Histoire Des Institutions Publiques

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HISTOIRE DES INSTITUTIONS PUBLIQUES 1er SEMESTRE 2007 INTRODUCTION Le droit est un produit de lhistoire. Le principe de la prsomption dinnocence a t rdig entre 1317 et 1324 dans La trs ancienne coutume de Bretagne. Il sagit dun recueil coutumier, donc de droit, qui servait aux populations locales pour vivre au quotidien. On y trouve des rgles de procdures civiles et criminelles, de droit de la famille et de succession ( lpoque du rgne des fils de Philippe le Bel). Mais ce passage nest quune transition dun principe plus ancien issu du droit romain. Les rdacteurs ont consult le code de Justinien (rdig en 534 Byzance). Les rgles que contiennent les codes sont parfois plus anciennes que les codes eux-mmes. Certaines rgles encore actuelles ont plus de 20 sicles. Institution : rgle tablie par le droit, par une communaut donne pour rgir son code social. tat : nation organise soumise un gouvernement et des lois communes, dans le cadre dun territoire donn sur lequel sexerce lautorit dune personne morale de droit public. Cette entit abstraite et juridique se place au-dessus des personnes physiques. Aspect physique : le gouvernement. Aspect abstrait : esprit des institutions, droits et devoirs. Ce nest quau 16e sicle que lon commence parler dEtat franais. Le vocable France napparat lui quau 9e sicle. Au 9e sicle a lieu un partage territorial entre les petit-fils de Charlemagne. Lun deux reoit une partie nomm Francia Occidentalis en 843. Ce nom ne dsigne cependant que le territoire des Francs . Ce nest encore quune notion territoriale et politique, pas un Etat. Avant, on parlait de la Gaule ou des Gaules. PARTIE 1 LES ORIGINES (du 1er au 10me sicle)

Priode de gestation lente du droit et des institutions qui se divise en deux : La fin de lAntiquit, du 1er au 5me sicle, de la conqute romaine jusquaux invasions germaniques. Lpoque franque durant laquelle les Francs sinstallent au Nord de la Gaule (= Haut Moyen-ge), du 5me au 10me sicle, de lavnement de Clovis (481) la chute des Carolingiens (987).

TITRE 1 LA GAULE, DE LINVASION ROMAINE AUX INVASIONS BARBARES Avant les Romains, la Gaule tait habite par des peuples formant une civilisation brillante. La Gaule apparat, dans les sources historiques, la fin du 7me sicle avant J-C. cette poque, les Grecs commencent coloniser les rivages de la Mditerrane. Ils sont motivs par le commerce, quils veulent efficace (les gographes essaient de connatre au mieux les populations des terres o ils sinstallent). En arrivant en Provence, ils trouvent un peuple quils vont appeler Keltoi (=les Celtes). Les termes de Gaule et de Gaulois sont Romains, donc plus tardifs. Dans la guerre des Gaules, Csar parle des Celtes (= Gaulois dans sa langue). Les Celtes peuplent la Gaule depuis des sicles larrive des Romains. Les Celtes sont composs de : les Arvernes, les Allobroges et les Voconces notamment, dans le centre et le sud de la Gaule. Ces peuples sont indpendants mais vivent en bonne entente. On ne les connat que grce aux tmoignages littraires et archologiques. Cette civilisation est trs varie selon les lieux et les poques, mais aussi riche. Il y a des traits communs entre ces peuples sur les plans culturel, social et institutionnel. Sur le plan culturel, les Celtes forment une communaut linguistique grce des langues relativement proches. Le tronc commun ses langues a donn naissance au Breton et lIrlandais. Il existe aussi des habitudes religieuses relativement similaires : le druidisme (druides=guides spirituels). Les Celtes ont aussi tous subi linfluence des Grecs. Marseille a t colonis en -600. Avant la conqute romaine, les Celtes parlaient aussi le Grec. Les Celtes avaient dj une culture hellnique (comme les Romains), les Romains venaient donc en terrain favorable. Sur le plan social, les socits celtes se divisent en 3 groupes : la noblesse, les clients et les druides. Lunit de base de la socit cest la famille. Plusieurs familles forment un clan. Plusieurs clans, une tribu. Il existe aussi une aristocratie do sont issus les chefs de tribus. Les druides sont plus que des prtes, ils sont aussi des juges, des arbitres lors des conflits entre les clans et les tribus. Sur le plan institutionnel, les civilisations celtes sont relativement similaires. Les Celtes taient urbains. Les villes taient organises autour dun oppidum (place forte) constituant un centre conomique et politique. La cit de Rome apparat environ au 7e sicle avant J-C. Lors du 4e sicle avant JC, les Celtes sinstallent au Nord de lItalie. Les confrontations avec les Romains poussent ces derniers sintresser aux Celtes et essayer de mieux les connatre. Ils distinguent deux Gaules : la Gaule Transalpine et la Gaule Cisalpine.

Au 3e sicle avant J-C, Rome est matresse de lItalie. Rome sattaque aux Celtes de la Gaule Cisalpine. En un sicle, ces Celtes installs en Italie sont soumis. La Gaule Cisalpine devient une province romaine. la fin du 3e sicle avant J-C, Rome est matresse de toute lItalie, lEspagne et la Mditerrane (aprs la victoire contre Carthage en -202 qui marque la fin de la 2me guerre punique). la fin du 3e sicle avant J-C, la Gaule Transalpine est en bullition : un autre peuple la menace par le Nord, le peuple germain. Ils sinstallent en Gaule Transalpine. Pour les Romains, les Germains sont hostiles et sauvages. Ils dcident donc daider les Celtes. La Gaule va tre colonise par Rome pour faire face aux barbares. La conqute des Gaules commence au 2e sicle avant J-C. Les Romains conquirent le sud de la Gaule (la faade mditerranenne, acheve en -178). Au dbut du 1er sicle avant JC, la Gaule Transalpine est une province romaine, elle est dote dun gouverneur (Fonteius, en -70). Les changes entre la province transalpine et lItalie se multiplient. Laristocratie gauloise se romanise, certains acquirent mme la citoyennet romaine (assimilation par les lites). La Transalpine fait figure de barrire pour scuriser la Mditerrane. En -58, Csar pense que cette barrire ne suffit pas. La conqute de toutes les Gaules jusquau Rhin commence. Csar et ses lgions quittent la Transalpine et conquirent la Gaule chevelue de -58 -50. En -52, Csar parvient soumettre Vercingtorix lors de la bataille dAlsia. Le troisime temps de la conqute romaine est men bien par les empereurs romains Auguste et Tibre qui soumettent le Nord de la Gaule (=la Germanie). Mme aprs la conqute globale de la Gaule, des troubles subsistent sur la frontire du Rhin. Les Romains doivent maintenir des troupes. Rome tablie des places fortes qui vont devenir des villes consquentes : Cologne, Mayence et Trves. Pour fortifier sa conqute, Rome dresse un mur, le limes qui spare Rome des terres pas encore conquises. Entre la conqute de Rome et son effondrement, on peut distinguer deux temps. Tout dabord, la Gaule simprgne de culture latine (=romanisation) du 1er au 3e sicle. Elle est intgre juridiquement lEmpire. Puis, partir du milieu du 3e sicle ont lieu deux bouleversements profonds : lpanouissement du christianisme qui modifie profondment le visage de la Gaule romaine et le dbut des invasions barbares qui provoquent des mutations institutionnelles majeures. CHAPITRE 1 LA GAULE DANS LEMPIRE ROMAIN

Malgr la conqute, la Gaule est toujours occupe militairement par les Romains. Prsence militaire troite qui se traduit par des pillages et des humiliations. Mais les armes romaines sont porteuses de la pax romana (=paix romaine) et les lgions sont ambassadrices de la civilisation romaine. Des mutations physiques ont lieu :

dveloppement du systme routier, stimulation de lconomie locale ainsi, le tissu urbain se dveloppe. La Gaule a aussi un statut officiel au sein de lEmpire, elle sinsre dans le systme imprial romain et reoit une administration importante. SECTION 1 LE SYSTME IMPRIAL ROMAIN

Lorsque la Gaule chevelue est conquise, Rome est encore une rpublique. La cit de Rome est gouverne par une oligarchie qui est divise par des factions. Le systme rpublicain est en crise, la Rpublique sur le dclin. Csar a compris que le systme politique romain tait dcadent, il a essay de le transformer en monarchie (chec). Octave, lui, russit et devient Auguste. Malgr cela, la monarchie romaine a conserv pendant plus de deux sicles un caractre hybride. Elle ne deviendra absolue quau 3e sicle. A Le passage de la Rpublique lEmpire En -44, Csar est au sommet de sa gloire, il parvient se faire nommer dictateur vie ce qui choque les snateurs. Csar est assassin. Sa succession oppose Marc Antoine (lieutenant de Csar) et Octave (petit-neveu et fils adoptif de Csar). Octave lemporte en -31 Axiome lors dune bataille navale. Octave va se montrer habile pour fonder sa monarchie. Il ne va pas se faire attribuer tous les pouvoirs. Il se contente du pouvoir appel auctoritas. Cest le pouvoir principal, cest la premire fois quun seul homme lobtient. Cela lui permet daugmenter la valeur juridique des actes juridiques de la cit. Il nest pas suprieur un magistrat mais il peut leur passer au-dessus grce lauctoritas. Ctait un pouvoir dvolu au Snat et aux pres de famille. Octave pourra donc relever ce qui a t fait pour le rendre parfait. Il devient Augustusut , celui qui dtient lauctoritas, et fonde une monarchie sans modifier les institutions. la suite dAuguste, ses successeurs vont accentuer le caractre monarchique des institutions romaines. Le pouvoir imprial va devenir hrditaire. Au commencement de lEmpire romain, linvestiture du peuple et du Snat est ncessaire. partir du 2e sicle, lhrdit simpose et suffit. Le Snat et le peuple nont plus quun rle formel. Les descendants dAuguste se succdent jusquen 68. Viennent ensuite deux dynasties : les Flaviens et les Antonins qui vont renforcer le rgime monarchique. LEmpereur Hadrien de la dynastie des Antonins, qui rgne de 117 138, met en place une administration impriale qui a des rpercutions sur lensemble des provinces. Au dbut du 3e sicle, la dynastie des Svres arrive au pouvoir, elle fait disparatre les dernires traces de la Constitution rpublicaine.

