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Gregrεcs -‐ Montée du néofascisme aux temps de la crise: le cas de la Grèce -‐ 1
Montée du néofascisme aux temps de la crise Le cas de la Grèce
Grenoble – 22 janvier 2013
Organisé par les Gregrεcs -‐ initiative des grec(que)s de Grenoble
http://gregrecs.wordpress.com/
Gregrεcs -‐ Montée du néofascisme aux temps de la crise: le cas de la Grèce -‐ 2
Qui sommes-‐nous?
Les Gregrecs est une nouvelle initiative des Grecs et Grecques de Grenoble.
Le groupe est indépendant des partis politiques et fonctionne de manière collective et horizontale
sans représentant. Notre objectif est l’information et sensibilisation des citoyens de la ville que
nous habitons sur les événements en Grèce qui touchent non seulement le pays, mais l’Europe
entière et qu’ils sont d’ailleurs souvent présentés de manière fragmentée dans les média. Par le
biais de soirées thématiques et de débats nous souhaitons partager une autre réalité qui ne passe
pas à la télé et encourager la solidarité internationale qui dépasse les frontières des pays.
Gregrεcs -‐ Montée du néofascisme aux temps de la crise: le cas de la Grèce -‐ 3
Introduction: La chronique de la crise
La crise commence après l'annonce en février 2010 du premier ministre (fraîchement élu en octobre 2009) d'une possible faillite imminente qui a eu comme résultat une vague de panique aux marchés financiers. Ceci a fait décoller les taux d'intérêt d'emprunt du pays auprès des marchés internationaux et a dégradé sa capacité de remboursement. La pression de la crise et l'oppression de l'Etat se faisaient déjà sentir dès décembre 2008 avec le soulèvement populaire qui a suivi l'assassinat d'un jeune de 15 ans par un policier au centre d'Athènes.
La réponse du gouvernement socialiste (PASOK) se résume déjà à des mesures d'austérité, des hausses de taxes et des impôts et des augmentations des prix, qui dégradent la qualité de vie. Par exemple le prix de l'essence en Grèce rattrape rapidement puis dépasse de 25% celui de la France. Les salaires et les retraites baissent dans un premier temps dans le secteur public, et après dans le secteur privé.
Les créanciers doutent de la capacité de la Grèce à rembourser ses dettes et par conséquent une nouvelle prise de mesures d'austérité s'effectue avec une nouvelle augmentation des taxes et diminution des salaires et des retraites. De nombreuses petites et moyennes entreprises ferment et le chômage augmente sans précédent. En mai 2010 le gouvernement emprunte auprès de la troïka (FMI, BCE, Commission Européenne) sous la condition d'une prise de mesures d'austérité plus sévères et la vente graduelle des biens publics. Cependant, malgré les mesures ou à cause d'elles, la dette augmente. L'impasse économique des citoyens a comme conséquence la hausse des suicides, la fuite de cerveaux et la baisse de l'activité économique. La nouvelle taxe sur les biens immobiliers, exagérément élevée, est incluse dans la facture d'électricité ; cette mesure prive beaucoup de foyers d'électricité.
G. Papandréou, annonce un référendum (octobre 2011), lequel il annule juste après et le gouvernement démissionne. Le nouveau gouvernement a été formé sans élections ; le nouveau premier ministre, L. Papadémos, est un technocrate, ex-‐vice président de la BCE et ex-‐Goldman Sachs. Les deux grands partis politiques (ND, centre-‐droit, et PASOK, centre au discours socialiste) et le parti parlementaire de l'extrême droite (LAOS) soutiennent le nouveau gouvernement. Son objectif est la stricte application des directives de la troïka. Les conventions collectives et les droits du travail sont supprimés. L'objectif de la troïka
semble évident : la dévaluation intérieure du pays.
Les grèves et de nombreuses manifestations populaires n'arrivent pas à changer la politique du gouvernement. En printemps 2011, le mouvement des indignés se renforce et le deuxième mémorandum est voté. En 2012, le chômage atteint le taux de 25%, l'activité économique baisse de 10% par rapport à 2011 et le SMIC baisse de 22%. Le SMIC aujourd'hui pour les jeunes diplômés est de 437 euros.
