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1 ECOLE DE SAGES-FEMMES BESANCON GROSSESSE ET TABAC GROSSESSE ET TABAC GROSSESSE ET TABAC GROSSESSE ET TABAC : : : : LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS ET DANS LE POST ET DANS LE POST ET DANS LE POST ET DANS LE POST-PARTUM. PARTUM. PARTUM. PARTUM. ETUDIANTE SAGE-FEMME 1 ère ANNEE ANNEE 2005-2006

Grossesse et tabac - sbc4e62e3dea13241.jimcontent.com · Il en résulte alors une hypoxie chronique mal compensée par le fœtus. - L’exposition à des taux de HbCO plus élevés

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ECOLE DE SAGES-FEMMES BESANCON

GROSSESSE ET TABACGROSSESSE ET TABACGROSSESSE ET TABACGROSSESSE ET TABAC : : : :

LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR LES CONSEQUENCES SUR

L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE, L’EVOLUTION DE LA GROSSESSE,

LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS LES REPERCUSSIONS SUR LE FŒTUS

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ETUDIANTE SAGE-FEMME 1ère ANNEE

ANNEE 2005-2006

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SOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRE

• Liste des abréviations.

• Introduction. A. Les composants du tabac.

1. La nicotine. 2. Le monoxyde de carbone (CO). 3. Les métaux lourds comme le cadmium. 4. Les acides cyanhydriques. 5. Les irritants et composés organiques volatiles. 6. Les substances cancérigènes et autres…

B. Les conséquences du tabagisme sur l’évolution de la grossesse.

1. Altération de la fertilité. 2. Les grossesses extra-utérines (GEU). 3. Les avortements spontanés. 4. Les complications gravidiques. 5. Risque de rupture prématurée des membranes (RPM). 6. Risque d’accouchement prématuré.

C. Les conséquences du tabagisme sur le fœtus. 1. Le développement fœtal . 2. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU). 3. La mort fœtale in-utero (MFIU). 4. Les conséquences fœtales du tabagisme sur les modes d’accouchement et le risque de

souffrance fœtale per-partum. D. Tabagisme et post-partum :les retentissements su r le nouveau-né et le

jeune enfant . 1. Tabagisme et allaitement maternel. 2. Mort subite du nourrisson (MSN) . 3. Pathologies respiratoires et Oto-Rhino-Laryngées (ORL) . 4. Risque de cancérogenèse. 5. Les autres risques .

E. Les conséquences du tabagisme passif maternel.

• Conclusion. • Annexes. • Bibliographie.

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LISTE DES ABREVIATIONS

CO: Monoxyde de Carbone. DEP: Débit Expiratoire de Pointe. EPO: Erythropoïétine. FCS: Fausse Couche Spontanée GEU: Grossesse Extra-Utérine. Hb: Hémoglobine. HbCO: Carboxyhémoglobine. HRP: Hématome Rétro Placentaire. HTA: Hypertension artérielle. MSN: Mort Subite du Nourrisson. MFIU: Mort Fœtale In Utero. ORL: Oto-Rhino-Laryngée. PAF: Platelet Activating Factor. PMA: Procréation Médicalement Assistée. RCF: Rythme Cardiaque Fœtal RCIU: Retard de Croissance Intra- Utérin. RPM : Rupture Prématurée des Membranes. SA : Semaine d’Aménorrhée. VEMS : Volume Expiratoire Maximum par Seconde.

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Introduction Le tabac reste, avant tout, un problème de santé publique : il est responsable, chaque année dans le monde, de 3,5 millions de décès et de 60 à 80000 en France. Ces dernières années ont été marquées par une augmentation très nette de la consommation tabagique de la femme. En effet, depuis les années 1970, le tabac se répand dans tous les milieux féminins comme le résultat d’une émancipation des femmes, il représente l’égalité des sexes…mais à quel prix ?

Evolution du tabagisme chez la femme en France, avant et pendant la grossesse :

Evolution du tabagisme 1972 1981 1995 Avant la grossesse 17% 27% 39%

Pendant la grossesse 10% 14,8% 25,1% Dont plus de 10 cigarettes par jour au 3ème trimestre 10,9%

Quelques chiffres en France aujourd’hui…

� 37% des femmes en âge de procréer fument. � 19,5% des femmes sont fumeuses au 3ème trimestre de leur grossesse. � 40% des femmes cessent de fumer pendant leur grossesse mais 70% d’entre elles

reprennent dans les 3 mois qui suivent l’accouchement. L’association entre grossesse et tabac, peu fréquente il y a encore quelques années, est devenue un véritable phénomène de société. En effet, 25% des femmes enceintes sont aujourd’hui concernées, contre 10% seulement il y a 30 ans. Cette évolution inquiétante découle du fait que dans la majorité des pays industrialisés, les adolescentes commencent à fumer de plus en plus tôt (vers 12-13 ans), ce qui explique non seulement l’augmentation du nombre de fumeuses, mais aussi de grandes fumeuses pendant la grossesse. Si certaines femmes s’arrêtent spontanément de fumer en début de grossesse, nombreuses sont celles qui n’y arrivent pas et la plupart recommencent à fumer après l’accouchement lors du retour à domicile. Une femme enceinte fumeuse s’expose bien sûr aux complications communes et bien connues (augmentation de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle, de l’artériosclérose et du risque d’infarctus du myocarde), sans oublier les cancers (le poumon surtout, mais également la vessie et les voies urinaires, le col, l’utérus). Cela dit, elle s’expose à bien d’autres problèmes dont la victime principale sera le bébé qu’elle porte en elle. Les effets néfastes du tabagisme au cours de la grossesse sont spécifiques et complexes, ils mettent en jeu la santé de l’enfant attendu mais aussi de celle qui le porte en augmentant les risques de complications citées précédemment. Aujourd’hui encore, les conséquences du tabagisme chez la femme enceinte sont encore mal connues du grand public et des professionnels. Les études dans le domaine se sont multipliées au cours des dernières années, et leurs résultats gagnent à être connus. Dans cet exposé, nous nous intéresserons aux conséquences du tabagisme sur l’évolution de la grossesse ainsi que sur le développement du fœtus. Nous finirons par exposer les conséquences que le tabagisme maternel et paternel peuvent avoir par la suite chez le nourrisson, en mettant l’accent sur l’allaitement maternel. C ‘est un point qu’il est important d’éclairer, et en particulier dans le cadre de la profession de sage-femme puisque nous serons très souvent amenées à être en contact avec des femmes fumeuses et il sera important de les conseiller comme il se doit.

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A. Les composants du tabac. Avant de parler des effets du tabac chez une femme enceinte, interrogeons-nous sur ce que contient

exactement une cigarette…

La composition de la fumée de cigarette est extrêmement complexe. En effet, elle contient plus de 4000 substances toxiques différentes. Parmi elles, nous ne détaillerons que les substances les plus connues comme étant particulièrement nocives pour l’être humain, celles qui ont fait l’objet de nombreuses recherches et en particulier dans le cadre de la grossesse :nicotine, monoxyde de carbone, métaux lourds comme le cadmium…

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1) La nicotine : - Elle est un puissant insecticide. - Elle est un poison pour le système nerveux :elle se fixe en 7 secondes dans le cerveau, excite ses

cellules puis paralyse l ‘influx nerveux…c’est de là que vient la dépendance au tabac. - Elle se retrouve dans la circulation maternelle puis fœtale dans les 5 minutes après son inhalation. - Elle provoque une accélération du rythme cardiaque. - Par son action sur les surrénales, elle entraîne une libération de catécholamines, ce qui induit la

libération neuronale de vasopressine provoquant une vasoconstriction des vaisseaux sanguins, c’est-à-dire qu’elle rétrécit et durcit les artères. Le cœur pompe ainsi d’avantage mais reçoit moins de sang, d’où un risque accru d’infarctus chez les fumeurs…Elle est responsable d’une altération de la circulation materno-fœtale au niveau des vaisseaux utérins et ombilicaux.[1,5]

- Elle augmente la consommation des lipides et provoque de l’hyperglycémie passagère, d’où une certaine maigreur chez les fumeurs et l’effet coupe-faim tant recherché par les femmes…

- On sait également qu’il y a assez de nicotine dans 4 cigarettes (50mg) pour tuer un homme en quelques minutes, injectée directement dans le sang ; ce qui expliquerait les décès de jeunes enfants ayant avalé des mégots…

- Elle a une concentration plus forte et une demi-vie d’élimination plus longue chez le fœtus que chez la mère, pouvant ainsi s’accumuler dans les tissus fœtaux. [1]

2) Le monoxyde de carbone (CO):

- C’est le gaz asphyxiant produit par les voitures, il représente 1,5% des gaz d’échappement. Mais dans la fumée de cigarette, on en respire 3,2%, et directement à la source !