B Lavnement dune monarchie absolue Avec les empereurs de la dynastie des Svres, lEmpire devient une monarchie militaire absolue. Au 3e sicle, cest lapoge de la science juridique romaine. Les Svres utilisent les juristes pour fonder leur pouvoir. cette poque, les juristes romains forgent des maximes, des formules qui seront reprises ensuite mme au-del de Rome, aprs Rome par tous les absolutistes. Le juriste le plus connu est Ulpien : quod principi placuit legis habest vigorem (=ce qui plait au prince force de loi), princeps legibus solutus (=le prince est dli des lois). Ces deux maximes fondent le pouvoir lgislatif de lEmpereur. Grce ces deux maximes, il dtient alors dimmenses pouvoirs : chef de larme (dcide du recrutement, larme lui jure fidlit), peut accorder des dits valeur gnrale qui sappliqueront dans tout lEmpire, peut rendre la justice dans tous les domaines en 1re instance comme en appel, nomme les snateurs (qui chappaient son recrutement). Cependant partir du 3e sicle, lEmpire ne devient pas un tout uniforme. Malgr la monarchie absolue, lEmpire romain nest jamais devenu un tat. C - Labsence dune relle unit tatique jusquau 3me sicle son apoge, Rome couvre tout lOccident connu et une partie de lOrient. Malgr cela, lEmpire romain ne constitue pas un Etat au sens juridique : il ne possde pas dunit juridique et na jamais connu de personnalit morale. On peut considrer que trois sphres cohabitaient : la cit de Rome (seule unit juridique cohrente et homogne, seuls ses habitants sont citoyens romains), les provinces situes en Italie qui ont t les plus anciennement conquises qui profitent de privilges particuliers (droit italique ou ius latii), enfin, viennent les colonies (dont la Gaule, les Gaulois ne sont donc pas considrs comme citoyens romains). Cependant les lites de la Transalpine ont obtenu la citoyennet (exception). SECTION 2 LE STATUT DE LA GAULE DANS LEMPIRE ROMAIN

La Gaule est une province romaine ce qui sous-entend une administration particulire : cette administration est centre autour de la ville. A Un statut provincial Aprs la conqute, les Romains ne se posent pas de question et font de la Gaule une seule immense province. Ils se rendent compte que cela est impossible

administrer. En -27, intervient une rforme qui dmembre limmense province gauloise en 4 : lancienne Gaule Transalpine qui devient la Narbonnaise, la Lyonnaise et lAquitaine au centre, et la Belgique au Nord. Ces 4 provinces nont pas le mme statut. La Narbonnaise, en raison de son anciennet, est gre par le Snat qui mandate un magistrat appel le proconsul dans la capitale, Narbonne. Les autres provinces (les 3 Gaules) dpendent directement de lEmpereur qui nomme un lgat. Chacune delle a aussi un gouverneur qui rside Lyon, Reims et Sainte (puis Bordeaux). Lyon obtient un statut particulier de capitale fdrale (carrefour des Gaules) des 3 Gaules. Lyon devient un centre administratif et religieux. Les 2 provinces de Germanie sont gres et gouvernes par des magistrats (les lgats consulaires) qui sont avant tout des chefs militaires (menace dinvasion trangre). Les capitales administratives des 2 Germanie sont Cologne et Mayence. B Ladministration des provinces gauloises Ladministration romaine en Gaule a t une russite marquante, ce qui explique pourquoi Rome a pu autant marquer les populations. Chacune des provinces gauloises a une administration autonome place sous la direction du gouverneur. ct existe un autre magistrat, le procurateur. Enfin la 3e institution est le Conseil des Trois Gaules. Ces 3 institutions expliquent la russite romaine de son administration. 1) Les gouverneurs Le gouverneur est le reprsentant de lEmpereur, il doit administrer la province et rendre la justice au nom de lEmpereur. Leurs comptences judiciaires sont trs tendues. En 1re instance, ils connaissent toutes les causes capitales. En appel, ils jugent des autres affaires qui sont tranches par les magistrats des cits de la province en 1re instance. Les gouverneurs remplissent aussi des fonctions policires. Ils commandent les troupes de la province et sont chargs du maintien de lordre. En ralit, les gouverneurs ne peuvent pas appliquer ces pouvoirs considrables (territoire trop vaste, personnel pas assez nombreux). Pour que son administration soit efficace, il doit dlguer ses attributions aux notables gaulois ((succs). Les notables gaulois ngocient des avantages. En faisant collaborer les lites, les Romains parviennent imposer la paix romaine. 2) Les procurateurs

Ils ont un rle fiscal, ils sont chargs de la rcolte de limpt et sont indpendants des gouverneurs. Le tribut est acquitt par les peuples conquis alors que le cens est limpt traditionnel romain. Ils sont chargs de la gestion et de ladministration des proprits de lEmpereur romain. Cest donc plus quun simple subalterne, cest un rouage essentiel de ladministration de la Gaule conquise. Les procurateurs et les gouverneurs ne suffiraient pas la bonne administration de la Gaule conquise, il faut aussi que les peuples conquis acceptent la domination romaine. 3) Le Conseil des Trois Gaules Il a prioritairement une mission religieuse. Il a t mis en place en -12 par Drusus qui tait le fils adoptif dAuguste. Son but est de fdrer les 3 Gaules et de prparer, par cette fdration, la conqute de la Germanie. Ce conseil est reprsent physiquement par un autel install Condate juste ct de Lyon. Cet autel a pour vocation dasseoir le culte imprial mais aussi de mnager la susceptibilit des Gaulois. On trouve gravs sur lautel les noms des 60 cits qui composent la Gaule conquise. Les crmonies du culte ont lieu chaque anne au dbut du mois daot et lors de cette crmonie annuelle, les notables des 60 cits gauloises se dplacent pour honorer lEmpereur et pour lire un reprsentant pour un an : le prtre de Rome et dAuguste (=le Sacerdos Romae Augusti). Ce prtre organise des jeux qui, chaque anne, commmorent la runion du mois daot. Le conseil des 3 Gaules nest pas seulement une manifestation religieuse et sportive, mais remplit aussi un rle politique trs important : il peut formuler des avis sur la gestion des gouverneurs et des procurateurs. Ce conseil a servi de modle pour les provinces voisines. LEmpereur romain Vespasien dote ainsi la Narbonnaise dune assemble identique qui sige Narbonne. Le C3G favorise le culte de lEmpereur et par consquent, il procde dun mouvement plus vaste qui se caractrise par laffaiblissement des anciens cultes celtes. Les Romains se sont attachs lutter trs tt contre le druidisme. Les Romains naimaient pas les druides car ils ont pu, par moments et par endroits, mettre en place certaines tentatives de rvolte et certains pratiquaient les sacrifices humains, vus dun trs mauvais il. Les sacrifices pratiqus par les druides sont interdits par les empereurs Auguste et Tibre et la conqute de la Bretagne. Sous le rgne de lEmpereur Claude, le druidisme va rentrer dans la clandestinit. Au cours du 1er sicle, grce au C3G, le culte de lEmpereur se rpand dans lensemble des 3 Gaules, cest donc un puissant facteur de romanisation et cela permet de maintenir la coopration institutionnelle gauloise. Rome peut simplanter en Gaule grce ces trois institutions mais aussi en utilisant le droit comme facteur dintgration.

C Limportance des institutions urbaines en Gaule Ds le 1er sicle, Rome encourage lurbanisation de ses provinces. Pour Rome, la ville constitue un puissant relais du pouvoir. La justice y est rendue et cest aussi dans la ville que lon peut maintenir lordre public. Cest dans la ville que lon tient ltat-civil et que lon fait connatre les dcisions de lEmpereur. Cest aussi un foyer culturel et les lites (romaines et dorigine gauloise) sy regroupent pour briguer les magistratures. Ce sont les charges publiques qui permettent la direction des villes. Elles permettent aussi daccder la citoyennet romaine. La ville cristallise aussi les activits conomiques et qui favorisent ainsi la sdentarisation des populations. En Gaule, comme dans les autres provinces de lEmpire, ce sont les villes, aprs la chute de Rome qui vont transmettre lhritage romain au Moyen-ge. 1) Les villes prgrines Ce sont des villes qui existaient avant la conqute, parfois elles sont postrieures la conqute. Elles sont peuples de prgrins, cest--dire dtrangers. Elles vivent selon leurs institutions traditionnelles et ne connaissent pas le droit romain. Sous la Rpublique et au commencement de lEmpire, on trouve ainsi beaucoup de cits quon appelle des cits libres qui ne sont que des allies de Rome, elles conservent leurs institutions (leur lgislation, leurs magistrats, leur monnaie et leur arme). Ces cits nont aucune obligation (financire) vis--vis de Rome, si ce nest de lui rester fidle. Parmi les villes prgrines, certaines sont des villes fdres, elles conservent une autonomie mais ont des obligations vis--vis de Rome, elles doivent lui fournir des contingents militaires. Enfin dautres cits prgrines sont des cits stipendiaires qui acquittent le stipendium, tribut particulirement lourd qui permet de marquer leur condition de vaincues. Les Romains ont accord ces diffrents statuts en fonction de la rsistance des cits. Les prgrins, quils soient libres, stipendiais ou fdrs, ne sont pas citoyens romains et ne peuvent donc pas se prvaloir du droit romain. Mais dans leur rapport avec les Romains, ils profitent dune protection juridique. Ils disposent dun statut dhte des Romains, ils profitent alors dune institution appele hospitium. Grce cet hospitium, les prgrins peuvent se marier avec des Romains et peuvent utiliser des actes juridiques romains ncessaires au commerce. Les villes prgrines restent relativement en marge du monde romain du point de vue juridique

2) Les cits ayant un statut romain Ces villes sont principalement situes dans la Narbonnaise mais aussi dans les 3 Gaules. Elles peuvent avoir 3 statuts : elles peuvent tre des colonies, municipes latins ou des colonies honoraires. Les colonies sont des villes formes aprs la conqute de manire relativement artificielle, puisquelles ont t formes par linstallation des vtrans (soldats qui ont effectu la conqute) de larme romaine. Ce sont des villes totalement nouvelles peuples de citoyens romains. Les autochtones deviennent aussi des citoyens romains. La citoyennet est attache au statut de colonie. Ces colonies sont le prolongement de la cit romaine et on y vit comme Rome (mmes rgles et mmes institutions). Les municipes latins sont des villes de prgrins et appliquent le droit latin. Les municipes latins se multiplient ds le 1er sicle avant J-C. Le droit latin, dont on a retrouv trace surtout du droit public, est relativement mal connu. On sait du droit latin que lon peut devenir citoyen romain en grant une magistrature, on sait galement que dans les municipes, deux magistrats (=duumvirs) disent le droit et soccupent de la police des cits. Ces duumvirs sont lus par lassemble des habitants et vont sasseoir dans le Snat local, aprs leur mandat, o ils deviennent des dcurions. Il arrive que ces municipes soient transforms par Rome en colonies honoraires, elles appliquent alors le droit romain. Municipes et colonies favorisent lmulation, la formation des lites et, terme, la romanisation. Les lites travaillent tellement pour que leur ville devienne des colonies que tous ces statuts diffrents deviennent inutiles. 3) Ldit de Caracalla et ses consquences Dans lEmpire romain, cet dit va simplifier grandement lapplication du droit. Il sera plus simplement compris et va donc se diffuser encore plus facilement. a) La porte de ldit Ldit est pris en 212 par lEmpereur romain Caracalla, il constitue un aboutissement de la politique dintgration de Rome vis--vis des territoires conquis. Je donne tous les prgrins, qui sont sur la Terre, le droit de cit romaine, tout genre de cit demeurant, exception faite pour les dditices. Le principe gnral de ldit a une porte considrable, il signifie que tous ceux qui taient trangers sur le sol de lEmpire profiteront dornavant de la citoyennet romaine. Il subsiste malgr tout deux exceptions. Tout dabord, Caracalla dit tout genre de cit demeurant , ce qui signifie que tous les statuts urbains sont maintenus. Lintrt est que les populations

peuvent continuer vivre selon leurs habitudes. Cest une manire de reconnatre la spcificit des cits. Ensuite, le texte dit exception faite des dditices ce qui signifie que certains sont privs de la citoyennet romaine. Le mot dditice concerne trois catgories dindividus : quelquun qui fait partie dun peuple vaincu auquel Rome na accord aucun statut, un esclave qui aurait t affranchi sans respecter les conditions lgales, et tous ceux qui vont sinstaller dans lEmpire aprs ladoption de ldit de Caracalla. Cest donc un dit qui ne dispose que pour le prsent, et pas pour lavenir. LEmpereur a pris une telle dcision, probablement pour des raisons fiscales puisque tous les citoyens doivent sacquitter du cens mais aussi dans le but dunifier les statuts juridiques des habitants de lEmpire. Cest une reconnaissance lgale dune situation de fait : le succs de la romanisation. b) Les consquences de ldit de Caracalla Dsormais, tous les habitants de lEmpire peuvent utiliser le ius civile cela provoque une harmonisation de la pratique du droit au 3e sicle. ??? Ldit de Caracalla a vocation unifier mais se heurte encore aux particularismes locaux. En thorie, au 3me sicle, lEmpire romain est unifi et prsente une harmonie manifeste ainsi quune pax romana triomphante. On pourrait alors croire que lEmpire romain est l pour durer, mais partir du 4e sicle, lEmpire romain va connatre des puissants bouleversements lis la monte dune nouvelle religion (le christianisme) et la pression croissante des barbares aux frontires de lEmpire. CHAPITRE 2 LE CHRISTIANISME DANS LA GAULE ROMAINE

