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Presses Universitaires du Mirail Mazagão, la ville qui traversa l'Atlantique, du Maroc à l'Amazonie (1769-1783). Collection historique by Laurent VIDAL Review by: Pierre VAYSSIÈRE Caravelle (1988-), No. 85, Grandes plantations d'Amérique latine: Entre rêve et commerce (Décembre 2005), pp. 254-257 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40800353 . Accessed: 15/06/2014 15:41 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Caravelle (1988-). http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.127.63 on Sun, 15 Jun 2014 15:41:10 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Grandes plantations d'Amérique latine: Entre rêve et commerce

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Presses Universitaires du Mirail

Mazagão, la ville qui traversa l'Atlantique, du Maroc à l'Amazonie (1769-1783). Collectionhistorique by Laurent VIDALReview by: Pierre VAYSSIÈRECaravelle (1988-), No. 85, Grandes plantations d'Amérique latine: Entre rêve et commerce(Décembre 2005), pp. 254-257Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40800353 .

Accessed: 15/06/2014 15:41

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254 CM.H.LB. Caravelle

Cette histoire complexe, bien rendue dans ses tenants et ses aboutissants, montre excellemment plusieurs aspects : les diverses manifestations de la décadence du tribunal liménien, les liens étroits, trop étroits, de ses membres avec la société laïque, l'influence des solidarités familiales ou régionales, les intérêts créés de tous ordres, les clivages coloniaux et les relations avec la lointaine métropole qui décidait en fin de compte sans avoir, ni vouloir obtenir, une connaissance fine des situations, trop occupée qu'elle était à maintenir des équilibres existants, insatisfaisants sans doute, mais ayant l'avantage de fonctionner tant bien que mal. En d'autres termes, une situation qui se répétait alors à maints égards dans la gestion du lointain empire d'Amérique, d'où l'intérêt d'un livre qui dépasse, et de beaucoup, le simple cadre de l'histoire de l'Inquisition péruvienne, voire américaine.

Bernard LAVALLÉ Université de Paris III

Laurent VIDAL.- Mazagão, la ville qui traversa l'Atlantique, du Maroc à l'Amazonie (1 769-1 783).- Paris, Aubier, Collection historique, 2005.- 314 p.

Au point de départ de cette histoire insolite : le siège d'une place forte portugaise au Maroc par une armée de cent vingt mille Maures et Berbères. Les deux mille résidents sont évacués pour être envoyés en Amazonie fonder une nouvelle ville. Une opération qui prendra des années. C'est pour Laurent Vidal l'occasion d'évoquer les drames des populations déplacées, 1' « électrochoc » des camps de transit et des déportations imposées. On sait qu'un déplacement dans l'espace devient aussi un déplacement dans le temps, avec toutes les conséquences humaines qui découlent de l'attente et de la réinsertion dans un autre espace-temps. Démarche originale : Laurent Vidal oriente son enquête sur le « vécu social », à partir de simples « traces » d'archives, dont l'interprétation n'est pas toujours aisée. Nous le suivons dans cette reconstitution, qui nous conduit de la création de la forteresse jusqu'à sa réincorporation dans la mémoire brésilienne, marquée par trois temps forts, assez rapprochés, autour desquels s'articule l'ouvrage : l'abandon du préside, le séjour à Lisbonne et l'installation provisoire à Belém, capitale de l'Etat du Parao.

