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UNIVERSITÉ PARIS II - PANTHÉON-ASSAS INSTITUT DE DROIT COMPARÉ HARVARD LAW SCHOOL ***** Master 2 Recherche de Droit Européen Comparé Promotion 2017-2018 Dirigée par le Professeur Louis VOGEL Céline DOGAN Sous la direction de M. le Professeur Stephan VOGENAUER Attractivité et droit des contrats en Europe et aux États-Unis

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UNIVERSITÉ PARIS II - PANTHÉON-ASSAS INSTITUT DE DROIT COMPARÉ

HARVARD LAW SCHOOL

*****

Master 2 Recherche de Droit Européen Comparé Promotion 2017-2018

Dirigée par le Professeur Louis VOGEL

Céline DOGAN

Sous la direction de M. le Professeur Stephan VOGENAUER

Attractivité et droit des contrats en Europe et aux États-Unis

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Page 2: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

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Page 3: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Remerciements

J’adresse mes sincères remerciements à M. le professeur Stephan VOGENAUER pour

avoir accepté de diriger ce mémoire de recherche, dont la qualité de ses enseignements

m’ont assurément orienté vers le droit comparé des contrats. 

Je remercie également mes parents pour m’avoir soutenu et encouragé durant toutes ces

années, ainsi que mon petit frère Kévin, précieux soutien lors l’élaboration de la

bibliographie. 

Il y a la famille que l’on a à la naissance, et celle qu’on se choisit au fur et à mesure de la

vie, c’est ainsi à mes amis que j’adresse mes derniers remerciements.

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Page 4: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Résumé :

L’idée de concurrence normative largement débattue dans de nombreux pans du droit aux États-Unis, n’est pas étrangère à l’Union européenne, mais la dialectique entre harmonisation du droit et autonomie des États membres réduit la portée de cette concurrence pensée uniquement en termes économiques. Pourtant la récente réforme française du droit des contrats intervenue en 2016 affichait clairement l’objectif de rendre le droit français plus attractif. Le Brexit intervenant également au même moment à posé avec acuité l’idée que la France se battait pour l’attractivité de son droit. L’objectif de ce mémoire de recherche est ainsi d’examiner si les États américains et européens se placent dans une perspective de concurrence en matière de droit des contrats. Car si le contrat constitue le terrain de jeu des parties, la loi applicable à celui-ci fixe alors les règles du jeu, auxquelles les cocontractants devront se plier et dont l’arbitre sera le juge. Toute la subtilité pour les parties à un contrat transfrontalier ou interétatique, réside ainsi dans la détermination des règles adéquates à leur jeu.

Abstract :

The idea of normative competition, which has been widely debated in many parts of the US law, is not foreign to the European Union, but the dialectic between the harmonization of the law and the autonomy of the Member States reduces the scope of this purely thought competition in economic terms. However, the recent French contract law reform in 2016 clearly showed the objective of making French law more attractive. The Brexit also intervening at the same time posed with acuteness the idea that France was fighting for the attractiveness of its law. The purpose of this research paper is thus to examine whether the American and European States place themselves in a competition perspective in the field of contract law. Because if the contract is the playing field of the parties, the law applicable to it then sets the rules of the game, to which the contracting parties will have to comply and whose arbitrator will be the judge. All the subtlety for the parties to a cross-border or inter-state contract lies in determining the appropriate rules for their game.

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Liste des principales abréviations

Art Article

B to B Business to Business

B to C Business to Consumer

CE Communauté Européenne

CICAP Cour Internationale de la Cour d’Appel de Paris

CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne

CPC Code de procédure civile

CVIM Convention de vente internationale de marchandises

FAA Federal Arbitration Act

HCJPP Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris

I Issue

ICC Chambre de commerce internationale

OPI Ordre public international

Rev Revue

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne

UCC Uniform Commercial Code

UE Union Européenne

USA États-Unis

Vol Volume

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Page 7: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

SOMMAIRE Remerciements 3 _________________________________________________

Introduction 10 __________________________________________________

PARTIE I : ATTRACTIVITÉ ET CONCURRENCE NORMATIVE EN DROIT DES CONTRATS 20 ________

Chapitre 1 : La contractualisation d’un choix de loi 21 _________________________

Section 1 - Le choix des parties 21 ___________________________________

I - La permission textuelle du choix de loi 21_______________________________A) L’assoupissement des règles de conflit de lois aux États-Unis 21 __________________________

1) Le First Restatement of Conflict of Laws et la négation de l’autonomie des parties 21 __2) L’érosion de la lex contractus situs 23 _________________________________________3) La nécessité des clauses d’electio juris sous le Second Restatement of Conflict of Laws 24

B) La transformation de la Convention de Rome de 1980 en un instrument communautaire 25 ____

II - Le respect par le juge du choix de loi 26_______________________________

A) La mise en œuvre de l’electio juris par les tribunaux 27 ________________________________B) La mise en œuvre de l’electio juris à l’aide des lois étatiques 28 __________________________

Section 2 - L’offre de lois 29 _______________________________________

A) La concurrence normative horizontale 30 ____________________________________________B) Concurrence normative verticale 31 ________________________________________________

Chapitre 2 : Le concept d’un droit des contrats attractif 34 ______________________

Section 1 - Les qualités intrinsèques au droit des contrats 35 ______________

I - La prévisibilité juridique 35_________________________________________A) Le respect des clauses arbitrales 35 ________________________________________________B) L’interprétation par le juge 37 _____________________________________________________

II - La flexibilité 39_________________________________________________A) La théorie de l’imprévision 39 ____________________________________________________B) L’efficience du précédent 42 ______________________________________________________

III - Des règles impératives amoindries 43_________________________________A) La sanction des clauses abusives 44 _________________________________________________B) La bonne foi 47 ________________________________________________________________

Section 2 - Les qualités extrinsèques au droit des contrats 50 ______________

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Page 8: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

I - La neutralité 50_________________________________________________

II - La familiarité 51_________________________________________________

III - Le caractère international 53_______________________________________A) Le facteur linguistique 53 ________________________________________________________B) L’enseignement international et comparatiste 55 _______________________________________C) Le « Network effect » 56 _________________________________________________________

PARTIE II : IMPLICATIONS ET PERSPECTIVE DU LAW-SHOPPING EN DROIT DES CONTRATS 58 ____

Chapitre 1 : Les mécanismes de régulation du law shopping en matière contractuelle 59 ___

Section 1 - Évaluation des risques inhérent au marché du droit des contrats 60

I - Les caractéristiques du marché pour le droit des contrats 60________________

A) Des produits juridiques hétérogènes 60 _____________________________________________B) Des divergences normatives 61 ____________________________________________________

II - Transposition de la théorie du « vote par les pieds » 61___________________

III - L’exception de lien raisonnable aux États-Unis 62________________________

Section 2 - L’electio juris mise en échec par l’intervention du juge 64 _______

I - La protection par les lois de police 64_________________________________

A) L’intervention des lois de police 64 ________________________________________________B) L’application casuistique des lois de police 66 ________________________________________

II - Le mécanisme correctif de l’exception d’ordre public 68____________________

A) Fonctionnement de l’exception d’ordre public 68 _____________________________________B) L'application incertaine de l’exception d’ordre public 70 _______________________________

Chapitre 2 : Harmonisation versus concurrence normative 73 _____________________

Section 1 - Un droit des contrats harmonisé ? 73 ________________________

I - Les modèles de concurrence normative 73______________________________

A) Le modèle du fédéralisme compétitif 73 _____________________________________________B) Le modèle de l’harmonisation réflexive 76 ___________________________________________

II - L’harmonisation en matière contractuelle 77____________________________

A- Le projet d’unification du droit des contrats en Europe 77 ______________________________B- Le projet de loi fédérale réglementant l’exécution des clauses de choix de loi 79 _____________

III - La forme de l’harmonisation en matière contractuelle 81___________________

A) L’adoption d’un instrument optionnel 82 _____________________________________________1 - Une méthode d’unification à intensité variable 82 ______________________________2 - Un projet d’unification fondé sur les coûts transactionnel 82 ______________________3 - L’incompatibilité de l’instrument optionnel 83 _________________________________

B) L’adoption d’un instrument contraignant 84 __________________________________________

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Page 9: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

1 - Le rejet de l’instrument optionnel 84 _________________________________________2 - L’argument de l’attractivité au service d’un futur projet d’unification 85 ____________3 - Le dépassement de l’objectif de réalisation du marché ? 86 _______________________

Section 2 - Conséquences du Brexit sur le système de concurrence normative

européen 87 ________________________________________________

I - L’impact du Brexit sur le droit international privé 87_______________________A) L’impact du Brexit sur l’application des règlements Rome I et Bruxelles I bis 87 ____________

1- Sur l’application de Rome I : loi applicable 88 __________________________________

a) Rome I sans le Royaume-Uni 88 ______________________________b) Le Royaume-Uni sans Rome I 88 _____________________________

2 - Sur l’application de Bruxelles I bis : compétence juridictionnelle 89 ________________

a) Bruxelles I bis sans le Royaume-Uni 89 ________________________b) Le Royaume-Uni sans Bruxelles I bis 89 _______________________

B) L’incorporation du droit européen dans l’ordre juridique britannique 89 ___________________

II - L’impact du Brexit sur le marché du droit des contrats 90__________________A - L’avenir des clauses d’electio juris post-Brexit 91 ____________________________________

1- Un droit des contrats inchangé 91 ___________________________________________2- Le respect persistant du choix de la loi anglaise 92 _______________________________

B) Le déclin du droit anglais ? 92 ____________________________________________________1 - La perte de circulation des jugements britanniques 92 ___________________________2- Une perte pour l’Union Européenne 93 ________________________________________3 - L’attractivité renouvelée du droit français 94 __________________________________

Conclusion 97 ___________________________________________________

Bibliographie 99_________________________________________________

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Page 10: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Introduction

On dénombre officiellement 197 pays dans le monde , environ 7 000 langues 1

parlées , et plus de 7 milliards d’êtres vivants sur la planète . L’avènement des 2 3

nouvelles technologies, le développement des transports, la facilitation des échanges

commerciaux, et la libéralisation des flux migratoires ont eu pour résultat de faire

interagir toujours plus encore les différents individus aux quatre coins du globe et de

rendre ainsi les frontières étatiques de plus en plus poreuses.

Il est désormais possible en quelques clics de recevoir un vase en porcelaine en

provenance de Chine directement chez-soi, de retrouver chez son primeur au bout de

la rue des fruits exotiques issues de l’Amazonie brésilienne, et pour une entreprise

française, de vendre et effectuer la maintenance des moteurs d’avion d’une

compagnie indienne. Et tout cela sur la base d’un seul et même instrument : le

contrat.

Défini comme une convention ayant pour objet de créer une obligation ou de

transférer la propriété , le contrat est perçu par Friedrich Hayek comme étant 4

l’instrument essentiel d’un ordre social libéral . La mondialisation induisant 5

l’extension du champ d’activité des agents économiques, nous avons assisté ces

dernières décennies à un véritable changement de paradigme, décuplant ainsi le

nombre de contrat conclus. Les contrats qui furent autrefois signés entre parties

originaires d’un même État, gouvernés par la loi de ce même État puis soumis aux

juridictions de celui-ci, se sont retrouvés contenir de plus en plus, un ou plusieurs

éléments d’extranéité aboutissant en leur internationalisation. L’intensification des

transactions transfrontalières a donc donné naissance aux contrats transfrontaliers.

Liste officielle des pays reconnus par les Nations-Unis, http://www.un.org1

M-F. ROMBI, Directrice de recherche au musée de l’Homme, http://www.museedelhomme.fr/fr/2

combien-langues-sont-parlees-monde

Worldometers, Recensement de la population mondiale actuelle, http://www.worldometers.info/fr/3

population-mondiale/

G. CORNU, Vocabulaire juridique, Quadrige, PUF, 2018, p 2314

F. HAYEK, « Droit, législation et liberté » , t. 2 « Le mirage de la justice sociale », 1976, traduit 5

par R. AUDOUIN, PUF. 1995, p 131!10

Page 11: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Les parties à un tel contrat transfrontalier sont en principe libre de choisir le droit

applicable à leur relation contractuelle, encore appelée loi d’autonomie.

En Europe, la libre détermination par les parties du droit applicable au contrat, est

consacrée à l’article 3 du Règlement dit « Rome I » du 17 juin 2008 qui établit des 6

règles uniformes pour déterminer la loi applicable aux obligations contractuelles dans

des situations de conflits de lois, pour les contrats n’impliquant pas une « partie

faible ».

Aux Etats-Unis, là où le système juridique est également à plusieurs niveaux, il

n’existe pas de droit des contrats américain mais autant de droit d’États, et des

contrats interétatiques sont conclus entre parties issues de différents États fédérés que

l’on appelle communément des « cross-border contracts ». Les règles de conflit de

lois applicables à ces contrats sont donc de la compétence législative des États

fédérés. Bien qu’il existe sept systèmes de conflit de loi différents aux États-Unis, le

Restatement (Second) of Conflit of Law se distingue des autres en étant appliqué par 7

vingt-trois États fédérés et son article 187 consacre également la loi d’autonomie. Il

est prévu seulement deux possibles limitations à la loi d’autonomie : (1) l’exigence

d’une relation substantielle avec la loi de l’État choisie, ou une autre base raisonnable

fondant ce choix, (2) la nécessité de ne pas violer une disposition d’ordre public de la

loi en cause. En l’absence de choix par les parties, la détermination de la loi

applicable aux contrats transfrontaliers en Europe et contrats interétatiques aux États-

Unis demeure parfois incertaine.

À défaut de choix de loi exercé par les parties, l’article 4 du Règlement Rome I

détermine la loi applicable au contrat d’abord selon le type de contrat : si le contrat

n’entre pas dans l’une des catégories de contrat énoncées préalablement ou couvre

plusieurs points, alors le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui

doit fournir la prestation caractéristique à sa résidence habituelle. L’article poursuit

que, lorsqu’il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat

présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui issu des

solutions précédentes, la loi de cet autre pays s’applique. Enfin, lorsque la loi

applicable ne peut être déterminée sur la base des précédentes solutions, le contrat est

régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Règlement CE n°593/2008 du Parlement européen 6

Restatement (Second) of Conflict of Law, Volume 1, §§ 1-221, The American Law Institute, May 7

23, 1969!11

Page 12: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Au niveau fédéral américain, pour le Professeur Symeon Symeonides, la section 6 du

Restatement (Second) of Conflict of Law est le reflet du scepticisme typiquement

américain à l’encontre des normes édictée a priori, définissant des catégories limitées

et prouve un haut degré de confiance dans les capacités des cours à développer des

solutions appropriées sur la base du cas par cas . En effet, la section 6 rappelle dans 8

un premier temps que la cour est sujette à des limitations constitutionnelles et que

celle-ci doit suivre les directives statutaires sur le choix de loi de l’État dans lequel

elle se trouve, dans un second temps lorsque de telles directives statutaires sont

inexistantes on liste les facteurs pertinents lors de la determination de la loi

applicable : (a) "the needs of the interstate and international systems", (b) "the

relevant policies of the forum ", (c) "the relevant policies of other interested states

and the relative interests of those states in the determination of the particular issue ",

(d) "the protection of justified expectations", (e) "the basic policies underlying the

particular field of law", (f) "certainty, predictability and uniformity of result", et (g)

"ease in the determination and application of the law to be applied ". 9

Devant tant de choix possibles et d’incertitudes dans la détermination par le juge du

droit devant être appliqué au contrat, les cocontractants désignent en pratique quasi-

systématiquement un droit applicable au contrat. Cependant le choix du droit

applicable à ces conventions n’est pas sans conséquences et ne doit pas être laissé au

hasard. En effet, le droit choisi aura vocation à encadrer l’interprétation et

l’application des différentes dispositions contractuelles, les sanctions en cas de non-

respect des obligations, l’évaluation des dommages, l’extinction des obligations, les

mesures d’exécution et les sanctions en cas d’invalidité des contrats. Si le contrat

constitue le terrain de jeu des parties, la loi applicable à celui-ci fixe alors les règles

du jeu, auxquelles les cocontractants devront se plier et dont l’arbitre sera le juge.

Toute la subtilité pour les parties réside ainsi dans la détermination des règles

adéquates à leur jeu. Une clause introduisant une obligation de bonne foi ne sera pas

interprétée de la même manière suivant que le droit applicable est le droit français ou

le droit anglais. La notion de « best efforts » dans un contrat soumis à un droit de

S. SYMEONIDES, « Choice of Law », The Oxford Commentaries on American Law, 2016, p 4148

(a) les besoins des systèmes interétatiques et internationaux, (b) les politiques pertinentes du 9

forum, (c) les politiques pertinentes d'autres États intéressés et les intérêts relatifs de ces États dans la détermination de la question particulière, (d) la protection des attentes justifiées, (e) les politiques de base qui sous-tendent le domaine particulier du droit, (f) certitude, prévisibilité et uniformité des résultats et, (g) facilité dans la détermination et l'application de la loi à appliquer.

!12

Page 13: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

common law, imposant à la partie de tout faire pour arriver au résultat recherché,

n’aura pas la même portée que si elle est interprétée comme une obligation de moyen

si le contrat est soumis au droit français. Il en est de même pour la clause de force

majeure, de la clause prévoyant la résiliation du contrat par le maître de l’ouvrage ou

encore de la clause de réception de l’ouvrage, qui n’existent pas en common law, avec

les conséquences légales qu’on y attache en droit belge ou en droit français . 10

Que l’on soit entrain de décider au petit-déjeuner quelle saveur de confiture doit-on

répandre sur le pain grillé, la prochaine destination de vacances, ou encore quelle loi

doit régir un contrat, les possibilités sont multiples . Choisir a toujours été au 11

fondement de la pratique professionnelle des juristes, et de surcroit de l’ordre

juridique transnational . Mais comment choisir ? Sur quels critères fonder le choix 12

de la lex contractus ? Qui doit choisir ? À ces questions, seul le comparatiste peut

véritablement répondre.

Car si un profane devait désigner le droit ayant vocation à régir le contrat

transnational ou interétatique, il ne devra pas seulement évaluer les similitudes et

différences, mais aussi prendre en compte d’autres aspects des différentes

alternatives. Le profane pourrait alors abandonner, ou ne pas détecter les différences

que le comparatiste connait comme le fond de sa poche . Si la grande majorité des 13

avocats sont dotés d’une éducation juridique nationale, bien que les cours de droit

comparé abondent, la participation à ceux-ci est facultative des deux côtés de

l’atlantique. Ceci peut laisser penser que les avocats ne sont pas réellement

prédisposés à effectuer le meilleur choix pour leurs clients, ou bien alors que ce choix

n’est pas réellement perçu comme déterminant par les parties. À en croire Herbert

Kronke, c’est plutôt la deuxième option qui prévaut : « in contract negotiation, the

insertion of a choice of law clause is regularly left to « clearing up » by lawyers in

the back-office, while the businessmen are celebrating in the front-room » . 14

Sous la direction de P. DURAND-BARTHEZ et F. LENGLART, Choisir son droit : 10

conséquences économiques du choix du droit applicable dans les contrats internationaux, L’Harmattan, 2012, p 93

G. LOW, « A psychology of choice of laws », European Business Law Review, Vol. 24, No. 3, 11

2013, p 363

G. LHUILIER, Le droit transnational, Méthode du droit, Editions Dalloz, 2016, p 7612

G. LOW, « A psychology of choice of laws », op.cit 13

H. KRONKE, Der « Commercial Approach », dans der Rechtsvergleichung und das 14

Internationale Privat und Verfahrensrecht, dans E. JAYME, D. SCHWARB, P. GOTTWALD, Festschrift für Dieter Henrich zum 70. Geburtstag, 2000, p 390

!13

Page 14: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Cependant lorsque les entreprises sont directement interrogées sur l’importance du

choix de droit applicable au contrat, 91 % répondent que celui-ci est important voire

très important . 15

Les parties ayant la faculté de choisir librement le droit applicable à leurs transactions

internationales ou inter-États fédérés, se placent donc mutuellement en position de

demande face aux différentes alternatives de droits applicables. L’élaboration d’un

contrat étant une opération bipartite, la désignation de la loi applicable à celui-ci

résulte également d’une entente mutuelle. Néanmoins, parmi les parties, une

différence peut être esquissée entre les parties plus ou moins informées, car selon le

degré de sophistication des ces dernières, elles seront à même de saisir toutes les

nuances des « offres de lois » différentes. Sont donc concernés en premier lieu les

opérateurs du commerce international qui pourront choisir la lex contractus

correspondant au mieux à leurs besoins, indépendamment de son lien avec la

transaction en question, tandis que les parties ordinaires sont naturellement en

manque d’information quant à l’issue la plus favorable. Dès lors, si un contrat venait

à réunir deux parties issues de pays différents, au degré d’information asymétrique, la

partie la mieux dotée aura vraisemblablement l’avantage lors du processus de

négociation du contrat et ainsi la détermination de la clause d’electio juris.

Lorsque les économistes s’emparent des principales problématiques du droit comparé,

à savoir les différences entre familles juridiques, la circulation des concepts

juridiques, et fonctionnalité des différents droits, ils entrent toujours dans une logique

de rendement, de classement, de hiérarchisation. Ils oublient que les lois politiques et

civiles de chaque nation doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles

sont faites, que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à

une autre . Résulte du travail des économistes la Legal Origins Theory, que l’on 16

appelle encore LLSV , selon laquelle les origines juridiques d’un État ont une 17

influence significative sur sa croissance économique. Née dans l’orbite du droit des

sociétés, elle a d’abord été défendue par un collectif d’auteurs à l’occasion de l’étude

S. VOGENAUER et C. HODGES, « Civil Justice Systems in Europe: Implications for Choice of 15

Law and Choice of Forum », A Business Survey (Université d’Oxford, 2008), http://denning.law.ox.ac.uk/iecl/ocjsurvey.shtml

MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Livre I, Chapitre III, p 8 16

L’acronyme « LLSV » trouve sa source dans les noms des auteurs ayant développé la théorie : R. 17

LA PORTA, F. LOPEZ-DE-SILANES, A. SCHLEIER & R. VISHNY, Law and Finance, 1998, 106 J. Pol Econ, 1113

!14

Page 15: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

du niveau de protection accordé aux actionnaires minoritaires dans différents États à

travers le monde. Ils en ont tiré la conclusion que les États appartenant à la culture

juridique de Common Law accordaient le plus haut degré de protection, source d’un

marché financier efficace et synonyme de croissance économique. La Legal Origins

Theory s’est ensuite étendue à d’autres domaines juridiques et s’est attachée à

démontrer plus globalement l’efficience générale du modèle de common law . 18

Depuis 1997, cette théorie n’est pas restée sans échos, et, au contraire, fut au cœur

des rapports Doing Business élaborés par la Banque Mondiale, dont le premier, fut

publié en 2004. L’objectif de ces rapports est de mesurer et comparer la «facilité à

faire des affaires» dans plus de 130 pays à travers le monde. Les indicateurs utilisés

analysent la qualité de la réglementation des affaires et évaluent les conséquences de

la réglementation entre autres les délais et coûts nécessaires pour exécuter un

contrat . Selon le premier rapport qui effectue le classement, soit celui de 2006, la 19

France, était classée quarante-quatrième (derrière la Jamaïque, le Botswana et les

Tonga) et considérée comme l'un des systèmes juridiques les moins propices à

l'expansion économique . A contrario, les mérites des pays de common law ont été 20

fortement soulignés, et parmi les dix pays les mieux classés dans le rapport de 2009

figurent huit pays de common law et deux pays scandinaves. Les pays

traditionnellement issus du droit civil obtiennent relativement de mauvais résultats :

la Suisse qui obtient le meilleur placement d'Europe continentale ne se situe qu’en

vingt-et-unième position (derrière la Malaisie) . Bien que les rapports mesurent 21

l’attractivité pour les investisseurs, plutôt que la croissance économique des pays, la

corrélation entre les deux est assez évidente, et le rapprochement avec les conclusions

de la Legal Origins Theory peu ou prou douteuse.

On peut dès lors légitimement se questionner sur les implications de ce type de

classement. Le résultat ne serait-il pas de faire bonne ou mauvaise réputation au droit

d’un pays de telle sorte à ce que celui-ci devienne plus ou moins attractif aux yeux

A. VANDENBULKE, « La Legal Origins Theory : droit, économie, idéologie », Revue 18

Internationale de Droit Économique, 2017/1 (t. XXXI), p 132

http://francais.doingbusiness.org/methodology/methodology-note19

B. FAUVARQUE-COSSON et A-J KERHUEL, « Is Law an Economic Contest? French 20

Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », Georgetown Business, Economics & Regulatory Law Research Paper, June 2010, No. 10-10, p 811

R. MICHAELS, « Comparative Law by Numbers? Legal Origins Thesis, Doing Business 21

Reports, and the Silence of Traditional Comparative Law », The American Journal of Comparative Law, 2009, Vol 57, p 772

!15

Page 16: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

des opérateurs, influençant ainsi leur choix de se soumettre à telle réglementation

plutôt qu'à une autre ?

La publication de ces classements est lourde de sens, dans la mesure où elle exprime

de manière assez explicite que le but de celui-ci n’est pas seulement d’indiquer

l’exemple à suivre aux États qui se décideraient à réformer leur droit, mais bien

d’inciter les pays à opérer de telles réformes afin de progresser dans le classement . 22

En témoigne l’article paru dans The Economic Times à la suite de la récente réforme

du droit des contrats indien : « Stronger contract law in pipeline to lift Ease of Doing

Business ranking » . Ou encore l’établissement au Rwanda d’un office public 23

spécialement dédié à la progression du pays dans le classement Doing Business dont

l’action semble avoir porté ses fruits puisque le Rwanda est passé de la 139ème place

dans le rapport de 2006, à la 41ème place dans le rapport de 2018. Pouvant être perçu

en définitive comme un détournement du droit comparé par les économistes . 24

La réaction des pays de tradition civiliste ne s’est pas faite attendre, et encore moins

celle de la France. Une riposte doctrinale a été organisée par l’Association Henri

Capitant des amis de la culture juridique française, à travers l’édition d’un ouvrage en

deux volumes rassemblant une critique très systématique des rapports par les

membres français de l’association . C’est dans ce climat hostile que la notion de 25

concurrence normative a émergé en Europe.