Pour un Romain, le christianisme est une religion orientale. Il nat dans le royaume juif contrl par les Romains et immerg dans la culture grecque. Au dpart les Chrtiens sont des petits groupes isols plutt que des communauts organises. Trs vite cependant, les textes grecs dsignent les communauts chrtiennes par le terme grec ecclsia . Lecclsia, dans la langue grecque, cest lassemble des citoyens dune cit, comme Athnes. Ds lorigine, les communauts chrtiennes sont plus que des groupes structurs, elles prsentent une conscience politique et trs vite, les glises locales sorganisent. Les premires se structurer sont des glises orientales Antioche, Damas, Cesar puis elles gagnent lOccident Corinthe,

Smyrne puis finalement Rome. Leurs institutions se dessinent et vont commencer attirer la mfiance puis la haine des populations romaines. SECTION 1 LIMPLANTATION DU CHRISTIANISME EN GAULE

Lorsquil apparat en Gaule, le Christianisme se dote de rgles de fonctionnement, il dfinit en son sein une hirarchie des responsabilits. Cette structure, cette communaut organise rentre rapidement en conflit avec lidal imprial romain. LEmpire commence par ragir violemment avant de choisir, contraint et forc, de labsorber. A Les premires communauts chrtiennes de Gaule Jusquau 3e sicle, lvanglisation de la Gaule a t lente. Aux 4e et 5e sicles, le christianisme gagne beaucoup de terrain. cette poque, la reconnaissance officielle du christianisme par lEmpire romain, permet une progression beaucoup plus rapide. Les premires rgions christianises sont la Lyonnaise et la Narbonnaise. Comme Rome, les premiers Chrtiens viennent dOrient, ils sont de langue et de culture grecques. Par les textes, la prsence des premiers Chrtiens de Gaule est atteste au 2e sicle. La premire glise chrtienne apparat Lyon. Le premier vque, en 177, Pothin aurait t martyris (son existence na jamais t prouve). En revanche, son successeur Irne est un personnage historique, cest un jeune prtre originaire dAsie mineure et il est connu comme tant celui qui a vanglis la Bourgogne. Au 3e sicle, les communauts chrtiennes se multiplient. Au milieu du 3e sicle, Reims possde ainsi un vque. Mais pendant un demi-sicle, les Chrtiens ne sont quen sursis, entre deux priodes de perscution. On compte en effet une perscution particulirement violente dans les annes 257-258, organise par lEmpereur romain Valrien. Une autre grande perscution a lieu en 303, organise par lEmpereur Diocltien. Les communauts se multiplient mais ont peur de la perscution : elles se dveloppent dans la clandestinit. Cela nempche pas la progression du christianisme. Au 3e sicle, Toulouse est vanglise et le mouvement dexpansion ne sarrtera pas. Au fur et mesure que le christianisme gagne du terrain, simplante, gagne des fidles, il sorganise. B Lorganisation des premires communauts chrtiennes Ds lors quils vivent en communaut, les Chrtiens se dotent de meneurs qui sont qualifis lorigine de docteur, de prophte, dvangliste ou pasteur. la fin du

1er sicle, un terme apparat et se dgage dans les textes chrtiens : lac qui vient du grec laicos signifiant peuple . Trs vite, dans toutes les communauts chrtiennes, ce terme est utilis pour dsigner le commun, lordinaire, lhomme ordinaire, par opposition tout ce qui relve du sacr. Au 2e sicle, un deuxime terme apparat qui va sy opposer : clerc (=ordre). Cest lbauche dune premire hirarchie originelle qui va, par la suite, se complexifier. 1) Les lacs et les clercs Si les Chrtiens distinguent si tt le clerc du lac, cest pour une raison fonctionnelle. Chaque Chrtien remplit une fonction prcise, dans les communauts chrtiennes. Tous les Chrtiens participent la liturgie cest--dire la clbration du culte. Mais certains exercent des fonctions de responsabilit dans la liturgie qui les distinguent des autres Chrtiens. Au 3e sicle, la distinction entre ces deux termes est passe, dj, dans le droit de lglise. Un des pres de lglise, Tertullien laffirme ainsi en 220 : lautorit de lglise a tabli une diffrence entre lordre et le peuple . a) Les lacs Tout Chrtien est dabord un lac. Lentre dans la communaut des Chrtiens sopre au moyen du baptme. Les premiers textes qui parlent du baptme le comprennent comme une rgnration. Cest lacte religieux qui entrane la rminiscence des pchers, le pardon des fautes. Pour un juriste, le baptme est un rite dinitiation, qui introduit le bnficiaire dans la communaut chrtienne. Il est prcd dune priode dinstruction : le catchumnat. Le candidat est introduit au moyen dune crmonie particulire, il est introduit dans une piscine pour le purifier par leau, puis reoit certaines onctions. partir du 3me sicle, les Chrtiens commencent baptiser les enfants. Comme les enfants sont trop jeunes pour recevoir linstruction prcdant le baptme, il est accompagn de garants (parrain/marraine) qui font la profession de foi chrtienne la place de lenfant et laccompagne au cours de la crmonie. La pratique du baptme des enfants est gnralise dans tout lOccident partir du 6me sicle. Il permet donc lentre dans la communaut chrtienne et confre un statut particulier. Le lac se dfinit comme celui qui nest pas revtu de lordre. Cest quelquun qui nest pas ordonn, qui na jamais reu limposition des mains. ventuellement, un lac peut tre investi fonctions particulires dans sa communaut. Il les reoit par la parole et non par limposition des mains. Un clerc est donc ordonn alors quun lac remplissant certaines fonctions nest quinstitu. Il peut tre charg denseignement au sein des communauts chrtiennes, grer le patrimoine de sa

communaut et peut mme, parfois, participer llection dun vque. Mais jamais un lac ne reoit dordination. b) Les clercs Le terme clerc prend son sens dfinitif seulement au 4e sicle. Il vient du grec klros qui signifie hritage . En 394, St Jrme explique que les clercs sont appels ainsi parce quils appartiennent lhritage du seigneur. En 313, lEmpereur Constantin accorde aux clercs limmunit fiscale et dfinit les clercs comme ceux qui se consacrent au ministre religieux et au culte divin. Les clercs font juridiquement partie de lordre clrical et se dfinissent comme ceux qui ont reu une ordination. Lordination est un rite de conscration (pas dintronisation comme le baptme), cest toujours un vque qui y procde. Lordre que lon reoit est un acte indlbile. Le clerc, par son ordre, dtient toujours une fonction prcise dans la communaut. Pour tre clerc, il faut remplir certaines conditions : tre un homme, tre g (lge ncessaire dpend de la fonction, de la priode et des lieux), tre sain desprit et de cur. Il y a aussi une condition de foi et de moralit ce qui fait que les communauts chrtiennes se chargent denqutes pralables minutieuses. Il faut aussi tre libre (pas esclave). Une fois accord, le statut clrical comprend des obligations : il doit se raser la barbe, porter certains vtements. Ceux qui sont engags dans les ordres majeurs nont pas non plus le droit de se marier. Sil est mari avant son ordination mais il devra cesser toute relation conjugale. Le clerc doit aussi faire vux dune relative pauvret. Ces obligations sont accompagnes de certaines contreparties : Constantin les a exempt dimpt (313), au cours des 4me et 5me sicle, le privilge du for fait que les clercs ne dpendant plus de la justice sculire. Au sein des clercs, se dessine une hirarchie plus complexe. 2) Lesquisse dune hirarchie clricale La hirarchie au sein des clercs, commence se dessiner au 3e sicle et se fixe au 4e et 5e sicles. Dans cette hirarchie, on distingue les ordres majeurs des ordres mineurs. On trouve 3 degrs dans les ordres majeurs : les vques, les prtres et les diacres. Lvque est le chef de la communaut chrtienne, on lappelle episcopus . Il dispense le sacrement de lordre, il dtient un pouvoir de juridiction sur les membres de sa communaut. Il est souvent la tte dune vaste communaut qui dpasse souvent les murs de la ville dans laquelle il rside. Il ne peut donc pas assumer seul toutes ses fonctions, il a besoin daide surtout pour assurer le service de la liturgie. Par consquent, il est assist par les prtres. Les prtres clbrent les offices, ils confrent les baptmes et interviennent dans les

diffrentes glises du diocse. Ils se livrent aussi la prdication. Le rle du prtre va permettre lapparition au Moyen-ge des paroisses. En dessous des prtres, on trouve les diacres. Le diacre est un assistant, il est vou au service de lvque sur le plan administratif et liturgique. Les ordres mineurs ont vari selon les lieux et les poques. Parmi eux : les lecteurs, les acolytes et les sous-diacres. Tous remplissent des fonctions liturgiques. Ds le 3e sicle, le christianisme est hirarchis et fonctionnel. LEmpire romain prend alors peur et va donc essayer de le combattre. SECTION 2 DES PERSCUTIONS LA RELIGION DTAT

