29
LE GRAND MENSONGE VERT

(greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

V ous êtes abonné aux relevés électroniques et à la facturation en ligne ?Vous favorisez les produits biodégradables, quitte à payer plus cher ? Vousachetez du papier recyclé ? Vous rêvez d’habiter dans une maison certifiée

LEED ? C’est louable, mais hélas, bien des gestes dits verts ne contribuent pas à réduire les impacts sur l’environnement. Au contraire.

Dénonçant le maquillage vert (greenwashing) et les idées reçues, Le grand mensongevert ne fait pas seulement le ménage dans le bio-sans-phosphate-100%-écologique-certifié-naturel et autres écolabels. Il propose de réagir avec cir conspection aux diktatsenvironnementaux. À l’aide d’exemples tirés du quotidien, d’outils de mesure facilesà utiliser et de questionnaires révélateurs, ce guide vous fait revoir vos habitudes deconsommation. En augmentant votre « quotient écologique », il vous incite à désactiverle pilote automatique, à développer votre sens critique et à aiguiller vos achats etvos comportements dans le sens de vos valeurs.

26,95 $Rayons librairie Environnement, écologie, marketing

✒ Entrepreneur, chroniqueur etconférencier, Jean-SébastienTrudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseilsen développement durable. En 2007, il a publié aux ÉditionsTranscontinental Arrêtons depisser dans de l’eau embouteillée,lauréat du Prix du livre d’entre -

preneuriat France-Québec 2008 et de la Mentionspéciale développement durable du Prix du livre d’affaires du Québec 2008.

✒ Journaliste économique depuis1998, Kathy Noël a d’abord travaillé au journal Les Affairespuis au magazine Commerce, où elle a aussi été, de 2002 à2009, rédactrice en chef adjointe.

ISBN 978-2-89472-453-8

LE GRAND M

ENSON

GE VERTTRUDEL • NOËL

couv le grand mensonge_Layout 1 10-10-06 17:01 Page 1

Page 2: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Les Éditions Transcontinental1100, boul. René-Lévesque Ouest, 24e étageMontréal (Québec) H3B 4X9Téléphone : 514 392-9000 ou 1 800 361-5479www.livres.transcontinental.ca

Pour connaître nos autres titres, tapez www.livres.transcontinental.ca. Pour bénéficier de nos tarifs spéciaux s’appliquant aux bibliothèques d’entreprise ou aux achats en gros, informez-vous au 1 866 800-2500.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Trudel, Jean-Sébastien, 1975-Le grand mensonge vert : un guide pour acheter moins idiot

ISBN 978-2-89472-453-8

1. Consommation durable. 2. Marketing vert. I. Noël, Kathy. II. Titre.

HF5413.T78 2010 658.8’02 C2010-942177-9

Révision : Jérôme Mailloux-GarneauCorrection : Lyne RoyPhoto de l’auteur : Paul LabelleMise en pages : Diane MarquetteConception graphique de la couverture : Studio Andrée RobillardImpression : Transcontinental Gagné

Imprimé au Canada© Les Éditions Transcontinental Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 4e trimestre 2010Bibliothèque et Archives Canada

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

!"""""""""""""""""######""""""""""""""""""$Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. Nous remercions également la SODEC de son appui financier (programmes Aide à l’édition et Aide à la promotion).

%&&&&&&&&&&&&&&&&&''''''&&&&&&&&&&&&&&&&&&(

Les Éditions Transcontinental sont membres de l’Association nationale des éditeurs de livres.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 3: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Jean-Sébastien Trudel avec Kathy Noël

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 4: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 5: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

À notre fils, Édouard

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 6: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Table des matières

Introduction ............................................................................... 11

Chapitre 1

La fin du marketing vert ........................................................... 15Trop, c’est comme pas assez ........................................................... 16Retombons-nous dans les mêmes pièges ? ...................................... 17Un président « écoresponsable » et... nerveux ! ................................ 18Après l’intelligence émotionnelle, l’intelligence écologique ............ 20Plus vert, donc plus intelligent ...................................................... 20

Chapitre 2

De quelle couleur est votre consommation verte ? ................. 21Êtes-vous vert foncé, vert pâle ou brun ? ........................................ 23Ma mère, mon frère et Leonardo DiCaprio .................................. 33La face cachée des engagés ............................................................. 34Un couteau à double tranchant ..................................................... 36Le rôle des conscientisés ................................................................ 37

Chapitre 3

Les 7 pièges de la consommation responsable ........................ 391. Le piège du compromis caché .................................................... 402. Le piège de la non-pertinence ................................................... 423. Le piège de l’absence de preuves ................................................ 444. Le piège de l’imprécision ........................................................... 46

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 7: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

5. Le faux label .............................................................................. 486. Le moindre des deux maux ........................................................ 507. Le mensonge ............................................................................. 52Le secret de la consommation responsable ..................................... 53

Chapitre 4

Le secret de la consommation responsable ............................. 55Imprimer sur du papier recyclé ...................................................... 56Acheter de la vaisselle biodégradable .............................................. 57S’abonner à la facturation en ligne ................................................. 59Remplacer ses ampoules incandescentes par des fluocompactes.................................................................... 60Favoriser l’achat local ..................................................................... 61La notion la plus importante de ce livre ......................................... 64Les produits verts n’existent pas ..................................................... 67

Chapitre 5

Comment découvrir ce que les fabricants vous cachent ? ...... 69Le cycle de vie d’un produit ........................................................... 70« Dessine-moi un poisson ! » ........................................................... 71Comment Walmart est devenu écolo ............................................. 72Le virage vert de Walmart est réel .................................................. 73Après la comptabilité créative, voici la comptabilité écologique ..... 76Penser à l’extérieur de la boîte n’est pas suffisant : il faut changer de boîte ! ................................................................. 78L’ingrédient magique de la consommation responsable .................. 80Il ne suffit pas d’être vert pour être RONA ECO ........................... 84