- C’est l’agent responsable de l’hypoxie. - Chez la femme enceinte, la moitié du CO inhalé passe dans la circulation sanguine maternelle,

puis dans la circulation foeto-placentaire - Il a une grande capacité de fixation à l’hémoglobine, 200 fois supérieure à celle de l’oxygène. Il se

forme alors au niveau sérique un complexe très stable :la carboxyhémoglobine (HbCO). - Le CO interviendrait également en diminuant la déformabilité érythrocytaire et ralentirait donc la

microcirculation périphérique, majorant l’hypoxie tissulaire. - Il entraîne également de nombreuses atteintes cardiovasculaires comme l’athérosclérose,

l’augmentation de la viscosité sanguine, la formation de caillots sanguins, une polyglobulie, une artérite, des infarctus…mais aussi des pertes de réflexes, des troubles visuels et mentaux.[1,9]

- Il lui faut 6 à 24 heures pour quitter le système sanguin. - La présence d’HbCO produit une diminution de la quantité d’oxygène disponible, responsable

d’une hypoxie tissulaire relative chez la mère. Chez le fœtus, on observe une majoration de ce phénomène, avec une HbCO fœtale 15% plus élevée que chez la mère et avec une demi-vie 3 fois plus longue. Il en résulte alors une hypoxie chronique mal compensée par le fœtus.

- L’exposition à des taux de HbCO plus élevés peut favoriser ou aggraver une hypoxie au niveau du cerveau fœtal, en particulier pendant le travail. C’est pourquoi le risque d’hypoxie, et dons de souffrance fœtale, est plus grand chez les fumeuses lorsque le délai entre la dernière cigarette et le début du travail est court. [2]

3) Les métaux lourds:

� Le cadmium : - C’est un métal voisin du zinc, il provient essentiellement de la fumée de cigarette (tabagisme actif

ou passif), de la pollution industrielle également. - Il a tendance à s’accumuler au niveau des reins et du foie. Durant la grossesse, il s’accumule au

niveau du placenta. - Le cadmium est responsable de lésions au niveau des cellules endothéliales et de lésions

mitochondriales. - Il entraîne chez l’animal un retard de croissance in utero (RCIU) avec anémie sévère. - Il agit sur le métabolisme du cuivre, du fer, du plomb, et plus particulièrement du zinc.

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- Il diminue le transport du zinc vers le fœtus, élément essentiel dans les mécanismes de croissance cellulaire puisqu’il protège des effets tératogènes et qu’il entre dans la composition de nombreuses enzymes. Cet effet semble être dû à une compétition entre ces deux éléments au niveau de récepteurs tissulaires spécifiques. Or le déficit de zinc est une des causes de l’hypotrophie du nouveau-né.

- Il inhibe la synthèse par les fibroblastes pulmonaires du procollagène, et est responsable à long terme d’emphysème pulmonaire.

- Le cadmium diminue également les défenses immunitaires et, à doses plus importantes ou après un temps d’exposition plus long, il se concentrerait dans les reins et pourrait entraîner une néphropathie et une hypertension.[1,2,10]

� Le nickel :

- Le nickel entraînerait des altérations myocardiques chez la souris exposée in utero à la fumée de cigarette.

- Le chlorure de nickel entraîne une cardiomyopathie avec altérations mitochondriales sévères et augmentation des fibres du collagène et du glycogène.[1]

4) Les acides cyanhydriques ou « cyanure » : - Il passent dans la circulation fœtale via le placenta. - Leur dégradation consomme de grandes quantités de vitamines B12 (nécessaire à la production

de nombreuses enzymes), entraînant une carence en cette vitamine.[2]

5) Les irritants et composés organiques volatiles : - Ils paralysent puis détruisent les cils vibratiles des bronches, chargés normalement de filtrer et

nettoyer les poumons. - Ils ralentissent le débit respiratoire et irritent les muqueuses, provoquant toux, infections ou

encore bronchites chroniques.

6) Les substances cancérigènes (comme les nitrosami nes) et autres…

B. Conséquences du tabagisme sur l’évolution de la grossesse.

1) Altération de la fertilité. Le tabagisme de la femme est un facteur de risque étudié depuis longtemps en épidémiologie de la fertilité, la cigarette est en effet au premier rang des substances toxiques qui affectent la reproduction humaine. Il est désormais reconnu comme un facteur d’hypofertilité, à la fois chez les femme et chez les hommes. Souvent, les jeunes femmes fumeuses qui souhaitent un bébé arrêtent la pilule mais n’arrivent pas à être enceinte…Il est en effet démontré que les fumeuses mettent plus de temps (environ 50% de plus) à démarrer une grossesse que les non-fumeuses, leur fertilité est donc globalement plus basse.[1] Les résultats de procréation médicalement assistée (PMA) révèlent également une réduction significative du taux de conception chez les fumeuses.

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On sait aujourd’hui que le tabagisme réduit la fécondité des femmes d’environ un tiers. Cette réduction est majorée par l’âge et le niveau du tabagisme, avec une relation dose-effet :le taux de fécondité chez la femme fumant quotidiennement 20 cigarettes par jour n’est que de 8% contre 22% chez la non-fumeuse. Les explications physiopathologiques de cette diminution de la fertilité féminine liée au tabac sont :

• La nicotine aurait une action endocrinienne anti-oestrogénique avec en particulier une altération de la glaire cervicale.

• Les dérivés du tabac auraient une action directe sur l’ovaire. Le tabac induit la destruction partielle du stock d’ovocytes, une ovulation plus rare mais également une diminution de la quantité folliculaire par action toxique directe de la nicotine. On dit aussi que les ovocytes, intoxiqués par les éléments du tabac (que ce soit un tabagisme actif ou passif…) subissent des mutations génétiques et ce de façon irréversible. Ces mutations pourraient entraîner des retards psychomoteurs, des retards de croissance, voire des cancers comme des leucémies ou des tumeurs au cerveau chez le futur enfant.

• La consommation de tabac ( la nicotine en particulier ) entraînerait une inhibition de la motilité tubaire, une asynchronisation de la dynamique implantatoire.

• La nicotine favorise l’infection à Chlamydiae Trachomatis par dépression de l’immunité cellulaire et humorale. Cette infection est souvent mise en cause dans les stérilités tubaires.

• Le tabagisme, au moment de la conception, augmente le risque de survenue de grossesse gémellaire dizygote.

Les effets du tabac se manifestent donc sur la viabilité de l’ovocyte, mais également sur la motilité tubaire, sur la division embryonnaire, la formation du blastocyste, la croissance de l’embryon et sur son implantation.[1,4,7,9,13]

2) Les grossesses extra-utérines (GEU).

� Définition d’une GEU :

On sait que la fonction tubaire est de capter l’ovocyte émis lors de l’ovulation, de le faire transiter jusqu’à l’ampoule tubaire où aura lieu la fécondation, puis de transporter l’œuf fécondé dans la cavité utérine où il doit s’implanter. La GEU résulte d’une altération de la fonction tubaire qui aboutit à un retard du transit tubaire de l’œuf fécondé. Cela se traduit par une implantation de cet œuf dans la trompe (corne utérine, isthme, ampoule, pavillon) et plus rarement au niveau ovarien ou péritonéal. Les GEU se présentent habituellement, cliniquement, sous forme de métrorragies après un retard de règles.

