à accéder au seuil nucléaire mais surtout de son devoir de le faire. L’efficacité d’une ac- on militaire prenant la forme de frappes chirurgicales est largement entamée au vu de la complexité de la réalité stratégique et opératoire du théâtre des opéraons... Suite Page 8 (Illustraon The Atlanc) Par Brahim Fassi-Fihri Président fondateur de l‘Instut Amadeus entre chances de guerre et risques de paix Afrique : Carte des élecons 2012 Une vingtaine de scruns présiden- els et législafs se endront cee année sur le connent africain. Panorama. P.4 Rapport MEDays 2011 Dans un document d’une soixantaine de pages, l’équipe de l’Instut revient sur les principales proposions issues de ce rendez-vous annuel. P.12 Changement climaque et migra- ons Le changement climaque devance désormais les conflits comme source de migraons forcées. P.2 Géopolik N° 1 instutamadeus.com N° 1 - 16 Janvier 2012 En ce début d’année 2012, l’Instut Ama- deus lance sa revue spécialisée en relaons internaonales. La naissance de GéoPoli- k n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle répond à une logique longuement murie depuis plus d’un an, qui est d’offrir au paysage de la réflexion, de la recherche, à l’appareil diplomaque mais également à tous les passionnés d’actualités inter- nationales, une publi- caon - gulière de référence. Avec deux numéros par mois, GéoPolik proposera des analyses poin- tues sur les thémaques de prédilecons de l’Instut Amadeus, incluant bien en- tendu, la dimension Sud portée par notre think tank depuis sa créaon en 2008. Ce nouvel oul, indispensable à un think tank de dimension internao- nale, permera de pouvoir partager nos lectures, nos analyses et nos proposions sur des quesons naonales ou globales, et ce de manière beaucoup plus régulière, plus dynamique et plus accessible au plus grand nombre. En somme, GéoPolik permera de vulgariser notre réflexion, notre veille et notre prospecve avec ceux qui désirent mieux appréhender le monde qui les entoure. L’année 2012 a hérité de toutes les problémaques et les enjeux laissés en suspens en 2011. L’An 1 des Printemps arabes, la praque du pouvoir par les is- lamistes modérés en Afrique du Nord, la vingtaine d’élecons législaves et pré- sidenelles en Afrique, le suivi de la de- mande d’adhésion de la Palesne à l’Onu et le Processus de Paix, l’Iran, la crise de la dee en Europe et aux Etats-Unis, les élecons présidenelles en France et aux Etats-Unis, seront les principaux écueils proposés cee année. Fidèle à sa stratégie depuis sa créa- on, l’Instut Amadeus traitera de l’ensemble de ces probléma- ques à travers les différents ouls dont il dis- pose. Le Forum MEDays, les workshops mensuels, le rapport annuel de l’Instut et les notes d’analyses seront désormais renforcés par la publicaon bi-mensuelle GéoPolik. L’Instut compte également développer au cours de l’année 2012, une série de conférences régionales et interna- onales pour la première fois à l’extérieur du Maroc. Suite page 4 Ce nouvel oul, indispensable à un think tank de dimension internaonale, per - mera de pouvoir partager nos lectures, nos analyses et nos proposions sur des quesons naonales ou globales Sénégal : éléctions à haut-risque Un mois avant un scrun présidenel décisif, l‘Instut revient sur les grands enjeux de l‘élecon présidenelle Au lendemain de manifestaons sans pré- cédent dans tout le pays contre sa réforme constuonnelle, on le disait déconnecté, usé, fini. Les mouvements spontanés d’une jeunesse polisée et engagée avaient mon- tré l’ampleur de l’impopularité d’Abdoulaye Wade dans l’opinion. Privé de sa réforme constuonnelle, limité par la constuon à deux mandats, l’ancien opposant voyait se refermer la porte de ses ambions présiden- elles pour 2012. Suite page 8

GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

GéopolitikLe monde vu par l’ Institut Amadeus

Edito

Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations de la com-munauté internationale. La possession par la République islamique de la bombe nu-cléaire pourrait inébranlablement changer la donne dans une région qui ne manque déjà pas de conflits et de crises. Ainsi confortée dans ses démarches, Téhéran serait plus à même de poursuivre ses ob-jectifs d’hégémonie régionale, et ce, avec davantage de conviction et de ressources.

La crise autour du programme nucléaire iranien devrait selon toute vrai-semblance s’aggraver encore. La stratégie d’accompagner le jeu diplomatique par une multiplication des sanctions ne tient plus et ses effets sont au mieux très limi-tés. Les rappels à l’ordre onusiens non plus ne sont pas pris au sérieux par un Iran très convaincu non seulement de sa capacité à accéder au seuil nucléaire mais surtout de son devoir de le faire. L’efficacité d’une ac-tion militaire prenant la forme de frappes chirurgicales est largement entamée au vu de la complexité de la réalité stratégique et opératoire du théâtre des opérations...

Suite Page 8(Illustration The Atlantic)

Par Brahim Fassi-FihriPrésident fondateur de l‘Institut Amadeus

entre chances de guerre et risques de paix

Afrique : Carte des élections 2012Une vingtaine de scrutins présiden-tiels et législatifs se tiendront cette année sur le continent africain. Panorama. P.4

Rapport MEDays 2011Dans un document d’une soixantaine de pages, l’équipe de l’Institut revient sur les principales propositions issues de ce rendez-vous annuel. P.12

Changement climatique et migra-tionsLe changement climatique devance désormais les conflits comme source de migrations forcées. P.2

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

N° 1

- 16

Janv

ier 2

012

En ce début d’année 2012, l’Institut Ama-deus lance sa revue spécialisée en relations internationales. La naissance de GéoPoli-tik n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle répond à une logique longuement murie depuis plus d’un an, qui est d’offrir au paysage de la réflexion, de la recherche, à l’appareil diplomatique mais également à tous les passionnés d’actualités inter-nationales, une publi-cation ré-gulière de référence. Avec deux n u m é r o s par mois, GéoPolitik proposera des analyses poin-tues sur les thématiques de prédilections de l’Institut Amadeus, incluant bien en-tendu, la dimension Sud portée par notre think tank depuis sa création en 2008.

Ce nouvel outil, indispensable à un think tank de dimension internatio-nale, permettra de pouvoir partager nos lectures, nos analyses et nos propositions sur des questions nationales ou globales, et ce de manière beaucoup plus régulière, plus dynamique et plus accessible au plus grand nombre. En somme, GéoPolitik permettra de vulgariser notre réflexion,

notre veille et notre prospective avec ceux qui désirent mieux appréhender le monde qui les entoure.

L’année 2012 a hérité de toutes les problématiques et les enjeux laissés en suspens en 2011. L’An 1 des Printemps arabes, la pratique du pouvoir par les is-lamistes modérés en Afrique du Nord, la vingtaine d’élections législatives et pré-sidentielles en Afrique, le suivi de la de-mande d’adhésion de la Palestine à l’Onu et le Processus de Paix, l’Iran, la crise de la dette en Europe et aux Etats-Unis, les élections présidentielles en France et aux Etats-Unis, seront les principaux écueils proposés cette année. Fidèle à sa stratégie

depuis sa créa-tion, l’Institut Amadeus traitera de l’ensemble de ces probléma-tiques à travers les différents outils dont il dis-

pose. Le Forum MEDays, les workshops mensuels, le rapport annuel de l’Institut et les notes d’analyses seront désormais renforcés par la publication bi-mensuelle GéoPolitik. L’Institut compte également développer au cours de l’année 2012, une série de conférences régionales et interna-tionales pour la première fois à l’extérieur du Maroc.

Suite page 4

Ce nouvel outil, indispensable à un think tank de dimension internationale, per-mettra de pouvoir partager nos lectures, nos analyses et nos propositions sur des

questions nationales ou globales Sénéga l : é léct ions à haut- r i squeUn mois avant un scrutin présidentiel décisif, l‘Institut revient sur les grands enjeux de l‘élection présidentielle

Au lendemain de manifestations sans pré-cédent dans tout le pays contre sa réforme constitutionnelle, on le disait déconnecté, usé, fini. Les mouvements spontanés d’une jeunesse politisée et engagée avaient mon-tré l’ampleur de l’impopularité d’Abdoulaye Wade dans l’opinion. Privé de sa réforme

constitutionnelle, limité par la constitution à deux mandats, l’ancien opposant voyait se refermer la porte de ses ambitions présiden-tielles pour 2012.

Suite page 8

Page 2: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

2 N°1Lundi 16 Janvier 2012 Evironnement et développement durable

C’est maintenant officiel : le change-ment climatique est désormais la première cause de migration forcée. Dorénavant, le discours sur les migrations ne pourra plus se limiter aux migrants économiques, au phénomène de fuite des cerveaux et aux ré-fugiés politiques ; il englobe désormais une population grandissante de migrants pour des raisons climatiques ou météorologiques.

La question n’est pas complètement nouvelle. En 1990 déjà, le Groupement In-tergouvernemental d’Experts sur le Change-ment Climatique (GIEC) avait noté que le plus grand impact du changement climatique se-rait sur les migrations humaines. Des millions de personnes pourraient être contraintes à se déplacer par l’action du climat sur l’érosion des littoraux, l’inondation de territoires cô-tiers ou des dérèglements affectant la pro-duction agricole.

Les experts sont cependant restés pru-dents quant à établir un lien de cause à effet

entre évènements résultant du changement climatique et migrations. Pour l’Organisation Internationale pour les Migrations (IOM), avec « autant de facteurs exogènes à l’œuvre qu’ils soient de nature sociale, économique ou environnementale, établir une relation linéaire entre un changement climatique an-thropogène et des migrations de population demeure jusqu’à ce jour un processus difficile ».

Alors que les conséquences de catastro-phes naturelles elles-mêmes sont attribuées à des facteurs tant climatiques que non cli-matiques, un consensus émerge cependant sur le fait que le changement climatique contraint chaque année des millions de per-sonnes à quitter leur lieu de résidence habi-tuel. En 2009, au sommet sur le changement climatique de Copenhague, le patron du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, Antonio Guterres, confirmait l’idée que le changement climatique devien-

drait le plus grand facteur de déplacement de populations dans un avenir proche, tant à l’intérieur que par delà les frontières na-tionales. En 2008, ce ne sont pas moins de trente six millions de personnes qui ont été déplacées en raison de catastrophes natu-relles ; vingt millions d’entre elles ont été con-traintes à émigrer pour cause d’évènements climatiques extrêmes. A l’inverse, seules 4,6 mil-lions de personnes ont été déplacées la même année en raison de con-flits ou de violences.

Il est désormais certain que les ca-pacités d’accueil de certaines parties du monde devraient être compromises par le changement climatique. En d’autres termes, le changement climatique rendra certaines zones de la planète moins adaptées à la vie humaine.

Contrainte migratoireLes migrations induites par le chan-

gement climatique résultent de deux phénomènes météorologiques distincts :

a. Les processus climatiques tels que la désertification, la raréfaction des ressour-

Les phénomènes climatiques sont devenus le premier facteur de déplacement forcé de popu-lations, avant même les conflits. La prise en compte de ce nouveau phénomène requiert de changer la manière dont nous pensons les migrations ; une nouvelle approche de la part des acteurs nationaux est nécessaire, de même qu’une refonte du cadre législatif international relatif aux migrants.

Par Abdelfatah AIT AMMI

„Les politiques publiques et la planification ont une

importance cruciale. Nous ne pouvons pas éviter les désastres naturels mais nous

pouvons aténuer leurs conséquences.“

L‘état des migrations climatiques 2010, IDDRI

Changement climatique

de migration forcéePremier facteur

ces en eau, la salinisation des terres agricoles (due aux phénomènes de sécheresse) et la montée du niveau des océans.

