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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3 199 MISE AU POINT Hépatites virales Ce que l’anesthésiste-réanimateur doit savoir Claude Lentschener (photo), Yves Ozier Les anesthésistes-réanimateurs pren- nent en charge un nombre croissant de patients souffrant d’une hépatite virale aiguë ou chronique, dans des circonstances diverses : – pour la réanimation et/ou l’anes- thésie d’une affection aiguë sans rap- port avec l’hépatite virale chez un patient déjà infecté par le virus de l’hépatite (1) ; – pour la réanimation et/ou l’anesthésie d’une affection médicale ou chirurgicale en rapport direct avec la maladie hépatique, principalement une insuffisance hépatocellu- laire aiguë ou chronique, une hémorragie digestive, une ascite, une encéphalopathie, la résection d’un carcinome hépatocellulaire (2-4) ; – du fait de signes cliniques trompeurs, à la phase pré-icté- rique d’une hépatite virale aiguë ou lors de la poussée d’une hépatite virale chronique, qui ont conduit un patient à être hospitalisé dans un service de chirurgie (2, 3, 5, 6). Les hépatites virales sont un problème majeur de santé publique, à l’échelle mondiale. Elles sont dues principale- ment aux virus de l’hépatite A (VHA), B (VHB), C (VHC), delta (VHD) et E (VHE) (2, 3, 5, 7). Les VHA et VHE sont transmis par voie orale (5, 7) et les VHB et VHC par les voies cutanée ou muqueuse après contact avec du sang ou des liquides biologiques contaminés par du sang, principa- lement dans un contexte de toxicomanie intraveineuse, au cours de la transfusion sanguine, lors des rapports sexuels ou lors d’un accouchement (2, 3). Le VHD est un virus défectueux qui ne se développe qu’en présence du VHB (2). Dans le monde, 350 millions de personnes (5 % de la popu- lation mondiale) sont porteurs chroniques du VHB (2). En Europe, 1 million de personnes sont infectées chaque année par le VHB (2). Parmi celles-ci, 90 000 personnes deviendront porteuses chroniques du VHB et 22 000 per- sonnes mourront de cirrhose ou de cancer hépatocellulaire (2). En effet, 30 % des patients infectés de façon chronique par le VHB développeront une cirrhose 20 à 30 ans plus tard (2). Le VHD aggrave une hépatite préexistante due au VHB (2). La surinfection par le VHD entraîne une hépatite chronique, avec le plus souvent suppression de la réplica- tion du VHB mais persistance de la réplication du VHD. L’hépatite due au VHC est une infection à part, du fait de la fréquente évolution vers la chronicité. En l’absence de trai- tement, 80 % des hépatites dues au VHC évoluent vers une fibrose hépatique (3, 7). Dans ce contexte, on retrouve une cirrhose chez 15-20 % des patients infectés par le VHC (3, 7). L’hépatite due au VHC est à l’origine de 20 % des hépatites aiguës, 70 % des hépatites chroniques, 40 % des cirrhoses décompensées, 60 % des carcinomes hépatocellu- laires et 30 % des transplantations hépatiques en Europe occidentale (3, 8). La co-infection par le VIH aggrave les hépatites chroniques, même avant que le taux des CD4 ne s’abaisse (9). Lorsque l’anesthésiste-réanimateur prend en charge des patients infectés par un virus de l’hépatite, la maladie du foie peut avoir été déjà diagnostiquée et explorée, ou elle peut à l’inverse être méconnue. Le bilan pré-anesthésique doit dans tous les cas : – évaluer le degré d’atteinte hépatique ; – rechercher systématiquement les pathologies extrahépa- tiques susceptibles de compliquer une hépatite aiguë ou chronique ; Points essentiels • L’hépatite virale est un problème majeur de santé publique à l’échelle mondiale. L’anesthésiste-réanimateur doit prendre en charge un nombre croissant de patients souffrant d’hépatite virale aiguë ou chronique, à tous les stades de la maladie. • Dans l’hépatite virale aiguë, tout geste chirurgical non urgent doit être différé ; un taux de prothrombine < 50 % (INR > 1,75) est le pre- mier signe d’une insuffisance hépatocellulaire grave ; toute thérapeu- tique non absolument indispensable doit être interrompue. • Dans l’hépatite virale chronique, des manifestations viscérales extra- hépatiques variées résultent d’une atteinte des vaisseaux de petits et moyens calibres, et les traitements antiviraux ont des effets secondai- res notables. Une anesthésie titrée devra être administrée et on privi- légiera les agents non éliminés par le foie. • Au cours des syndromes hyperkinétiques associés aux insuffisances hépatocellulaires, l’expansion volémique est rapidement inefficace et le recours aux vasopresseurs doit être précoce pour traiter une chute de la pression artérielle et une oligurie associées à un débit cardiaque élevé. • L’antibioprophylaxie devra prendre en compte le risque de translo- cation bactérienne d’origine digestive. • L’ascite, qui complique fréquemment la chirurgie abdominale chez le cirrhotique, est associée à une hypoperfusion rénale. Elle nécessite une prise en charge agressive excluant à ce stade la restriction hydri- que. • Les mesures de prévention de la transmission nosocomiale des hépa- tites virales doivent être respectées.

