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    LibyeLaprs-Kadhafi sannonce dlicat

    Asie centraleUne lection et des dictatures

    SciencesEtes-vous libre de vos actes ?

    AfriqueCFA:2600FCFA-Algrie:450DA

    Allemagne:4,00-Autriche:4,00-Canada:5,95$CAN

    DOM:4,20-Espagne:4,00-E-U:5,95$US-G-B:3,50

    Grce:4,00-Irlande:4,00-Italie:4,00-Japon:700

    Maroc:30DH-Norvge:50NOK-Portugalcont.:4,00

    Suisse:6,40CHF-Tunisie:4,50DTU-TOM:700CFP

    ww.courrierinternational.com1095 du 27 octobre au 2 novembre 2011

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    Tous pirates !

    Commentles hackerschangentla politique

    Indigns, Occupy Wall Street, printemps arabe

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    Editorial

    Dunecontestation lautre

    Dimanche dernier, le chro-niqueur du New York TimesThomas Friedman notaitque se droulaient deux r-volutions en ce moment auxEtats-Unis, lune Wall

    Street, lautre dans la Sili-con Valley. La premire,cest le mouvement Occupy

    Wall Street, qui conteste la suprmatie de la finance.La seconde, cest la nouvelle gnration dInternet,marque notamment par la convergence des mdiassociaux, par les avances de la technologie sans filet par le cloud computing, cest--dire la facult destocker ses donnes sur un nuage de serveurs distance Entre ces deux rvolutions existe-t-il unlien ? Cest cette pertinente question, pose no-tamment par Emi Kolawole, la responsable inno-vation duWashington Post, que nous rpondons enpartie dans notre dossier cette semaine.Sans Internet, il serait plus difficile aux militantsde toutes obdiences de sattaquer aux pouvoirs.Sans les rseaux sociaux, pas de mobilisation pour

    aider les opposants syriens. Et sans les bandespassantes qui permettent la multitude de frapperau mme moment, les hackers ne pourraient pasobtenir les rsultats que lon connat Il y a doncbien une relation troite entre les deux mutations,mais aussi des diffrences videntes. Tandis que lesindigns occupent les places et les squares etrecrent une sociabilit relle, les hackers agissenten groupe mais de faon anonyme et distance. Auprintemps dernier, les indigns de Madrid voulaienttout repenser avant dagir. Les hacktivistes, eux,mnent une rflexion sur les forums avant de ciblerleurs actions et dengorger un site ou de perturberles communications dune multinationale ou dunministre. Difficile pourtant dimaginer aujourdhuiune forme de contestation sans lautre.Malgr ces russites, tout nest pas facile pour lesmilitants. Il y a dabord certains esprits critiques

    qui mettent en cause les pirates politiques et leurabsence totale de sens des responsabilits (voirp. 19). Il y a aussi les contre-feux ouverts ici ou l.Dans les grandes organisations comme dans les ser-vices de police, on recrute des hackers repentis eton renforce les systmes de scurit des serveurs.Plus les hacktivistes se montreront entreprenants,plus la surveillance de la Toile risque dtre troite.Cest dailleurs contre cette menace que se batAnonymous, lun des groupes de hackers les plusconnus. On le voit, la lutte du pot de terre contrele pot de fer continue. Mais sur de nouveaux ter-rains o le fer peut parfois se briser.

    Philippe Thureau-Dangin

    PIERRE-E

    MMANUELRASTOIN

    En couverture :

    Illustration de Leo Espinosa, Etats-Unis.

    n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    5

    Sommaire

    6 Plante presse8 A suivre10 Les gens

    Les opinions11 Union europenne Une Europe

    allemande est neAllemagne Il fautsauver leuro et la dmocratieChine Etudiants pauvres, prouvez-le !Tunisie Lislamisme ne dictera pas sa loi

    En couverture14 Tous pirates !Les communauts de hackers ne sontplus souterraines : elles se dressentouvertement contre tous les pouvoirs.Elles ont contribu au succsdu mouvement Occupy Wall Street,de WikiLeaks et des rvolutions arabes.Aujourdhui, mme des nophytespeuvent participer aux attaques.

    Mais les mthodes de ces nouveauxmilitants sont loin de faire lunanimit.

    Dun continent lautre

    21 FranceGastronomie Touche pas mon foie gras !Carnet rose Ouf, Carla peut nouveauboire et fumer

    22 EuropeBulgarie On leur donne 20 levapour quils votent pour nousEspagne Lombre dETA, derrire moi,toute ma vie

    Serbie Des centaines de clandestinsdans le cimetire des illusionsItalie La guerre du rouleau de printempsest dclare

    UEIl aurait mieux valu annulerla dette grecqueSude Carl Bildt, dans quel camptes-vous ?28 AmriquesEtats-Unis Pas dunitchez les rpublicainsBrsilLa Fifa tacle par Dilma Rousseff32 AsieCambodge Lor Peang, un village privde ses hommesDossier Asie centrale Une dosede dmocratie, quatre doses de tyrannieJapon Malaise autour des dchetsnuclaires40 Moyen-Orient

    SyrieLa Marie-Antoinette de Damas

    41 AfriqueDossier Libye Laprs-Kadhafi,lourd de tous les dangers44 EconomieEtats-Unis Ces banques qui donnentdes maisons pour rienSuisse Controverse sur les milliards grecs47 TechnologieArme Mieux que le GPS, la ceintureintelligente48 EcologieForts Lextension alarmantedes dserts verts

    Long courrier50 Dbat Etes-vous vraiment librede vos actes ?54 Portfolio Bamako vu par Bakary Daou58 Evasion Regarde les feuilles tomber59 Insolites La veuve noirene veut pas travailler

    34Asie centraleUne dose de dmocratie,quatre doses de tyrannie

    41Dossier LibyeLaprs-Kadhafi, lourdde tous les dangers

    A nos lecteurs marseillaisLe mercredi 2 novembre, loccasion du numro spcialMarseille, nous vous invitons une rencontre-dbat,avec Philippe Thureau-Dangin, sur lactualit internationale.

    Espaceculture 42, La Canebire, Marseille 1er A partir de 18 h

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    Plante presse6 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    Aftonbladet450 000 ex.,Sude, quotidien.Le Courrier du soir

    est le plus lu des quotidienssudois. Cr en 1830,il a t rachet parla LO le syndicatdes ouvriers en 1956.ll est rest social-dmocratedepuis cette date.The American Spectator50 000 ex., Etats-Unis,mensuel. Cr en 1924,ce magazine conservateurcouvre lactualitinternationale et amricaine.Il nest aucunement li lhebdomadaire

    britannique de droiteThe Spectator.Dnevnik30 000 ex.,Bulgarie, quotidien.

    Aprs le succsde lhebdomadaireKapital, rfrence pourlanalyse conomique

    et politique, ses diteurscrent en 1999 ce quotidienrapidement reconnupour son indpendanceet son srieux.Ferghana.ru Russie.Cette agence dinformationen ligne, cre en 1998,est lune des plus richessources dinformationsrussophonessur lAsie centralepostsovitique.Trs populaire danstoute la CEI, elle possdeun rseau decorrespondantsdans dix grandes villescentrasiatiques.

    Isto370 000 ex., Brsil,hebdomadaire. Fonden 1976, Cest--diresest impos commeun des principauxhebdomadaires du pays.De tendance librale et situau centre gauche, Istosest bti une soliderputation pour son regard la fois large et

    indpendant, en accordavec lesprit combatifprodmocratiquequi oriente ce magazinedepuis sa cration.Kapitalis (kapitalis.com),Tunisie. Lanc en mars 2010,ce portail dinformationen langue franaise estddi la Tunisie et auxautres pays du Maghreb.Bien que centr surlconomie, il sintresseaussi la culture, aux faitsde socit et la politique.The Ledger66 000 ex.,Etats-Unis, quotidien.Proprit du groupe New

    York Times, Le Registreest distribu en Floride.Il publie deux magazines :Inside Polk et East PolkLifestyle.

    Libya Al-Youm Libye,hebdomadaire. Libya-alyoum.com a t cren 2004 Londrespar un groupe dopposantslibyens. En mai 2011et avec les succsenregistrs par loppositionlibyenne contre le rgimede Kadhafi, le webzinese double dunhebdomadaire publide faon discontinue partir de Benghazi.Mainichi Shimbun

    3 960 000 ex. (d. du matin),1 660 000 ex. (d. du soir, aucontenu diffrent), Japon,quotidien. Fond en 1872

    sous le nom de Tokyo NichiNichi Shimbun, le MainichiShimbun est le plus ancienquotidien japonais. Il a prisla dnomination actuelleen 1943 lors dune fusionavec lOsaka MainichiShimbun. Centriste,le Journal de tousles jours est le troisimequotidien national du payspar la diffusion.

    Al-Masri Al-YoumEgypte,quotidien. Le premiernumro de LEgyptienaujourdhui est sortidans les kiosques en 2004.Proche depuis ses dbutsde lopposition au prsidentdchu Hosni Moubarak,ce journal indpendantest lun des titresles plus populaireset les plus fiables du pays.

    An-Nahar55 000 ex.,Liban, quotidien. Le Jour

    a t fond en 1933.Au fil des ans, il est devenule quotidien libanaisde rfrence. Modret libral, il est lu parlintelligentsia libanaise.Nanfang Dushibao1 150 000 ex., Chine,quotidien. Cr en 1997,le Nanfang Dushibaoest le grand succs dunegnration de journauxde mtropole apparus la fin du XXe sicle. Ractif,inform, financ en grandepartie par la publicit, ildonne ses lecteurscitadins une gammedinformations crites surun ton critique.The National 50 000 ex.,Emirats arabes unis,quotidien. Le titre, cr

    dbut 2008, appartient une socitdinvestissement du princehritier Mohammed benZayed Al-Nahyan. Ainsi,il est souvent peu critiquedans sa couverturedes vnements intrieurs.Sur linternational, enrevanche, il offre souventdes reportages et desanalyses de grande qualit.Nature 50 000 ex.,Royaume-Uni,hebdomadaire. Depuis 1869,cette revue scientifique auprestige mrit accueille aprs plusieurs mois de

    vrifications les comptes

    rendus des innovationsmajeures. Son ge nelempche pas de resterdun tonnant dynamisme.The New Republic65 000 ex., Etats-Unis,

    bimensuel. Fond en 1914,le titre est une rfrencedans le paysage mdiatiqueamricain. Jadis vitrinede la gauche intellectuelle,il penche gauche surles questions de politiqueintrieure et dconomie,mais affiche des positionsparfois bellicistes en matirede politique trangre.Lu par le Tout-Washington,il aime prendre ses lecteurs revers par ses pointsde vue iconoclastes.Oasis (www.ca-oasis.info),Russie. Ce magazine en ligneconsacr lAsie centralea son sige Moscou. Il at cr par un groupe de

    journalistes indpendantsdu Centre du journalismeextrme, avec le soutien delONG amricaine NationalEndowment for Democracy.Cest une des rares sources pratiquer le journalismedinvestigation, fournir desanalyses assez impartialeset soutenir de jeunes

    journalistes centrasiatiques.Par mesure de scurit,le magazine ne divulguepas les noms de cescorrespondantsen Ouzbkistanet au Turkmnistan.Origo (www.origo.hu),Hongrie. Ce sitedinformation, fonden 1998, est le plus visitdu pays. Sa rdaction,

    jalouse de son

    indpendance, travaille avecune centaine de journalisteset de correspondants.Sa page dopinion,Komment.hu, donnela parole aux grandessignatures nationaleset internationales.The Phnom Penh Post5 000 ex., Cambodge,quotidien. Bimensuel sacration en 1992, le titre estdevenu quotidien en 2008.