A noter que les phénomènes de séche-resse ne sont pas les seuls à contribuer à la salinisation des terres. Elles peuvent égale-ment résulter de l’utilisation inefficiente de l’irrigation sur des terres arides.

b. Les évènements climatiques tels que les inondations, les tempêtes tropicales, les ouragans ou les typhons.

Le nombre d’évènements clima-tiques extrêmes a triplé au cours des trente der-nières années avec des conséquences souvent désastreuses sur les

communautés vulnérables. Les catastrophes naturelles, dont cer-

taines sont liées au dérèglement climatique, ont fait la une de l’actualité en 2010. Des inondations au Pakistan ont submergé au moins un cinquième du pays. La Russie a connu son été le plus chaud et des feux de forêts sauvages qui ont forcé des centaines de foyers à être temporairement relogés. La tempête Xynthia a causé en France des in-ondations de grande ampleur dans de nom-

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Page 3: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

N°1Lundi 16 Janvier 2012Evironnement et développement durable 3

“Le delta du Nil est l‘une des régions du monde

les plus densément peuplées et particulièrement vulnérable

à la montée du niveau de la mer. Une montée des eaux d‘un mètre seulement

déplacerait au moins 6 millions de personnes et submergerait 4 500km² de terres agricoles.“

Rapport n°31, Migrations et changement climatique, IOM

Les appellations sont importantes; el-les peuvent impacter les prises de décisions. C’est ce qui explique en partie la polémique autour de la définition des ‘personnes fuyant les catastrophes causées par le changement climatique’. Plusieurs activistes préfèrent uti-liser le terme « réfugié climatique » ou « réfu-gié environnemental » pour exprimer au mi-eux l’idée d’urgence. Selon eux, les victimes cherchent littéralement à se protéger des dégâts provoqués par le changement clima-tique. En ce sens, la notion de « réfugié » est surtout utilisée pour susciter la compassion du grand public pour ce groupe de migrants.

L’appellation de « migrant » par ailleurs, reste ambiguë, impliquant davantage un ‘dé-placement volontaire’ vers une destination

que le fait d’être forcé à quitter un lieu. Le terme ne rend donc qu’imparfaitement justi-ce aux personnes forcées de fuir les catastro-phes causées par le changement climatique.

Les migrants forcés du climat continuent cependant de passer à travers les mailles du filet du droit international. La Convention des Nations unies de 1951 relative aux réfugiés et son protocole de 1967 limite la définition d’un réfugié à « toute personne craignant à raison d‘être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appar-tenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouvant hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n‘a pas

de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en rai-son de ladite crainte, ne veut y retourner. »

La logique de cette définition est poli-tique. La menace résulte du fait de l’Homme

– pas de l’environnement. Un autre élément qui contribue à la

mauvaise prise en compte des réfugiés cli-matiques est qu’ils sont souvent amenés à migrer au sein même de leur propre pays - plus de 90% des déplacements de population induits par le changement climatique entrent dans cette catégorie.

Les institutions internationales en char-ge des réfugiés, et notamment le HCR, re-fusent d’intégrer les déplacées climatiques dans leur mandat, mettant en avant leurs capacités limités. L’agence onusienne admet cependant qu’elle devra s’adapter aux nou-veaux phénomènes migratoires. De leur côté, les pays développés qui accu-

eillent déjà des réfugiés politiques se mon-trent plutôt réticents à l’idée d’inclure ces migrants forcés du climat dans l’équation. D’autant que ces pays ont déjà du mal à gérer les questions d’immigrations dans un con-texte domestique marqué par des problèmes socio-économiques tels que la récession éco-nomique et le chômage.

Le statut quo est tel que les réfugiés climatiques n’ont toujours pas de place bien définie dans le système international. En considérant ce décalage entre le système international et la situation délicate des per-sonnes déplacées par le fait du changement climatique, l’Organisation International pour les Migrations (OIM) a proposé l’utilisation de l’expression “migrants forcés du climat“. Une description raisonnable et précise de cette catégorie de migrants ; D’où le choix d’employer cette terminologie dans cet arti-cle.

A.A.A.

Les “migrants climatiques forcés“ dans le discours internationalLes institutions internationales doivent mieux prendre en compte le statut des migrants climatiques forcés. Des progrès d’ores et déjà été réalisés : un hommage doit être rendu à l’Organisation Internationale pour les Migrations dont le travail à contribué à clarifier leur identification.

breuses villes côtières. En Australie, ce sont vingt villages dans l’Etat du Queensland qui ont été affectés par la montée du niveau des eaux en conséquence d’inondations.

Des dégradations continues sont aus-si intervenues par le fait de phénomènes climatiques. Le cas de l’Himalaya est un exem-ple illustratif ; Certains pays comme le Népal où les Maldives voient leur existence même mena-cée par la fonte des gla-ciers. A l’autre extrême, plusieurs régions arides ou semi arides d’Afrique et d’Amérique lati-ne sont exposées à des périodes prolongées de sécheresse qui déciment le bétail des po-pulations rurales. Le Darfour ou le Nord-Est du Brésil comptent parmi les exemples fré-quemment cités de migration induite par la sécheresse.

Avenir climatiqueD’après l’Organisation Internationa-

le pour les Migrations, la part des surfaces émergées qui souffriront de sécheresse per-manente passera de 2% aujourd’hui à au moi-ns 10% d’ici 2050. La part des terres qui fe-ront face à des sécheresses extrêmes devrait pour sa part augmenter de 1% aujourd’hui à 30% d’ici la fin du 21e siècle.

La géographie des précipitations devrait également être affectée. Les cycles hydrolo-giques sont amenés à devenir plus extrêmes, rendant les évènements climatiques plus fréquents et plus sévères. Selon les Nations unies, des portions de terres fertiles de la tail-le de l’Ukraine sont perdues chaque année en conséquence de la désertification, de la sécheresse et de l’instabilité climatique.

Ces changements continus auront des conséquences sérieuses pour différentes régi-ons du globe. En Asie du Sud, l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles contribuera à réduire les rendements agrico-les de 30% d’ici à 2050. En Afrique Sub-saha-rienne, un déclin de 10% des précipitations devrait être extrêmement néfaste pour le secteur agricole du continent si des mesures préventives d’adaptation ne sont pas prises.

Selon Norman Myers de l’Université d’Oxford, le nombre de migrants climatiques forcés lorsque le changement climatique aura « pris toute son ampleur » devrait att-eindre 200 millions de personnes en 2050. En d’autres termes, une personne sur quarante cinq sera concernée par des phénomènes écologiques d’une magnitude sans précédent : une estimation d’ores et déjà jugée crédible

par la plupart des experts de la question (GIEC, IOM, Rapport Stern). D’autres sources telles que le Guardian vont même jusqu’à

prédire qu’une perso-nne sur sept – soit un milliards d’individus – pourrait être amenée à migrer en raison du changement climatique d’ici à 2050.

Il est évidemment difficile d’examiner l’impact du change-ment climatique sur les phénomènes mi-gratoires internes et externes (hors des frontières). Le manque

de données de base, l’accroissement de la population et la nature changeante de la tra-jectoire du changement climatique rendent l’exercice périlleux. Toutes les projections dépendent également de l’attitude qu’auront ou non les autorités internationales face au phénomène. Cela va d’un ‘meilleur scénario possible’ où les Etats réduiraient drastique-ment leurs émissions de gaz à effet de serre au ‘business as usual’, un scénario dans le-quel les migrations de grande ampleur dépas-seraient sans doute les prévisions.

Politiques publiquesAucun pays, qu’il soit à bas ou hauts

revenus, ne peut prétendre échapper aux conséquences du changement climatique ; Les migrantions forcées du climat pénalisent le développement, mettent sous pression les infrastructures et les services et augmentent le risque de conflits. Chaque Etat sera amené à y apporter des réponses.

Adaptation aux phénomènes clima-tiques d’abord : ces derniers mettent à l’épreuve nos capacités d’adaptation et de résistance, particulièrement dans les pays en bas de l’échelle du développement. Un cyclo-ne tropical qui avait atteint le Bangladesh en avril 1991 avait tué 138 000 personnes. Un évènement similaire aux Etat Unis, le cyclo-ne Andrew, faisait seulement 65 victimes. L’anticipation et la préparation doivent être au cœur des politiques publiques face aux désastres naturels. Elles doivent intégrer des éléments de prévention aux catastrophes et permettre l’investissement dans des capaci-tés institutionnelles de long terme pour aider les communautés à devenir plus résilientes face aux désastres. Pour les observateurs, si l’ouragan Katrina qui a touché les côtes du Sud américain en 2005 a causé tant de dégâts, c’est avant tout à cause de la mauvaise pré-vention d’un risque connu et des problèmes dans la gestion de la catastrophe.

Par ailleurs, le rôle de facteurs non cli-

matiques doit être pris en compte dans les phénomènes de migrations forcées. Au moi-ns trois facteurs non climatiques contribuent à dégrader la situation: l’accroissement explo-sif de la population, les inégalités de revenus, et l’absence de contrôle et d’infrastructures étatique sur l’ensemble du territoire.

Lorsque les phénomènes migratoires constituent une partie de l’adaptation au changement climatique, des politiques pu-bliques d’accompagnement doivent venir faciliter le mouvement – fut-il temporaire – des personnes et des capitaux entre la zone source et de destination, garantir l’égalité des droits et des opportunités et promouvoir des efforts de solidarité entre nouveaux arrivants et membres des communautés d’accueil.

Les instruments légaux et institutionnels existants tels que la Convention Cadre des Nations unie sur le Changement climatique, la convention des Nations unies sur les réfu-giés, le Programme des Nations unies pour l’Environnement, et le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés devrai-ent être renforcés et transformés pour faire plus de place et mieux prendre en compte les migrations d’origine climatique. La migration climatique tombe aujourd’hui dans un vide juridique et institutionnel, tant au niveau na-

tional qu’international. Alors que le droit fait une distinction entre réfugiés et immigration régulière, les migrants climatiques forcés passent à travers les mailles de ce filet. Au jour d’aujourd’hui, des résistances existent pour élargir le concept de réfugiés de ma-nière à ce qu’il inclue les réfugiés climatiques (voir encart).

Il est probable que la charge des mi-grants climatiques forcés sera d’abord por-tée par les pays les plus pauvres – ceux donc, qui portent la plus faible responsabilité dans l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Les personnes amenées à migrer ne sont pas nécessairement celles qui le feraient pour des raisons économiques ou sociales. En ce sens, les migrations climatiques se su-perposent aux migrations économiques. Les pays développés ont une responsabilité à ac-compagner les pays en développement pour les aider avec à faire face à ces nouveaux phénomènes, de même que dans leurs ef-forts d’adaptation aux désastres climatiques.

Pour aller plus loin:- Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (www.unhcr.org)- Organisation Internationale pour les Migrations (www.iom.int)- International Displacement Monitoring Centre (IDMC) (www.internal-displacement. org) - Institut du Développement Durable et des Rel° Internationales (IDDRI) (www.iddri. org)

Géopolitik N° 1institutamadeus.com

Page 4: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

4 N°1Lundi 16 Janvier 2012 Economie et Développement

Intégration économique africaineQuelle architecture pour stimuler la croissance ?

Edito ... J’aimerai profiter de ces quelques lignes pour revenir sur la for-mation du nouveau gouvernement maro-cain qui aura marqué le début de cette nou-velle année. Quelque soit notre idéologie ou nos préférences politiques, il est impor-tant de donner sa chance, voir de soutenir tout en restant critique le gouvernement Benkirane, qui a ouvert une nouvelle page, tant dans la forme que dans le fond, de la vie institutionnelle de notre pays.