La notion de concurrence normative tire ses sources des États-Unis, où il a été

développé l’idée qu’il pourrait exister entre des systèmes juridiques différents un

rapport de concurrence consistant pour chacun à se doter de règles de droit

performantes afin d’attirer le plus grand nombre d’entreprises possible. Dans la

doctrine américaine, l’idée de concurrence normative était analysée sous le prisme

des États fédérés américains entre lesquels des phénomènes de concurrence normative

pouvaient se développer dans toutes les matières relevant de leur compétence plutôt

L. USUNIER & R. SEFTON-GREEN, La concurrence normative. Mythes et réalités, Société de 22

législation comparée, Unité mixte de recherche de droit comparé de Paris (Université de Paris I / CNRS UMR 8103), 2014, p 25

D. SIKARWAR, The Economic Times, New Delhi, 9 Novembre 201723

V. CURRAN, « Comparative Law and the Legal Origins Thesis: "[N]on scholae sed vitae 24

discimus », The American Journal of Comparative Law, 2009, Vol. 57, No. 4, p 871

Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Les droits de tradition 25

civiliste en question. À propos des Rapports Doing Business de la Banque Mondiale, Travaux de l'Association Henri Capitant, Société de Législation Comparée, 2006

!16

Page 17: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

que de celle de l’Etat fédéral. Originellement la théorie de la concurrence normative

est née dans le sillage du droit fiscal grâce au modèle Tiebout, selon lequel le taux

d’imposition fiscal des municipalités américaines a une influence sur la prise de

décision des citadins d’emménager dans une commune, plutôt qu’une autre . Le droit 26

des sociétés a ensuite permis le développement de la théorie en exposant au grand

jour « le syndrome du Delaware » qui consiste pour la moitié des sociétés 27

américaines cotées à la bourse de New York à être incorporées au Delaware. Mais

depuis la moitié du vingtième siècle, avec l’intensification de la mondialisation

économique, la concurrence normative dépasse la frontière des États-Unis et est

devenue une question importante au niveau international, touchant aujourd’hui

d’autres branches du droit, comme le droit des contrats.

Selon la théorie de la concurrence normative, les sujets de droit ne disposant pas de la

capacité d'influencer directement sur les lois édictées, peuvent néanmoins influer

indirectement sur les lois qui leur sont appliquées. En usant de la faculté d’exit , les 28

sujets de droit peuvent éviter les lois insatisfaisantes d’un Etat pour se soumettre à

celles d’un État autre, engendrant ainsi une sorte de « vote par les pieds ».

La loi ne serait alors que le résultat de la rencontre entre l’offre et la demande, avec

du côté de la demande, les acteurs privés, qui rechercheraient les normes juridiques

répondant à leurs besoins, et pour l’offre, les États qui essaient d’offrir de telles

règles. Transposé au cas particulier des contrats impliquant plus d’un seul ordre

juridique, le processus de concurrence normative s’opère en Europe et aux États-Unis

à l’aide des règles de conflits de lois.

Comme il a été vu précédemment, le choix du droit applicable à un contrat peut être

effectué directement par le truchement de la clause d’electio juris, mais aussi

indirectement si les parties peuvent avoir une influence sur les facteurs qui vont

déterminer le droit applicable . À ce propos, nous l’étudierons plus loin, de 29

nombreux auteurs, favorables à l’idée d’un marché du droit, militent pour une plus

C.E. TIEBOUT, « A pure Theory of Local Expenditure », Journal of Political Economy, 1956, 26

64, p 416

W.L. CARY, « Federalism and Corporate Law : Reflections upon Delaware », Yale Law Journal, 27

1974, vol 83, p 83

A. O. HIRSCHMAN, Exit, Voice and Loyalty, Responses to Decline in Firms, Organisations and 28

States, Harvard University Press, 1970

G. RÜHL, « Regulatory Competition in Contract Law : Empirical Evidence and Normative 29

Implications », European Review of Contract Law, 9 ,2013, p 62 !17

Page 18: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

grande liberté dans le choix du droit applicable au contrat en droit international privé.

Mais pour l’heure, la notion de concurrence normative, et l’existence d’un droit des

contrat plus attractif qu’un autre suscite de nombreuses controverses.

Si les professeurs Eisenberg et Miller s’accordent sur la préférence pour le droit de

l’État de New-York dans une majorité de contrats aux États-Unis, l’explication de ce

succès semble être pour eux dû aux efforts de plusieurs décennies de l’État de New-

York pour attirer les contrats. Le professeur Stefan Vogenauer a quant à lui remis en

question l'hypothèse courante selon laquelle la popularité du droit anglais est due à sa

qualité ou à ses mérites substantiels. Au contraire, les preuves empiriques montrent

que le choix de la loi est généralement déterminé par la familiarité et la position

dominante des cabinets d'avocats anglais.

Dans le contexte qui nous intéresse, le Petit Larousse définit l’attraction par « l’action

exercée sur quelqu’un par quelqu’un ou par quelque chose qui éveille en lui un intérêt

puissant, intellectuel ou affectif ». À bien regarder la définition de l’attraction, cette

dernière n’est pas forcément le résultat d’une simple rationalité économique qui

voudrait privilégier une norme supposément plus business friendly. Ce qui est

important de garder en tête afin de comprendre que les règles substantielles ne sont

pas à elles seules suffisantes pour rendre un droit attractif.

On pouvait lire dans le Rapport au Président de la République publié au Journal

officiel le 11 février 2016, que « dans une économie mondialisée où les droits eux-

mêmes sont mis en concurrence, l’absence d’évolution du droit des contrats et des

obligations pénalisait la France sur la scène internationale ». L’attractivité du droit

français était donc une idée majeure du législateur français lors de la dernière réforme

du droit des contrats.

Partant de ce constat, on peut se demander si un droit peut-il réellement être plus

attractif qu’un autre ? S’il s’avérait que la réponse devait-être positive, cela

reviendrait-il à conclure en l’existence d’un marché du droit des contrats en Europe et

aux Etats-Unis ?

!18

Page 19: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

La réponse à cette problématique sera apportée au travers de l’analyse du concept

d’attractivité et de la concurrence normative dans le domaine du droit des contrats

(première partie), et de l’étude des implications et perspectives qu’engendre le law-

shopping en la matière (deuxième partie).

!19

Page 20: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

PARTIE I : ATTRACTIVITÉ ET CONCURRENCE NORMATIVE EN DROIT DES CONTRATS

La concurrence normative à laquelle se livrent les Etats au niveau européen, et

États fédérés aux États-Unis ne fait plus aucun doute dans certains pans du droit. En

droit fiscal, la question intéresse, au-delà du cercle des juristes, les milieux politiques

et administratifs et, plus largement encore, l’ensemble des citoyens, alertés par des

affaires qui s’imposent régulièrement à la une de l’actualité telle que Luxleaks. En

droit des sociétés, le parlement du Delaware veille très soigneusement, au jour le jour,

en collaboration étroite et officielle avec le barreau de l’Etat, à conserver ou à

accroître leur avantage compétitif. Le barreau exerce ainsi une veille sur l’ensemble

des modifications réglementaires envisagées dans les autres États des Etats-Unis et

ailleurs et soumet directement au parlement ses propositions d’amendement de la loi

des sociétés.

Cette analyse repose sur un modèle de marché qui confronte deux types d’acteurs sur

un seul produit : les Etats qui produisent les règles juridiques et les personnes privées

qui les choisissent. Mais encore faut-il que les parties puissent pouvoir effectuer ce

choix, ce qui ne fut pas évident à mettre en place au départ, notamment aux États-

Unis. En dépit du fait que nous ne pouvons affirmer avec certitude l’existence d’un

marché pour le droit des contrats, nous avons néanmoins assisté petit à petit, aussi

bien en Europe, qu’aux États-Unis, à l’établissement de conditions favorables à

l’émergence de celui-ci (Chapitre 1). Étant suffisant dans notre démarche afin de

saisir les règles substantielles pouvant rendre un droit attractif (Chapitre 2).

!20

Page 21: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Chapitre 1 : La contractualisation d’un choix de loi

La notion d’attractivité n’a de sens que dans le contexte de concurrence

normative, que si il est permis aux parties à un contrat d’effectuer librement un choix

de loi (Section 1), et lorsqu’il existe un choix de loi divers et variés (Section 2).

SECTION 1 - LE CHOIX DES PARTIES

Afin que les parties à un contrat puissent véritablement contractualiser leur

choix de loi, il est nécessaire d’une part que les textes le permettent (I), et que le juge

respecte un tel choix (II).

I - La permission textuelle du choix de loi

Aux États-Unis, le choix de loi pour les parties à fait l’objet de tout un

processus d’assouplissement des règles de conflit de loi (A), et en Europe, ce choix

de loi fut ancré par la transformation de la Convention de Rome en un instrument

communautaire (B).

A) L’assoupissement des règles de conflit de lois aux États-Unis

La contractualisation du choix de loi ne fut pas chose aisée aux États-Unis, car

les premiers textes niaient toute autonomie en faveur des parties (1). Ce fut par

l’érosion de la lex contractus situs (2), et le large panel d’options envisageables

permis par le Second Restatement of Conflict of Laws que les clauses d’electio juris

ont été permises (3).

1) Le First Restatement of Conflict of Laws et la négation de

l’autonomie des parties

Les règles de conflits de lois en droit américain ont été largement influencées par la

doctrine en la matière. Joseph Story, un des pionniers du droit international privé

avait proposé deux maximes, à savoir que chaque État a «la souveraineté et la

juridiction exclusives sur son propre territoire» , et «qu'aucun État ou nation ne peut, 30

J. STORY, Commentaries on the Conflict of Laws, 7ème edition, 1872, §1830

!21

Page 22: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

par ses lois, directement affecter ou grever une propriété hors de son propre territoire,

ou lier des personnes qui n'y résident pas » . Ces maximes nous permettent ainsi de 31

mieux comprendre le principe de territorialité qui a prévalut aux États-Unis pendant

une grande partie du vingtième siècle. Selon ce principe, les cours d’un État ont

compétence sur les sujets de droit se trouvant sur son territoire et pour régir les

événements survenant au sein de ses frontières. Par la suite, dans les années 1930,

Joseph Beale a conçu un système complet de règles de conflit de loi. Son approche,

qui a été publiée en tant que First Restatement of Conflict of Laws, reposait sur la

conception traditionnelle de territorialité du pouvoir souverain. Pour Beale un seul

État souverain doit contrôler une situation juridique en vertu du situs, en d’autres

termes, le lieu de conclusion du contrat déterminé la loi applicable à la validité du

contrat ainsi que les obligations découlants de celui-ci.

Très vite, le First Restatement of Conflit of Laws, ne parvient pas à tenir ses

promesses de prévisibilité et d’uniformité. Pour cause, un tribunal peut qualifier une

question de procédurale plutôt que de substantielle afin d'appliquer la loi du for , et 32

ainsi manipuler la caractérisation. Le First Restatement contient d'autres dispositifs

qui permettent aux juges de manipuler la loi devant gouverner le contrat. Le plus

important est l'exception d'ordre public, nonobstant les règles de conflit de lois

applicables . En 1936, un tribunal de New York a utilisé l'exception d’ordre public 33

pour refuser d'appliquer une loi du Connecticut qui permettait à une femme de

poursuivre son mari pour conduite avec négligence . Au lieu de cela, le tribunal a 34

appliqué la loi de New York, qui interdisait aux conjoints de se poursuivre en justice

pour négligence. Deux ans plus tard, le même tribunal refusait d’utiliser l’exception

d’ordre public pour éviter l’application de la loi Allemande sous Hilter qui requérait

le licenciement du travailleur en raison de sa judéité . Il est alors permis de se 35

questionner sur la contrariété à l’ordre public de la loi qui permet aux époux de se

poursuive plutôt que celle qui impose une discrimination.

Ibid §2031

Le First Restatement of Conflict of Laws dispose en son article 585 : « toutes les matières de 32

procédures sont régies par la loi du for »

L'article 612 du First Restatement of Conflict of Laws prévoit que « ne peut être maintenue, une 33

action crée dans un autre État dont l’exécution est contraire à la politique publique du forum »

Mertz v. Mertz, 271 N.Y. 466, 3 N.E.2d 597 (1936) 34

Holzer v. Deutsche Reichsbahn-Gesellschaft, 277 N.Y. 474, 14 N.E. 2d 798 (1938) 35

!22

Page 23: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Enfin, une approche fondée sur la territorialité est évidemment incompatible avec

l'application des clauses d’electio juris. Les parties n’ayant aucun choix sur les lois

pouvant leurs être appliquées, ces dernières continuent d’être perçues comme

inadmissibles. Alors que les autres États commencèrent à expérimenter une approche

plus moderne des règles de conflit de lois, une dizaine d’États Américains continuent

de suivre les règles du First Restatement of Conflict of Laws . 36

2) L’érosion de la lex contractus situs

Quelques années après la publication du First Restatement of Conflict of Laws,

les premières critiques commencèrent à surgir soulignant les problèmes d’arbitraire et

l’incertitude latente face aux dispositions de ce texte. En 1933, un éminent professeur

d’Harvard, David Cavers, avait fait valoir que les tribunaux devaient s’efforcer de

rendre la justice au cas par cas en appliquant le droit matériel le plus juste. En

exposant le caractère mécanique de la determination de la loi applicable selon le

principe de territorialité, il suggère de choisir entre les différentes lois en conflit selon

le résultat que chacune pourrait produire . Se fondant sur les travaux de Cavers, le 37

professeur Brainerd Currie enterra définitivement la conception traditionnelle de

résolution des conflits de lois avec son analyse des intérêts gouvernementaux. Selon

la conception juridique réaliste de Currie, une loi a avant tout, intérêt à être appliqué

en fonction des politiques étatiques menées par les États. En définitive plutôt que de

sélectionner la loi applicable selon des règles de conflit prédéfinies imperméables au

contenu de celles-ci, Currie, se concentre directement sur la politique sous-jacente

suivie par les lois à la lumière des faits en l’espèce. En prenant en compte les intérêts

gouvernementaux, il délimite trois principales catégories de conflits . La première, et 38

selon lui, la plus courante, le faux conflit, lorsqu’un seul État a intérêt à sa loi soit

appliquée aux faits d’espèce. La seconde, le vrai conflit, et la plus difficile à résoudre,

induit plus d’un seul États intéressés. Enfin, la dernière, la catégorie des conflits sans

S. SYMEONIDES, « Choice of Law in the American Courts in 2005: Nineteenth Annual 36

Survey » 53 The American Journal of Comparative Law, 2005, 559, 595–96

D. CAVERS, « A critique of the Choice-of-Law Problem » 47 Harvard Law Review, 1933, 37

173-178

S. SYMEONIDES, The American Choice-of-Law Revolution: Past, Present and Future, The 38

Hague Academy of International Law Monographs, Vol 4, p 15-21!23

Page 24: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

intérêts, où aucun États n’est intéressés par l’application de sa loi à la situation

litigieuse. Cependant, en cas de conflit de lois véritable opposant la loi de deux États

intéressés, est-il sûr que l’intérêt de l’État du for et de celui de l’État étranger soient

mesurés à la même aune ? 39

Néanmoins, les travaux de Currie ont eu le mérite de révolutionner la position

stagnante des règles de conflit de lois du droit américain. En bref, les approches

modernes, tout en essayant de résoudre l'arbitraire du First Restatement of Laws, ont

pratiquement éliminé la prévisibilité ex ante du système antérieur et substitué un

système qui tendait à favoriser les plaignants, les résidents et le droit local.

3) La nécessité des clauses d’electio juris sous le Second Restatement of

Conflict of Laws

Le Second Restatement of Conflict of Laws, promulguée en 1971, se présente

comme un compromis consciencieux et une synthèse entre l’ancienne et la nouvelle

conception des règles de conflit de lois.

Bien que le Second Restatement prévoit des règles présomptives, favorisées par des

juges plus traditionnels, une grade marge de manoeuvre est laissée au juge pouvant à

tout moment ignorer ces règles en estimant que la loi d'un État différent devrait

s'appliquer. La clause d’electio juris étant bien évidemment le meilleur gage de

prévisibilité, en son absence, l’article 188 prévoit les points de contacts pouvant être

pris en compte. Avec la précision que ces points de contacts doivent être évalués

selon le degré d’importance en rapport avec l’affaire en cause. L’article 6 quant à lui

énonce les principes devant permettre aux juges de déterminer l’Etat présentant les

liens les plus significatifs avec le contrat . Ces facteurs énoncés suggèrent souvent 40

que des lois différentes peuvent s'appliquer, mais le Second Restatement ne donne

M.Y. LOUSSOUARN, « La règle de conflit est-elle une règle neutre ? », Travaux du Comité 39

français de droit international privé, 1981, 3-2, p 46

Restatement Second of Conflitc of Laws, § 6, (a) "the needs of the interstate and international 40

systems", (b) "the relevant policies of the forum ", (c) "the relevant policies of other interested states and the relative interests of those states in the determination of the particular issue ", (d) "the protection of justified expectations", (e) "the basic policies underlying the particular field of law", (f) "certainty, predictability and uniformity of result", et (g) "ease in the determination and application of the law to be applied »

!24

Page 25: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

aucune indication sur la manière de hiérarchiser ces facteurs, et semble ainsi sacrifier

la prévisibilité.

En définitive, les tribunaux peuvent utiliser le Second Restatement pour justifier tout

résultat qu'ils souhaitent atteindre, rendant plus que jamais nécéssaire aux yeux des

parties, l’établissement de clauses d’electio juris pour les relations interétatiques au

sein des États-Unis. Ces dernières se trouvent consacrées pour la première fois à

l’article 187 du Second Restatement, qui énonce néanmoins des conditions de validité

pour leurs exécutions. Ces conditions sont celles d’un choix exprès, ainsi que

l’existence d’une relation substantielle entre la loi choisie et les parties ou la

transaction, le cas échéant une base raisonnable fondant ce choix. Est également exigé

la non contrariété aux lois de police de l’État qui a matériellement le plus intérêt à

s’appliquer.

B) La transformation de la Convention de Rome de 1980 en un instrument

communautaire

Contrairement aux États-Unis, l’idée que la volonté des parties puisse

intervenir dans le choix de la loi applicable en droit international est beaucoup plus

ancienne et a suscité beaucoup moins de débats. 41

Le principe d’autonomie des parties en droit international prend ses racines dans le

droit général des contrats, qui effectue simplement une transposition du principe

selon lequel les co-contractants ont la faculté de choisir la manière dont ils assument

leurs obligations réciproques. Le principe de validité de ces clauses découlent en

France de l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable

aux obligations contractuelles. La Convention, contrairement aux limitations

imposées par le Second Restatement, n’impose aucun lien entre la loi choisie et le

contrat . Les parties peuvent donc choisir n'importe quelle loi, par exemple une loi 42

« neutre », sans avoir à justifier des raisons de leur choix. C'est seulement lorsque le

contrat est purement interne, c'est-à-dire lorsque « tous les autres éléments de la

Ccass, Ch.civ., American Trading Company, arrêt du 5 décembre 1910, Rev. Dr. Int., 1911. 395, 41

Clunet, 1912. 1156, S. 1911. 1. 129

P. LAGARDE, « Convention de Rome : obligations contractuelles », Répertoire de droit 42

européen, décembre 1992!25

Page 26: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays » que le choix par

les parties d'une loi étrangère, assorti ou non de celui d'un tribunal étranger, ne peut

porter atteinte aux dispositions impératives de ce pays (art. 3, § 3). Néanmoins la

convention ayant la valeur de traité international, son application au sein de l’espace

européen ne s’est pas fait sans difficultés . Notamment, s’agissant de la délimitation 43

des contours du choix tacite de loi, et de la référence à un concept juridique propre à

un système juridique donné, ou encore des divergences d’interprétation entre États

membres qui ont choisi d’incorporer les dispositions de la Convention dans leur droit

national par voie législative, modifiant parfois le texte d’origine.

Même si la liberté de choix des parties est restée inchangée entre la Convention de

Rome de 1980 et le Règlement Rome I de 2008, la transformation de la Convention

en un instrument communautaire a permis de s’assurer que les compétences de la

Cour seraient identiques pour tous les instruments de droit international privé de

source communautaire, et garantir une interprétation cohérente des concepts

juridiques communs à la Convention de Rome. La proposition initiale de la

Commission tendait même à renforcer le principe central d’autonomie de la volonté

des parties en autorisant celles-ci à choisir, comme droit applicable, un droit non

étatique aux côtés du seul choix de la loi d'un État. Lors des discussions au sein du

Conseil, cette disposition a toutefois rencontré l'hostilité d'une majorité d'États

membres, dont celle de la France , qui y ont vu une manoeuvre de la Commission 44

pour ouvrir le chemin d'un droit européen des contrats, alors que ce point n'a jamais

été discuté ou approuvé ni par les États membres au sein du Conseil, ni par le

Parlement européen. Elle a, depuis, été retirée.

II - Le respect par le juge du choix de loi

Dans une grande partie de l'histoire du droit américain, un marché pour le droit des

contrats était impraticable en raison de l'interaction de deux facteurs : les tribunaux

Observations effectuées par la Commission Européenne dans le Livre vert du 14 janvier 2003 sur 43

la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Document n° 52002DC0654

Communication du Sénat dans le cadre de l’article 88-4 de la Constitution sur la Proposition de 44

règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le 3 décembre 2007

!26

Page 27: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

refusaient souvent d'appliquer les clauses de choix de la loi et de sélection du for, et

même si les tribunaux les appliquaient, ces clauses n'offraient que des choix limités.

Si les conditions au développement d’un tel marché ont pris plus de temps à se

développer aux États-Unis, ces clauses d’electio juris ont finalement été mises en

oeuvre par les juges (A), largement soutenues aussi par l’adoption de lois spécifiques

par les États (B).

A) La mise en œuvre de l’electio juris par les tribunaux

Pour Joseph Beale, les clauses d’electio juris se présentent en quelque sorte

comme une usurpation des pouvoirs de l’État et confèrent aux parties l’équivalent du

pouvoir législatif . Expliquant ainsi la réticence des juges américains lorsqu’il s’est 45

agit d’exécuter les clauses de droit applicable.

De plus, les chances d’avoir un marché juridique pour les contrats furent anéanties

par la solution issue de la jurisprudence Swift v. Tyson de 1842, selon laquelle le 46

droit fédéral général est applicable aux affaires impliquant des questions

commerciales lorsque les parties sont issues d’États différents. Ainsi si le droit des

contrats d’un État s’écartait des normes répandues, le litige risquerait d’être porté

devant un tribunal fédéral et où il serait tranché en vertu du droit général. Rendant

dès lors peu avantageux le choix d’une loi en particulier car l’affaire sera jugée selon

les mêmes règles, quel que soit l’État choisi . Les clauses d’electio juris étaient ainsi 47

sans aucun intérêt, ni en terme de prévisibilité, ni en terme d’attractivité d’un droit en

particulier.

Les cours devinrent de plus en plus réceptives aux clauses d’electio juris, lorsque les

textes ayant vocation à harmoniser le droit des différents États commencèrent à les

consacrer . Parallèlement à la reconnaissance juridique croissante de ces clauses, les 48

tribunaux ont démantelé le cadre qui, auparavant, empêchait les parties d’effectuer

J. BEALE, « What Law Governs the Validity of a Contract : Theoretical and Practical Criticisms 45

of the Authorities », 23 Harvard Law Review 1910, p 260

41U.S.(16Pet.)1(1842) 46

G. MILLER & T. EISENBERG, « The market for contracts », Cardozo Law Review, 2009, Vol. 47

30, n°5, p 2077

Restatement (Second) of Conflicts of Laws, § 6(2)(d), § 187, 1971. U.C.C, § 1-105(1), 199948

!27

Page 28: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

véritablement un choix de loi. L’arrêt marquant ce revirement est Erie Railroad v.

Tompkins , qui rejeta l’application de la common law générale dans les affaires 49

mettant en cause des citoyens issus de plusieurs États, supprimant ainsi la soupape de

sécurité de la compétence fédérale.

L'American Law Institute a d’ailleurs même apporté des changements significatifs à

l'application des clauses d’electio juris lors de sa révision de l'UCC. La révision

distingue nettement les transactions avec les consommateurs et les non-

consommateurs . Pour les contrats B to B, la révision élimine l'exigence de «relation 50

raisonnable» , mais ajoute que le choix « n'est pas effectif dans la mesure où 51

l'application de la loi de l'Etat ou du pays désigné serait contraire à une disposition

fondamentale de l'Etat ou du pays dont la loi serait applicable en l'absence

d’accord» . Pour les transactions dans lesquelles l'une des parties est un 52

consommateur, le régime applicable est différent et la révision exige que la

transaction ait un lien raisonnable avec l'Etat désigné ou le pays étranger, et elle

refuse d'appliquer la clause lorsque la loi choisie est susceptible de priver le

consommateur de la protection de toute règle de droit . 53

B) La mise en œuvre de l’electio juris à l’aide des lois étatiques

On constate dans de nombreux États Américains, que des lois ont pu être

promulguée, validant explicitement les clauses de choix de loi aussi longtemps que le

droit local sera choisi par celles-ci. En Californie , au Delaware , en Floride , en 54 55 56

304U.S.64 (1938)49

U.C.C. § 1-301 (2002) 50

Id. § 1-301 (c) (1) aussi bien pour les transactions domestiques, (2) que les transactions 51

internationales

Id. § 1-301 (f) 52

Id. § 1-301(e)(2)53

CAL. CIVIL CODE § 1646.5 (West Supp. 2002) 54

DEL. CODE ANN. tit. 6, § 2708 (1999) 55

FLA. STAT. ANN. § 685. 101 (West 1990) 56

!28

Page 29: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Illinois , à New York , et au Texas , le parti pris par ces lois était d’apporter plus de 57 58 59

certitude s’agissant de l’exécution du choix contractuel de la loi effectuée par les

parties. Pour ce faire, il est prévu de supprimer l’exception d’ordre public prévue par

le droit fédéral, sans même regarder les dispositions d’ordre public d’un autre État,

mais cette exception ne joue qu’en fonction du montant du contrat : $100,000 dans le

Delaware, $1,000,000 au Texas et $250,000 dans les autres États.