Chapitre 6

Les étiquettes carbone ou pourquoi connaître les impacts cachés de ce que nous achetons va tout changer ...................... 87L’ère de la transparence radicale ..................................................... 88

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 8: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Table des matières

L’étiquette carbone dans un supermarché près de chez vous ........................................................................... 89Le pouvoir de changer le monde .................................................... 91Walmart sera-t-elle au XXIe siècle ce que Ford a été à la Révolution industrielle ? .................................................. 93Pratiquez le magasinage écoresponsable dès aujourd’hui ................ 97Le caillou dans le soulier de Walmart ............................................. 98

Chapitre 7

Quelle est la proportion de corruption dans votre rouge à lèvres ? ........................................................ 101Une journée dans la vie d’un Québécois ....................................... 102Corruption, travail d’enfant et ateliers de misère............................ 104Le mythe des conditions de travail en Chine ................................. 105Des semaines de 60 heures, ce n’est pas assez ................................. 106L’analyse sociale du cycle de vie ..................................................... 107

Chapitre 8

Le véritable prix des choses ....................................................... 109Choisir un pot de peinture est plus compliqué que vous ne le croyez ..................................................................... 111L’illusion des prix .......................................................................... 113L’analyse des coûts du cycle de vie à la rescousse ............................ 116Votre cellulaire coûte 12 000 $ ....................................................... 117L’art de comparer le prix des produits ............................................ 119Le pouvoir est entre vos mains ....................................................... 121

Chapitre 9

9 questions pour acheter moins idiot ...................................... 1231. Quel est mon besoin ? ................................................................ 1242. Contribue-t-il aux 3RV ?............................................................ 1253. Est-il fait pour durer ? ................................................................ 127

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG���� ����������������

Page 9: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

4. Est-il sain ? ................................................................................. 1305. Est-il équitable ou local ? ........................................................... 1326. Est-il performant ? ..................................................................... 1327. Est-il abordable ? ....................................................................... 1338. Est-il multifonctionnel ? ............................................................ 1349. Si tout le monde faisait comme moi, qu’arriverait-il ? ................ 135Le jeu des comparaisons ................................................................ 138Priorisez vos recherches ................................................................. 139

Conclusion .................................................................................. 141

Remerciements ........................................................................... 143

Notes ........................................................................................... 144

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG����� ����������������

Page 10: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

123

Chapitre 9

9 questions pour acheter moins idiot

Les « recettes » pour faire des choix écoresponsables sont nombreuses. Mal-heureusement, nous avons vu que, le plus souvent, elles peuvent nous jouer des tours. Nous avons aussi vu que l’information sur l’origine des produits et leur performance sociale et environnementale est, au mieux, incomplète, sinon tout simplement absente. Au cours des prochaines an-nées, la transparence radicale amènera les fabricants et les détaillants à fournir des informations de plus en plus précises à l’aide de l’analyse du cycle de vie des produits ou services, ou des étiquettes carbone. Enfin, il faut également revoir la notion même de prix pour prendre des décisions éclairées et éviter de se faire rouler.

Tout cela est encourageant. Cependant, la démarche peut devenir labo-rieuse, notamment pour les petits achats quotidiens. Ainsi, je vous propose, dans ce chapitre, une série de trucs et conseils développés au fil des ans pour aider à faire des choix plus écoresponsables. Vous verrez qu’ils sont souvent fondés sur la pensée du cycle de vie.

Voici 9 questions utiles qui vous aideront à découvrir si un produit ou un service répond aux critères de la consommation responsable.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 11: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

124

1. Quel est mon besoin ?

Pour identifier votre besoin, vous devez trouver la fonction du produit. Cela vous permettra de faire une meilleure comparaison des options qui s’offrent à vous. C’est également un bon moyen de découvrir si vous êtes victime de ce que j’ai appelé le « syndrome de l’exception » dans mon premier livre.

Le syndrome de l’exception est un cas classique d’un besoin mal défini. Par exemple, vous avez acheté un véhicule utilitaire sport (VUS) pour remor-quer votre roulotte jusqu’au terrain de camping. En réalité, vous n’avez besoin de cette puissance de remorquage que deux fois par année. Ainsi, 99 % de vos déplacements pourraient se faire avec une voiture de taille moyenne, qui consomme de 25 % à 35 % moins de carburant.

Plusieurs produits à usage (quasi) unique ont le même défaut. Par exem-ple, combien d’outils s’empoussièrent, depuis des années, dans votre ga-rage ? Le rouleau à gazon que vous avez acheté pour poser votre tourbe n’a été utile qu’une seule fois. Mesdames, ne riez pas : combien de paires de chaussures n’avez-vous portées qu’une ou deux fois ?

La spécialisation à outrance est un vrai fléau. En effet, il nous faut mainte-nant un cuissard aux propriétés antiseptiques et des chaussures à cale pour aller en vélo chercher du beurre au dépanneur. Quand j’étais jeune, je n’avais qu’un habit de neige pour passer l’hiver. Aujourd’hui, les enfants en ont un (parfois plus) pour l’école, un autre pour faire de la planche à neige, en plus d’un manteau plus habillé pour les sorties... Idem l’été : des lunettes de soleil foncées pour le plein soleil, d’autres plus grises pour ciel variable, une troi-sième paire dotée de verres plutôt clairs pour les matins brumeux, et une dernière paire aux couleurs violacées pour la sortie entre amis, le soir. J’exa-gère à peine !