    Anim par une quipe dejournalistes cambodgienset expatris, il a rvlde nombreux scandalespolitiques et enqutergulirement sur

    les violations des droitsde lhomme.Rousski Reporter168 000 ex., Russie,hebdomadaire. Dernier-ndu groupe de presse russeExpert, ce magazinedinformation conu pourun lectorat issu des classesmoyennes misesur le photoreportage.Seneweb (seneweb.com),Sngal. Ce portaildinformation, cr en 1999,relaie les contenus desprincipaux titres de presseet autres mdias locaux.Il produit galement ducontenu propre et disposenotamment dune radio.Sobessednik 560 000 ex.,Russie, hebdomadaire.N en 1984, le supplmentdominical illustr dela Komsomolskaa Pravda.Plus particulirement

    destin aux jeunes,il est polmique et color.Il Sole-24 Ore 410 000 ex.,Italie, quotidien. Le journalde rfrence en matireconomique de lautre ctdes Alpes. Austre, il nenest pas moins extrmement

    bien inform. Pour conforterson leadership, il tendaujourdhui laisser plusde place lactualitnon conomique,avec un certain succs.The Times of India2 200 000 ex., Inde,quotidien. Fond en 1838 Bombay, le titre est lepremier quotidien en langueanglaise du monde, avecune diffusion qui le placedevant USA Today, et restele journal de rfrence

    lintrieur du pays commeauprs de la diaspora.La Tribune 10 000 ex.,

    Algrie, quotidien. Lancen 1994, ce journal srieux la maquette austresest rapidement trouvun lectorat de cadreset a gagn une rputationdanalyste prsent sur tousles thmes dactualit.La Tribune a nanmoinssubi de lourdes pertes,particulirement depuisle suicide de son fondateur,Kheireddine Ameyar,un journaliste respectpar tous les courantsde la socit.

    Parmi nossources

    cettesemaine

    Courrier international n 1095

    Edit par Courrier international SA,socit anonyme avecdirectoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 .Actionnaire Le Monde Publications internationales SA.Directoire Philippe Thureau-Dangin, prsidentet directeur de la publication.Conseil de surveillance Louis Dreyfus, prsident.Dpt lgal septembre 2011Commission paritaire n0712C82101.ISSN n 1 154-516 X - Imprim en France / Printed in France

    Rdaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baf, 75212 Paris Cedex 13Accueil33 (0)1 46 46 16 00 Fax gnral 33 (0)1 46 46 16 01Fax rdaction33 (0)1 46 46 16 02Site webwww.courrierinternational.comCourriel [email protected]

    Directeur de la rdaction Philippe Thureau-DanginAssistante Dalila Bounekta (16 16)Rdacteurs en chefEric Chol (16 43), Odile Conseil (web, 16 27)Rdacteurs en chef adjoints Isabelle Lauze (16 54), CatherineAndr (16 78), Raymond Clarinard (16 77), Jean-Hbert Armengaud(dition, 16 57).Rdactrice en chef technique Nathalie Pingaud (16 25)Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31)Conception graphique Mark Porter Associates

    Europe Jean-Hbert Armengaud (coordination gnrale, 16 57), DanileRenon (chef de service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suisse almanique,16 22), Chlo Baker(Royaume-Uni, 19 75), Gerry Feehily(Irlande, 19 70),Marie Bloeil (France, 17 32), Lucie Geffroy(Italie, 16 86), Daniel Matias(Portugal, 16 34), Iwona Ostapkowicz (Pologne, 16 74), Iulia Badea-Gurite (Roumanie, Moldavie, 19 76),Wineke de Boer(Pays-Bas), SolveigGram Jensen (Danemark, Norvge), Alexia Kefalas (Grce, Chypre),Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rnnqvist (Sude),Alexandre Lvy(Bulgarie, coordination Balkans),Agns Jarfas (Hongrie), Mandi Gueguen(Albanie, Kosovo), Miro Miceski (Macdoine), Martina Bulakova (Rp.tchque, Slovaquie), Kika Curovic (Serbie, Montngro, Croatie, Bosnie-Herzgovine), Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie)Russie, Est de lEurope Laurence Habay(chef de service, 1636),AldaEngoian (Caucase, Asie centrale), Larissa Kotelevets (Ukraine)

    Amriques Brangre Cagnat (chef de service, Amrique du Nord, 16 14),Marc-Olivier Bherer(Canada, Etats-Unis, 16 95),Anne Proenza (Amriquelatine, 16 76), Paul Jurgens (Brsil)AsieAgns Gaudu et Franck Renaud(chefs de service, Chine, Singapour, Tawan, 16 39), Nak Desquesnes (Asiedu Sud, 1651), Franois Gerles (Asie du Sud-Est),Ysana Takino (Japon, 16

    38), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), Marion Girault-Rime (Australie, Pacifique),

    Elisabeth D. Inandiak (Indonsie), Jeong Eun-jin (Cores), KazuhikoYatabe (Japon) Moyen-Orient Marc Saghi (chef de service, 16 69),Hamdam Mostafavi (Iran, 17 33), Hoda Saliby(16 35), Pascal Fenaux(Isral), Philippe Mischkowsky(pays du Golfe), Pierre Vanrie (Turquie)

    Afrique Ousmane Ndiaye (chef de rubrique, 16 29), Hoda Saliby(Maghreb, 16 35), Chawki Amari (Algrie), Liesl Louw(Afrique du Sud)Economie Pascale Boyen (chef de service, 16 47) SciencesAnh HoTruong(chef de rubrique, 16 40) Mdias Mouna El-Mokhtari (17 36)Long courrier Isabelle Lauze (16 54), Roman Schmidt (17 48)Insolites Claire Maupas (chef de rubrique, 16 60) Ils et elles ont ditIwona Ostapkowicz (chef de rubrique, 16 74)

    Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, 17 33),Marie Bloeil (rdactrice, 17 32), Mouna El-Mokhtari (rdactrice, 17 36),Pierrick Van-Th (webmestre, 16 82), Mathilde Melot (marketing),Paul Blond (rdacteur, 16 65)

    Agence CourrierSabine Grandadam (chef de service, 16 97)

    Traduction Raymond Clarinard (rdacteur en chef adjoint, 1677),Nathalie Amargier(russe), Catherine Baron (anglais, espagnol), IsabelleBoudon (anglais, allemand), Franoise Escande-Boggino (japonais, anglais),Caroline Lee (anglais, allemand, coren), Franoise Lemoine-Minaudier(chinois), Julie Marcot (anglais, espagnol, portugais), Marie-FranoiseMonthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais), Ngoc-Dung Phan(anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais, espagnol), DanileRenon (allemand), Mlanie Sinou (anglais, espagnol)

    Rvision Marianne Bonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Grard,Franoise Picon, Philippe Planche, Emmanuel Tronquart (site Internet)

    Photographies, illustrations Pascal Philippe (chef de service, 16 41),

    Lidwine Kervella (16 10), Stphanie Saindon (16 53)Maquette Catherine Doutey, Nathalie Le Drau, Gilles de Obaldia,Josiane Petricca, Denis Scudeller, Jonnathan Renaud-Badet,Alexandre ErrichielloCartographie Thierry Gauth (16 70)

    Infographie Catherine Doutey(16 66)

    Calligraphie Hlne Ho (Chine),Abdollah Kiaie (Inde), Kyoko Mori(Japon)

    Informatique Denis Scudeller(16 84)

    FabricationPatrice Rochas (directeur), Nathalie Communeau (direc-trice adjointe) et Sarah Trhin. Impression, brochage Maury, 45191Malesherbes. Routage France-Routage, 77183 Croissy-Beaubourg

    Ont particip ce numro Justine Astre, Edwige Benoit, GillesBerton, Jean-Baptiste Bor, Valrie Brunissen, Darya Clarinard,Marine Decremps, Devayani Delfendahl, Genevive Deschamps,Bernadette Dremire, Nicolas Gallet, Marion Gronier, CatherineGuichard, Mira Kamdar, Jean-Luc Majouret, Cline Merrien, AlbaneSalzberg, Leslie Talaga

    Secrtaire gnral Paul Chaine (17 46).Assistant es : NatachaScheubel (16 52), Sophie Nzet (16 99), Sophie Jan. Gestion JulieDelpech de Frayssinet (responsable, 16 13), Nicolas Guillement.Comptabilit : 01 48 88 45 02. Responsable des droits Dalila Bounekta(16 16). Partenariats Sophie Jan (16 99) Ventes au numroResponsable publications : Brigitte Billiard. Direction des ventes aunumro : Herv Bonnaud. Chef de produit :Jrme Pons (0 805 05 01 47,fax : 01 57 28 21 40). Diffusion internationale : Franck-Olivier Torro (01 5728 32 22). Promotion : Christiane Montillet

    MarketingSophie Gerbaud (directrice, 16 18),Vronique Lallemand(16 91), Sweeta Subbamah (16 89), Elodie Prost

    PublicitM Publicit-Publicat, 80 boulevard Blanqui, 75013 Paris,tl. : 01 40 39 13 13. Directrice dlgue : Brune Le Gall. Directeur dela publicit: Alexandre Scher (13 97). Directricede clientle : Sandrine Larairie (13 47), Kenza Merzoug(13 46) HedwigeThaler(1407). Rgions: Eric Langevin (14 09). Littrature : BatriceTruskolaski (13 80). Annonces classes : Cyril Gardre (13 03).Excution: Graldine Doyotte (01 41 34 83 97) Publicit site Interneti-Rgie, Alexandre de Montmarin tl. : 01 53 38 46 58.

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    per year (triple issue in Aug, double issue in Dec), by Courrier International

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    8 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    Myanmar

    Aux marges du pays,la guerreEn milieu de semaine dernire, dans lenord du pays, aux confins de lInde et dela Chine, les combats entre les troupesbirmanes et lArme pour lindpendancedu Kachin (KIA) ont redoubldintensit, rapporte le site DemocraticVoice of Burma. Entre 20 000 et30 000 civils ont d fuir, tandis quePkin envoyait 2 000 soldats en renfort sa frontire. Un projet hydrolectriquechinois avait, en juin, fait voler en clatsun cessez-le-feu conclu en 1994(photo du 15 juin : un soldat de la KIA tupar larme birmane). Mais ce qui, aufond, exaspre le pouvoir birman, cest

    de ne pas russir convaincre diversesminorits ethniques en armes, dont laKIA, de passer sous son contrle. Et aumoment o ce mme pouvoir multiplieles gestes douverture, les affrontementsdans lEtat Kachin rappellent quunerponse doit galement tre apporte cette autre question pas moins crucialepour lavenir du pays.

    Etats-Unis

    Retrait dfinitif dIrak

    Aprs huit ans de guerre, des dpenseschiffres 1 000 milliards de dollarset 4 400 soldats amricains morts aucombat, Barack Obama a officiellementannonc, le 21 octobre, que toutesles troupes amricaines seraient retiresdIrak dici la fin de lanne. Cettedclaration nest pas un scoop : en 2008,son prdcesseur, George W. Bush, avait

    A suivre

    fix la fin de la mission militaireamricaine en Irak en dcembre 2011.Mais cette dcision nen est pas moinspolmique, souligne The New YorkTimes. De nombreux spcialistessattendaient en effet ce quune forceamricaine rsiduelle de lordrede 3 000 5 000 soldats demeuredans le pays au-del de cette date.