Quant à l’exigence d’un lien raisonnable entre la transaction et l’État, le Texas le

maintient, mais contrairement aux autres lois, prévoit l'application de la loi non

texane. La Floride exige un léger lien avec l'État, tandis que les autres n'ont aucune

exigence de connexion. En effet, la loi du Delaware dispose spécifiquement qu'une

clause de choix de loi qui choisit la loi du Delaware doit être appliquée même si la

clause est le seul lien que la transaction a avec le Delaware.

L’idée sous jacente de ces lois, est qu’à mesure que la valeur monétaire du contrat

augmente, il en va de même pour la probabilité que les parties soient sophistiquées ou

qu'elles soient représentées par des avocats qui comprendront les conséquences d'une

clause de choix de loi particulière.

Finalement, ces lois particulières, démontre que l’exécution des clauses d’electio juris

aux États-Unis est à géométrie variable, selon les États, selon le contrat, et selon le

montant de celui-ci, pouvant restreindre ou non le choix des parties.

SECTION 2 - L’OFFRE DE LOIS

Il existe une concurrence réglementaire entre les divers systèmes de droit des

États. À cet égard, on peut parler de concurrence réglementaire horizontale (A). Il

existe également une concurrence réglementaire entre le droit de l'État et les systèmes

supranationaux, on parle dans ce cas de concurrence normative verticale (B).

735 ILL. COMP. STAT. ANN. 105/5-5 (West 2002) 57

N.Y. GEN. OBLIG. LAW. § 5-1401 (McKinney 2001) 58

TEX. BUS. & COMM. CODE ANN. §§ 35.51-.52 (Vernon 2002) 59

!29

Page 30: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

A) La concurrence normative horizontale

Comme nous l’avons vu précédemment, la concurrence normative horizontale

dans le droit des contrats existe à la condition sine qua non du respect par les

juridictions des clauses d’electio juris.

Selon une étude récente sur des importants contrats d’affaires, la loi de New York

était choisie pour des contrats commerciaux dans 46% des cas où une clause de choix

de loi était incluse dans l'accord . Tandis que la loi du Delaware était choisie dans 60

15% des cas. On remarque aussi que lorsqu'une disposition dans un contrat prévoit

que la loi de New York est applicable à tous les différends découlant de l'accord, il est

également courant de trouver une clause désignant les juridictions de l’État de New

York. Par ailleurs, les analyses statistiques montrent que la popularité du droit new-

yorkais ne peut s'expliquer uniquement par le lieu des affaires des parties, leur lieu de

constitution ou l'emplacement des conseillers juridiques.

Une étude européenne de l’Université d’Oxford portant sur 100 entreprises

européennes ayant une activité transfrontalière a montré qu’après le droit anglais

choisi à 23%, le droit suisse était le deuxième choix le plus populaire pour 19%, alors

qu’une majorité des entreprises impliquées dans l’étude étaient allemandes (19%) . 61

Le pourcentage de choix de la loi suisse s’élève même à 29% lorsque elle est choisie

en tant que loi tierce aux parties. Par ailleurs, on retrouve la position dominante de la

loi anglaise s’agissant des euro-obligations des sociétés européennes opérant à

l’international, qui sont généralement régies par celle-ci . 62

Témoigne de la concurrence normative que se livre les États, la brochure publiée par

la Law Society d’Angleterre et du Pays de Galles, avec la préface du Secrétaire d’État

britannique à la Justice, vantant les mérites du droit anglais comme étant, prévisible,

flexible, et basé sur la liberté contractuelle, ne pouvant que promouvoir le

T. EISENBERG & G. P. MILLER, « The Flight to New York: An Empirical Study of Choice of 60

Law and Choice of Forum Clauses in Publicly-Held Companies’ Contracts », 30 Cardozo Law Review, 2009, 1475.

Résultats disponibles au lien suivant http://www.denning.law.ox.ac.uk/iecl/ocjsurvey.shtml 61

R. ASKEW & K. O’NEIL, (nov, 2011), « UK : Eurobonds - Are Eurobonds The Answer To An 62

Unstable Securities Market ? », 2011, http://www.mondaq.com/uk!30

Page 31: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

commerce . En réplique, la Chambre fédérale des notaires allemands en 63

collaboration avec d'autres associations de la profession juridique et avec une préface

du ministre fédéral de la Justice, publie également une brochure, promouvant le droit

allemand avec des qualificatifs tels que « global - efficace - rentable » . La 64

publication vante plus spécifiquement les avantages de la codification, loue l’absence

de cross examination, et de dommages punitifs, déterrant avec une plus grande acuité

les débats relatifs à la Legal Origins theory et la compétition entre systèmes

juridiques.

B) Concurrence normative verticale

La concurrence normative verticale en droit des contrats existe partout où les

parties, dans un système juridique à plusieurs niveaux, ont le choix entre le droit des

contrats d'un État particulier et un système de règles supranational. Tel serait le cas,

par exemple, si la proposition de la Commission européenne pour un droit commun

européen de la vente facultatif était adoptée . Selon l’article 4, 7 et 13 de cette 65

proposition, les entreprises et les consommateurs auraient la possibilité de 66

soumettre leurs transactions transfrontalières à un régime de droit des contrats

européen.

Si le droit commun européen de la vente était adopté, une concurrence réglementaire

s'ensuivrait entre les régimes de droit des contrats spécifiques des 28 États membres

actuels et le régime européen.

La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de

marchandises («CVIM») et les Principes d'UNIDROIT sur les contrats commerciaux

internationaux restent les deux instruments internationaux les plus importants.

Law Society of England and Wales. (Ed.). England and Wales: The Jurisdiction of Choice. www. 63

lawsociety.org.uk

The Federal Chamber of German Civil Law Notaries (Bundesnotarkammer), the German Federal 64

Bar (Bundesrechtsanwaltskammer), the German Bar Association (Deutscher Anwaltverein), the German Notaries’ Association (Deutscher Notarverein) and the German Judges Association (Deutscher Richterbund), « Law Made in Germany ». http://www.lawmadeingermany.de

Commission Européenne, Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET 65

DU CONSEIL relatif à un droit commun européen de la vente, COM(2011) 635 final

Option valable pour les contrats B2B, B2C, mais non C2C66

!31

Page 32: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

La CVIM, signée en 1980 à Vienne, fournit un ensemble complet de règles 67

juridiques par défaut régissant la formation des contrats, les obligations des acheteurs

et des vendeurs, les recours en cas de manquement et divers autres aspects des

contrats commerciaux internationaux pour la vente de biens. Soixante et onze pays

sont parties contractantes à la Convention, comprenant les États-Unis et, à l'exception

du Royaume-Uni, la quasi-totalité des principales nations commerçantes du monde.

Néanmoins, après près de vingt ans d'expérience, la CVIM est rarement rencontrée et

peut-être même moins souvent comprise par les personnes engagées dans des

transactions commerciales. Aux États-Unis, la CVIM, n’est apparu que dans quatre-

vingt dix-huit cas, en France quatre-vingt quatre, en Suisse quatre-vingt sept, et

étonnamment en Allemagne deux-cent dix affaires . 68

Les Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international,

promulgués en 1994 par l'Institut international pour l'unification du droit privé, puis

revus et modifiés en 2004 et 2010, visent à refléter les aspects généralement acceptés

du droit des contrats commerciaux, tirés de divers systèmes juridiques différents.

Cependant, en plus de servir de guide pour l'interprétation des contrats, les Principes

sont également devenus importants en tant que modèle pour les droits internes de

plusieurs pays. Cependant, ces principes sont encore moins familiers que la CVIM,

pour cause, on dénombre l’apparition de ceux-ci dans seulement cinq affaires aux

Etats-Unis, cinq également en France, trois seulement en Suisse, et une affaire en

Allemagne . 69

Néanmoins les conditions permettant une concurrence normative verticale ne sont pas

optimales, notamment en Europe, car le Règlement Rome I ne vise que les lois

étatiques. Plus précisément, ce rejet des lois non-étatiques, s’explique par la crainte

d’avoir un choix de loi non étatique ne prenant pas en compte les intérêts de toutes les

parties impliquées dans l’opération . Cette restriction de concurrence, aboutie en une 70

sous utilisation par les parties de ces instruments supra-nationaux, élaborés afin de

faciliter le commerce international. De multiples enquêtes corrobore en outre ce

Entré en vigueur le 1er janvier 1988, après avoir été ratifié par 10 pays 67

Unilex Info, List of CISG Cases by Country, http://www.unilex.info68

Unilex Info, List of UNIDROIT Principles Cases by Country, http://www.unilex.info69

G. RÜHL, The Choice of Law Framework for Efficient Regulatory Competition in Contract 70

Law, dans Regulatory Competition in Contract Law and Dispute Resolution, H. EIDENMULLER, Beck/Hart Publishing, 2013

!32

Page 33: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

constat, et démontre qu’aux États-Unis, la CVIM ainsi que les principes UNIDROIT

sont perçus comme étant du droit étranger , sont également unanimes, les données 71

statistiques recueillies par la Chambre de Commerce Internationale en matière

d’arbitrage des litiges internationaux. Selon les dernières données en date, en 2016,

nous avions une clause de choix de loi dans 90% des cas, avec une loi étatique choisie

à 97%, pour 3% de loi non-étatique choisie . 72

Critiqué comme symptôme ou facteur de l’affaiblissement de l’Etat et de la norme, le

droit souple s’est timidement imposé dans le paysage juridique et institutionnel des

États, mais ne parvient pas à ce jour à véritablement concurrencer les normes

étatiques en raison de la méfiance des praticiens à leur égard.

M. W. GORDON, « Some Thoughts on the Receptiveness of Contracts Rules in the CISG and 71

UNIDROIT Principles as Reflected in One State’s (Florida) Experience of (1) Law School Faculty, (2) Members of the Bar with an International Practice, and (3) Judges », 46 American. Journal of Comparative Law, 1998, p. 361; P. L. FITZGERALD, « The International Contracting Practices Survey Project: An Empirical Study of the Value and Utility of the United Nation's Convention on the International Sale of Goods (CISG) and the Unidroit Principles of International Commercial Contracts to Practitioners, Jurists, and Legal Academics in the United States », Journal of Law and Commerce, Vol. 27, 2008

ICC Dispute Resolution Bulletin 2017, No 272

!33

Page 34: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Chapitre 2 : Le concept d’un droit des contrats attractif

Prenant acte de la domination new-yorkaise dans le choix de loi pour régir les

contrats commerciaux conclus entre parties issues de différents États américains , et 73

de la loi anglaise, ainsi que suisse en Europe , la première explication à ce 74

phénomène serait que pour la majorité de ces contrats analysés, au moins une des

parties contractantes soit issue des États listés ci-dessus, et que cette dernière, ait été

en position d’imposer la loi de son État d’origine. Cependant, tel n’est pas le cas, et si

la loi de l’Etat de New York est majoritairement choisie, les entreprises

cocontractantes sont immatriculées en grand nombre au Delaware . Pourquoi n’ont-75

elles donc pas choisies la loi de l’État du Delaware pour gouverner leurs contrats ?

Enfin, en Europe, on constate également la caducité de cette explication puisque les

parties majoritairement présentes dans les contrats analysés sont américaines . 76

On pourrait alors avancer que les parties à ces transactions commerciales

transfrontalières étant des acteurs typiquement sophistiqués, le choix des lois

anglaises, suisses et de l’État de New York, devrait révéler que ces lois offrent des

règles mieux adaptées aux intérêts des acteurs commerciaux. L’enjeu n’est pas de

savoir si le droit anglais général des contrats est supérieur au droit français général

des contrats mais de déterminer si les droits anglais, suisse et new-yorkais possède

quelque chose en plus ou en moins, les rendants ainsi plus attractif aux yeux des

opérateurs.

Bien que de telles règles puissent exister en substance (I), il existe également un

certain nombre de facteurs autres, qui pourraient influencer le choix de la loi dans les

contrats entre États américains et internationaux (II).

T. EISENBERG & G. P. MILLER, « The Flight to New York », op.cit73

G. CUNIBERTI, « The International Market for Contracts: The Most Attractive Contract Laws », 74

Northwestern Journal of International Law & Business, Vol.34, Issue 3, 2014

T. EISENBERG & G. P. MILLER, op.cit75

G. CUNIBERTI, op.cit76

!34

Page 35: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

SECTION 1 - LES QUALITÉS INTRINSÈQUES AU DROIT DES CONTRATS

Les principales affirmations faites au soutien d’un droit attractif est la garantie

d’une plus grande prévisibilité juridique (A), un droit flexible (B), ainsi que la

présence de peu de règles impératives (C).

I - La prévisibilité juridique

La prévisibilité juridique, composante du principe de sécurité juridique qui est

un principe directeur, ayant pour objet de protéger les citoyens contre les effets

néfastes du droit. En matière contractuelle l’exigence de prévisibilité pour les parties

intervient surtout durant l’instance lorsqu’il s’agit d’exécuter une clause arbitrale (A),

ou bien pour ce qui est de l’interprétation du contrat (B).

A) Le respect des clauses arbitrales

Comme nous l’avons vu précédemment, le respect par le juge des clauses de

droit applicable était important afin de garantir le choix des parties. Aboutissant aux

États-Unis, en l’adoption de lois étatiques visant à rendre certain le respect par le juge

de la loi de l’État choisie, prévoyant parfois même l’absence d’examen de la loi de

police des autres États. Que ce soit la Suisse, l’État de New York, ou l’Angleterre,

nous constatons de prime abord que nous avons à faire à trois places majeures en

matière d’arbitrage . La clause compromissoire se trouvant la plupart du temps au 77

sein du contrat, comprenant la clause d’electio juris, est-il possible d’établir un lien

entre ces deux clauses ? En effet, pour Ripert, « Contracter c’est prévoir, le contrat

est une emprise sur l’avenir » . Dès lors que les parties se mettent d’accord sur les 78

clauses d’un contrat, leur souhait logique pour l’avenir est que celles-ci soient

exécutoires. En terme général, même si la clause compromissoire peut être régie par

sa propre loi, en vertu du principe d’autonomie, cela reste très rare, et la loi du contrat

gouverne également la clause compromissoire. Or leur exécution ne fut pas d’emblée

acquise, ayant abouti dans les différents États, en un bras de fer législatif dans le but

de conforter les parties dans leur choix de loi.

C. HAUSMANN, « Places d’arbitrage : Paris v. Londres », La Revue Squire Patton Boggs, 77

https://larevue.squirepattonboggs.com/Places-d-arbitrage-Paris-v-Londres_a2247.html

G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, (date de publication d’origine : 1925), 78

L.G.D.J, 2013!35

Page 36: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Au début des années 1980, l'Association du barreau de New York s'est efforcée de

fournir des garanties encore plus grandes aux parties que les choix de loi et de forum

seront respectés dans l'État de New York. Un rapport du Comité de droit étranger et

comparé de l'Association a reconnu plusieurs avantages qui découlaient de la capacité

avérée de New York à attirer des contrats d'autres pays. Les parties «qui n'ont pas

d'autres liens importants avec New York» pourraient être amenées à faire des affaires

dans l'État si elles pouvaient être assurées d'un forum de New York et d'une loi de

New York . Le rapport ajoute que les «communautés juridiques et commerciales» de 79

New York seraient bénéficiaire, «si des accords significatifs étaient régis par la loi de

New York et si des litiges commerciaux importants étaient menés dans l’État» . Par 80

le choix de loi et de forum des parties, la stature de New York en tant que « centre

financier et commercial prééminent » serait ainsi préservée et finalement renforcée . 81

Mais la capacité de New York à attirer des affaires d'arbitrage général était

considérablement limitée par la doctrine de la révocabilité : les conventions 82

d'arbitrage avant le règlement des différends étaient considérées révocables et

n'étaient donc pas exécutoires en justice.

Tandis que Angleterre avait retenu l’exécution des clauses compromissoire dès

1886 , ce qui avait entraîné une augmentation de l’activité de la Cour d'arbitrage de 83

Londres , faisant noter le désavantage concurrentiel de New York par rapport à 84

l’Angleterre . Sans compter sur l’activité des chambres de commerce et d'industrie 85

suisses de Genève, Zurich et Bâle, toutes fondées entre 1865 et 1876, qui figuraient

Committee on Foreign and Comparative Law, «Proposal for Mandatory Enforcement of 79

Governing-Law Clauses and Related Clauses in Significant Commercial Agreements », 38 Record of the Association of the Bar of the City of New York, 537, 537 (1983)

Id80

Id81

J. H. COHEN & K. DAYTON, The New Federal Arbitration Law, 12 Virginia. Law. Review, 82

1926, p 270

English Arbitration Act of 1889, 52 & 53 VICT., c. 49; Manchester Ship Canal Co. v. S. Pearson 83

& Son, 2 Q.B. 606 (1900); Austrian Lloyd Steamship Co. v. Gresham Life Assurance Soc., 1 K.B. 249 (1903)

Les contrats entre les partis anglais et américains comprenaient fréquemment des accords pour 84

arbitrer leurs différends en Angleterre : U.S. Asphalt Refining Co. v. Trinidad Lake Petroleum Co., 222 F. 1006 (S.D.N.Y. 1915)

Remarques de C. L. BERNHEIMER, Conference of Bar Association Delegates, 5 A.B.A. J. 85

48,1919!36

Page 37: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

parmi les premiers fournisseurs de services d'arbitrage commercial international, y

compris pour la nomination d'arbitres et d'experts . 86

La Chambre de commerce de New York, a également été confrontée à la concurrence

nationale. En effet, la Cour suprême de Pennsylvanie a statué en 1913 que les clauses

d'arbitrage étaient exécutoires nonobstant une loi qui prétendait les annuler . 87

Face à tant de concurrence et d’insistance des membres du barreau de New York, la

doctrine de la révocabilité fut renversée par une loi de 1920 , annonçant une 88

« nouvelle ère dans l’arbitrage américain » 89

Aujourd’hui encore, la Cour Suprême de l’État de New York a souligné à plusieurs

reprises la «longue et forte politique publique de l’État en faveur de l’arbitrage», et a

rappelé à quel point il est important que «les tribunaux de New York s'ingèrent le

moins possible dans la liberté des parties à soumettre leurs différends à

l’arbitrage » . 90

Un lien inéluctable peut ainsi être établi entre le traitement des clauses

compromissoires par l’État et le choix de la loi applicable au contrat par les parties,

mais comment expliquer alors que le droit des contrats français soit trois fois moins

attractif que le droit des contrats suisse, alors que la France accueille beaucoup plus

d’arbitrage que la Suisse ? 91

B) L’interprétation par le juge

L'analyse des professeurs Miller et Eisenberg révélait que les parties

commerciales américaines choisissaient la loi de l'État de New York dans 46% de

leurs contrats, tandis que la loi de l'État californien n'était retenue que dans 8% des

G. SALAZAR SCHERMAN, « Arbitration : a Swiss tradition worth exploring », 2017, 86

https://www.gbnews.ch/arbitration-a-swiss-tradition/

Adinolfi v. Hazlett, 88 A. 869, 870 (Pa. 1913), la décision, renversant une loi promulguée en 87

1907. Snodgrass v. Gravit, 28 Pa. 221 (1857) la Virginie avait également reconnu l'applicabilité des clauses compromissoire.

1920 N.Y . Laws, Ch. 275 88

F. KELLOR, « American Arbitration, Its History, Functions and Achievements », Dispute 89

Resolution Journal, (1948)

Stark v. Molod Spitz DeSantis & Stark, P.C., 9 N.Y.3d 59, 66 (N.Y. 2007)90

G. CUNIBERTI, op.cit91

!37

Page 38: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

cas . En comparant les lois de l'État de New York et de la Californie, la différence 92

essentielle résiderait dans leurs règles respectives sur l'interprétation et l'exécution

des contrats. Les juges de l'État de New York étaient qualifiés de «formalistes» avec

«peu de tolérance pour les tentatives de réécrire les contrats afin de les rendre plus

justes ou plus équitables», l'accord écrit était alors considéré comme la source

définitive de l’interprétation. A contrario, les juges californiens seraient plus disposés

à réformer ou à rejeter les contrats en vertu de la moralité ou de l’ordre public, ils

mettraient moins l'accent sur l'accord écrit des parties et chercheraient plutôt à

identifier les contours de leur relation commerciale dans un contexte plus large

encadré par des principes de raison, d'équité et de justice substantielle. Dans une

recherche d’une plus grande prévisibilité, les données statistiques suggèrent que les

parties préfèrent le modèle d’interprétation objective, plutôt que subjective.

Du coté européen, on retrouve également cette différence entre interprétation

objective et subjective, alors que le droit anglais se fonde essentiellement sur

l’interprétation littérale, l’intention des parties est identifiée par référence au standard

de personne raisonnable , l’article 18 du Code des obligations suisse suggère quant à 93

lui de se fier à la réelle et commune intention des parties . L’interprétation subjective 94

suisse est néanmoins nuancée par le principe de la confiance qui régit dans une

seconde étape l’interprétation des contrats. Ce principe repose sur ce que devait

comprendre une personne raisonnable et honnête placée dans les mêmes

circonstances . 95

Le droit allemand conjugue à la fois des dispositions sur l’interprétation du contrat

ainsi que la déclaration de volonté. L’article 157 du BGB dispose que « Les contrats

doivent s'interpréter de bonne foi en tenant compte des usages ». L’article 133

consacre l’interprétation subjective en prévoyant la recherche de l’intention réelle et

le rejet du sens littéral dans l’interprétation de la déclaration de volonté.

G. MILLER & T. EISENBERG, « The market for contracts », op.cit92

Lord HOFFMAN, Chartbrook Ltd v Persimmon Homes Ltd [2009] UKHL 38, para 1493

Art 18, Code Suisse des Obligations : « Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a 94

lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention»

S. MOSS, « The Swiss approach to contract interpretation - Better suited to the realities of 95

international construction contracts ? », IBA Annual Conference, Tokyo, 21 October 2014 !38

Page 39: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Depuis la réforme du droit des contrats en France, les règles relatives à

l’interprétation prévues des articles 1188 du Code civil à l’article 1192 sont plus

claires que les précédentes et moins nombreuses . Dans un premier temps, l’article 96

1188 rappelle que le contrat doit d'abord s'interpréter d'après la commune intention

des parties plutôt qu'en s'arrêtant à sa lettre. Le second alinéa précise qu’à défaut de

pouvoir déterminer la commune intention des parties, le sens du contrat s’interprète

selon un standard, celui du contractant moyen dénommé “personne raisonnable” placé

dans les mêmes circonstances de temps et de lieu. Par conséquent, le second alinéa,

une nouveauté de la réforme, abouti en l’introduction de l’interprétation objective au

sein de l’interprétation subjective. Faisant ainsi penser aux règles d’interprétation

adopté par le droit Suisse, ayant trouvé un savant équilibre entre interprétation

objective et interprétation subjective, afin de rendre plus prévisible les solutions

pouvant être adoptées par le juge dans le processus d’interprétation du contrat.

II - La flexibilité

La flexibilité pour les parties peut être nécéssaire, lors de la survenance d’un

événement imprévisible, qui rend plus difficile l’exécution du contrat et nécessite

l’adaptation de celui-ci (A), mais aussi lors de l’instance où l’on est en mesure

d’attendre l’adaptation par le juge des règles juridiques aux faits d’espèces (B).

A) La théorie de l’imprévision

Une des grandes nouveautés de la réforme française du droit des contrats, est

la reconnaissance textuelle du changement de circonstances imprévisible, renversant

ainsi la très célèbre jurisprudence de 1876, Canal de Craponne.

L’article 1195, placé dans une sous-section intitulée “force obligatoire” du contrat

envisage les conséquences du changement de circonstances imprévisible en énonçant

une à une les étapes du processus. Il y a d’abord une renégociation, sans suspension

d’exécution: puis, en cas d’échec ou de refus, le texte énonce la possibilité de choisir

entre la résolution conventionnelle ou une saisine conjointe du juge pour qu’il

“adapte” le contrat. Enfin, mais seulement après un “délai raisonnable”, une partie

B. FAUVARQUE COSSON, « La reforme du droit français des contrats dans le contexte de 96

l’arbitrage commercial international », Revista de Arbitragem e Mediação, Rarb vol. 50, 2016!39

Page 40: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

peut saisir le juge pour qu’il révise le contrat ou y mette fin, à la date et aux

conditions qu’il fixe.

Le refus initial du droit français était basé sur le respect du principe d’intangibilité du

contrat, bien que ce principe fut érigé en pierre angulaire de notre droit, il ne fut pas

un obstacle à l’introduction quasi-systématique de clauses de hardship ou de

renégociation, développant ainsi une sorte de théorie conventionnelle de

l’imprévision . Cependant, la consécration législative permise par la réforme, fut des 97

plus heureuse, permettant ainsi une mise en adéquation des dispositions écrites de

notre droit avec la pratique actuelle des opérateurs.

Le principe rebus sic stantibus, fondement à la révision pour imprévision, exception

au principe pacta sunt servanda, se trouve consacré dans beaucoup de droit européen.

L’article 313 du code civil allemand prévoit la possibilité de modifier un contrat si,

après sa conclusion, un changement imprévu se produisait, sans lequel le contrat

n'aurait pas été conclu ou aurait été conclu avec un contenu différent, que l'on ne peut

attendre d'une partie qu'elle maintienne cet accord de la même manière. Si la

modification du contrat n'est pas possible ou si on ne peut raisonnablement l’attendre

de la partie, celle qui est dans une situation défavorisée peut en demander la

résiliation. L’article 373 B du Code des obligations suisse prévoit la possibilité pour

le juge en vertu de son pouvoir d’appréciation l’augmentation du prix stipulé ou la

résiliation.