Il faut donc apprendre à distinguer la fonction primaire (par exemple, se protéger du soleil) de la fonction secondaire (bien paraître) d’un produit et chercher à répondre à un maximum de situations avec un seul produit.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 12: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

125

2. Contribue-t-il aux 3RV ?

Une fois qu’on sait que le besoin est réel, il faut voir si on ne peut pas le contourner. Souvenez-vous : le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. C’est là la première règle des 3RV : réduire, réutiliser, recycler, valori-ser. À cet effet, il existe plusieurs moyens de réduire intelligemment sa quantité de déchets. Je trouve le cas de Sylvain et Chantal très inspirant.

Sylvain et Chantal sont des consommateurs engagés typiques. Mi-trentaine, deux filles de trois et cinq ans, ingénieurs, ils habitent à Montréal, et ce, dans un duplex (dont ils sont propriétaires), notamment parce qu’en faisant ce choix, ils contribuent à densifier l’occupation du territoire et à lutter contre l’étalement urbain. Cela leur permet aussi de n’avoir qu’une petite voiture, la plupart de leurs déplacements de proximité s’effectuant à pied, à vélo et en transport en commun.

Comme la majorité des consommateurs engagés, Sylvain et Chantal ont transformé leurs habitudes de consommation progressivement. D’ailleurs, l’arrivée de leurs enfants a contribué à leurs premiers questionnements en matière de consommation responsable : cette crème est-elle assez douce pour la peau de mon enfant ? Les biberons que nous avons achetés contien-nent-ils du bisphénol A (BPA) ? Ce jouet fait en Chine et acheté au magasin à 1 $ a une forte odeur de plastique : contient-il des phtalates ou, pire, du plomb ? Ainsi, assez vite, ils se sont aperçus que leurs enfants sont exposés à des milliers de produits potentiellement toxiques ou cancérigènes, s’atta-quant au développement du cerveau, des organes reproducteurs et au sys-tème endocrinien. Tout ce qu’ils mettent dans leur bouche est désormais inspecté par les nouveaux parents qu’ils sont, en particulier les aliments.

C’est ainsi que Sylvain et Chantal ont fait le choix du bio. Fruits, légumes, viandes, pizzas, lait, yogourt : toute nourriture qui entre dans la maison doit être issue de l’agriculture biologique. Mais comprenez-moi bien : ils ne sont pas des radicaux du bio. Devant leurs amis, rien ne transparaît. Si vous les recevez à dîner, ils ne vous imposeront pas leur orientation (ou

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 13: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

126

philosophie) alimentaire. Par exemple, ils ne se priveront pas d’un bon repas hot-dog-poutine-cheeseburger mangé sur le bord de la route, dans un Roi de la patate – même si ce « festin » contient des OGM, des gras trans et assez de gras et de sel pour achever un cardiaque.

Cela dit, un jour, Sylvain a découvert l’ACV. Il a fait des liens qu’il n’avait jamais faits auparavant. Entre autres choses, il a réalisé que, pour obtenir 1 kg de viande de bœuf biologique, il faut entre 6 et 15 kg de céréales (biologiques !). Il a aussi compris que la vraie efficacité vient de la réduc-tion à la source. « Si je peux remplacer un repas de viande par semaine par un repas végétarien, j’évite d’un coup tous les impacts en amont » a-t-il conclu. Il n’en fallait pas plus pour que Chantal et lui revoient leur menu hebdomadaire.

Cette décision peut paraître banale, mais elle est majeure. Sylvain et Chan-tal aiment la viande ; ils ne s’en cachent pas. Et ne leur parlez pas de deve-nir végétariens. Ils ont donc préféré adhérer à l’idée de Graham Hill, fon-dateur du portail Treehugger.com, qui prône le végétarisme à temps partiel. Le nom le dit : le but n’est pas d’éliminer toute la viande de son régime, mais d’en réduire la fréquence et la quantité18.

Depuis ce temps, la famille est passée de un à trois repas végétariens par semaine. Du fait que la viande biologique coûte cher, l’argent économisé en achetant plutôt de la viande non biologique leur permet de se payer des petites gâteries, comme un bon vin… bio. Sylvain et Chantal savent égale-ment que ce type de régime est mieux pour leur santé, pour la planète et pour l’avenir de leurs enfants.

Évidemment, on ne peut pas tout réduire à la source. C’est pourquoi vous devez vous informer de la manière dont les produits que vous consommez termineront leur vie. Par exemple, j’ai récemment acheté des draps certifiés équitables et biologiques de la marque fibrEthik. Le propriétaire, Marc-Henri Faure, avait remarqué que ses concurrents vendaient le plus souvent

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 14: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

127

leurs draps dans des sacs de plastique non réutilisables. Pour éviter un tel sort, il a fait d’une pierre deux coups en demandant à son fournisseur de coudre les retailles de tissu pour en faire des sacs qui serviront à transporter les draps. Marc-Henri a conçu le sac de manière à ce qu’il soit esthétique et pratique, avec des poignées, bien sûr. Une fois les draps « déballés », le sac en question peut servir de sac réutilisable pour les emplettes.

En somme, une règle claire s’impose : si vous ne pouvez pas mettre le pro-duit au recyclage, évitez le plus possible de l’acheter, de le consommer, bien que l’ACV ait fait la démonstration qu’il y avait des exceptions... Mais cela reste des exceptions.