En 2012, deux élections consécutives ont lieu. Dans la nouvelle situation politique, les grands partis politiques n'arrivent pas à obtenir la majorité ; le nouveau gouvernement sous A. Samaras (ND) est donc une coalition des deux grands partis historiques ND et PASOK ainsi que du parti de gauche social-‐démocrate DIMAR. La coalition de gauche radicale, SYRIZA, recueille un taux de voix inattendu ; mais aussi le parti néonazi, l'Aube Dorée, recueille le taux inquiétant de 7% et devient un parti parlementaire. En novembre de la même année, le troisième mémorandum est voté selon une procédure d'urgence tout à fait inédite pour des mesures d'une
Previsions de IMF vs la realité
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telle ampleur et en parfaite violation des règles constitutionnelles du pays.
Les causes sociales du fascisme et l'action historique des régimes fascistes
Le fascisme est apparu historiquement dans des conditions de crise économique et sociale (chômage, faillite brusque de la classe moyenne, conflits sociaux) quand le pouvoir en place était incapable de traiter une telle situation.
Le système a du mal à satisfaire les attentes économiques des partenaires sociaux ; la position de la classe dominante est par conséquent précaire. Le système soutient idéologiquement et financièrement un conservatisme extrême, afin de maintenir le statu quo. Les institutions et la démocratie sont sacrifiées au profit de la conservation du pouvoir et de ses privilèges. En Italie, en Allemagne et en Espagne, l'émergence du fascisme coïncide avec la montée de mouvements populaires. Dans tous ces cas, le fascisme a servi les intérêts du pouvoir financier de manière totalitaire et autoritaire. Le fascisme n'a pas seulement recouru à la violence, mais a aussi essayé de désorienter la société par rapport aux causes de la crise, en mobilisant des « idéologies » comme le racisme, la xénophobie, le nationalisme et l'anticommunisme.
Des éléments historiques:
ITALIE 1919-‐1925 : − Constitution de gangs, les fasci di combattimento
(origine du mot fasciste), contre les syndicats de travailleurs et le mouvement ouvrier
− Financement de Mussolini par Pirelli, Fiat, Confidustria et l'Union Bancaire
− Entrée du Parti National Fasciste dans le Parlement par le biais d'une coalition (Bloc National) ; ouverture aux libéraux et au roi
− Soutien par l'armée et la police
A partir de l'année 1925 : − Gouvernement constitué uniquement par des
fascistes − Dans le parti participe surtout la classe moyenne
(75%) ; l'élite économique représente 10% ; les travailleurs représentent le 15%, malgré le fait qu'ils consistent en la moitié de la population du pays (45%)
− Baisse des salaires de 50 % (1927-‐1932) − Dissolution des syndicats, interdiction des grèves − Surveillance policière totale − Remplacement des syndicats de travailleurs par des syndicats contrôlés par le fascisme et reconnus
par Confidustria. Mussolini s'adressant à Confindustria : « Je vous assure que tant que je serai au pouvoir, les employeurs n'ont pas à avoir peur des tribunaux d'arbitrage de travail »1.
ALLEMAGNE 1918 : Echec d'une tentative de révolution socialiste, arrêt et exécution des responsables 1 Daniel Guérin, Fascisme et grand capital, 1936
Benito Mussolini visite FIAT (1932)
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1923 : Echec d'une tentative de coup d'état, organisé par Hitler, qui a été condamné à 5 ans d'emprisonnement
1930 : − Les Nazis représentent 18% − Les industriels et les grands éditeurs soutiennent les Nazis à cause
d'un prétendu coup d'état par la Gauche 1931 : Siemens souligne aux industriels américains que «l'objectif principal est la lutte contre le socialisme, et son aboutissement logique, le communisme » 1932-‐33 : − Hitler s'engage auprès des industriels et des hommes d'affaires
pour l'écrasement des communistes − Elections et recul du parti Nazi (perte de 34 sièges) − L'incendie du Reichstag (siège de Parlement allemand), 27 février
1933. Les communistes, qui sont accusés, sont persécutés et emprisonnés (y compris les députés)
− Gouvernement d'Hitler, le 5 mars 1933
1934 : La loi sur l'organisation nationale du travail : dans chaque usine un Führer (directeur) décide de tout au nom de ses suiveurs (travailleurs), qui jurent « foi et obéissance »
ESPAGNE Coup d'état raté par Franco et guerre civile de trois ans (1936-‐39) avec la victoire finale des Nationalistes contre les Démocrates, et établissement d'un régime fasciste.