Cette nouvelle phase est porteuse d’espoirs pour l’ensemble des démocrates dans notre pays. La victoire du PJD, n’en déplaise aux « modernistes », est assuré-ment le gage d’un renforcement démocra-tique. Le vent d’espoir perceptible dans la société marocaine depuis les élections et tout au long du processus de formation du gouvernement, n’est pas le fruit d’une « ra-dicalisation » ou d’un conservatisme latent ; il est plutôt caractérisé par un phénomène auquel les Marocains n’étaient pas (ou plus) habitués : le changement par les urnes est aujourd’hui possible. Les Marocains avaient soif d’alternance. Ils l’ont très clairement exprimé ; et ils ont été écoutés ! Le 25 no-vembre a bouleversé les paradigmes pous-siéreux et obsolètes en étant la première étape de la réconciliation des Marocains avec leurs politiques.

Le gouvernement Benkirane est investit d’une double mission; répondre tout d’abord aux aspirations légitimes des Marocains, en renforçant la justice et l’équité sociale et en luttant contre la cor-ruption. Consolider et développer ensuite ce nouveau rapport de confiance entre nos décideurs politiques et la population. Ce nouveau gouvernement a également hérité d’une situation socio-économique difficile dans un contexte international fragilisé. L’état des finances et de la dette publique est alarmant. Le taux de chômage des jeunes de moins de 35 ans est important. Le système éducatif public ne forme pas et offre trop peu de débouchés. L’insécurité des zones urbaines est de plus en plus im-portante. La compétitivité du Maroc sera mise à mal par la crise de l’Euro. Et le tou-risme doit être relancé. Ce gouvernement aura également la tâche de présenter plu-sieurs lois organiques dont dépend la mise en application de plusieurs articles de la prochaine Constitution.

Nous entrons donc dans une phase très excitante pour les observateurs politiques que nous sommes. Parce qu’elle consolide le processus démocratique dans notre pays, il incombe à tous les maro-cains de soutenir et d’appuyer la prochaine équipe dans sa lourde tâche, tout en restant vigilants et inflexibles sur les acquis et les li-bertés individuelles. Le bilan de la première alternance a été mitigé ; la seconde a créé tant d’espoirs que son échec ne sera pas permis.

Les partis d’opposition, dont le sta-tut a été renforcé par la nouvelle Constitu-tion, ont également un rôle majeur à jouer dans le processus de consolidation démo-cratique amorcé. Ils auront la double-tâche d’aspirer à être des forces d’adhésions, tout en offrant de réelles alternatives au gouver-nement capables de répondre aux défis de la situation économique et sociale de notre pays. Sans une capacité réelle à se mou-voir en véritable force de proposition, en évitant la démagogie et le populisme trop longtemps à la mode sur les bancs de l’op-position parlementaire, ceux-ci risquent de rater leur rendez-vous avec l’Histoire.

Je voudrais, comme je l’ai fait dans un précédent texte, conclure en citant l’an-cien Président du Pérou Alejandro Toledo : « Il ne suffit pas d’être élus comme des dé-mocrates, mais qu’il faut gouverner comme des démocrates» ! Cette citation représente à mes yeux une transition entre le bilan de l’année 2011 et les enjeux de l’année 2012.

B.F.F.

Voilà maintenant trente ans que décideurs politiques et acteurs du développement de part le monde en appellent à une plus grande intégration économique de l’Afrique ; on attribue tous les maux à son morcellement, qui épuise économiquement le continent, et l’empêche de sortir de son enlisement. Dès le traité d’Abuja en 1991, les chefs d’Etat de l’Organisation de l’Unité Africaine se prenaient à rêver d’un marché commun continental à l’horizon 2025.

Par Frédéric BARANGER

A l’échelle de la planète, les exemples de zones régionales qui ont su accroitre leur prospérité en rapprochant leurs écono-mies ne manquent pas. Sans sombrer dans l’afro-pessimisme, le continent fait néanmoins face à une accumulation de défis singuliers qu’on ne retrouve nulle part ailleurs : instabilité politique, faible diversification économique et manque d’infrastructures. On ne peut dès lors que se demander si cette course au re-groupement du continent au sein d’une vaste zone de libre échange apportera réellement le développement et la pros-périté attendus.

L’expérience africaine nous pousse à plaider pour une régionalisation avec des objectifs d’intégration plus mo-destes, axée sur la coopération autour de projets visant à la facilitation du com-merce et de la sécurité régionale.

La réalité est que l’Afrique reste un mille-feuille indéchiffrable de coopérations politiques, sécuritaires et économiques qui se recoupent non seulement dans leurs compétences, mais aussi dans leurs membres. La Banque Mondiale re-cense pas moins de seize ensembles de coopérations économiques sur le conti-

nent ; un vrai casse-tête. En moyenne, chaque pays africain fait ainsi partie de quatre zones de coopération. Plus encore que leur nombre, c’est l’ambition affichée par ces projets qui frappe. La plupart pré-voient autant des éléments d’intégration politique avancée au sein d’organes supra-nationaux qu’une imbrication économique extrêmement ambitieuse. Tous incluent sous une forme ou sous une autre un pro-jet de marché commun, la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux. Les huit Communautés économiques ré-gionales reconnues par l’Union Africaine – sorte d’avant-garde de l’intégration éco-nomique africaine -, en sont néanmoins à des stades très divers de leur intégration. Deux unions monétaires, vestiges restau-rés de l’époque coloniale, coexistent de-puis soixante ans sur le continent – l’Union Economique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC). En plus d’une monnaie commune, elles se caractérisent par des efforts de coordi-nation des fondamentaux macro-écono-miques, et la mise en place de tarifs doua-niers communs à la zone. Sur la façade Est, la Communauté Est Africaine (EAC) vient de parachever son marché commun

en 2010. Un vaste projet de zone de libre-échange se dessine, rassemblant dans une union douanière les 27 pays de la moitié orientale du continent (COMESA – EAC – SADC). Dans les faits pourtant, la majo-rité de ces coopérations restent largement inachevées, faute de volonté politique et de moyens financiers.

Examen différencié

Depuis 1991, l’intégration semble être comprise comme un appel à la suppres-sion à marche forcée des barrières com-merciales. Les affaires économiques fédé-ralisent bien plus facilement les Etats que tout autre type de coopération – l’Europe en est la meilleure preuve. D’aucuns ont tendance à vouloir repro-duire en Afrique le modèle d’intégration européen. Dans une région prône aux conflits et à l’instabilité politique, l’inté-gration économique africaine permettrait, selon la théorie du « liberal peace », d’an-crer le continent dans la paix et favorise-rait la bonne gouvernance ; des conditions essentielles au développement de l’acti-vité économique. Pour autant, comparer l’Afrique du XXIe siècle à l’Europe des années 60 relèverait d’une erreur. Berceau industriel, première

Les stades de l’intégration sous-régionale africaine

Page 5: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

N°1Lundi 16 Janvier 2012Economie et Développement 5

puissance agricole mondiale, et dotée d’infrastructures routières, portuaires, et ferroviaires de premier plan, l’Europe avait tout pour tirer parti d’une intégration éco-nomique. A bien des égards, le continent africain fait face à des défis qui lui sont propres ; pour des raisons historiques et culturelles, elle ne saurait être un terrain de reproduction des expériences d’inté-gration européenne ou nord-américaine. La construction d’une gouvernance régio-nale forte – ne serait-ce qu’économique – relève du tour de force. L’existence d’un Etat fort est un préalable indispensable à toute forme d’intégration, même à minima. Les conditions géographiques et démogra-phiques de l’Afrique, composée d’Etats étendus et faiblement peuplés, aux tracés frontaliers difficilement contrôlables, rend difficile l’application de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Viennent s’y ajouter l’inefficacité administrative et une vacuité règlementaire. L’exemple doua-nier est flagrant : plus que le niveau des barrières tarifaires - en moyenne à 19%, contre 4,3% pour les échanges Nord-Nord – c’est l’inefficacité et la lenteur des auto-rités douanières qui remettent en cause la fiabilité du commerce transfrontalier, et renchérissent les coûts de transport. Dans le Sud de l’Afrique, des délais de 24 heures pour le passage d’une frontière sont consi-dérés comme la norme.

En deuxième lieu, une des clefs de la fai-blesse africaine tient au manque de di-versification de son économie, autant en termes de produits que de débouchés. La plupart des économies africaines dépen-dant d’un faible nombre de produits pour leurs exports. Les produits fossiles et mi-niers représentent 70% des exportations africaines. La concentration atteint 80% si l’on y ajoute les denrées agricoles. Avec

des marchés similaires et peu diversifiés, les gains à espérer d’une intégration des marchés sont par nature faibles.

Enfin, le mauvais état – voir l’absence – d’infrastructures empêche les acteurs éco-nomiques de tirer profit de l’intégration. Selon le département Afrique de la Banque Mondiale, seul 29,7% du réseau routier africain est bitumé au jour d’aujourd’hui. Les infrastructures ferroviaires sont pour la plupart vétustes et peu fiables, rendant leur exploitation impossible pour le transport de march an d i ses . Ces facteurs contribuent à des coûts de transports exorbitants par rapport au reste du monde. Alors que le transport d’une voiture du Japon à Abidjan coûte en moyenne 1 500 USD, le transport de ce même véhicule d’Addis Abeba à Abi-djan revient à 5 000 USD.

Difficultés

L’intégration économique est une nécessi-té ; Loin s’en faut de remettre en cause ce constat. Le développement des échanges régionaux, dits Sud-Sud, pourrait être l’un des moteurs majeurs du développement de l’Afrique. Les échanges entre pays en voie de développement offrent de nom-breuses possibilités de spécialisation et de gains d’efficience. De récents travaux de l’OCDE montent que les avantages es-comptés d’une libéralisation des échanges Sud-Sud pourraient de fait être au moins aussi importants que ceux que les PVD pourraient espérer d’un meilleur accès aux marchés des pays riches.

Mais la libéralisation des échanges ne sau-rait constituer une panacée.

1. Les règles d’origine des Zones de Libre-échange (ZLE) favorisent les Etats les plus dynamiques et dotés des meilleures infrastructures de transports. L’économie africaine se structure déjà autour de « pays moteur », qui tirent le développe-ment de zones régionales. Aux côtés de l’Afrique du Sud (SADC), le Kenya (EAC) et dans une moindre mesure le Nigéria (CEDEAO), forment un groupe de pays par-ticulièrement dynamiques. Combiné aux

effets de l’agréga-tion économique – qui veut que les nouvelles activi-tés s’établissent autour de celles

déjà existantes – il existe un risque non négligeable de siphonage des économies régionales.

En l’absence de mécanisme de redistribu-tion des bénéfices économiques, l’inté-gration pourrait se faire au détriment des régions enclavées, ou déjà économique-ment faibles. Avec quinze pays enclavés – sans accès direct ou indirect à l’océan -, l’Afrique est particulièrement vulnérable aux risques de fuite des richesses vers les littoraux. 2. L’intégration économique aurait aussi pour conséquence une diminution des recettes douanières, qui affecterait en premier lieu les pays les plus fragiles. L’intégration pourrait constituer une double peine pour ces pays, qui verraient s’ajouter au détournement d’une partie de leur commerce, la perte de recettes douanières. Effet d’autant plus dévasta-teur lorsque l’on considère que les revenus douaniers représentent une partie subs-tantielle des recettes fiscales pour beau-coup d’Etats africains.

A défaut de recettes fiscales, l’intégration économique risquerait de priver les Etats des deux leviers qui leur permettraient d’asseoir les bases d’un développement industriel : l’usage de protections ciblées pour préserver des industries naissances, et les ressources financières pour mener une politique industrielle volontariste.