Hépatites virales - Ce que l’anesthésiste-réanimateur doit savoir

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3 199

M I S E A U P O I N T

Hépatites viralesCe que l’anesthésiste-réanimateur doit savoirClaude Lentschener (photo), Yves Ozier

Les anesthésistes-réanimateurs pren-nent en charge un nombre croissantde patients souffrant d’une hépatitevirale aiguë ou chronique, dans descirconstances diverses :– pour la réanimation et/ou l’anes-thésie d’une affection aiguë sans rap-port avec l’hépatite virale chez unpatient déjà infecté par le virus del’hépatite (1) ;

– pour la réanimation et/ou l’anesthésie d’une affectionmédicale ou chirurgicale en rapport direct avec la maladiehépatique, principalement une insuffisance hépatocellu-laire aiguë ou chronique, une hémorragie digestive, uneascite, une encéphalopathie, la résection d’un carcinomehépatocellulaire (2-4) ;– du fait de signes cliniques trompeurs, à la phase pré-icté-rique d’une hépatite virale aiguë ou lors de la poussée d’unehépatite virale chronique, qui ont conduit un patient à êtrehospitalisé dans un service de chirurgie (2, 3, 5, 6).

Les hépatites virales sont un problème majeur de santépublique, à l’échelle mondiale. Elles sont dues principale-ment aux virus de l’hépatite A (VHA), B (VHB), C (VHC),delta (VHD) et E (VHE) (2, 3, 5, 7). Les VHA et VHE sonttransmis par voie orale (5, 7) et les VHB et VHC par lesvoies cutanée ou muqueuse après contact avec du sang oudes liquides biologiques contaminés par du sang, principa-lement dans un contexte de toxicomanie intraveineuse, aucours de la transfusion sanguine, lors des rapports sexuelsou lors d’un accouchement (2, 3). Le VHD est un virusdéfectueux qui ne se développe qu’en présence du VHB (2).Dans le monde, 350 millions de personnes (5 % de la popu-lation mondiale) sont porteurs chroniques du VHB (2). EnEurope, 1 million de personnes sont infectées chaqueannée par le VHB (2). Parmi celles-ci, 90 000 personnesdeviendront porteuses chroniques du VHB et 22 000 per-sonnes mourront de cirrhose ou de cancer hépatocellulaire(2). En effet, 30 % des patients infectés de façon chroniquepar le VHB développeront une cirrhose 20 à 30 ans plustard (2). Le VHD aggrave une hépatite préexistante due auVHB (2). La surinfection par le VHD entraîne une hépatitechronique, avec le plus souvent suppression de la réplica-tion du VHB mais persistance de la réplication du VHD.L’hépatite due au VHC est une infection à part, du fait de lafréquente évolution vers la chronicité. En l’absence de trai-tement, 80 % des hépatites dues au VHC évoluent vers unefibrose hépatique (3, 7). Dans ce contexte, on retrouve unecirrhose chez 15-20 % des patients infectés par le VHC(3, 7). L’hépatite due au VHC est à l’origine de 20 % deshépatites aiguës, 70 % des hépatites chroniques, 40 % descirrhoses décompensées, 60 % des carcinomes hépatocellu-laires et 30 % des transplantations hépatiques en Europeoccidentale (3, 8). La co-infection par le VIH aggrave leshépatites chroniques, même avant que le taux des CD4 nes’abaisse (9).

Lorsque l’anesthésiste-réanimateur prend en charge despatients infectés par un virus de l’hépatite, la maladie dufoie peut avoir été déjà diagnostiquée et explorée, ou ellepeut à l’inverse être méconnue. Le bilan pré-anesthésiquedoit dans tous les cas :

– évaluer le degré d’atteinte hépatique ;

– rechercher systématiquement les pathologies extrahépa-tiques susceptibles de compliquer une hépatite aiguë ouchronique ;

Points essentiels

• L’hépatite virale est un problème majeur de santé publique àl’échelle mondiale. L’anesthésiste-réanimateur doit prendre en chargeun nombre croissant de patients souffrant d’hépatite virale aiguë ouchronique, à tous les stades de la maladie.• Dans l’hépatite virale aiguë, tout geste chirurgical non urgent doitêtre différé ; un taux de prothrombine < 50 % (INR > 1,75) est le pre-mier signe d’une insuffisance hépatocellulaire grave ; toute thérapeu-tique non absolument indispensable doit être interrompue.• Dans l’hépatite virale chronique, des manifestations viscérales extra-hépatiques variées résultent d’une atteinte des vaisseaux de petits etmoyens calibres, et les traitements antiviraux ont des effets secondai-res notables. Une anesthésie titrée devra être administrée et on privi-légiera les agents non éliminés par le foie.• Au cours des syndromes hyperkinétiques associés aux insuffisanceshépatocellulaires, l’expansion volémique est rapidement inefficace etle recours aux vasopresseurs doit être précoce pour traiter une chutede la pression artérielle et une oligurie associées à un débit cardiaqueélevé.• L’antibioprophylaxie devra prendre en compte le risque de translo-cation bactérienne d’origine digestive.• L’ascite, qui complique fréquemment la chirurgie abdominale chezle cirrhotique, est associée à une hypoperfusion rénale. Elle nécessiteune prise en charge agressive excluant à ce stade la restriction hydri-que.• Les mesures de prévention de la transmission nosocomiale des hépa-tites virales doivent être respectées.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3200– rechercher les effets secondaires indésirables des traite-ments antiviraux ;– éventuellement supprimer les traitements susceptiblesd’aggraver une maladie hépatique stabilisée ou décompen-sée (1-3, 10-20).En outre, la prévention de la transmission nosocomiale deshépatites virales fait partie des responsabilités de l’anesthé-siste-réanimateur (21).