Ds son apparition dans lEmpire, le christianisme est perscut par Rome. Cest tonnant parce que dautres religions orientales nont pas fait lobjet de perscution, notamment le judasme. En ralit, les perscutions subies par les Chrtiens sexpliquent par la nature mme de la religion. A Les causes des perscutions lencontre les Chrtiens Dans les cits antiques, la religion revt un aspect particulirement important. Cest un lment essentiel de la vie politique, les dieux officiels de la cit apportent celle-ci le salut et la puissance : les dieux renforcent le pouvoir et le rendent sacr. Ainsi les cultes sont loccasion dassurer la loyaut des citoyens, la cohsion de la cit. Or le christianisme est trs diffrent des religions paennes comme la religion romaine. En effet, le christianisme na pas pour vocation de servir la cit terrestre, le Christ au contraire a tabli un partage strict entre les affaires religieuses et les affaires profanes. Dans lvangile de St Mathieu, le christ dit rendez Csar ce qui est Csar et Dieu ce qui est Dieu . Les Chrtiens veulent se dtacher du monde pour quitter les proccupations matrielles. Les paens, les Romains qui restent fidles la religion traditionnelle, ne comprennent pas cette indiffrence du Chrtien par rapport aux choses publiques. On voit donc apparatre des perscutions, des vexations, des humiliations au 1er sicle. Elles procdent surtout de la haine populaire et ne sont pas organises par lEmpire romain. Les Chrtiens cependant vont se raidir dans leur opposition et vont rejeter ostensiblement tous les cultes paens. Ils vont refuser de clbrer le culte de Rome et dAuguste et de sacrifier au culte de lEmpereur. Ils vont donc se tenir lcart de nombreuses fonctions publiques : les fonctions municipales, les fonctions de juge et de soldats. Leur attitude est juge intolrable, est assimile un trouble de lordre public et comme ils renient le culte imprial, ils sont accuss de crime de lse-majest. La lgende finit aussi de discrditer les Chrtiens. La rumeur et

lattitude du Chrtien font que les perscutions vont sintensifier. B La politique de perscution Au 3e sicle, lEmpire romain volue vers une monarchie militaire. LEmpereur romain a donc besoin de discipline, il assoit son pouvoir sur larme, il a besoin dun Empire unifi. Il va donc sen prendre aux Chrtiens qui, pour lui, menacent cette unit. Les perscutions deviennent systmatiques. Au milieu du 3e sicle, lEmpereur Dce propose dinstituer un sacrifice en place publie aux dieux de Rome. Ceux qui refusent (les Chrtiens) sont systmatiquement mis morts. Cela se traduit par des milliers de victimes dont le pape Fabien. Les perscutions de Diocltien ont lieu au dbut du 4e sicle (304), le culte chrtien est officiellement interdit. Les glises sont dtruites, les biens du clerg sont confisqus et les clercs sont jets en prison. Cette perscution est un paroxysme mais aussi une vaine tentative pour extirper le christianisme. Malgr tous leurs efforts, les Romains constatent leur chec et en 312, Constantin se convertit au christianisme. partir de cette date, les perscutions cessent et bientt le culte chrtien va tre reconnu officiellement par lEmpire romain. C La reconnaissance du christianisme Cette reconnaissance va seffectuer en deux tapes : dabord Rome va admettre lexistence de la religion chrtienne puis elle reconnat la religion chrtienne comme religion dtat. 1) La licit du culte chrtien reconnue par Constantin En 312-313, Constantin se runit avec lEmpereur dOrient Licinius, les deux empereurs romains. Ils tiennent une srie de confrences Milan, qui aboutit la reconnaissance du culte chrtien. Le culte chrtien devient une religion licite. Cest ldit de Milan. Les biens confisqus pendant les perscutions sont restitus aux glises chrtiennes et une politique de tolrance gnrale sinstaure dans lEmpire. Rapidement, lEmpire romain ne se contente pas de la tolrance, elle se transforme en un rgime de faveurs. Constantin notamment reconnat aux vques un pouvoir spcial, le pouvoir de juridiction. Il reconnat lexistence de tribunaux ecclsiastiques. Laboutissement de la politique de faveurs au bnfice du culte chrtien dbouche en 380 sur ldit de Thessalonique (en Grce). 2) Ldit de Thessalonique

Il intervient en 380 par lempereur romain Thodose I, son nom est un programme car Thodose signifie consacr Dieu . Il fait en sorte, par son dit de reconnatre et dinstituer le christianisme comme seule religion officielle de tout lEmpire (orient et occident). Cest un pas supplmentaire franchi par rapport ldit de Milan. LEmpire abandonne sa politique de neutralit, il fait le choix dun culte parmi tous les autres. Les anciennes religions se maintiennent, mais elles sont condamnes. Les pratiques paennes et les dviations hrtiques seront pourchasses. Mais les paens ne sont pas perscuts. partir de 380, lattitude des Chrtiens au sein de lEmpire se modifie sensiblement. Ils commencent simpliquer dans la vie de lEmpire et nombre dentre eux entrent dans ladministration impriale. LEmpereur et son entourage vont alors choisir de favoriser lexpansion du christianisme. Lglise chrtienne va bientt profiter de nombreuses donations grce auxquelles elle va senrichir. Cette glise qui se dveloppe et qui senrichit commence prouver des difficults se situer vis--vis de lEmpereur. Rapidement se pose la question de la dlimitation des pouvoirs de lEmpereur et de ceux de lvque de Rome qui domine dj lglise chrtienne. Les premiers se pencher sur la question sont des penseurs chrtiens : St Ambroise et St Augustin. Ils estiment que Rome et le christianisme doivent conclure une alliance. Le Pape Glase (492-496), la fin du 5e sicle va traduire cette ide en formule juridique. Les empereurs romains font de mme. Cette alliance a des consquences, elle fait que, dans un premier temps, lEmpereur va aider lglise se structurer et se discipliner. Il va donc lutter, avec lglise, contre les hrsies (=faons dviantes de vivre la foi chrtienne). Il intervient en suscitant des normes de droit, il fait voluer la lgislation de lglise. Cette attitude se traduit en 325 par la runion du concile de Nice, Constantin assemble les vques de la chrtient pour dterminer le dogme de lglise. Ce concile condamne une hrsie en particulier : larianisme. Selon cette hrsie, dans la Ste Trinit, le pre, le fils et le St Esprit ntaient pas quun. Cette vision du christianisme avait beaucoup de succs au 4e sicle et menaait la cohrence de lglise chrtienne. Pour Constantin, lalliance est importante, il retire son profit de lalliance le concept de la monarchie de droit divin. Il se prsente dornavant comme le reprsentant de Dieu sur Terre. Cependant, le spirituel et le temporel doivent exister sans interfrer lun sur lautre. Dans la ralit, lEmpereur romain ne respecte pas cette sparation. Constantin intervient dans les questions de dogme, mais ne sen contente pas, il se permet aussi de choisir les vques. Les vques, leur tour, se permettent de critiquer lEmpereur, sa politique, et essaient dinfluencer son gouvernement. Ils font parfois plier les empereurs comme en 390, Thodose I ordonne le massacre des meutiers. Suite ce massacre, lvque St Ambroise exige de

lEmpereur une pnitence publique. Il lui obit, ds lors la question des rapports dautorit entre le spirituel et le temporel se pose. Cette question dautorit se posera encore au Moyen-ge, sous lAncien Rgime, aprs la Rvolution franaise jusqu la sparation de lglise et de ltat en 1905. Le christianisme, au 4e et au 5e, devient une composante essentielle de lEmpire romain : une institution qui va dfinir lEmpire romain. Ncessairement, lEmpire va devoir sadapter cette ralit institutionnelle. Les 4e et 5e sicles sont des sicles dadaptations institutionnelles. LEmpire doit aussi sadapter une pression extrieure de plus en plus forte, exerce par les peuples germaniques. CHAPITRE 3 LVOLUTION DES INSTITUTIONS AU BAS EMPIRE

Ds la fin du 3e sicle, la frontire fortifie romaine (le limes) devient poreuse et les peuples barbares sinstallent sur le sol de lEmpire romain dans des points prcis. En plus des installations pacifiques, on voit se multiplier les raids et les pillages. Les Romains doivent prendre la mesure de cette menace. Aux 4e et 5e sicles, ils mettent donc en place des mutations politiques importantes. Ces mutations dues la menace des barbares saccompagnent dautres mutations qui sont provoques par le christianisme et par le paysage institutionnel que le christianisme transforme. SECTION 1 LVOLUTION DES INSTITUTIONS POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES Par leffet de la conqute, lEmpire romain est gigantesque. Son administration pose donc dinsurmontables problmes. Ces problmes sont lorigine des changements politiques qui interviennent aux 4e et 5e sicles. A Les changements politiques de la fin du 4e sicle et du dbut du 5e sicle Jusqu'au milieu du 3e sicle, Rome est un empire conqurant. Puis brutalement, au milieu du 3e sicle, Rome essuie ses premires grandes dfaites militaires. Elles favorisent linstabilit politique. Larme est omniprsente et elle commence faire et dfaire les empereurs. Pour contenter larme et rester sur le trne, lEmpereur est oblig de consacrer beaucoup de temps la lutte contre les Barbares, aux frontires rhnanes. Sur le Rhin, il lutte contre les Alamans, les Sarmates et une grande varit de peuples germaniques. En Orient, les Romains sopposent aux Perses, ennemis encore plus redoutables. Les conditions militaires sont rudes, et des pidmies sajoutent aux guerres. En 251, la peste fait son apparition en Occident, elle dcime

les populations pendant 15 ans. Face ces difficults, un empereur, en 284, essaie de rationaliser ladministration de lEmpire pour la rendre plus efficace. Cet empereur est lorigine dune rforme administrative. Cest lempereur Diocltien qui devient Auguste en 284. Ses rformes aboutissent plus tard au partage de lEmpire. 1) Les rformes de Diocltien : la ttrarchie Diocltien, pour rationaliser lEmpire et son administration, estime quil ne doit pas gouverner seul. Il sadjoint donc les services dun autre officier de larme : Maximien. Il lui confit le front occidental de lEmpire pendant que lui, Diocltien, soccupera du front oriental. En 286, Maximien, son tour, reoit le titre dAuguste et tous les insignes du pouvoir imprial. Dsormais, on trouve un empereur dorient et un doccident. En 293, les deux empereurs choissent dassurer leur succession pour viter que larme dcide. Ils vont sadjoindre deux collaborateurs qui vont porter le titre de Csar : Galre (pour Diocltien) et Constance (pour Maximien). Ils ont pour tches daider les empereurs grer les empires. LEmpire connat donc un systme de gouvernement 4 (=ttrarchie). En 293, la ttrarchie est instaure. Cette ttrarchie est une ralit juridique qui, officiellement, ne va pas diviser lEmpire. Les deux Auguste et les deux Csar doivent normalement exercer le pouvoir collgialement. Dans la ralit, chaque empereur a sa sphre dinfluence (Orient ou Occident). Officiellement, les deux Csar ont t adopts par leur Auguste respectif pour favoriser la succession. La ttrarchie est un succs, tant que Diocltien est au pouvoir. En 305, Diocltien et Maximien abdiquent et se retirent du pouvoir pour laisse la place leurs successeurs et pour roder la rforme. Lanarchie sinstalle. Les hritiers par le sang affrontent Galre et Constance. Le chaos est tel quentre 305 et 312, on compte 13 empereurs qui se succdent. La ttrarchie sachve sur un chec retentissant. En 312, il ne reste plus que 2 empereurs : Constantin en Occident et Licinius en Orient. Constantin va essayer une dernire fois de sauver lunit de lEmpire, mais il ne pourra pas empcher sa partition dfinitive. 2) Les tentatives dunification de Constantin et le partage dfinitif de lEmpire En 324, Constantin se dbarrasse de Licinius et reste seul empereur jusqu sa mort, en 337. Pendant son rgle, il entreprend des rformes qui prparent le partage dfinitif de lEmpire. En 326 notamment, il abandonne la ville de Rome et il choisit de fonder une autre Rome Byzance. Ainsi, Constantin donne lEmpire dOrient la capitale qui lui manquait. Rapidement, la ville prend le nom de lEmpereur :