Assez étonnamment contrairement aux allégations de flexibilité du droit anglais , le 98

principe rebus sic stantibus n’est pas totalement consacré dans les pays de common

law, et le droit anglais prévoit que lorsqu’il y a « frustration », le juge ne peut que

confirmer ou résilier le contrat . Les parties peuvent néanmoins d’un commun accord 99

renégocier et accepter de modifier leur contrat, ce qui reste l’option la plus privilégiée

dans le monde des transactions commerciales internationales. Il a été parfois avancé

que le droit des contrats anglais devrait reconsidérer le recours en «réajustement»

B. OPPETIT, « L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances : la 97

clause de "hardship" », J.D.I. 1974. 794 ; M. FONTAINE, « Les clause de hardship, aménagement conventionnel de l’imprévision dans les contrats internationaux à long terme », D.P.C.I. 1976. 42

The Law Society of England and Wales, op.cit98

Taylor v Caldwell [1863] EWHC QB J1, première affaire anglaise prononçant la résiliation d’un 99

contrat en raison de changement de circonstances imprévisibles !40

Page 41: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

devant le juge afin de maintenir sa position commerciale internationale supérieure

actuelle . 100

Aux États-Unis, le changement de circonstances imprévisibles a été codifié à l’article

262 du Restatement Second of Contracts, qui prévoit la libération de la partie

subissant le changement de circonstances imprévisibles, sauf en cas de clause

stipulant le contraire. Le commentaire de l’article précise, que premièrement, c’est

l’objet même du contrat qui doit être affecté par le changement de circonstances.

Deuxièmement, la « frustration » doit être substantielle. Il ne suffit pas que la

transaction soit devenue moins rentable pour la partie affectée, ou même qu'elle

subisse une perte. Troisièmement, la non-occurrence de l'événement frustrant doit

avoir été l’hypothèse de base sur laquelle le contrat a été conclu.

En toute hypothèse, contrairement aux droits de tradition civiliste, les règles issues de

la common law admettent très limitativement le cas d’imprévision, et ne prévoient

une quelconque révision. La survenance de l’événement imprévisible, n’est ni plus ni

moins qu’une mise en échec de la notion de « consideration », qui fonde le contrat en

droit anglais et qui est l’idée d’une contrepartie et d’un échange d’obligations

réciproques. D’après le professeur Williston, l’exécution convenue est celle qui a été

promise et recherchée en échange d'un paiement. Une fois l’exécution compromise

par la survenance d’un événement imprévu, les deux parties sont libérés de leurs

obligations réciproques . 101

L'étroitesse de ces doctrines souligne la nécessité pour les avocats anglo-saxons de

négocier et de rédiger précisément les contrats afin de prévoir ce qui est prévisibles et

ce qui ne l’est pas, dans le but de rendre clair l’objet du contrat.

L'admission de la doctrine de l'imprévision semble favoriser l'équité et la justice

commutative, et consacre ce qui est économiquement souhaitable, c’est-à-dire, une

conception souple de l’intangibilité des contrat . Toutefois, une telle règle semble 102

accroître l'insécurité juridique car les critères de sa mise en œuvre sont vagues et

M. KOVAC, « Frustration of purpose and the French Contract Law reform : The challenge to 100

the international commercial attractiveness of English law? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2018

S. WILLISTON, Williston on Contracts, 3d ed. 1978, p 1954101

X. LAGARDE, « Brèves réflexions sur l’attractivité économique du droit français des 102

contrats », Recueil Dalloz, 2005, p 2745!41

Page 42: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

n'ont pas encore été définis de manière ferme et précise par la jurisprudence, pouvant

être l’explication à la réticence des pays de common law à son encontre.

B) L’efficience du précédent

Le prétendu avantage du droit anglais viendrait du fait que les juges font la loi,

et qu’ils peuvent l'adapter chaque fois qu'ils sont confrontés à une nouvelle pratique

commerciale . Le système du précédent produirait des règles plus précises, défini 103

par référence au ratio decidendi des cas, et donc aux faits des cas, investissant le juge

anglo-saxon d’une plus grande capacité d’adaptation .

Néanmoins, ce raisonnement à des limites, notamment en France, où avant

l’harmonisation européenne, le juge faisait l’essentiel du droit de la responsabilité

civile et l’ensemble des règles de conflits de lois. Plus encore, les juridictions

françaises ont fait évoluer le droit issu du Code civil de 1804, à telle point que la

réforme du droit des contrats intervenue en 2016 n’est finalement qu’une codification

des solutions jurisprudentielles constantes.

Alors que le système du précédent est présenté comme un gage de flexibilité, il n’est

pas certain que les juridictions anglaises puissent aussi facilement adapter le droit, en

effet, les conditions pour renverser leurs propres précédents sont très rigoureuses, et

n'incluent pas la simple inadéquation d'un ancien précédent . Les cours d’appel 104

d’Angleterre, et du Pays de Galles n’ont tout simplement pas le pouvoir de procéder à

un tel renversement , on peut alors se questionner sur le pouvoir d’adaptation des 105

juges de common law à tout nouveau besoin de la société.

Mais si l’efficience du précédent n’était pas dû à sa flexibilité, mais plutôt à sa

stabilité ? En effet, si on dresse un parallèle avec le droit des sociétés, la riche, claire,

The Law Society of England and Wales, op.cit103

Practice Statement, [1966] 1 W.L.R. 1234 104

Davis v. Johnson, [1979] A.C. 317 (H.L.)105

!42

Page 43: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

et constante jurisprudence de la Chancery Court est une des raisons du succès de

l’État du Delaware en tant que loi choisie pour l’immatriculation des sociétés . 106

Sur le même modèle, la division commerciale de la cour suprême de New York a

élaboré un ensemble cohérent et exhaustif de précédents en droit commercial qui sont

rendus accessibles au public par l’intermédiaire du Commercial Division Law Report,

qui est publié régulièrement . 107

La Cour Suprême de New York va même jusqu’a refuser d'imposer une obligation qui

n'a pas été précisément fixée par la loi applicable, car elle contrarierait la préférence

pour le caractère définitif, la régularité et la prévisibilité qui sous-tendent aux

précédents dans le contentieux des transactions commerciales . En prévoyant 108

publicité et stabilité du précédent, la Cour Suprême de New York s’assure une large

audience, et affiche clairement la même ambition que la Chancery Court du

Delaware, à savoir, être choisie, non pas comme loi d’immatriculation, mais plutôt

comme lex contractus.

III - Des règles impératives amoindries

Une raison évidente de préférer une loi à une autre est l'existence de règles

obligatoires interdisant certains types de clauses contractuelles ou même certains

types de transactions. On peut s'attendre à ce que les parties commerciales évitent les

droits qui contiennent de telles restrictions et préfèrent des lois plus libérales. La

différence est palpable au sujet de la sanction des clauses abusives (A), et lors de la

reconnaissance du principe de bonne foi, pouvant être invoqué par le juge au soutien

d’un interventionnisme contractuel (B).

J. E. FISCH, « The peculiar Role of the Delaware Courts in the Competition for Corporate 106

Charters », 68 U. Cin. L Rev, 2000, p 1061-1063. Avec seulement 7 revirements de jurisprudence : Aronson v. Lewis, 473 A.2d 805, 811 (Del. 1984); Scattered Corp. v. Chi. Stock Exch., 701 A.2d 70, 72-73 (Del. 1997); Grimes v. Donald, 673 A.2d 1207, 1217 n.15 (Del. 1996); Heineman v. Datapoint Corp., 611 A.2d 950, 952 (Del. 1992); Levine v. Smith, 591 A.2d 194, 207 (Del. 1991); Grobow v. Perot, 539 A.2d 180, 186 (Del. 1988) Pogostin v. Rice, 480 A.2d 619, 624-25 (Del. 1984).

New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, « Choose New 107

York Law For International Commercial Transactions », p 15

Fleet Factors Corp. v. Bandolene Indus. Corp., 86 N.Y.2d 519, 527 (N.Y. 1995).108

!43

Page 44: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

A) La sanction des clauses abusives

Il se pourrait que certains types d'opérations ou certaines clauses contractuelles

soient autorisées en vertu du droit anglais ou suisse, alors qu'elles sont interdites en

vertu d’autres droits européens. C’est d’ailleurs la revendication générale faite par

certains promoteurs de ces deux droits des contrats . 109

Il est spécifiquement souligné la rigidité de certains droits notamment s’agissant des

clauses abusives. En droit allemand, par exemple, on parle de conditions générales

d’affaires , et le contrôle n’est pas seulement limité aux contrats B2C, mais couvre 110

également les contrats B2B. Cependant, le pouvoir des tribunaux allemands de

contrôler et annuler les clauses abusives n'est pas considéré comme business friendly,

encourageant les entreprises allemandes activent dans le commerce international à

choisir une autre loi que la leur . A telle point que l’on parle de « fuite vers le droit 111

suisse ».

Le droit suisse est largement connu pour son approche libérale en ce qui concerne la

liberté contractuelle des parties, car il impose peu de restrictions statutaires à la

capacité des parties de façonner leur relation contractuelle à leur guise. Cette

convivialité commerciale, ou plutôt business friendliness, est l'une des principales

raisons pour lesquelles le droit suisse est souvent choisi comme loi régissant les

contrats internationaux dans un large éventail de domaines. Même si le droit suisse

fut l’objet d’une révision, en 2012, en matière de condition générale abusive, celle-ci

resta cantonnée au droit de la consommation , contrairement aux règles strictes et 112

larges du droit allemand . 113

H. KÖTZ, « The jurisdiction of Choice : England and Wales or Germany » ?, 18 Eur. R. Private 109

L. 2010, p 1243. C WILDHABER, « Franchising—Switzerland: Pre-contractual Disclosure Obligations », International Law Office, 2006

Article 305 alinéa 1 du BGB : “Les conditions générales d’affaires sont toutes les clauses 110

contractuelles pré- formulées pour une multitude de contrats et qu’une partie (l’utilisateur) pose à l’autre partie du contrat lors de la conclusion d’un contrat”

S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 111

Forum in Europe: Theory and Evidence », 21 Eur. Rev. Private L, 2013, p 63

Article 8, Swiss Federal Act on Unfair Competition (Bundesgesetz gegen den unlauteren 112

Wettbewerb)

J. ZONS, « The German Law on Standard Terms and Conditions – a Dangerous Trap for 113

Building and Engineering Contracts », Construction Law International, 2012!44

Page 45: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Conscient de la fuite vers le droit suisse, un certain nombre de groupes d'intérêt

allemands ont proposé des réformes de la loi allemande sur les conditions générales

d’affaires, dont certaines visent expressément à améliorer la compétitivité

internationale du droit allemand des contrats . Cependant, cette réforme n’est pas 114

universellement accueillie, en effet, d’autres groupes d'intérêt, en particulier les

petites et moyennes entreprises, considèrent le régime allemand existant comme une

protection contre le pouvoir de négociation supérieur des grandes entreprises et, par

conséquent, s'opposent à toute réforme . 115

La même controverse agita également le droit français au moment de la réforme du

droit des contrats, pour cause, dans le projet d’ordonnance, une disposition permettait

au juge de neutraliser toute clause abusive, dans tous les contrats (y compris les

contrats de gré à gré). Cela a suscité de fortes réactions, qualifiant cette disposition

d’”épouvantail au plan du droit des affaires” et de “repoussoir du choix de la loi

française comme loi d’autonomie dans les opérations du commerce international” . 116

Cet argument a joué un rôle décisif dans le choix de limiter finalement ce pouvoir du

juge aux seuls contrats d’adhésion . Cependant, lors de la ratification de la réforme 117

du droit des contrats, on a procédé à un resserrement de la notion du contrat

d’adhésion autour de la non-négociabilité : le contrat d’adhésion devra s’entendre

comme celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à

l’avance par l’une des parties ». La catégorie des contrats d’adhésion s’en trouve 118

conséquemment élargie puisque le simple fait de pouvoir, ou non, négocier le contrat

permettra de le qualifier soit de contrat de gré à gré soit de contrat d’adhésion. Il s’en

infère que le contrat d’adhésion ne devrait plus être cantonné aux seuls contrats de

masse, et la loi de ratification pourrait compromettre l’ambition assumé d’attractivité

du droit français reformé.

S. VOGENAUER, opt.cit, p 64. Une proposition fut préparée par le Comité pour les questions 114

de droit privé du Barreau allemand. Un autre a été publié par les organes représentatifs de l'industrie de la construction mécanique et de l'électrotechnique, la Chambre de commerce de Francfort et divers praticiens et conseillers internes qui avaient établi une «Initiative pour le développement de la loi des conditions générales dans les transactions commerciales».

Id, p 65 115

B. FAUVARQUE COSSON, « La reforme du droit français des contrats dans le contexte de 116

l’arbitrage commercial international », op.cit

Article 1171 Code civil français, Version en vigueur avec terme du 1er octobre 2016 au 1er 117

octobre 2018

Article 1110 du Code civil français, Version à venir au 1er octobre 2018118

!45

Page 46: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Aux États-Unis, l’article 2-302 de l’UCC consacre la notion d’ « unconscionability »,

prévoyant la rescision du contrat, ou son exécution sans la clause unconscionable de

façon à éviter un résultat injuste. L’arrêt Williams v. Walker-Thomas Furniture , 119

arrêt fondateur de l’unconscionability, décrit les critères permettant de déterminer si

une clause ou un contrat est unconscionable : « il a généralement été reconnu que

l’unconscionability incluait une absence de choix significatif pour l’une des parties,

combinée avec des termes qui sont déraisonnablement favorables à l’autre partie ».

Deux critères ont alors été dégagés de cet arrêt pour décrire l’application de cette

règle : une absence de choix significatif, et des termes déraisonnables.

Ces deux éléments ont également permis de dégager deux perspectives différentes qui

bordent l’unconscionability : l’une prenant compte de la façon dont le contrat avait

été formé, l’unconscionability procédurale, et l’autre prenant en considération les

termes même du contrat, l’unconscionabilty substantielle . Les tribunaux et les 120

commentateurs s'entendent pour dire que l'article 2-302 de l’UCC est plus susceptible

d'être applicable aux consommateurs qu'aux commerçants . 121

L’État de New York, adopta en 1962 l’UCC, et fut très rapidement suivi par les autres

États fédérés. Cependant, les tribunaux et la législature de l’État de New York ont été

beaucoup moins actifs en ce qui concerne la doctrine de l'unconscionabilty que ne l’a

été l’État de Californie. En effet, l’article 1670.5 du Code civil Californien est

identique à l’article 2-302 de l’UCC, mais apparaît sous le Titre 4 à propos des

contrats prohibés dans la Partie II Division 3 qui traite du droit des contrats en

général. Le but d’une telle incorporation au sein du code civil était de rendre

applicable la disposition relative à l’unconscionabilty à tous les contrats. Rendant

ainsi le spectre du contrôle beaucoup plus conséquent du coté de la Californie, et la

fuite vers le droit des autres États manifeste . Par ailleurs le contrôle des conditions 122

générales abusives peut affecter la loi choisie par les parties en l’écartant afin

Williams v. Walker-Thomas Furniture Co, 350 F.2d 445 (D.C. Cir. 1965)119

Frostifresh Corp. v. Reynoso, District Court,274 N.Y.S.2d 757 (1966)120

Johnson v. Mobil Oil Corp., 415 F. Supp. 264, 265 (E.D. Mich. 1976) : observant que la doctrine 121

de l'unconscionabilty est le plus souvent utilisée pour protéger les consommateurs désavantagés contre les commerçants trop nombreux. Layne v. Garner, 612 S.2d 404, 408 (Ala. 1992) : notant que l'unconscionabilty est un remède extraordinaire généralement disponible pour les parties non sophistiquées et non disponible pour les parties commerçantes.

D’après l’étude des professeurs Miller et Eisenberg, la loi californienne régissait 7.64 % des 122

contrats étudiés, contre 45.69 % pour la loi de l’État de New York.!46

Page 47: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

d’effectuer le dit contrôle selon la loi du for , rendant ainsi de plus en plus 123

nécéssaire la liaison de la clause attributive de juridiction à la clause d’electio juris.

B) La bonne foi

D’après l’Association Suisse d’Arbitrage, choisir le droit suisse comme droit

substantiel aux contrats serait un atout majeur car celui-ci est basé sur la bonne foi . 124

Un principe général du droit suisse des contrats exige que les parties exercent leurs

droits et exécutent leurs obligations de bonne foi . Le principe suisse de bonne foi, 125

comme celui des autres systèmes de droit civil européens , peut ainsi entraîner la 126

création de droits ou obligations supplémentaires . 127

Malgré l’absence de définition de la notion de « bonne foi » dans le nouvel article

1103 issu de la réforme du Code civil, le principe lui même était bien connu avant la

réforme, et continue d’être un des fondements sur lequel les parties peuvent exercer

un recours contractuel. Cette confirmation expresse par le texte de loi du principe de

bonne foi précise également son champ d’application, dont le point de départ est fixé

au stade de la négociation . Bien que cette nouvelle disposition représente une 128

véritable nouveauté pour le Code, elle ne l’est pas pour le droit français, dont la

jurisprudence avait déjà consacré ce principe . 129

La bonne foi ne serait pas à proprement parler une obligation, mais un devoir général,

une norme de comportement relevant de la responsabilité délictuelle, car l’objet du

TING v AT&T, 182 F.Supp.2d 902 (N.D.Cal.2002), qui affirme que la question de 123

l’unconscionability du contrat est gouverné par la loi californienne (loi du for) plutot que la loi de l’État de New York (lex contractus).

Association Suisse de l’Arbitrage, Why Choose Swiss Substantive Law, 2016124

Article 2 du Code civil Suisse125

Article 242 du Code civil allemand : qui prévoit que toutes les obligations contractuelles doivent 126

être exécutées avec « foi et confiance » (“Treu und Glauben”). Plusieurs articles du Code civil italien imposent également une exigence de bonne foi : l'article 1375 exige qu'un «contrat doit être exécuté de bonne foi», l'article 1366 prévoit qu'un «contrat doit être interprété de bonne foi» et l'article 1337 impose des obligations de bonne foi dans les relations débiteur-créancier.

P. TERCIER & P. PICHONNAZ, Le droit des obligations, Schulthess, 5ème édition, 2012, p 64127

Article 1104 du Code civil français128

E. PANNEBAKKER, « Pre-Contractual Phase: Reflections on the Attractiveness of the New 129

French Rules for the Parties to International Commercial Transactions », dans S. STIJNS & S. JANSEN, The French Contract Law Reform: a Source of Inspiration?, Intersentia, 2016

!47

Page 48: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

contrat « ne consiste pas à créer des règles de comportement » . Pour M. Stoffel-130

Munck, la bonne foi s’ancrerait, dans l’ordre de responsabilité propre aux délits, cette

disposition étant «comme l’ambassade de la responsabilité délictuelle sur les terres du

contrat», qui impose, avec une intensité particulière, une norme de loyauté . C’est 131

ainsi que la bonne foi est devenue le réceptacle accueillant tous les devoirs imposés

par le juge aux contractants dans un souci d’équité et de justice, et notamment celui

de loyauté.

Pour les plus libéraux, la bonne foi doit être utilisé pour contrôler le comportement

des parties, elle n’est pas destinée à permettre au juge de faire prévaloir l’équilibre

contractuel qu’il estime juste en réécrivant le contrat, sous peine de consacrer de

dangereuses dérives et la déstabilisation du contrat . Néanmoins, le placement au 132

frontispice du droit des contrats, et le caractère d’ordre public donné à l’article 1104

par son deuxième alinéa, est susceptible d’être perçue par le juge comme une

invitation à produire de nouvelles règles, autrement dit, la qualification de principe

directeur permettrait au ver de la bonne foi de s’immiscer dans le fruit de la sécurité

contractuelle . 133

La réaffirmation du principe de bonne foi en droit français, perpétue et accentue la

différence majeure avec le droit anglais, qui ne reconnait aucune obligation de bonne

foi. En droit anglais, les obligations de bonne foi peuvent exister en vertu d'une

clause contractuelle expressément convenue par les parties, mais en règle générale,

les tribunaux anglais ne reconnaissent pas un quelconque devoir de bonne foi

découlant du contrat. Les juges considèrent même que la bonne foi est incompatible

avec le rôle respectif des parties contractantes, dont les intérêts s’opposent . 134

Mais un juge de la High Court, G. Leggatt, s’est dressé contre ce postulat, en

estimant que le droit anglais consacre pour certains contrats de longue durée une

obligation implicite de bonne foi et de loyauté, rendant déplacée, l’hostilité

traditionnelle du droit anglais . Mais pour un autre juge, M. Moore-Bick, il y a un 135

G. VINEY, Introduction à la responsabilité, L.G.D.J, 3ème édition, 2008, p 284130

P. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, L.G.D.J, 2000, n°134131

J. FLOUR, J. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, 1. L’acte juridique, A. Colin 9ème ed. 132

2000, p 378

M. LATINA, « La réforme du droit des obligations », Les Petites Affiches, 2017, https://133

www.petitesaffiches.fr/actualites,069/droit,044/cahiers-ucejam-la-reforme-du-droit,12173.html

Walford v Miles [1992] 2 A.C. 128134

Yam Seng Pte Ltd v International Trade Corporation Ltd [2013] EWHC 111135

!48

Page 49: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

véritable danger à consacrer un principe général de bonne foi, celui de rendre ce

dernier invocable à tort et à travers, ce qui risquerait de saper les termes du contrat

dans lesquels les parties sont parvenus à un accord . 136

À la différence des tribunaux anglais, ceux de New York ont été les premiers

tribunaux aux États-Unis à introduire l’engagement implicite de bonne foi dans la

jurisprudence en matière de droit des contrats . Dans une célèbre affaire en 1917 , 137 138

le juge Benjamin Cardozo siégeant à la cour d’appel de New York, a estimé que le

contrat en cause était « l’instinct, avec une obligation imparfaitement exprimée » de

bonne foi. L’obligation de bonne foi a été renforcée lorsque l’ État de New York, en

1962, a adopté l’UCC, et son article 1-203 dispose que «tout contrat ou obligation

prévu dans la présente loi impose une obligation de bonne foi dans son exécution».

L’article 2-103 de l’UCC de New York, définit la bonne foi dans le cadre la vente

d’un bien comme «l’honnêteté de fait et l’observation de normes commerciales justes

dans le commerce ». Néanmoins l’utilisation de la bonne foi est beaucoup plus

mesurée à New York qu’en Europe, car même si la bonne foi est consacrée, elle est

largement encadrée, afin de ne pas imposer d'exigences extra-contractuelles qui

élargiraient ou restreindraient largement la portée des accords conclus au préalable

par les parties . En effet, l’obligation d’agir de bonne foi dans le cadre d’un contrat 139

n’est généralement pas séparable de l’obligation d’exécuter ses obligations en vertu

du contrat lui-même . Elle est censée faciliter l’interprétation et l’exécution des 140

termes du contrat lui même, donc la violation d’un engagement de bonne foi n’est

généralement pas considérée comme une cause d’action indépendante. Marquant une

différence significative avec les tribunaux européens, ceux de New York privilégient

les attentes raisonnables des parties dans le contexte commercial en vigueur afin de

réaliser les objectifs initiaux du contrat . Par ailleurs les tribunaux de New York 141

J. CATWRIGHT & S. WHITTAKER, The Code Napoléon Rewritten : French Contract Law 136

after the 2016 Reforms, Hart Publishing, 2017

New York Central Iron Works Co.. v. United States Radiator Co., 174 N.Y. 331 (1903) : Dans 137

une affaire concernant un contrat à long terme, la Cour d'appel a déclaré que «l 'obligation de bonne foi et d'équité est une notion implicite».

Wood v. Lucy 222 N.Y. 88 (1917)138

New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, op.cit139

M. W. GALLIGAN, « Choosing New York Law as Governing Law for International 140

Commercial Transactions », New York State Bar Association International Section, 2012

Id. 141

!49

Page 50: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

sont plus hésitants lorsqu’il s’agit de retenir une responsabilité pré-contractuelle ou

encore de réviser le contrat en cas de changement de circonstances . En 142

conséquence, les tribunaux new-yorkais semblent avoir trouvé un compromis entre le

droit anglais et le droit des pays de tradition civiliste en adoptant une position

intermédiaire, qui reconnaît l’obligation de bonne foi qui incombe aux parties

cocontractantes, mais circonscrit celle-ci dans un cadre bien limité, celui de

l’exécution, tout en s’assurant que les termes du contrat ne soient pas altérés.

SECTION 2 - LES QUALITÉS EXTRINSÈQUES AU DROIT DES CONTRATS

La préférence des parties pour un droit plutôt qu’un autre peut s’expliquer par

sa prétendue neutralité (I), la familiarité des parties (II), et son caractère international

(III).

I - La neutralité

L'un des arguments les plus courants en faveur du choix du droit suisse pour

régir les contrats internationaux est sa prétendue neutralité . 143

Argument qui ne manque pas d’être invoqué par le praticiens, mais aussi les

tribunaux arbitraux . Cependant, la neutralité alléguée est bien souvent confondue 144

avec la neutralité politique de la Suisse qui est établie depuis 1815 . Et la neutralité 145

politique de la Suisse n’a aucun impact sur son droit des contrats qui relève plutôt de

la résolution de litiges entre individus et donc du droit international privé. En règle

générale, un droit privé, tel que le droit des contrats établit des obligations et devoirs

qui incombent à une partie, ainsi que les droits dont dispose une partie envers une

autre, un débiteur et un créancier, par conséquent, un gagnant potentiel et un

perdant . Les règles de droit privé sont donc par nature pas neutre, et le droit des 146

Id.142

Association Suisse de l’Arbitrage, op.cit143

ICC Arbitration Award No. 8482 of December 1996 144

C. FOUNTOULAKIS, « The Parties’ Choice of ‘Neutral Law’ in International Sales 145

Contracts », 7 European J. L. Reform, 2005, p 303

Id. p 307146

!50

Page 51: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

contrats suisse ne fait pas exception.