Intégration par projets

Dès lors, l’intégration économique régio-nale devrait privilégier une approche plus limitée dans ses ambitions, focalisée sur l’opérationnel. Cette stratégie privilégie-rait une approche par projets, articulés autour des objectifs de facilitation du com-merce et du développement d’un régime de sécurité commun, visant à renforcer la bonne gouvernance.

Seraient ciblés des secteurs à haute valeur ajoutée, créateur d’emplois, et contribuant à la diversification et au renforcement des capacités productives de l’économie afri-caine. Adopter une approche régionale par projet permettrait de surmonter les logiques nationales des programmes de développement africains, qui ne tiennent que trop rarement compte des synergies potentielles avec les pays de la région.

A l’intégration économique virtuelle ferait place une intégration de fait par un par-tage des ressources, des compétences, et des infrastructures. Le processus aurait ensuite naturellement vocation à se ren-forcer par une plus forte intégration éco-nomique.

F.B.

L’existence d’un Etat fort est un pré-alable indispensable à toute forme

d’intégration, même à minima

4 PROJETS DE CO-DEVELOPPEMENT POUR UNE INTEGRATION AFRICAINE

Axés autour du partage des ressources naturelles et de l’amélioration de l’envi-ronnement économique, quatre projets pourraient faire figure de moteur de la coopération régionale africaine. En l’ab-sence de politiques régionales volonta-ristes et coordonnées, les efforts d’in-tégration et d’élimination graduelle des barrières douanières resteront vains.

Développement d’une politique africaine de sécurité alimentaire : trouver les moyens d’assurer une sécurité alimen-taire à l’échelle du continent doit plus que jamais être l’enjeu majeur de la coopéra-tion africaine. Selon la FAO, plus de 269 millions de personnes souffraient encore de sous-alimentation fin 2010 en Afrique subsaharienne et 340 millions n’ont pas accès à l’eau potable.

Malgré un accroissement rapide de sa po-pulation, d’une dégradation de la qualité des terres arables et des pressions fon-cières croissantes, l’Afrique dispose des terres agricoles pour nourrir sa popula-tion, pourvu qu’elles bénéficient d’une irrigation suffisante et soient exploitées

de manière appropriée. La production agricole doit augmenter, mais avec des méthodes économiquement viables et so-cialement acceptables.

L’enjeu sera de partager les technologies d’une exploitation durable des terres, dans des conditions qui permettent aux générations futures d’en tirer les mêmes bénéfices.

Premier chantier opérationnel, la gestion de l’eau doit être au centre des efforts de coopération. Maîtrise des ressources, gestions des crues, assainissement, trans-port, et surtout stockage sont des thèmes prioritaires. Selon l’ICA (The Infrastructure Consortium for Africa), « l’Afrique subsa-harienne (hors Afrique du Sud) est la ré-gion qui a la plus faible capacité de stoc-kage – avec environ 43 m³ par personne et par an. A titre de comparaison, l’Amérique du Nord a une capacité de stockage de 6 150 m³ par personne et par an ».

Création de corridors commerciaux : les réseaux de transport et de communication sont un facteur essentiel dans la facilita-

tion des échanges régionaux. Pour autant, les efforts d’intégration sous-régionaux restent dramatiquement faibles, à l’image de la Communauté Economique et Moné-taire d’Afrique Centrale (CEMAC).

Au sein de la zone CEMAC, seules 2 capi-tales (Yaoundé et Libreville) sont reliées par une route bitumée, et 12% du réseau routier seulement sont considérés comme en bon état. Trois pays sur six n’ont d’autres infrastructures terrestres de transport que les routes.

Mettre en place des corridors de transports transfrontaliers, alliant transport routier, ferro-viaire et/ou maritime, avec des formalités de douane simplifiées, constituerait une réelle avancée. Avec quinze Etats enclavés, l’Afrique est un territoire priori-taire pour ces initiatives de cohésion territoriale.

L e a d e r s h i p mondial dans la pro-duction d’énergies re-nouvelables : l’Afrique représente le plus grand gisement d’éner-gies renouvelables, dotée de ressources solaires, thermiques et hydriques quasi-ment inépuisables. Dans le même temps, près de 4 africains sur 5 n’ont pas accès à l’électricité, dont le coût est un des princi-paux freins au développement de l’activité manufacturière et commerciale.

L’éparpillement des infrastructures de production et leur manque d’entretien mènent à un coût de production de l’éner-gie extrêmement élevé en Afrique. Ajou-tons qu’un grand nombre des ressources ne se trouve pas forcément à proximité des centres de demande. Ainsi, 61% du potentiel hydroélectrique de l’Afrique se

concentre sur deux pays, la RDC et l’Ethio-pie.

L’exploitation commune des ressources énergétiques et le développement des infrastructures dédiées au transport et au stockage de l’énergie, permettrait de réduire de manière substantielle la préca-rité électrique du continent. Elle permet-trait également de développer des capa-cités d’exportation, dans un domaine où l’Afrique a tout pour se forger un avantage compétitif.

D é v e l o p p e -ment d’un tourisme africain : l’investisse-ment dans le tourisme, tirant parti de l’énorme potentiel transfrontalier du continent africain, représente une au-baine pour dynamiser les économies locales. Les bénéfices liés au tourisme ne sont plus à démontrer ; création d’emplois, production de revenus, apport en devises, et amélio-ration de la balance commerciale. Le déve-

loppement du tourisme tend également à dynamiser le développement des infras-tructures, et facilite l’expansion des inves-tissements dans les pays africains.

Au niveau mondial, le tourisme représente 12% du PIB et 200 millions d’emplois, dont les pays du Nord s’accaparent encore la part du lion. Ce chiffre pourrait encore exploser, avec l’émergence de nouveaux pays (Chine, Brésil…), et l’arrivée à la re-traite de la génération du baby boom.

F.B.

Page 6: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

Mali29 Avril Scrutin législatif1er et 22 Juillet

Après deux mandats successifs à la tête du pays, le Président sortant, Amadou Tou-mani Touré, a confirmé qu’il ne chercherait pas à se représenter, comme le prévoit la constitution. Dans ses vœux à la nation, il a pris l’engagement de tout mettre en œuvre pour permettre la tenue « d’élections transparentes et libres ».

Si l’élection semble ouverte en apparence - 15 candidats se sont déjà déclarés et trois d’entre eux font figure de favoris (Soumaïla Cissé, Dioncounda Traoré et Ibra-him Boubacar Keïta) - et malgré des réformes et un référendum constitutionnel, la révision des listes électorales a été interrompue prématurément. Combinée à des soupçons de corruption dans les provinces reculées du Mali, elle fait planer la me-nace de fraudes massives qui pourraient venir entacher le scrutin.

Sénégal 26 Février et 17 JuinScrutin présidentiel et législatif

Le Président s’accroche. Il briguera cette année un troisième mandat, alors que la constitution n’en autorise que deux, dans un climat de plus en plus hostile. La pauvreté, la flambée des prix alimentaires et l’instabilité de l’approvisionne-ment électrique nourrissent depuis deux ans un profond mécontentement popu-laire. La révolte du 23 juin 2011 a également montré que les Sénégalais n’étaient prêts à se laisser imposer ni manipulation électorale ni de dérive dynastique.

Le pays pourrait être à l’aube d’une période d’instabilité. Depuis les révoltes de juin, une large frange de la société civile dakaroise s’est mobilisée pour empêcher la réé-lection du Président Wade. Ses chances de réélection dépendront de la capacité de l’opposition à s’unir derrière un candidat unique. Au jour d’aujourd’hui, les deux principaux challengers - Macky Sall et le controversé Idrissa Seck – n’en prennent pas la direction. La candidature surprise de Youssou Ndour, star interplanétaire de la chanson qui jouit d’une forte popularité et de moyens financiers conséquents, pour-rait néanmoins contraindre le Président à un second tour où tout serait possible.

Madagascar Scrutin présidentiel et législatifDates à définir

Depuis la crise politique de mars 2009 et la prise de pouvoir par la force d’Andry Rajoelina, la tenue d’élections a été plusieurs fois reportée. Dans la lutte pour le pouvoir, la feuille de route, signée par les principaux acteurs politiques du pays en septembre dernier, a pourtant permis une accalmie. Elle prévoit notamment la mise en place d’un gouvernement de transition d’union nationale et le retour au pays de l’ancien président Marc Ravalomanana.

Le clivage entre les deux camps reste pourtant très important. L’opposition qui s’es-time insuffisamment représentée dans les instances de transitions, compte bien peser de tout son poids en se targuant que sa participation aux institutions est in-dispensable pour que le processus soit reconnu par la communauté internationale. Rajoaelina reste le favori des sondages qui le donnent gagnant dans un affronte-ment avec son rival.

Afrique 2012Année d‘élections

Dix-sept scrutins présidentiels ou législatifs se tiendront cette année sur le continent africain. L‘occasion d‘un tour d‘horizon des principaux enjeux de ces échéances électorales.

Par Frédéric BARANGER

6 N°1Lundi 16 Janvier 2012 Gouvernance

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Page 7: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

Egypte3 Janvier pour les legislativesDate à définir pour les présidentielles

3e tour de la première phase des élections législatives ; Elle fait suite aux deux pre-miers tours qui se sont tenus les 28 novembre et 14 décembre 2011. La consti-tution fixe par ailleurs le moi de mai comme date limite pour la tenue d’une élection présidentielle qui mettra fin au pouvoir des militaires dans le pays.

En remportant plus de 65% des voix lors de la seconde phase de l’élec-tion législative organisée le 14 décembre dernier, les principaux par-tis islamistes ont confirmé leur domination du paysage politique égyp-tien. Selon les projections, les islamistes pourraient remporter jusqu’à deux tiers des sièges à la chambre basse du nouveau parlement égyptien.

D’après le processus de transition, c’est la chambre basse du parlement qui de-vra choisir les 100 personnes en charge de rédiger la nouvelle constitution. Une catastrophe pour toutes les forces laïques libérales et de gauche du pays.

Zimbabweélections annoncées sans date précise par le Président Mugabe, au pouvoir depuis 1980. Scrutin législatif

Annoncées depuis 2010, les élections présidentielles semblent se préciser pour 2012. Au pouvoir depuis 1980, le Président Mugabe devrait remettre en jeu son mandat présidentiel. Les dernières élections, qui avaient vu la victoire de l’opposi-tion unie derrière Morgan Tsvangirai, avaient dégénéré dans des violences sans pré-cédent contre ses partisans ; des violences qui avaient incité Tsvangirai à renoncer à se maintenir au second tour.

Il y a cette fois-ci encore moins de raisons d’être optimiste. L’opposition qui aborde le scrutin plus désunie qu’auparavant, aura du mal à peser face à des institutions étatiques (Commission électorale, Cour Suprême) et sécuritaires (armée, rensei-gnements, police) dominées par le parti historique. Malgré quelques succès éco-nomiques, le gouvernement d’union nationale n’est pas parvenu à un accord sur une réforme constitutionnelle, ni sur une révision des listes électorales. Le MDC ne pourra pas non plus compter sur le soutien de la Communauté des Etats d’Afrique Australe (SADC), qui s’était pourtant portée garante de l’accord de gouvernement passé en 2008. Divisée entre démocrates, naïfs et autoritaires, l’organisation n’a tou-jours pas acquis les moyens de ses ambitions démocratiques.

Algérie Dates à définirScrutin législatif

Cinquante ans après son indépendance, le pays s’engage de nouveau dans des élec-tions législatives. Destin singulier en Afrique du Nord, le gouvernement algérien a pu contenir la révolte, malgré une explosion de violence en janvier 2011.