    Italie

    Fou rire contre Sarkozy

    Mardi 25 octobre, 17 heures, un grand rirecollectif a retenti contre Nicolas Sarkozydevant lambassade de France Rome.Cest le quotidien de droite Il Foglioqui avait appel ce laugh-inen signede protestation contre les souriresmoqueurs que le prsident franais a eus propos de la situation de lItalielors du sommet europen du 23 octobre Bruxelles. Une attitude condamne parde nombreux observateurs italiens, qui yvoient un incident diplomatique de plusdans les relations entre la France et lItalie.

    Argentine

    La surprise socialisteComme prvu, la prsidente CristinaKirchner (proniste) a t rlue hautla main le 23 octobre ds le premier tourde llection prsidentielle. La victoire dela veuve de Nstor Kirchner (prsidentde 2003 2007, mort le 27 octobre 2010),avec 54 % des suffrages, constitue,

    de lavis de Pgina 12, un vritable razde mare historique qui na pas dquivalentdepuis le retour de la dmocratie, en 1983.La surprise vient en revanche ducandidat qui sest hiss la deuximeplace : le socialiste HermesBinner, avec 17 % des suffrages,a russi en quatre mois decampagne faire des socialistesla premire force doppositiondu pays, note La Nacin.Binner, le trs srieuxmdecin et gouverneurde la province de SantaFe, qui a relgu la troisime placeRicardo Alfonsn,

    de lUnion civile radicale (UCR, libral),traditionnelle deuxime force politiquedu pays, fait faire au Parti socialisteune perce indite dans le paysagepolitique argentin.

    Royaume-Uni

    Fronde contre Cameron

    Victime dune rbellion au seinde son propre parti, le Premier ministrebritannique David Cameron risquede passer des moments difficiles dans lesmois venir. Plus dun quart des dputsconservateurs 79 sur 305 ont prisposition le 24 octobre en faveurdun rfrendum contre le maintiendu Royaume-Uni dans lUnioneuropenne. Un an et demi aprs

    son lection, ce vote porte un coup dur lautoritde David Cameron, daprsle quotidien The Independent.Selon le Daily Telegraph, il survivra cette bataille [interne] mais dautrescombats lattendent.

    Pakistan

    Les talibans promettentlinsurrectionMaulvi Fazlullah, lancien chef de filedes talibans pakistanais dans la valle deSwat (Nord), a promis de faire renatrelinsurrection dans son pays. Nous avonssacrifi nos vies pour le bien de la charia et

    nous ferons tout pour quelle soit instauredans le Malakand [rgion du Nord-Ouest] etle reste du Pakistan, a-t-il dclar. Aprsavoir t chass de Swat, en 2009, il sestrfugi en Afghanistan et a continu

    dattaquer le Pakistan lors de raidsmens la frontire, estime le porte-parole de larme pakistanaise,le gnral Athar Abbas. Ce dernierreproche surtout aux Etats-Unisde navoir rien entrepris pourliminer Maulvi Fazlullah, prcise

    Asia Times. Une manirede contrer les critiquesamricaines qui reprochent Islamabad son inactioncontre les terroristes.

    Occupy A Francfort, au pied de la BCE, une petite centaine

    de militants ont plant leurs tentes et leur pancarte Livingunder EZB(Vivre sous la BCE). Selon Die Tageszeitung,les autorits pourraient leur ordonner de dcamper des abordsde la Banque centrale europenne le 29 octobre.

    La soire de gala sera retransmisesur les principales chanes de tlvisionrusses et europennes et dans600 cinmas du monde entier.Au programme : des extraits des balletsqui ont marqu ce lieu lgendaire.Aux cts des toiles, solistes et corpsde ballet du Thtre Bolcho, serontconvis des stars de la scnelyrique mondiale : Angela Gheorgiu,Placido Domingo, Dmitri Hvorostovski,

    Natalie Dessay.

    27 octobre Annoncedu laurat du prix Sakharovdes droits de lhommedu Parlement europen.Lan dernier, il avait tattribu au dissident cubainGuillermo Farinas.

    Election prsidentielleen rpublique dIrlande.Sept candidatssont en lice, un record.Lentrepreneur millionnaireet animateur dun showde tlralit Sean Gallagher

    est le favori des sondages.

    28 octobre Dbut du Festivalnational du thtrede Bucarest (FNB), prvu

    jusquau 6 novembre.Cette 21e dition seraconsacre Tchekhov.

    Lancement par la Nasa,en Californie, du premiersatellite dobservationdu changement climatique.

    29 octobre Ouverturedu Salon du Livre francophone Beyrouth, le troisime du

    genre en importance aprs

    Paris et Montral, aveccette anne Belgique,Wallonie Bruxelles,comme pays invit.

    Nouvel appel manifesteren Isral contre la vie chre.

    30 octobre Les lectionslocales en Colombie vontaccentuer le contraste entreles rgions dvastespar la violence et la corruptionet la capitale, o saffrontentdes candidats denvergure

    prsidentielle. N O V O S T I / A F P A F P A P S I P A

    L O H N E S / A P S I P ARussie

    Lever derideau auBolchoAprs six ans detravaux, le temple delopra et du balletrusses rouvrirases portes le

    28 octobre.

    Agenda

    Allemagne

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    Les gens10 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    Mouad Belghouate

    Ouvrier lejour, rappeurla nuit

    Ils et elles ont dit

    Bart De Wever, nationalisteflamand

    DnonciateurLa Belgique estdevenue une sortede discussion diplo-matique permanenteentre deux nations,sest plaint celuiqui prne la sparationde la Flandre et de la Wallonielors dune visite chezles nationalistes cossais.(Le Soir, Bruxelles)

    Lech Walesa, Prix Nobelde la paix

    PhilosopheMuammar Kadhafi accde lternit, a-t-il dit, et il a pripour son me. Aussitt,jai pens : combien de priresfaut-il faire pourtous ceux quil a tus ?a-t-il ensuite prcis.(Dziennik, Varsovie)

    Yingluck Shinawatra,Premire ministre thalandaise

    ImpuissanteDans cette crise je me suisdmene, mais je ne peuxpas la rsoudre toute seule.Elle est critique pour sa gestionde la crise provoque par les gravesinondations qui touchent le pays.(Bangkok Post, Thalande)

    Anthony Ciccone,frre an de Madonna

    LasVous croyez quon ne ma paspos cette question des milliardsde fois : Pourquoi votre surest-elle multimillionnaire alorsque vous, vous vivez dans la rue ?Depuis un an et demi, il est SDF Traverse City, dans lEtat du Michigan.(The Michigan Messenger, Etats-Unis)

    Dmitri Medvedev, prsidentde la Russie

    AnimCelui qui joue bien au badmintondcide rapidement.Cest pourquoiil soutient le projet visant introduirece sport dans les coles russes.Pour illustrer ses dires, une vidole montre jouant contre son Premierministre, Vladimir Poutine.(blog.kremlin.ru, Moscou)

    Fidel Castro, dictateurcubain la retraite

    IndlicatJe lui ai expliqu avec quel zleje consacrais lnergie quil mereste au rve dun monde meilleuret plus juste.Il sagit des proposquil a tenus son ami Hugo Chvez,prsident du Venezuela,venu se soigner pour son cancerdans la capitale cubaine.Il nest pas difficilede partager ces rves avecle leader bolivarien une poqueo lempire [Etats-Unis] prsenteles symptmes vidents dunemaladie en phase terminale.(Granma, La Havane)

    Richard Dawkins, biologistebritannique

    RassurantQuelquun daussi

    intelligent queJsus aurait t

    athe, expliquece spcialistede lvolution

    et athe militant.(The Observer,

    Londres)

    Ils et elles ont dit

    Mouad Belghouate,dit Lhaqed.Dessin de Glez(Ouagadougou)pourCourrierinternational.

    TelQuel (extraits) Casablanca

    A

    moins dun mois deslgislatives, le MarocainMouad Belghouate, 24 ans,se retrouve en prison.Son crime ? Sous le nom

    de Lhaqed, cest aussiun slameur militant. A Hay Al-Wifaq, quartierpauvre la priphrie de Casablanca, MouadBelghouate est une star. Tout le mondele connat et, depuis son arrestation,le 9 septembre, cest la rue entire qui chanteson nom et demande sa libration. [Selonle site marocain mamfakinch, le jeune rappeura t arrt la suite dune plainte dpose parun membre de lalliance des forces royalistesaccusant Mouad de lavoir agress.] Mouadmne une double vie : le jour, il enfile sonbleu de travail et rejoint une usine de cblagelectrique ; la nuit, il devient Lhaqed

    [lindign, celui qui a la haine], un rappeur-slameur-chroniqueur hargneux et prolifique.A 24 ans, Mouad a publi un album et plusieurstracks, des brlots enregistrs sans grandsmoyens et diffuss grce au systme D. [Dansses textes, il exprime le dsarroi des quartierspopulaires et dnonce les pilleurs et lescorrompus qui minent la socit marocaine.]Ce nest pas un chanteur, mais un combattant,un lutteur, un guerrier : parmi ses refrains,Atini Haqqi Oula Ktlouni[Donne-moi mesdroits ou tue-moi]. Le grand gaillard tiresans doute son radicalisme du quotidien de sonquartier, rput difficile. Les habitants dHay

    Al-Wifaq ont dailleurs choisi de rebaptiser leurquartier Oukacha, du nom de la clbre prison,qui se trouve pourtant lautre boutde la ville. Pourquoi Oukacha ? Parce que,nous explique un habitant du quartier,plusieursjeunes multiplient les allers-retours entre la prisonet le quartier. Vivre dans ce quartier nestpas donn tout le monde, a se mrite !avait lhabitude de dire Mouad.

    Son nom est associ lantenne localedu Mouvement du 20 fvrier. Il savaitrapprocher les revendicationsdu Mouvement des habitants du coin,il savait mme rconcilier les ultrasdes deux grands clubs de footcasablancais, le Wydad et le Raja,qui dominent la vie de quartier

    Oukacha. Avec le M20, Lhaqed

    est de toutes les marches. Il hurle pleinspoumons des slogans, devenus clbres,commeAcha Achab(Vive le peuple) ou encoreAllah, Al-Watan, Al-Hourriya(Dieu, la patrie, la libert), dtournantau passage la conclusion de lhymne nationalmarocain. Certains textes ont fait grincerbien des dents. Cest le cas en particulierdun refrain qui a fait fureur sur YouTube :Ma Haddi Aych Wallah Ouldou La Wratha[Tant que je suis en vie, je jure que son filsnen hritera pas]. Les adversaires de lartiste et ils sont aussi nombreux que ses fans y voient une allusion claire au roi

    Depuis plus dun mois, Mouad est incarcr Oukacha, la vraie. Il navait aucun antcdentjudiciaire, il ne chantait ni la drogue ni le sexe,et il na agress personne. Pourquoi, alors ?se demande son amie Maria Karim. Bizarrement,le rappeur a t plac dans un quartier peupl

    de salafistes en voie de repentir.Ils esprentpeut-tre que je revienne sur la nature de monengagement, mais ils ne mauront pas, lche-t-il ses visiteurs. Dehors, Oukacha, son quartierde toujours, personne na oubli le rappeuraux hymnes rageurs. Sa rue et sa maison sontdevenues des sortes de lieux de plerinage.Les jours de manif, les gamins revtent destee-shirts demandant la libert pour Lhaqed.Sur la Toile, les rseaux sociaux font la partbelle au sujet, et le collectifMin Ajl Itlaq Sarah

    Lhaqed[Pour la libration de Lhaqed],sur Facebook, compte dj

    prs de 5 000 membres. Tousces gens et bien dautresattendent une chose :la libert pour le rappeur

    des deux Oukacha,la prison et le quartier.Karim

    Boukhari

    Depuis plus dun mois,

    Mouad est incarcr la prison dOukacha

    DR

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    Les opinionsCourrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011 11

    Union europenne

    Une Europeallemande est neLors des deux derniers sommets de Bruxelles, cest la visionallemande de la sortie de la crise qui semble lavoir emport.En faveur dune Union europenne plusieurs niveaux et audtriment des pays priphriques, estime La Stampa.