Constantinopolis et elle devient Constantinople. la mort de lEmpereur, en 337, lEmpire clate. Toutes les tentatives dunification ultrieures seront des checs. Entre lOrient et lOccident, les diffrences seront profondes et au 5e sicle, il nexiste plus aucun lien de parent entre les empereurs dOrient et dOccident. Deux mondes commencent voluer en parallle : lEmpire romain dOccident et celui dOrient. Lunit politique et administrative disparat et en Occident, lidentit culturelle mme, commence disparatre. Pour preuve, les actes des empereurs : des dits impriaux interdisent aux empereurs de porter les cheveux longs. En Orient, au contraire, lEmpire romain rsiste mieux. Cest la raison pour laquelle il va survivre lEmpire romain doccident qui va disparatre en 476. Celui dOrient va survivre jusquen 1453. B Les rformes administratives Rome est oblige de rformer son administration en raison de lchec de la ttrarchie et les provinces gauloises sont restructures. La Gaule connat aussi des rformes militaires. 1) La rorganisation des provinces gauloises Pour lutter contre lenvahisseur, il faut des circonscriptions administratives plus petites pour quelles soient gres plus facilement. Les entits provinciales vont tre rvises, re-dcoupes pour tre plus petites et plus nombreuses. La Gaule est dcoupe en 17 provinces regroupes en 2 diocses sachant que le terme de diocse na pas de connotation religieuse ici. Au Nord, on trouve le diocse des 10 provinces dont la capitale est Trves. Ce diocse regroupe lancienne Belgique, lancienne Lyonnaise et les deux Germanie. Au Sud se trouve le second diocse, il est appel le diocse de viennoise dont la capitale est Arles. On y trouve lancienne Narbonnaise et lancienne Aquitaine. la tte de ces diocses, on trouve des magistrats que lon appelle des vicaires. Ces vicaires sont les lieutenants dun magistrat plac au-dessus deux : le prfet du prtoire des Gaules. Il a des attributions tendues puisquil supervise ladministration des Gaules, de lEspagne et de lactuelle Grande-Bretagne. Les gouverneurs de provinces restent en place, ils soccupent toujours de la collecte des impts, de la police et du ravitaillement des armes. Cette nouvelle organisation se double dune rorganisation de la dfense. 2) Le renforcement des dfenses militaires

Le limes est renforc sur le Rhin et le Danube et larme voit ses effectifs augments. Larme est modifie dans son intendance. Elle devient encore plus mobile quauparavant, elle est dtache au service de chaque empereur. Elle porte dsormais le nom de comitatus. Les consquences de cette rorganisation sont tout dabord un retour de la paix en Gaule, les incursions almaniques se poursuivent mais elles se rduisent et un sentiment de scurit commence sinstaller. La scurit sinstalle et les populations gauloises vont se caractriser par une grande fidlit lEmpereur. Les lites gauloises cependant ont bien conscience de la position stratgique de leurs provinces, elles tirent profit du comitatus romain en Gaule. Elles continuent donc de senrichir. Les lites gauloises grent de plus en plus la Gaule dans une relative autonomie par rapport Rome. Elles sont par ailleurs conscientes dun autre phnomne, lEmpire romain au 5e sicle vit ses derniers instants car ses institutions ne sont plus les institutions les plus efficaces dans la lutte contre les Barbares. Dans ladministration de lEmpire, les institutions ecclsiastiques ont pris une place considrable. SECTION 2 LE DVELOPPEMENT ECCLESIASTIQUES DANS LEMPIRE DES INSTITUTIONS CHRTIEN

Les institutions ecclsiastiques font rfrences aux institutions de lglise chrtienne. Elles profitent aux 4e et 5e sicles des consquences de ldit de Thessalonique, elles deviennent plus prcises, plus efficaces. On commence voir se dessiner une hirarchie. Il faut donc distinguer lorganisation des communauts locales et la structure des instances suprieures de lglise. A Lorganisation des communauts chrtiennes locales lchelon local, la communaut chrtienne est dirige par un chef unique : lvque. Cependant, partir du 4e sicle, le clerg local, plac sous lautorit de lvque, se multiplie et tend se dlocaliser. 1) Lvque, seul chef de la communaut locale Lvque est install dans les villes. Le territoire soumis lautorit de lvque dpasse pourtant les murailles de la ville. Dans la Gaule du Nord surtout, lvque gre notamment de vastes territoires que plus tard, au Moyen-ge, on appellera des diocses. Lvque est dsign en vertu dune procdure trs prcise : dabord par une

lection laquelle fait suite une conscration. Llection : dans sa circonscription, il est lu la fois par les clercs et les lacs. Progressivement, seuls les notables lacs vont conserver un vritable pouvoir dans llection. la fin du 5e sicle, un texte juridique gaulois fixe les rgles de llection. Ce texte indique que lvque est lu avec le consentement des clercs et des lacs, laccord de tous les vques de la province, spcialement avec lautorit et la prsence du mtropolitain. Le mtropolitain est aussi appel archevque, cest le suprieur hirarchique de lvque. Pour certaines lections trs importantes, le pape et lEmpereur interviennent et se mlent de llection. En gnral on vrifie les qualits morales, intellectuelles et religieuses du candidat. La conscration : pour y procder, il faut que 3 vques au moins soient prsents. Souvent elle sopre en prsence de larchevque et avec lensemble des autres vques de la province. Le rle de lvque est triple. Une fois lu et consacr, lvque qui rcupre son sacerdoce a 3 missions : une mission liturgique (administrer les sacrements), vanglique (il doit rpandre lvangile et veiller la puret de la foi) et disciplinaire (il surveille le clerg et le peuple). Dans sa mission de surveillance du clerg, il a aussi une mission de recrutement du clerg infrieur. 2) La multiplication et la dlocalisation du clerg infrieur Aux 4e et 5e sicles, le clerg infrieur est celui qui assiste lvque et il vit avec lui, lorigine. Ainsi, les prtres qui assistent lvque forment autour de lui un collge. Rapidement, lvanglisation de la Gaule connat un franc succs, tel point que le christianisme fait son apparition dans les campagnes. Ncessairement, il fait crer des glises loignes du lieu de rsidence de lvque. Ces glises sont assez nombreuses en Gaule du Nord et en Germanie, l o les diocses sont vastes. Ces entits locales qui se multiplient prendront plus tard le nom de paroisses. Elles sont gres par un prtre et elles permettent de dessiner une structure verticale dans lglise chrtienne. Cette structure verticale se dote bientt dinstances hirarchiques suprieures. B Lapparition dinstances hirarchiques suprieures Ds le 4e sicle, apparat au-dessus de lvque, le mtropolitain. Parmi ceux-ci, certains vont profiter dun prestige particulier, ils vont tre appels des patriarches. Parmi ces patriarches, celui de Rome, la fin du 4e sicle, va devenir le pape. Aprs la chute de lEmpire romain dOccident, ce pape va dominer lensemble de lOccident

chrtien. 1) Les mtropolitains Au dpart, ce sont des vques comme les autres, lus par leurs pairs. Ils sont lus selon les mmes rgles que les autres vques, qui sont leurs subalternes, et jouent un rle dans llection de lvque. Il est la tte dune circonscription appele province ecclsiastique dans laquelle on trouve plusieurs diocses. Il a pour habitude de prendre conseil, il runit donc rgulirement les vques de sa province pour orienter la vie religieuse et disciplinaire des Chrtiens dont il a la responsabilit. Les assembles dvques sont appeles les conciles provinciaux. Aux 4e et 5e sicles, ces conciles sont nombreux. Le mtropolitain peut aussi tre le juge dun vque qui se comporte mal. Lglise se structure tel point quune autorit suprieure aux mtropolitains se met en place : la papaut. 2) Le pape Certains siges piscopaux sont plus importants que dautres, ainsi en Orient, les vques dAlexandrie, dAntioche et de Constantinople sont minents, plus importants que les autres car ces siges piscopaux sont des plus anciens. En Occident, cest lvque de Rome qui se trouve plac au sommet de la hirarchie. La primaut de Rome sexplique par plusieurs raisons : cest la ville dOccident qui a t le plus tt touche par le christianisme, cest l quon y a martyris (sous Nron) les Chrtiens pour la premire fois (St Pierre tait le chef de la communaut, cest pourquoi il est considr tort comme pape). Le vritable premier pape est le pape Sirice, vque de Rome entre 384 et 399. Le Pape a une autorit suprme, mais ds le courant du 4e sicle, avant mme lvch de Sirice, les vques dOccident prennent lhabitude dinterroger lvque de Rome sur les questions de dogmes et de droit. Sirice, est aussi le premier pape lgifrer ( crer du droit pour lglise doccident). Sa lgislation seffectue par ladoption de dcrtales. Le droit de lglise est cr par les dcisions des conciles et par les dcrtales des papes. Avec le pape, apparat aussi le droit canonique. Et avec ce droit, les juridictions de lglise deviennent encore plus efficaces. C La reconnaissance dune juridiction ecclsiastique par ltat romain La juridiction ecclsiastique (=le tribunal de lvque) commence exister ds le rgne de Constantin, ds lors que lEmpire romain commence favoriser lglise

chrtienne. Les vques, ds le 4e sicle, obtiennent ainsi le pouvoir de juger : laudientia episcopalis. En mme temps que va se dvelopper cette audientia episcopalis, lide selon laquelle certains Chrtiens ne sont justiciables que des seuls tribunaux ecclsiastiques se dveloppe. 1) Laudientia episcopalis En 318, Constantin reconnat lvque le droit de juger les litiges que les Chrtiens portent devant lui. Cest ce quon appelle le jugement piscopal. En 318, la comptence de lvque est trs large. Il peut juger les lacs comme les clercs et il peut juger les affaires religieuses comme sculires. La juridiction de lvque connat un franc succs. Certains vques, comme St Augustin, vont se plaindre dtre surchargs de procs. Progressivement donc, les empereurs vont rduire la comptence juridictionnelle de lvque. Au 5e sicle, la juridiction de lvque devient un simple arbitrage et a tendance stagner jusqu la fin de lEmpire en occident. Le tribunal de lvque cest le symbole dun christianisme qui veut vivre dans lEmpire, qui veut participer aux institutions de lEmpire, mais qui veut aussi se dmarquer de lEmpire. 2) Le privilge du for Cest une rgle de droit et de procdure en vertu de laquelle, les clercs de lglise chrtienne ne peuvent tre jugs que par les tribunaux ecclsiastiques. Lide qui justifie ce privilge est que les clercs sont ministres de Dieu et ne peuvent donc pas tre jugs par les hommes. En 355, les empereurs dOrient et dOccident prennent une constitution impriale qui dcide que les vques ne peuvent tre jugs que par leurs pairs. Au dbut du 5e sicle, un empereur dOccident du nom de Honorius dcide mme que toute accusation contre un clerc devra tre porte devant un juge ecclsiastique. Paralllement, du ct de lglise, des conciles du 5e sicle interdisent aux prtres et aux vques de saisir des tribunaux sculiers. Ils sont donc ncessairement soumis la juridiction ecclsiastique. On connat mal son fonctionnement, on sait que ce sont les vques qui jugent collgialement (avec les prtres de sa circonscription). En cas de contestation, on pense au 5e sicle que lappel est dj possible. Il est, la plupart du temps interjet auprs dun autre vque, ou du mtropolitain. Pour lexcution des sentences, les vques ont recours aux pouvoirs civils.