DIAGNOSTIC SÉROLOGIQUE DES HÉPATITES VIRALES

Le diagnostic sérologique des hépatites dues aux VHA,VHB, VHC, et VHD est résumé dans la figure 1.L’élévation des IgM anti-VHA caractérise l’infection aiguë àVHA. Ces anticorps apparaissent dès le début de l’infectionclinique, leur titre est maximal au boutd’un mois, puis ils disparaissent detrois à cinq mois après les signes clini-ques (5, 22). Les IgG anti-VHA appa-raissent quelques jours après les IgMet persistent indéfiniment (22).Le diagnostic de l’hépatite aiguë due auVHB repose sur la mise en évidence del’antigène de surface du virus (HBsAg),et d’anticorps (IgM) dirigés contre l’antigène de la capside duvirus (IgM anti-HBc) et contre l’antigène de surface du virus(HBsAg) (2, 22, 23). L’antigène HBe (HBeAg) provient du cli-vage de l’HBcAg ; son taux sérique suit celui de l’HBsAg(2, 22, 23). Après la guérison d’une hépatite virale aiguë, lesantigènes HBsAg et HBeAg disparaissent et les anticorps anti-HBs, anti-HBc et anti-HBe apparaissent (2, 22, 23). L’anti-corps anti-HBs apparaît six mois après l’inoculation chez lepatient qui guérit et il est protecteur. Il apparaît aussi après

la vaccination (2, 22, 23). L’antigène HBsAg persiste au-delàde six mois chez les patients porteurs chroniques du VHB(2, 22, 23). La persistance de l’antigène HBsAg au-delà dedeux mois doit faire rechercher l’HBeAg et l’ADN du VHB.Ces deux marqueurs sont des indices de multiplication virale.Ils indiquent une réplication virale significative et une hauteprobabilité de maladie virale active (2, 22, 23).On retrouve des IgM anti-HVD chez les patients infectés parle virus delta (2, 22, 23).Les tests diagnostiques de l’infection par le VHC sont égale-ment divisés en tests sérologiques qui détectent les anticorpset en tests moléculaires qui détectent l’ARN de l’hépatite C(VHC ARN) (3, 22, 24). Les tests sérologiques de deuxièmegénération (tests immuno-enzymatiques de type ELISA) détec-tent les anticorps anti VHC quatre à dix semaines après l’infec-tion chez 99,5 % des patients infectés par le VHC (3, 22, 24).

La technique d’immuno-empreinte(« recombinant immunoblot assay »)confirme un test immunologique positif(3, 22, 24). Si ce dernier test est positifou indéterminé et d’emblée chezl’immunodéprimé (l’immunodépres-sion est une cause fréquente de fauxnégatifs), on effectue une détection qua-litative et quantitative par amplification

du génome viral, « polymerase chain reaction » (PCR) du VHCARN, qui témoigne de la réplication virale, permet de la quan-tifier et permet de vérifier la réponse au traitement (3, 22, 24).L’infection chronique par le VHC se manifeste biologiquementpar une élévation des transaminases et la présence de l’ARNviral dans le sérum depuis plus de 6 mois (3, 22, 24). La répli-cation des VHB et VHC n’est corrélée ni aux altérations mor-phologiques hépatiques, qui sont d’origine immunitaire, ni à lacontagiosité (2, 3, 25).

Figure 1. Diagnostic sérologique des hépatites A, B, C, Δ.

IgM Anti VHA Ag HBs

IgM Anti HBs

Anticorps anti VHC

Pas d’hépatite A Hépatite A Pas d’hépatite B Hépatite B

aiguë

Hépatite B

chronique

ou porteur sain

Hépatite CPas d’hépatite C

Anticorps anti VHD Anticorps anti VHD ALAT

Co-infection δ Pas d’hépatite δ Surinfection δ Hépatite C

aiguë

Hépatite C

chronique

Hépatite C

guérie

ARN VHC

- + Ag HBs -

IgM anti HBc -Ag HBs +

IgM anti HBc +

Ag HBs +

IgM anti HBc - ou faible

+ -

+-

+ -

> N

> 6 mois

> N

> 6 mois

> 10 N+-

Un taux de prothrombine < 50 % (INR > 1,75) est le premier signe d’une insuffisance

hépatocellulaire grave.

Page 3: Hépatites virales - Ce que l’anesthésiste-réanimateur doit savoir

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3 201ASPECTS CLINIQUES DES HÉPATITES VIRALES

Hépatites virales aiguësLa phase pré-ictérique dure de 2 à 6 semaines pour l’hépa-tite au VHA, de 6 semaines à 6 mois pour l’hépatite au VHB,et de 2 à 26 semaines pour l’hépatite au VHC (2, 3, 5). Cettephase pré-ictérique est le plus souvent cliniquement silen-cieuse ou s’accompagne de signes aspécifiques telsqu’arthralgies, asthénie, hyperthermie modérée, douleursabdominales et troubles du transit (2, 3, 5). Cliniquement, àla phase d’état, les hépatites virales aiguës associent uneasthénie, une anorexie, des malaises, des vomissements, unictère, des urines sombres et des douleurs abdominales(2, 3, 5). Dans les formes typiques, la concentration destransaminases sériques est 10 à 100 fois supérieure auxvaleurs normales, celle des gammaglutamyltranspeptidasessériques est modérément élevée, et celle des phosphatasesalcalines est normale (2-5, 26). Le taux de prothrombine estsoit normal soit modérément abaissé, mais dans tous les cassupérieur à 50 % (INR < 1,75) (26). Ce tableau biologiquepeut également être celui d’une réactivation d’une hépatitechronique due au VHB, résultant d’une interruptionintempestive du traitement ou d’une immunosuppression(6). L’examen histologique du foie, habituellement non réa-lisé à ce stade, montrerait une nécrose diffuse des hépato-cytes et des signes de régénération hépatique : mitosesnombreuses, multiples cellules multinucléées, infiltratsinflammatoires périportaux, multiplication des cellulessinusoïdales, thrombus des petites veines hépatiques(2, 3, 5).