Officiellement, les autorités se sont engagées à organiser des élections « d’une transparence sans faille », selon les propres mots du Président Bouteflika. Ce der-nier a ainsi invité la Ligue arabe, l’Union africaine, l’Organisation de la conférence is-lamique (OCI), l’Union européenne et les Nations unies à envoyer des observateurs pour le scrutin. Un succès politique pour le gouvernement, suite à l’accord donné début janvier par l’Union européenne sur le principe d’une observation.

De nombreux observateurs dénoncent pourtant l’insuffisance des réformes, et sur-tout de la nouvelle loi électorale. Une nouvelle loi sur les partis politiques, adoptée le 6 décembre 2011, a principalement pour but de contenir le retour de l’ancien

Kenya Dates à DéfinirScrutin présidentiel et législatif

Les Kenyans s’apprêtent à retourner aux urnes lors d’un scrutin qui s’annonce à hauts risques. Au terme des deux mandats autorisés par la constitution, le Président Ki-baki ne pourra pas se représenter, ouvrant la voie à plus d’une demi-douzaine de candidats déjà déclarés. Arrivé au pouvoir en 2007, son élection contestée avait dé-clenché une crise postélectorale d’une rare violence entre 2007 et 2008 ; après deux médiations infructueuses, un accord de partage de pouvoir négocié entre les deux principales forces politiques du pays - les réformateurs du Mouvement Démocratique Orange (ODM) de Raila Odinga et le Parti de l’Unité nationale (PNU) du Président sor-tant – avait permis la formation d’un gouvernement d’unité nationale.

La période de politique ethno-centrée, perpétuée par le Président Kibaki, qui a domi-née la vie politique du pays depuis l’indépendance pourrait arriver à son terme avec son départ. L’adoption pacifique de la nouvelle constitution kenyane en août 2010 a donné à cet égard un signe encourageant. L’actuel Premier ministre Raila Odinga, fa-vori des sondages, devra néanmoins faire face à des adversaires déterminés et procé-der à tâtons pour éviter de crisper l’élite Kikuyu ; d’autant que les enquêtes ouvertes par la Cour Pénale Internationale visent deux de ses membres – Uhuru Kenyatta et William Ruto – qui se sont également déclarés intéressés par la présidentielle.

suite en page 7

N°1Lundi 16 Janvier 2012Gouvernance 7

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Page 8: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

Une révolte sourde gronde au Sénégal. Dans les rues de Dakar, elle est omniprésente, presque palpable.

Voici déjà quelques années que la so-ciété sénégalaise est traversée par un sen-timent de frustration et d’insatisfaction. Le boom de l’économie mondiale des années 2006 et 2007 a entrainé une augmentation des prix à la consommation et rogné le pou-voir d’achat. En 2008, des émeutes de la faim avaient mené à des altercations parfois vio-lentes avec les forces de l’ordre. Le chômage reste endémique et touche une jeunesse ur-baine désœuvrée, facilement contestataire, dans un pays où la moitié de la population s’entasse désormais dans les villes.

Symptomatique de la transition sénéga-laise, l’impuissance des pouvoirs publics sur le dossier de la production énergétique. Mal-gré les promesses électorales, les délestages intempestifs continuent d’exaspérer la popu-lation et pénalisent l’activité économique de la capitale.

Mais le mécontentement a également une autre source. En tentant de modifier la constitution pour s’assurer un troisième man-dat à la tête du pays, le Président Wade a per-mis la convergence des mouvements social et politique. Aux revendi-cations liées à la dégra-dation des conditions de vie est venu s’ajouter le rejet catégorique des Sénégalais de se voir confisquer leur proces-sus électoral.

DésamourLes Sénégalais en froid avec leurs auto-

rités politiques ? Pour tenter de comprendre ce désamour,

il faut d’abord remonter à l’élection présiden-tielle de l’an 2000. Elu dans l’euphorie face à l’ancien Président Abou Diouf, Abdoulaye Wade, porté par une large coalition hétéro-clite, a avant tout bénéficié du rejet du parti historique. Son élection résulte moins d’un vote d’adhésion que du rejet de quarante années de domination sans partage du Parti socialiste (le parti de Léopold Sédar Senghor) sur la scène politique sénégalaise.

Dans l’exercice du pouvoir, Abdoula-ye Wade s’est révélé incapable de jouer du subtil équilibre des forces qui l’ont porté au pouvoir, en fédérant les forces pro change-

ment autour de lui. La coalition présidentielle s’est rapidement affaiblie par la perte d’alliés de poids ; le parti de l’Indépendance et du Travail d’abord et le socialiste Moustapha Niasse dont le ralliement avait permis la vic-toire en 2000. Au sein de son propre camp ensuite, avec les défections en 2004 et 2007 de ses deux Premier ministres Idrissa Seck et Macky Sall, tous deux candidats contre lui aujourd’hui.

A la manière de ces Présidents dotés de personnalités hors du commun, son sty-le a clivé la société. Au delà de son propre camp, son arrogance vis-à-vis de toute forme d’opposition choque tout autant qu’elle exas-père. Début janvier, il déclarait encore partir à la présidentielle de 2012 « dans un combat sans rival ».

Dans le paysage politique sénégalais, le Président a avant tout assis sa domination po-litique par son rapport direct avec l’opinion. Sa conception du pouvoir et des institutions reste éminemment personnelle. Dans la tempête politique et face à l’insatisfaction populaire, c’est bel et bien ce même Prési-dent qui se retrouve en première ligne.

Un nouveau cap est franchi lorsque le régime semble tenté par l’option filiale. A 85 ans, le Président donne l’impression de cher-cher à assurer sa succes-sion à la tête de l’Etat. Au cours du scrutin

municipal de 2008, Abdoulaye Wade essaie d’imposer son fils Karim à la mairie de Dakar. Son ambition est déçue par les électeurs, qui lui préfèrent un anonyme du Parti socialiste.

Faute de pouvoir l’imposer par les urnes, il fait entrer son fils au gouvernement pour l’imposer dans les esprits. Karim Wade prend ainsi la tête du super-ministère de l’Energie et des Infrastructures, en charge notamment de résoudre les problèmes de délestage. En venant à bout de ce problème qui empoison-ne la vie des Sénégalais, le duo Wade espère marquer les esprits et se placer pour l’avenir.

Au printemps 2011, prenant prétexte d’économies dans l’organisation du scrutin, le Président soumet un projet de réforme constitutionnelle ramenant l’élection prési-dentielle à un scrutin majoritaire à un tour et la majorité à 25% des suffrages exprimés. Par cette manœuvre, il espère éviter d’avoir à affronter une opposition rassemblée dans un second tour qui s’annoncerait serré. Sa réforme prévoit l’élection d’un ticket, compo-sé d’un Président et d’un Vice-président, po-ste crée pour l’occasion. Le Président laisse entendre qu’il se présenterait avec son fils Karim en 2012.

Ce projet déclenche des manifestations historiques dans tout le pays. Elles atteignent leur point culminant le 23 juin en conduisant la jeunesse sénégalaise dans les rues pour s’opposer à ce qui apparaît comme une con-fiscation du pouvoir par le clan Wade. Les

émeutes visent des lieux symboliques du pouvoir en place. Le siège de la Sénélec, la compagnie nationale d’électricité (qui dé-pend du ministère tenu par Karim Wade), est saccagé. Acculé par la rue, le Président n’a d’autre choix que de retirer son projet. Pour les observateurs, cette étape marque une rupture définitive entre le Président et la po-pulation : plus personne ne croit alors en une nouvelle candidature Wade pour 2012.

Scrutin 2012Et pourtant, malgré le mécontentement

populaire, le Président ne semble pas hors course pour le scrutin à venir. Certes, son sort est suspendu à une décision de la Cour Suprême qui doit encore s’exprimer sur la va-lidité de sa candidature. Pour ses opposants, le Président sortant est limité par la constitu-tion à deux mandats présidentiels. Ce dernier argue de la révision constitutionnelle de 2001 qui, en modifiant la loi fondamentale, exclu-rait son premier mandat de ce calcul. Atten-due pour la fin janvier, la décision de la Cour dont les membres sont nommés par le Prési-dent, devrait pourtant sauf surprise, avaliser la candidature du Président.

De son côté, l’opposition, divisée en luttes intestines et incapable de s’extirper du débat sur la légalité de la candidature du Pré-sident, est également parvenue à se mettre l’opinion publique à dos.

Tout semblait pourtant lui sourire. Lors du scrutin municipal de 2009, les forces d’opposition avaient pu rassembler l’opposition politique au Président sous la bannière de Benno Siggil Senegaal (« Sénégal uni debout » en wolof). La coalition avait rem-porté des victoires emblématiques dont la ca-pitale, Dakar. Par la suite, le mouvement du 23 juin avait fait naître une vaste coalition des anti-Wade à travers toutes les composantes de la société, rassemblant autant l’opposition politique que des représentants de la société civile et des mouvements comme celui des rappeurs de „Y’en a marre“.

L’opposition a pourtant fini par éclater et la désignation d’un candidat unique a fait long feu. Officiellement investi par le mouve-ment Benno Siggil Senegaal, Moustapha Ni-asse (celui là même qui avait appelé à voter Wade au second tour de l’élection présidenti-elle de 2000), trouvera sur son chemin le lea-der du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng. Deux autres personnalités issues du parti pré-sidentiel devraient venir grossir les rangs des candidats de l’opposition: Idrissa Seck, anci-en Premier ministre d’Abdoulaye Wade arrivé second à la présidentielle de 2007 et Macky Sall, l’ancien fils spirituel du Président.

A la surprise générale, un trublion est venu ouvrir le jeu en se déclarant candidat début décembre. Youssou Ndour, candidat sans parti mais bénéficiant d’une notoriété internationale, surfe pour l’instant sur le re-jet par l’opinion des partis traditionnels. La star internationale de la chanson se rêve en Michel Martelly sénégalais. Propriétaire d’un groupe de médias (incluant journal, radio et télévision), mais également d’une discothè-que, d’un studio d’enregistrement et même d’une société de microcrédit, il promet de mettre « son réseau au service du Sénégal ».

Au lendemain de manifestations sans précédent dans tout le pays contre sa réforme constituti-onnelle, on le disait déconnecté, usé, fini. Les mouvements spontanés d’une jeunesse politisée et engagée avaient montré l’ampleur de l’impopularité d’Abdoulaye Wade dans l’opinion. Privé de sa réforme constitutionnelle, limité par la constitution à deux mandats, l’ancien opposant voyait se refermer la porte de ses ambitions présidentielles pour 2012. A un mois du scrutin, Abdoulaye Wade sera pourtant bien candidat à sa propre succession. Alors que des affronte-ments armés ont opposé de nouveau partisans et opposants du Président mi-décembre dans les rues de Dakar, il briguera un troisième mandat face à une vingtaine de candidats déclarés.

Par Frédéric BARANGER

A 85 ans, le Président donne l’impression

de chercher à assurer sa succession

à la tête de l’Etat.

Youssou Ndour aura du mal à transformer

des millions de mélomanes en électeurs potentiels

REPERES1960 : Indépendance. Léopold Sédar Senghor est élu Président de la République du Sénégal. 1980 : Senghor quitte volontairement le pouvoir. Son Premier ministre, Abou Diouf lui succède. 2000 : Première alternance politique. Me Abdou-laye Wade est élu Président, mettant fin à qua-rante années de domination du Parti socialiste. 2007 : Réélection d’Abdoulaye Wade2009 : Elections municipales. L’opposition rem-porte plusieurs grandes villes dont la capitale, Dakar. 2011 : Manifestations sans précédent contre le projet de réforme constitutionnelle du Président.