3. Est-il fait pour durer ?

Stéphane et Jean-Pierre profitaient d’une bonne bière froide à la fin d’une belle journée chaude de juillet, passée en famille avec les enfants. Jean-Pierre a voulu rendre service à son hôte en allumant le barbecue alors que ce dernier allait chercher les boulettes et les saucisses à l’intérieur. Il a tourné les boutons jusqu’à ce qu’il entende le son typique du gaz propane qui s’échappe doucement. Il appuie ensuite sur le bouton rouge d’allu-mage. Rien. Puis une autre fois. Toujours rien. En l’apercevant, Stéphane lui dit : « Oublie ça, c’est le troisième barbecue que j’achète, et c’est tou-jours la première chose qui casse. On est capable d’envoyer des hommes dans l’espace, mais on n’est pas capable de faire des barbecues qui s’allu-ment. On dirait que les fabricants font exprès pour que le bouton d’allu-mage lâche, peu importe le prix que tu payes. C’est incroyable ! »

Si vous avez un barbecue, je suis sûr que vous avez déjà vécu la même chose que Stéphane. Je parie même que cela ne s’est pas limité au barbecue. Vous avez sûrement déjà eu un micro-ondes qui a brisé quelques mois après la fin de la garantie de deux ans. Ou un sèche-cheveux. Ou un ordinateur.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 15: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

128

Stéphane a bien raison quand il dit « on dirait que les fabricants font ex-près ». Cela a même un nom : l’obsolescence planifiée. Apparue à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’obsolescence planifiée obsède les desi-gners industriels dont le travail consiste à trouver la durée optimale à la-quelle les produits peuvent briser, mais sans que le consommateur perde confiance en la marque de ces produits.

Vous avez probablement déjà remarqué que les barbecues ont tous un trou sous la grille sur un des côtés. C’est par là que vous pouvez insérer une allumette pour allumer le barbecue lorsque le bouton rend l’âme. Les de-signers ont conçu ce petit trou parce qu’ils savaient que le bouton lâcherait avant les autres pièces. C’est aussi un moyen de vendre des briquets au long nez (qui ne durent jamais longtemps, eux non plus). Après un certain temps, cela devient un irritant suffisant pour que les consommateurs achè-tent un autre barbecue. Bref, encore une fois : produire, consommer, jeter.

De nos jours, la plupart des gens qui changent de réfrigérateur possèdent leur vieil engin depuis 20 ans, parfois plus. Lorsqu’ils passent à la caisse, ils se font dire que le nouveau réfrigérateur ne leur durera que 7 ans environ, ou 10 s’ils sont chanceux.

Acheter des vêtements est aussi devenu un problème. Vous pouvez trouver une camisole pour moins de 5 $, mais ne vous attendez pas à ce qu’elle résiste à plus de deux ou trois lavages. En effet, les bouloches sont insup-portables (ces petites boules de fibres qui se forment sur le vêtement à cause de l’usure). Et le prix payé pour le vêtement n’est pas toujours un indicateur de qualité.

Regardez les objets que vous avez à la maison. Dressez l’inventaire de ce que vous pourriez laisser à la génération suivante après votre mort. La première fois que j’ai fait cet exercice, il y a quelques années, j’ai découvert que tout ce que je pourrais « passer au suivant » avait d’abord appartenu à mes grands-parents. Bref, rien de ce que j’avais acheté ne durerait jusqu’à la fin de mes jours.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 16: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

129

La situation est aujourd’hui bien différente, car j’ai compris qu’il valait la peine d’investir dans des produits de qualité.

Pour son anniversaire, j’ai offert à ma conjointe, Kathy, un sèche-cheveux. Je sais ce qui vous vous dites, mesdames : on n’offre jamais à sa blonde un sèche-cheveux. On offre un magnifique collier, un forfait dans un SPA, un iPhone… pas un séchoir ! C’était aussi la réflexion de mon amoureuse. En voyant sa mine déconfite, j’ai cru bon de me justifier :

« Attends, ce n’est pas n’importe quel séchoir ! lui ai-je dit avec ferveur. C’est un Elchim 2001 ! Il est fabriqué en Italie, selon un procédé ISO ! Son matériel est solide et durable. Mon amour, tu vas pouvoir te sécher les cheveux pen-dant 10 000 heures, et il ne cassera jamais !

— Dix mille heures ! Méchant brushing ! » me répond ma blonde.

Je sens donc le besoin de vous expliquer mon choix douteux. Chez nous, les sèche-cheveux se succèdent quasiment au même rythme que les brosses à dents. Nous n’avons jamais voulu payer le prix pour en avoir un bon. Si bien qu’à coups de 15 $, 20 $ ou 30 $, nous avons bien dû dépenser plus en 10 ans que ce que vaut la Cadillac du sèche-cheveux que ma blonde a entre les mains. Mais je réalise bien que mon raisonnement ne devrait pas s’appliquer lorsqu’il est question d’un cadeau. Je flanche :

« OK, donne-le-moi, je vais le retourner...

— Non, non, je vais l’essayer juste pour voir », s’empresse de dire ma blonde.

Le lendemain matin, j’entends le fameux sèche-cheveux dans la salle de bain. Ou plutôt, je ne l’entends pas, puisque je n’avais jamais réalisé à quel point un séchoir à cheveux était bruyant avant d’entendre celui-là qui… ronronne. Bref, alors qu’elle sortait de la salle de bain après sa mise en plis, je n’ai eu aucun commentaire de la part de mon amoureuse.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 17: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

130

Néanmoins, après l’avoir vue l’utiliser deux ou trois fois, je lui dis que je suis résolu à retourner au magasin ledit sèche-cheveux.

« Je vais t’acheter un vrai cadeau, lui ai-je lancé, tout fier.

— Sais-tu, me répond-elle, je pense que je vais le garder. »

En effet, elle s’est aperçue que son Elchim 2001 plaçait mieux ses cheveux ! Elle ne sait pas pourquoi, mais l’important – et croyez-moi, pour une fille, ce n’est pas rien – est qu’elle venait de rompre avec une décennie de bad hair days. L’autre bonne nouvelle, c’est que ce sèche-cheveux offre une garantie de cinq ans et que, dans les salons de coiffure, ceux qui s’en ser-vent tous les jours le gardent en moyenne 10 ans. Aussi bien dire qu’au rythme auquel Kathy s’en sert, nous allons pouvoir le léguer à nos petits-enfants !