Il est coutume, également, de confondre la neutralité de la Suisse en tant que place de

résolution des conflits et la neutralité de son droit des contrats . L'une des raisons 147

pour lesquelles les acteurs commerciaux choisissent Genève ou Zurich comme place

d'arbitrage est que ni les tribunaux suisses, ni aucune autre branche du gouvernement

suisse, ne sont susceptibles d'interférer dans la procédure d'arbitrage. Ainsi, localiser

un arbitrage en Suisse garantit la neutralité du règlement des litiges (à condition que

des parties suisses ne soient pas impliquées) car aucune des parties ne bénéficie d’un

avantage juridictionnel et ne peut utiliser ses relations politiques pour faire intervenir

un tribunal.

Cette neutralité n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la loi appliquée par

les arbitres. Les arbitres qui appliquent des règles de droit privé doivent toujours

déterminer quelle partie est le débiteur et quelle partie est le créancier, puis

déterminer si toutes les obligations ont été remplies ou non.

II - La familiarité

Le professeur Vogenauer estime que d'autres facteurs, comme la familiarité

d'un système juridique donné, joue un rôle prépondérant dans la détermination par les

parties, du droit des contrats applicable, et du forum de résolution des litiges . 148

La familiarité pourrait être ainsi l’explication la plus plausible à l’attractivité du droit

Suisse. En effet, le Code des Obligations Suisse, principale source de droit des

contrats, est un savant mélange de plusieurs systèmes juridiques et rédigé en plusieurs

langues. Accessible ainsi dans la langue de trois des quatre plus grandes économies

de l'UE (Allemagne, France et Italie), et de certaines autres plus petites (Autriche,

Belgique). Le droit suisse semble alors être le choix le plus judicieux pour les

opérations transfrontalières en raison de la familiarité que les parties européennes

peuvent éprouver à son égard, lorsque aucune des parties impliquées n’est issue d’un

pays de common law . Le succès du droit suisse auprès des parties allemandes peut 149

alors s’expliquer, car ces dernières, considèrent peut-être le droit suisse comme un

Id. p 306147

S. VOGENAUER, op.cit148

W. ABRAHAM & M. I. de ALMEIDA ALVARENGA, Fidic : An Analysis of International 149

Construction Contracts, Kluwer Law International, 2004, p 313!51

Page 52: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

meilleur choix que le droit anglais ou le droit de l’État de New York, en s’attendant à

ce qu'il soit plus familier. Le droit des contrats anglais est basé sur des doctrines de

common law, avec des concepts inconnus tels que la «   consideration   » et

l’   «   estoppel   », tandis que le droit suisse des contrats repose sur de nombreux

concepts qui existent également en Allemagne .150

Finalement, la familiarité pourrait jouer un rôle plus important qu’on ne le pourrait

croire, peut-être, plus encore, que les qualités intrinsèques d’un droit donné. Les

différences linguistiques et les traditions juridiques divergentes pourraient-elles être

un obstacle à ce qu’il puisse exister en Europe un marché pour le droit des contrats ?

Est-ce à dire que les conditions pour un tel marché sont plus favorables aux États-

Unis, là ou les différences culturelles sont moindres ?

En fait, la concurrence normative ne serait exclue que si toutes les parties fondaient

leur choix exclusivement sur la familiarité de la loi choisie . Les auteurs cités 151

précédemment ainsi que les dernières statistiques publiés par la Chambre

Internationale de Commerce suggèrent le contraire. Si une clause d’electio juris se

trouvait dans 87% des litiges soumis à l’arbitrage ICC, le droit anglais et le droit de

américain (majoritairement celui de l’État de New York) étaient choisis en grande

partie, alors les parties majoritairement présentes en 2017 étaient originaires des USA

(8,4%), de l’Allemagne (5,5), de la France (5,4), du Brésil (4,5) et de l’Espagne

(4,5) . Tandis que dans le classement des nationalités les plus présentes, 152

l’Angleterre arrive seulement à la huitième position (2,9 %) et la Suisse, beaucoup

plus loin encore, à la quinzième position (1,9 %) . Plus étrangement encore, les 153

données mises à jour de l’ICC, montre que Paris est la ville la plus choisie en tant que

siège d’arbitrage à 18,1%, tandis que le pourcentage de Londres s’élève à 10,9 %, et

Genève arrive en troisième position avec 7,6% 154

Par conséquent, si la familiarité est un facteur important pour les parties lorsqu’elles

doivent déterminer le droit applicable à leur contrat transfrontalier, il n’est pas le seul

élément pris en considération par les parties.

G. CUNIBERTI, op. cit 150

G. RÜHL, « The Choice of Law Framework for Efficient Regulatory Competition in Contract 151

Law », op. cit

International Chamber of Commerce, ICC Dispute Resolution Bulletin, 2018, Issue 2, p 53152

Id. 153

Id. 154

!52

Page 53: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

III - Le caractère international

Dans une étude nommée «   Droit des affaires : enjeux d’attractivité

internationale et de souveraineté  », la CCI parle d’un «  déficit d’image  » et une

« connaissance souvent superficielle du droit français de la vente », conduisant trop

souvent les juristes à lui préférer « des droits prétendument réputés plus modernes et

plus aptes à répondre aux besoins des acteurs actuels du commerce international » . 155

Un droit, dans un domaine donné, serait alors apte à jouir d’une réputation sur la

scène internationale, susceptible d’influencer le choix par les parties de celui-ci. Le

caractère international ou non d’un tel droit peut être dû au facteur linguistique (A), à

l’enseignement international et comparatiste ayant lieu au sein de cet État (B), ainsi

que sa capacité à bénéficier d’un « network effect » (C).

A) Le facteur linguistique

Le droit anglais bénéficierait d’un certain nombre de facteurs externes à ses

règles substantielles, à commencer par la langue du pays et de celle de ses prétoires.

En effet la langue anglaise jouissant actuellement du statut de langue mondiale , les 156

implications de ce facteur sur l’attractivité du droit anglais n’est pas négligeable, et

explique sans doute le handicap des acteurs français dans le secteur des activités

juridiques . Alors que le marché des services juridiques, appliqué aux seules affaires 157

commerciales, a représenté outre-Manche un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros

en 2016 . Afin d’y remédier, a été crée le 7 février 2018, au sein de la cour d’appel 158

de Paris, une chambre internationale, destinée à connaître des litiges transnationaux.

Intervenant après l’annonce du Brexit, l’institution de cette nouvelle chambre a pour

CCI Paris Ile de France, « Droit des affaires : enjeux d'attractivité internationale et de 155

souveraineté », mai 2015, http://cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/droit-des-affaires-etude-1506.pdf

D. CRYSTAL, English as a global language, Second edition, Cambridge, 2003156

M. PRADA, Rapport sur Certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la 157

place de Paris, pour Ministère de l’économie des finances et de l’industrie, Ministère de la justice, mars 2011, http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/1_Rapport_prada_20110413.pdf

D’après la procureur générale de Paris, Catherine Champrenault, dans « Droit des affaires: la 158

France se dote d'une chambre internationale en espérant profiter du Brexit », Le Point, 7 février 2018, http://www.lepoint.fr/economie/droit-des-affaires-la-france-se-dote-d-une-chambre-internationale-en-esperant-profiter-du-brexit-07-02-2018-2193198_28.php

!53

Page 54: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

objectif de rendre les juridictions françaises plus attractives pour des parties

étrangères . 159

Pour que Paris puisse supplanter Londres, la procédure devant la CICAP est

aménagée pour y introduire l’usage de l’anglais tout en respectant les exigences de

l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose le français dans les prétoires. Si les

actes de procédure et les arrêts seront rédigés en français, les pièces en langue

anglaise pourront être versées aux débats sans traduction et les arrêts seront traduits

sous la responsabilité du greffe. En outre, si les débats se tiendront par principe en

français, une traduction simultanément par un traducteur désigné par le tribunal

pourra être organisée. Les parties qui comparaissent devant le juge, les témoins et les

techniciens y compris les experts, lorsqu’ils sont étrangers, pourront s’exprimer en

anglais s’ils le souhaitent. Une traduction simultanée en français sera alors également

assurée pour respecter la publicité des débats . 160

Au-delà de la langue, la procédure devant la CICAP corrige certaines des critiques

adressées par le juriste de common law. Contrairement à ce qui peut parfois se

constater dans la pratique, la Cour devra ménager un temps de plaidoirie suffisant

pour permettre aux parties d’exposer les éléments qu’elles jugeront pertinents au

soutient de leur demande. Par ailleurs, les parties auront l’occasion d’interroger elles-

mêmes la partie adverse ou les témoins et experts sur le modèle de la cross-

examination (interrogatoire de témoins) .161

Même si l’idée n’est pas totalement nouvelle, puisqu’il existait déjà une chambre

internationale au sein du tribunal de commerce de Paris, la procédure devant celle-ci

a été modernisée sur le modèle de la CICAP : rendu hybride et inspirée de certains

mécanisme de la common law . Des projets similaires était déjà en cours en 162

Wolters Kluwer France : Actualités du droit, « Nouvelle chambre internationale de Paris : 159

comment faire du Brexit une opportunité ! », 9 février 2018, https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/international/11760/nouvelle-chambre-internationale-de-paris-comment-faire-du-brexit-une-opportunite

M. VENTINI & M. DANIS, « La Chambre internationale de la Cour d’appel de Paris sera 160

opérationnelle le 1er mars 2018 », Article August Debouzy, https://www.august-debouzy.com/fr/blog/1130-la-chambre-internationale-de-la-cour-dappel-de-paris-sera-operationnelle-le-1er-mars-2018

Id. 161

Protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale du tribunal de commerce de 162

Paris, 7 février 2017!54

Page 55: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Allemagne, en Belgique, en Irlande, et aux Pays Bas , l’occasion était était ainsi de 163

promouvoir le droit français comme droit applicable aux contrats commerciaux

complexes, et d’affermir la place de celui-ci comme référence parmi les pays

civilistes . 164

B) L’enseignement international et comparatiste

La brochure du barreau de l’État de New York, censée promouvoir le droit de

celui-ci, allègue que la communauté juridique de New York a développé une

perspective juridique mondiale qui commence dès la formation universitaire . New 165

York abritant plusieurs facultés de droit à stature internationale, l’accent serait mis

sur l’étude des transactions commerciales transfrontalières, du droit comparé et le

règlement des différends internationaux . Ainsi, les avocats new-yorkais 166

initialement formés aux États-Unis, obtiendraient ensuite des diplômes d'études

supérieures dans les principales universités étrangères, et travailleraient comme

conseillers juridiques à l’étranger, faisant d’eux des avocats portés sur les

transactions internationales et à même de répondre aux problématiques des

opérateurs . 167

À coté des qualités intrinsèques d’un droit, peut également entrer en compte les

enseignements suivis par les praticiens d’un système donné. L’accent mis sur la

discipline du droit international et du droit comparé pourrait constituer un outillage

nécéssaire et préalable au rayonnement d’un système juridique, attestant de son

ouverture à l’international.

I. KNOLL-TUDOR, « Création d’une Chambre Internationale : Paris au centre de la résolution 163

des litiges commerciaux », Le monde du droit, 9 février 2018, https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/56152-creation-chambre-internationale-paris-centre-resolution-litiges-commerciaux.html

Id. 164

New York State Bar Association & New York International Arbitration Center, op.cit, p 16165

Id. 166

Id. 167

!55

Page 56: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

C) Le « Network effect »

Les parties peuvent préférer un droit des contrats plutôt qu’un autre, non pas

pour ses qualités intrinsèques, mais parce que un droit donné est devenu un standard

pour un certain type de transaction ou sur un marché particulier . Mais pourquoi les 168

parties souhaiteraient-elles se conformer à un standard de marché plutôt que de

choisir une loi autre ?

Avant de pouvoir conclure, les parties doivent faire un investissement initial : elles

doivent apprendre à conclure des contrats, quelles règles impératives respecter,

comment interpréter le contrat, ce qu’implique les termes et autres règles supplétives

auxquels ils peuvent être confrontés, comment faire respecter le contrat, quand

demander des conseils juridiques . Tant de coûts supplémentaire attitrés à 169

l’apprentissage d’un droit des contrats en particulier. Chaque partie préférera

évidemment un droit des contrats qu'elle connaît déjà afin d'économiser le coût de

l'apprentissage d'un droit des contrats supplémentaire . Le partage des 170

connaissances sur le même droit des contrats économise donc les coûts de transaction.

Les acteurs du marché sont incités à apprendre le même droit des contrats que leurs

partenaires potentiels . 171

En termes économiques, la connaissance partagée d'un droit des contrats particulier

est susceptible d’entraîner un effet de réseau, ou encore appelé le « network

effect » . 172

Cet effet de réseau, a été mis en lumière par une enquête menée par l’Université

d’Oxford sous la direction de professeur S. Vogenauer , qui suggère que le droit 173

anglais bénéficie d’un puissant effet de réseau.

Le droit des contrats et les tribunaux anglais seraient en fait fréquemment choisies

dans les transactions internationales, car les acteurs faisant un tel choix seraient

A. ENGERT, « Networks and Lemons in the Market for Contract Law » dans Regulatory 168

Competition in Contract Law and Dispute Resolution, de H. EIDENMÜLLER, Beck/Hart Publishing, 2012

Id. 169

Id. 170

Id. 171

B. DRUZIN, « Buying Commercial Law: Choice of Forum, Choice of Law, and Network 172

Effect », Tulane Journal of International and Comparative Law , n°18, 2009

Oxford Civil Justice Survey, 2008, http://www3.law.ox.ac.uk/themes/iecl/ocjsurvey.shtml173

!56

Page 57: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

persuadés de la popularité du droit anglais, et que les autres parties en font de

même . Un constat similaire a même été effectué en droit des sociétés aux États-174

Unis afin de qualifier l’ « effet du Delaware » sur le choix d’incorporation des

entreprises . 175

S. VOGENAUER, C. HODGES, « Perceptions of Civil Justice Systems in Europe and there 174

Implications for Choice of Forum and Choice of Contract Law : an Empirical Analysis, (Studies of the Oxford Institute of European & Comparative Law) », Hart Publishing, 2017

M. KLAUSNER, « Corporations, Corporate Law, and Networks of Contracts », Virginia Law 175

Review, Vol. 81, No. 3, p. 757-852!57

Page 58: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

PARTIE II : IMPLICATIONS ET PERSPECTIVE DU LAW-

SHOPPING EN DROIT DES CONTRATS

Nous l’avons vu, la concurrence normative en matière contractuelle ne peut

exister en Europe que si elle est stimulé par le droit international privé, et aux États-

Unis par les règles de conflits de lois entre États. La liberté contractuelle, n’a alors de

sens que si le choix pour les parties est multiple. Néanmoins pour reprendre la célèbre

formule de Fouillé, qui dit contractuel, dit-il vraiment juste ? Car si le contrat jouit de

prime abord d’une présomption d’équilibre, il ne faut pas oublier que les relations

contractuelles peuvent être diverses et variées, et certaines relations contractuelles

sont naturellement déséquilibrées, telles que les contrats B to C. Cependant le

déséquilibre contractuel, qui peut également se retrouver dans les contrats B to B,

provient en amont d’un déséquilibre dans les forces de négociation des parties. Lors de la rédaction du contrat, et le choix de loi y afférent, la loi d’autonomie doit-

elle être sans limite ? Ou au contraire, connaitre des ajustements dans certains

domaines ou le déséquilibre des parties aurait un impact sur le choix de loi ?

(Chapitre 1). Il est souvent dit que les différences entre le droit des contrats des États Membres

imposent des coûts supplémentaires et découragent le commerce transfrontalier.

L’harmonisation est alors la solution proposée, et envisagée. Il est ainsi permis de

s’interroger sur le besoin d’harmonisation et, dans l’affirmative, sur la forme qu’elle

devrait prendre (Chapitre 2).

!58

Page 59: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Chapitre 1 : Les mécanismes de régulation du law shopping

en matière contractuelle

L’une des grandes questions toujours controversées que suscite la concurrence

normative, est celle des effets de celle-ci sur le contenu des droits en concurrence . 176

Question posée également dans d’autres branches du droit, comme en droit des

sociétés , elle induit la plupart du temps, une réponse à double facette. 177

Celle premièrement d’une course vers le haut, « race to the top », soutenant l’idée

d’efficacité de la concurrence juridique en la matière. Dans cette perspective, les

offreurs de droit se font concurrence pour offrir les règles de droit les plus adaptées

ou les « meilleures » aux yeux des agents demandeurs . À l’inverse, la seconde 178

analyse, désignée par une course vers le bas, « race to the bottom », considère que la

concurrence normative a pour effet une diminution du niveau d’exigence posée par

les règles, de façon à ce que les agents mobiles s’orientent vers les juridictions les

plus laxistes . La probabilité d’une course vers le haut ou d’une course vers le bas 179

dépend essentiellement des règles de droits soumises à la concurrence (Section 1).

Dans tous les cas, en matière contractuelle, si l’electio juris vient à produire des effets

néfastes, ils peuvent être corrigés par l’intervention du juge (Section 2).

J-A. DEFROMONT & S. MENÉTREY, « Concurrence normative en Europe, quelle attractivité 176

pour les droits nationaux », Revue de droit économique, 2014/4 t. XXVIII, p 499-515

R. ROMANO, « Law as Product: Some Pieces of the Incorporation Puzzle », J. Law, Economics 177

and Organization, 1985, vol. 1, p. 225 ; du même auteur, « The State Competition in Corporate Law », Cardozo Law Rev, 1987, vol. 8, p. 709

J-A. DEFROMONT & S. MENÉTREY, op. cit 178

S. HARNAY & J-S. BERGÉ, « Les analyses économiques de la concurrence juridique : un outil 179

pour la modélisation du droit européen ? », Revue internationale de droit économique, 2011/2 - t.XXV, p. 174.

!59

Page 60: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

SECTION 1 - ÉVALUATION DES RISQUES INHÉRENT AU MARCHÉ DU

DROIT DES CONTRATS

Afin de savoir si une course vers le haut ou vers le bas est susceptible de se produire

en matière contractuelle il est nécessaire dans un premier temps de déterminer les

caractéristiques propres à ce marché (I). À en suivre la théorie du vote par les pieds,

la concurrence normative produirait nécessairement un effet mélioratif (II). Par

ailleurs, outre-Atlantique la course vers le bas relative au droit des contrats serait

évitée grâce à l’exigence de lien raisonnable lors d’un choix de loi (III).

I - Les caractéristiques du marché pour le droit des contrats

Le marché du droit des contrats comprend des produits juridiques hétérogènes

(A), et nécessite pour son existence des divergences normatives entre États (B).

A) Des produits juridiques hétérogènes

Pour certains auteurs, il faut distinguer selon que la règle de droit en question

opère un choix ne favorisant l’intérêt d’aucune des parties à la relation en particulier,

du fait de la concordance de leurs préférences. On parle alors de « produits juridiques

homogènes ». Si la règle de droit effectue un arbitrage entre des intérêts opposées, on

parle de « produits juridiques hétérogènes » . 180

Selon ce même auteur, le risque de nivellement vers le bas existerait dans le second

cas de figure. En droit des sociétés par exemple, il n’y a aucun risque de nivellement

vers le bas s’agissant des règles purement techniques de ce droit, telles que les

formalités de constitution des sociétés, que tout le monde aurait intérêt à voir

allégées, mais un risque de cette nature serait réel s’agissant d’autres règles

définissant par exemple l’équilibre des pouvoirs dans la société . 181

S’agissant du choix de loi sur lequel les parties doivent se mettre d’accord, leurs

préférences sont nécessairement divergentes, du fait de leur position naturellement

antagoniste au contrat. Il est par exemple, rationnel pour l’acheteur de biens et

A. OGUS, « Competition between national legal systems : A contribution of Economic Analysis 180

to Comparative Law », 48 International & Comparative Law Quarterly 405, 1999

Id. 181

!60

Page 61: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

services de privilégier un droit des contrats qui permette de contrôler efficacement les

exclusions et les limitations de responsabilité . On est alors en présence 182

essentiellement de produits juridiques hétérogènes.

B) Des divergences normatives

Pour d’autres auteurs, la concurrence normative pourrait jouer sans risque de

distorsion lorsqu’il existe des communauté axiologique minimale entre les droits en

présence et lorsque la compétition prend place dans un espace territorialement

compartimenté, où le déplacement géographique vaut changement de régime

juridique . Cette dernière série de propositions a le mérite de souligner la difficulté 183

qu’il peut éventuellement y avoir une difficulté à transposer en Europe le modèle de

compétition développé aux États-Unis, dans la mesure ou les divergences existant

entre les droits des différents États membres de l’Union Européenne sont infiniment

plus profondes que les divergences opposant les droits des différents sister States

américaines. L’arbitrage effectué par les opérateurs entre tel droit ou tel autre ne s’exerce ainsi pas

seulement à la marge, mais leur permet de jouer sur des traits fondamentaux du

régime qui leur est applicable. Dès lors, le système de concurrence normative serait

susceptible de produire de plus grands effets délétères en Europe, qu’aux États-Unis.

II - Transposition de la théorie du « vote par les pieds »

Comme nous l’avons vu jusqu’ici, les parties à un contrat peuvent choisir la loi

applicable à celui-ci en insérant un clause d’electio juris dans leur accord. En

stipulant une loi particulière pour régir leur contrat, les parties empêchent d’autres

juridictions d’imposer leurs règles juridiques, y compris celles qui auraient régi le

contrat sans choix de loi . L’exécution des clauses de choix de loi élargit donc 184

considérablement la liberté contractuelle, en permettant aux parties contractantes de

se soustraire des règles juridiques qui, autrement, auraient été contraignantes pour

elles.

S. VOGENAUER, op.cit182

H MUIR WATT « Aspects économiques du droit internationale privé » RCADI, 2004, t 307, p 183

25

A. ENGERT, « Networks and Lemons in the Market for Contract Law », op.cit184

!61

Page 62: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

En droit des sociétés par exemple, une petite entreprise du Delaware, dont le droit des

sociétés est conçu pour les grandes entreprises, pourrait ne jamais être en mesure de

persuader le législateur du Delaware d’adopter une loi qui réponde à ses besoins.

Mais l'entreprise peut préférer le droit des sociétés de la Caroline du Nord, qui

pourrait mieux refléter les besoins des entreprises à portefeuille restreint . 185

En raison du choix dont dispose les parties contractuelles, un processus concurrentiel

susceptible d’améliorer les normes étatiques en vigueur peut alors voir le jour, ce que

Tiebout nommait « le vote par les pieds » . 186

En reformant ainsi son droit des contrats, l’État répond «  au vote  » des opérateurs

s’exprimant à travers la clause d’electio juris.

Certains auteurs avancent qu’il ne pourrait y avoir de nivellement vers le haut en la

matière, ni même de marché tout court, en l’absence d’intérêt direct de la part des

États, à se faire compétition pour avoir le droit des contrats le plus attractif . Une 187

telle affirmation n’a pas son pareil s’agissant de la lex societatis, où les intérêts

économiques sont direct et où le law shopping est bel est bien avéré . 188

Cependant, bien que les États n’ont pas d’intérêt financier direct à la sélection par les

parties contractantes de la loi nationale, les acteurs de la profession juridique

s’intéresse vivement à la promotion de la loi de leur juridiction, car cela est

susceptible de se traduire par une demande accrue de ses services juridiques . 189

Et selon Nicole Belloubet (actuelle Garde des Sceaux), reprenant les termes d’André

Malraux : « On peut rendre son pays plus attractif aux yeux du monde ».190

III - L’exception de lien raisonnable aux États-Unis

L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, Oxford Scholarship, Chapitre 2, 2009185

C.E. TIEBOUT, « A pure Theory of Local Expenditure », op. cit 186

S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 187

Forum in Europe: Theory and Evidence », op.cit, p 75,

Rapport d'information n° 347 (2006-2007) de C. GAUDIN, fait au nom de la mission commune 188

d'information centre de décision économique, déposé le 22 juin 2007, « La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation », https://www.senat.fr/rap/r06-347-1/r06-347-1.html

G. RÜHL, « Regulatory Competition in Contract Law : Empirical Evidence and Normative 189

Implications », op.cit

Communiqué Ministère de la Justice du 12 février 2018 sur l’Inauguration de la chambre 190

commerciale internationale !62

Page 63: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Aux États-Unis, existe l’exigence d’un lien raisonnable pour la validité des

clauses d’electio juris, que l’on ne retrouve pas au sein du règlement Rome I.

L'ancien article 1-105 de l’UCC prévoyait l'exigence d'un lien raisonnable, les parties

ne pouvaient choisir que la loi d'un État présentant un lien raisonnable avec le

contrat. Cette exigence a été modifiée par l'article 1-301 de la version révisée de

l’UCC, et ne s'applique désormais plus qu'aux contrats internes, elle a donc été

abandonnée pour les contrats internationaux.

Les règles d'exécution des clauses d’electio juris exigent donc un lien entre la loi

choisie et les parties, ou la transaction. D’après l’article 187 du Restatement Second

of Conflict of Laws, un État peut appliquer un choix de loi sans lien substantiel avec

les parties ou la transaction, tant qu'il existe une autre base raisonnable fondant ce

choix. La justification à l'exigence de lien raisonnable est que rendre valide un contrat

«   gouverné par le droit d'un État qui ne peut avoir qu'un intérêt officieux et

préjudiciable d'affecter le résultat, est susceptible de nuire à la sécurité juridique et la

prévisibilité » .191

Cependant, comme nous l’avons vu auparavant, les lois de certains États éliminent de

plus en plus les exigences de connexion, du moins pour les grandes transactions

commerciales et autres transactions interentreprises. Une exigence de connexion

semble dès lors problématique pour le marché du droit des contrats, car elle limite le

choix pour les parties des lois applicable. Cependant, en équilibrant le

fonctionnement du marché du droit avec les intérêts des États, cette exigence de lien

raisonnable peut contribuer au développement d'un marché efficace du droit .192

Une exigence de connexion permet aux États de partager le marché du droit plutôt

que de créer une situation de winer-take-all. Ainsi, chaque État ne concurrencerait

qu'un sous-ensemble du total des contrats aux États-Unis. En revanche, sans

l’exigence de connexion, un seul État pourrait être en mesure d’utiliser son droit et

ses tribunaux favorables, pour dominer le marché, comme le Delaware le fait pour le

droit des sociétés. À New York, l’exigence de lien raisonnable fait l’objet d’une interprétation souple, et

celle-ci est satisfaite même lorsqu’entre le contrat et l’État, le contact est moindre et

cela meme si les contacts avec une autre juridiction sont plus importants . En outre, 193

R. J. WEINTRAUB, Commentary on the Conflict of Laws, 3rd ed, Foundation Press, 1986, p 191

377

L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.192

Cap Gemini Ernst & Young, U.S., LLC v. Nackel, 2004 U.S. Dist. LEXIS 4492 (S.D.N.Y. 2004); 193

Radioactive, 153 F. Supp.2d 462!63

Page 64: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

la décision des parties de choisir le droit de l’État de New York en soi peut constituer

le contact requis , rendant ainsi assez simple le choix de la loi de l’État de New 194

York pour les parties.