� Rôles du tabac dans l’apparition des GEU :

On sait aujourd’hui, après de nombreuses études, que le tabac présente plusieurs actions bien distinctes sur la trompe utérine : � Retard à la captation de l’ovocyte. � Augmentation du risque d’infection à Chlamydiae Trachomatis due en partie à une dépression

immunitaire provoquée par la nicotine. � La nicotine entraîne des spasmes tubaires ainsi qu’une diminution de la fréquence des battements

ciliaires, retardant la progression de l’œuf, ce qui favorise la nidation ectopique. � Altération de l’adhésion elle-même du cumulus oophorus (« enveloppe » entourant l’ovocyte lors

de l’ovulation) aux cils pavillonnaires. Cet effet est dose-dépendant. � Altération de la contractilité tubaire par baisse de la production d’œstradiol, allongeant aussi le

temps de transit tubaire.

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� Action indirecte du tabac (via la nicotine) sur la contractilité tubaire par inhibition de la stéroïdogenèse.

� La nicotine retarde aussi la formation du blastocyste. � Un certain style de vie, reflété par le tabagisme, lui même prédisposant à la GEU.

Le risque de GEU est lié à la consommation de tabac de la femme au moment de la conception par une relation de type dose-effet.[1,4,5,6,14] On sait donc aujourd’hui que ce risque est multiplié par :

- 1,5 chez les fumeuses de moins de 10 cigarettes par jour. - 3 chez les femmes qui fument entre 10 et 30 cigarettes par jour. - 5 chez les femmes qui fument plus de 30 cigarettes par jour.

Il a été montré que les anciennes fumeuses n’ont pas de risque accru de GEU :ainsi, l’arrêt du tabac pendant le mois qui précède la conception permettrait de diminuer significativement le risque de GEU.

Il est donc prouvé à ce jour que le tabac a une action directe toxique sur la mobilité tubaire, la fonction ciliaire de la trompe et le mécanisme de captation de l’ovocyte, favorisant ainsi les nidations ectopiques. Il faut savoir que les GEU entraînent très souvent de graves complications, comme la rupture de la trompe où il y eu implantation (cf. ci-dessous :GEU après rupture tubaire).

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3) Les avortements spontanés.

Les avortements spontanés, appelés communément fausses-couches, sont la cause la plus courante des complications intervenant durant la grossesse. Une fausse couche désigne l’expulsion d’un embryon ou d’un fœtus hors de l’utérus. Selon la terminologie médicale, on parle d’avortements spontanés jusqu’au sixième mois de la grossesse ; au-delà de cette date, on parle d’accouchements prématurés.

On établit actuellement une corrélation entre le risque d’avortements spontanés et l’importance de la consommation tabagique. Plusieurs mécanismes sont mis en cause :

- Diminution du flux sanguin utérin, indispensable pour le processus d’implantation et le développement fœtal précoce. Cette diminution est due aux propriétés de vasoconstriction de la nicotine.

- Mauvaise qualité de l’endomètre qui devient impropre à la nidation en raison d’une diminution des pics de LH et FSH et donc du taux d’œstradiol sous l’effet de la nicotine.

- Altération des ovocytes qui se traduit par un vieillissement précoce de celui-ci et par des anomalies de la méiose.

- Altération du blastocyste par la nicotine. - Le tabagisme, en raison de ses multiples autres substances toxiques et de l’hypoxie induite,

agirait par ailleurs comme un agent tératogène létal, voire comme un agent abortif ou fœtotoxique.

Le taux d’avortements spontanés est multiplié par 3 environ en cas de tabagisme maternel et l’association tabac/fausses couches spontanées est dépendante du nombre de cigarettes fumées par jour. Ainsi, chez les grandes fumeuses (plus de 20 cigarettes par jour), le risque est de 20%, contre 10% chez les non-fumeuses et peut atteindre 35% si la consommation quotidienne est de 35 cigarettes. Ce risque est également augmenté par le tabagisme passif, on a même démontré une augmentation du risque de FCS associée à un tabagisme passif d’une heure au moins par jour. L’association est encore plus forte dans les grossesses où le père est reconnu comme fumeur, reflétant une exposition de la mère plus importante.[1,5,4]

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4) Les complications gravidiques.

� Décollement placentaire et hématome rétroplacentaire :

Le tabagisme favorise l’apparition de décollement marginal du placenta normalement inséré, à distinguer des hématomes rétro-placentaires vrais secondaires à des phénomènes de vasoconstriction. On appelle hématome rétroplacentaire ou HRP le décollement de la jonction utéro-placentaire, dans la masse du placenta, par rupture d’une artère utéro-placentaire, n’atteignant la périphérie du placenta que suite à la constitution de l’hématome, et secondaire à des phénomènes de vasoconstriction et/ou d’à-coups hypertensifs. Une expérience réalisée chez une brebis a montré qu’une injection de nicotine entraînait une diminution du débit utérin avec augmentation des résistances vasculaires utéro-placentaires. Chez la femme fumeuse, on constate une augmentation significative des résistances vasculaires au niveau de l’artère ombilicale corrélée aux taux de cotinine plasmatique.[1,3] Le tabagisme a des effets délétères sur la vascularisation du placenta : • vasoconstriction des vaisseaux. • anoxie périphérique avec nécrose déciduale. • diminution du flux sanguin dans la chambre intervilleuse. La tabagisme favorise surtout la constitution d’hématomes rétro-placentaires situés à la périphérie du placenta, là où la vascularisation est physiologiquement moindre. Par ailleurs, le collagène et la fibronectine placentaires sont augmentés ainsi que la capacité placentaire de transport des acides aminés, probablement en réponse à la carence induite par le tabac. Quant aux anomalies de perfusion placentaire, signalons que la réduction de la capacité de diffusion peut dépasser 10%, participant à une hypoxie chronique.

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Dans les premiers mois de la grossesse, le placenta va concentrer la nicotine et devenir ainsi moins perméable. Il est important de rappeler que les effets délétères du tabagisme sur la vascularisation placentaire s’estompent dés l’arrêt de l’intoxication :la nécrose marginale est moindre quand les femmes ont arrêté de fumer ou n’ont jamais fumé. D’autre part, les anciennes fumeuses présentent 2 fois moins de complications vasculaires à type de HRP que les femmes qui continuent de fumer au cours de leur grossesse. Parmi les autres complications placentaires, on peut noter une diminution de l’épaisseur des villosités et du chorion, des calcifications placentaires plus fréquentes. On sait que l’incidence globale de l’hématome rétroplacentaire est égale à 0,64% chez les non-fumeuses. Chez les fumeuses, ce risque est doublé. On estime qu’au moins un HRP sur 5 est directement attribuable au tabac, augmentant après 35 ans et chez la multipare comparativement à la primipare.[1,5,8] Il y a par ailleurs une relation entre le nombre de cigarettes fumées et ce risque :le risque d’HRP apparaît d’autant plus grand que le taux de carboxyhémoglobine est élevé. Les anciennes fumeuses présentent deux fois moins de complications vasculaires de type hématome rétroplacentaire que les femmes qui continuent de fumer au cours de leur grossesse. De plus, les fumeuses augmentent considérablement le risque de récidiver leur hématome si elles n’arrêtent pas de fumer à la grossesse suivante.

Hématome rétro-placentaire :

� Insertion basse du placenta et placenta praevia : Le tabagisme augmente le risque d’insertion basse du placenta. On observe chez les fumeuses des placentas plus plats, plus étalés avec une surface plus importante, ce qui favorise sa présence à proximité du col. Fumer au cours de la grossesse multiplie par 2 à 3 le risque de présenter un placenta praevia. Le risque diminue en même temps que l’arrêt de l’intoxication tabagique et en fonction du calendrier gravidique. Le mécanisme physiopathologique n’est pas encore élucidé.