    La Stampa Turin

    L

    ors du premier sommet de Bruxelles [le 23 octobre], lapprocheallemande a prvalu sur les points cruciaux de lagenda. Aujour-

    dhui, la seule Europe possible parat tre une Europe dpendantede la politique intrieure de lAllemagne, le pays au centre du jeu,conomiquement plus fort que les autres. Avec la crise de la dette,nous assistons en direct la naissance dune Europe allemande,

    o la France ne conserve quen apparence un statut de partenaire gal.En ralit, Berlin pse trop lourd et Paris pas assez pour former un direc-toire efficace. Les autres ne jouent quun rle mineur (les pays nordiques),sont englus dans leur dette publique (les pays mditerranens) ou ontchoisi dfinitivement de rester en dehors (la Grande-Bretagne) ou dat-tendre (la Pologne).

    LEurope allemande nat, au sens propre, par dfaut : ce nest pas tantdu dfaut partiel dun pays priphrique comme la Grce quil sagit, maisde lvaporation politique dune srie dautres acteurs europens tradi-tionnels, Italie incluse. Le comit de Francfort [Nicolas Sarkozy, AngelaMerkel, Jos Barroso et Herman Van Rompuy], comme la rebaptis la presseitalienne, a pris la suite des six anciens pays fondateurs. Et la Commissioneuropenne commence ressembler plus un secrtariat technique qu

    un gouvernement potentiel de lUnion.Cette photographie (un peu crue, admettons-le) des rapports de forcesnefface pas le point essentiel : lunion montaire ne pourra surmonter lacrise actuelle qu deux conditions, dabord que les pays qui aujourdhui laguident, Allemagne en tte, augmentent leur taux de solidarit, ensuite queles pays endetts augmentent leur taux de crdibilit (rformes) et leur dis-cipline budgtaire. De ce point de vue, le double sommet de cette semainemarque, au moins sur le papier, un progrs potentiel. Car les solutions pro-poses (la recapitalisation des banques, la revalorisation du Fonds euro-pen de stabilit financire, la restructuration de la dette grecque, lesengagements des conomies vulnrables, dont lItalie) redonnent quelquesens au compromis fondateur de lunion montaire un mlange de disci-pline et de solidarit. Ces dcisions suffiront-elles calmer les marchs ?Seulement en partie, et seulement pour un temps.

    Daucuns prtendent, au vu des hsitations allemandes des derniers mois,que lAllemagne garde en ralit un plan B en rserve : en gros, la crationdun petit euro du Nord, pur des dettes mditerranennes. Cest unethse rpandue mais peu convaincante. Angela Merkel en est consciente.

    Son projet nest pas de dfaire lEurope, mais de la refaire aux conditionsallemandes. Ce qui veut dire, pour synthtiser lextrme : sans trop decharges pour ses contribuables et en imposant aux pays endetts des rglesplus rigides, accompagnes de sanctions automatiques et de pouvoirs din-tervention nouveaux dans les affaires intrieures. Lrosion de la souverai-net nationale en matire de budget est en passe de devenir lune desconsquences de la dette publique, comme lItalie a pu le constater Bruxelles : cela signifie que les rformes avortes ont dans lEurope dau-jourdhui un cot politique croissant, et plus seulement un cot conomique.

    Le plan A de lAllemagne est dancrer cette Europe la manire alle-mande, sur une rforme ultrieure des traits. Mais, si le prix payer pourla rsorption de la dette implique une dcennie daustrit, il est peu pro-bable que lEurope allemande se rvle viable sur le long terme. Si elle survit cette espce de guerre moderne travestie en crise financire, lUnion euro-penne offrira un nouveau visage. En thorie, une Europe plusieurs niveauxdevrait voir le jour autour dun noyau interne fond sur leuro et sur desinstitutions en partie spares de celles de lEurope des Vingt-Sept. Les pays

    membres du march unique, mais pas de la monnaie unique, seront rel-

    gus dans un cercle externe. Pour les partisans du fdralisme, un noyaudur de leuro peut galement reprsenter une opportunit. Dans une autreperspective, la cration dune union de ce genre aussi compartimente risque de nuire au march unique et de porter ainsi atteinte lun des pointsforts de lconomie europenne. Cest une discussion importante pour lave-nir du Vieux Continent : dommage que lItalie, un des pays qui ont fondlEurope au sicle dernier, semble assister en spectateur lEurope qui esten train de se dessiner. Marta Dass

    Allemagne

    l faut sauver leuroet la dmocratieCe ne sont pas les parlements qui ont retard le sauvetagede leuro, mais bien les banquiers.

    Sddeutsche Zeitung(extraits) Munich

    Ce quil faut, cest rduire la dette, et non rduire la dmo-cratie. Il faut diviser par deux ou par quatre la dette de laGrce, mais non les processus dmocratiques en vigueur enAllemagne et en Europe. LAllemagne ne peut admettre quesa dmocratie parlementaire se fasse castrer cause de laGrce. Que lUnion europenne reproche au Bundestag de

    travailler trop lentement, trop minutieusement et sans vraiment connatrela question est pour le moins dplac. Ces critiques sont vhmentes, ellessont pour tout dire inoues. En dernire instance, cela voudrait dire que ladmocratie nest pas capable de faire sortir lEurope de la crise. Les Etats

    membres doivent-ils tre contraints par dcret de lUE sengager sur dessommes astronomiques ? Ira-t-on jusqu penser que la chancelire doitdisposer seule du pouvoir dengager tout le pays ? Rpondre oui ces ques-tions, cest tre totalement inconscient des consquences.

    La chancelire aurait srement de quoi en tre reconnaissante. Sa posi-tion de force Bruxelles vient, entre autres, du fait que tout le monde saitl-bas quil existe en Allemagne un Parlement qui a son mot dire dans lesngociations. Cet tat de choses attnue la pression qui pse sur AngelaMerkel quant la question de savoir qui va payer. Car cest bien cela qui esten cause dans la bataille pour sauver leuro. Au premier plan comme lar-rire-plan de toutes les runions qui se tiennent actuellement, lenjeu estde savoir qui paiera finalement le cot de lintervention et dans quelles pro-portions. Est-ce que ce seront les banques ? Est-ce que ce seront les Etats ?

    Il faut dire ici clairement que ce ne sont pas les Parlements qui ontretard le sauvetage de leuro reporter un sommet de trois jours parce quele Bundestag doit encore se prononcer ne saurait tre srieusement quali-fi de dsastreux. Ceux qui ont vraiment fait traner les choses, ce ne sontpas les Parlements mais tous les Ackermann [prsident de la Deutsche Bank,

    dont le nom devient ici symbole de tous ses homologues] qui existent danschacun des Etats europens encore solides financirement (ils sont rares).Ce sont eux qui, en jouant les conseillers occultes des gouvernements, ontretard la rduction partielle de la dette grecque. Leur objectif inavou, cestde faire payer lEtat au maximum. Or lEtat, cest le citoyen, lEtat, cest lecontribuable et cest le Parlement qui le reprsente. Il faut assurmentaider les Grecs, il faut faire une croix sur une grande partie de leur dette,mais il ny a aucune raison pour autant de faire une croix sur la dmocra-tie. Le moteur de lUE, ce nest pas leuro, cest la dmocratie.

    Bien entendu, le Bundestag nest pas encore tout fait laise dans sesnouvelles missions europennes la commission du Budget, par exemple,compte des parlementaires qui la chose europenne nest pas encore fami-lire. Mais il apprend : il sait quil a une part de responsabilit dans lorga-nisation europenne. Dans le sauvetage de leuro, le Bundestag ttonnecomme toutes les autres instances. Personne na encore trouv luf deColomb. Et, dans cette recherche, il ne faut ni perdre la tte ni abandonnerle sens de la mesure. On ne saurait sauver leuro en laissant se dgrader la

    dmocratie. Heribert Prantl

    LauteurMarta Dass,essayiste italienne,

    est spcialistedes relationsinternationales.Ancienne conseillreen politique trangrepour le gouvernementitalien de 1998 2001,elle crit depuis 2010pourLa Stampa(orient centre droit),aprs avoir collaborau Corriere della Seraet Il Sole-24 Ore.Elle est ne en 1956.

    ContexteLes ministresdes Finances etles chefs dEtatet de gouvernement

    de la zone euro se sontrunis Bruxellesles 23 et 26 octobrepour trouver dessolutions la crisede la dette souverainedans la zone euro.

    LauteurEditorialiste rput,Heribert Prantlest un dfenseurinconditionnelde lEtat de droitet des principesdmocratiques.Juriste de formation,journaliste et essayiste,il est directeurdu service politiquedu quotidien libralde Munich Sddeutsche

    Zeitung. Il a 58 ans.

    ContextePar une dcisiondu 7 septembre, la Courde Karlsruhea jug conformes la Constitutionles mcanismes desauvetage de la Grceet de la zone euro.Mais elle la assortide nombreusesconditions. Ainsi,le gouvernementallemand doit consulterle Parlement pourtoute participation des plans de sauvetage.A terme, si lUEse restructure, cestla Loi fondamentale

    qui devra tre modifie.

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    adresser de reproches car cest tout de mme mieux que rien! Malgr lescritiques, ladministration et les universits persistent et signent, estimantque les tudiants en situation prcaire ny voient pas dobjection. Ceux-cine participent-ils pas activement aux discussions et ne remplissent-ils paseux-mmes les formulaires? Cette campagne lectorale ne leur donne-t-elle pas une belle occasion de monter la tribune pour exposer de longen large leurs difficults financires et prononcer des discours de remer-ciement lgard du gouvernement et de leur tablissement ? Cest ainsique ces mthodes portant atteinte la vie prive des tudiants ont mmefini par tre considres comme une excellente ideXiong Bingqi

    Tunisie

    islamisme

    ne dictera pas sa loiA force de pointer du doigt la victoire du parti islamisteEnnahda aux lections du 23 octobre, on en oubliepresqueque des partis progressistes ont su convaincrede nombreux Tunisiens.

    Kapitalis Tunis

    Que penser de la monte des islamistes ? Leur parti taitdonn gagnant par la plupart des sondages raliss avantles lections. Quil arrive en tte, cela ne surprendra per-sonne. Quil ait le plus grand nombre de siges la Consti-tuante non plus. Mais il naura sans doute pas la majorit

    absolue qui lui permettrait dorienter les grands choix dupays, car les forces librales, progressistes et de gauche seront l pour servirde contrepoids.