Mazagão, c'est d'abord une forteresse chrétienne installée en 1514 sur le littoral du Maroc actuel, au moment de la grande expansion portugaise vers l'Atlantique Sud, sous l'impulsion d'Henri le Navigateur. Une suite de villes- forteresses concrétise cette poussée vers le Sud de l'Afrique. Mazagão (aujourd'hui El-Jadida) est installée dans la région des Doukhalas, à mi-distance entre Tanger et Agadir ; elle était considérée comme le mouillage le plus sûr de la côte marocaine. Mais bien vite, les chefferies musulmanes décrètent la guerre sainte, et les forteresses tombent une à une, à l'exception de Mazagão, qui s'installe alors dans une existence terne et dans l'attente angoissante - on pense au Désert des Tartares-, interrompue par des escarmouches ou par des sièges prolongés : celui de 1561 mobilisa une armée de 120.000 hommes. Entre- temps, on vivait plutôt en bonne intelligence avec les populations locales. Pour autant, l'approvisionnement en eau et en nourriture n'était pas toujours assuré. Les fêtes officielles ou religieuses constituaient de rares moments de joie collective pour cette population isolée et encerclée. Celle-ci était composée principalement de résidents permanents (les moradores), colons et paysans

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Comptes rendus 255

enrôlés de force, et de jeunes gentilshommes {fidalgos) venus de la métropole pour se faire oublier durant quelques années. S'y ajoutait une population flottante, en constante augmentation, essentiellement des Açoriens et des... Maures. Société hétéroclite, où Ton ne fait que cohabiter, constamment menacée par les épidémies et les pénuries, réconciliée seulement au moment des attaques : c'est tout le contraire d'un tissu urbain. Le fort coûte de plus en plus cher, alors que le Portugal rencontre des difficultés : effets du tremblement de terre de Lisbonne, baisse de la production d'or au Brésil, pression de l'Angleterre sur les Indes. Alors que le préside subit un autre siège, le ministre de la Marine, Mendonça Furtado, frère de Pombal, le maître tout-puissant du Portugal, décide d'abandonner la place et d'en déménager ses habitants en envoyant une flotte de quatorze navires. Cette décision, exécutée en février-mars 1769, sera ressentie massivement comme une trahison.

Commence alors un long exode pour la population - 469 familles et 2.092 personnes -, transportée en onze jours de navigation à Lisbonne. Six mois de longue attente dans le quartier de Belém - un temps bien court pour faire de ces défenseurs de la foi chrétienne de simples colons. Le 15 septembre 1759, une flotte privée, celle de la Companhia Geral do Grão Para e Maranhão, largue les amarres à destination de Belém, capitale de l'Etat de Para, en Amazonie, où Mendonça Furtado avait exercé les fonctions de gouverneur pendant dix ans. Tout un chargement d'outillage agricole et de matériel de construction est à fond de cale. On n'a pas oublié les objets de culte, les statues et les tableaux religieux des églises de Mazagao « C'est une ville mise en caisses » (p. 81). Mendonça Furtado a décidé que la nouvelle Mazagao serait implantée le long de la rivière Mutuacá, affluent de l'Amazone, à la frontière de la Guyane, une région menacée par l'expansion française. En attendant la construction de la nouvelle ville, les migrants s'installent à Belém do Pará pour un temps plus ou moins long. Mais comment loger et nourrir deux mille personnes dans une ville d'à peine dix mille habitants ? On loue chez l'habitant, car l'accueil est chaleureux et sans histoires, du moins au début. Les autorités vont même jusqu'à leur construire une chapelle (mais à l'extérieur du périmètre urbain) portant l'ancien patronyme de Mazagao, Nossa Senhora da Assumpção. Mais ensuite, la situation se dégrade, car les pensions sont versées irrégulièrement, et souvent en outillage ou en esclaves. Dès lors, les plaintes des gens de Belém pour loyers impayés se multiplient.

Quant aux nouveaux colons, ils ont l'impression de vivre un entre-deux qui s'étire et parfois s'éternise, « entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux temporalités » (p. 108). La moiteur du climat et les maladies tropicales fatiguent les organismes, et les premiers colons qui s'installent dans la vila de Nova Mazagao sont déçus. Certains patientent plusieurs années (jusqu'à sept ans) avant de s'installer. En attendant, chacun se débrouille à Belém : les uns travaillent comme clercs, d'autres se lancent dans le commerce, et les moins habiles se louent comme simples rameurs ; les femmes proposent de la couture. Plusieurs jeunes femmes trouvent à se marier à Belém, ville à dominante masculine. Les plus jeunes semblent écartelés entre la ville souvenir, la ville vécue et la ville future.