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Le placenta prævia est une anomalie d'insertion du placenta, qui s'insère trop bas, sur le segment inférieur de l'utérus. Ce même segment inférieur est extensible et mobile ; en fin de grossesse, lorsqu'il se rétracte, et au cours du travail, il y a rupture et décollement partiel du placenta (qui n'est pas contractile) et donc hémorragie…On distingue anatomiquement les insertions recouvrantes, marginales et latérales. On pose le diagnostic en général au 4ème mois de grossesse à l’échographie. La répétition de cet examen va permettre de suivre la localisation du placenta qui peut se modifier en fin de grossesse : en effet, l'insertion du placenta remonte souvent en fin de grossesse. Si le placenta reste bas inséré, le repos est conseillé pour éviter les contractions utérines et les hémorragies. Le placenta praevia est également une cause de prématurité.[1,3,4,6] Le placenta recouvrant interdit évidemment tout passage du fœtus par voie basse. Dans ce cas une césarienne est pratiquée avant le terme prévu :

Si l'insertion est marginale et affleure seulement le col, un accouchement par voie basse est proposé sous stricte surveillance :

Toutes ces anomalies placentaires témoignent de la diminution des échanges materno-fœtaux.

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� Métrorragies du troisième trimestre : Il est démontré que toutes ces anomalies placentaires entraînent des saignements très fréquents au cours du troisième trimestre de grossesse.

5) Risque de rupture prématurée des membranes (RPM) .

Le rôle du tabagisme dans la genèse des certains accouchements prématurés est maintenant bien établi ; à membranes intactes, en moyenne, le risque relatif est égal à 2. Le risque de prématurité augmente avec l’âge de la mère :les femmes âgées de plus de 35 ans sont plus à risque d’accoucher prématurément que les femmes enceintes plus jeunes, à nombre égal de cigarettes quotidiennes. Dans la population générale, cette rupture avant terme est estimée à 1%…elle est 2 fois plus fréquente chez les fumeuses. La RPM avant 34 semaines d’aménorrhée est 3 fois plus fréquente chez les fumeuses, avec une relation dose à effet; ainsi, fumer moins de 20 cigarettes par jour serait responsable d’une augmentation de 20% du nombre d’accouchements avant 38 SA et fumer plus de 20 cigarettes par jour d’une augmentation de plus de 50%.[1,2,3,4,9] Plusieurs facteurs sont en cause :

• Augmentation de infections vaginales liées à la dépression immunitaire. Il faut savoir que la femme enceinte fumeuse présente une diminution significative de ses défenses immunitaires par baisse de la concentration en immunoglobulines sanguines, en lymphocytes et macrocytes.

• Augmentation de la fréquence des chorioamniotites, processus inflammatoire impliquant le chorion, ses vaisseaux fœtaux, le cordon ombilical, le liquide amniotique. Ceci est également lié à la dépression immunitaire.

• Diminution de l’oxygénation des membranes amniotiques due à la vasoconstriction placentaire provoquée par la nicotine et à l’augmentation du taux de HbCO.

• Réduction du taux sérique d’acide ascorbique (vitamine C), essentiel à la synthèse et au maintient du collagène. Ce phénomène explique notamment une fragilisation des membranes.

• Réduction du taux sérique de vitamine B12, de glucose, d’acides aminés, d’acides gras… • Augmentation locale du la concentration en PAF (Platelet Activating Factor), facteur

stimulant la production de prostaglandines au sein des membranes fœtales et provoquant des contractions myométriales ; d’où un risque de travail et de RPM.

• De plus, le maintien de l’amnios, structure complètement avasculaire, dépend du liquide amniotique et donc de l’état nutritionnel du fœtus. Or, le tabagisme maternel augmente le risque d’oligoamnios.

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6) Risque d’accouchement prématuré. Le risque de prématurité est majoré par le tabagisme maternel, cette corrélation entre tabac et prématurité n’est plus à démontrer. En cas de tabagisme maternel, le risque d’accouchement prématuré est multiplié par 2 avant 37 SA et par 3 avant 34 SA, et ce même lorsque les membranes sont intactes. C’est par le biais de la rupture prématurée des membranes (RPM) avant terme que se produisent la plupart des accouchements prématurés (soit 15 à 40%) en rapport avec le tabac, mais pas exclusivement… On observe d’autres mécanismes :

• Activation du PAF qui entraîne un augmentation de prostaglandines et donc des contractions du myomètre.

• Prématurité induite par les différentes pathologies du 3ème trimestre accrues en cas de tabagisme comme les décollement placentaires, l’hématome rétroplacentaire (HRP), le placenta praevia…[1,3,9]

C. Les conséquences du tabagisme sur le fœtus. 1) Le développement fœtal.

Les conséquences du tabac sur le développement du fœtus sont encore imparfaitement connues. Néanmoins, on sait que les concentrations fœtales de nicotine sont supérieures à celles de la mère, avec une accumulation préférentielle dans le cerveau, les surrénales ou encore le cœur.

� Les retentissements cardiovasculaires :

Une étude récente basée sur des enregistrements de données faits à l’aide d’une sonde d’échographie, mesurant le rythme cardiaque fœtal et ses variations ainsi que les mouvements fœtaux, a permis de mettre en évidence de façon simple et objective les modifications plutôt négatives de l’activité des fœtus exposés au tabac (dans cette étude chez des fœtus de femmes fumant plus de 10 cigarettes par jour):

• L’inhalation d’une cigarette entraîne 10 à 15 minutes plus tard, et pendant environ 25

minutes, une tachycardie et une hyporéactivité fœtale. • Les paramètres hémodynamiques au doppler ombilical et dans l’aorte thoracique

témoignent d’une baisse de la perfusion, d’une vasoconstriction, d’une tachycardie, d’une hypocontractilité myocardique et d’une hausse du débit cardiaque. Ces effets sont dus au mode d’administration très rapide de la nicotine, et non au monoxyde de carbone.

• Au long court, en cas de tabagisme important, on peut observer une hyporéactivité fœtale, c’est-à-dire que les mouvements actifs et les oscillations cardiographiques sont diminués.

• Il a été démontré que l’exposition chronique au tabac entraîne une baisse globale des mouvements fœtaux et une réduction des périodes de rythme cardiaque élevé, ainsi qu’une diminution des accélérations, tout en gardant un rythme cardiaque de base moyen inchangé.

• Après une cigarette, on observe une diminution des mouvements fœtaux, surtout dans les périodes pendant lesquelles le rythme cardiaque est élevé. Fumer cause également une augmentation transitoire de l’index moyen de pulsatilité de l’artère ombilicale (au doppler).

En résumé, le tabagisme maternel provoque donc :

- Une diminution de la fréquence des mouvements actifs fœtaux. - Une tachycardie fœtale. - Un diminution de la variabilité du rythme cardiaque fœtal (RCF).[1,2,5,10]

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Parmi les atteintes vasculaires, on notera tout de même les altérations dans la vascularisation de la rétine. Cette atteinte concerne tant les artères qui deviennent rigides et étroites que les veines qui sont tortueuses et dilatées. Une augmentation de la tension artérielle est observée chez ces bébés qui présentent également plus de risque d’hémorragies oculaires. Heureusement, ces anomalies disparaissent pour la plupart à l’âge de 6 mois.

� Les retentissements hypoxémiants :

La nicotine inhalée accélère le rythme cardiaque et augmente le débit déjà majoré par la grossesse. De plus, les shoots de nicotine provoquent des phénomènes de vasoconstriction, en particulier au niveau de la circulation utéroplacentaire. Quand la femme enceinte inhale la fumée, elle absorbe du CO. Quand le CO est lié à l’hémoglobine, il y a une augmentation de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, ce qui déplace la courbe de saturation de l’hémoglobine oxygénée vers la gauche. Cela veut dire que la pression en oxygène dans le sang circulant baisse de façon importante diminuant le taux d’oxygène délivré au tissus. Le taux de HbCO peut atteindre des taux supérieurs à 5%, facteur majeur d’hypoxie tant pour elle-même que pour l’unité placentaire. L’hypoxie fœtale chez les patientes fumeuses est donc liée à deux phénomènes :

o L’action directe des catécholamines réduisant la perfusion utérine (dut à la nicotine). o L’augmentation de carboxyhémoglobine fœtale qui a un effet d’hypoxie tissulaire (dut au

monoxyde de carbone).