Si la qualité est primordiale, j’ai aussi compris que qualité ne doit pas ri-mer avec toxicité.

4. Est-il sain ?

Plusieurs des produits durables de nos grands-parents étaient faits avec des produits toxiques. Par exemple, certaines personnes conservent le vieux sa-pin de Noël en plastique de leur enfance. Cet effort est louable, surtout lorsqu’on sait que pour être plus avantageux qu’un sapin naturel sur le plan environnemental, un sapin artificiel doit servir pendant plus de 21 ans. C’est vrai pour un sapin fabriqué aujourd’hui, mais il y a 30 ans, le processus de fabrication du plastique autorisait encore la présence de plomb.

Vous savez maintenant qu’il est facile de tomber dans le panneau lorsqu’on cherche des matériaux sains, naturels et écologiques. Cependant, une vé-rité doit triompher : il faut éviter les substances toxiques qui ne se dégra-dent pas dans l’environnement.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 18: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

131

Bien sûr, ce n’est pas toujours possible. Un ordinateur ne peut pas être fait en peau de banane, du moins pas encore. Mais est-il normal qu’une chaise contienne des dizaines de composantes toxiques ? Non. Heureusement, d’autres chaises, non toxiques celles-là, existent.

Kathy et moi avons choisi, récemment, d’investir dans du mobilier de meilleure qualité. Pour réussir à payer la différence de prix avec les meu-bles bon marché, nous en avons acheté moins. Chaque décision est donc plus réfléchie. Pour éviter les effets de mode, nous favorisons les matériaux « nobles », comme le bois, le cuir.

C’est ainsi que nous avons remplacé la chaise haute de bébé en plastique Evenflow, trouvée dans une vente de garage, par une chaise en bois de la marque norvégienne Stokke. Solide et issue d’une forêt certifiée FSC, la chaise s’assemble très facilement et se nettoie comme un charme. Mieux, elle est multifonctionnelle, c’est-à-dire qu’elle s’adapte tout au long de la vie de l’enfant, pour finalement devenir une chaise d’adulte. Son look épuré et ses lignes originales en font une chaise qu’on a envie de mettre en valeur (on ne peut pas en dire autant des grosses chaises hautes en plasti-que). Son prix est évidemment le double, voire le triple d’une chaise bas de gamme, mais son prix de revente est excellent. Et tout le temps et l’énergie épargnés en nettoyage de la nourriture tombée dans les craques des chaises en plastique, cela vaut tout l’or du monde.

Un dernier commentaire sur la toxicité. Si vous êtes prêt à chercher un peu, tentez de voir si toute la chaîne de fabrication du produit est saine. En effet, du papier recyclé peut fort bien avoir été blanchi au chlore…

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 19: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

132

5. Est-il équitable ou local ?

Le concept de commerce équitable a beau gagner en popularité, il reste marginal, tant par la quantité vendue que par le nombre de produits qui sont certifiés. Il n’en demeure pas moins le meilleur moyen pour s’assurer de la qualité des conditions de travail et de rémunération des employés dans les pays du Sud.

Si la certification de produit équitable n’est pas disponible pour un pro-duit donné, cela ne veut pas dire qu’il faille éviter de l’acheter. À ce point-ci de votre questionnement, vous avez déjà déterminé que c’est un besoin réel. L’objectif de cette question est de prendre en compte les aspects so-ciaux. Comme nous l’avons vu avec la méthode de l’analyse sociale du cycle de vie, il y a de nombreux critères à considérer, et la perspective varie selon le point de vue des différentes personnes. Pour plusieurs, la question sociale est aussi un acte de solidarité, un geste politique, voire une ques-tion de survie pour l’économie locale.

Après tout ce que j’ai pu dire sur l’achat local, vous êtes peut-être étonné que cette question apparaisse ici. Elle est pourtant, selon moi, un critère essentiel d’un choix écoresponsable. En ce sens, un achat local est pour moi davan-tage un acte de solidarité qu’un indicateur de la performance environne-mentale. C’est pourquoi je préfère un produit fait au Québec ou au Canada qu’un produit fabriqué dans un rayon déterminé d’avance, comme 500 ki-lomètres de chez moi par exemple.

L’autre raison qui m’incite à favoriser un entrepreneur québécois, c’est l’accès plus facile à l’expertise et aux pièces de remplacement, et de même que des délais de livraison moins longs.

6. Est-il performant ?

Vous rappelez-vous la « boule magique » de maman Dion ? Cette boule de plastique est conçue pour remplacer le savon à lessive et peut servir pour 300 lavages. Jusqu’ici, on peut dire que c’est un produit assez écoresponsable.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 20: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

133

À preuve : elle répond à un besoin réel (la lessive), elle contribue à la réduction du gaspillage et de la pollution à la source, elle est faite pour durer 300 la-vages, puis elle est saine du fait qu’elle n’émet aucun déchet dans l’environne-ment durant l’étape d’utilisation. Toutefois, elle n’est ni locale ni équitable. De plus, elle n’a aucune efficacité, si ce n’est que par le frottement supplé-mentaire qu’elle crée entre les vêtements !

C’est là le problème de plusieurs produits écologiques. Par exemple, j’ai acheté une tondeuse à gazon manuelle, la meilleure sur le marché, selon les tests. J’ai eu beau tout essayer (couper l’herbe courte, haute, rapidement, lentement, etc.), elle ne coupe pas bien. Chaque fois, je dois la passer trois ou quatre fois dans tous les sens pour que ma pelouse ait l’air d’avoir été coupée. En réalité, elle a surtout été piétinée, et le travail est à refaire.