SECTION 2 - L’ELECTIO JURIS MISE EN ÉCHEC PAR L’INTERVENTION DU JUGE

La concurrence normative est susceptible de produire des effets délétères si

elle conduit a un nivellement par le bas en incitant les États à s’aligner vers les

standard les moins protecteurs de l’intérêt général ou d’autres intérêts dignes d’être

protégés par le droit. De de fait le contrat international doit respecter d’une part les dispositions de la loi

visée par le contrat lui-même, mais aussi les dispositions du droit du for. Si la

soumission du contrat aux dispositions de la loi visée par le contrat est totale,

puisqu’elle émane de la volonté des parties, la soumission au droit du for doit, elle,

être limitée. Elle est circonscrite à ce qu’exige la protection de l’intérêt général, pour

ne pas remettre en cause l’idée même de la soumission du contrat à la loi choisie par

les parties . Cet intérêt serait protégé par deux mécanismes que sont les lois de police

(I) et l’exception d’ordre public (II).

I - La protection par les lois de police

Si les lois de police peuvent intervenir au préalable de l’examen des clauses

d’electio juris afin de mettre en échec le choix de loi des parties (A), son application,

par le juge, oscille selon les cas lui étant soumis (B).

A) L’intervention des lois de police

Les lois de police, également dénommées règles internationalement

impératives, peuvent intervenir afin de limiter la liberté contractuelle des parties. Les

lois de police sont les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de

l’organisation politique, sociale et économique du pays . En droit français, c’est 195

Mechanic v. Princeton Ski Shop, Inc., 1992 WL 397576, at *3 (S.D.N.Y. 1992) 194

Y. LOUSSOUARN, P. BOUREL et P de VAREILLES-SOMMIÈRES, « Droit international 195

privé », Dalloz 9è édition, p.148.

!64

Page 65: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

l’article 3, alinéa 1 du Code civil qui a expressivement prescrit que « les lois de

police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent sur le territoire ». Au niveau

européen, l’article 9 du Règlement Rome I, prévoit en son alinéa 1 la mis en œuvre

les lois de police du for et en alinéa 3 les lois de police étrangères.

Aux États-Unis, les «  mandatory rules  » peuvent inclure toutes les règles figurant

dans le code pénal d'un État, les réglementations environnementales, tout ce qui

limite directement les activités commerciales, telle que les lois sur l'usure, les

restrictions sur les clauses abusifs, ou encore en droit de la consommation. Ce dernier

pan du droit étant largement harmonisé en Europe, aux États-Unis, il reste un terrain

fertile à l’invocation des lois de police lorsqu’un État dispose de législation adaptée

en matière de protection des consommateurs. En effet, certains lobbyistes pro-

business affirment qu’il existe une correlation entre le niveau de protection des

consommateurs dans un État, et son taux d’imposition . Le rendant plus ou moins 196

attractif pour les entreprises. Les personnes vivant dans des États où la protection des

consommateurs est élevée, ont des taxes plus élevées également (en échange de plus

de protection), et les personnes vivant dans un État à faible cadre législatif en droit de

la consommation, ont des taxes moins élevées (en échange de moins de protection) . 197

Si les citoyens d'un État où la protection des consommateurs est élevée sont soumis

aux lois d'un État où la protection est plus faible, par le biais d’une clause de choix de

loi, accompagnée d’une clause attributive de juridiction, l’équilibre est alors

rompu . 198

D’après le point b de l’alinéa 2 de l’article 187 du Restatement Second of Conflict of

Laws, la loi choisie par les parties s’applique, sauf si l’application de celle-ci serait

contraire à une politique fondamentale d’un État qui présente un intérêt sensiblement

plus grand que l’État choisi pour trancher la question particulière et qui, serait la loi

d’un État choisie en l’absence de clause d’election juris selon les points de

rattachements données par l’article 188. Ainsi, un tribunal qui détermine si le choix

contractuel de loi n’est pas contraire à une loi de police, doit tenir compte à la fois de

la nature de la politique en cause (c'est-à-dire si elle est "fondamentale"), mais aussi

W. J. WOODWARD JR, « Finding the Contract in Contracts for Law, Forum and Arbitration », 196

Hastings Business Law Journal, 2005

Id. 197

Id. 198

!65

Page 66: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

de l'intérêt de l’État intéressé par l’application de sa loi de police . Le règlement 199

Rome I semble de prime abord accorder plus d'importance à la clause d’electio juris

que les règles américaines, à la fois dans la définition plus limitée des lois de police

et en se dispensant d'une obligation générale de connexion entre les parties, la

transaction, et l'État désigné .200

La loi de police est une règle matérielle que l’ordre juridique du for choisi

d’appliquer, et cela avant même d’avoir désigné la lex contractus, peu importe la loi

choisie par les parties. Les lois de police ou aussi nommées «   super-mandatory

rules » sont très fréquentes en droit des contrats, et permettent parfois de mettre en

échec les clauses d’electio juris au sein de contrats de franchise, de distribution, de

taux d’intérêt, et d’assurance.

B) L’application casuistique des lois de police

Dans l'affaire Wright Moore Corp. c. Ricoh Corp , la Cour d’appel fédérale 201

du 7ème circuit, appliqua le droit de la franchise de l’Indiana plutôt que la loi

contractuellement choisi de l’État de New York, car l'Indiana avait une forte politique

publique en matière de réglementation des franchises. Et dans l'arrêt Bush c. National

School Studios , le Wisconsin avait un texte de loi nommé « Fair Dealership Law », 202

régissant les relations entre fabricants et fournisseurs avec leurs distributeurs,

contenant une disposition prévoyant que celle-ci serait d’ordre public, et ne pouvait

par conséquent être évitée par un quelconque contrat. La clause de choix de loi fut

naturellement jugée inopérante.

En Europe, la Cour de justice de l'Union européenne a eu l’occasion de répondre à

une question préliminaire de la Cour suprême belge dans l'affaire United Antwerp

Maritime Agencies SA ("Unamar") contre Navigation Maritime Bulgare ("NMB ") , 203

en statuant que les États membres de l'UE peuvent avoir des lois de police concernant

les accords commerciaux qui prévalent sur la loi choisie par les parties au contrat. La CJUE a également souligné que les États membres de l’UE doivent s’efforcer de

L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.199

E.A. O'HARA & L.E. RIBSTEIN, « Rules and Institutions in Developing a Law Market: Views 200

from the U.S. and Europe Rules », 82 Tul. L. Rev. 2147, 2008

Wright-Moore Corp. v. Ricoh Corp, 908 F.2d 128 (7th Cir. 1991) 201

Bush v. Nat'l Sch. Studios, Inc, 407 N.W.2d 883 (Wis. 1987) 202

Arrêt de la Cour (troisième chambre), 17 octobre 2013, United Antwerp Maritime Agencies 203

(Unamar) NV c. Navigation Maritime Bulgare, C-184/12!66

Page 67: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

donner pleinement effet au principe de la liberté de contractuelle, qui constitue la

pierre angulaire de la Convention de Rome. Elle a ensuite souligné qu’afin de

determiner si une loi nationale était une loi de police, il n’était pas suffisant que la loi

le mentionne spécifiquement dans ses termes, mais il devait ressortir de sa structure

générale et toutes les circonstances qui la sous-tendent que la loi a voulu protéger un

intérêt jugé essentiel par l’État membre concerné. Par conséquent, selon le cadre législatif en vigueur dans un État, les juges seront

susceptible ou non de mettre en échec l’exécution des clauses d’electio juris. En effet

tel fut le cas dans l’affaire Jane Doe v. Match.com LLC, ou l’application du choix de

la loi Texane contrevenait à l’Illinois Dating Referral Services Act . Alors que, 204

selon les tribunaux de l’État de New York, dans un affaire où un requérant différent

s’opposait à la même entreprise, il a été statué que Match.com n’avait aucune autre

alternative pratique, que d'inclure une clause attributive de juridiction et de choix de

loi dans son contrat d'utilisation, car autrement l’entreprise pourrait être susceptible

de faire l'objet de poursuites dans l'un des cinquante États . En effet, pour New York 205

l'intérêt tenant à la protection de ses consommateurs et de ses entreprises ne prévalait

pas sur sa politique d’exécution des clauses attributives de juridiction et de choix de

loi . 206

Par conséquent, les États peuvent toujours faire appel aux tribunaux pour protéger

certaines de leurs dispositions impératives contre l’évasion à la loi étatique par les

parties grâce à la clause d’electio juris. Cependant il est difficile de décider quand

est-ce que les États devraient pouvoir imposer leurs lois de police. Celles-ci ayant un

champ assez vaste, leur application par le juge contrevient à la sécurité juridique de la

convention établie entre les parties. Elles sont un obstacle à la mise en œuvre de la

règle de conflit et à la détermination de la loi applicable, mais surtout elles sont une

atteinte à l’autonomie de la volonté des parties . 207

Dans certains cas, les réglementations nationales sont importantes et méritent d'être

protégées. Dans d’autres, la non-application des clauses de choix de loi ne fait que

refléter le déni par les États de l’influence croissante du marché du droit. Encore une fois, un lien peut être établi entre la clause de choix de loi et la clause de

Jane Doe v. Match.com, L.L.C., No. 11 L 3249 (lll. Cir. Ct. Oct. 25. 2012) 204

Brodsky v. Match.com LLC 2009 WL 3490277 (S.D.N.Y. Oct. 28, 2009)205

Id. 206

B. SENGEL, « Les lois de police en matière contractuelle », Mémoire de recherche sous la 207

direction du professeur M. FARGE, Université Grenoble Alpes, Master 2 Droit Civil Économique !67

Page 68: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

choix de for, car la stratégie qui consiste à désigner une loi étrangère applicable à tout

ou une partie de la relation contractuelle pour échapper aux règles impératives du

Code civil, ne fonctionnera de manière certaine que si les parties évincent le juge

français en vertu de la clause attributive de juridiction ou d’une clause

compromissoire valablement conclue . 208

II - Le mécanisme correctif de l’exception d’ordre public

Bien que les parties peuvent invoquer en dernier recours l’exception d’ordre

public afin de contester le choix de loi présent au contrat (A), la délimitation des

contours de cette notion par le juge, rend son application incertaine (B).

A) Fonctionnement de l’exception d’ordre public

L’exception d’ordre public est un mode d’éviction de la loi étrangère

normalement applicable soit parce que son contenu aboutit à un résultat injuste, soit

parce qu’elle heurte à des conceptions fondamentales de l’ordre juridique du for ou

même une politique législative récemment mise en oeuvre . Elle se différencie donc 209

des lois de police en intervenant comme mécanisme correcteur après la désignation de

la loi.

Lorsque le juge étatique est saisi pour trancher un litige relatif à l’exécution du

contrat, avant de juger, il va déterminer si la loi choisie par les parties, selon laquelle

il est tenu de trancher, n’est pas en contradiction avec sa conception de l’ordre public

international. Le cas échéant, il évincera la loi normalement compétente, que ce soit

par la mise en œuvre d’une règle de conflit ou par le choix des parties, en enclenchant

le jeu de l’exception d’OPI. Ce jeu de l’exception de l’ordre public international

constitue pour le juge du for, l’ultime palliatif permettant de préserver « les principes

de justice universelle considérés dans l’opinion française comme doués de valeur

internationale absolue » . Aussi, le juge étatique est amené à faire application de son 210

F. ANCEL, B. FAUVARQUE-COSSON, J. GEST, Aux sources de la réforme du droit des 208

contrats, Dalloz, 2017, p 231

Id. 209

Arrêt LAUTOUR, Cour de cassation, Chambre civile, 25 mai 1948210

!68

Page 69: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

OPI lorsqu’il est sollicité pour la reconnaissance et l’exécution d’une décision

étrangère ou d’une sentence arbitrale. Lorsqu’il apparaît que la décision émise par un

juge étranger ou un arbitre rendue conformément à la mise en œuvre de la lex

contractus choisie par les parties, est de nature à contrevenir à l’OPI du for, on

enclenche le jeu de l’exception de l’OPI.

Ce mécanisme permet ainsi au juge français d’écarter une loi étrangère pour préférer

une disposition interne. L’OPI est alors un outil qui permet de sauvegarder l’harmonie

de l’ordre interne menacée par l’application d’une loi étrangère, trop éloignée des

conceptions locales.

L’éviction de la loi étrangère se fait, en principe, au terme d’une appréciation in

concreto du résultat auquel conduirait la loi étrangère désignée si elle était appliquée :

c’est dans une situation donnée, eu égard au but que poursuit la règle et aux liens de

la situation avec l’ordre juridique, que le juge décidera, ou non, de déclencher le

mécanisme. L’ordre public s’apprécie en outre au moment ou le juge statue, d’après le

principe d’actualité de l’ordre public.

La conjoncture est sensiblement différente aux États-Unis, car lorsque l’article 612 du

First Restatement of Conflict of Laws de 1932 prévoyait l’exception d’ordre public, le

Professor Beale affirmait que l'application de cette exception devrait être très limitée

entre les États, car les différences de politique entre eux étaient mineures . En effet, 211

les affaires domestiques et internationales se distinguent par le fait que tous les États

des États-Unis partagent un héritage constitutionnel et politique infiniment plus fort

que celui existant entre deux pays . En raison du «   Full Faith   and   Credit 212

Clause  » , les tribunaux américains sont obligés de traiter les conflits entre États 213

américains comme des affaires internes plutôt que des affaires internationales et, dans

l’ensemble, ont moins de pouvoir discrétionnaire pour exclure le droit d’un des États

fédérés . Pourtant, quel que soit la règle de conflit de loi adoptée par les États 214

fédérés, l’exception d’ordre public est présente dans tous les cas . 215

Par ailleurs, d’après le point b de l’alinéa 2 de l’article 187 du Restatement Second of

Conflict of Laws, la loi choisie par les parties s’applique, sauf si l’application de

J. BEALE, Conflict of Laws, 1935, p 1651211

G.J SIMSON, « The Public Policy Doctrine In Choice of Law », 1974 WASH. U. L. Q., p 319212

Article IV, Section 1 de la Constitution des États-Unis 213

G.J SIMSON, op.cit214

TRESSLER LLP, A 50 State Survey - Choice of law Standards : Insurance Coverage, Septembre 215

2016 !69

Page 70: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

celle-ci serait contraire à une politique fondamentale d’un État qui présente un intérêt

sensiblement plus grand que l’État choisi pour trancher la question particulière et qui,

serait la loi d’un État choisie en l’absence de clause d’election juris selon les points

de rattachements données par l’article 188. Ainsi, un tribunal qui détermine si le

choix contractuel de loi n’est pas contraire à l’ordre public, doit tenir compte à la fois

de la nature de la politique en cause (c'est-à-dire si elle est "fondamentale"), mais

aussi de l'intérêt de l’État intéressé par l’application de sa loi . 216

Il est à ce jour, impossible de dresser la liste des articles du Code civil qui

justifieraient de déclencher le mécanisme de l’exception de l’ordre public. En effet,

ce n’est pas tant le contenu de la loi française qui déclenche l’exception d’ordre

public, que le résultat intolérable auquel conduirait l’application de la loi étrangère.

La contrariété de la loi étrangère à l’ordre public international doit avoir un impact

suffisant sur l’ordre juridique du for, ce qui suppose que la situation dont le juge est

saisi présente un lien avec la France.

B) L'application incertaine de l’exception d’ordre public

Une caractéristique particulièrement importante de l’autonomie des parties est

qu’elle permet aux parties de désélectionner même les règles impératives d’un

système juridique, et que les chances d’évasion sont encore plus élevée lorsque la

clause attributive de juridiction accompagne celle de choix de loi. Alors, les limites à

l’autonomie des parties ne serait finalement pas définies par les lois de police mais

par le jeu de l’exception d’ordre public .217

Cependant, la portée de l'exception d’ordre public varie, alors que certains tribunaux

américains en ont une large appréciation , d’autres l’utilise avec plus de 218

réticence , faisant primer l’exécution des clauses d’electio juris. En résulte des 219

solutions incohérentes et contradictoires parmi les différents États du territoire

américain. Pour cause le standard utilisé par les tribunaux afin de définir les contours

de l’exception d’ordre public sont extrêmement vague. Par exemple, pour la Cour

Suprême du Wyoming, la loi étrangère est exclue lorsqu’elle est contraire à la loi, à

L.E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit.216

P. MAYER & V. HEUZÉ, Droit international privé, 11ème edition, L.G.D.J., 2014, p 516 217

Jackson v. Pasadena Receivables, Inc., 921 A.2d 799, 805 (Md. 2007) 218

Fiser v. Dell Computer Corp., 165 P.3d 328, 332 (N.M. Ct. App. 2007) 219

!70

Page 71: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

l’ordre public, ou les intérêts des citoyens du Wyoming . Face à ces critères les plus 220

abstraits, dans la même affaire, la Cour Suprême du Wyoming avait décidé

d’appliquer la loi choisie par les parties, en estimant qu’aucun intérêt public n’était

impliqué, car les lois du Wyoming et de la Pennsylvanie étaient similaires . 221

Cependant le texte même du Restatement dispose que la seule différence entre les

lois de deux États ne doit pas impliquer l’existence d’un intérêt public . Sans une 222

compréhension claire des composantes de l’ordre public et de la manière dont

l'analyse devrait être menée par les tribunaux, les consommateurs américains ne

seront pas en mesure de prédire si les tribunaux appliqueront la loi choisie dans le

contrat.

Du coté européen, l’exception d’ordre public suscite tout autant de difficulté à être

définie. Le doyen Batiffol ne semble pas surpris lorsqu’il affirme que « tous les essais

de définition de cette notion ont naturellement échoué  » . Le Règlement Rome I, 223

plutôt que d’essayer de fournir une définition à l’ordre public, comme elle l’a fait

pour les lois de police, à tout simplement choisi de limiter le choix des parties selon

le type de contrat où l’exception d’ordre public était susceptible de se présenter, que

ce soit le contrat de transport , de consommation , d’assurance , ou de travail . 224 225 226 227

Limitant ainsi toute velléité d’élargissement inutile du domaine de l’ordre public au

profit de la loi du for et au détriment de l’electio juris. Ainsi, le Règlement Rome I a élaboré un système de choix de loi plus cohérent pour

certaines catégorie de contrat, notamment, la protection des consommateurs . Tandis 228

Resource Tech. Corp. v. Fisher, 924 P.2d 972, 975 (Wyo. 1996) 220

Id.221

Article 187, commentaire g) du Restatement (Second) of Conflict of Laws222

H. BATIFFOL, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, réédition de 2002 223

présentée par Yves Lequette, p.159.

Article 5, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 224

obligations contractuelles

Article 6, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 225

obligations contractuelles

Article 7, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 226

obligations contractuelles

Article 8, Règlement (CE) n° 593/2008 — Rome I, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux 227

obligations contractuelles

J. BASEDOW, «  Consumer Contracts and Insurance Contracts in a Future Rome I 228

Regulation   », dans Enforcement of International Contracts in the European Union: Convergence and Divergence Between Brussels I and Rome I, de J. MEEUSEN, édition M. PERTEGAS & G. STRAETMAND, 2004, p 269, 280

!71

Page 72: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

que les lois américaines ont tendance à traiter les contrats de consommation par le

biais d’une approche traditionnelle des règles de conflit de loi . En 2001, les 229

rédacteurs de l’UCC ont tenté d’importer les limitations de choix de loi selon la

catégorie en reformant l’article 1-301. Ce nouvel article autorise toujours les parties à

choisir toute loi "ayant un lien raisonnable" avec la transaction, sauf si une des parties

est un consommateur, la loi choisie «  ne doit pas priver le consommateur de la

protection d'une règle de droit qui protège les consommateurs et ne peut pas être

modifiés par accord  ». Cependant, cette disposition est surtout perçue comme la

preuve que les États-Unis ne sont pas réceptifs aux règles européennes mettant en

échec les clauses de choix de loi qui dérogent aux protections offertes par leurs États

d’origine .230

Certains auteurs se questionnent même au sujet de savoir si l’ordre public lui même,

ne pourrait pas constituer un instrument de concurrence . Intervenant comme 231

dernier rempart à l’éviction de la loi étrangère lorsqu’il s’agit de donner effet à un

jugement étranger, ou lors du processus juridictionnel du for lui même, l’ordre public

est capable d’ « enserrer l’États dans une sorte de “corset existentiel” assigné par le

citoyen et définissant son existence et sa légitimité   » . On peut dès lors, se 232

questionner sur l’impact de la récente réforme du droit des contrats en France, même

s’il ne faut pas surestimer la portée des changements opérés, car on codifie la

jurisprudence, plus que l’on n’innove, l’inscription de l’exigence de bonne foi à la

négociation et à la formation du contrat à article 1104, le rend d’autant plus invocable

en tant qu’exception d’ordre public . 233

Pouvant alors se présenter comme répulsif pour la prévisibilité des entreprises, mais

rassurante pour les particuliers, l’existence de l’exception l’ordre public témoigne en

tout état de cause, les possibles effets délétères d’une autonomie des parties

exacerbée, mais reste pour l’heure, peu ou prou invoquée.

Id. 229

P. J. BORCHERS, « Categorical Exceptions to Party Autonomy in Private International Law », 230

82 Tulan Law Review. 1645, 1650 2008.

S. FRANCQ, « L’ordre public : limite ou condition de l’autonomie dans l’Union européenne ?», 231

dans C. KESSEDJIAN, Autonomie en droit européen. Stratégies des citoyens, des entreprises et des États, Colloques, Université Paris II Panthéon-Assas, p 223

Id. 232

F. ANCEL, B. FAUVARQUE-COSSON, J. GEST, Aux sources de la réforme du droit des 233

contrats, op.cit!72

Page 73: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Chapitre 2 : Harmonisation versus concurrence normative

L’un des développements les plus visibles du droit privé, et en particulier du droit

des contrats, ces dernières années a été l’émergence de différents processus axés sur une

européanisation accrue des règles et principes de fond (Section 1). Cette idée

d’harmonisation ne faisant pas l’unanimité, elle peut prendre la forme d’une sortie du

marché intérieur, pouvant lourdement impacter le système de concurrence normative établi

jusque-là (Section 2).

SECTION 1 - UN DROIT DES CONTRATS HARMONISÉ ?

Afin de saisir un quelconque processus d’harmonisation en matière

contractuelle (II), il est nécessaire de se pencher sur les différents modèles de

concurrence normative, pour comprendre si une telle unification est susceptible

d’advenir (I), et ensuite envisager les formes que peut prendre cette harmonisation

(III).

I - Les modèles de concurrence normative

Le paradigme de concurrence normative comme nous l’avons examiné

jusqu’ici, peut être définie comme un processus par lequel les règles juridiques sont

sélectionnées et désélectionnées par les parties, mettant ainsi en concurrence les

entités de réglementation décentralisées, qui peuvent être des États-nations ou

d'autres unités politiques telles que des États fédérés, ou encore si la théorie est

étendue à l’extreme, des régions ou des localités. Mais ce qu’il faut comprendre c’est

qu’il existe différent type de concurrence normative, pouvant prendre la forme d’un

fédéralisme compétitif (A), ou d’une harmonisation réflexive (B).

A) Le modèle du fédéralisme compétitif

Le premier modèle de concurrence normative prend source aux États-Unis,

dans lequel la gouvernance affiche une approche ouvertement concurrentielle des

processus d'organisation sociale entre les différents États fédérés . Veritable gage 234

S. DAEKIN « Legal Diversity and Regulatory Competition: Which Model for Europe? », 234

European Law Journal, Vol 12 I 4, 2006 !73

Page 74: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

d’innovation et de diversité , la concurrence normative serait omniprésente dans la 235

structure fédérale, aussi bien entre les sister States (concurrence normative

horizontale), qu’avec l’État fédéral (concurrence normative verticale). La

Constitution américaine énumère certains pouvoirs réservés au gouvernement fédéral,

comme le pouvoir de « réglementer le commerce avec les nations étrangères et entre

les divers États et avec les tribus indiennes » . Le dixième amendement prévoit 236

aussi que tout pouvoir non délégué au Congrès par la Constitution est réservé aux

Etats.

Cependant, le Congrès a souvent utilisé la clause de commerce pour justifier

l'exercice de son pouvoir législatif sur les activités des États fédérés et de leurs

citoyens, entraînant une controverse importante et continue concernant l'équilibre des

pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les États. De telle sorte que la clause de

commerce a toujours été considérée à la fois comme une garantie de l'autorité du

Congrès et comme une restriction à l’autorité de réglementation des États. Pour

cause, le mot « commerce » n’est pas défini par la Constitution. Certains soutiennent

que cela se réfère simplement au commerce ou à l'échange, alors que d'autres

affirment, que les pères fondateurs avaient l'intention de décrire plus largement les

relations commerciales et sociales entre citoyens de différents États. Ainsi,

l'interprétation du "commerce" affecte la ligne de démarcation appropriée entre le

pouvoir fédéral et le pouvoir étatique. Durant la fin du XIXème, et le début du

XXème siècle, la Cour suprême des États Unis adoptait également une stricte

position s’agissant de l’affectation du commerce entre États mettant ainsi en échec le

jeu de la clause de commerce . L’intervention de la Cour suprême annulant la 237

législation fédérale, pendant une période d’expansion réglementaire, avait d’ailleurs

créé une relation antagoniste entre le pouvoir judiciaire et les branches politiques du

gouvernement . 238

Déclaration du juge Louis Brandeis, selon laquelle "un seul État courageux peut, si ses citoyens 235

le choisissent, servir de laboratoire et expérimenter de nouvelles expériences sociales et économiques sans risque pour le reste du pays". New State Ice Co. c. Liebmann, 285, U.S. 262, 311 (1932) (Opinion dissidente du juge Brandeis). La Cour suprême a fait référence à la déclaration du juge Brandeis dans l’affaire Arizona v. Evans, 514 U.S. 1, 8 (1995), déclarant que les États «sont libres de servir de laboratoires expérimentaux».