Pour une consommation tabagique de plus de 15 cigarettes par jour, on observe un autre phénomène : la forte diminution de la pression partielle en oxygène due au CO induirait une augmentation de la synthèse d’érythropoïétine. L’érythropoïétine ou EPO est l’hormone glycoprotéique impliquée dans la régulation de l’érythropoïèse (synthèse des globules rouges) durant la vie fœtale mais aussi à l’âge adulte. On aurait donc une possible augmentation de l’activité de synthèse des globules rouges chez les fœtus de grandes fumeuses.[1,2,10] Ces à-coups de vasoconstriction se surajoutant au bolus de CO diminuent les échanges en oxygène nécessaires au fœtus, ce qui augmente son risque d’hypoxie et de souffrance fœtale aiguë, voire chronique au long court. Dans ce cas précis, on retrouve des stigmates de cette hypoxie comme une polyglobulie, une élévation de l’hémoglobine fœtale ou encore une hyperviscosité sanguine.

� Les retentissements respiratoires :

Le tabagisme passif de l’enfant in-utero a des conséquences sur sa croissance pulmonaire :plusieurs études ont montré que sa fonction respiratoire est diminuée par le tabagisme gravidique. Ainsi, des lésions épithéliales entraînent une augmentation de la perméabilité cellulaire aux antigènes avec facilitation de la présentation de ces antigènes aux cellules immunocompétentes, accroissant ainsi le risque de sensibilisation. On retrouve d’ailleurs une diminution du taux de lymphocytes CD4 (LT4), une augmentation du taux d’ IgE, des polynucléaires éosinophiles. De plus, il paraît exister une altération des paramètres respiratoires dès la naissance, probablement liée à une anomalie du développement pulmonaire in utero. Des travaux évoquent la possibilité d’une relative hypoplasie pulmonaire fœtale, avec réduction du calibre des voies aériennes et altération des propriétés mécaniques du système respiratoire. Les facteurs qui expliqueraient ces anomalies ne sont pas encore très connus ; cela dit, on envisage tout de même un rôle direct de la nicotine par stimulation de récepteurs nicotiniques du poumon fœtal.[1,2,10]

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� Le rôle tératogène du tabac :

L’effet tératogène du tabac reste débattu. Néanmoins, des études faites par l’Institut Européen des génomutations suggère un rôle potentiel du tabac dans l’installation de certaines anomalies congénitales spécifiques :

- Anomalies des voies urinaires ou uropathies. - Fentes labiopalatines. - Cardiopathies congénitales. - Malformation des membres. - Craniosténoses. - Anomalies dans la fermeture du tube neural. - Sténose du pylore. - Hernies inguinales. - Hypospadias. - Hypoplasie du nerf optique. - Strabisme…

Ce risque semble significatif pour une consommation maternelle de plus de 20 cigarettes par jour. A ce sujet, une étude du Centre National de Statistiques de Santé américain réalisée à grande échelle sur 50 états a démontré une relation significative entre la survenue des becs de lièvre (fentes faciales) et le tabagisme maternel. Cette relation était renforcée par l’objectivation d’un effet dose-dépendant, y compris pour une consommation tabagique modérée (1 à 10 cigarettes par jour). Les auteurs de cette étude en ont conclu que des programmes éducatifs devraient informer les futures mamans de ce risque maintenant prouvé…[1,2,8,9,10,13] Concernant donc le tabac et la tératogenèse, les données sont inquiétantes… Cette tératogénicité serait donc dose-dépendante du cadmium, du nickel, du déficit en zinc (le zinc, par compétition sur les sites enzymatiques de l’ADN, jouerait un rôle protecteur)…

� Les conséquences au niveau du développement cérébral :

De nombreuses études épidémiologiques concordent pour dire que l’exposition au tabac in-utero est un facteur de risque de divers troubles neurologiques et psychiatriques. Ces résultats proviennent du suivi longitudinal de plusieurs cohortes sur plus de 30 ans, intégrant la comparaison du devenir d’enfants nés de mères ayant fumé durant leur grossesse avec celui d’enfants non exposés au tabac et nés dans la même période. Bien évidemment, le tabagisme reste un marqueur social dont le rôle dans ce domaine reste indiscutable. Le seuil d’exposition au tabac le plus souvent utilisé pour l’analyse statistique est de 10 cigarettes par jour en moyenne. Cependant, la dose-seuil réellement toxique pour le cerveau fœtal est actuellement inconnue. Le tabac a une toxicité développementale par différents mécanismes. Certains sont non spécifiques comme l’hypoxie, d’autres comme la nicotine sont spécifiques :celle-ci altère par exemple le développement de structures qui contiennent des récepteurs nicotiniques. Cette toxicité développementale a d’ailleurs été étudiée chez l’animal et il a été démontré à maintes reprises que la fumée de cigarette in utero avait un impact direct sur le développement cérébral. Si une structure cérébrale est le siège d’une atteinte toxique, cela peut se traduire par une modification de la densité neuronale de cette structure et par des modifications du développement des faisceaux neuronaux afférents et efférents.[1] Les études actuelles sur la toxicité neurocomportementale du tabac concernent donc surtout :

- Ses effets sur les grands systèmes de neurotransmetteurs comme les systèmes dopaminergique, sérotoninergique et noradrénergique.

- Ses effets sur le développement de structures-clés comme certaines régions du cortex préfrontal, certaines structures limbiques (tel l’hippocampe) et certaines structures impliquées dans la motricité (tel le stratium ventral).

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Nous pouvons également rappeler que le périmètre crânien à la naissance est plus petit en cas d’exposition prénatale au tabac (cf. RCIU) ; ce signe clinique reflète un développement cérébral anténatal insuffisant. Par ailleurs, il a été démontré récemment, dans une étude comparative, que des enfants de mères fumeuses avaient une moindre réactivité aux stimulis sonores durant leur sommeil, soulignant ainsi le retard de développement de certaines structures du système nerveux central, encore une fois attribuable au tabagisme maternel.[1,2,10]

Les troubles du développement du cerveau se manifestent par des anomalies discrètes qui, après la naissance (pendant l’enfance, l’adolescence ou à l’âge adulte), sont à l’origine de troubles essentiellement psychologiques. Ces anomalies du développement du cerveau sont difficiles à mettre en évidence car le cerveau est un organe plastique, c’est-à-dire en remodelage permanent. Parmi les plus couramment décrites, on retrouve des troubles du comportement à type de violence, d’agressivité, d’impulsions criminelles ; des troubles de l’attention, une hyperactivité motrice et une impulsivité, des troubles cognitifs, une appétence accrue pour les drogues, ou encore des troubles dépressifs. La nicotine est également suspectée d’altérer le fonctionnement des sites nicotiniques concentrés dans le nucléus tegmental, où sont localisés le système neuro-respiratoire et le centre de contrôle du sommeil lent. Cet élément sera développé plus tard dans le cadre de la mort subite du nourrisson.

2) Le retard de croissance intra-utérin (RCIU).

L’hypotrophie, encore appelée retard de croissance intra-utérin, se manifeste par un poids de naissance insuffisant pour l’âge gestationnel. Accouchement prématuré et RCIU sont les principales causes de petit poids de naissance qui concernent environ 20000 enfants par an. Le tabagisme maternel est le plus important risque reconnu d’hypotrophie fœtale ou de restriction de croissance in-utero dans les pays industrialisés. Il s’agit d’un problème de santé publique important puisque l’hypotrophie est le principal facteur de risque de mortalité et de morbidité périnatales et infantiles. Le pourcentage de nouveau-nés de moins de 2500g a augmenté d’un point depuis 1981 et surtout celui des très faibles poids (de moins de 1500g),puisqu’il a été multiplié par presque 3. Des expériences menées chez des animaux se sont révélés particulièrement explicites :

• L’exposition de souris gestante à la fumée de cigarette entraîne un RCIU sévère aussi bien chez l’embryon en début de grossesse que chez le fœtus lors d’une exposition plus tardive.

• L’exposition in utero du fœtus de souris au cadmium administré par voie intraveineuse entraîne un RCIU associé à une anémie sévère.