Voici deux autres exemples de la notion de performance dont il faut tenir compte. Il m’a fallu des années avant de trouver une solution de rechange à mon antisudorifique contenant de l’aluminium de zinc. Les produits « naturels » étaient peu efficaces contre la sueur et les odeurs. Bref, ils étaient plutôt inutiles... et chers ! Un autre exemple est le savon à vaisselle Seventh Generation. Je sais qu’il reçoit régulièrement de bonnes notes de la part de toutes sortes de groupes écologistes, mais, en ce qui me concerne, il ne passe pas le test. Pas du tout. Pourquoi ? Il en faut trois fois plus qu’un savon traditionnel pour avoir le même résultat... et encore !

Un produit écoresponsable n’a pas besoin d’avoir une étiquette verte. En revanche, il doit absolument être performant. Souvent, le seul moyen de le découvrir est de l’essayer. On peut toujours s’accommoder de ce passage obligé pour une simple bouteille de shampooing à 10 $, qui ne livre pas ses promesses, mais pas pour une tondeuse à 300 $.

7. Est-il abordable ?

De nombreux sondages montrent qu’une majorité de consommateurs sont prêts à payer plus cher pour un produit plus écoresponsable. Ils mentent.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 21: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

134

C’est du moins la leçon qu’a apprise Mountain Equipment Co-op (MEC) lorsqu’elle a décidé d’écouter ses membres qui réclamaient des vêtements fabriqués au Canada et qui se disaient prêts à payer plus cher. MEC a alors rapatrié la production d’un manteau fait en Chine. Le prix, vous l’aurez deviné, a augmenté de manière vertigineuse, passant de 300 $ à 420 $. Cette hausse s’explique aussi par une amélioration de la qualité des maté-riaux et de la confection. Résultat : les ventes ont chuté de 70 % ! L’année suivante, le manteau est retourné se faire fabriquer dans les usines d’Asie... et il s’est vendu à 320 $. La différence de 20 $ par rapport au prix antérieur s’explique par le fait que les designers ont conservé les matériaux de meilleure qualité.

Cette expérience a permis à MEC de comprendre qu’il y a une limite à ce que les gens sont prêts à débourser en plus pour un produit plus écologi-que, soit environ 10 % plus cher, et ce, à condition que ce produit s’adres-se aux consommateurs engagés ou écofashions.

Pour les produits de masse, la stratégie de Procter & Gamble est la meilleure. Selon son approche, un produit plus vert doit être au moins aussi perfor-mant et aussi abordable que le produit traditionnel. C’est aussi l’argument de Walmart, qui soutient qu’on n’améliorera pas le sort de la planète si les produits écoresponsables sont destinés uniquement aux plus riches.

8. Est-il multifonctionnel ?

Je vous le dis d’emblée, il faut faire attention à ce critère. Il m’est arrivé plus d’une fois d’acheter des produits multifonctionnels qui ont le vilain défaut de n’être vraiment bons pour aucune fonction. Le plus récent exem-ple en lice est le siège d’auto de mon fils. Censé être un trois-dans-un, ce siège était trop grand quand mon fils était petit, et il est maintenant trop petit depuis que fiston a grandi. De plus, il s’installe difficilement, s’ajuste encore moins facilement, et il est à peu près impossible de bien le nettoyer.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 22: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

135

Il s’agit pourtant d’un critère important lorsque votre enfant en est à l’ap-prentissage de la propreté et que la prochaine sortie n’est qu’à 15 km ! Quel mauvais achat !

Parfois, les produits multifonctionnels sont très avantageux. Le meilleur exemple est probablement l’iPad d’Apple. À mon sens, il remplace un agenda papier, un GPS, un Gameboy, des livres, des magazines, des jour-naux, une imprimante, un cadre photo numérique, un lecteur MP3, un lecteur DVD portable (et les DVD), un cahier de notes, voire un ordina-teur portable pour ceux qui en font un usage léger, soit la majorité d’entre nous. À preuve, ce livre a été écrit en bonne partie sur un iPad.

L’achat d’un bon produit multifonctionnel est avantageux, puisque le même objet sert à plusieurs fins. Imaginez l’immense pile que ferait l’em-pilage du plastique, des métaux, des alliages, du verre et des produits chimiques de tous les produits énumérés précédemment. Imaginez main-tenant qu’on y ajoute tous les matériaux contenus dans chacun des procé-dés de toutes les étapes du cycle de vie. Imaginez que vous achetez, chaque année, 5 livres, 300 journaux, 24 magazines, et que vous imprimez 3 000 pages. Pensez aussi à tous les matériaux, à l’énergie et à l’eau nécessaires pour produire, distribuer et jeter tout ça. Ça fait beaucoup…

Autrement dit, assurez-vous de choisir un produit multifonctionnel qui évite l’achat d’autres produits. Voilà, à son mieux, la réduction de gas-pillage et de pollution à la source.

9. Si tout le monde faisait comme moi, qu’arriverait-il ?

La toute première analyse du cycle de vie que j’ai réalisée, dans le cadre d’un cours à l’École polytechnique, visait à comparer l’utilisation de bio-diesel avec du diesel dans les autobus d’une municipalité fictive. Mon équipe et moi avions conclu, comme toutes les autres équipes de la classe, que le biodiesel était plus avantageux. Toutes les équipes, sauf une, faut-il préciser.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 23: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

136

L’ACV démontrait les avantages du biodiesel, notamment sur les change-ments climatiques. Toutefois, les analystes de cette équipe à contre-courant avaient calculé quelle superficie de territoire serait nécessaire pour faire pousser le maïs qui entre dans la production du biodiesel, si tous les véhicu-les diesel de la province étaient convertis au biocarburant. La réponse était extrêmement troublante : de la Montérégie à la Gaspésie, il faudrait couvrir toutes les terres agricoles de maïs destiné à « nourrir » des camions ! Pas très durable, pour le dire simplement.