Hépatites virales chroniquesAnomalies morphologiquesAu cours des hépatites virales chroni-ques, l’examen histologique confirme lediagnostic, contribue à la décision demettre en route un traitement, et per-met de suivre l’évolution de la maladiehépatique (2, 3, 10, 11, 14-18). Plu-sieurs stades, souvent intriqués, peu-vent être individualisés (2, 3, 8) :– anomalies histologiques mineureschez les patients porteurs chroniques asymptomatiques(2, 3, 8) ;– hépatite chronique persistante stable, qui le plus souventrégressera, associant des infiltrats lymphocytaires péripor-taux, l’absence d’anomalie architecturale, peu ou pas defibrose portale, pas de nécrose hépatocytaire (2, 3, 8) ;– hépatite chronique active, où les infiltrats lymphocytairesne sont plus limités aux espaces portes mais s’étendent ausein des lobules. Les infiltrats comportent des macrophageset des cellules multinucléées autour des vaisseaux et des

petits canaux biliaires. Au cours de l’évolution, la fibroses’étend, et des ponts relient les aires de fibrose (2, 3, 8) ;– au stade terminal, la cirrhose est caractérisée par unefibrose intense et la présence de nodules de régénération(2, 3, 8).La co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine(VIH) n’entraîne pas d’anomalie morphologique supplémen-taire (9).

Manifestations extrahépatiques des hépatites viraleschroniques — Hépatites à VHBIl existe de rares défaillances multiviscérales résultant prin-cipalement d’une altération des artères de petit et moyencalibres (12). Une insuffisance rénale sans glomérulopathieassociée, a été rendue responsable d’hypertensions arté-rielles systémiques (12). Les localisations digestives et neu-rologiques sont rares (12). Des vascularites pulmonairesassociées à un trouble des échanges gazeux et à deshémoptysies ont été rapportées (12).

Hépatites à VHCOn retrouve des manifestations extrahépatiques sans rap-port avec la sévérité de la maladie hépatique chez 10 % despatients (13, 14, 19). La plupart de ces manifestationsextrahépatiques sont dues à la présence (a) d’une cryoglo-bulinémie associée à des dépôts d’immuns-complexes et (b)d’une infiltration par des cellules inflammatoires des paroisdes vaisseaux de petit et moyen calibres, entraînant unenécrose fibrinoïde de leur paroi et un dysfonctionnementdes viscères atteints (13, 14, 19). Les manifestations extra-hépatiques des hépatites dues au VHC sont :– des thrombocytopénies parfois accompagnées d’un pur-pura (13, 19) ;

– un syndrome de Raynaud, ou desnécroses cutanées en rapport avec unevascularite distale (13, 14, 19) ;– des neuropathies périphériques mul-tiples d’origine vasculaire ou des dou-leurs précédant de plusieurs mois lasurvenue de déficits moteurs(13, 14, 19) ;– une périartérite noueuse qui peut

entraîner une défaillance polyviscérale invalidante comprenantdes anomalies neurologiques périphériques, un purpura vascu-laire, une vascularite cérébrale, une hypertension artérielle sys-témique due aux anomalies vasculaires rénales et de la fièvre.On peut obtenir une récupération sans séquelle par une corti-cothérapie inférieure à un mois, un traitement antiviral et deséchanges plasmatiques (13-15, 19) ; des dysfonctions thyroï-diennes, des porphyries cutanées tardives, des glomérulo-néphrites membranoprolifératives sévères, des syndromes deSjögren, des lichens plans et des lymphomes non hodgkiniens

30 % des patients infectés de façon chronique par le VHB

développeront une cirrhose 20 à 30 ans plus tard.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3202ont été observés au cours des infections par le VHC (13). Larelation physiopathologique entre ces dysfonctionnements vis-céraux et l’hépatite due au VHC reste discutée (13).

Effets secondaires des traitements antiviraux

Des traitements efficaces sont aujourd’hui disponibles pourtoutes les hépatites virales (10, 11, 15-20). Les associationsinterféron-lamivudine et interféron-ribavirine constituent labase des traitements des hépatites au VHB et VHC respective-ment (10, 11). On utilise également de l’interféron pégylé àeffet retard (21). On recommande le traitement antiviral anti-VHB si les transaminases reste élevées, si l’HBsAg, l’HBeAg, etle HBV DNA témoignant d’une réplication virale active restentélevés au bout de trois à six mois d’évolution et/ou si on notedes signes d’hépatite chronique sur la biopsie hépatique(2, 11). Dans les hépatites à VHC, on décide d’un traitementen cas de réplication virale persistante, qui se mainfeste pardes taux élevés d’ARN viral (3, 10). Ces traitementscomportent de nombreux des effets secondaires (15-20).

L’Interféron alpha fait partie de la plupart des protocoles deprise en charge thérapeutique des hépatites (10, 11, 16, 20).Il inhibe la synthèse des protéines virales en activant spécifi-quement les enzymes protéolytiques de l’hôte, stimule lareconnaissance par l’hôte des cellules infectées et faciliteleur destruction par le système immunitaire de l’hôte, etenfin inhibe la prolifération virale en favorisant la maturationdes lymphocytes T cytotoxiques et l’activation des lympho-cytes « natural killer » (20). L’asthénie est un de ses effetssecondaitres les plus fréquents (10, 11, 16, 20). Un syndromepseudo-grippal associant des troubles digestifs, une anorexieet une perte de poids de 3 à 4 kg sont classiques au cours des3 premiers mois du traitement (10, 11, 16, 20). Chez 30 %des patients, on retrouve des troubles neuro-psychiatriquesassociant une insomnie, une irritabilité, une confusion,des crises d’épilepsie et une dépression nerveuse(10, 11, 16, 20). Les désordres neuropsychiatriques peuventpersister six mois après l’interruption du traitement(10, 11, 16, 20) et ils peuvent motiver la mise en œuvre detraitements sédatifs ou antidépresseurs (10, 11, 16, 20). Lespropriétés immunostimulantes de l’interféron alpha peuventrévéler ou aggraver les désordres auto-immuns accompa-gnant l’hépatite au VHC (10, 11, 16, 20). On retrouve uneleucopénie et une thrombopénie chez plus de 50 % despatients traités par l’interféron alpha (10, 11, 16, 20). Il fauten diminuer la posologie si le taux des polynucléaires neutro-philes est inférieur à 1 000/ml et si celui des plaquettes estinférieur à 50 000/ml (10, 11, 16, 20). On a, dans de rares cas,incriminé l’interféron dans des affections coronariennesaiguës et des dysrythmies (10, 11, 16, 20).