Au 5e sicle, une Gaule dote dune administration efficace, vanglise mais plus vraiment romaine. Elle est dj culturellement mtisse. Cest surtout une Gaule chrtienne et une Gaule trs loin de Rome du point de vue politique. Les assauts des peuples barbares se font plus nombreux, le 5e sicle est celui des invasions germaniques. Les Germains entrent de plus en plus souvent, de plus en plus nombreux sur le sol de lEmpire. Ils viennent le plus souvent des frontires de lEst, ils franchissent le Rhin et le Danube. Progressivement, les provinces occidentales de lEmpire, dont les provinces de Gaule, chappent lEmpire romain et deviennent des royaumes barbares. En 406, les premiers franchir le Rhin sont les Vandales. Ils traversent la Gaule et sinstallent dans le sud de lEspagne puis en Afrique du Nord, aprs avoir t chasss. En 410, Rome est saccage par le roi visigot Alaric. Cest la premire fois que la ville de Rome est prise par les Barbares. Les Wisigoths sinstallent alors dans lEmpire, en Gaule. Ils sinstallent dans le sud-ouest de la Gaule et dautres, comme les Francs, sinstallent sur les terres du nord de la Gaule (actuelle Belgique). Ces peuples barbares qui sinstallent dans lEmpire choisissent de dfendre lEmpire contre les barbares de lextrieur. Ainsi, en 451 larme des Huns dAttila est battue par une arme de Romains, de Francs et de Wisigoths. Cest le dernier sursaut de lEmpire doccident. Les invasions se succdent et lautorit de lempereur ne rgne quasiment que sur lItalie en 476. Un chef barbare prend encore une fois Rome : Odoacre dpose le dernier empereur Romulus Augustul, et renvoie Constantinople les insignes impriaux pour signifier quil aura la charge de continuer lEmpire romain. la fin du 5e sicle, la Gaule est divise entre diffrents royaumes barbares : au sud-ouest on trouve le royaume des Wisigoths ; lest, les Burgondes et les Alamans ; au nord, les Francs ; autour de Soisson, le royaume de Syagrius (ancien gouverneur de province et autour de la ville de Soisson, quil a fait sa capitale, il sest dsign lui mme comme roi des romains). Cependant, le roi des Francs (Clovis) est le fils de lancien gouverneur de la Belgique Seconde. Tant du ct des Francs que du ct des anciens romains se trouve lhritage romain. Cette Gaule du 5e sicle est mtisse, diverse mais faonne dinstitutions romaines. Les institutions romaines survivent lEmpire. Tous ces barbares nauront quun objectif : recrer lEmpire romain. Un peuple va russir : les Francs. TITRE 2 LA GAULE FRANQUE (6me 10me sicle) Dans cette priode, lhritage romain reste particulirement prsent. Les descendants de Clovis sont appels les Mrovingiens. Ils vont rgner sur la Gaule jusqu laube du 8e sicle. Mais leur rgne ne sera pas linaire, il rgne du 6e au 8e sicle au prix de certains partages. la suite des Mrovingiens, viennent les

Carolingiens qui se maintiennent au pouvoir jusquau 10e sicle. Ces deux dynasties vont essayer de cultiver lhritage romain. Les Carolingiens, se montrant encore plus ambitieux et plus efficaces que les Mrovingiens sur ce point. CHAPITRE 1 LA GAULE MROVINGIENNE (6me 8me sicle) La royaut mrovingienne dure prs de deux sicles et demi, ce qui est relativement long pour de simples Barbares. Elle commence lavnement de Clovis (481) et sachve avec le sacre de Ppin le Bref (754). Cette dynastie sest tablie progressivement et se traduit par un renouvellement des institutions. Ce renouvellement concerne surtout les institutions laques, mais aussi cette dynastie a aussi permis le dveloppement des institutions ecclsiastiques. (Clovis et les Mrovingiens nont jamais t sacrs) SECTION 1 LA ROYAUT MROVINGIENNE

La royaut mrovingienne sinstalle progressivement en Gaule car les Mrovingiens doivent conqurir. Ils parviennent conqurir grce des arguments, des moyens qui permettent de dgager les caractres principaux de cette dynastie. A Linstallation dune royaut franque Lorsquils sinstallent en Gaule, les Francs ne prsentent pas dunit politique, leur peuple est divis. Il va tre fdr par Clovis. Clovis va se servir de cette fdration franque pour unifier la Gaule entire. Ainsi, fdrs par Clovis, les Francs vont parvenir constituer un vritable royaume. 1) Larrive des Francs en Gaule On distingue deux tribus principales chez les Francs : les Francs Saliens et les Francs Rhnans (ou Ripuaires). Au dbut du 5e sicle, les Francs Rhnans sinstallent sur les rives du Rhin en dehors de lEmpire romain. Ils vont constituer une sorte de tampon entre le monde romain et le monde barbare. Les Francs Saliens se sont installs dans lEmpire romain entre la fin du 4e sicle et le dbut du 5e sicle. Ils sinstallent dans le Nord de la Gaule, sur le sol de lactuelle Belgique. Cest le pouvoir romain qui a favoris cette installation. Les Francs Saliens sont des guerriers rputs, le pouvoir romain veut se servir deux pour lutter contre les invasions germaniques. Limplication des Francs est manifeste puisquils combattent aux cts

des Romains en 451 et ils vont permettre la victoire romaine des champs catalauniques contre Attila. Aprs cette victoire contre Attila le Hun, les Francs Saliens estiment quils nont plus prendre leurs ordres de lEmpire romain. Ils vont donc faire preuve dune certaine indpendance au sein de lEmpire. Au milieu du 5e sicle, le roi des Francs Saliens (Mrove) se choisit une capitale : Tournai. Son successeur sappelle Childric. Il sagit dun roi mdiocre qui rgne de 457 481. Il a pour principale qualit dtre le pre de Clovis. Clovis, fils de Childric, devient roi des Francs en 481. Cest lui qui va remplir une uvre politique et militaire considrable. 2) Clovis et lunification de la Gaule Lorsquil monte sur le trne en 481, il hrite dun royaume qui stend du Sud de la Belgique la Somme. Le pre de Clovis tait encore un gouverneur de ladministration romaine, donc Clovis a une certaine ide de Rome, une certaine admiration pour ses institutions. Il veut donc se prsenter comme lhritier de Rome. Seulement il nest pas seul, un autre personnage du nom de Syagrius, lui conteste ce titre dhritier de Rome. Cest aussi un ancien administrateur romain et un ancien chef de ladministration. Il se fait appeler le roi des Romains . Le conflit entre Clovis et Syagrius a lieu en 486 lors de la bataille de Soissons. Clovis lemporte et conquiert du mme coup lensemble de la partie Nord de la Gaule depuis le sud de la Belgique jusqu la Seine. Cette conqute nest pas brutale et destructrice, elle est uniquement militaire car Clovis laisse intactes toutes les institutions administratives, fiscales qui avaient survcu la chute de Rome en 467. Clovis descend petit petit avec ses troupes en direction de Sud. Il conquiert progressivement sans vritable opposition. Les Gallo-romains se laissent faire, ils prfrent se rallier lui. partir de 493, Clovis conquiert encore plus facilement : il pouse une princesse du nom de Clothilde, fille du roi des Burgondes (Gondebaud). Ce mariage est une russite parce que Clothilde est catholique. Dans la conqute, lorsque Clovis rencontre des populations galloromaines, le fait quil ait une femme catholique, lui attire les faveurs de celles-ci. En dautres circonstances, Clovis est oblig de combattre. En 496, il rencontre Tolbiac, un autre peuple barbare : les Alamans. Il remporte cette bataille. Suite cette victoire, il scurise la frontire Est de son royaume. la suite de cette bataille, Clovis prend une dcision importante : il se convertit au christianisme. Entre 496 et 499, Clovis se fait baptiser Reims par lvque Rmi. Il se fait baptiser avec une centaine de ses guerriers. On pense que son pouse a d influer sur son choix, que cest un calcul politique ou une conviction personnelle. La conversion des Francs facilite leur intgration au monde gallo-romain. Les consquences du baptme sont immdiates, lautorit et sa protection de Clovis sont dsormais reconnues par lensemble des

Chrtiens de lancien empire. Clovis reoit aussi lappui du rseau ecclsiastique, rest debout mme aprs la chute de Rome. La politique de conqute se poursuit en 507 par la bataille de Vouill durant laquelle Clovis renvoie les Wisigoths en Espagne et le roi Alaric II est dfait. Le royaume des Francs continue son expansion au sud et stend dornavant jusquaux Pyrnes. En 507, la capitale franque nest plus Tournai mais Paris. Clovis arrte alors sa politique de conqute. la mort de Clovis, la Gaule nest pas totalement unifie, un royaume barbare rsiste aux Francs : les Burgondes (Nord des Alpes). Ce sont les fils de Clovis qui, dans les annes 520, vont finir la conqute du pre et unifier la Gaule. Clovis a donc remport dimportants succs militaires mais ce nest pas seulement un roi conqurant mais aussi un lgislateur et un fondateur. Il a fond le regnum francorum (=royaume des Francs). Et ses fils, malgr certaines divisions, sauront poursuivre son uvre pendant tout le 6e sicle. ??? 3) La constitution dun regnum francorum En quelques dcennies, Clovis est parvenu constituer un vritable royaume franc. Ce royaume se caractrise par une unification politique. La plupart des territoires, qui formeront plus tard la France, sont dj runis sous une mme autorit. Mais ce nest pas seulement une unification territoriale, Clovis et ses fils sont parvenus tablir une vritable royaut franque car elle est dornavant en mesure de se transmettre. Aprs la bataille de Vouill (507), Clovis est mme reconnu par lEmpereur romain dOrient comme unique roi des Francs. Cet empereur, en 507, lui accorde mme lancien titre romain de Consul. Aprs 507, Clovis sempare donc des attributs romains du pouvoir. Il revt ainsi la robe pourpre et le diadme des triomphateurs romains. En 507, Clovis obtient donc deux choses : une pleine lgitimit auprs des Gallo-romains et le respect des peuples barbares grce ses conqutes. Les liens quil a tisss avec lglise ( partir de 493, puis son baptme), favorisent la cohsion de son royaume. Le royaume des Francs, du fait de ces russites, est dj une prfiguration du futur royaume de France. Ce royaume reste cependant, pour lheure, le royaume des Francs car cest le royaume dune royaut trs particulire. B Les caractres de la royaut franque Le roi barbare est choisi selon des critres prcis, critres qui caractrisent une conception typiquement mrovingienne du pouvoir. Cette conception saccompagne