• L’exposition précoce à la nicotine IV chez la ratte gestante entraîne un RCIU sévère. • L’exposition au CO durant la gestation chez la brebis entraîne des complications proches de

celles rencontrées chez la femme enceinte fumeuse. On observe chez les nouveau-nés de mères fumeuses un déficit pondéral allant de 300 à 400g à la naissance, proportionnel à la consommation tabagique. Ce retard de croissance est typique des retards d’origine toxique, il a des caractéristiques particulières :une diminution de la taille, du poids, du périmètre crânien et du périmètre thoracique; ce qui confirme le caractère « harmonieux » du RCIU dut au tabagisme. Une caractéristique supplémentaire de ce RCIU est la réduction du poids par diminution plus importante des masses musculaires que du tissu adipeux sous-cutané. Le RCIU a plusieurs origines :

� La sous-alimentation fréquente de la femme enceinte fumeuse due à l’effet anorexigène de la nicotine, d’où une prise de poids maternelle insuffisante.

� La présence de carboxyhémoglobine (HbCO) responsable d’une hypoxie chronique. � Les phénomènes de vasoconstriction au niveau des artères utérines et des artères

ombilicales dus à la libération de catécholamines sous l’effet de la nicotine.

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� La toxicité du cadmium, apporté en grande quantité par le tabac, qui entraîne la captation du zinc, élément essentiel à la croissance cellulaire, et donc un déficit en cet élément.

� Le déficit en vitamine B12 dut aux acides cyanhydriques contenus dans la fumée de cigarette.

� La diminution de synthèse des hormones thyroïdiennes fœtales par compétition stérique entre thiocyanates (éléments combinant partie soufrée et acides cyanhydriques du tabac) et iodures.[1,2,,5,9,10,13]

Il existe également un effet dose-dépendant. En effet, on observe un poids de naissance de 458g en moins en moyenne chez les nouveau-nés de mères fumeuses de plus de 20 cigarettes par jour, et d’environ 192g de moins en moyenne chez ceux de mères fumant moins de 5 cigarettes par jour ou ayant été exposées au tabagisme passif durant la grossesse. Le poids et la taille de naissance sont significativement diminués proportionnellement à la consommation avouée.

Paramètres néonatals en fonction de l’importance du tabagisme maternel :

Consommation

tabagique

Paramètres fœtaux

5 à 10 cigarettes/j

10 à 20 cigarettes/j

20 à 30 cigarettes/j

>30 cigarettes/j

Poids moyen (grammes)

3180

3037

2891

2565

Taille moyenne

(cm)

49,41

49,24

48,59

46

Périmètre crânien

(cm)

35,65

33,78

33,43

32,75

Bipariétal (cm)

10

9,50

9,56

8,85

Nombre de

femmes

53

26

29

2

20

Taux de RCIU en fonction de la quantité de cigarettes fumées quotidiennement :

Sans tabac

8,5%

1 à 5 cigarettes par jour

14,7%

10 à 20 cigarettes par jour

18,7%

20 à 30 cigarettes par jour

RCIU grave x3

Plus de 30 cigarettes par jour

RCIU grave x4,5

Il a été prouvé que c’est durant le 3ème trimestre de la grossesse que l’exposition au tabac provoque un retentissement maximal sur le poids du fœtus. En effet, les patientes ayant commencé à fumer au 3ème trimestre présentent le même risque relatif de RCIU que les patientes ayant fumé durant la totalité de la grossesse, et les patientes ayant arrêté de fumer au début du 3ème trimestre n’ont pas d’augmentation du risque relatif de RCIU par rapport aux non-fumeuses. En résumé, le RCIU est multifactoriel :vasoconstriction artérielle, hypoxie chronique, ou encore carence en zinc et en vitamines…

3) La mort fœtale in utero (MFIU) :

Le tabac est responsable d’un excès de morts fœtales du 3ème trimestre. Ce risque serait dose-dépendant chez la primipare, majoré après 35 ans, augmenté en moyenne de 30% chez la multipare. Le risque d’avoir un enfant mort-né est doublé par le tabagisme maternel. Le risque de mort in utero lié au tabac est indépendant du terme de la grossesse, entre 28 et 38 semaines d’aménorrhée. Ces morts in utero, dans ce contexte de tabagisme, sont essentiellement en relation avec un retard de croissance intra-utérin (RCIU) ou des complications placentaires. Il faut savoir que 11% des MFIU seraient imputables au tabac en raison des complications citées précédemment. [2,9]

4) Les conséquences fœtales du tabagisme sur les mo des d’accouchement et le risque de souffrance fœtale pe r-partum.

De façon paradoxale, le tabagisme maternel pourrait avoir un effet protecteur dans la survenue d’une hypertension (HTA) gravidique et de la pré-éclampsie, avec un risque divisé par 2. Cet effet protecteur a également été évoqué dans le cadre de l’inhalation méconiale. En effet, une étude faite dans une maternité de Memphis au Tennessee portant sur 937 accouchements céphaliques avec liquide méconial, montre un taux moindre d’inhalation méconiale chez les patientes fumeuses par rapport aux patientes non-fumeuses. De plus, le tabagisme maternel pourrait également diminuer de façon modérée le taux de césarienne en cours de travail ou le taux d’extractions instrumentales par diminution du poids fœtal chez les patientes fumant moins de 10 cigarettes par jour. Il semblerait par contre que pour un tabagisme supérieur à 10 ou 15 cigarettes par jour, on ait plus de césariennes.

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Ces dernières affirmations sont à prendre avec précaution car elles résultent d’études isolées et n’ont pas encore été réalisées à grande échelle. On ne peut donc pas répondre de façon certaine à la question du lien entre l’asphyxie fœtale en cours de travail et le tabagisme. Cependant, on note de façon plus significative un score d’Apgar altéré, c’est-à-dire inférieur à 7 à 1 et 5 minutes, chez les femmes fumant plus de 20 cigarettes par jour. Par ailleurs, ce score d’Apgar ne semble pas modifié par le tabagisme maternel modéré (moins de 15 cigarettes par jour).[4]

D. Tabagisme et post-partum :les retentissements su r le nouveau-né et le jeune enfant.

Le tabagisme maternel est un problème dont on commence à se préoccuper pendant la grossesse mais que l’on oublie fréquemment dans la période du post-partum.

1) Tabagisme et allaitement maternel.[1,11] Le lait maternel est adapté aux besoins de l’enfant, selon l’âge et selon le moment. Il contient des anticorps qui contribuent à la protection des enfants contre les infections, mais cette protection dépend de la durée et de l’exclusivité de l’allaitement. L’allaitement maternel, s’il est exclusif et s’il dure pendant les 6 premiers mois, renforce notamment l’immunité des nourrissons contre les affections gastro-intestinales et respiratoires, joue un rôle positif dans la relation mère-enfant et évite les achats coûteux en lait de substitution… Le tabagisme parental représente un des facteurs importants d’un taux faible d’allaitement maternel.

� Effets du tabagisme maternel sur la lactation et l’allaitement.

� Une réduction dans la production de lait :

Les fumeuses produisent environ 3 fois moins de lait que les non-fumeuses. Une étude au Chili a d’ailleurs trouvé que les fumeuses avaient une moyenne de 693 mL de lait par jour contre 961 mL chez les non-fumeuses. Des études récentes ont montré une réduction de 40% de prolactine chez les femmes fumeuses, la prolactine étant essentielle dans l’initiation et le maintien de la production de lait. C’est cet élément qui serait en grande partie responsable de cette faible lactation. On peut également dire que même lorsque le lait est tiré mécaniquement à l’aide d’un tire-lait, le tabagisme reste associé avec une moindre production de lait.

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� La déficience nutritionnelle induite par le tabagisme : Le lait maternel des femmes fumeuses présente des déficiences nutritionnelles par rapport au lait des non-fumeuses. Il contient notamment moins de graisses, moins de calories, moins de vitamine C, mais contient les mêmes quantités de protéines, d’azote, de lactose, de calcium et de phosphore. La réduction dans la quantité et la qualité du lait créé la nécessité d’allaiter plus fréquemment, et ce afin de stimuler la production de lait et de compenser les déficits nutritionnels.