L’interféron pégylé à effet retard a les mêmes effets secon-daires que ceux de l’interféron alpha (21).

La ribavirine (Rébétol®) associée à l’interféron alpha réduitla sélection de virus résistants et la fréquence des récidivesaprès arrêt du traitement de l’hépatite au VHC (10, 17, 19).Elle fait apparaître une anémie hémolytique chez un tiersdes patients traités, avec baisse du taux d’hémoglobine de2,5 g/dl au cours du traitement (17). Un prurit invalidant decause inconnue est fréquent (17). Une toux et une gênelaryngée répondent habituellement bien à un traitementsymptomatique (17, 19). La concentration plasmatiqued’acide urique est souvent abaissée (17, 19). Un effet téra-togène a été rapporté chez l’animal de laboratoire (17), etil faut donc assurer une contraception efficace durant les7 mois qui suivent l’interruption du traitement par la ribavi-rine chez l’homme, et 4 mois chez la femme (17). L’admi-nistration de ribavirine sera interrompue avant un gestechirurgical majeur car une insuffisance rénale fonctionnellesecondaire à l’intervention pourrait entraîner une accumu-lation des métabolites de la ribavirine à l’intérieur des glo-bules rouges et aggraver l’hémolyse (17, 19).

La lamivudine (Epivir®, Combivir®, Zeffix®, Trizivir®) a unpuissant effet anti-VIH et VHB (11, 18). Peu d’effets adversesont été rapportés avec cette molécule (18). La réactivationd’une hépatite chronique due au VHB a été observée dans lesdeux semaines suivant l’arrêt d’un traitement par la lamivu-dine (18). Il faut donc faire preuve de prudence si on envi-sage d’arrêter la lamuvidine en périopératoire (6, 18).

Des corticoïdes et/ou un traitement immunosuppresseurpeuvent avoir été administrés pour traiter les anomaliesauto-immunes accompagnant les hépatites virales (14), eton prendra dans ces cas les précautions d’usage, sans spé-cificité aucune dans cette circonstance.

PRISE EN CHARGE PAR L’ANESTHÉSISTE-RÉANIMATEUR

Hépatites virales aiguës

Le risque de l’anesthésie générale chez le patient souf-frant d’une hépatite virale aiguë n’a jamais été évaluéprospectivement (27). Dans une étude rétrospective,9,5 % des patients atteints d’une hépatite virale aiguë sontdécédés après laparotomie et 12 % des patients ont déve-loppé des complications (27). Une évaluation rétrospec-tive récente faite dans une unité de soins intensifsspécialisés a montré que dans de nombreux cas, uneinsuffisance hépatocellulaire aiguë grave avait été aggra-vée par des traitements antérieurement prescrits de façoninappropriée (4, 26). Tout acte chirurgical non indispen-sable doit donc être différé chez ces patients et il faut évi-ter toute médication potentiellement hépatotoxique(dont le paracétamol) ou dont la toxicité principalementrénale et neurologique pourrait être accrue par une dimi-

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3 203

nution du métabolisme hépatique (4, 26, 28, 29). Cesdeux précautions peuvent prévenir l’aggravation del’insuffisance hépatocellulaire et des défaillances extrahé-patiques concomitantes, principalement neurologiques etrénales (4, 26, 29). À cet égard, les agents de l’anesthésieet de la réanimation incluant les opiacés, les analgésiquesmineurs tel le paracétamol, les anti-inflammatoires nonstéroïdiens, les hypnotiques, les médicaments néphro-toxiques incluant de nombreux antibiotiques et les corti-coïdes sont tous des substances qui peuvent transformerune hépatite aiguë bénigne en insuffisance hépatiquesévère (4, 26, 29). Seuls les traitements essentiels telleune hormonothérapie substitutive (insuline) ou un traite-ment tonicardiaque doivent être maintenus et soigneuse-ment titrés (4, 26). Il est important de doser le taux deprothrombine en urgence (ou l’INR) (4, 26). Une chutedu taux de prothrombine au-dessous de 50 % (INR > 1,75)est le premier signe d’une insuffisance hépatocellulairegrave. Elle impose une consultation hépatologique spécia-lisée en urgence, dans le but de confirmer l’étiologievirale de l’hépatite et d’identifier ou d’éliminer un facteuraggravant (4, 26). Les autres causes d’insuffisance hépati-que seront au mieux identifiées en milieu spécialisé(4, 26). Elles comprennent l’hépatite au paracétamol, leshépatites auto-immunes, la stéatose gravidique aiguë de lagrossesse, la souffrance hépatique aiguë des insuffisancescardiaques, la toxicité hépatique des champignons, lesyndrome de Budd Chiari, la drépanocytose, la maladie de

Wilson et les autres hépatites virales telles les hépatites àcytomégalovirus, au virus Epstein Barr et plus rarementau virus herpes ou au virus de la variole (4, 26).