Le cas était fictif. N’en tirez pas de conclusions autres que l’importance de se poser la question suivante : qu’arriverait-il si tout le monde faisait com-me moi ?

Emmanuel Cosgrove est responsable de la certification LEED for Homes. Il ne s’occupe que des maisons, et non pas des bâtiments commerciaux ou in-dustriels. Sa maison a été la première à être certifiée platine en Amérique du Nord, ce qui lui a valu le titre de « Maison la plus verte » à la une de la section « Mon toit » dans La Presse. Un jour, il m’a confié qu’il a certifié des maisons beaucoup plus écologiques que la sienne en termes de choix des matériaux et de technologies propres. Elles n’avaient cependant pas obtenu la prestigieuse certification platine parce qu’elles étaient toutes bâties en périphérie d’une ville, contribuant ainsi à l’étalement urbain et à l’utilisation de la voiture. L’autre situation qu’il rencontre souvent, ce sont les « ecoMcMansion » ou « écochâteaux », ces bâtiments gigantesques de 3 500 à 5 000 pieds carrés, destinés aux familles de 4 personnes. Ironiquement, les propriétaires de ces premières maisons LEED sont des environnementalistes qui veulent bien faire, mais si tous vivaient comme eux, ce ne serait pas durable.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 24: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

137

EXERCICE

Ces neuf questions peuvent vous servir à faire des choix plus écoresponsables. Pour qu’elles vous soient utiles en tout temps, mémorisez-les ou prenez-les en note. Vous pouvez aussi télé-charger un aide-mémoire que vous trouverez sur le site www.le-grandmensongevert.com

Il est temps, maintenant, de les mettre à l’épreuve. Pour cet exercice, pensez au prochain achat important que vous songez faire. Pas nécessairement un gros achat, juste un produit que vous envisagez acheter cette semaine. Vous l’avez trouvé ?

En pensant à ce produit, répondez aux 9 questions suivantes et voyez comment elles vous aident à savoir s’il s’agit d’un choix écoresponsable ou non.

Est-ce que le produit est :

1) un besoin réel (trouvez sa fonction) ?

2) conforme aux 3RV (pensez d’abord à réduire) ?

3) durable et de qualité ?

4) fait avec des matériaux sains (non toxiques) ?

5) équitable ou local ?

6) performant ?

7) abordable ?

8) multifonctionnel ?

9) Et enfin, qu’arriverait-il si tout le monde faisait comme moi ?

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 25: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

Le grand mensonge vert

138

Le jeu des comparaisons

Pour être vraiment utiles, ces neuf questions doivent être mises en contexte. C’est ici que les choses se corsent le plus souvent et que l’ACV devient utile. D’où la complémentarité de ces questions avec les étiquettes carbone et le Sustainability Index.

Par mise en contexte, j’entends le fait de comparer les produits. Encore une fois, la notion de fonction du produit est essentielle. Comme pour l’exemple du pot de peinture dans la section sur l’analyse des coûts du cycle de vie, il faut comparer des pommes avec des pommes.

Le jeu des comparaisons permet aussi de relativiser l’ampleur de la déci-sion que vous êtes sur le point de prendre. Par exemple, dans notre étude sur le sapin de Noël, notre conclusion n’était pas tout à fait celle que les médias ont titrée, c’est-à-dire que le sapin naturel est plus vert que le sapin artificiel. Ceux qui se sont donné la peine de lire la nouvelle jusqu’au bout ont découvert que la conclusion suggérait plutôt de choisir l’arbre qui vous convient le mieux, parce qu’il s’agit d’un débat futile si on le com-pare à d’autres gestes quotidiens.

En effet, nous avons calculé qu’en remplaçant 20 à 50 kilomètres de voi-ture par année au profit du covoiturage, du transport en commun ou, mieux encore, de la marche, vous compenseriez les émissions de GES as-sociées aux deux types d’arbres. Imaginez si vous le faisiez toute l’année !

Pas besoin de toujours faire des calculs d’ACV pour comparer des pro-duits. À preuve, un incident cocasse dont j’ai été témoin. Je vous décris la scène telle que je l’ai vue. La vieille dame fait la file derrière moi, à la caisse du supermarché. La jeune femme devant moi se fait demander par la cais-sière si elle veut un sac en plastique. Il se trouve qu’elle en veut un. La vieille dame lui lance alors, d’un ton accusateur : « Vous n’avez pas encore réalisé que vous polluez la planète avec vos sacs qui vont au dépotoir ? ! »

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 26: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

! ¯ 9 questions pour acheter moins idiot

139

Je me suis alors retourné pour vérifier si cette dame avait bien ses sacs réuti-lisables : elle les avait. Mais elle avait aussi dans son panier une bouteille d’eau. Cette bouteille contient probablement plus de plastique que des di-zaines de sacs en plastique ! Était-elle bien placée pour critiquer la cliente ? Qui est bien placé pour faire de genre de critique ?

Pour comparer rapidement, il existe plusieurs petits trucs que les analystes en ACV ont développés. L’un d’eux consiste à déterminer si le produit est actif ou passif. On dit d’un produit qu’il est actif s’il consomme de l’énergie ou des matériaux durant sa phase d’utilisation, comme une ampoule. Sou-vent, pour les produits actifs, l’étape qui génère le plus d’impacts est celle de l’utilisation. Attention ! Les vêtements, même s’ils ne se branchent pas, font partie de cette catégorie, puisqu’on doit les laver durant leur phase d’utilisa-tion, et que cela nécessite de l’eau, de l’énergie et du savon à lessive.

Un produit passif, à l’inverse, ne consomme pas d’énergie ou de matériaux durant sa vie utile, par exemple une chaise. Dans ce cas, la majorité des impacts se produisent en amont, soit à l’étape de production ou d’extrac-tion des ressources.