Un mois avant un scrutin présidentiel décisif, l‘Institut revient sur les grands enjeux de l‘élection présidentielle

Sénégal

à haut risqueElections

Pour les observateurs, c’est surtout le calendrier et la cohérence de sa démarche qui interrogent. En lançant son mouvement citoyen Fékké Maci Bolé [Je suis présent donc concerné] fin 2009, Youssou Ndour aurait pu se positionner dans la société civile, struc-turer son organisation et travailler à une offre politique cohérente. L’annonce de sa candi-dature deux mois avant le scrutin fait planer le doutes quant à son projet politique. S’il est populaire dans l’opinion, il aura du mal à transformer des millions de mélomanes en électeurs potentiels. La popularité ne se traduit pas forcément en voix dans les urnes. Crédité de 5 à 10% des intentions de vote, sa candidature pourrait contraindre le Président sortant à un second tour.

Scénario à l’ivoirienneEn maintenant sa candidature pour le

prochain scrutin, le Président a tendu le cli-mat ; l’avertissement du 23 juin semble avoir été pour lui vite oublié. Ces derniers mois, le

Président ne rate pas une occasion de mettre son fils en avant ; lors du Festival Mondial des Arts Nègres au mois de décembre ou à travers

cette poignée de main furtive avec le Prési-dent Obama. Le Président Wade semble ob-sédé par l’avenir politique de son fils. A elle seule, elle semble justifier sa candidature à sa réélection.

Mi-décembre, de violents affronte-ments opposaient les partisans du Président à des membres de l’opposition socialiste de-vant la marie de Dakar, tenue par l’opposition socialiste. Des coups feu faisaient un mort et plusieurs blessés.

Peut-on pour autant craindre un scéna-rio à l’ivoirienne ? En Afrique, le Sénégal n’est pas un pays comme les autres. Longtemps, le Sénégal a fait figure de modèle en Afrique de l’Ouest pour sa stabilité et l’ouverture de son jeu politique. Depuis son indépendance en 1960, le pays n’a jamais connu de coup d’Etat. La presse y est libre, particulièrement critique, et la société civile y est depuis longtemps po-litisée et plus active qu’ailleurs.

La contestation sociale est loin d’être in-édite. L’accélération du mouvement pourtant, inquiète. La presse sénégalaise s’en faisait l’écho début janvier en publiant une lettre, signée par quatre élus du congrès américain, qui jugeaient la candidature de Wade porteu-se de risques « pour le Sénégal et la démocra-tie en Afrique ». Le Quai d’Orsay faisait égale-ment part de ses inquiétudes pour la stabilité du Sénégal.

A l’approche du scrutin, on craint une multiplication des altercations ; les mani-festants sont susceptibles de se mobiliser à nouveau – et fortement – sur la question de la validité constitutionnelle de la candi-dature d’Abdoulaye Wade. Dans un scénario qui verrait Wade sortir gagnant de l’élection, cette cause pourrait fédérer toutes les com-posantes de la société. Au lendemain du 23 juin, la paix sociale avait semblé revenir sur la base de l’alternance prévue pour 2012. Dé-sillusionnée, la rue sénégalaise ne donne pas le sentiment qu’elle accepterait sans mot dire une réélection du Président ; et tout laisse à penser qu’elle est prête à recourir à la vio-lence pour s’en assurer.Abdouaye Wade, le Président du Sénégal

8 N°1Lundi 16 Janvier 2012 Gouvernance

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Page 9: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

Les hommes du scrutin

Moustapha Niasse, est le candidat officiel de la coalition d’opposition Benno Siggil Senegaal. A 72 ans, il joue sans doute sa dernière carte et va tenter de faire mieux que les 5% obtenus à l’élection de 2007. Jouant de sa position légitimiste, sa stratégie est de capitaliser sur les voix du renouveau socialiste au Sénégal.

Macky Sall : Ancien Premier ministre de Wade, longtemps perçu comme un fidèle du Président, il est exclu du PDS en 2007 pour avoir demandé des comptes au fils du Président. A la tête de l’Alliance pour la République (APR) et jouissant d’une image de sérieux à travers l’ensemble de la classe politique, il revendique l’héri-tage libéral du Président Wade. L’absence d’appareil partisan sera sa principale faiblesse dans ces élections.

Ousmane Tanor Dieng : Troisième homme de 2007, il a tenu la barre du Parti Loyaliste depuis la défaite d’Ab-dou Diouf en 2000. Malgré sa défaite aux dernières élections et à l’investiture de Benno Siggil Senegaal, il a su s’imposer dans son parti et comptera sur l’appareil politique, le plus structuré et le plus puissant du Sénégal. L’opposition libérale

Idrissa Seck : maire de Thiès (3e ville du pays), ancien Premier ministre de Wade et ancienne étoile de l’aile libérale de la politique sénégalaise, il termine second aux présidentielles de 2007. Orateur hors pair, il s’est néanmoins décrédibilisé dans la population par ses revirements incessants au sein du PDS.

Youssou Ndour : chanteur à succès planétaire, propriétaire de médias et populaire dans l’opinion, c’est le dernier venu dans la course présidentielle. Sans parti (et sans programme), il peut espérer tirer parti de la désaffection des Sénégalais pour les partis traditionnels. Le défi sera pour lui de taille : convertir sa notoriété en votes aux élections.

Scrutin présidentiel

Date : 26 février 2011

Mode de scrutin : Scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Les deux pre-miers candidats issus du premier tour sont qualifiés pour le second.

Mandat : Cinq ans renouvelable une seule fois.

Eligibilité : Est éligible tout citoyen sénégalais âgé d’au moins 35 ans et jouissant de tous ses droits civils et politiques. Les candidats devront avancer 65 millions de francs CFA de caution (100 000 euros) pour pouvoir se présenter. Cette somme leur sera remboursée s’ils recueillent plus de 5% des suffrages exprimés.

Ils devraient être une vaingtaine à affronter le Président sortant Abdoulaye Wade lors du scrutin présidentiel du 26 février prochain. Parmi les principaux candidats, les anciens membres de Benno Siggil Senegaal se présentent en ordre dispersé. La liste définitive des candidatures autorisées sera publiée fin janvier par la Cour Suprème.

La nébuleuse Benno Siggil Senegaal

La dissidence libérale

La troisème voie

Gambie 24 Mars Scrutin législatif

Le président gambien Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, a été réélu avec succès pour un quatrième mandat en décembre 2010 avec une majori-té de : 71,54% des voix. Un scrutin entaché de graves violations des libertés publiques : une opposition muselée, des achats de votes massifs ainsi qu’une campagne électorale ré-duite à 11 jours ont permis ce résultat. Une situation qui a amené le gouvernement bri-tannique à suspendre sa coopération avec le pays en février dernier. Aujourd’hui, plus per-sonne en Gambie ne croit en une alternance par les urnes. L’élection législative à venir devrait venir confirmer le nouveau mandat obtenu par le Président Jammeh.

Comme beaucoup d’autres pays du con-tinent, le pays recèle d’atouts considérables qui pourraient lui permettre d’asseoir un vrai décollage économique : de vastes terres ag-ricoles (le secteur primaire emploie toujours 70% de la population), un potentiel touri-stique important et des réserves pétrolières au large de ses côtes.

Cameroun Calendrier à définirScrutin législatif

Face à une opposition divisée et malg-ré de nombreuses irrégularités, le Président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a été réé-lu en Octobre 2011 avec près de 78% des suffrages. Les élections législatives et muni-cipales, prévues pour 2012, devraient venir confirmer cet état de fait.

Angola Calendrier à définirScrutin législatif

L’Angola vient de connaître sa première décennie de paix : cela mérite d’être souligné. Les élections législatives qui s’annoncent, confirmées dans ses vœux par le Président, se tiendront dans un climat particulier. Pour une part, le Président dos Santos, au pou-voir depuis 32 ans sans jamais avoir été élu, remettrait virtuellement son mandat en jeu dans ces élections législatives. La nouvelle

constitution, adoptée en 2010, a en effet abo-li l’élection du président au suffrage universel direct pour faire du chef du parti majoritaire à l’élection législative le nouveau chef de l’Etat. Par ailleurs, l’accentuation des inégali-tés, les succès insuffisants dans la lutte contre la pauvreté et la corruption endémique ont nourri un mécontentement populaire visant directement le Président dos Santos. Un mé-contentement qui s’est même traduit – fait inédit – par des manifestations de rue, rapi-dement dispersées.

Depuis la signature de l’accord de paix en 2002, le Mouvement Populaire de Libéra-tion de l’Angola (MPLA) s’est de facto imposé comme seul parti politique du pays, contrô-lant l’armée et les grandes entreprises, no-tamment dans l’exploitation des ressources naturelles. La première élection de 2008 avait accordé 82% des suffrages au MPLA. L’alternance n’est manifestement pas pour demain.

Sierra Léone 17 Novembre Scrutin présidentiel et législatif

Dix ans après la fin de la guerre civile, le pays va voir se tenir ses secondes élections présidentielles. A l’heure actuelle, il semble clair qu’elles opposeront le président sortant Ernest Bai Koroma et son Congrès du Peuple (APC) à l’opposant principal, le Parti du Peu-ple Sierra Léonais et son leader Julius Maada Bio.

Alors que l’économie redémarre (51,4% de croissance prévus en 2012) et que le pro-chain locataire de la State House devrait bé-néficier des marges de manouvres issues de ce rebond, le paysage politique se découpe toujours selon les lignes ethniques et régio-nales de la guerre civile.

Ghana 7 Décembre Scrutin présidentiel et législatif

Cité en exemple comme modèle de dé-mocratisation sur le continent, le Ghana a déjà connu deux alternances pacifiques en-tre les deux principales forces politiques, le Congrès national démocratique (NDC) et le

Nouveau Parti patriotique (NPP). Le Président en exercice, John Atta Mills,

devra livrer en décembre la mère des batailles pour espérer remporter les élections du 7 dé-cembre. Son adversaire, le candidat du NPP Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, avait raté d’un cheveu la présidentielle de 2008.

Le boom de l’économie (13,5% de croissance en 2011), aidé notamment par la montée en puissance des exploitations pétrolifères au large des côtes ouest du pays, a aiguisé les attentes de la population. La partie s’annonce serrée pour le Président Mills. D’autant qu’il fait par ailleurs face à une dissension jusqu’au sein même de son pro-pre parti de la part de la femme de l’ancien Président Jerry John Rawlings, qui pourrait se présenter à l’élection présidentielle comme indépendante.

Autres élections possibles dans l’année :

Burkina-Faso Scrutin présidentiel et législatif Après des manifestations d’une rare vio-lence à Ouagadougou au premier semestre 2011, les élections législatives et municipales auront valeur de test pour le Président Com-paoré. La crise sociopolitique avait conduit dans la rue un mélange inédit de militaires, de commerçants et d’étudiants.

Sous la pression de la rue, le gouverne-ment a pris des dispositions pour améliorer les conditions de transparence de l’élection, expliquant le report des élections à la fin de l’année. L’équipe de la Commission Electorale Nationale Indépendante a été renouvelée, et le pays doit procéder à un recensement bi-ométrique des votants pour lutter contre la fraude. Porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1987, le Président Compaoré devrait en tout cas renoncer à se présenter au-delà de 2015, date de la fin de son mandat.

Congo-BrazzavilleScrutin législatif Rien de nouveau n’est à attendre de cette élection. Après quatorze années au pouvoir, le Président Dennis Sassou Nguesso a continué à affirmer sa domination sur la République du Congo. Malgré les demandes

insistantes de l’opposition, les listes électo-rales n’ont pas été révisées en vue de la pro-chaine élection législative. En juillet dernier, le Président Nguesso a même semblé céder à la tentation dynastique en appelant plusieurs de ses enfants à prendre des responsabilités au sein du Comité Central du Parti Congolais du Travail (PCT).