    Autre remarque : si elle en surprendra plus dun, la seconde place annon-ce dEttakatol [Parti social-dmocrate de Moustapha Ben Jaafar] est tout fait logique. Et, surtout, mrite. Car ce parti a su faire une campagne tran-quille, consensuelle, centriste, vitant les surenchres lectoralistes. Il aparl tous les Tunisiens, se faisant le porte-voix du peuple dans sonensemble. Limage de bon pre de famille quoffre son chef, Moustapha BenJaafar, a fait le reste. La Tunisie a besoin aujourdhui de dirigeants qui ras-semblent et non de politicards ambitieux qui divisent. Et M. Ben Jaafar, quina cess de rpter quEttakatol na pas dennemis mais seulement des adver-saires politiques, semble avoir rassur beaucoup dlecteurs hsitants. Autresurprise, la bonne troisime place annonce du Congrs pour la Rpublique(CPR ou Al-Moatamar), qui viendra aussi dmontrer que les Tunisiens nesont pas sensibles aux fastes de largent, aux artifices de la communicationou aux manipulations mdiatiques (ils en ont assez got sous Ben Ali),mais lhonntet et la rigueur morale et intellectuelle. Au sortir dun

    demi-sicle de dictature porte par un systme de corruption, de client-lisme et de propagande, les Tunisiens prfrent dsormais sidentifier auxhommes intgres. Cest le cas justement de Moncef Marzouki [leader duCPR], qui na jamais transig sur les principes, et maintenu le cap de la fid-lit aux mmes ides qui lont vu sopposer Bourguiba puis Ben Ali : lacitoyennet rpublicaine, lgalit et la justice.

    Enfin restent les performances mitiges du Parti dmocrate progres-siste (PDP) qui a ouvertement jou la carte de la rintgration des RCDistespropres [RCD, Rassemblement constitutionnel dmocratique, le parti duprsident dchu, dissous le 9 mars 2011] , du Ple dmocratique moder-niste (PDM), de lUnion patriotique libre (UPL). Ces partis, qui ont dployde grands moyens avant et durant la campagne lectorale, ne devraient pas,semble-t-il, rcolter les fruits de cette dbauche dnergie et dargent. Onpourrait oser ici une explication cette quasi-dbcle annonce : en axantleurs campagnes respectives sur les attaques, directes et indirectes, contrele parti islamiste Ennahda, ces partis ont braqu la majorit des lecteurs,notamment ceux des classes moyennes infrieures, des couches populaires

    et des rgions dfavorises. Ridha Kfi

    ContexteSix millionsdtudiants chinois

    sont aux prisesavec des difficultsfinancires. Selon desstatistiques rcentesdu ministrede lEducation chinois,25 % des tudiantsvivent en de du seuilde pauvret et 8 %en de du seuilde grande pauvret.La situation est encoreplus alarmantedans les universitsagricoles ainsique dans les colesnormales.En fvrier 2004,Ma Jiajue, tudiantde luniversit

    du Yunnan, provincedu Sud-Ouest,issu dune famille trspauvre, avait tuquatre de sescamarades quise moquaient de lui.Il avait t condamn mort en juin 2004et excut. Ce drameavait suscitune polmique surla tolrance, la justicesociale et la fragilitdes tudiants pauvresdans une socitdomine par largentroi.

    Chine

    Etudiants pauvres,prouvez-le !Pour dcrocher une bourse, les lves de milieuxdfavoriss doivent plaider publiquement leur cause.Une pratique qui se rpand dans les universits chinoises,relguant aux oubliettes dignit et respect de la vie prive.

    Nanfang Dushibao (extraits) Canton

    D

    u fait du nombre limit de bourses accordes aux tudiants issusde familles pauvres, des tuteurs [parrains des tudiants, char-

    gs de les suivre au fil de leurs tudes] ont fait monter les pos-tulants sur une estrade pour exposer la situation difficile de leurfamille ; leurs camarades tant invits ensuite voter pour eux.Les tudiants runissant le plus grand nombre de voix taient rangs

    dans la catgorie des tudiants en trs grande difficult financire, puis en diffi-cult financire [pour les suivants].Ce message, post le 30 septembre surle microblog chinois Weibo, a soulev une polmique.

    De nombreux internautes ont dnonc ces pratiques cruelles envers lestudiants issus de milieux dfavoriss. Elles nont cependant rien de nou-veau dans lenseignement suprieur : en 2006 dj, le quotidienZhongguoQingnian Bao rapportait que lInstitut sylvicole du Sud-Ouest [dans la pro-vince du Yunnan] avait adopt des mesures pour dmasquer les faux tu-diants en difficult financire et ceux qui se prtendaient en situationprcaire pour ne pas payer leurs frais de scolarit. Lcole avait exig desvingt-neuf demandeurs de bourse quils fassent un discours devant un par-terre dtudiants de leur promotion pour exposer leur degr de pauvret.Leurs camarades devaient ensuite voter pour dsigner les laurats des

    bourses. A lpoque, des voix staient dj leves pour critiquer une maniredagir qui viole le droit la vie prive de ces tudiants et les prsente commedes btes de foire. Mais rien navait t fait pour rectifier le tir. Au contraire,en 2007, le ministre de lEducation et le ministre des Finances avaientpubli conjointement des Consignes pour une bonne valuation des diffi-cults financires relles des tudiants de lenseignement suprieur. Ellesprescrivaient de mettre en place des commissions qui seraient chargesdun travail dvaluation dmocratique. Ces recommandations sont lori-gine des pratiques dvaluation de la situation des tudiants en difficultlargement rpandues depuis dans les universits.

    Il est clair que ces mthodes constituent une violation du droit la vieprive des tudiants issus de familles pauvres. Pourtant, elles nont cessde se gnraliser. Ladministration, les dirigeants dtablissement et lespuissants en gnral pensent que les tudiants pauvres qui peuvent bn-ficier dune aide doivent se montrer reconnaissants et ne peuvent pas leur

    Elyse 2012vu dailleurs

    La campagne prsidentielle vue

    de ltranger chaque semaine avec

    avec Christophe Moulin

    Vendredi 14 h 10, samedi 21 h 10

    et dimanche 17 h 10

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    En couverture14 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    Touspirates !

    Les communauts de hackers ne sont plus souterraines :elles se dressent ouvertement contre tous les pouvoirs. Ell es ont contri bu au suc cs du mou veme ntOccupy Wall Street, de WikiLeaks et des rvolu-tions arabes en piratant les sites Internet degouvernements et de grandes entreprises. Aujourdhui, mme des nophytes peu-vent participer aux attaques. Mais lesmthodes de ces nouveaux militantssont loin de faire lunanimit.

    Comment les hackerschangent la politique

    G

    U I L L A U M E D A R R I B A U / F R A C T U R E S P H O T O

    Manifestation des indigns Barcelone,le 15 octobre dernier. Le masque de Guy Fawkesest devenu lemblme des hackers. Popularispar la bande dessine puis le film V pourVendetta, le catholique anglais Guy Fawkes,aprs son excution pour trahison et tentativede rgicide en 1606, tait devenu la figure de la

    lutte souterraine contre les rgimes autoritaires.

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    Pratiqu par des groupes commeAnonymous et LulzSec, le sit-in virtuel,qui consiste bloquer un siteen lattaquant, sduit de plus en plus.

    Financial Times (extraits) Londres

    Lirruption de la police son domicileaux Pays-Bas na pas suffi branlerla foi de Martjin Gonlag, 19 ans, enAnonymous, le cybercollectif poly-morphe qui terrorise les gouverne-ments et les grandes multinationales

    sur cinq continents. Interrog pendant deux joursen 2010 avant dtre relch dans lattente dunjugement qui pourrait le condamner six ans de

    prison, le jeune homme nen a pas moins dcidde tlcharger un logiciel pirate pour participeraux attaques informatiques menes contre lessocits Visa, MasterCard et autres ayant sus-pendu tous les transferts dargent au bnfice deWikiLeaks, qui venait de publier les cbles de ladiplomatie amricaine.

    Il existe tellement de failles de scurit dansles systmes informatiques que les services derenseignements considrent les hackers commelune des principales menaces pour les pays occi-dentaux. Sils redoutent avant tout les attaquesorchestres par des Etats, la frontire entre mili-tants, criminels et espions devient de plus enplus floue. Gonlag, par exemple, fait partie deces milliers de militants dun nouveau genre quisoutiennent le mouvement dit hacktivisme,

    mot form partir de hacking[piratage] et dac-tivism [militantisme]. Le plus connu des groupesde cette mouvance est Anonymous, un collectifvirtuel permettant des internautes relative-ment peu aguerris de participer des mouve-ments de contestation souvent illgaux.

    Une contestation plus efficaceLe risque accru dune interpellation ne suffit pas dissuader les membres dAnonymous de parti-ciper ce quils comparent des sit-in. Alors queles arrestations se multiplient au Royaume-Uni,aux Etats-Unis, en Italie et ailleurs, la dtermi-nation des membres reste intacte. Des signes detensions internes apparaissent toutefois et lesrivalits pourraient russir l o les autorits chaudes par les attaques contre la CIA, le FBIet plusieurs fournisseurs du Pentagone ont

    chou jusque-l. Une ligne de rupture apparatsurtout entre la tte de lorganisation et lessimples membres. Gonlag na lui-mme revu sonjugement sur le collectif quaprs avoir vu unadministrateur dAnonymous encourager unmineur tlcharger le logiciel qui lui avait faitpasser tout un week-end derrire les barreaux[voir ci-contre et p. 16].

    Pour ses partisans, le mouvement des hack-tivistes reflte la place croissante de la technolo-gie dans notre quotidien. Internet dmocratise la fois lexpression politique lgitime et les op-rations de piratage, de la mme manire quil admocratis les mdias en permettant chacunde tenir un blog ou de publier un livre lectro-nique. Pour ses opposants, parmi lesquels figu-rent les socits victimes de fuites sur Internet

    ou de vols de fichiers clients par des hacktivistes,

    Anonymous cr un dangereux prcdent. Mmedu ct des sympathisants, certains craignent quelenttement du collectif ne provoque un retourde bton lgislatif qui pourrait aboutir un ren-forcement de la surveillance sur le rseau au dtri-ment de la vie prive, si chre Anonymous.

    Ils ont parfois fait des choses incroyablementstupides, mais il faut aussi les fliciter pour ce quilsont fait pendant le printemps arabe, reconnatun militant canadien qui se fait appeler OxbloodRuffin. Ruffin, 60 ans, travaille sur des techniquesde contournement des moyens de surveillancedans les rgimes autoritaires depuis 1996. Songroupe serait lorigine du terme hacktivisme.Les Anonymous taient extrmement mobiliss pourfaire tourner les serveurs [pendant le printempsarabe]et dire aux gens comment utiliser Internet

    ainsi que les tlphones portables en toute scurit.a, cest de lhacktivisme 10 000 %. [voir p. 17]

    Plus tard, WikiLeaks sest tout naturellementattir la sympathie du collectif. Anonymous au-rait pu exprimer son soutien lorganisation deJulian Assange de bien des manires, mais samthode prfre reste celle de lattaque par dnide service, ainsi quen firent lexprience leurscibles du monde financier, temporairement para-lyses. Ces attaques menes pour la dfense deWikiLeaks ont fa it la une des md ias et ontainsi attir des milliers de gens comme MartjinGonlag dans les rangs dAnonymous : tudiants,chmeurs ou salaris soutenant le fondateur deWikiLeaks, lui-mme hacker assez rput il y aune quinzaine dannes.