Les fondements du fascisme en Grèce
La dictature du 4 août 1936 présente beaucoup de caractéristiques d'un régime fasciste. Elle mettait en scène un régime totalitaire prônant le culte de la personnalité et fondé sur la volonté de cette figure centrale. I. Metaxas copie les modèles du fascisme et proclame la création de la « 3e Civilisation Grecque », comparable à celle de la Grèce antique ou de Byzance. La lutte ouvrière est fortement réprimée, les opposants au régime sont chassés, les libertés démocratiques supprimées.
Au début de la Seconde Guerre Mondiale, les forces
italiennes demandent la soumission de la Grèce, et Metaxas, bien qu'il soit un défenseur du fascisme et qu'il exprime des sentiments amicaux envers l'Allemagne, refuse. Dans son journal intime il note que : « le NON (le refus), était un choix imposé » étant
Photo-‐montage humoristique de 1932
Ioannis Metaxas et le salut nazi
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donné que Hitler lui avait clairement fait savoir que l'alliance de la Grèce avec les forces de l'Axe voudrait dire l'annexion de l'Épire jusqu'à Prévéza (nord-‐ouest de la Grèce) à l'Italie, et celle de la Macédoine de l'Est (nord de la Grèce) à la Bulgarie. Plus loin, il dit : « … la Grèce ne saurait en aucun cas se retrouver dans un camp adverse à celui de l'Angleterre ». Son refus est dû à la corrélation entre les intérêts de la classe dominante grecque et ceux de l'Angleterre. La Grèce résiste avec succès à l'invasion par l'Italie, mais finalement est battue par les forces de l'Italie et de l'Allemagne réunies. L'occupation allemande en Grèce ravive la création d'organisations fascistes et la tentative de diffuser l'idéologie fasciste. Différentes organisations à l'idéologie ouvertement nazie se créent, qui cependant restent assez marginales, sans le soutien du peuple. Toutefois, l'action des Bataillons de Sécurité fut considérable : il s'agit de Grecs collaborateurs qui commettaient des crimes pour entraver la résistance et l'influence croissante sur le peuple du Front de libération nationale (EAM) et de l'Armée populaire de libération nationale (ELAS).
Le sentiment anticommuniste nationaliste présent pendant la guerre civile (1944-‐1949) ne crée pas de conditions propices à l'expansion du fascisme. Les Bataillons de Sécurité sont récompensés pour leur contribution contre l'EAM par des postes-‐clés dans la police ou l'armée, ou par des biens fonciers. Après la guerre civile, les délateurs et trafiquants s'intègrent dans la petite bourgeoisie et ne poursuivent pas l'action fasciste. Enfin, le discours des partis politiques après la guerre civile exprimait de façon intense le même sentiment anticommuniste, et donc un grand nombre de fascistes se sentait déjà en partie représenté au parlement.
Cependant il y a eu certaines recrudescences du fascisme, notamment l'arrestation et l'exécution du membre du Parti Communiste Grec – qui était à l'époque illégal – Nikos Beloyannis, « L'Homme à l'Œillet », qui fut instigué et conduit par l'organisation paramilitaire secrète de généraux nationalistes « Lien Sacré des Généraux Grecs » (IDEA). Malgré le fait que sa condamnation ait suscité de nombreuses réactions à l'échelle européenne2, celles-‐ci n'ont donc pas pu prendre une forme plus concrète et Beloyannis est rapidement exécuté avec trois de ses camarades le 30 mars 1952.
Lors des élections de 1958, le parti de gauche EDA est élevé en parti d'opposition et affole les centres de pouvoir grecs. De nouvelles organisations fascistes voient le jour ; elles sont actives pendant les élections violentes et truquées de 1961, avec comme point culminant l'assassinat du parlementaire Grigoris Lambrakis3. À partir de ce moment, le fascisme grec connaît une baisse. En 1964, le gouvernement de G. Papandréou4 dissout les organisations fascistes.
Après une période instable, la dictature des colonels (Junte militaire) est instituée en 1967 suite à un coup d'état. Ses objectifs étaient le retour à une monarchie parlementaire avec des libertés restreintes, un État puissant avec l'Armée pour garant, la restauration de l'idéal greco-‐chrétien et la répression du communisme, ainsi que des grèves et des combats menés par le peuple qui lui sont associés.