aussi de rgles prcises en ce qui concerne la transmission de la royaut. Les critres selon lesquels les Francs choisissent leur roi, ainsi que les rgles de transmission du pouvoir sopposent assez nettement la conception romaine du pouvoir. Critres : le roi franc est avant tout un chef guerrier, cest aussi un chef de clan, il doit faire la preuve sa valeur et de sa force physique. Les rois francs ont une appellation particulire, on les appelle les reges criniti (= rois crinire / chevelus) parce que symboliquement, ils portaient les cheveux longs (symbole de leur force). La perte des cheveux longs entranait la dchance du roi. Ainsi, par exemple, entre 751 et 754, lorsque Ppin le Bref a dpos le dernier mrovingien Childric III, il la fait enferm dans un monastre et lui a fait tondre la tte en public. La royaut mrovingienne repose sur la symbolique de la force et de la valeur guerrire. Pour les Francs, celui qui rgne, cest celui qui est victorieux. Les victoires militaires des rois sont indissociables de leur autorit. Les critres de slection sont particuliers. Les Mrovingiens connaissent une hrdit relative. Le futur roi doit tre choisi dans une famille particulire, qui possde un charisme (=aura divine qui entoure le chef). La famille en question est celle de Mrove, le roi franc doit tre choisi au sein de sa famille. Cest une hrdit relative car si cette famille perd le charisme, elle perd le pouvoir. Le roi mrovingien rgne donc en sappuyant sur la symbolique de la force et sur le charisme. Son pouvoir peut donc paratre fragile. Cette impression est renforce par les modalits du choix puisque le roi franc est choisi par une lection lors du plaid (assemble de guerriers). Les guerriers vont alors lever le roi sur un bouclier, cest lvation sur le pavois (( lection et avnement du roi). Le choix dun roi est un rite dapprobation et les apparences laissent penser que le roi franc est un roi faible. 1) Les pouvoirs du roi franc Ils reposent sur deux lments. Il rgne grce lautorit quil fait valoir et parce quil entretient des liens particuliers tisss avec ses guerriers. a) Lautorit du roi Son autorit repose sur deux attributs dorigine germanique dont un est appel un avenir florissant : le mundium et le bannum. Le mundium est un pouvoir dorigine patriarcale, chez les Germains cest le pouvoir du chef de famille, cest un pouvoir de protection dun matre sur un groupe dindividus. Cest en gnral la famille, mais a peut tre la protection dun chef de guerre sur ses fidles. Par le mundium, le roi procure la paix, la protection tous ceux qui se soumettent son autorit. Grce ce mundium et la paix quil assure, le roi peut rendre la justice. Le roi franc accorde et

retire son mundium qui il veut. Celui qui soppose au mundium sexpose des sanctions pcuniaires (le wergeld ). Par le wergeld et le mundium, le roi maintient lquilibre social. Celui qui dcide de se mettre en opposition au mundium et qui refuse de payer le wergeld se place alors hors la loi et du ban, il sort du bannum. Le bannum est le pouvoir de commandement du chef. Les lments fondamentaux du bannum sont : le roi peut ordonner, interdire et contraindre. Cest grce au bannum que le roi franc lgifre. Grce au ban, il exige aussi certains services. Il exige des guerriers quils se rendent lArme lorsque le roi la convoque, quils se rendent au tribunal du roi. Lorsquun guerrier se place hors du ban, il peut aussitt tre mis mort. Le roi a la main mise sur ses guerriers, mais ne peut pas les ignorer. b) Les liens personnels du roi avec ses fidles Le roi mrovingien ne gouverne pas seul, il sappuie sur une aristocratie puissante, sur des guerriers de grande renomme qui deviennent rapidement de riches propritaires. Ces guerriers qui sont les proches du roi sont les leudes . Ces leudes prtent un serment particulier au roi. Rgulirement, le roi exige le renouvellement du serment pour marquer rgulirement ladhsion de laristocratie son autorit. Ce serment est le leudesamium . Cest en principe un serment unilatral, ce sont les guerriers qui le prtent au roi. Les leudes sengagent, a priori, sans contrepartie. En ralit, le roi rcompense ses fidles. Il leur octroie des cadeaux. Ce systme favorise le plus offrant. Les leudes, en effet, vont promettre fidlit au roi qui promet les plus gros cadeaux. Certains guerriers vont donc passer de la fidlit un roi franc un autre. Ce serment concerne aussi les basses catgories de la population. Les rois mrovingiens vont exiger un serment de tous les hommes libres. Le serment devient public, il est prt devant un fonctionnaire du roi (comte), dans un lieu sacr (ou sur des reliques). Ce serment va durer pendant toute la priode mrovingienne. Mais partir du dbut du 8e sicle, le serment perd de sa force lorsque la dynastie mrovingienne nest plus quun symbole. Le serment, en gnral, restera le principal mode dengagement du Moyen-ge franais. 2) La transmission du pouvoir La monarchie franque est particulire, elle est appuye sur la tradition. Une tradition qui confre au roi sa force, mais aussi sa faiblesse. Cette monarchie se caractrise ainsi par un partage du pouvoir. Lorsquun roi dcde, les Francs partagent le pouvoir, qui tait unifi, entre les hritiers du roi. Cest donc un synonyme daffaiblissement pour la royaut mais il na pas de consquence pour le royaume des Francs.

a) La tradition du partage du pouvoir la mort du roi Selon la tradition des Francs, les fils du roi mrovingien divisent entre eux le royaume de leur pre sa mort. Ainsi en 511, lorsque Clovis meurt, ses 4 fils se partagent le pouvoir : Lan de ses fils sappelle Thierry, il reoit la rgion nord-est du royaume (Cologne, Mayence et Reims) et une partie de la Champagne et de lAuvergne. 2me fils de Clovis, Clodomir reoit le centre du royaume entre Orlans et Nantes. Son autorit stant jusqu Bourges. Childebert reoit lle-de-France et une partie de la Normandie. Clotaire reoit le reste du royaume : le Nord (de Soissons jusqu Noyon et de Tournai jusqu Maastricht). Enfin, lAquitaine (ancien royaume des Wisigoths) est divise entre les 4. Quatre rois, quatre territoires, quatre autorits. Mais le partage nest pas si problmatique quil ny parat. b) La nature du partage la mort dun roi, ce que partagent les Francs, en ralit, le pouvoir. Mais juridiquement, le regnum francorum reste un tout unitaire. Les descendants de Clovis sattacheront ainsi laugmenter. En 534, les fils de Clovis conquirent le royaume des Burgondes. En plus, les 4 fils choisissent des capitales proches : Reims pour Thierry Orlans pour Clodomir Paris pour Childebert Soisson pour Clotaire Chacun deux porte le titre de rex francorum, seul ce titre est partag. Juridiquement, le royaume reste unitaire. Les partages mrovingiens nexpriment pas lassimilation de la royaut un patrimoine. Les partages sont plus subtils, ils traduisent la participation de tous les descendants de Clovis un mme privilge dynastique. Chaque division reprsente une part du royaume et pas un royaume autonome. Du fait des hasards dynastiques, il arrivera mme que le royaume des Francs soit nouveau unifi. La priode dunification la plus clbre est celle qui se tient au milieu du 7e sicle, sous le rgne du roi Dagobert, qui est un symbole de russite et dunification du pouvoir. La rgle est que de nouveaux partages interviennent, chaque fois quun roi dcd laisse plusieurs fils. La logique du partage dynastique affaiblit la royaut mrovingienne. Cette logique traditionnelle est affaiblie par la royaut. Certains fonctionnaires du roi tireront profit des partages pour conqurir le pouvoir pour eux seuls. Cest une royaut donc assez

subtile dans son contenu juridique, une royaut affaiblie par la logique des partages, mais une royaut qui, grce au mundium et au bannum, a les moyens de se structurer, de se dvelopper. SECTION 2 LES CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS LPOQUE MROVINGIENNE Les Francs introduisent un certain nombre de changements dans les domaines politique, administratif et juridique. Ils concernent autant les institutions laques quecclsiastiques. A Lvolution des institutions laques 1) Le gouvernement central : le palais et ses agents a) Le palais Aux origines de la royaut franque, le palais nest pas forcment un btiment. Cest un palacium qui est lensemble des familiers du roi : hauts dignitaires, conseillers du roi et la garde personnelle du roi. Ces familiers sont appels des antrustions parce quils se trouvent dans la Truste royale (=confiance). Ils sont attachs la personne du roi (pas au royaume, la couronne, ltat) par un serment de fidlit. Ils se dplacent toujours avec le roi. Aux origines, le palais mrovingien est donc itinrant. Le roi se dplace aussi avec les dignitaires du trsor et son argent. Le caractre itinrant du palais nest pas signe de dcadence, mais les territoires administrs sont vastes. Les empereurs romains eux-mmes avaient pris lhabitude de se dplacer. b) Les agents du palais Le plus haut des dignitaires est le mayor domus . Cette appellation montre le caractre trs domestique de ladministration centrale, trs peu tatique puisque domus signifie maison . On traduit mayor domus par maire du palais . Il surveille lensemble des serviteurs du roi. Le maire du palais profite de lentire confiance du roi et ses attributions ne vont cesser daugmenter pendant la priode mrovingienne. Il va devenir incontournable. la fin du 7e sicle et au dbut du 8e, ce sont mme ces maires du palais qui vont prendre le pouvoir en profitant de la minorit de certains rois mrovingiens. Ds le 7e sicle, la fonction de maire du palais est hrditaire. Il peut concurrencer le pouvoir du roi car ce dernier na plus aucune prise sur la dsignation de ce maire du palais.

Sous la responsabilit du maire du palais, on trouve le comte du palais. Souvent il rend la justice au nom du roi. On trouve dautres fonctionnaires dont les attributions soulignent le caractre domestique de ladministration mrovingienne : le comes stabuli (soccupe de lintendance de larme du roi, cela donnera le conntable au Moyen-ge), le snchal (doyen des serviteurs qui soccupe du ravitaillement). On trouve une institution centrale au sein du palais, qui semble sortir de la domesticit, la chancellerie (hrite de ladministration romaine) o sont conservs les sceaux du roi. Elle est dirige par un haut dignitaire : le rfrendaire. Les institutions centrales mrovingiennes sont synthse entre ladministration romaine et germanique. Cest une administration qui fonctionne bien car les tches sont bien rparties et grce ses relais au niveau local. 2) Ladministration locale : le comte et ses auxiliaires Le principal relais des dcisions du roi est le comte (comes=compagnon). En tant quagent de ladministration royale, cest le compagnon du roi : il doit laccompagner sur le champ de bataille si ncessaire. Son administration a donc essentiellement un but militaire. Le comte remplit galement une importante fonction judiciaire. a) Le comte, premier agent de ladministration locale Le comte est la tte dune circonscription particulire : le pagus. Ce terme, qui a donn le mot pays , correspond gographiquement lancienne cit romaine. Les comtes de ladministration locale sont choisis parmi les Francs, les Gallo-romains par les Mrovingiens afin de faciliter lacceptation par la population. Le comte est aid dans son travail au niveau local, car il peut utiliser les services de lancienne administration romaine. Il peut aussi utiliser des subalternes. Ceux-ci sont appels centeniers et au sud, ces centeniers sont appels des viguiers. Le rle premier du comte est de faire rgner la paix dans son pagus, et le comte est donc celui qui commande les troupes, il est en charge de ladministration militaire. Il est aussi le plus indiqu pour percevoir limpt. cet gard seulement une catgorie de terres chappe cet impt : les terres ecclsiastiques qui bnficient de, limmunit que le roi mrovingien leur a accorde. Il dtient des pouvoirs judiciaires. b) La justice du comte Dans le cadre de son tribunal, il sappelle le mallus comtal (=comptable), une procdure particulire en fonction de sa composition particulire. Le mallus est le tribunal de droit commun, traditionnel, majoritairement hrit de la tradition germanique. Il est en thorie compos dhommes libres. Leur rle est dapprouver le jugement du comte. En ralit, le comte juge seul et le rle des hommes libres est