Guinée BissauScrutin législatif

L’instabilité politique semble endé-mique dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, gangréné par la corruption et le trafic de dro-gue. Pas moins de six tentatives de coup d’Etat ont eu lieu depuis les dernières élections de 2008, qui avaient vu l’arrivée au pouvoir du Président Malam Bacaï Sanha, 13 mois seu-lement après l’assassinat du Président João Bernardo Vieira. Alors que l’Etat vient de se qualifier pour l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) et d’obtenir un allègement de sa dette de 256 millions de dollars par le Club de Paris, il compte essentiellement sur les ressources pétrolifères découvertes au large de ses côtes pour soutenir l’économie.

Guinée EquatorialeScrutin législatif

Depuis la tentative de coup d’Etat en 2004 par des mercenaires britanniques et sud-africains, la Guinée Equatoriale fait des efforts pour redevenir fréquentable. C’est peut être le seul intérêt des élections qui se sont tenues jusqu’à ce jour. Lors des législa-tives de 2008, le parti du Président Obiang Nguema, au pouvoir depuis 32 ans, avait remporté 99% des suffrages, avant d’être réé-lu l’année suivante avec 95,4% des voix.

Des efforts qui semblent néanmoins porter leurs fruits. Le petit Etat (700 000 habi-tants seulement) a pris en 2011 la présidence tournante de l’Union africaine et accueillera la Coupe d’Afrique des Nations avec le Gabon en 2012. Malgré un référendum sur la mo-dernisation des institutions tenu fin 2010, on attend peu de changements pour les années à venir.

F.B.

Afrique 2012 - Année d‘électionssuite de la page 5

N°1Lundi 16 Janvier 2012Gouvernance 9

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Page 10: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondérante au sein des préoccupations de la communauté internationale. La possession par la République islamique de la bombe nucléaire pourrait inébranlablement changer la donne dans une région qui ne manque déjà pas de conflits et de crises. Ainsi confortée dans ses démarches, Téhéran serait plus à même de poursuivre ses objectifs d’hégémonie ré-gionale, et ce, avec davantage de conviction et de ressources.

Par Amine AMARA

Crise iranienne entre chances de guerre

et risques de paixLa crise autour du programme nucléaire iranien devrait selon toute vraisemblance s’aggraver encore. La stratégie d’accompa-gner le jeu diplomatique par une multipli-cation des sanctions ne tient plus et ses ef-fets sont au mieux très limités. Les rappels à l’ordre onusiens non plus ne sont pas pris au sérieux par un Iran très convaincu non seulement de sa capacité à accéder au seuil nucléaire1 mais surtout de son devoir de le faire. L’efficacité d’une action mili-taire prenant la forme de frappes chirur-gicales est largement entamé au vu de la complexité de la réalité stratégique et opératoire du théâtre des opérations. Une juxtaposition des réponses suppose avant tout une diplomatie très créative surtout de la part des Etats-Unis et d’Israël.

La dimension géo-historique

Afin de saisir les marges de manœuvre dont dispose Téhéran dans le contexte actuel, il est essentiel de comprendre le contexte régional du pays. L’Iran est géo-graphiquement encerclé par des zones conflictuelles, et ce d’autant que sa com-

position ethnique et culturelle l’expose à toutes les crises qui touchent ses voisins. Les Baloutches, Azéris, Kurdes, Arabes et Turkmènes qui composent les minori-tés cohabitent avec la majorité Chiite qui constitue une minorité dans tous les pays voisins. D’ailleurs les relations toujours tendues, avec les voisins arabes ne sont pas prêtes à s’améliorer, les pays du Conseil de Coopérations des pays du Golfe (CCG) voient d’un très mauvais œil la course ira-nienne à la capacité nucléaire. Or l’Iran n’est pas seulement un pays encerclé géo-graphiquement : il est complétement cer-né militairement (sur le papier du moins). Les Etats-Unis sont aujourd’hui présents militairement dans tout le contour iranien, de l’Arabie Saoudite, à la Turquie, en pas-sant par le Pakistan et ce sans parler des Vème et VIème flotte, ce qui ajoute la question de la forte influence américaine dans toute la région, couplé bien sûr aux grandes différences idéologiques et théo-logiques importantes, sur lesquelles Téhé-ran est particulièrement ferme. D’ailleurs une grande partie de l’opinion publique iranienne est complétement allergique à

l’ingérence des puissances occidentales dans les affaires internes de leur pays. Car depuis l’avènement de la révolution islamique qui secoua l’Iran du Shah en 1978 et la crise des otages de l’ambas-sade Américaine, Washington se refuse à toute normalisation de ses relations avec le régime des Ayatollah. Les Etats-Unis ap-pliquent sur l’Iran et ce depuis l’adminis-tration Carter des sanctions économiques très sévères qui n’empêchent ce-pendant pas Té-héran de toujours les renégocier en s’appuyant sur sa méthode préférée : le chantage. durant la première guerre du Golfe (on oublie souvent dans les ma-nuels d’Histoire de la décrire comme tel) de 1980 à 1988, l’Irak fut grandement soutenu par les puissance occidentales et en premier lieu la France et les Etats-Unis en quête d’un affaiblissement de la ré-publique islamique, qui au demeurant se voulait rapide, cependant ni les Français ni les Américains, ni les Irakiens d’ailleurs

n’ont pu arriver à épuiser complétement la machine de guerre iranienne largement soutenue par la Russie et la Chine.

Le nucléaire iranien, entre histoire et conséquences

Lors du mois de Janvier 2002, et à travers la publication de la Nuclear Posture Review,

les Etats-Unis in-cluent l’Iran dans la liste des pays pouvant faire l’objet de frappes dites « préven-

tives » y compris de nature nucléaire. Cette désignation est considéré par les Ira-niens comme le feu vert à l’accélération de leur programme nucléaire arguant par la même occasion que la possession - même de nature fictive et/ou probable - d’armes nucléaires est pour eux le seul et unique moyen de se prémunir contre une attaque directe américaine ou israélienne grâce notamment à la notion de la dissuasion. Du point de vue Français, Paris aurait plus de difficultés à tenir la position Américaine

L’Iran n’est pas seulement un pays encerclé géographiquement : il est complétement cerné militairement

10 N°1Lundi 16 Janvier 2012 Sécurité internationale

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

F 101

F 101

F 101

F 101

Base Américaine

Site Nucléaire Iranien

Capitale

Flottes et Batiments de Guerre Américains

Portée des Missiles iraniensShahab1

Institut Amadeus 2012C

l'Iran face aux réalités stratégiques

Syrie

IsraëlVIème Flotte

Vème Flotte

Liban

Cisjordanie

Pakistan

Afghanistan

Turkmenistan

Iran

Turquie

Gaza

Egypte

Jordanie

Irak

Bahrein

QatarArabie Saoudite

EAU

Oman

Yémén

Page 11: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

car c’est le gouvernement Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing qui en 1975 a expliqué au Shah Reza Pa-hlavi que le pétrole de son pays était trop précieux et trop rare pour être brûlé pour produire de l’électricité : l’Iran devait com-mencer à en exporter afin de s’enrichir et de ménager les réserves pour les généra-tions futures, et commencer à produire de l’électricité d’origine… nucléaire. Néanmoins, dans l’optique d’un Iran nucléarisé à courte échéance, il serait intéressant de savoir la réaction des pays de la région face à un Iran devenu LA su-perpuissance de la région, non seulement grâce à ses larges réserves de pétrole et de gaz, ou encore à son influence politique qu’elle exerce sur les mouvements chiites, mais surtout grâce à des capacités mili-taires (surtout balistiques) qui deviendrait stratégiques (entendez nucléaire). La Tur-quie, l’Arabie saoudite ou encore l’Égypte (sans parler d’Israël, qui possèderait entre 100 et 200 têtes atomiques pouvant tou-cher l’Iran) ne pourraient en aucun cas accepter un tel cas de figure. Ainsi, si un ou plusieurs de ces États jugeaient vitale et essentiel de se lancer eux aussi dans un programme nucléaire militaire, la situa-tion dans une région déjà singulièrement sensible deviendrait tout bonnement ex-plosive. Il est cauchemardesque de vouloir imaginer ce que serait un Proche/Moyen-Orient où trois à quatre pays détiendraient un arsenal nucléaire. Or, L’enjeu de la crise nucléaire iranienne dépasse de loin son cadre régio-nal. A ce jour, Neuf États (Etats-Unis, Rus-sie, France, Angleterre, Chine, Pakistan, Inde, Israël et Corée du Nord) disposent d’armes nucléaires. Tous les autres pays, dont l’Iran, se sont engagés à ne pas es-sayer d’en acquérir. Parmi eux, le Brésil, et l’Afrique du Sud, qui ont abandonné des programmes plus ou moins avancés. Des pays industrialisés tels que le Japon, le Canada et l’Allemagne, pourraient faci-lement, s’ils le voulaient, se doter d’un ar-mement non-conventionnel au regard des moyens techniques, scientifiques, indus-triels et financiers, dont ils disposent. Si en plus de la Corée du Nord, l’Iran est amené à franchir le seuil nucléaire sans que les autres pays n’arrivent à l’en dissuader/empêcher, le régime de non-prolifération établi par le TNP serait tout simplement désuet. Le risque réside ainsi dans le fait que les pays qui ont fait le choix d’aban-donner la course à l’armement nucléaire l’ont fait en jugeant que leurs Etats voisins ont également fait ce choix. Une position qui pourrait facilement être réévaluée à la vision des derniers développements de l’affaire iranienne. Cependant, il est capi-tal de comprendre que le sentiment de victimisation des Iraniens est en grande partie responsable de leur agissements, le fait que la communauté internationale ait fermé les yeux sur le programme israélien (à la fois principal menace et cible pour l’Iran) leur donne le sentiment d’être per-pétuellement visé.

Les options à venir

La solution par la voie diploma-tique de la crise nucléaire reste l’option majeure de la communauté internationale et ce depuis 2003, année de l’accord de Té-héran entre la république Islamique et la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne (UE3) stipulant l’arrêt immédiat des opé-rations d’enrichissement de l’uranium. Toutefois, le projet soumis par les UE3 en août 2005 pour un accord à long terme a singulièrement été rejeté par l’Iran qui a par la même occasion poursuivi ses acti-vités illicites d’enrichissement, le dossier est depuis entre les mains de l’Onu. En 2008, un rapprochement très significatif des positions des UE3 et des Etats-Unis fut opéré par la nouvelle administration Obama en 2008 et ce afin de trouver une solution au cas iranien. Cette réorienta-