Nova Mazagao est édifiée par une centaine d'Indiens réquisitionnés, mal nourris, et que n'épargne pas le paludisme endémique. Les fuites d'Indiens ne sont, d'ailleurs, pas rares. Ces travailleurs forcés sont encadrés par des artisans

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plus qualifies, charpentiers et maçons. Œuvre de l'ingénieur Domingos Sambucetti, le plan s'inspire du classique modèle en damier, délimité au nord et au sud par deux marigots. Des parcelles rectangulaires pour quatre ou six personnes sont réparties entre les premiers colons. Mais si le plan est ibérique, la réalisation des maisons est largement inspirée de l'habitat indien - les maisons sont recouvertes de feuilles de palme tressées. Le transfert des populations entre Belém et Nova Mazagão se fait sur de simples pirogues, en deux semaines, le long du système fluvial de l'Amazone. Bien que gérée par des institutions portugaises (un commandant, un conseil municipal), rien ne se passe comme prévu, car trop de temps s'est écoulé depuis le départ de Lisbonne. Ces nouveaux colons ont, par ailleurs, bien du mal à faire fructifier leur lopin (malgré les esclaves), et les premières récoltes de riz sont décevantes : la plupart des familles survivent difficilement.

Certes, la ville s'est peu à peu organisée, avec ses six compagnies de milices, ses employés « municipaux », son apothicaire, ses commerçants et ses artisans. Mais, dès 1778, des plaintes remontent jusqu'au gouverneur, qui dénoncent la dégradation des conditions de vie, la trop grande humidité des lieux qui gâte la nourriture, les pluies interminables, les moustiques, le paludisme et autres maladies tropicales, sans oublier le fléau de l'alcoolisme. « La vie à Nova

Mazagão semble rongée de l'intérieur », le tissu social se délite, les Indiens et les esclaves s'enfuient. On supplie les autorités d'envoyer un maître d'école, les

fidalgos voudraient ne pas payer la dîme, les conditions sanitaires s'aggravent et les pétitions se multiplient contre ce qui ressemble parfois à un bagne.

Dès lors, la ville semble se figer dans sa mémoire glorieuse, celle de son histoire héroïque au Maroc, face aux Maures, et les vertus guerrières semblent avoir pris l'ascendant sur les mérites de la colonisation agraire. Fait

apparemment unique : trois opéras (peut-être des extraits seulement) sont joués en 1 777 y sur des textes de Métastase, qui semblent adresser un discours codé à la couronne sur l'injustice dont ces habitants se disent victimes. Et l'incompréhen- sion grandit : à plusieurs reprises, on demande aux autorités un changement de site, car le paludisme s'aggrave et fait des ravages. En 1783, enfin, la Couronne condescend à accorder aux colons la liberté de s'installer ailleurs en Amazonie. On sait que la vila n'a pas été abandonnée, mais qu'un grand nombre de colons est reparti pour Belém.

Pour autant, le nom de Mazagão ne disparaît pas de l'histoire. Il va même nourrir un certain patriotisme portugais : il inspire des poèmes sur la forteresse marocaine assiégée (en 1802), et d'autres ouvrages paraîtront au XIXe siècle et

jusqu'au temps de Salazar pour célébrer les prouesses militaires de cette

population. Au Maroc, les Maures ont reconstruit la forteresse en la rebaptisant El Madhouma. Après 1912, sous le protectorat français, elle redevient un port et un centre touristique, baptisé la « Deauville marocaine »... Au Brésil, les gens de

Mazagão ont aussi leur histoire : au début du XIXe siècle ils ont participé à la résistance contre la révolte des cabanos (indiens) mais, par la suite, elle deviendra un abri pour de nombreux Indiens fugitifs. En 1915, la ville est même dédoublée entre une « vieille» et une « neuve » Mazagão.