    La mthode tait la fois plus simple et plus

    efficace que les traditionnelles formes de contes-tation. Il suffisait de se connecter sur un chat IRC[groupes de discussion simultane], de tlchar-ger un logiciel et dimportuner les grands de cemonde tout en faisant circuler linformation. Cenest pas en descendant dans la rue avec un drapeauque vous attirerez lattention des mdias. a ne sertplus rien lheure du numrique, expliquaitGonlag. Il faut faire autre chose.

    Tout en sagrandissant pendant laffaire Wiki-Leaks, Anonymous se mit utiliser de plus en plusles rseaux sociaux de manire indite. Les res-ponsables de diverses oprations sorganisaient

    sur des chats et des groupes Facebook, sadres-sant aux foules par le biais de YouTube et de nom-breux comptes Twitter. Leurs messages netardrent pas intresser galement les servicesde scurit, qui se mirent remonter leurs traceslectroniques.

    Les services chargs de la lutte contre la cyber-criminalit ont lun des taux de russite les plusfaibles, avec moins de 1 % darrestations, rapportela socit Gartner, spcialise dans la recherchetechnologique. Lexpertise limite de ces servicesne leur permet gnralement pas de prouver quitait derrire le clavier lheure donne. Sanscompter que ces enqutes ne se limitent gnra-lement pas un territoire national.

    Panique sur le rseau

    Les meilleurs spcialistes en cybercriminalittravaillent pour des socits de scurit prives,o ils peuvent se faire une rputation en rv-lant de nouvelles failles ou en dmasquant degrands hackers. En fvrier dernier, Aaron Barr,responsable de lentreprise de scurit HBGaryFederal, a dclar quil avait dcouvert la vri-table identit de plusieurs chefs dAnonymous.Il sapprtait dvoiler sa mthode une conf-rence sur la scurit.

    Larticle a provoqu la panique chez Anony-mous. Plusieurs membres ont dcid de dcou-vrir par tous les moyens ce que Barr savait.Lopration fut confie Sabu, un hacker dontle premier acte politique en ligne avait t de per-turber les communications de larme lors dunexercice de bombardement de lUS Navy Porto

    Rico une dizaine dannes plus tt. A ses ctsse trouvaient Kayla, Tflow et Topiary, futurporte-parole de LulzSec. Il leur a fallu moinsdun week-end pour accder au compte e-mailde Barr chez HBGary Federal. L, ils ont dcou-vert que sa liste comprenait beaucoup derreurset ils ont dcid de la publier, ruinant ainsi larputation de la socit et poussant Barr dmissionner, le 28 fvrier.

    Si le collectif avait atteint son znith poli-tique lors du printemps arabe, il signait l sonmeilleur coup contre une socit prive. Toute-fois, Sabu, Topiary et plusieurs autres nont

    Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011 15

    Lirrsistible appel du hacking

    Hack : driv du verbe anglaisto hack(trancher). Action dinfiltreret/ou de manipuler un systmeinformatique. En soi, le hackingnest ni bon ni mauvais.Hacktiviste : de langlais hacktivist,contraction de hackeret dactivist.Dsigne un hacker dont lactionest motive par des convictionspolitiques.Chapeau noir, chapeau blanc :classification des hackers.Les chapeaux noirs, aussi appelscrackers,attaquent des systmesinformatiques dans des butscrapuleux drober des donnes

    confidentielles ou de l argent.

    On les oppose aux chapeaux blancs hackers thiques qui agissentpour dtecter et signaler des faillesde scurit dans un systmeinformatique, ou pour contrer lesattaques criminelles des chapeauxnoirs. Cette distinction thoriqueet manichenne savre cependantbeaucoup moins tranche en ralit.Cheval de Troie : logiciel dapparenceinoffensive mais qui peut cacherun programme malveillantou permettre un hacker de prendrele contrle dun ordinateur.Botnet ou ordinateur zombie :ordinateur infect par un logiciel

    malveillant ou laiss sciemment

    la disposition dun hacker. Un rseaude botnetest ainsi contrlable distance et la puissanceadditionne de tous les ordinateurspeut servir attaquer des systmesinformatiques.Loic : acronyme de Low Orbit IonCannon (canon ion en basseorbite). Ce programme, facile utiliser, permet des internautessans connaissances informatiquesde participer des attaquesinformatiques dites de dnide service (voir encadr p. 16). Il estdistribu par des groupes de hackerscomme Anonymous ceux qui

    souhaiteraient soutenir leurs actions.

    Lexique

    angage de pirate

    16

    A la une

    Le trimestrielamricain spcialisconsacre son numro

    dautomne au piratagepar LulzSec du sitedu Sun, ralisen plein scandale descoutes tlphoniquesde lhebdomadaireNews of The World,tous deux propritsdu groupe NewsInternationalappartenant Rupert Murdoch.Fond en 1984,2600 The HackerQuarterlyest unepublication techniquequi sintresse auxsystmes de piratagestlphoniques,au cryptage

    des communicationssatellitaireset au monde deshackers informatiques.La rdaction a appelses lecteurs soutenirle mouvementOccupy Wall Street,notamment traversle don dordinateursportables.

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    comme une faon crative et ludique de rsoudreles problmes. Comme il est plus facile datta-quer un systme que de le dfendre, les meilleurshackers sont ceux qui construisent des choses.Ceux qui les dtruisent sont connus sous le nomde crackers (voir lexique p. 15). Internet et les sys-tmes dexploitation composs de logiciels gra-tuits comme le GNU Project et Linux peuventtous tre considrs comme des crations de hac-kers. Mme Facebook a t lanc par des hackers.Cela ne signifie pas quils nattaquent ni nedmantlent des systmes informatiques cestbien ce quils font, avec une dlectation com-pulsive. Les hackers adolescents se servent deleur talent autant pour frimer entre eux et serebeller contre lautorit que pour servir lint-rt gnral. Il y a de bons et de mauvais hackers.

    Certains, parmi les meilleurs, dclarent que ladistinction entre hackers et crackers, ou cha-peaux blancs et chapeaux noirs, nest pas vrai-ment pertinente. Certains sont amoraux et nevoient dans le piratage quun dfi intellectuel,alors que dautres attachent la plus grande impor-tance la philosophie qui anime leurs actions.

    Les communauts de hackerspaces ne sin-tressent pas quau piratage par ordinateur. Ellesappliquent parfois leurs idaux tous les aspectsde la vie, y compris la politique. Celle-ci nestpour eux quun autre systme permettant auxtres humains de cohabiter. Comme tout sys-tme, la politique peut tre pirate et les hac-kerspaces offrent une exprience en temps relde piratage politique. Ainsi, laccs et ladhsionaux hackerspaces sont en gnral rgis par des

    normes dcides dun commun accord. Cepen-dant, il ny a pas de rglement officiel. Deman-der une permission pour entrer dans unhackerspace est mal vu car cela pose un pro-blme de hirarchie. Il est prfrable dobservercomment les choses fonctionnent, puis derechercher un accord. Heather Brooke*

    * Auteure de The Revolution Will Be Digitised(voir ci-contre).

    En couverture Tous pirates !16 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    pas voulu en rester l. Ils ont form Lulz-Sec et ont sem la panique sur le rseau pendantcinquante jours, sen prenant tout particulire-ment aux autorits des pays occidentaux et auxsocits de scurit prives. Moins nombreux,ils taient aussi plus rapides et plus efficacesquAnonymous et ont bientt compt plus de300 000 abonns leur compte Twitter. LulzSecest parvenu temporairement faire tomber lesserveurs des sites publics de la CIA et de lagencede renseignements britannique Serious Organi-sed Crime Agency (Soca). Ces attaques leur ontassur une couverture mdiatique encore pluslarge et ont incit la police redoubler defforts,ce qui les a contraints retourner dans le gironplus sr dAnonymous.

    Rompant avec la tradition dAnonymous, lesmembres de LulzSec ont publi certaines infor-mations glanes au cours de leurs intrusions,notamment les numros de tlphone de plu-sieurs agents de police ainsi que les numros decarte de crdit de milliers de clients de Sony.

    Des tensions internes apparaissentEn thorie, la divulgation de ces informations pri-ves avait pour but de faire lactualit et de gnerles socits vises afin de les obliger amliorerleurs systmes de protection. Il sagissait gale-ment de rvler la complicit de certaines soci-ts de scurit avec les autorits en matire desurveillance et de rpression.

    De fait, certains professionnels reconnaissentquaprs ce rude coup port limage de Sony etdevant limpertinence des LulzSec qui se pro-posaient dexpliquer en dtail comment ils avaientinfiltr les rseaux de la socit , les responsablesde Sony ont pass srieusement en revue leurspratiques [voir p. 19]. Cela faisait longtemps queles spcialistes de la scurit dploraient en vainla faiblesse des protections mises en place par les

    entreprises car jusque-l la plupart des attaquesde hackers ntaient pas rvles au public et lesentreprises rarement en situation dembarras.Paradoxalement, les hackers criminels de Lulz-Sec et dAnonymous ont donc probablement plusfait pour le respect de la confidentialit des don-nes que toute recommandation de la Maison-Blanche ou dune socit de scurit prive.

    Toutefois, bon nombre dAnonymous quiavaient soutenu les attaques de dni de servicenont pas approuv ces oprations antiscurit.Dautres ont manqu stouffer aprs la divul-gation dlibre dinformations bancaires et demots de passe de citoyens ordinaires. Certainsmembres se sont mis penser que leurs chefsne cherchaient qu accrotre leur influence ettaient effectivement de mche avec les rseauxdu crime organis, qui auraient pu exploiter les

    informations bancaires rcupres chez Sonyaprs la neutralisation par Anonymous du sys-tme de scurit.

    Accompagn de plusieurs anciens membres,Gonlag sest mis combattre activement Ano-nymous aprs le piratage de HBGary. Certainsspcialistes comme Aaron Barr, en pleine rdemp-tion professionnelle, ont rejoint PayPal et dautresvictimes des hackers pour rassembler des preuvescontre les vritables auteurs de ces attaques.Gonlag a donn des informations au FBI. Barrestime, ma-t-il confi [lors de la conventionannuelle des hackers, Defcon], quAnonymous adfinitivement repouss les limites de lhackti-visme sur Internet. Il est convaincu que le ph-nomne nest pas prs de disparatre. Je croisquils ont atteint une masse critique, conclut-il.

    Joseph Menn

    Les hackerspaces ou clubsde hackers ont le pouvoirde changer le monde, senthousiasmeune journaliste spcialise.

    The Guardian (extraits) Londres

    Alge du numrique, les hacker-

    spa ces [lieux o lon peutchanger, dbattre et expri-menter sur linformatique,la technologie ou Internet],comme le Chaos Computer

    Club Berlin ou Noisebridge San Francisco,sont lquivalent des cafs anglais du sicle desLumires. Ce sont des lieux ouverts tous, sans

    distinction de statut social, o priment les ideset les connaissances. Dans lAngleterre duXVIIe sicle, lgalit sociale et la mritocratie quirgnaient dans les cafs taient tellement trou-blantes pour le pouvoir que le roi Charles II avaittent dinterdire ces lieux. Cest dans les cafsque les informations, jusqualors dtenues parles lites, taient partages avec une classemoyenne qui commenait merger. On leurdoit bien des rformes sociales qui ont trans-form la vie publique anglaise.