tion nouvelle fut malheureusement très hésitante et hautement marqué par des propositions peu enthousiastes de la part des Américains souffrant d’une marge de manœuvre trop étroite essentiellement dû à la puissance du lobby pro-israélien et à un éternel sentiment de rancœur lié toujours présent lié à la crise des otages de 1979. On pourrait imaginer que dans le cas d’un nouveau mandat pour le président Obama, les Etats-Unis pourraient miser davantage sur le dialogue, qu’ils fassent abstraction des conditions préalables à la discussion, et ce, tout en modifient l’ap-proche «freeze for freeze» au regard d’une puissance au seuil du nucléaire. D’autant plus que l’efficacité d’une frappe militaire est amplement contestée au regard de la multiplication des cibles et de la difficulté à les atteindre même par l’armée américaine. Les oppo-sants à la ligne dure arguent le scénario que Téhéran se positionnera en état de Mutual Assured Destruction (MAD) en-vers les pays de la péninsule arabique et à moindre échelle envers Israël. La trans-formation de la crise en conflit donnera lieu à une escalade qui prendra vite une nature incontrôlable. Dans ce scénario catastrophe, l’Iran pourrait parfaitement bloquer le détroit d’Ormuz, une voie es-sentielle au transport du pétrole mondial, attaquer les pays de la péninsule arabique tout en ravivant les tensions entre Chiites et Sunnites au sein du monde musulman, Téhéran peut aussi attiser les tensions de politique intérieure et le combat contre les troupes militaires Américaine un peu par-tout en Arabie, lancer des missiles balis-tiques sur Israël, mobiliser le Hezbollah et le Hamas pour combattre l’Etat juif depuis le Liban et la bande de Gaza et provoquer des attaques terroristes dans le monde entier. Cependant, tout ce scénario reste à prouver, les adeptes de la solution militaire rétorquent que le potentiel de Téhéran est plus faible que ne le suggère la rhéto-rique stratégique, la seule conséquence majeure d’une at-taque contre l’Iran serait la flambée des cours de pétrole qui serait dû selon eux non pas au blocage du détroit d’Ormuz mais seulement à sa perturbation. Le danger pour Israël serait aussi limité étant donné que la dé-fense antimissile israélienne s’est net-tement améliorée grâce notamment à son intégration dans le système mondial du Pentagone et que le Hezbollah et le Hamas réfléchi-raient à deux fois avant de s’engager dans un nouveau conflit avec l’Etat hébreu qui ne cesse de mettre sous pres-sion les grande puis-sances en charge de la gestion du dossier iranien avec un message claire-ment défini : soit vous adoptez une posture suffisam-ment accusatrice et incriminante justi-fiant des sanctions susceptibles de faire plier le régime de Téhéran et ainsi garantir notre sécu-rité, soit nous assu-rerons nous-même

cette sécurité par le biais d’une action militaire unilatérale dont les répercus-sions régionales devront être supportées par tous. Car selon la doctrine Begin éta-blie par l’ancien Premier ministre Mena-hem Begin, Israël se doit, afin de garantir sa sécurité, d’empêcher tout autre Etat du Moyen-Orient d’acquérir des armes de destruction massive ou non conven-tionnelles susceptibles de lui donner une forme de suprématie régionale. Pour ce faire, Israël pourrait avoir recours à la force, y compris de manière unilatérale, afin d’effectuer des frappes préventives contre toute menace potentielle. C’est en vertu de cette doctrine qu’Israël a dé-truit la centrale irakienne d’Osirak en 1981 ainsi qu’un site supposé nucléaire en Syrie en 2007. C’est également au nom de cette doctrine qu’Israël pourrait lancer un raid contre la république islamique. Mais cette doctrine trouve sa limite opérationnelle dans la complexité géographique et ma-térielle de l’appareil militaire israélien car il n’existe pas de système complètement étanche. Israël, qui dispose du leadership stratégique dans la région grâce notam-ment à ses armes atomiques, se sent plus directement touché par la crise nucléaire que d’autres Etats, mais dépend énormé-ment de l’aide américaine pour mener une intervention militaire. Politiquement aus-si, il faudrait que la maison Blanche donne au moins un semblant de feu vert voire orange, parallèlement à son soutien opé-rationnel. Néanmoins, Washington craint que les attaques aériennes israéliennes ne soient pas suffisamment efficaces sur le plan opérationnel et que les États-Unis ne puissent se soustraire au reproches et aux conséquences d’une coresponsabilité poli-tique, à plus forte raison que les forces aé-riennes israéliennes doivent absolument être ravitaillées par au moins deux fois en passant ou par l’Irak voire quatre fois en passant par l’Arabie Saoudite. Mais la me-

N°1Lundi 16 Janvier 2012Sécurité internationale 11

nace propre à Israël devrait surtout servir à accélérer les pourparlers diplomatiques. Les conséquences probables d’une opération de frappes aériennes ci-blées contre des installations nucléaires iraniennes représentent tellement de fac-teurs de risque à prendre en considéra-tion dans le processus décisionnel que si elles devaient avoir lieu , elles seraient le résultat d’un scénario coût-bénéfice limi-tée dans sa rationalité par les conceptions des acteurs impliquées, et se verrait gui-dée par leurs préoccupations inhérentes à la sauvegarde de leur intérêt national. De toutes les manières, la question nucléaire iranienne n’apparaît plus comme un im-broglio stratégique que seule la force per-mettrait de trancher. La mise en balance des risques d’un Iran nucléaire face aux risques des frappes préventives met au-jourd’hui les puissances occidentales face à un dilemme qui consiste à choisir entre un bouleversement régional et un chaos militaire international.

1. Par « seuil nucléaire » nous faisons ré-férence au stade où un Etat ne possède aucune arme nucléaire au sein de son arsenal, cependant, son expertise et ses connaissances techniques et scientifiques lui permettent, au besoin, d’en assem-bler dans un délai suffisamment court, de telle sorte que sans être une puissance nucléaire dans les faits, son savoir faire lui permet de mettre en œuvre des méca-nismes de dissuasion. Cette théorie rejoint la réflexion entamée par T. Sauer sur la dis-susasion « post-existentielle ». A cet effet, lire le livre de Tom Sauer, Nuclear Arms Control: Nuclear Deterrence in the Post-Cold War Period, New York, MacMillan, 146 p

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

Le Guide suprême iranien, Ayatollah Ali Khamenei

Le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad

Page 12: GéopolitikGéopolitik Le monde vu par l’Institut Amadeus Edito Crise iranienne La question nucléaire iranienne occupe aujourd’hui une place prépondé-rante au sein des préoccupations

Institut Amadeus6, rue Annassime, Sect 9 bloc I

Hay Riad 10100, RabatMaroc

Tél. : (+212) (0) 537 71 70 82Fax : (+212) (0) 537 57 11 83

Equipe de publication Revue dirigée parBrahim FASSI-FIHRI, Président

Centre d‘Analyses et de Publications

Gouvernance et Prévention des ConflitsAmine AMARA, Coordinateur de recherche

Economie et DéveloppementFréderic BARANGER, Coordinateur de recher-cheSoraya OULAD BENCHIBA, Chargée d‘Etudes, DéveloppementAbdelfetah AIT AMMI, Chargé d‘Etudes, Envi-ronnement et Développement Durable

CommunicationTalal SALAHDINE, Responsable Stratégie et Com-munication

Edition et réalisation graphiqueAmine AMARAFréderic BARANGER

Les auteurs peuvent être contactés par courrier élec-tronique – pré[email protected]

Indéniablement, 2011 aura aussi été son année. Lui, c’est le Qatar, ce petit Etat du Golfe de par la taille (11.400 Km2, équi-valent à la seule région Tanger-Tétouan) ou la population (1.5 millions d’habitants avec seulement 25% de nationaux) mais dont l’influence grandissante voire envahissante dans la région ne cesse, l’étonnement passé, de déranger.

Certes l’émergence du Qatar sous l’égide de l’émir Cheikh Hamad al Tha-ni sur la scène internationale ne date pas d’aujourd’hui. L’expédition américaine en Irak en 2003 avait déjà été l’occasion pour le petit émirat de se positionner (ou tout sim-plement d’«exister » diront certains) comme support fiable abritant le relais le plus im-portant de la région du Centcom* et acteur ambitieux, désireux de se débarrasser défi-nitivement de Saddam Hussein, voisin aussi menaçant qu’imprévisible.

Profitant de l’absence d’un leadership arabe du fait long déclin de l’Egypte de Mou-barak, autrefois unique réelle puissance régi-

onale, le Qatar dans la roue du grand frère sa-oudien s’imposera comme un acteur majeur sur plusieurs dossiers : crise libanaise, rap-prochement France-Syrie ou encore l’affaire des « infirmières bulgares »

Au cœur du dispositif : une manne gaziè-re immense, synonyme de moyens financiers

quasi illimités et une chaine TV d’information Al Jazeera, mastodonte médiatique et véri-table pierre angulaire de la diplomatie de l’émirat.

Longtemps tribune des opposants à de nombreux régimes, notamment ceux de Ben Ali, Kadhafi ou El Assad, celle-ci se distingue

Dernier regard

Par Talal SALAHDINE

N°1Lundi 16 Janvier 2012 12

Géopolitik N° 1 institutamadeus.com

L’hyperactivisme dangereux de la diplomatie qatarie

L’Institut Amadeus publie le Rapport MEDays 2011 Près d’un mois après la fin du forum MEDays, l’Institut Amadeus pu-blie un rapport sur les enjeux majeurs discutés lors de la quatrième édition tenue à Tanger du 16 au 19 novembre dernier sous la thématique générale : « Le Sud dans la Gouvernance mondiale ».

L’édition 2011 aura été une fois encore l’occasion de mettre en avant les problématiques prioritaires des pays du Sud. Plus de 175 intervenants (Chefs de gouvernements, ministres, responsables d’organisations internationales, experts, médias) venus de plus de 85 pays étaient présents dans la ville du détroit pour partager leurs expériences et points de vue sur la nécessité pour les pays émer-geants de se positionner davantage dans

par une liberté de ton très peu appréciée par les autocraties de la région.

Le Printemps arabe et ses nombreux soubresauts viendront confirmer la donne : Le Qatar et sa progéniture Al Jazeera, par une couverture enthousiaste, participative et ré-solument du côté des insurgés, sont sur tous les fronts.

Particulièrement actifs lors de la crise libyenne, les qataris auront énormément milité en coulisse, sous l’égide de l’influent Cheikh Hamad Bin Jassem, Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères du pays, pour obtenir la caution arabe nécessaire à l’intervention de l’OTAN mais aussi surtout fourni armes et financement.

Symbolique certes, l’implication mi-litaire qatarie n’est demeure pas moins un tournant. Un passage du « soft power » au « hard power » qui agace voisins et partenaires européens et américains, tout autant que le soutien plus que prononcé pour les courants islamistes, qui ont le vent en poupe au lende-main des révolutions dans les pays d’Afrique du Nord.

Les affinités de Doha avec l’islamisme politique sont connues. Qaradawhi,Mechaaal, Madani ou Ghanouchi ont depuis longtemps leurs entrées au palais de l’émir. Dernier pro-

tégé en date : Abdelhakim Belhadj, ancien d’Al Qaida et désormais commandant mili-taire en chef de la région de Tripoli.

Du volontarisme politico-diplomatique à l’ingérence dans les affaires intérieures, il n’y a qu’un pas que de nombreux observa-teurs accusent le Qatar d’avoir déjà franchi.

Un interventionnisme décrié à Tripo-li, Tunis mais aussi à Damas. Dans cet élan d’hyper-activisme avéré, le Qatar préside en effet la commission interministérielle en charge du dossier syrien au sein de la Ligue Arabe. De ce fait, Doha se retrouve derrière bon nombre d’initiatives à même de neutra-liser le régime de Bachar El Assad et ainsi pri-ver l’ennemi iranien de son ultime allié arabe.

A l’heure où l’on annonce l’ouverture prochaine d’un bureau de représentation des Taliban dans la capitale qatarie, difficile de trouver une ligne diplomatique claire si ce n’est un interventionnisme tous azimuts et source d’instabilité dans une région qui n’en manque pas !

* Centcom : commandement central américain basé à Tampa en Floride, il a en charge les opérations militaires dans le pro-che et moyen-orient.

la prise de décision à l’échelle mondialePrintemps arabe, Gouvernance démo-cratique dans les pays du Sud, leadership économique et développement, Sécu-rité internationale et questions environ-nementales sont les principaux thèmes abordés dans cette synthèse des débats de 63 pages.

Agrémenté des principales re-commandations issues de l’édition ME-Days 2011, le rapport se veut un premier travail d’approche en amont du rapport annuel de l’Institut Amadeus à paraitre en mai-juin prochain.

Le document, comme l’en-semble des publications de l’Institut (revue scientifique Geopolitik, rapport

annuel Institut Amadeus, analyses, compte –rendus de workshops…), est en téléchargement libre sur le site de l’Ins-titut www.institutamadeus.com