Une autre règle utile consiste à différencier les moyens de transporter les pro-duits que nous consommons. Voici ces moyens de transport dans l’ordre, soit du plus écologique au plus polluant : cargo, train, camion, avion. Vous trou-verez d’autres trucs et conseils sur le site : www.legrandmensongevert.com

Priorisez vos recherches

Vous et moi avons un rôle à jouer en tant que consommateurs. Soit. Mais il est utopique de croire qu’on peut évaluer chaque achat qu’on fait. D’ailleurs, ce n’est pas l’objectif de ce présent ouvrage. En fait, le but n’est pas d’être parfait – personne ne peut y arriver – mais plutôt d’être conscient. Ainsi, un moyen que je trouve intéressant pour décider où investir mes efforts de recherche est d’évaluer si le produit en vaut la peine. Pour cela, j’utilise trois catégories.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 27: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

140

Le grand mensonge vert

1. Les produits à fort impact unique sont ceux qui coûtent cher. On pense évidemment au choix d’une voiture, d’une maison ou d’un voyage.

2. Les produits à impact répété sont les produits abordables qu’on achète fréquemment. Cela peut inclure tout un éventail de produits de consommation courante, comme les produits de beauté, les produits ménagers et les denrées. On peut aussi y inclure un achat unique qui nécessitera des achats récurrents, comme une tondeuse (essence).

3. Les produits à faible impact sont ceux qui ne coûtent pas cher et qu’on achète rarement, par exemple du papier d’emballage ou des verres. Les services entrent dans cette catégorie.

Si un produit tombe dans la troisième catégorie, il ne mérite pas que je fasse des recherches. Au contraire, s’il entre dans la première catégorie, cela vaut la peine de faire des recherches et d’être exigeant. Sinon, pour les pro-duits qui tombent entre les deux catégories, je dirais que cela dépend de la fréquence et du produit.

Par ailleurs, si vous devez prioriser vos recherches, commencez par les pro-duits qui représentent la part la plus importante de votre budget annuel, même si le coût unitaire est faible. Vous payez peut-être votre café seule-ment 1,50 $, mais si vous en achetez deux par jour, c’est plus de 1 000 $ que vous dépensez en café par année.

Les produits de la deuxième catégorie ont cependant un avantage intéres-sant. Puisque ce sont des achats récurrents, notre réflexion sert à changer nos habitudes, ce qui nous évite de refaire l’exercice chaque fois. De la même manière, cette catégorisation peut vous aider à savoir si cela vaut la peine que vous communiquiez avec le fabricant pour lui faire part du changement que vous voudriez qu’il apporte au produit que vous aimez, avant d’opter pour celui d’une autre entreprise.

Je le répète, c’est fou ce qu’un seul appel peut faire pour lancer un fabri-cant dans une démarche de développement durable. Vous avez plus de pouvoir que vous ne le croyez. Faites-en bon usage.

*UDQG�PHQVRQJH�YHUW�LQGG������ ����������������

Page 28: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

9"ques'ons"pour"acheter"moins"idiot"

!Pour(commander(votre(copie(du(livre:(( !!

Le(grand(mensonge(vert:(un(guide(pour(acheter(moins(idiot(Editions(Transcontinental(2010%ISBN%:%9782894724538%!26,95%$%(format%papier)%20,95%$%(format%électronique)%!Cliquez%ici%pour%acheter%en%ligne%!!!!

Autres(ouvrages(de(JeanBSébastien(Trudel:(

� %%%%%%%%%%%� %!>>%Cliquez%ici%pour%en%savoir%plus% >>%Cliquez%ici%pour%en%savoir%plus

� "139

Page 29: (greenwashing) Le grand mensonge - Jean-Sebastien Trudeljeansebastientrudel.com/wp-content/uploads/2015/03/... · Trudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseils

V ous êtes abonné aux relevés électroniques et à la facturation en ligne ?Vous favorisez les produits biodégradables, quitte à payer plus cher ? Vousachetez du papier recyclé ? Vous rêvez d’habiter dans une maison certifiée

LEED ? C’est louable, mais hélas, bien des gestes dits verts ne contribuent pas à réduire les impacts sur l’environnement. Au contraire.

Dénonçant le maquillage vert (greenwashing) et les idées reçues, Le grand mensongevert ne fait pas seulement le ménage dans le bio-sans-phosphate-100%-écologique-certifié-naturel et autres écolabels. Il propose de réagir avec cir conspection aux diktatsenvironnementaux. À l’aide d’exemples tirés du quotidien, d’outils de mesure facilesà utiliser et de questionnaires révélateurs, ce guide vous fait revoir vos habitudes deconsommation. En augmentant votre « quotient écologique », il vous incite à désactiverle pilote automatique, à développer votre sens critique et à aiguiller vos achats etvos comportements dans le sens de vos valeurs.

26,95 $Rayons librairie Environnement, écologie, marketing

✒ Entrepreneur, chroniqueur etconférencier, Jean-SébastienTrudel est le fondateur d’ellipsos, firme d’experts-conseilsen développement durable. En 2007, il a publié aux ÉditionsTranscontinental Arrêtons depisser dans de l’eau embouteillée,lauréat du Prix du livre d’entre -

preneuriat France-Québec 2008 et de la Mentionspéciale développement durable du Prix du livre d’affaires du Québec 2008.

✒ Journaliste économique depuis1998, Kathy Noël a d’abord travaillé au journal Les Affairespuis au magazine Commerce, où elle a aussi été, de 2002 à2009, rédactrice en chef adjointe.

ISBN 978-2-89472-453-8

LE GRAND M

ENSON

GE VERTTRUDEL • NOËL

couv le grand mensonge_Layout 1 10-10-06 17:01 Page 1