2 Dont le support d'importants intellectuels français (Jean-‐Paul Sartre, Paul Eluard, Jean Cocteau), de Pablo Picasso, qui en a fait le
portrait, de Nazim Hikmet, de Charlie Chaplin, du général de Gaulle et de plusieurs personnalités de la vie politique français ainsi que 159 députés des deux grands partis de la Grande Bretagne
3 Voir le film « Z » de Costa-‐Gavras, basé sur le livre du même titre de Vassilis Vassilikos, qui recrée les évènements 4 Il s'agit du grand-‐père du G. Papandréou premier ministre de 2009-‐2011
Affiche française pour Nikos Beloyannis
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D'autre part, les pratiques de la Junte rappelle fortement celles d'un régime fasciste. Censure, interdiction des rassemblements, dissolution de toute forme de syndicalisme, persécution des opposants, contrôle total des médias, discours nationaliste, rhétorique expansionniste (surtout en ce qui concerne l'annexion de l'Épire du Nord), création « d'idoles démontrant la puissance de la nation grecque », etc...
La fragilité de l'édifice qu'a créé la Junte se voit de façon claire lorsque les étudiants occupent l'Ecole Polytechnique d'Athènes en novembre 1973 réclamant principalement des élections étudiantes libres, ce qui s'est ensuite transformé en l'exigence du démantèlement complet de la Junte. Le soulèvement est violemment réprimé par la police et l'armée. Le 17 Novembre, date où les chars ont pénétré dans l'Ecole Polytechnique alors occupée par les étudiants, est une date cruciale pour l'antifascisme et l'anti-‐impérialiste grec ; il est célébré chaque année. En 1974, la Junte tombe suite aux événements de Chypre : ingérence de la Junte dans la politique interne de Chypre, invasion militaire turque de l'île puis occupation de presque la moitié de l'île.
Suite à la chute d'une dictature directement responsable d'une telle tragédie au niveau national, il est logique que l'influence de l'extrême Droite sur la société ne soit pas forte. Le fascisme de la période 1974-‐1981 s'exprime à travers l'action ponctuelle de certaines organisations parmi lesquelles « Nea Taksi » (Nouvel Ordre), qui est liée à l'organisation italienne « Ordine Nuovo », ainsi qu'avec des ex-‐membres de l' « Ordre Nouveau »
(France ; ancêtre du Front National), qui poignardent des membres d'organisations de gauche et commettent des attentats dans les bureaux du Parti Communiste Grec. En 1984, l'ancien dictateur incarcéré Papadopoulos tente de constituer une organisation fasciste. En prison, il créée l' « Union Politique Nationale » (EPEN), dont le premier leader était N. Mihaloliakos, président actuel de l'Aube Dorée. Son successeur dans l'EPEN fut M. Voridis, lequel rejoint ensuite le LAOS (parti d'extrême droite) en tant que député5 ; il est aujourd'hui député de la Nouvelle Démocratie (ND).
Les années PASOK – parti centriste au discours socialiste – de 1981 à 1989, ont poussé encore plus à droite le parti de la Nouvelle Démocratie, donnant pied à l'expression d'opinions d'extrême droite, surtout pour ce qui est de la Jeunesse de la Nouvelle Démocratie (ONNED). Des groupes d'hommes de main aux noms tels que « Centaures » ou « Rangers » voient le jour, dont les méthodes relèvent de l'état dans l'état et ayant pour but la répression des luttes sociales. Dans ce contexte, lors de la mobilisation collégienne et lycéenne de 1991, le professeur militant Nikos Temboneras est assassiné par les groupes d'attaque de l'ONNED, dont en particulier Ioannis Kalambokas, conseiller municipal de la ND à Patras et président de l'ONNED régionale.
Ces faits mènent à l'époque d'aujourd'hui, où le fascisme en Grèce se fait une place dans la société en profitant de l'incapacité du système politique existant à proposer des solutions concrètes à un ensemble de problèmes sociaux tels que l'insécurité, la pauvreté, l'immigration ou la corruption.