� La présence de substances toxiques dans le lait :

- La nicotine

En ce qui concerne la possible « contamination » du lait maternel par la cigarette , les études portent quasi-exclusivement sur la nicotine. Comme beaucoup de substances, elle passe dans le lait maternel. On trouve jusqu’à 10 fois plus de cotinine (une métabolite de la nicotine) dans l’urine des nourrissons des mères fumeuses qui allaitent par rapport aux bébés de fumeuses qui n’allaitent pas. Les bébés allaités de mères fumeuses ont alors un équivalent de cotinine correspondant à celui de fumeurs actifs… Les concentrations en nicotine sont 3 fois plus importantes dans le lait maternel que dans le sang, mais ces concentrations varient selon l’intervalle de temps entre la dernière cigarette et la tétée. A cause de la courte demi-vie de la nicotine dans le lait maternel, les concentrations de nicotine ne dépendent pas seulement du nombre de cigarettes fumées par jour, mais aussi de cet intervalle. La demi-vie de la nicotine dans le lait maternel étant de 1,5 heure, il faudrait s’abstenir de fumer au moins deux heures et demie avant d’allaiter, afin de réduire de manière importante la nicotine du lait. De plus, chez les femmes qui ont fumé pendant leur grossesse, le fœtus a eu l’habitude de recevoir de la nicotine en doses régulières. Il est donc considéré comme dépendant à la nicotine, tout comme sa mère. Après la naissance, on peut assister à ce que l’on appelle le « syndrome de sevrage du nouveau-né », c’est-à-dire que les nourrissons de mères fumeuses peuvent souffrir des effets de manque à la nicotine. Cela se traduira la plupart du temps par une agitation, une irritabilité ou encore des pleurs. La réduction dans la quantité de lait peut faire réduire aussi l’accès à la nicotine, ce qui induit également une agitation de l’enfant. Il arrivera alors très souvent que la mère fumeuse, cherchant à calmer son enfant agité, introduise trop tôt d’autres aliments pour compléter son lait. La présence de nicotine dans le lait maternel peut provoquer des coliques. Par contre, le bébé allaité d’une mère qui fume 20 cigarettes par jour ou plus, a des risques de présenter des symptômes d’empoisonnement à la nicotine : vomissements, diarrhées, agitations, insomnies, tachycardie… On sait que la nicotine donne un goût particulièrement prononcé au lait maternel. Le bébé de mère fumeuse présente alors d’avantage de risque de ne pas aimer le goût du lait et de refuser de ne pas vouloir s’alimenter.

- Les autres substances toxiques. Hormis la nicotine, de grands polluants comme les nitrates, les nitrites, les dioxines, le cadmium ou encore le plomb passent dans le lait maternel.

� Allaitement et arrêt du tabac :

Il faudrait éviter de donner aux mères le choix entre allaiter leur enfant ou continuer à fumer. Par contre, on pourrait plutôt les encourager à arrêter pendant l’allaitement. En effet, en cas de tabagisme jusqu’à l’accouchement, l’allaitement maternel est le moment le plus favorable au sevrage tabagique en raison de la présence concrète du bébé dans la chambre. La mère doit être soutenue et non culpabilisée :il faut alors l’informer sur les conséquences du tabagisme, lui proposer éventuellement une consultation en tabacologie…

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Concernant les substituts nicotiniques pour aider l’arrêt des femmes en lactation, ils ne sont pas contre-indiqués. Si la mère n’arrive pas à s’arrêter de fumer, elle pourra tout de même allaiter son enfant, puisque celui-ci n’est pas contre-indiqué dans ce cas précis. Cela dit, certaines règles seront alors à respecter.

� Les quelques précautions à prendre :

� Fumer le moins possible. � Ne pas fumer en présence de l’enfant, fumer en dehors de la maison, ne pas exposer l’enfant à

un environnement tabagique afin de ne pas surajouter un tabagisme passif respiratoire. � Fumer après la tétée et attendre si possible 2 à 3 heures pour la tétée suivante. � Privilégier les tétées nocturnes car la plupart des mères ne fument pas la nuit. � Privilégier un allaitement long, si possible de 6 mois complets, et prolongé au-delà en

commençant la diversification alimentaire afin de faire bénéficier l’enfant au maximum des bénéfices immunitaires du lait maternel.

� Eviter les légumes contenant de la nicotine ;aubergine, tomates vertes, choux-fleur…

� Pourquoi conseiller aux mères fumeuses d’allaiter quand même leur enfant ? On sait que nombre de substances importantes pour le développement physique du bébé ne se trouvent que dans le lait maternel. Ce dernier contient en effet de précieux anticorps qui vont protéger le nourrisson des infections. Toutes les études faites sur le sujet ont montré qu’en cas de tabagisme maternel, il est encore plus important pour l’enfant d’être allaité, la mortalité étant nettement plus élevée chez les enfants exposés au tabagisme et nourris au lait industriel que les enfants exposés au tabagisme et allaités. En outre, l’enfant nourrit au sein court moins de risque de développer des allergies. Enfin, en favorisant les liens d’attachement, l’allaitement demeure bénéfique pour la relation mère-enfant. L’allaitement maternel est toujours à privilégier s i c’est le souhait de la mère, les bénéfices de

l’allaitement étant supérieurs aux inconvénients du tabagisme.

2) Mort subite du nourrisson (MSN).[1,5,9,12] � Définition : C’est le décès subit et inattendu d’un nourrisson de moins d’un an, apparemment en parfaite santé et dont la mort demeure inexplicable même après une enquête approfondie. Le décès survient le plus souvent entre 2 et 4 mois, pendant le sommeil. � Risque : La mort subite du nourrisson reste la première cause de mortalité en France dans la première année de vie. Si on ignore toujours les causes de cette MSN, on en connaît quelques facteurs de risque. Les campagnes incitant au couchage sur le dos ont considérablement fait chuter le nombre de MSN, il persiste cependant un certain nombre de facteurs de risques propre à l’enfant et à sa mère. Parmi eux, on retrouve le tabagisme maternel qui est actuellement considéré comme le plus grand risque susceptible d’être prévenu, il serait le responsable direct de 30% des MSN . Il est difficile de distinguer la part de responsabilité entre l’exposition anténatale et postnatale. Néanmoins, il a été prouvé que le tabagisme maternel multipliait le risque de MSN par 3 si la mère avait fumé pendant la grossesse. Ce risque s’élève si la mère fume après la naissance et est corrélé à la quantité de cigarettes fumées. Le risque augmente encore lorsque le père fume… Ainsi, pour une mère qui fume plus de 20 cigarettes par jour part exemple :

- Le risque est multiplié par 3,4 si le père est non fumeur. - Le risque est multiplié par 7,4 si le père fume plus de 20 cigarettes par jour.

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� Causes : Les diverses études effectuées sur le sujet se sont particulièrement intéressées à l’action nocive de la nicotine sur le développement du cerveau. Selon les chercheurs en neurobiologie, il y aurait, chez les fœtus exposés au tabagisme gravidique, une stimulation permanente de certains récepteurs cérébraux sensibles à la nicotine. Or, ces récepteurs se situent dans une zone impliquée dans le contrôle de la respiration ainsi que dans l’éveil au cours du sommeil ; l’éveil pouvant être un réflexe vital déclenché en réaction à un manque d’oxygène. Cette étude démontre que ces récepteurs nicotiniques activés en continu pendant la grossesse sont à l’origine d’une altération des réflexes respiratoires pendant le sommeil. Autrement dit, on observera chez le nouveau-né de mère fumeuse une diminution des réflexes respiratoires et d’éveil au cours du sommeil en réponse aux apnées du sommeil et à l’hypoxie avec un risque accru de MSN. � Conclusion : Il ne fait plus aucun doute que l’exposition au tabac pendant la grossesse prédispose le nourrisson à la MSN. Le tabagisme maternel pendant et aussi après la grossesse augmente le risque de mort subite du nourrisson et l’effet est dose-dépendant lié au nombre de cigarettes fumées. Si les campagnes de recommandations ont entraîné une modification des attitudes par rapport au bébé, elles ont peu modifié les conduites des parents fumeurs. L’arrêt du tabac chez la femme enceinte pourrait permettre de diminuer le taux actuel de MSN de 10 à 30%.

3) Les pathologies respiratoires et Oto-Rhino-Laryn gées (ORL).