purement symbolique. Ces hommes libres ne se dplacent pas tous, ceux qui viennent sont les notables, les riches propritaires fonciers et les anciens chefs de clan qui se sont installs dans le pagus. Ces notables qui se dplacent dans le tribunal du comte portent le nom de rachimbourgs (ou bonni viri=prudhommes). Ils sont choisis par le comte en raison de leur ge et de leur connaissance du droit, ils sont chargs de dire au comte le droit applicable. Les rachimbourgs qualifient juridiquement les faits en fonction de la coutume applicable. Cest alors le comte qui va rendre la sentence et trancher le litige. Le mallus dispose dune large comptence. Il est comptent au civil et au pnal, lgard de tous les habitants du pagus (Francs, Gallo-romains). Le roi, de son ct, retire au mallus certaines affaires. Cest le tribunal royal qui va soccuper des crimes de trahison, de lse-majest et des dserteurs. Il nexiste pas de possibilit dappel pour les sentences du comte. Un plaignant, sil est mcontent, doit sadresser directement au roi. Gnralement il nest entendu que dans le cas dun dni de justice, si le comte a refus de rendre la justice ou sil la rendu de faon arbitraire. La procdure du mallus est accusatoire, le procs ne souvre que sil y a un accusateur. Il nexiste pas de ministre public. Au sein du mallus, on accepte une certaine catgorie de preuves, les preuves de type romain : lcrit, laveu ou le tmoignage. Le droit barbare et le mallus ont une originalit : il fait reposer la charge de la preuve sur le dfendeur ou laccus. Gnralement celui-ci se disculpe en recourant au serment purgatoire dont il accentue la force en runissant des co-jureurs. Si ce serment ne suffit pas (souvent pour les plus faibles), la mallus comtal a recours au jugement de Dieu (ou ordalie) : faire passer laccus une srie dpreuves. Lodalie la plus frquente est lordalie bilatrale : les deux parties se battent en duel (judiciaire). Si lune des parties est trop faible, on procde lordalie unilatrale (ordalie de leau, de la croix). Dans le mallus comtal, la procdure criminelle est souvent injuste, du moins irrationnelle. Cette procdure va rapidement tre critique, surtout par lglise chrtienne (ds lors quelle sera associe au pouvoir mrovingien) va essayer de lutter contre lordalie et va rflchir amliorer la procdure au sein du tribunal du comte. B Lvolution des institutions ecclsiastiques Sous lEmpire romain, elles ont dj connu un dveloppement considrable. lpoque mrovingienne, leur importance augmente encore. Cependant, la papaut connat un certain dclin, les institutions qui progressent sont celles qui sont de nature piscopale. Lvque est le personnage central dans la Gaule mrovingienne. ct des vques, on voit dautres institutions ecclsiastiques apparatre, celles qui organisent le monachisme.

1) La faiblesse de la papaut Dans la Gaule mrovingienne, le pape, en principe, nest pas un interlocuteur direct des rois francs. Le pape se trouve en situation de faiblesse et le mrovingien ne tirerait aucun avantage sil voulait manifester une alliance avec la papaut (en raison de sa faiblesse). Le rle de la papaut nest pourtant pas nul puisquelle conserve une importance symbolique. a) Les causes de cette faiblesse La premire cause vidente est la chute de lEmpire romain dOccident. Aux 4e et 5e sicles, la papaut a pu se prvaloir dune certaine primaut. Le pape domine sans contestation lglise dOccident en raison de lanciennet du sige piscopal de Rome (Pape=vque de Rome). Rome reprsentait une position politique majeure en Occident, le christianisme tant religion dtat, le pape pouvait dialoguer avec lEmpereur romain et faire valoir ainsi une certaine prminence. Les invasions barbares mettent fin cette situation privilgie, lglise nest alors plus une religion dtat. Les papes aprs 476 sont victimes de luttes dinfluence qui fragilisent leur position. Les papes sont dchirs entre plusieurs influences. LEmpereur romain dOrient (byzantin) a pour ambition de maintenir une influence sur lItalie et fait donc pression sur la papaut. Mais elle subit aussi linfluence des rois barbares qui sinstallent en Italie, les rois des Ostrogoths et des Lombards. Ces influences ont un effet nfaste dans un domaine, dans la procdure dlection du pape. Llection ds la fin du 5e sicle devient un enjeu de pouvoir. Des pressions politiques sexercent lors de cette lection. En principe, llection est ralise par le clerg et le peuple de Rome. Dans la ralit, les pressions de lEmpereur byzantin et des rois barbares dominent compltement llection du pape. Ces luttes dinfluences discrditent la papaut. Elle va alors connatre ses heures les plus sombres entre le 6e et le 7e sicle. En pratique (jusqu lpoque carolingienne), le pape devient surtout un mtropolitain pour lItalie. Il nest plus le patriarche de lOccident. La papaut, mme en dclin, conserve une importance symbolique majeure, ce qui explique lintrt des Byzantins et des Barbares. b) Le maintien dune importance symbolique de la papaut la fin du 4e sicle, les papes taient puissants et changeaient avec lEmpereur romain. Ils ont conserv le souvenir de cette poque et si dans les faits, leur influence dcline, ils continuent daffirmer officiellement quils sont chefs de toute lglise catholique. Certains papes vont se distinguer et vont sefforcer de dfendre la primaut du Saint sige : Glase et Grgoire le Grand.

Glase est pape de 492 496, il sefforce daffirmer lindpendance du pouvoir spirituel par rapport au prince. Il crit alors lEmpereur dOrient (Anastase) et lui rappelle quil existe deux pouvoirs : le pouvoir spirituel (pape) et le pouvoir temporel (empereur). Il ajoute que le pouvoir spirituel est suprieur au pouvoir temporel. Selon Glase, tous les Chrtiens doivent se soumettre au pape, y compris lEmpereur, parce que tous les Chrtiens doivent sen remettre aux prtres pour obtenir le salut de leur me au jour du jugement dernier. Cest une doctrine qui naura pas un effet immdiat, mais permet la papaut, de montrer quelle existe encore sur lchiquier politique en Occident. Grgoire le Grand (590-604) a compris quil ne pourrait pas ignorer les royaumes barbares. Il met en place une politique manifeste qui consiste sappuyer davantage sur les royauts barbares que sur lEmpereur dOrient pour consolider son pouvoir. Il entretient ainsi des relations avec les Francs, il dialogue avec les Wisigoths dEspagne et cherche lappui des Lombards dItalie. Malgr tout, il nabandonne pas la doctrine de Glase. Il affirme que cest de Dieu seul que les princes tiennent leur pouvoir temporel. Les rois barbares doivent donc utiliser ce pouvoir pour protger lglise et promouvoir la foi. Les ides de ces deux grands papes sont reprises par des intellectuels au service de lglise et elles commencent circuler dans tout lOccident. terme, ces ides vont germer et vont donner naissance une nouvelle alliance entre le trne et lautel. Elle ne se concrtisera que sous les Carolingiens, sous la dynastie mrovingienne, le pape reste un interlocuteur mineur. Cest au plan local (diocse) que se prennent les dcisions importantes. 2) Limportance des vques Lvque soccupe de la gestion de son diocse. Ce diocse, la plupart du temps, empreinte les frontires administratives qui formaient autrefois le territoire de la cit romaine. Dans ces territoires, lvque est important par son rle politique, pastoral et administratif. a) Un rle politique lpoque mrovingienne, la Gaule compte plus dune centaine dvchs, de diocses. Ces vques de Gaule sont les hritiers directs de lpiscopat gallo-romain. Ils se recrutent surtout au sein de laristocratie et sont souvent issus de familles implantes sur le territoire depuis trs longtemps. Ils font souvent partie de llite, ils sont cultivs et trs riches. Lvque de Tours, Grgoire de Tours, est nomm en 577 et meurt en 594. Il est devenu lhistorien de la dynastie mrovingienne. Il a crit Une

histoire des Francs qui a fait sa renomme. En principe, lvque est lu par le peuple de la cit et le clerg de son diocse. Progressivement, les interventions royales vont devenir plus frquentes. Les rois vont dabord se contenter par raffirmer le principe. Le roi Clotaire II, en 614, donne un dit dans lequel il rappelle que llection se fait par le clerg et le peuple, il prcise aussi que llu sera ordonn vque par lordre du prince. Cette intervention du roi mrovingien est ncessaire pour ltablissement de leur pouvoir. Cest parmi les vques quils recrutent leur personnel administratif. Le rle principal de lvque reste cependant pastoral. b) Un rle pastoral Le rle pastoral de lvque est trs lourd, il clbre le culte divin durant lequel il prche. Il a aussi pour mission dvangliser son diocse. Au 6e sicle, le christianisme sest propag mais les campagnes gauloises connaissent encore de nombreux vestiges de religions paennes. Lvanglisation est donc fondamentale. Pour cela lvque fait implanter en nombre de nouveaux lieux de culte dans les campagnes. Dans ces glises, ils installent des prtres qui vont devoir, leur tour, clbrer le culte. Ils accordent ces glises un patrimoine qui permet aux prtres de pouvoir vivre. Ainsi commence se dessiner, dun point de vue cultuel et juridique, les paroisses qui senracineront au Moyen-ge classique. Lvque est important et apprci car son rle pastoral saccompagne dun rle social (assistance aux dmunis et instruction). Lassistance se traduit par le soutien apport aux faibles (veuves, orphelins et malades). Ils veillent galement linstruction en crant des coles, elle facilite lvanglisation. Les premiers centres dinstruction furent donc les coles piscopales. Ces coles ont pour but avou de former des futurs clercs. Cela dit, il existe aussi des coles presbytrales qui sont situes dans les petites glises locales, elles sont ouvertes aux lacs. On y enseigne la lecture des saintes critures (et un peu lcriture). Ce rle pastoral fondamental explique le succs du christianisme. Lvque remplit aussi un rle dadministration. c) Un rle dadministration Avec ce rle, on voit se dessiner laspect bicphale de lvque, il gre le patrimoine ecclsiastique de son diocse. Ce patrimoine tend se dvelopper la priode mrovingienne car les donations se multiplient. Les vques deviennent riches mais ne sont que dpositaires de ce patrimoine. Ils doivent le surveiller, lenrichir mais ne peuvent ni le donner ni le vendre. Sil faut consentir une vente ou une donation, il doit sentourer de son conseil. Son rle dadministration est double car il remplit un rle administratif sculier. Dans son diocse, il est lintermdiaire entre le peuple et le comte. partir du 7e sicle, certains vques tentent de se substituer aux comtes en

annexant quelques droits comtaux. Ainsi, Tour, Reims et au Mans, lvque peroit limpt la place du comte. Ils prennent alors de limportance car les rois mrovingiens acceptent que lvque prenne plus de place (meilleure garant de justice fiscale). Avec ces prrogatives nouvelles, lvque va se montrer encore plus ambitieux. Ce sont les vques qui vont prendre en charge la ralisation dimportants travaux publics : des forteresses mais plus sou