5 Il a aussi été ministre avec le LAOS sous le gouvernement non élu de L. Papadémos (2011-‐2012)
Des étudiants et des ouvriers dehors l’ecole Polytechnique (1973)
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L'action de l'Aube Dorée en Grèce
L'Aube Dorée (ΧΡΥΣΗ ΑΥΓΗ) constitue un Etat dans l'Etat. Son activité, dès sa fondation en 1987, est caractérisée par des attaques violentes contre les immigrants, les gens de gauche, les homosexuels et les antiautoritaires. Précédemment, ces attaques étaient soit sous la forme d'attaques organisées pendant des manifestations contre des lieux sociaux, soit sous la forme d'attaques ciblées à des plus petits groupes ou des individus.
L'Aube Dorée a eu le même modèle d'organisation que toutes les organisations néo-‐fascistes à travers le monde, avec le recrutement de membres dans des gymnases ou clubs sportifs et chez les jeunes, et flirtant en même temps avec le système parlementaire, cachée derrière d'autres partis politiques comme le parti de l'Alarme Populaire Orthodoxe (LAOS, parti d'extrême droite), le parti de la Nouvelle Démocratie (ND, parti de centre droite traditionnel). Ces partis partagent certaines mêmes idées et politiciens et expriment des idées plus ou moins racistes, nationalistes et sexistes selon les circonstances politiques et sociales qui les arrangent. La présence de l'Aube Dorée était plus visible aux moments des flambées du nationalisme au niveau national, comme c'était le cas dans l'affaire du nom de l'Etat de Macédoine, des îlots de la mer Egée (convoités par la Turquie), ou au niveau local, par exemple l'attaque au poignard d'un étudiant grec par un étudiant albanais.
Jusqu'en 2004 l'Aube Dorée s'exprimait politiquement à travers le parti de LAOS. En 2004, le LAOS décide de se lancer dans la lignée d'une politique d'extrême droite « européanisée » (de type Front National) et désavoue, du moins officiellement, ses relations avec l'Aube Dorée et autres nazis. En 2005 l'Aube Dorée arrête son activité provisoirement jusqu'en 2007 et soutient le partie de l'Alliance Patriotique (partie d'extrême droite), lequel annonce sa dissolution en 2007. En 2009 l'Aube Dorée participe aux élections pour la première fois et obtient un petit pourcentage dans les élections européennes et législatives.
Les fascistes ont commencé leur récente action dans le quartier d'Agios Panteleïmonas à la fin de 2008 et
son élargissement vers d'autres quartiers. Pour la première fois, l'Aube Dorée essaye d'une façon plus organisée d'attirer la société locale en utilisant comme cheval de Troie la criminalité attribuée aux immigrants afin d'entrer dans un quartier. Elle chasse les immigrants des places centrales, elle fait des patrouilles les soirs, elle attaque les magasins des immigrants et elle tisse parfois un réseau avec les grecs propriétaires de magasins ; les habitants qui s'opposent à son action sont ciblés et menacés. La police soutient l'Aube Dorée pendant les manifestations antifascistes. Parallèlement, les médias présentent des problèmes géants attribués aux immigrants au centre d'Athènes et proposent des solutions depuis les plus fascistes jusqu'au plus humaines. Les résultats de l'action de l'Aube Dorée dans le quartier d'Agios Panteleïmonas ont un impact aussi aux élections municipales, où l'Aube Dorée recueille dans cet arrondissement un taux de votes très élevé.
En mai 2012 sans avoir un programme politique ou social, l'Aube Dorée recueille 7% des votes dans les élections législatives. Elle recueille le même taux dans les élections consécutives de juin 2012 après la forte influence des médias et la sensation qu'il n'y a pas de voie de sortie de la crise pende l'entre-‐deux élections. Elle essaie d'attirer du monde en utilisant un discours largement populiste et nationaliste et en cultivant la haine et la peur. Elle se dit s'opposer au mémorandum et au système politique corrompu et elle propose
Le magazine de l'Aube Dorée
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comme solution la création de groupes patriotiques et la chasse des immigrants.
Bien que la plupart des partis politiques d'extrême droite européens commencent à utiliser un discours moins violent dès qu'ils rentrent au parlement, l'Aube Dorée continue à attaquer – dans les paroles et les actes – les deux partis parlementaires de gauche, les communistes et les anarchistes. Elle continue – et le promeut – aussi les attaques contre les immigrés, les homosexuels et les événements culturels qui, selon eux, insultent les mœurs chrétiens.