La « Commerce Clause », à l’article 1, section 8, Clause 3 de la Constitution américaine 236

Kidd v. Pearson, 128 U.S. 1 (1888)237

E. FRANCONE, Constitutional Clauses, Cornell Law School, https://www.law.cornell.edu/wex/238

commerce_clause!74

Page 75: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Finalement en reconnaissant le développement d’une économie nationale dynamique

et intégrée, la Cour suprême a employé une interprétation large de la clause de

commerce, en partant du postulat que l’activité locale affecterait probablement le

système économique commercial inter-États . 239

Ce raisonnement a marqué un tournant dans la jurisprudence et la réglementation

américaines. En vertu de cette conception plus large de la clause de commerce, le

Congrès fut autorisé à adopter une législation de grande portée dans divers domaines,

même ceux qui n’étaient apparemment pas liés au commerce. Le Civil Rights Act de

1964, par exemple, qui prohibait la ségrégation et interdisait les discriminations à

l'encontre des Afro-Américains, fut adopté en vertu de la clause de commerce.

Néanmoins la littérature américaine, considère la régulation de l’État comme une

interférence extérieur dans l’ordre privé qui ne peut être justifiée, uniquement

lorsqu'une défaillance manifeste du marché peut être démontrée . On peut dès lors 240

affirmer qu’il existe une présomption contre l’interventionnisme fédérale, et que si

intervention il y a de la part de celui-ci, c’est avant tout, pour éviter les effets pervers

d’une « course vers le bas » induite par le processus concurrentiel . 241

Ce fut le cas en matière d’arbitrage, face à la résistance de certains tribunaux

étatiques s’agissant de l’exécution des clauses compromissoires, nécessitant

l’intervention de l’État fédéral à travers le Federal Arbitration Act (FAA), qui fut

promulgué en 1925. Par la suite, la Cour suprême a régulièrement jugé que le FAA

primait sur les lois étatiques restreignant la portée des conventions d’arbitrage . 242

Finalement, les clauses attributives de juridiction et de choix de loi qui se

développaient au même moment, ont évolué sans les efforts coercitifs du

gouvernement fédéral, alors qu’elles représentaient une menace au même titre, pour

les tribunaux étatiques . Mais la solution retenue pour les clauses attributives de 243

juridiction, et de choix de loi, fut l’adoption d’instruments d’uniformisation non

United States v. Darby Lumber Co., 312 U.S. 100 (1941) ; Wickard v. Filburn, 317 U.S. 111 239

(1942)

F. HAYEK, « Droit, législation et liberté », op.cit240

S. DAEKIN « Legal Diversity and Regulatory Competition: Which Model for Europe? », op.cit241

Southland Corp. v. Keating, 465 U.S. 1 (1984) ; Allied-Bruce Terminix Cos. v. Dobson, 513 U.S. 242

265 (1995), concluant également que le FAA entrait dans le champ de la clause de commerce prévu par la Constitution des États-Unis

S. DAEKIN, op.cit243

!75

Page 76: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

contraignant qui préservent toute l’autonomie des États américains, et les 244

divergences entre eux susceptibles de naitre en la matière.

B) Le modèle de l’harmonisation réflexive

L'un des problèmes du modèle de fédéralisme compétitif est qu'il ne semble

envisager seulement deux formes de réglementation: le contrôle «monopolistique» de

l’État fédéral, et l'absence totale d’intervention en faveur des forces concurrentielles

émanant des États fédérés. Mais comme alternative au fédéralisme compétitif, il y a

celui de l’harmonisation réflexive qui prend racine en Europe . 245

Dans ce model, la concurrence ne maximise pas le bien-être des individus, et n’est

pas perçue comme un mécanisme de découverte à travers lequel les connaissances et

les ressources sont sans cesse mobilisées et dont le résultat final n’est pas

nécessairement connu . Ce type de concurrence dépend essentiellement de 246

l’équilibre entre les normes étatiques et les normes issues du niveau supra-étatique,

dans le but de conserver l’autonomie des acteurs locaux. De surcroit, l’un des

prérequis essentiel dans ce type de model est la diversités entre les acteurs en

concurrence . 247

Dans ce modèle l’harmonisation joue un rôle dans le maintien d’une relation

appropriée entre les États. En effet, les objectifs de l’intervention judiciaire et

législative sont doubles : d’un part, protéger l’autonomie et la diversité entre les

systèmes de réglementation nationaux, d’une autre part, orienter le processus

d’adoption des règles au niveau des États, dont les solutions spontanées aboutiraient à

des résultats sous-optimaux, engendrant une course vers le bas . 248

L’harmonisation est dite « réflexive », car contrairement au modèle qui se dresse aux

États-Unis, ce modèle est davantage dans une logique de «coévolution» et de

Tels que l’UCC ou le Restatement (Second) of Conflict of Laws244

S. DEAKIN, « Two types of regulatory competition: competitive federalism versus reflexive 245

harmonisation. A law and economics perspective on Centros », 2 Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 1999, p 231-260

Id. 246

Id. 247

Id. 248

!76

Page 77: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

préservation des diversités législatives, que de convergence autour du «pic évolutif»

ou de l'état final envisagé par le modèle d'équilibre général de Tiebout . 249

L'approche européenne considère donc la régulation, et le système juridique plus

généralement, comme préservant l'ordre du marché, et où les forces régulatrices et les

forces du marché se complètent bien plus, qu’elles ne s’opposent.

Cependant certains auteurs ont observé depuis longtemps l’existence d’une tension

entre « le transfert supplémentaire de compétences au niveau de la Communauté

européenne et les désirs croissants de la population de l'UE pour la décentralisation et

la préservation de la diversité régionale » . Mettant en exergue tout 250

l’euroscepticisme que peut susciter les différents projets d’harmonisation en droit

privé.

II - L’harmonisation en matière contractuelle

Les projets harmonisation en matière contractuelle prennent des formes

totalement différentes en Europe et aux États-Unis. Alors que sur le continent

européen il y a une volonté et un projet d’unification du droit des contrats (A), outre-

Atlantique, cela passe par un proposition de loi fédéral harmonisant l’exécution des

clauses d’electio juris (B).

A- Le projet d’unification du droit des contrats en Europe

La situation actuelle du droit des contrats en Europe se caractérise par

l’existence parallèle et fragmentée de normes européennes et de règles nationales bien

établies. La Commission européenne dont l’ambition est de mettre en place un

marché commun au sein duquel la concurrence serait libre et non faussée est décidée

à faire tomber toutes les barrières internes. Le droit des contrats étant le vecteur des

échanges économiques a très vite semblé être un projet d’envergue pour la

Commission, qui perçoit la divergence entre les règles contractuelles comme un frein

Id. 249

W. KERBER, « Interjurisdictional Competition Within the European Union », Fordham 250

International Law Journal, Vol 23, I 6, art 17, p 217!77

Page 78: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

aux échanges transfrontaliers . Dans un premier temps, nombreuses ont été les 251

directives qui sont intervenues dans le domaine des contrats de consommation : sur la

vente à distance , sur les garanties dans la vente , sur les clauses abusives , sur 252 253 254

les timeshare . 255

L’harmonisation, de plus en plus contraignante, des contrats de consommation avait

pour but affiché de lisser la protection du consommateur en Europe afin d’inciter les

entreprises européennes à dépasser leurs frontières nationales . Ensuite, la 256

Commission européenne a poursuivie son entreprise d’harmonisation du droit des

contrats en soutenant financièrement des projets qui ont vu le jour au tournant des

années 2000 : les Principes du droit européen des contrats (PDEC ou principes 257

Lando, publiés en plusieurs vagues et dont la version finale date de 2003), et l’avant-

projet de Code européen des contrats (Code Gondolfi de 2001). Ces projets avaient 258

vocation à terme de constituer un droit européen des contrats . 259

Face à la réticences des États-membres, et aux doutes quant à la compétences de

l’Union Européenne pour unifier le droit des contrats, la Commission a décidé de

bâtir un « Cadre commun de référence » en matière contractuelle, non obligatoire

pour les États-membres, mais dans lequel les législateurs nationaux auraient pu puiser

Livre vert de la Commission Européenne relatif aux actions envisageables en vue de la création 251

d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises, 1 juillet 2010, COM/2010/0348 final

Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux 252

droits des consommateurs

Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains 253

aspects de la vente et des garanties des biens de consommation

Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les 254

contrats conclus avec les consommateurs

Directive 2008/122/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 janvier 2009 relative à la 255

protection des consommateurs

M. LATINA, « L’attractivité du droit des contrats : la fonction de modèle », Le blog Dalloz 256

dédié à la réforme du droit des obligations, http://reforme-obligations.dalloz.fr/2015/09/17/lattractivite-du-droit-des-contrats-la-fonction-de-modele/

Commission pour le droit européen du contrat, Principes du droit européen du contrat, Société 257

de législation comparée, 2003

Académie des privatistes européens, Code européen des contrats, Avant-projet,Coordinateur 258

Giuseppe Gandolfi, Livre premier, Dott. A. Giuffrè Editore, 2001

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit 259

européen des contrats, 2001/C 255/01, n° 66 et 67!78

Page 79: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

pour réformer . 260

Arborant la méthode d’unification selon une méthode douce, mais sans réelle

résultats, deux projets de Cadre commun de référence ont été rédigés également par la

doctrine. Le projet Von Bar , et le projet mené sous l’égide de l’association Capitant 261

et de la Société de législation Comparé . Alors qu’un groupe d’expert avait été réuni 262

pour rédiger le cadre commun de référence officiel sur la base de deux propositions

doctrinales précédentes, la Commission a préféré élaborer un instrument optionnel en

droit des contrats. Le 11 octobre 2011, une proposition de règlement relative au droit

commun européen de la vente a vu le jour . Il s’agissait d’offrir aux contractants la 263

possibilité d’opter pour un système de règles autre que celui proposé par les Etats-

membres. Abondamment commenté et critiqué, ce droit commun européen de la vente

avait vu son domaine réduit à la seule vente à distance par le Parlement européen . 264

Or, cette proposition a vu son champ d’application encore plus restreint au seul

commerce électronique . 265

En toute état de cause, ce qui a déjà été accompli est tel, qu'il semble y avoir peu de

nouveautés à prévoir, et la perspective d’un droit européen des contrats unifié

s’éloigne donc de plus en plus.

B- Le projet de loi fédérale réglementant l’exécution des clauses de choix de

loi

Aux États-Unis, il n’existe de pareil projets d’harmonisation du droit des

contrats, il y a tout au plus une demande d’intervention fédérale relative à l’exécution

Communication de la Commission au Parlement Européen et au Conseil, Droit européen des 260

contrats et révision de l’acquis : la voie à suivre, 2004, 651 final

C. VON BAR, Le Groupe d'études sur un Code civil européen, Revue internationale de droit 261

comparé, 2001, 53-1, p 127-139

Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Principes contractuels 262

communs, Société de législation comparée, Vol. 7, 2008

Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique 263

et Social Européen et au Comité des Régions, un droit commun européen de la vente pour faciliter les transaction transfrontalières sur le marché unique, COM/2011/0636 final

M. LATINA, « Les derniers développements du droit européen des contrats », Revue des 264

contrats, 2012, n° 1, p 299

Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique 265

et Social Européen et au Comité des Régions, Programme de travail de la Commission pour l'année 2015 Un nouvel élan, COM(2014) 910 final

!79

Page 80: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

des clauses d’electio juris , semblable à celle concernant les clauses

compromissoires . 266

À ce jour, il n’existe aucune loi fédérale imposant l’application des clauses de

sélection de for et de loi. Comme nous l’avons vu, le Congrès possède néanmoins un

pouvoir d’intervention, grâce à sa capacité de réglementer le commerce intérieur entre

États. Le Congrès pourrait également utiliser la Full Faith and Credit Clause , qui 267

lui donne le pouvoir de spécifier l'obligation qui incombe à chaque État d'appliquer

les lois des autres États.

Toutefois, pour qu'une telle disposition fédérale soit effective, il est également

nécéssaire que le Congrès permettent aux États de conserver leur pouvoir d’adopter

des lois de police qui primeraient sur les clauses d’electio juris.

Une loi fédérale sur les clauses d’electio juris, pourrait mieux protéger l’équilibre

entre la concurrence sur le marché du droit et le pouvoir de réglementation des États,

car les tribunaux fédéraux seraient tenus d’exécuter les clauses par une loi fédérale.

De plus, cette proposition de loi fédérale, promouvant le marché du droit, rejette

l’exigence de lien raisonnable actuellement appliqué . 268

La loi proposée comprend des dispositions régissant les conditions et les formalités

requises pour les clauses d’electio juris, elles doivent par exemple être expresses,

écrites, et non orales . Cela améliore la prévisibilité et la certitude et encourage les 269

parties à désigner clairement la loi applicable. Il est également prévu l’application des

«lois d’un État», qui exige que les parties choisissent la loi d’un seul et unique État,

plutôt que de choisir soigneusement les dispositions souhaitées parmi plusieurs lois

des États . Certains États actuellement autorise le dépeçage du contrat, comme 270

l’Oregon, dont une loi dispose que « les droits et devoirs contractuels des parties sont

régis par la loi ou les lois que les parties ont choisies » . 271

Cependant, aux États-Unis, le FAA (pris en modèle de cette proposition de loi), qui

prévoit l’exécution sine qua non des clauses compromissoire est de plus en plus

L. E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, Chapitre 10 « A Federal Choice-of-Law 266

Statute », Oxford University Press, 2009

Section 1 de l'article IV de la Constitution des États-Unis267

L. E. RIBSTEIN & E. O’HARA, The Law Market, op.cit. p 2019268

Id.269

Id. 270

Ore. Rev. Stat. §81.120 271

!80

Page 81: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

controversé . En 2008, l’étude de Université du Michigan qui examinait les contrats 272

de travail et de consommation de 21 grandes entreprises, révélait qu’il y avait une

clause d’arbitrage obligatoire dans 93% des contrats de travail et 77% dans les

contrats de consommation . À cet effet, de multiples Arbitration Fairness Act furent 273

proposés, afin que le Congrès adopte une loi mettant en échec les clauses

compromissoires dans les contrats de travail et de consommation. Voulu depuis 2007,

la dernière proposition date de 2018 , et illustre bien les tensions existantes entre les 274

forces du marché du droit et les groupes d'intérêts en matière de réglementation. De

telles propositions et groupes d’intérêts pourraient tout à fait voir le jour, si une loi au

niveau fédéral garantissant l’exécution des clauses d’electio juris était adoptée.

On peut constater les différentes visions de l’intervention du niveau supérieur dans le

processus de concurrence entre les États, alors qu’en Europe l’harmonisation tend

plutôt à lisser les divergences entre États, aux États-Unis, l’harmonisation intervient

au contraire pour apporter des ajustements au processus de concurrence afin que

celui-ci soit le plus optimal possible.

III - La forme de l’harmonisation en matière contractuelle

La Commission s’interroge sur la méthode d’adoption d’un projet d’unification

des droits nationaux, cela s’explique d’une part, par l’importance du bouleversement

engendré aux seins des États, d’autre part l’interrogation au sujet de la compétence de

l’Union pour légiférer dans le domaine du droit des contrats dans son ensemble. Deux

perspectives s’offre alors à la Commission, celle qu’elle semble privilégiée jusque là,

l’adoption d’un instrument optionnel (A), et une autre plus ambitieuse,

d’harmonisation par l’adoption d’un instrument ayant une force contraignante (B)

A. D. KESSLER, « Stuck in Arbitration », New York Times, 6 mars 2012 272

T. EISENBERG, G.P. MILLER, E. SHERWIN, « Arbitration’s Summer Soldiers: An Empirical 273

Study of Arbitration Clauses in Consumer and Nonconsumer Contracts », University of Michigan Judicial Law Reform 41, 2008, p 871, 890

S.2591 - Arbitration Fairness Act of 2018, https://www.congress.gov/bill/115th-congress/senate-274

bill/2591!81

Page 82: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

A) L’adoption d’un instrument optionnel

Si tous les projets d’harmonisation européens se fondent sur les coûts

transactionnels (2), le choix par la Commission Européenne de l’instrument optionnel

offre des méthodes d’unification à intensité variable (1), qui s’avère incompatible

avec l’objectif initial (3).

1 - Une méthode d’unification à intensité variable

Tous les projets d’unification des droits nationaux présentés jusque là,

n’étaient assorties d’aucune force ayant pour effet de les imposer aux opérateurs

économiques des différents États.

Dans le contexte particulier du droit européen, la force obligatoire se saisit d’abord

comme la force de contrainte par laquelle elle a vocation à s’imposer dans

l’ordonnancement juridique des États : il est alors question de la force contraignante

imposée aux États membres d’intégrer dans la législation nationale les dispositions

communautaires . L’intégration de la législation communautaire dans les 275

ordonnancements juridiques nationaux est gouvernée par le principe de l’autonomie

institutionnelle, lequel laisse aux États la liberté d’assurer l’intégration et

l’applicabilité du droit européen. Ce principe d’autonomie institutionnelle diffère

selon que la nature de l’acte est un règlement ou une directive, que le droit européen a

un effet direct ou pas dans les ordonnancements juridiques des États membres.

Toutefois, le principe d’autonomie doit se concilier avec l’impératif d’intégration

assuré par le principe de primauté et d’effet direct du droit européen dans les États

membres. Le choix de la méthode d’uniformisation détermine donc la force

contraignante avec laquelle les dispositions européennes auront vocation à être

intégrées dans le doit national . 276

2 - Un projet d’unification fondé sur les coûts transactionnel

Si l’UE s’oriente davantage vers l’adoption d’un texte sans contrainte par

méthode optionnelle, c’est qu’elle pense que cette technique serait davantage

acceptable par les États membres et en conformité avec ses compétences. En effet, les

nombreuses initiatives d’harmonisation entérinées par la Commission furent fondées

A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 275

dans, Les défis de l'harmonisation européenne du droit des contrats, Université de Savoie, 2012

Id. 276

!82

Page 83: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

sur l’article 114 du TFUE, qui prévoit le rapprochement des législations, afin de

répondre aux objectifs de l’établissement et de fonctionnement du marché intérieur.

On peut néanmoins se questionner sur l’effectivité de cet argumentaire, car le marché

intérieur s’est établi au fur et à mesure par l’adoption de l’Acte unique européen en

1986, et le Traité de Maastricht en 1992, qui définissent les « quatre libertés »

constitutives de ce marché unique : la libre circulation des personnes, des biens, des

services et des capitaux. Or la divergence des droits des contrats entre États ne

représente en rien un obstacle direct pour l’exercice de ces libertés. L’exemple des

États-Unis, objet également de notre étude, le démontre suffisamment, car même si il

existe des ordres juridiques différents, des droits des contrats différents par exemple

entre la Louisiane et le Massachusetts, une interprétation différentes du contrat à New

York et en Californie, il n’y a pourtant aucun doute sur l’existence d’un marché

intérieur.

L’argument principal de la Commission Européenne repose cependant sur les coûts

transactionnels. Ces coûts transactionnels seraient supportés par les parties qui,

parfois avec l'aide d'avocats, rechercheraient la sécurité juridique parmi les

différentes juridictions nationales possibles, et choisiraient la juridiction la moins

chère de leur propre point de vue, négocieraient avec leur cocontractant sur ce choix,

et si les coûts transactionnels étaient disproportionnés, pouvaient éventuellement

décider de ne pas conclure la transaction du tout . 277

3 - L’incompatibilité de l’instrument optionnel

Le choix et la persistance du modèle optionnel peut surprendre, car bon

nombre d’auteurs démontrent que l’instrument optionnel, me représente concrètement

pour les parties qu’un choix supplémentaire lorsqu’ils doivent effectuer le choix de

loi . Ainsi, soit l’inexistence du choix conduira à plus de sécurité et moins de 278

Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un droit commun 277

européen de la vente /* COM/2011/0635 final, « Ainsi, les divergences entre droits des contrats, ajoutées aux coûts de transaction supplémentaires et à la complexité accrue qu'elles génèrent à l'occasion de transactions transfrontières, découragent un grand nombre de professionnels, notamment les PME, de conquérir les marchés d'autres États membres. Elles ont également pour effet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. La valeur des transactions commerciales transfrontières auxquelles il est renoncé chaque année, uniquement en raison des différences entre les législations contractuelles, atteint des dizaines de milliards d’euros »

R. SEFTON-GREEN, « Choice, Certainty and Diversity: Why More is Less », European 278

Review of Contract Law, Vol 2, No. 2, 2011; W. KERBER, S. GRUNDMANN, « An optional European contract law code: Advantages and disadvantages », European Journal of Law and Economics, Vol. 21, No. 3, 2006

!83

Page 84: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

diversité, soit plus de choix conduira à moins de sécurité et plus de diversité. Il est

également possible de se référer au faible succès des autres instruments optionnels

déjà adopté au niveau transnational, et qui ont été examinés précédemment, tel que la

CVIM ou les principes UNIDROIT. L’instrument optionnel est donc incapable de

fournir la bonne réponse au problème perçu par la Commission.

B) L’adoption d’un instrument contraignant

Le succès d’un futur instrument contraignant passe avant tout par le rejet de

tout instrument optionnel (1), et par la prise en compte de l’argument d’attractivité

(2), laissant présager peut-être l’idée d’un dépassement de l’objectif de réalisation du

marche (3).

1 - Le rejet de l’instrument optionnel

Comme nous l’avons vu, l’effectivité et l’applicabilité d’un droit européen

uniforme sont ainsi tributaire de la force avec laquelle il s’impose aux États membres.

Cependant, il est permis de constater l’incompatibilité entre, l’objectif de la

Commission, qui est d’instaurer un régime uniforme, et les moyens adoptés par celle-

ci, un instrument optionnel. La faiblesse des dispositions abandonnées à la liberté

contractuelle ne saurait conduire à la construction d’un régime commun . Le succès 279

de ce droit commun implique le rejet de tout mécanisme optionnel lequel ne ferait,

plutôt qu’unifier, qu’accroître les droits potentiellement applicables. À titre

d’exemple, le système de Restatement of law, adopté aux États-Unis, dépourvu de

toute force contraignante, et abandonné à la libre intégration dans les législations

locales, sert davantage de guide législatif que d’instrument d’unification . 280

Dès lors, l’absence de force contraignante unique attachée au système de mise en

œuvre du droit commun ne saurait assurer efficacement les objectifs poursuivis par la

Commission.

A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 279

op.cit

Id 280

!84

Page 85: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

2 - L’argument de l’attractivité au service d’un futur projet

d’unification

La réticence, et l’impossibilité pour l’UE de se doter d’un instrument

contraignant s’explique avant tout par l’hostilité des États membres. Au-delà de

l’argumentaire tenant au désir pour les États membres de conserver leurs propres

traditions juridiques, il peut être avancé un argument économique de taille. En effet,

selon un rapport publié en 2001, le « Cap Gemini Report » , les services juridiques 281

du Royaume-Uni aurait attiré environ 800 millions de livres sterling par an en gains

invisibles. Si un instrument contraignant relatif au droit européen des contrats

harmonisé était introduit, le barreau faisait valoir la perte considérable d’activités

juridiques internationales, et que cela causerait un « préjudice grave et irréparable à

un grand secteur de l’économie européenne » . 282

Malgré son caractère optionnel, le droit commun européen de la vente présenté en

2011 a fait l’objet de vives critiques à travers toute l’Europe . Et si la nature de ces 283

projets de droit commun venait à devenir contraignante, la question de la

détermination du contenu d’un tel droit unifié serait assurément un enjeu

considérable. L’existence de divergences majeures entre les droits de tous les États

membres semble cependant difficilement conciliable. Chaque État serait ainsi tenté de

faire du lobby en faveur de son droit des contrats. Dans ces conditions, il est possible

de se demander si les droits les plus attractifs auraient plus de chances d’influer sur le

projet final de droit des contrats unifié ? Il est opportun de se questionner au sujet

du fondement de la préférence des parties, s’il ne serait pas en mesure de rendre plus

aisé l’acceptation d’un quelconque texte contraignant ?

L’UE semble déjà sensible à ces questions, en se référant directement aux théories de

CAR GEMINI ERNST & YOUNG, Commercial Court Feasibility Study, prepared for the Lord 281

Chancellor’s Departement, Février 2001

E. MCKENDRICK, « The States We Are In », p 20, dans S. VOGENAUER & S. 282

WEATHERILL, The Harmonisation of European Contract Law, Implications for European Private Laws, Business and Legal Practice, Hart Publishing, 2006

H. EIDENMULLER, « What Can Be Wrong with an Option? An Optional Common European 283

Sales Law as a Regulatory Tool », Common Market Law Review, Vol 50, Issue 1/2, 2013, p. 69 ; Ministry of Justice—Department for Business Innovation & Skills, A Common European Sales Law for the European Union—A proposal for a Regulation from the European Commission—The Government Response, 2012, https://consult.justice.gov.uk/digital-communications/common-european-sales-law/results/cesl-government-response.pdf

!85

Page 86: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

la legal origins pour justifier l’adoption de la directive de 2007 sur le droit des

actionnaires 284

En tout état de cause, l’étude de l’attractivité du droit des contrats doit se poursuivre,

et s’approfondir, car il peut constituer un vecteur d’acceptation par les États membres

d’un futur projet d’harmonisation du droit des contrats européen.