� Infections des voies aériennes supérieures et bronchiques :

Les poumons sont des organes qui se développent jusqu’à l’âge de 6 ans et sont très sensibles à tous les agents toxiques. Le tabac contribue à la survenue de complications respiratoires en favorisant la fermeture des petites bronches et en exacerbant la sécrétion et la réactivité bronchiques. La nicotine provoque une bronchoconstriction qui peut aggraver un équilibre respiratoire précaire ou une hypoxie chronique… Les mécanismes physiopathologiques sont multifactoriels :

• Diminution ou annulation de l’activité des cils vibratiles de l’épithélium bronchique. • Altération de la clairance du mucus bronchiolaire avec accumulation des sécrétions

réactionnelles qui se surinfectent assez rapidement. • Augmentation de la réactivité des cellules des voies aériennes supérieures et de l’arbre

bronchique, due à l’action irritative de la fumée. • Diminution de l’activité des macrophages alvéolaires, ce qui baisse fortement les possibilités

de défense des poumons. • Perturbation des échanges gazeux :il entraîne une hypoxie et une hypercapnie modérée. • Déficit faible mais significatif du VEMS (volume expiratoire maximum par seconde).[1,9]

Il faut savoir que les nourrissons porteurs des voies aériennes de plus petits calibres sont plus enclins à présenter une bronchiolite dans la première année de vie ! Le tabagisme passif accentue le risque de survenue :

- D’otites récidivantes, avec un risque augmenté de 48%. - D’infections bronchiques, notamment la bronchiolite, avec un risque augmenté de 72% si la

mère fume et de 29% si le père est le seul à fumer.

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- De pneumonies. - De toux chronique. - De rhino-pharyngites. - D’angines.

On observe ainsi un pourcentage d’hospitalisation supérieur de 30% chez ces enfants…

� L’asthme de l’enfant :

L’augmentation de la fréquence de l’asthme chez les enfants de parents fumeurs est rapportée par de nombreuses études. Que fait le tabagisme passif ?

� Il facilite l’apparition des crises d’asthme. � Il aggrave la sévérité des manifestations cliniques d’un asthme en augmentant d’environ

50% les symptômes respiratoires. � Il induit ou renforce une hyper-réactivité bronchique puisqu’il multiplie cette réactivité

bronchique à l’histamine par 4.[1,9]

Augmentation du risque de déclenchement de crise d’asthme chez un enfant asthmatique en fonction du tabagisme parental:

Si le père fume +14%

Si la mère fume +28%

Si les deux parents fument +52%

� Les modifications ventilatoires :

Certains auteurs ont mis en évidence une altération des constantes ventilatoires chez ces enfants. Parmi eux, on retrouve :

- Une diminution faible de la VEMS . - Une réduction du DEP (débit expiratoire de pointe). - Une hyper-réactivité bronchique. - Des anomalies fonctionnelles respiratoires à type d’obstruction.

Nous pouvons également prendre en compte l’hypothèse d’une hypoplasie pulmonaire relative fœtale soulevée chez l’enfant intoxiqué in utero(cf. « les retentissements respiratoires).

4) Risque de cancérogenèse.

Selon certaines études menées par des chercheurs du centre national de recherche sur le cancer, le tabagisme maternel durant la grossesse entraîne une légère augmentation des hémopathies malignes comme les leucémies et les lymphomes, des tumeurs cérébrales chez l’enfant et du cancer du testicule chez l’adulte. Les mécanismes physiopathologiques sont encore mal connus. On soupçonne cependant les nitrosamines (substances cancérigènes présentes dans la fumée de tabac) d’être à l’origine de l’augmentation des tumeurs du cerveau chez les enfants ayant été exposés in utero au tabac.[1,2,9,10]

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5) Les autres risques.[1,9,10]

� Anomalies thyroïdiennes :

La fumée du tabac contient un composant appelé thiocynate. Cet élément a un effet inhibiteur sur la fonction thyroïdienne par compétition avec l’iode au niveau des récepteurs thyroïdiens. Certaines études montrent une altération de la fonction thyroïdienne par diminution de la T3 libre chez les enfants de mères fumeuses, sans trouver de corrélation réelle avec le taux de thiocynate au cordon.

� Anomalies gonadiques :

Une enquête européenne menée entre 1996 et 1999 dans six pays (Danemark, Norvège, Turquie, Finlande, Lituanie, Estonie) chez 1770 jeunes garçons, a montré que les sujets exposés in utero au tabac présentent :

- Une réduction de 20% de la concentration en spermatozoïdes. - Une réduction de 25% de leur nombre total. - Une diminution du pourcentage de spermatozoïdes de morphologie et de motilité normale. - Des testicules de taille diminuée.

Comment ne pas évoquer alors le risque de stérilité chez ces futurs hommes…

� Risque de diabète : Il semble exister une association entre le diabète de l’adulte jeune et le tabagisme maternel durant la grossesse. L’exposition in utero au tabac pourrait augmenter le risque d’obésité, mais aussi de diabète. Ceci est probablement lié à une dysrégulation métabolique définitive secondaire due à la malnutrition ou la toxicité fœtale du tabac.

� Risque augmenté de présenter un eczéma atopique. � Une baisse de l’immunité . � Déficit de la minéralisation osseuse.

� Augmentation du risque de devenir fumeur à l’adolescence.

E. Les conséquences du tabagisme passif maternel. Ce paragraphe concerne les femmes enceintes non fumeuses mais exposées passivement à la fumée des autres, et notamment du père. La composition de l’air inhalé à proximité de fumeurs (particulièrement concentrée en CO) est telle qu’il est légitime de penser que l’exposition des femmes enceintes au tabac de l’environnement puisse affecter le fœtus. L’effet le plus significatif est l’impact sur le poids de naissance. La plupart des études s’accordent à dire que le tabagisme passif de la mère est responsable d’un déficit pondéral chez le fœtus, allant de 20 à 100g. Ces chiffres correspondent à la diminution moyenne de poids de naissance secondaire à l’exposition d’un tabagisme actif chez la mère de 1 à 5 cigarettes quotidiennes. Cet effet est dose-dépendant, faible mais certain.[9]

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Conclusion

Par sa fréquence et la gravité de ses complications , la cigarette représente actuellement un des problèmes de santé les plus importants posés par la surveillance médicale des femmes enceintes. Le tabagisme per-gravidique, au-delà même des effets néfastes à court ou moyen terme pour les femmes elles-mêmes, menace gravement la santé des enfants à naître. Ces conséquences graves sont encore aujourd’hui sous-estimées, tant sur le plan individuel que collectif car, malgré l’accumulation des preuves du danger, nous continuons à laisser naître et grandir des enfants dans un milieu tabagique duquel ils n’ont aucun moyen de se soustraire. La prise en charge de la femme enceinte fumeuse est actuellement précaire et peu développée. Toutes les complications évoquées tout au long de l’exposé seraient évitables grâce à des programmes anti-tabac stratégiques et coordonnés :conseils, consultations prénatales et/ou séances de préparation à la naissance adaptées, méthodes d’aide à l’arrêt… Le seul mode de réponse efficace à la complexité des problèmes liés au tabagisme de la femme enceinte serait une formation spécifique des professionnels de santé concernés, une meilleure sensibilisation… Mais les conséquences négatives du tabagisme associé à la grossesse dépassent la seule problématique des soins médicaux et il serait illusoire de penser que les seuls professionnels de santé, même en réseau, pourraient apporter une réponse complètement satisfaisante :le tabagisme des femmes enceintes pose une vraie question à la société toute entière, aux responsables politiques de la sécurité sociale. Cependant, la place des personnels de santé dans l’aide des femmes enceintes est fondamentale parce qu’ils bénéficient d’une situation privilégiée pour aider les mères et les pères. Les trois facteurs essentiels de changement seraient :

� La connaissance précise des risques entraînés par la fumée de cigarette pour la santé de la mère et de l’enfant.

� La formation spécifique à l’aide à l’arrêt du tabac des femmes enceintes fumeuses. � L’attitude personnelle de chacun des professionnels de santé à l’égard du tabac.

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BIBLIOGRAPHIE

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Annexes

« Quand vous fumez, votre bébé fume aussi »

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