L'Aube Dorée a désormais étalé son action dans plusieurs quartiers athéniens et dans d'autres villes. Aujourd'hui elle est en train d'ouvrir des bureaux à l'étranger (Nuremberg en Allemagne, janvier 2013). Elle possède 41 bureaux dans toute la Grèce, lesquels elle ouvre malgré les réactions des habitants, ou parfois faute de réactions.
Les opérations de la police contre les immigrants et les centres de détention qui se multiplient ne rassurent pas les sentiments de peur et de xénophobie cultivés par le gouvernement et les médias. L'Aube Dorée assume avec fierté des actions criminelles lesquelles au passé elle essayait de dissimuler. La police, à part son comportement passif, soutient parfois l'Aube Dorée en arrêtant ses victimes suite à un passage à tabac d'immigrés ou d'antifascistes.
Elle profite de l'effondrement de l'Etat social pour organiser des actions à caractère social (repas de solidarité, bazar de vêtements et jouets pour les défavorisés) : dénudées de leur origine politique et sociale et habillées avec une idéologie nationaliste et raciste, elles sont présentées par l'Aube Dorée comme des actions de solidarité auprès de la classe moyenne, des travailleurs et des chômeurs grecs. Simultanément, ils organisent des évènements de diffusion de leurs idées sur des différents groupes sociaux : femmes – qu'ils envisagent comme l'outil reproducteur de la race aryenne – malades mentaux, toxicomanes ou groupes nécessitant d'assistance – dont ils envisagent l'élimination.
L'Aube Dorée déclare qu'elle est un parti contre le système, bien qu'elle bénéficie de la protection de la police, du système judiciaire et du gouvernement. Son action commence là où l'action de la police s'arrête et plusieurs fois elle met en pratique certaines paroles du gouvernement. Elle se présente solidaire aux travailleurs grecs et aux grèves populaires mais en même temps elle distingue les travailleurs grecs des travailleurs étrangers en essayant de dissoudre la classe ouvrière. Les vraies intentions de l'Aube Dorée peuvent être trouvées dans la création des agences de recherche d'emploi destinées exclusivement aux grecs. Ces agences fournissent aux employeurs du personnel sans droits, sans sécurité ou convention collective. La position rassurante du gouvernement après la révélation de l'existence de ces agences a permit à l'Aube Dorée d'ouvrir un réseau d'agences de ce type dans toute la Grèce, intitulé « Conseil des agences de recherche de travail pour les grecs en difficulté ».
L'Aube Dorée est parrainée par des acteurs économiques puissants et non pas par la classe populaire. Sans qu'on puisse tracer de lien direct, ses relations avec les armateurs se sont révélé après qu'elle a voté contre la loi pour l'imposition des armateurs.
Le fascisme fait toujours surface lorsque les défenses de l'individu dans la société étaient réduites. Le fascisme vient offrir un moyen d'expression à la misère et un « idéal » à ceux qui se sentent isolés et cherchent où
N. Mihaloliakos et le salut nazi
Gregrεcs -‐ Montée du néofascisme aux temps de la crise: le cas de la Grèce -‐ 10
s'engager. Il se cache derrière le masque d'une « idée » qui peut paraître révolutionnaire, mais qui à la manière d'un serpent change sans arrêt de peau afin de mieux se fondre dans le nouveau contexte et compenser ses propres défauts. C'est une « idée » qui mène à des sauvageries, dont non seulement l'humanité n'a pas réussi à se défaire, mais qui a été systématiquement utilisée pour défendre les grandes intérêts économiques (comme l'a fait Hitler, et comme le fait l'Aube Dorée). C'est une « idée » qu'il faut combattre.
Mouvements antifascistes en Grèce aujourd'hui
Le néofascisme voit le jour pendant les décennies qui suivent la deuxième guerre mondiale. Avec la montée de ce phénomène, de nombreuses réactions et mouvement antifascistes sont nés. La réponse contre le fascisme s'organise sous deux formes : la réponse institutionnelle et les mouvements antifascistes fondés par des groupes pour servir à ce but.
Au niveau institutionnel, il s'agit d'un débat européen autour de la délégalisation des partis et des organisations d'extrême droite. Les opinions des pays européens sur l'efficacité d'une interdiction possible de ces partis sont partagées. L'Allemagne et l'Autriche ont interdit la création de tels partis et organisations. Au contraire, en Angleterre et en Norvège l'Etat n'est jamais intervenu dans de tels sujets. La France a interdit quelques groupes et organisations d'extrême droite (Ordre Nouveau, 1973) mais non pas de partis.