Hépatites chroniquesBilan préanesthésiqueL’insuffisance hépatocellulaire et l’hypertension portalesont évaluées de façon habituelle :– dosage sérique de la bilirubine, de l’albumine et du taux deprothrombine (ou de l’INR) ;– examen clinique qui recherche plus particulièrement unastérixis, une ascite, des œdèmes et tout signe d’insuffisancecardiaque ou respiratoire ;– recherche endoscopique systématique de varices œsopha-giennes et d’ulcérations gastroduodénales (1, 30).Tout foyer infectieux doit être dépisté et traité (1, 30). Lesscores de Child et Pugh sont encore utilisés pour évaluer lepronostic des patients cirrhotiques opérés en chirurgiegénérale (Tableaux 1 et 2) (1). De plus, Zizer et coll. ontindividualisé huit facteurs majorant notablement le risquepériopératoire chez le cirrhotique opéré en chirurgie géné-rale (1) (Tableau 3). Il est impératif dans la prise en chargepériopératoire de tenir compte des manifestations extrahé-patiques des hépatites virales chroniques et des effets secon-daires des traitements antiviraux rapportés précédemmentet qui peuvent générer une morbidité significative propre(10, 15, 20). Dans l’infection chronique par le VHC, le dos-sier doit comporter un bilan clinique et paraclinique exten-sif incluant la recherche d’une cryoglobulinémie et d’unsyndrome inflammatoire. Une biopsie musculaire, un élec-tromyogramme, une imagerie cérébrale en résonancemagnétique, et/ou une ponction lombaire devront, si néces-saire, faire partie de ce bilan (13, 14).

Tableau 1Score de Pugh.

Variables Score

Encéphalopathie

Ascite

Bilirubine totale (μmol/l)

Albuminémie (g/l)

Taux de prothrombine (%)

1

0

0

< 34

> 35

> 65

2

Modérée

Modérée

34-51

30-35

50-65

3

Sévère

Importante

> 51

< 30

< 50

Score Risque chirurgical

Mortalité (%)

5-6

7-9

10-15

Bon

Modéré

Haut

5

10

> 50

Le score de Pugh distingue trois niveaux de risque en chirurgie générale.

Tableau 2Score de Child. Dans le score de Child, le taux de prothrom-bine est remplacé par une appréciation de l’état nutritionnel.

Variables Score

Encéphalopathie

Ascite

Bilirubine totale (μmol/l)

Albuminémie (g/l)

État nutritionnel

A

0

0

< 34

> 35

Excellent

B

Modérée

Modérée

34-51

30-35

Bon

C

Sévère

Importante

> 51

< 30

Mauvais

Le score de Child distingue trois niveaux de risque en chirurgie générale :A. Risque faible ; B. Risque modéré ; C. Risque élevé. Les deux scorespeuvent être combinés pour apprécier plus précisément le pronostic dela maladie hépatique.

Page 6: Hépatites virales - Ce que l’anesthésiste-réanimateur doit savoir

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3204Techniques anesthésiquesUne insuffisance hépatocellulaire préexistante peuts’accompagner d’une baisse imprévue du métabolismehépatique, par les mécanismes suivants :

– diminution de la perfusion hépatique due à l’hyperpressionportale ;

– insuffisance hepatocellulaire ;

– baisse de la concentration plasmatique des protéinessériques susceptibles de fixer les agents de l’anesthésie,modifiant ainsi leur biodisponibilité ;

– redistribution imprévisible des agents de l’anesthésie du faitd’une ascite, d’une hypervolémie ou d’un débit cardiaque élevé ;

– induction enzymatique résultant des traitements spéci-fiques antérieurs ;

– aggravation des défaillances viscérales pré-éxistentes, prin-cipalement l’encéphalopathie et l’insuffisance rénale (28-31).

L’effet des anesthésiques est imprévisible dans ce con-texte et aucun agent n’est absolument sûr (28-31). Touteadministration d’un agent anesthésique doit être titrée(28-31). Il est logique de privilégier les anesthésiquesvolatils les plus récents (sévoflurane, isoflurane) qui nesubissent pas de biotransformation hépatique (30).L’indice bispectral de l’électroencéphalogramme (BIS)n’a pas été validé en cas d’insuffisance hépatocellulaire.La pratique d’une anesthésie locorégionale doit tenircompte du bilan d’hémostase (incluant notamment unenumération des plaquettes et le dosage du taux deprothrombine ou de l’INR), et de l’absence d’activité fibri-nolytique (45).

Spécificité des problèmes circulatoires au cours des insuffisances hépatocellulairesDans l’insuffisance hépatocellulaire, on retrouve fréquem-ment un débit cardiaque élevé et une baisse de la postchargedu ventricule gauche. Ce profil hémodynamique est d’autantplus marqué que la fonction hépatique est altérée. Le concept« d’optimisation hémodynamique permettant d’obtenir uneoxygénation tissulaire optimale », déjà très discuté en géné-ral, ne peut être retenu au cours de l’insuffisance hépatocel-lulaire (33). Cet état hyperkinétique s’accompagne souvent,sous anesthésie générale, d’une pression artérielle basse etd’une oligurie que l’expansion volémique n’améliore quemodérément, voire pas (33). Plutôt que de perfuser sansrésultat de gros volumes de macromolécules, on recommandele recours précoce peropératoire à une perfusion d’aminesvasopressives, principalement la noradrénaline, dans le butde restaurer une pression de perfusion viscérale efficace etla diurèse (33, 34). Le monitorage hémodynamique invasifpar un cathéter de Swan-Ganz doit être évité chez le patienthyperkinétique (34). De plus, la surveillance de la saturationdu sang veineux mêlé en oxygène est un indice tardif demodification hémodynamique ou d’anémie au cours des syn-

dromes hyperkinétiques (34). Le pouvoir d’expansion volé-mique de l’albumine n’est pas supérieur à celui des autresmacromolécules (30).