3 - Le dépassement de l’objectif de réalisation du marché ?

L’efficacité d’un droit européen des contrats sans contrainte, voire, doté de

cette force, succédant aux dispositions spéciales édictées par les directives en vigueur

dans les États-membres, laisse apparaître un autre projet, distinct et plus ambitieux de

dépassement du marché intérieur. Serait-ce finalement par l’adoption d’un droit

européen des contrats appelant un droit civil européen que l’UE entreprendrait

d’étendre son domaine de compétence aux fins de parvenir subrepticement à une

harmonisation de plus en plus généralisée du droit entre les États-membres ? 285

L’adoption de la charte de droits de l’Homme intégrée aux textes de l’Union

Européenne, les projets d’harmonisation du droit de la famille, échappant

incontestablement à la réalisation du marché, constituent des indices d’extension de la

législation européenne au-delà des perspectives initiales du marché commun.

Si le motif de concurrence joue encore un rôle dans ces projets de droit commun, il

convient de le déplacer à l’échelle mondiale et non européenne. Par l’abandon

progressif des harmonisations sectorielles successives, les projets législatifs de

l’Union semblent s’inscrire dans le dépassement d’une politique économique et de

réalisation d’un marché commun en faveur de l’adoption d’une politique juridique

étendue laissant soupçonner la perspective d’une Union fédérale . 286

M. M. SIEMS, The End of Comparative Law, Journal of Comparative Law, Vol. 2, 2007 p.284

133-150

A. GUESSOUM, « Un droit européen des contrats efficace : quelle intensité contraignante ? », 285

op.cit

Id. 286

!86

Page 87: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

SECTION 2 - CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LE SYSTÈME DE

CONCURRENCE NORMATIVE EUROPÉEN

Le 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont indiqué leur souhait de quitter

l'UE. Bien que le processus de sortie ne commencera légalement que lorsque le

Royaume-Uni aura officiellement signé un accord de sortie en vertu de l'article 50 du

traité de Lisbonne, l'incertitude engendrée par le résultat du référendum public a déjà

eu des conséquences politiques et économiques profondes.

Le Royaume-Uni devra non seulement établir une relation commerciale avec l’UE,

mais également s’entendre avec les autres pays tiers avec lesquels le Royaume-Uni a

déjà échangé grâce à son adhésion à l'UE. La volatilité économique et l'incertitude

juridique qui en résultent risquent de se poursuivre jusqu'à ce que le Royaume-Uni

quitte l'UE et qu'un cadre de coopération négocié soit mis en place. Le Brexit aura

non seulement un impact sur le droit international privé (I), mais aussi sur le marché

du droit des contrats (II).

I - L’impact du Brexit sur le droit international privé

Le Brexit remet en cause l’appartenance du Royaume-Uni à l’espace judiciaire

européen et partant, l’application directe du droit international privé européen sur son

territoire. Il s’agit donc d’envisager quel sera son impact concret sur l’applicabilité

des règlements Rome I et Bruxelles I bis (A) et dans quelle mesure il serait possible

d’incorporer ces textes à la législation britannique (B).

A) L’impact du Brexit sur l’application des règlements Rome I et Bruxelles

I bis

Les règlements Rome I (1) et Bruxelles I (2) bis sont aujourd’hui d’application

immédiate et directe au sein des Etats membres de l’UE dont fait encore partie le

Royaume-Uni. Ils s’appliquent donc sans acte de réception au sein des ordres

juridiques nationaux ce qui, dans le cas du Brexit, pose problèmes puisque les

dispositions de ces règlements n’existent pas telles quelles dans la législation

britannique.

!87

Page 88: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

1- Sur l’application de Rome I : loi applicable

a) Rome I sans le Royaume-Uni

La particularité du règlement Rome I réside dans son application universelle.,

son article 2 précise en effet que « la loi désignée par le présent règlement s'applique

même si cette loi n'est pas celle d'un État membre ». Du point de vue européen ce

caractère universel limite considérablement l’impact du Brexit sur l’application du

règlement . Ainsi un juge européen ayant à connaître d’une question de loi 287

applicable sera tenu d’appliquer la loi choisie par les parties en vertu d’une clause de

choix de la loi ou désignée par les dispositions du règlement, même si ce n’est pas

celle d’un Etat membre.

En pratique, à la suite du Brexit, le juge français saisi d’une clause de choix de la loi

anglaise devra en faire application. De même si la loi anglaise est désignée en

application des règles de désignation de la loi applicable issues du règlement. Il n’y a

pas de changements significatifs dans cette situation.

b) Le Royaume-Uni sans Rome I

À la suite du Brexit, sous réserve d’accord spécifique avec l’UE, le droit

international privé pré-adhésion est techniquement celui applicable, puisque même si

le Royaume-Uni était partie intégrante du droit international privé européen, celui-ci

n’était pas incorporé dans le cadre juridique britannique. Cependant, pour certains

auteurs le retrait de l’UE n’aura sans doute pas pour effet de ramener le Royaume-Uni

à son droit de 1972 en raison des efforts d’adaptation afin d’être apte à régir les

relations transfrontalières . Néanmoins, malgré tous les efforts d’adaptation 288

possibles et envisageables par le Royaume-Uni, il est indéniable que le Brexit aura

tout de même un impact sur les règles spécifiques contenues dans le Règlement Rome

I, non prévues dans le DIP commun britannique, notamment les régimes de protection

des parties faibles dans les rapports internationaux prévus pour les contrats

particuliers tels que de transports d’assurance ou de travail . 289

Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, Rapport sur les implications du Brexit 287

dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale, 30 janv. 2017, p. 10

A. DICKINSON, « Back to the Future - the UK's EU Exit and the Conflict of Laws », Oxford 288

Legal Studies, Research Paper No. 35/2016, 30 Mars 2016.

Article 5 à 8 du Règlement Rome I, n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, 17 juin 289

2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles !88

Page 89: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

2 - Sur l’application de Bruxelles I bis : compétence juridictionnelle

a) Bruxelles I bis sans le Royaume-Uni

Sans Bruxelles I bis, la juridiction compétente sera déterminée selon le lieu du

domicile du défendeur : au Royaume-Uni ou dans un Etat membre de l’UE . 290

Si le défendeur est domicilié au Royaume-Uni, la compétence, du juge français par

exemple, sera déterminée selon les règles de droit international privé commun

français, marquant à cet égard, un retour en force du « privilège de nationalité » 291

posé par le Code de procédure civile et par conséquent une compétence française

élargie dans les litiges franco-britanniques.

Si le défendeur est domicilié au sein d’un Etat de l’UE, les juridictions compétentes

seront celles de cet Etat.

b) Le Royaume-Uni sans Bruxelles I bis

Dorénavant lorsque les juridictions britanniques ont à connaître d’une question

de juridiction compétente elles appliqueront leur propre droit international privé.

Celui-ci pose le principe du lieu du domicile du défendeur. En outre, la sortie du

Royaume-Uni de l’espace judiciaire européen permettra de nouveau aux juridictions

britanniques d’utiliser des mécanismes injonctifs extraterritoriaux dont l’utilisation

avait été jugée contraire au droit de l’UE . A titre d’exemple l’on peut notamment 292

citer les anti-suit injuctions qui permettent d’interdire à une personne de commencer

ou poursuivre une procédure devant une juridiction étrangère si les juridictions

britanniques s’estiment mieux placées pour en connaitre, et les freezing orders,

mesures de gel d’actifs ordonnées par une juridiction à l’encontre de toute personne

même si les biens visés se trouvent à l’étranger . 293

B) L’incorporation du droit européen dans l’ordre juridique britannique

L’architecture constitutionnelle britannique étant fondée sur la souveraineté de

son Parlement, l’intégration à la Communauté Européenne devait être autorisée par ce

dernier. C’est ainsi que par le European Communities Act adopté en 1972, le

Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, Rapport sur les implications du Brexit, 30 290

janvier 2017

NCPC, art. 14 et 15 291

H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit292

Id. 293

!89

Page 90: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Royaume-Uni a adhéré à la CE. Cet acte fondateur doit à présent être abrogé au plan

interne pour pouvoir quitter l’UE et c’est dans cette perspective que le gouvernement

britannique a présenté en juillet 2017 son European Union (Withdrawal) Bill, adopté

le 26 Juin 2018.

Cette proposition de loi vise à intégrer l’acquis communautaire dans le cadre

juridique britannique. A ce titre, les dispositions nationales issues de l’UE ainsi que

les actes internes de transposition (EU-derived domestic legislation) en vigueur à la

date de sortie effective, ont vocation à perdurer au sein de la législation

britannique . Une distinction est opérée avec la législation européenne directement 294

applicable (direct EU legislation), définie comme recouvrant notamment les

règlements européens et les décisions de la Cour de justice, et destinée à être

convertie et incorporée dans le cadre juridique britannique . 295

S’agissant des règlements Rome I et Bruxelles I bis étudiés précédemment, ils

semblent donc tomber dans le champ de la deuxième catégorie et sont par conséquent

destinés à être intégrés au droit britannique. Le cas échéant, la sortie du Royaume-Uni

n’aurait aucun impact sur les règles de détermination de loi applicable et de

juridiction compétente dans des situations juridiques présentant un élément de

rattachement avec le Royaume-Uni.

Cependant, la loi prévoit, en vertu d’une « Henri VIII clause », la possibilité pour le

gouvernement d’amender ou abroger tout acte incorporé en vertu du mécanisme

évoqué précédemment . Une telle disposition donnerait ainsi le pouvoir au 296

gouvernement de modifier les dispositions relatives à la loi applicable et à la

juridiction compétente résultant de l’incorporation des règlements Rome I et

Bruxelles I bis au sein de l’ordonnancement juridique britannique, tout en remettant

en cause la souveraineté du Parlement pour l’édicter les lois.

II - L’impact du Brexit sur le marché du droit des contrats

On doit le rappeler, selon les travaux de recherche analysant 4 400 contrats

internationaux soumis à l’arbitrage CCI, le droit anglais arrivait en première position

The European Union (Withdrawal) Bill, s 2 294

Id.295

Clause 7, European Union (Withdrawal) Bill, du 26 juin 2018296

!90

Page 91: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

des lois pouvant être choisie . Près de quatre fois plus populaire que le droit des 297

contrats français et près de six fois plus populaire que le droit allemand des contrats.

Il a été avancé que deux facteurs influençaient principalement le choix des parties : la

sécurité juridique et la flexibilité d'un droit national donné . On a également avancé 298

l’importance du critère de la familiarité . Le Brexit traduisant la sortie du Royaume-299

Uni de l’UE, il est important d’analyser les conséquences de celui-ci pour les clauses

d’electio juris (A), et de se demander si cela peut se traduire par le déclin du droit

anglais jusqu’ici préféré (B)

A - L’avenir des clauses d’electio juris post-Brexit

En théorie, le droit des contrats britannique restant inchangé à la suite du

Brexit, il ne devrait vraisemblablement pas avoir de conséquences substantielles (1),

de plus, les tribunaux des États membres de l’UE continueront d’exécuter les clauses

de choix de loi désignant le droit anglais comme applicable (2).

1- Un droit des contrats inchangé

En se basant sur les critères de préférence des parties déjà soulignées, le

cabinet Allen & Overy, dont le siège social se trouve à Londres, affirment que le

Brexit ne devrait pas avoir d'incidence sur l'attrait du droit anglais dans la grande

majorité des cas . 300

Le droit anglais resterait toujours aussi prévisible et certain, ayant pratiquement pas

subi l’influence européenne, celui-ci restera inchangé en substance. Toutes les

questions contractuelles clés, comme l'offre, l'acceptation, la notion de

«  consideration  », les termes implicites, les clauses d'exclusion, la responsabilité et

les dommages-intérêts, découlent du droit commun. Il n'y a donc aucune raison de

G. CUNIBERTI, « The International Market for Contracts: The Most Attractive Contract 297

Laws », op.cit

L. G. MEIRA MOSER, « Parties’ preferences in international sales contracts: an empirical 298

analysis of the choice of law », Uniform Law Review, Volume 20, Issue 1, 2015, p 15-55

S. VOGENAUER, « Regulatory Competition Through Choice of Contract Law and Choice of 299

Forum in Europe: Theory and Evidence », op.cit

S. GARVEY, K. BIRCH, « Should Brexit affect the popularity of English governing law and 300

jurisdiction clauses? » http://www.allenovery.com/publications/en-gb/lrrfs/uk/Pages/Should-Brexit-affect-the-popularity-of-English-governing-law-and-jurisdiction-clauses.aspx

!91

Page 92: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

penser que ces principes fondamentaux de common law du droit anglais changeront

avec le Brexit .301

2- Le respect persistant du choix de la loi anglaise

Le Règlement Rome I posant le principe de l’autonomie des parties requiert

des tribunaux des États membres qu'ils respectent les clauses de choix de loi

convenues entre les parties commerciales, et cela même si la loi choisie est celle d’un

État tiers de l’UE. Les tribunaux des États membres continueront donc à respecter le

choix du droit anglais après le Brexit . 302

Au Royaume-Uni, bien que les tribunaux anglais ne puissent plus appliquer Rome I et

II après le Brexit, il est presque inconcevable que les États membres modifient leur

approche générale du respect du choix du droit anglais.

B) Le déclin du droit anglais ?

Bien que le droit substantiel britannique sera inchangé, les jugements issus des

tribunaux anglais ne pourront plus circuler librement au sein de l’UE (1). Susceptible

de représenter une perte pour l’Union (2), le Brexit pourrait bien avoir des

conséquences sur l’attractivité renouvelée du droit français (3).

1 - La perte de circulation des jugements britanniques

La circulation des jugements au sein de l’UE est régie par le Règlement

Bruxelles I bis, et cessera de s’appliquer aux effets des jugements rendus par les

tribunaux du Royaume-Uni au sein de l’UE Cela signifie que les jugements des

juridictions du Royaume-Uni seront accueillis selon les conditions et la procédure

d’exequatur du droit international privé commun applicable aux jugements émanant

des pays tiers (alors que le Règlement Bruxelles I bis supprime cette exigence pour 303

les jugements des juridictions européennes). L’absence de circulation des jugements britanniques inquiète l’un des plus gros lobby

anglais, TheCityUK, qui invite le gouvernement britannique à réaffirmer l’importance

Id.301

Id.302

H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit303

!92

Page 93: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

du choix du droit anglais dans les contrats commerciaux . En effet, l’absence de 304

réaction face à la perte du caractère exécutoire des jugements rendus par les tribunaux

britanniques, risquerait de saper la primauté du droit anglais dans les contrats

commerciaux internationaux, et   le rôle primordial de Londres comme centre

international dans le règlement de litiges .305

2- Une perte pour l’Union Européenne

Pour les défenseurs de la concurrence normative, le paradigme compétitif

existant entre les législations des États membres de l’UE est en principe, bénéfique

car elle initie un "processus de découverte" de produits juridiques nouveaux. Le

Brexit pourrait alors avoir un impact sur le degré d'innovation juridique pouvant

améliorer l'efficacité des règles au niveau européen . 306

En effet, l’influence du droit britannique sur le droit européen peut être remarquée par

la présence dans les textes européens, de certaines notions issues du droit des pays de

common law, presque inconnues par la plupart des codes civils « continentaux » (par

exemple, les codes civils allemand, français et italien). De multiples références au

« caractère raisonnable » sont présentes dans les directives de l’UE dans le domaine

du droit des contrats , le même phénomène peut également être observé dans une 307

plus large mesure dans la plupart des projets universitaires visant à harmoniser le

droit des contrats européen . L’attractivité du standard juridique du raisonnable 308

dépend aussi de ses caractéristiques spécifiques d’extrême flexibilité et de proximité

avec les situations concrètes, comparées aux caractéristiques parfois abstraites et

rigides d’autres principes et concepts bien connus du droit civil, tel que la bonne

foi . 309

Il arrive même que l’UE s’inspire directement des lois édictées au sein de ses États

S. SALTI, « La City s’inquiète pour ses juristes après le Brexit », L’AGEFI, 20 décembre 2016304

Id. 305

H. EIDENMUELLER, « Collateral Damage: Brexit’s Negative Effects on Regulatory 306

Competition and Legal Innovation in Private Law », European Corporate Governance Institute, Working Paper N° 403/2018, Mai 2018

S. TROIANO, « To What Extent Can the Notion of ‘Reasonableness’ Help to Harmonize 307

European Contract Law? Problems and Prospects from a Civil Law Perspective », 17 European Review of Private Law, Issue 5, 2009, p 749–787

Id. 308

Id. 309

!93

Page 94: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

membres pour l’élaboration de ses directives et règlements, et la perte du Royaume-

Uni parmi ceux-ci, sera de nature à impacter le gigantesque laboratoire de recherche

qu’engendre la concurrence normative . Pour exemple la Commission européenne 310

avait présenté en 2015 une proposition de directive européenne « certains aspects des

contrats de fourniture de contenu numérique  » . La proposition de l’UE avait été 311

fortement influencée par l'innovante loi du Royaume-Uni le Consumer Rights Act de

201, décrite par les commentateurs comme «   l'un des actes législatifs les plus

sophistiqués et les plus tournés vers l'avenir de l'Union européenne » . Le Royaume-312

Uni a donc certainement une influence positive sur le processus d’édiction des

directives qui risque d’être compromis par le Brexit.

3 - L’attractivité renouvelée du droit français

Il est probable que, du moins pour une période transitoire, les clauses de choix

de for au profit des juridictions anglaises, assorties ou non d’un choix explicite du

droit anglais, ne seront pas affectées par la perspective du Brexit : les juridictions

anglaises continueront de les appliquer et, sauf le doute, facilement levé par voie 313

de question préjudicielle, relatif à l’efficacité d’une clause de choix de for anglais

lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre, les juges des États membres

continueront également de les respecter . 314

Cependant, la crainte de l’intervention de marché concernant l’exécution des

jugements et l’efficacité des clauses de choix de loi et de juridiction y afférentes, est

bien présente. Bien que le retrait effectif du Royaume-Uni aura lieu après la fin de la

période de transition, soit le 31 décembre 2018, on commence à s’inquiéter du sort

des futurs contrats pouvant être régi par le droit anglais et soumis à la juridiction des

tribunaux anglais. Par exemple, l’International Swaps and Derivatives Association

(ISDA), organisation professionnelle regroupant des intervenants majeurs sur les

marchés financiers dérivés, dont le but premier est de fournir des contrats standards

H. KÖTZ, European Contract Law, 2nd edition, Oxford University Press, p 13310

Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil, concernant certains aspects 311

des contrats de fourniture de contenu numérique, COM(2015) 634 final, 9 December 2015.

S. AUGENHOFER,   «   Brexit – Marriage ‘With’ Divorce? – The Legal Consequences for 312

Consumer Law », Fordham International Law. Journal. Vol 40 No 5, 2017, p 1475-1493

H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit313

Id. 314

!94

Page 95: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

de référence pour les transactions a publié le 3 juillet 2018, deux nouveau modèles de

contrats-cadre. Un contrat-cadre de droit civil, soumis au droit français et un contrat-

cadre de common law, soumis au droit irlandais (République d’Irlande continuera 315

d’être membre de l’UE). Les intervenants auront donc la possibilité de documenter

leurs transactions sur produits dérivées par le biais de convention-cadre IDSA de droit

français, dont le contenu est très similaire au modèle existant de convention-cadre

IDSA de droit anglais, mais qui est régie par un droit de l’UE et prévoit la

compétence du tribunal de commerce de Paris et de la Cour d’appel de Paris, les

jugements émis par ces cours continuant à bénéficier des avantages prévus par les

dispositions du Règlement Bruxelles I Bis en matière de procédure d’exécution . Le 316

droit français s’érige ainsi en alternative au droit anglais à la suite du Brexit.

Le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris s’interrogeait le 30 janvier

2017 sur l’avenir de la place de Paris à la suite du Brexit. Il était préconisé

l’ajustement des règles procédure pour autoriser le recours à l’anglais à différents

stades de la procédure (plaidoiries, écriture, décisions) . L’évolution des règles de 317

procédure afin d’incorporer certains dispositifs inspirés de la common law en matière

d’administration de la preuve (discovery, cross-examination), ou l’introduction dans

le domaine du contentieux commercial de procédures accélérées dites «   fast

track  » . Mais aussi la mise en place de juridictions spéciales en matière civile et 318

commerciale pour les contentieux de dimension transnationale : celles-ci devraient

être composées de juges issus de la magistrature française maitrisant l’anglais ainsi

que de spécialistes reconnus de common law afin d’asseoir la crédibilité de ces

juridictions vis-à-vis des opérateurs économiques . 319

On peut maintenant, à la suite de la signature des protocoles du 7 février 2018 créant

une nouvelle chambre internationale à la Cour d’Appel de Paris, penser que ces

recommandations ont été entendues. En effet, l’introduction limitée de l’anglais afin de respecter les exigences de

l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les procédures d’interrogatoire de témoins, les

K. MERLINI, P. LARROQUE, « Les risques juridiques du Brexit déclenchent la mise en place 315

d'un nouveau modèle de convention-cadre de droit français pour les opérations sur produits dérivés », Publications Hogan Lovells, 24 juillet 2018, https://www.hoganlovells.com/fr/publications/les-risques-juridiques-du-brexit-declenchent-la-mise-en-place-dun-nouveau-modele-de-convention-cadre-de-droit-francais-pour-les-operations-sur-produits-derives

Id. 316

H C J P P, Rapport sur les implications du Brexit, op.cit317

Id. 318

Id. 319

!95

Page 96: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

dérogations à l’article 202 du CPC permettant aux attestations de tiers d’être

dactylographiées, montrent que les recommandations ne sont pas tombées dans

l’oreille d’un sourd.

En outre pour l’HCJPP, il y aurait un choix politique à faire concernant les méthodes

d’interprétation judiciaire des contrats. La force des juridictions anglaises, du point

de vue des grands opérateurs, serait d’appliquer à la lettre le texte des documents

contractuels, sans l’intervention modératrice qui est trop souvent reprochée aux juges

français . Ainsi, renoncer à cette dernière au profit d’un modèle ultra-libéral serait 320

un prix politique lourd à payer pour le renforcement de l’attractivité de la place de

Paris.

Id. 320

!96

Page 97: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

Conclusion

De nombreux pans du droit sont aujourd’hui analysés à l’aune de la concurrence

normative. Les analyses répondent à un triptyque devenu assez classique : existence ou non

de la concurrence ; effets de la concurrence ; méthode pour remédier à d’éventuels effets

négatifs. Cependant, les droits nationaux au sein de l’Union européenne sont trop peu

scrutés sous cet angle, et pourtant toutes les caractéristiques propres à l’avènement d’un

marché juridique y sont présentes.

Plus spécifiquement dans le domaine du droit des contrats, on constate que les conditions à

la création d’un tel marché, sont même plus favorables au sein de l’Union Européenne

qu’aux États-Unis. La consécration de la loi d’autonomie par le Règlement Rome I est en

mesure de donner plus de choix aux parties, et de mettre en concurrence tous les droits

européens, contrairement aux États-Unis où on exigence un lien raisonnable entre la loi

choisie et la transaction.

L’analyse des différents droits sous un paradigme compétitif permet aussi de comprendre

que le succès d’un droit donné, bien que permis grâce à ses qualités intrinsèques, est en

majeure partie dû et facilité par les qualités extrinsèques de celui-ci.

La concurrence normative est susceptible de créer un gigantesque laboratoire de politique

juridique dans lequel les États peuvent avancer dans toutes les directions par une

législation ou une décision judiciaire. Pouvant aboutir en un processus mélioratif de course

vers le haut, ou au contraire, chaque État voulant concurrencer les autres établissent et

encouragent des exemples susceptibles de nuire aux parties faibles.

À cet effet, on constate que l’approche européenne et américaine sont différentes lorsqu’il

s’agit d’appréhender les défaillances du marché du droit, alors qu’aux États-Unis, l’autorité

fédérale intervient d’un côté pour uniformiser les modalités de concurrence, en Europe on

préfère délimiter ce qui est laissé dans le champ de la concurrence ou non, et dans ce cas

unifier par le haut grâce aux directives. Cependant, on constate de la part de l’Union

Européenne, une volonté d’abandon des processus d’harmonisations sectorielles en matière

de droit des contrats, pour des projets législatifs d’unification générale. Ces projets

d’unification affichant l’objectif de réalisation d’un marché commun, peuvent intriguer

!97

Page 98: HARVARD LAW SCHOOL - Institut de Droit Comparé

lorsqu’en comparaison dans un pays tel que les États-Unis, aucun projet d’unification ne

semble se dessiner, et où personne ne doute du fonctionnement du marché intérieur.

La notion d’attractivité a surtout été mise sur le devant de la scène à la suite du Brexit

intervenu en 2016, et dont les modalités restent encore à définir. Bien que le droit des

contrats britannique soit jusque là considéré comme le plus attractif, la survenance du

Brexit risque à coup sur de perturber le marché des services juridiques d’outre-Manche. La

disparition de la circulation des jugements britanniques, et le déficit d’image y afférent,

risque en contrepartie de profiter au droit français récemment reformé. Dans ce contexte

qui redonne au droit français un usage international, il appartient maintenant aux juristes et

avocats français de se doter des connaissances nécessaires pour les changements à venir.

Pour reprendre les mots du bâtonnier Frédéric Sicard, le droit n’est « pas seulement un

élément régulateur de la société, c’est aussi un moyen d’investir  » , l’étude de la 321

concurrence normative, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, fournit un véritable outil

de diagnostic de la force des normes juridiques.

I. TRIPPENBACH « le française est-elle compétitive pour les entreprises ? », l’Opinion, 4 avril 321

2017, https://www.lopinion.fr/edition/economie/justice-francaise-est-elle-competitive-entreprises-123092

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Holzer v. Deutsche Reichsbahn-Gesellschaft, 277 N.Y. 474, 14 N.E. 2d 798 (1938)

Jackson v. Pasadena Receivables, Inc., 921 A.2d 799, 805 (Md. 2007)

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Snodgrass v. Gravit, 28 Pa. 221 (1857)

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