Au niveau des mouvements antifascistes non-‐institutionnels, on peut trouver deux exemples assez réussis. La « Ligue Anti-‐Néonazie » pendant les années 1970 en Angleterre a commence par un petit groupe de personnes et en deux ans se composait de 250 sous-‐organisations et de 40 000 membres. Une initiative plus récente est « Dresde sans nazis » qui a été crée pour faire barrière contre des manifestations des nazis d'une fréquence inquiétante. En 2012, cette initiative a organisé une de plus grandes manifestations antifascistes en Europe.
En Grèce aujourd'hui, après la forte hausse de l'Aube Dorée dans les deux dernières élections, un débat important autour de cette réalité et ses conséquences a démarré dans toute la société grecque – et pas seulement: dans le monde politique, les médias, les ONG, diverses collectivités et des citoyens – un débat intégrant plusieurs points de vue et analyses différentes sur le sujet. En général, nous pouvons observer que les partis politiques conservateurs désapprouvent l'Aube Dorée et ses pratiques – tout en incluant en même temps dans leur rhétorique les opinions du parti néo-‐nazi6 – alors qu'ils hésitent de prendre des initiatives importantes pour la combattre7. D'autre part, les partis de gauche ainsi que diverses collectivités et organisations progressistes sont fortement préoccupées par ce phénomène et essaient d'agir pour l'arrêter. Dans ce cadre, il y a un débat important sur la façon de lutter contre ce phénomène ; les opinions varient entre un traitement institutionnel et législatif et des actions plus radicales. Le sujet de la délégitimisation de l'Aube Dorée a été posé, mais cette option ne semble pas être fortement supportée car dans la phase
6 La déclaration du premier Ministre A. Samaras sur une émission télévision directe est caractéristique : « La Grèce est pleine
d'immigrés et les grecs n'arrivent pas à obtenir une place dans l'école maternelle. Cela doit arrêter. Il y a des choses qui me gênent comme vous. Mais pour certaines choses, il faut qu'on arrête le « blabla simpliste » du racisme ». Cependant, les chiffres officiels contredisent les paroles du Premier Ministre: le 96% des enfants sélectionnés sont d'origine grecque. La déclaration est en plus contradictoire avec la loi de l'Etat qui prévoit que les autorités locales assurent l'accès de tous les citoyens aux écoles maternelles, indépendamment de leur origine, religion, sexe, langue, ethnie ou groupe social auquel ils appartiennent.
7 Par exemple l'opération de police « Xenios Zeus » (« Zeus hospitalier », un euphémisme) et la manière avec laquelle elle a été présentée par les médias, la création immédiate de « centres d'accueil / hébergement des immigrés », le fonctionnement général de la police et la manière avec laquelle elle est étouffée (le Ministre de la Justice, avant l'examen concernant les accusations de torture par la police publiées dans le journal « The Guardian », a démenti et a déclaré qu'il poursuivrait le journal).
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actuelle, avec les niveaux élevés de l'Aube Dorée dans les sondages et le discrédit général des institutions politiques et étatiques, elle mènerait à des résultats totalement à l'opposé.
Surtout à Athènes – mais dans d'autres villes aussi – l'Aube Dorée pénètre dans divers quartiers avec une « logique de mafia » afin de les mettre sous son contrôle. La réponse est d'essayer de minimiser la présence des fascistes ; cette dernière année il y a principalement eu deux initiatives qui rentrent dans cette logique d'action, l' « Initiative Contre le Fascisme et la Violence Raciste » (banlieues de Kallithea, Moschato et Nea Smyrni) et le « Mouvement Contre le Racisme et la Menace Fasciste » (banlieue de Nikaia).
Le Mouvement de Nikaia a été initié par des immigrés, suite à une augmentation importante des attaques contre eux dans la région, en particulier avant les élections, alors qu'au même temps l'Aube Dorée inaugurait ses bureaux dans cette banlieue. Le discours s'est graduellement ouvert à d'autres groupes. Le 25 juin une réunion ouverte a été réalisée impliquant des immigrés, des conseillers municipaux, des syndicats du quartier, le maire et des organisations antiracistes. Même si le maire est resté neutre, une manifestation a été réalisée et a eu un grand écho. Cependant, les attaques contre les immigrés se poursuivent dans la région. Le cas de la banlieue de Peristeri est aussi remarquable. En 2011, les membres de l'Aube Dorée ont réalisé une expédition massive. En réponse, un grand rassemblement anti-‐fasciste a été réalisé pendant lequel les fascistes ont été chassés massivement et étaient finalement obligés de quitter le quartier8.