Ultime démarche de l'historien : les voyages que Laurent Vidal a effectués en 2002 et 2003 en Amazonie à la recherche de « traces » humaines du passé archivistique. Il s'est intéressé à ce que Jean Duvignaud, auteur d'une post-face, appelle des « fêtes vaguement rituelles », à savoir des métis descendants d'esclaves

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jouant la lutte éternelle entre Maures et Chrétiens, rebaptisée pour la circonstance « fête de São Tiago » (de Composteli, bien sûr). Un rituel qui remonterait aux années 1770, aujourd'hui totalement déformé et récupéré à des fins touristiques.

Dans sa conclusion, Laurent Vidal a le grand mérite de synthétiser la problématique qui parcourt son ouvrage : comment peut-on survivre à un déplacement ? Sans doute par la mémoire, mais une mémoire totalement déformante, qui réinvente des situations et qui réécrit le passé. Une autre question reste en filigrane de ce récit : comment l'historien peut-il prendre en compte le temps incertain de l'attente, du transit, du nomadisme, de la maturation, ce temps qui est tout sauf l'immobilité, et qui forge en accéléré une autre identité aux êtres et aux collectivités ? Une enquête d'autant plus difficile qu'il s'agit de « gens de peu », qui n'ont pas laissé de traces écrites sur eux- mêmes, mais pour lesquels l'historien a fait preuve de compassion et d'empathie. Nous le remercions, aussi, pour cette subjectivité-là.

Pierre VAYSSIERE Université de Toulouse-Le Mirait

Olga PORTUONDO ZÚÑIGA.- José Antonio Saco eternamente polémico.- Santiago de Cuba, Ed. Oriente, 2005.- 229 p.

On aurait pu penser que tout avait été dit sur les grandes figures du XIXe siècle cubain, tant elles avaient déjà suscité une littérature abondante. La biographie de Domingo del Monte, en 1997, par Urbano Martínez Carménate {Domingo del Monte y su tiempo, La Havane, Ed. Unión, 1997) avait déjà prouvé le contraire ; le présent ouvrage continue avec brio la démonstration.

José Antonio Saco est sans doute un des penseurs cubains de cette époque dont le parcours personnel et les idées ont le plus suscité l'attention, par ses écrits, son action politique, les liens qu'il a entretenus avec les autres protagonistes de l'histoire cubaine de son temps. Olga Portuondo a ainsi recensé plus d'une trentaine d'études, souvent essentielles, le concernant. Toutes les sensibilités politiques, y compris les plus opposées, se sont référées à ce penseur hautement original et à certains égards difficile à saisir dans sa globalité, et ce que l'on a pris parfois pour ses contradictions. Le travail d'Olga Portuondo retrace évidemment avec une grande précision, et des apports documentaires souvent inédits, le parcours vital, intellectuel et politique de Saco, mais à la différence de nombre d'études précédentes, elle s'attache à analyser les éléments déterminants de sa formation, son milieu originel dans son contexte économico-social de Bayamo : celui de puissants latifundistes éleveurs. L'auteur en montre de manière fort suggestive pour la suite, les pratiques familiales, la structuration idéologique, en un mot la mentalité. Il en découlait de manière implicite un véritable projet de développement régional qui était loin de coïncider toujours avec celui des propriétaires ^ingenios sucriers et d'esclaves, qui, comme on le sait, ont surtout attiré l'attention des spécialistes. Comme le souligne Hernán Venegas Delgado dans son introduction, cette biographie de Saco est aussi une façon d'attirer l'attention sur la diversité des projets cubains du XIXe siècle, beaucoup plus complexes et surtout diversifiés selon les régions que l'historio- graphie traditionnellement ne l'a cru. Olga Portondo peut ainsi montrer les dynamiques internes régionales de l'île et au besoin leurs intérêts contradictoires

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