L’antibiothérapie prophylactique

Les patients souffrant d’hépatite virale chronique sontsusceptibles d’avoir sélectionné des bactéries multirésis-tantes au cours d’hospitalisations répétées et récentes(35). De nombreux arguments cliniques et expérimen-taux laissent penser que le risque de surinfection bacté-rienne postopératoire est majoré chez le cirrhotique(1, 35). Une ascite préexistante chez un patient cirrho-tique peut se surinfecter directement ou par translocationde germes d’origine digestive (35). Il faut tenir compte deces données quand on décide de l’antibiothérapie pro-phylactique (30, 35). Indépendamment des antibiopro-phylaxies spécifiques indiquées pour chaque type dechirurgie, un traitement de 24 heures par une céphalos-porine de troisième génération ou une quinolone noussemble licite chez le cirrhotique ascitique, quel que soitle geste projeté (35), mais cette attitude n’est pas formel-lement validée dans la littérature.

Prise en charge postopératoire

L’aggravation postopératoire d’une insuffisance hépato-cellulaire préexistante par le paracétamol n’a jamais étérapportée, mais on note fréquemment chez les patientsen insuffisance hépatocellulaire un alcoolisme chronique,une dénutrition et une baisse du débit sanguin hépatiquequi sont des facteurs susceptibles d’abaisser le seuil detoxicité du paracétamol (36). En outre, les premierssignes d’une hépatite toxique au paracétamol sont aspéci-fiques et banaux en postopératoire, empêchant de les dis-tinguer au sein des inconforts postopératoires divers. Ilsincluent des nausées, des vomissements, des douleursabdominales, des troubles de la vigilance et une élévationdes transaminases et de la bilirubinémie (36). Par pru-dence, nous recommandons d’éviter le paracétamol enpostopératoire, en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Lenéfopam peut être utilisé car il n’est pas métabolisé par lefoie et son efficacité sur la douleur postopératoire a étédémontrée en chirurgie digestive majeure (29, 37). Lesanti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être évitéschez les cirrhotiques (4, 26, 33). Ils sont susceptiblesd’aggraver une insuffisance rénale préexistante associée àla cirrhose (33). La morphine devra être titrée prudem-ment (28).

L’ascite, associée à une vasodilatation splanchnique, à unevasoconstriction systémique y compris rénale et à unehypovolémie est susceptible de compliquer la chirurgieabdominale chez le patient cirrhotique et implique desmesures spécifiques (33). En présence d’une ascite, le

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3 205moindre déséquilibre hémodynamique peut entraîner uneoligurie ou une insuffisance rénale. La restriction hydriqueper- et postopératoire non seulement ne prévient pas lespoussées d’ascite postopératoire, mais elle risque dedéclencher des insuffisances rénales par hypoperfusionrénale et des syndromes hépatorénaux de pronostic redou-table (30, 33). La prise en charge anesthésique per- et pos-topératoire des patients qui développent une asciteimplique de maintenir à tout prix une perfusion rénale effi-cace et une diurèse, dans un premier temps par expansionvolémique et administration titrée de furosémide (33).Quand ces mesures échouent (cas fréquent), il faut admi-nistrer rapidement des vasopresseurs (33). Il semble que,dans le syndrome hépatorénal, l’administration d’un ana-logue de la vasopressine (terlipressine), à la dose de 0,5-2 mg/4 heures jusqu’à obtention d’une réponse optimale,associée à la perfusion d’albumine, puisse permettre unereprise ou une amélioration de la diurèse, une baisse de lacréatininémie, une élévation de la pression artérielle systé-mique et une amélioration de la survie (33). Les agonistesde la vasopressine entraînent une vasoconstriction splan-chnique chez le cirrhotique, permettant une redistributionsystémique y compris rénale du débit sanguin, améliorantainsi la perfusion rénale et le débit de filtration gloméru-laire. Il n’a pas été rapporté de complication ischémiqueavec la vasopressine dans cette population (33). En posto-pératoire également, le concept d’optimisation hémodyna-mique n’a aucune valeur chez ces malades (33).

TRANSMISSION NOSOCOMIALE DES HÉPATITES VIRALES

Épidémiologie

On a pu établir une transmission nosocomiale des VHBet VHC qu’après exposition cutanée ou muqueuse à dusang, à des produits dérivés du sang et à des liquides bio-logiques provenant de sujets sérologiquement positifspour l’HBsAg ou l’ARN du VHC (2, 3, 38-43). La règledite « des trois » diffusée par Lauer permet d’évaluer lerisque de transmission des hépatites virales et du VIHaprès une piqûre contaminante (3). Les VHB, VHC, etVIH seront transmis chez 30 %, 3 %, et 0,3 % des patientsexposés, respectivement (3). Ces chiffres dépendent dela taille de l’inoculum et de l’aiguille (3). La chirurgie,l’anesthésie et les soins intensifs sont des circonstancesqui exposent au risque de transmission nosocomiale deshépatites virales (38-43). Une étude récente conduite auxPays-Bas a montré que du sang avait souillé 33 % des pré-lèvements effectués dans les salles d’opération, incluantles moniteurs de pression artérielle, les oxymètres depouls, les respirateurs, les lames et les poignées des

laryngoscopes (44). Les infirmières, les médecins, leschirurgiens (et donc les anesthésistes) ont souvent étécontaminés par les VHB et VHC après exposition à desproduits sanguins (38, 39, 42). Inversement, des prati-ciens ont aussi contaminé des patients (42). La transmis-sion des hépatites virales de patient à patient aégalement été établie (40, 41). On a rapporté des fac-teurs favorisants contre lesquels il faut lutter :

– le stockage des aiguilles et bistouris usagés dans uncontainer excessivement rempli, avec des aiguilles quidépassent du container ;

– le recapuchonnage des aiguilles après usage ;

– l’absence de gants pour manipuler les liquides biologiques.Les gants diminuent la taille de l’inoculum en cas de blessure ;

– la stérilisation imparfaite du matériel ;

– le matériel sorti à l’avance de son enveloppe et souillé pardu sang ;

– l’utilisation des mêmes gants pour plusieurs patients ;

– l’utilisation de flacons multidoses sans respect des règlesd’utilisation (40, 41, 44).