    Si les collectifs de pirates comme Anony-mous et LulzSec ont fait la une des journauxen semparant de donnes personnelles chezSony, News International ou au sein des gou-vernements, les hackerspaces, eux, se concen-trent discrtement sur la cration dalternatives

    des phnomnes sociaux quils jugent mau-vais : culture du secret des gouvernements,puissance sans entraves des grandes entre-prises, invasion de la vie prive, etc. La com-munaut des hackers est peut-tre rduite, maiselle possde les comptences qui feront mar-cher les conomies de lavenir.

    Mais dabord : quest-ce quun hacker ?Les intresss dcrivent souvent ce quils font

    A lre des Lumires 2.0

    Pour lancer une attaque, les hackerscommuniquent principalementsur des forums ou des chats.

    Un membre expose un problme,le dbat sinstaure et, si suffisammentde personnes sont acquises la causeet la solution propose, un hackerrfrent, connu dans le groupepour ses actions mritantes, organiselaction et en donne le coup denvoi.

    Attaques par dni de service (DoS) :ce sont les fameux sit-in dont le groupeAnonymous est trs friand. Il sagit desurcharger de requtes les serveurs dela cible jusqu ce que le site soit horsservice. De nombreux sympathisantset hackers inexpriments (les scriptkids ou script kiddies) se joignent ce type dactions en utilisant

    un logiciel, LOIC, qui leur permet

    de prter leur ordinateurpour procder aux attaques.

    Intrusions : certains groupes entrentillgalement dans les rseauxdentreprises prives, dagencesgouvernementales ou militaires,pour rcuprer des donneset les publier ensuite en ligne.LulzSec a fait de ce type dactionssa marque de fabrique. Certainesintrusions peuvent se doublerdune prise de contrle du siteen question, qui permet aux hackersde diffuser un message.Ainsi, quand les pirates de LulzSecont pntr le site du quotidienbritannique The Sun, ils ont misen ligne un article annonantla mort de son propritaire,

    Rupert Murdoch.

    Cration de programmesmalveillants ou de virus : selonThe Economist, un groupe de hackers

    nord-corens sest livr cet tau piratage de jeux vido multijoueursen ligne. Le programme malveillantpermet de gagner massivementdes biens en ligne, qui se vendentensuite trs cher et en monnaie relleaux joueurs passionns.

    Manifestations dans le monderel: les Anonymous ne secontentent pas dtre prsentssur Internet. Des manifestationssont rgulirement organises.Les participants descendentalors pacifiquement dans la rue,la plupart du temps le visage couvertdun masque de Guy Fawkes

    (voir photo p. 14).

    Modus operandi

    Quatre types dactions

    15 Futurs possibles

    Pour Heather Brooke,journaliste spcia listedes nouvelles

    technologies,une rvolutionnous attend, commelannonce son dernierlivre The RevolutionWill Be Digitised[La rvolutionsera numrise,d. Heinemann,2011, non traduiten franais].Il faut quInternetdevienne un lieutotalement protgpour les citoyens lheureo les entrepriseset les gouvernementstentent de sapproprierla Toile, exhorte

    cette ferventemilitante de la libertde linformation.

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    En Egypte et en Syrie, les autoritsont tent ou tentent de faire taireles dissidents en bloquant la Toile.Mais des technophiles du mondeentier aident les contestataires contourner la censure.

    Der Spiegel (extraits) Berlin

    Dans un appartement en colo-cation du quartier bohme deFriedrichshain, Berlin, unjeune homme maigre aux che-veux bleus, portant dpaisseslunettes monture dcaille, est

    assis devant un ordinateur portable pos sur unminuscule bureau. Voil quoi ressemblent les

    forces auxiliaires du printemps arabe, desrvolutions en Tunisie, en Egypte et ailleurs.

    A la fin de lanne 2010, Stephan Urbach occu-pait encore un poste plein temps chez AOL, oil tait charg de fournir une assistance techniqueaux annonceurs. Dune certaine manire, son tra-vail na pas chang, ceci prs que ses clientssappellent aujourdhui Mohamed ou Ahmad etque, contrairement ce qui se passait son posteprcdent, il ressent comme une dcharge dadr-naline chaque fois quun de leurs messages appa-rat sur son cran. Du soulagement aussi : celaveut dire quils peuvent encore se connecter, quilsne sont ni en prison ni sous la torture.

    Le jeune homme porte un tee-shirt noir avecun motif complexe zbr dclairs. Cest le logode Telecomix, un rseau informel n en Sude

    qui runit des fanas dinformatique du monde

    entier. Leur objectif est de maintenir la libertdu Net et de contourner la censure. Il y a troisans environ, la premire mission de ces militantsa consist influencer lapplication dans la lgis-lation sudoise de la loi europenne sur les tl-coms [dite paquet tlcoms].

    Pendant le mouvement de protestation de2009 en Iran, puis durant la rvolution dujasmin en Tunisie, Telecomix publiait les liensvers les pages de dissidents et de blogueurs cri-tiques envers le rgime autoritaire de leur pays.Mais cest le 27 janvier, le jour o le rgimedHosni Moubarak a dconnect lEgypte, quelquipe de Telecomix a dcid quelle ne pou-vait plus se contenter de servir damplificateuraux voix contestataires. Le black-out instaurpar la dictature a choqu les militants Internet etles hackers du monde entier. Pour beaucoup, il a

    servi de signal dalarme, les incitant offrir uneaide concrte tous ceux qui se voyaient refuserla libert sur la Toile. Depuis, un mouvement trsactif a pris forme, compos de nombreux collec-tifs, parmi lesquels Telecomix.

    De ce qui ntait au dpart quun lan de soli-darit envers les Egyptiens, Telecomix est pass une stratgie trs labore. Depuis dbut

    Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011 17

    Difficile de mettre un visage surces hackers qui agissent dans lanonymat.Cependant, certains groupes arborentdes bannires. En voici quelques-unes.

    Anonymous ou anonymeen franais. Le nom vientde la mention anonymeattribue aux visiteursde forums de discussionen ligne qui publientdes commentaires

    sans sidentifier. Cr en 2003, le collectifAnonymous combat toute formedabus dautorit. Il sest fait c onnatredu grand public en 2 008 la suite dattaquesinformatiques perptres notammentcontre le site Internet de lEglise de

    scientologie.LulzSec : contractionde Lulz (driv de LOL,laughing out loud,

    acronyme utilis surInternet pour symboliserle rire) et de security.

    En ligne de mire du groupe, la scurit.Ces hackers, dont la plupart taient issusdu collectif Anonymous, ont revendiquun grand nombre dattaques en 2011 : le volde donnes personnelles dutilisateurssur les sites de Sony, ou encore le piratagedu site du tablod anglais The Sun. Le groupea annonc sa dissolution en juillet dernier.

    Operation AntiSec :ensemble dactions menes

    cette anne et de manireconcerte par Anonymous,LulzSec ainsi que dautresgroupes de hackers.Il y eut notamment

    la mise hors service des sites de la Soca,une agence de renseignements britannique,du gouvernement brsilienet de la compagnie ptrolire Petrobras.

    Telecomix : cr en Sudeen 2009, ce collectifdcentralis etinternational de militantsprne la libertdexpression sur la Toile.

    Il est connu pour avoir aid les dissidentsgyptiens contourner la censure imposesur Internet par le rgime de Moubarak

    et pour aider les Syriens en rbellioncontre celui de Bachar El-Assad.

    Chaos Computer Club(CCC) : tablien 1981 Berlin,le CCC est lunedes communauts

    de hackers les plus ancienneset les plus influentes dEurope.Ses credo : la libert de communication,laccs gratuit et universel linformatiqueet la transparence des gouvernements.Au dbut du mois doctobre,le CCC a rvl lexistence dun logicielespion mis au point et utilis par la policeallemande. Laffaire a relanc le dbatnational sur lintrusion de lEtat dans

    la sphre prive.

    Portraits

    lbres inconnus

    Le black-out instaurpar la dictature gyptiennea choqu les militants Internet

    et les hackers du monde entier

    La cinquime colonnedes rvolutions arabes

    18

    Dessin de Reumann,Suisse.

    Surleweb

    www.cou

    rrie

    r

    internatio

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    Un article lire :Courrier internationalpoursuit son dossierspcial. Retrouvezsur notre site Hacker,un mtier trs pris.

  • 7/27/2019 H1095

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    octobre, laction que le collectif mne pourle peuple syrien [baptise Operation Syria, ouOpSyria] attire lattention de la communautinternationale. Le 5 octobre, le collectif a pro-cd la publication massive de journaux deconnexion [rpertoriant les personnes qui se sontconnectes] des sites censurs en Syrie, qui nonseulement rvlent que le rgime de Bachar El-Assad surveille les activits en ligne des Syriens,mais qui laissent aussi penser quil se sert pourcela de technologies de fabrication occidentale.

    Les choses taient relativement faciles pourlEgypte, raconte Stephan Urbach. Conform-ment au slogan de Telecomix, We Rebuild[Nous reconstruisons], les activistes gyptiensont t simplement rerouts afin que leurconnexion soit rtablie. Pour cela, Telecomix adabord mis en place ce que lon appelle des pools(groupes de modems) dans les pays comptantun grand nombre de sympathisants de la cause,en particulier la Sude, la France, les Pays-Baset lAllemagne. Les hacktivistes ont ensuiteutilis des moteurs de recherche pour identifier

    les numros de fax cachs de bibliothques, dh-tels et de socits informatiques, auxquels ilsont envoy des numros de tlphone [de sym-pathisants] que les Egyptiens pouvaient utiliserpour contourner leur fournisseur daccs Inter-net (FAI) et continuer se connecter.

    Les confrres de Stephan Urbach au sein deTelecomix sont dissmins un peu partout dansle monde, et la plupart ne se sont jamais rencon-trs. Okhin vit ainsi Paris. De jour, ce jeunehomme de 30 ans travaille comme administra-teur systme pour une socit Internet. Maisdepuis quelques mois il passe la plupart de sessoires et de ses nuits dans un squat deux pasde la place de la Rpublique. Lui et ses amis sesont appropri deux tages dun ancien immeublede bureaux quils ont transforms en centre de

    ralliement pour hacktivistes.La connexion haut dbit des anciens loca-taires fonctionne toujours, prcise Okhin en sou-riant. Et ces rseaux permettent de fournir uneaide lectronique aux Syriens. Mais, comme lex-plique Okhin, il est bien plus compliqu daiderces derniers que les Egyptiens ou les Tunisiens.Pour des raisons dabord techniques : lutilisation

    Depuis lt, les militants du Net sefforcentde faire connatre aux Syriens des mthodes dac-cs Internet scurises. Dabord, mi-aot, ilsont envoy un court message 6 000 adresseslectroniques slectionnes. Dans le champobjet de celui-ci, Pour les partisans de la d-mocratie en Syrie : manuel de communication desurvie, et en introduction la formule Cherpeuple de Syrie, combattants de la dmocratie.Longde quelques lignes seulement, en anglais et enarabe, ce courriel contenait aussi une picejointe fournissant des instructions dtaillessur les moyens de contourner la censure sansprendre de risques, ainsi quun lien vers le chatIRC [messagerie instantane en groupe] de Te-lecomix. Dbut septembre, le collectif a gale-ment mont un site Internet proposant des lo-giciels prservant lanonymat des internautes etdautres conseils de scurit.