Dans plusieurs autres régions, surtout au centre, sont réalisées des réunions ouvertes, des débats, des réunions de quartier, ainsi que des manifestations antiracistes. Les axes principaux de l'action anti-‐fasciste se résument en « propagande – action collective – bataille dans la rue / autodéfense »9. En particulier, l'action collective est mise en avant par la plupart des gens, dans le sens de la nécessité de former un front commun pour lutter contre cette grave menace. Au-‐delà, d'autres points de vue assez variés sont aussi exprimés ; par exemple l'opinion modérée que « la police doit faire son devoir » à la plus radicale de « bruler les bureaux des fascistes ».
8 Dans ce cas, il est dit qu'un membre de l'Aube Dorée a été poignardé 9 On trouve les trois axes dans le livre de Colin Sparks « Never Again », qui a été tiré par le Mouvement de Nikaia et présente trois
exemples historiques de la lutte antifasciste : un qui n'avait pas de succès (Espange '36) et deux victoires (Grande Bretagne, années '30 & '80).
“ NON au fasicsme / NON à la repression ” (manifestation 2012)
Gregrεcs -‐ Montée du néofascisme aux temps de la crise: le cas de la Grèce -‐ 12
La liste de discours similaires, à Athènes mais aussi dans d'autres villes grecques, est assez longue. Presque tous les jours, quelque part en Grèce, une discussion similaire d'une échelle plus ou moins large se déroule.
Dans la suite, quelques actions antifascistes indicatives de 2012 :
– 19 septembre : Conférence sur l'Aube Dorée et la violence raciste « Face au néofascisme aujourd'hui (organisée par le journal de gauche « Avgi » et le magazine « Unfollow »)
– 29-‐30 septembre : Sixième Festival Antiraciste au mont Kolonos, organisation de l'Ecole du Dimanche des Immigrants et du mouvement « Expulsez le Racisme », avec de nombreuses discussions et manifestations artistiques
– 19 octobre : Conférence ouverte du Mouvement Antiautoritaire d'Athènes, au local social libre « Nosotros » : « Violence métropolitaine et phénomène néonazi : Structures sociales et politiques d'aujourd'hui pour la création d'un chemin antifasciste »
– 31 octobre – 4 novembre : Conférence à l'Ecole du Droit d'Athènes : « Néofascisme en Grèce et en Allemagne : différences, similitudes, analyse et échange d'expériences ».
– 4 novembre : organisation d'un concert anti-‐fasciste au stade du Sporting visant à amasser des fonds pour les 15 anti-‐fascistes arrêtés et torturés par la police pour avoir participé à une manifestation anti-‐fasciste motorisée (le 30 septembre). La participation a dépassé toutes les attentes des organisateurs (8000 personnes) et les fonds réunis ont été particulièrement importants. En outre, le concert a été considéré comme la manifestation anti-‐fasciste la plus massive depuis l'ouverture de la question du fascisme en Grèce.
Dans le cadre des actions anti-‐fascistes, il faut mettre aussi l'accent sur la participation dynamique des groupes appartenant à la gauche mais surtout des anarchistes, qui visitent les quartiers où les attaques des néo-‐nazis sont nombreuses afin de défendre les victimes. De plus, ils font souvent des manifestations dans les quartiers pour empêcher les fascistes d'agir et de s'installer.
Les actions de l'Aube Dorée sont généralement et publiquement condamnées par diverses groupes sociaux. Par exemple, la campagne en faveur du « don de sang seulement pour les grecs » a été condamnée par tous les syndicats et les associations médicales, qui ont demandé son annulation et ont incité les médecins à refuser toute implication10.
Enfin, l'Aube Dorée a souvent été jugée indésirable dans diverses régions, à l'intérieur et en dehors de la Grèce, et a été entravée dans ses efforts visant à créer des annexes ou effectuer des actions.
10 Cependant, il n'y a eu aucune interdiction officielle car le ministère de Santé a déclaré que la responsabilité pour la gestion du
sang appartient exclusivement au service public et non pas aux donneurs de sang, et qu'aucune discrimination est possible.