Notons finalement que la couverture vaccinale a été reconnueinsuffisante dans de nombreux pays industrialisés (34).

PréventionDans tous les pays industrialisés, des « précautions stan-dards de santé publique » que doivent respecter tous lesmembres du secteur sanitaire pour tous soins, dispensésà tous malades, quel que soit leur statut sérologique vis-

Tableau 3Facteurs associés à un mauvais pronostique dans l’étude de Ziser et coll. (12).

Facteursde risque

Morbidité(%)

Mortalitéà 30 jours

(%)

Mortalitéà 6 mois

(%)

Score de Pugh : 7 à 10 42 15 31

Ascite 48 20 39

Créatininémie élevée 42 21 36

Pneumopathie chronique 41 18 29

Infection préopératoire 74 49 60

Hémorragie digestive haute 70 12 23

ASA 4-5 68 32 52

Chirurgie majeure 39 12 23

Pression artérielle peropératoire basse

45 15 26

Cirrhose cryptogénétique 33 14 24

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 3206

à-vis des maladies infectieuses transmissibles, ont été dif-fusées afin de limiter le risque global de transmission desmaladies infectieuses dans les centres de soins (46, 47).La vaccination contre le VHB est sûre, immunisante, effi-cace et obligatoire pour tous les travailleurs de la santé(2, 45). Le matériel à usage unique ne doit pas être réu-tilisé (2, 3, 48-50). Les valves unidirectionnelles suscepti-bles de limiter le contact avec le sang doivent êtreutilisées autant que possible pour toute administrationintraveineuse (46, 47). Le déconditionnement anticipéde tout dispositif ou médicament doit être proscrit (28).Toute surface, matériel, mur et table susceptibles d’avoirété en contact avec des liquides biologiques doivent êtrenettoyés de façon optimale en suivant les procéduresréglementaires (44, 46, 47, 50). Les matériaux coupantsdoivent être stockés dans des containers étanches, sta-bles, ne pouvant pas se vider s’ils se renversent et lais-sant facilement voir le niveau supérieur de remplissage(49). Les matériaux réutilisables doivent être nettoyés,désinfectés et rincés à l’eau stérile afin de détruire toutesles bactéries, spores et virus (44, 50).

Une atteinte cutanée exposant au risque d’inoculation doitêtre lavée abondamment à l’eau courante, au savon puis

avec un antiseptique (46, 50). La traçabilité impose pourchaque sujet exposé de localiser l’origine du matérielsource en cause (47). Dans le cas d’un contact avec unproduit souillé par du sang, il faudra déterminer dans les48 heures au maximum le statut sérologique de l’individuexposé et de l’individu potentiellement source de conta-mination vis-à-vis des hépatites virales (Tableaux 4 et 5)(2, 3, 22). Si le sujet source est infecté par le VHB, le sujetpossiblement contaminé devra recevoir des immunoglo-bulines anti HBs et la vaccination devra être débutée dansles huit jours s’il n’est pas vacciné ou si son taux d’anti-corps anti HBs est inférieur à 10 UI/l (2, 3). Tout sujetchez qui une infection récente par le VHB a été démon-trée, par la détection de l’antigène HBs ou des IgM anti-HBc ou une réplication virale persistant 8 jours après l’ino-culation, doit être évalué dans un service d’hépatologiespécialisé afin de décider de l’opportunité d’un traitementantiviral prophylactique (Tableau 4) (2, 3, 18). Une expo-sition au VHC doit faire rechercher des anticorps anti VHC3 et 6 mois après le contact source (Tableau 4) (3, 47). Sion détecte de l’ARN du VHC chez le sujet exposé, un trai-tement spécifique sera également discuté (Tableau 5)(3, 47).

Tableau 4Risque de transmission nosocomiale de l’hépatite à virus VHB.

Statut sérologique vis-à-vis du VHB du sujet exposé

Antigène HBs négatif chez le sujet source

Antigène HBs présent ou inconnu

chez le sujet source

Précédemment infecté par le VHB et guéri(Anticorps anti-HBs présents)

Pas de risque de contamination par le VHB Pas de risque de contamination par le VHB

Vacciné et réponse immunologique au vaccin(Anticorps anti-HBs > 10 UI/l)

Pas de risque de contamination par le VHB Pas de risque de contamination par le VHB

Vacciné et réponse immunologique faible au vaccin(Anticorps anti-HBs < 10 UI/l)

Pas de risque de contamination par le VHB La contamination par le VHB est possible

Infection par le VHB et/ou vaccination incertainePas de vaccination

Pas de risque de contamination par le VHB La contamination par le VHB est possible

Pas d’infection par le VHB antérieurement Pas de risque de contamination par le VHB La contamination par le VHB est possible

Porteur chronique de l’antigène HBs Consultation d’hépatologie rapidement

Tableau 5Risque de transmission nosocomiale de l’hépatite à virus VHC.

Statut sérologique vis-à-vis du VHC du sujet exposé

Sujet source : Anticorps anti-VHC négatifsNon utilisateur de drogue IV

Pas immunodéprimé.

Sujet source : Anticorps anti-VHC positifs ou inconnus

Sujet source : Pas d’anticorps anti-VHC Utilisateur de drogue IV

Immunodéprimé

Anticorps anti-VHC négatifs Pas de risque de transmission La transmission est possible La transmission est possible

Anticorps anti-VHC positifs Si le sujet exposé ne sait pas s’il est porteur d’anticorps anti-VHC, il doit être adressé dans un centre d’hépatologie

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Tirés à part : C. LENTSCHENER,Département d’anesthésie-réanimation,

Université Paris V-René Descarte,Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques,

75679 Paris Cedex 14, France.