    Depuis, les participants et les pseudonymesen langue arabe prolifrent sur le forum. Cer-taines personnes sont l par simple curiosit,mais elles sont de plus en plus nombreuses uti-

    liser IRC pour changer informations et ides,entre elles et avec les hackers de Telecomix. Ellestmoignent des actes de brutalit, des mouve-ments de larme syrienne et des actions menespar Mukhabarat, les redoutables services secretssyriens. Sil est difficile de savoir exactementcombien de Syriens profitent des services deTelecomix, laccs par le pool de modems fran-ais a t utilis lui seul quelque 9 000 fois,selon Okhin, et le nombre de participants arabo-phones qui aident le collectif traduire les mes-sages a nettement augment.

    Dans sa colocation berlinoise, StephanUrbach continue de consacrer environ 400 eurospar mois, prlevs sur ses allocations chmage, ses activits pour Telecomix. Et, sil sinquitebeaucoup pour ces internautes syriens avec qui

    il est en contact, certains moments plus lgersprtent sourire. Lautre jour, alors quil faisaitde la maintenance sur ses serveurs, il leur a dcou-vert une autre utilit : en Egypte, quelquun taiten train de tlcharger un pisode de la srie am-ricaineHow I Met Your Mother. Et alors ? La rvo-lution, a peut tre aussi fun de temps en temps.Ole Reissmann et Marcel Rosenbach

    18 Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011

    dInternet est nettement moins rpandue enSyrie, le rseau de tlphonie 3G y est trs limit,et les Syriens sont trs peu nombreux possderces smartphones qui permettent de photogra-phier ou de filmer en toute discrtion les violencesperptres par les autorits. A cela sajoute la bar-rire de la langue : la plupart des contestatairessyriens ne parlent que larabe.

    Enfin, et surtout, le rgime Assad est pluttbien quip. Comme Okhin et dautres hackerslont remarqu lors de leurs vires virtuelles noc-turnes, le gouvernement syrien bloque la fois laccs Internet et des sitesprcis. Ces sites sont placs sous

    surveillance constante grce des technologies de fil-trage ultramodernes misesau point par des entre-prises occidentales.Dans leur offensive depiratage des organis-mes de censure sy-riens, les militants deTelecomix ont rcu-pr quelque 54 giga-octets de donnes. Ilsesprent y dcouvrirdes dtails relatifs lutilisation de techno-logies amricaines parle fournisseur daccs

    syrien une entreprisepublique pour espion-ner le peuple et lui bloquerlaccs certains services decommunication comme Skype. PourUrbach,lexportation des technologies occidentalesde surveillance sur le Net devrait tre aussi contr-le que celle des armes.

    En couverture Tous pirates !

    17

    Dessin de Maykparudans Sydsvenskan,Malm.

    Occupy Wall Street,le mouvement citoyenqui dnonce les abus

    du capitalisme financier,montre le potentiel que peutavoir une action mene la fois dans la rue et en ligne.Tout a commencen fvrier 2010 avec la sortiede lenqute de David DeGrawThe Economic Elite Vs. the

    People of the United Statesof America.La vrit

    est que 99 % de l a population

    amricaine nest plus

    reprsente politiquement,

    crivait le journalisteamricain, qui a lancdans la foule le Mouvementdes 99 % un rseau social

    qui servirait de plate-forme

    des propositions de rformes

    conomiques et sociales,

    explique le mensuel amricain

    Fast Company. A la suitedune srie dattaquesinformatiques menescontre cette plate-forme,le collectif Anonymousa dcid de contacter DeGrawen lui offrant de construireun site plus sr. Puis, quandlONG Adbusters a publisur la Toile son ide de sit-inpour le 13 juillet, Anonymousa rpandu lidedune occupation pacifiquede Wall Street via Twitter,les chats IRC et quelques blogs.A Manhattan, il sest dveloppun militantisme en ligne

    parallle qui a renforc

    le mouvement, critThe Guardian.Sousla bannire du collectif

    Anonymous, les hacktivistesse mlent aux actions

    dans la rue.

    A Zuccotti Park, certainsdonnaient des cours

    sur les liberts numriques

    et installaient des programmes

    gratuits et libres quiconque

    apportait son ordinateurportable,relatelhebdomadaire amricainThe Nation.Occupy Wall Street utilise

    aussi les rseaux sociaux

    comme outils dorganisation,

    poursuit The Guardian.Quand, quelques jours avant

    les premires manifestations,

    un groupe de militants

    a appel l meute,

    Anonymous a dvelopp

    une application Twitter,dnomme Urge,

    qui a fait campagnepour viter toute violence

    [dans les manifestations].

    Les initiatives se sontmultiplies et, le week-enddu 15 octobre, plusieurshackatons (marathonsde hacking) ont t organiss Washington, New York et SanFrancisco. Le but tait deconcevoir pour le mouvementdes applications optimisant lacommunication sur les rseauxsociaux : crer des chats partir de simples tlphones

    portables ou laborer

    des plates-formes de collectede dons scurises.La gnration suppose

    apathique et blasepar les nouvelles technologies

    est en train de les utiliser

    pour simpliquer

    dans lactualit politique

    un moment o les principes

    fondamentaux du pouvoirsont rcrits selon des termes

    qui ne sont plus totalement

    entre les mains des Etats-

    nations,note The Nation.Le lien entre la contestation

    dans la rue et sur la Toilese renforce. Aprs tout,

    le contrle de linformation

    est pour un Etat lun

    des moyens les plus importants

    dexercer son pouvoir.

    Occupy Wall Street

    En ligne et dans la rue, unissons nos forces

    Lexportation des technologiesoccidentales de surveillancesur le Net devrait tre aussicontrle que celle des armes

  • 7/27/2019 H1095

    19/60

    Dans cet entretien, Sam Bowne,qui enseigne les technologies delinformation au City College de SanFrancisco, se montre trs critiquevis--vis des tactiques des groupes dehackers comme Anonymous et LulzSec.

    Radio Free Europe/Radio LibertyPrague (extraits*)

    RFE/RL Pensez-vous que des groupescomme Anonymous ou LulzSec piratentdans un esprit thique ?SAM BOWNE Dans lassociation des deux mots,le terme piratage me drange moins que celuidthique. Les Anonymous qualifient leur action

    dthique, car ils se considrent comme des con-testataires politiques au service dune noble cause.Ma vision de lthique est bien plus simple. Ceque nous faisons est lgal. Cest une thique com-merciale, professionnelle : on obit la loi et onne ment pas aux gens sur ce quon peut faire. Cenest pas le genre dthique mtaphysique danslaquelle on cherche rendre le monde meilleur,au besoin en violant la loi. Les hacktivistes esti-ment que leur cause est si importante quelle peutjustifier des atteintes la loi. Lessentiel, pour eux,est de dfendre leur cause.Pensez-vous que, si cela relevaitde lintrt du public, il pourrait trethiquement acceptable de violerla loi pour rvler une information ?Sur ce plan, les pirates de LulzSec sont totale-

    ment irresponsables et ils nont aucune excusepour ce quils font. Ils ont mis en ligne des motsde passe de larme amricaine, ce qui est com-pltement fou et naide personne. Quant ceuxdu groupe Anonymous, je nai aucune sympa-thie pour ce quils font aux Etats-Unis, car ilssemblent se contenter de dtester toutes les per-sonnes investies dune autorit et sadresser des adolescents qui ny connaissent rien et dontils font des criminels avec leurs mensonges.En ce qui concerne les attaques par dnide service, qui semblent tre devenuesune tactique de choix pour certainsde cesscript kids[hackers peuexpriments], les considrez-vouscomme du vandalisme numriqueou plutt comme des sit-in sur la Toile ?Je ne considre vraiment pas ces actions comme

    des sit-in. Beaucoup de gens disent que les miseshors service de certains sites par le groupe Ano-nymous sont thiquement et lgalement fondes.La diffrence entre ces attaques et des sit-in estque, dans un sit-in, on est physiquement prsentet on peut donc tre arrt par la police. Cest lque les Anonymous montrent leur manque totalde sens moral. Si vous voulez vraiment contesterou violer une loi, il suffit de voir comment Gandhiet Martin Luther King ont agi. Vous exprimezvotre position en public sous votre vrai nom etvous laissez la police vous arrter pour avoirbloqu la circulation ou commis un acte de naturesimilaire ; les gens sinterrogeront alors sur lesraisons qui vous ont pouss agir ainsi et sur lim-portance de votre cause. Mais les hackers cachs,eux, attaquent un site et prennent la fuite pour

    viter la sanction. Ils gnrent un sentiment de

    peur, car les gens pensent juste titre quils pour-raient tre les prochaines victimes. Cela dnoteun manque dengagement de leur part. Ils nervlent pas leur vritable identit et ne sont pasprts assumer les consquences de leurs actes.Des membres dAnonymous et deLulzSec ayant t rcemment arrts,ces groupes font valoir que leshacktivistes sexposent des sanctions.Si vous vous rendez sur les pages o lon peuttlcharger le Low Orbit Ion Cannon [un logi-ciel permettant de mener des attaques par dnide service], qui est leur instrument de prdi-lection, vous y lirez que vous ne serez jamaispris car, ds que les attaques commencent, lesserveurs sont saturs et les fichiers journauxperdus, si bien que vous pourrez toujours pr-

    tendre que vous tiez infect par un virus. Cestabsolument faux, et il suffit davoir un minimumde connaissances sur la scurit des ordinateurspour sen apercevoir. Ce qui se passe, cest quunpetit groupe de gens de ma gnration ayantune quarantaine ou une cinquantaine dannes recrutent des jeunes et les utilisent comme desarmes jetables : ils les amnent par la ruse par-ticiper aux attaques, avant de les laisser tomber.Votre opinion sur le piratage thiqueest-elle rpandue dans la communautdes hackers ? Est-elle minoritaireou fait-elle lunanimit ?Je pense que la plupart des professionnels par-tagent mes ides. Il y a environ un an, jai crit peu prs les mmes choses dans un article, et desgens ont protest. Jai alors effectu un sondage

    auprs de professionnels ayant le Cissp [Certi-fied Information Systems Security Professional],un certificat qui garantit que les intresss adh-rent un code dthique. Je leur ai demand silsobservaient rellement les rgles, et 80 % 90 %dentre eux ont rpondu par laffirmative.

    * Lintgralit de cet article (en anglais) est consul-table sur www.rferl.org/content/lulzsec_is_utterly_irresponsible_anonymous/24272909.html

    Courrier international | n 1095 | du 27 octobre au 2 novembre 2011 19

    Ces groupes sont totalement irresponsables

    La scurit sur Internet est une illusion,

    confie un membre de LulzSec au magazineNew Scientist. Ce groupe de hackers,qui a agi surtout pour samuser, a piratun certain nombre de mdias amricainset britanniques (PBS, Fox, The Sun),le Snat amricain, la CIA et les gantsde lindustrie du jeu vido (Sony etNintendo). Mais, contrairement dautres

    cyberpirates, LulzSec na pas vendulinformation vole : il a prfr la publier

    sur des forums publics. Certaines

    de ses captures ressemblent plutt

    de la dnonciation, expliquelhebdomadaire.

    En franchissant la ligne de dmarcationentre dsobissance civile et criminalit,le groupe LulzSec a en effet misen vidence ltat catastrophiquede la scurit en ligne. Les entreprisestendent se contenter du strict minimum

    lgal,explique au New ScientistChrisHadnagy, consultant pour une firmede cyberscurit. Selon lhebdomadairescientifique, mme les banques ont tlaxistes avec [les donnes] de leurs clients.

    Les piratages de LulzSec ont au moinsle mrite dattirer lattention sur la questionde la scurisation des donnes.Mais les hackers sont-ils alls trop loin ?Gare la perte collective de con