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Yvan Lacroix DAUPHIN depuis le Jura, berceau du jouet HISTOIRE DU JOUET U n e a v e n t u r e i n d u strielle p o u r p e t i t s e t g r a n d s

Histoire du jouet - editionsdudauphin.com · 12 HISTOIRE DU JOUET Sans prétention d’atteindre un tel niveau – je ne suis pas historien – mais avec la passion qui m’anime

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Yvan lacroix

dauphin

depuis le Jura, berceau du jouet

Histoiredu jouet

Une aventure industrielle pour petits et grands

Remerciements ............................................................................ 5

Note de l’auteur ........................................................................ 11

INtRoductIoN .................................................................... 13

Préambule ................................................................................... 18

Préfaces ...................................................................................... 19

Première partieL’hIstoIRe des jouets du juRa .................................... 21

I. du xIIe au xIxe siècledes objets de piété aux articles de saint-claude .............. 25

• un chapelet de jouets ............................................. 25• du bois dont on fait les jouets ................................ 27

II. Le siècle d’or de la tournerie ............................................. 29

• L’âge d’or de la tournerie ........................................ 29• L’influence des pays de l’arc alpin ........................... 31• de l’eau au moulin .................................................. 31• Le mouvement coopératif ....................................... 33• des rouliers aux négociants .................................... 34• En route vers l’industrialisation .............................. 35• Tournez rotatives et filettes ! .................................. 38• Les pionniers .......................................................... 42

Table des matières

III. de la fin du xIxe siècle aux années cinquante, des matières naturelles aux polymères de synthèse ........................ 44

• L’arrivée des premières matières plastiques modernes ............ 44• L’évolution des techniques de transformation et les nouvelles applications ................................................... 52

IV. Les trente Glorieuses : l’apogée du jouets jurassien ....................... 58

• Le plastique c’est fantastique ................................................. 58• Foires et salons ....................................................................... 66• des Trente Glorieuses aux Trente piteuses ............................. 69

V. Le temps des crises et des concentrations ......................................... 84

• La course à la taille critique .................................................... 87• Le retour du jouet en bois ....................................................... 91• il revient de loin ...................................................................... 92

deuxième partieLes jouets et Les PRINcIPaux fabRIcaNts du juRa ........... 97

I. Les fabricants de jouets en bois ............................................................. 99II. des fabricants multisectoriels aux groupes de dimension mondiale ....................................................................... 115

• de Berchet à Superjouet ...................................................... 115• de Moquin & Breuil à Smoby .............................................. 124

III. Les fabricants spécialisés du Massif jurassien ...................................135

• animaux et jouets pour les petits .......................................... 135• porteurs, jouets de locomotion ............................................. 141• Véhicules (autos, bateaux, trains) ......................................... 145• poupées, peluches, mobilier de poupée ................................ 162• Les jeux d’imitation .............................................................. 168• Jeux de cubes et jeux de construction, tableaux, tirelires ...... 171• Jeux de sport et d’adresse, jeux de plein air .......................... 184

coNcLusIoNLa place des jouets du jura sur l’échiquier mondial au xxIe siècle .............................................................................................. 195

aNNexes .................................................................................................... 199

• Les autres fabricants français de jouets ................................ 199• Crédits photos, iconographiques .......................................... 200• Sources ................................................................................. 200• Bibliographie ........................................................................ 201• Les jouets du Jura aujourd’hui .............................................. 202• Où trouver et voir des jouets du Jura ? ................................. 203

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Histoire du jouet

Ce petit triporteur attribué à Vilac en bois marqué « Postes » est assez représentatif de la production moirantine des années 50 et du début des années 60. Il possède un charme indéniable malgré sa simplicité. Son coloris vert wagon est conforme à la charte graphique des véhicules des PTT d’avant 1965. Longueur : 12,5 cm.

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note de l’auteur

lorsque l’on est enfant, on n’imagine pas que l’on puisse un jour abandonner la multitude de jouets qui nous entoure. Dans la région de moirans-en-montagne, pendant longtemps les enfants n’ont pas eu à connaître ce déchirement. Devenus jeunes adultes, ils continuaient à côtoyer les jouets, passant du statut de client à celui de fournisseur du Père Noël en intégrant l’une ou l’autre des nombreuses usines de jouets que comptait encore ce territoire, berceau du jouet français. Ils devenaient des petits lutins, maillons de la longue chaîne allant de la conception à la commercialisation des jouets, en passant par leur fabrication.

Je suis natif de la région de moirans-en-montagne, d’une époque pas si lointaine où les études offraient un gage d’emploi et où l’ascenseur social n’était pas en dérangement. Alors que l’on y comptait encore les fabriques de jouets par dizaine, j’ai tout naturellement orienté mon choix de carrière dans ce domaine. c’est ainsi que je rentrais dans la société Vilac, une marque dans laquelle passion et rigueur professionnelle étaient nécessaires pour intégrer une équipe bien décidée à imprimer sa marque sur le revival du jouet en bois qui débutait tout juste, et déterminée aussi à imaginer de beaux jouets qui feraient envie aux esthètes du monde entier. Une culture d’entreprise atypique, en marge des dogmes, allant un peu à l’encontre de l’environnement économique durci dans lequel avançait notre profession dont les rangs s’étiolaient année après année. cette voie a permis à Vilac de sortir de l’ornière pendant que d’autres s’y enfonçaient davantage, faisant de cette marque une de celles ayant longtemps donné le « la » dans le monde du jouet en bois.

Un peu plus tard, la tâche se révèle bien plus ardue lorsqu’il faut reconstruire la fabrique de poupées Petitcollin acquise par Vilac en 1995. Étant une des plus grandes fabriques française de poupées de l’entre-deux-guerres aux années cinquante, cette firme séculaire était à l’état de ruine lors de son rachat. l’examen des atouts en présence m’a fait prendre conscience de la richesse patrimoniale de cette marque. En parallèle du travail de renouvellement des collections pour susciter l’envie, à travers la co-rédaction d’un premier livre, l’organisation de visites guidée puis l’ouverture d’un musée grâce au volontarisme des responsables politiques locaux, j’ai utilisé cette singularité comme un ressort pour faire redécou-vrir au public une histoire et un savoir-faire hors du commun qu’ils contribueraient à sauvegarder, en transformant leurs achats en acte militant. Guidé par les pas d’Élisabeth chauveau, une historienne qui a consacré sa vie à étudier et à faire prodiguer à chacun l’immense savoir qu’elle a accumulé au fil du temps, faisant avancer la recherche en même temps qu’elle sortait de l’ombre des marques oubliées, cette expérience m’a permis de découvrir le monde de la poupée, ses collectionneurs et gens exaltés.

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Histoire du jouet

Sans prétention d’atteindre un tel niveau – je ne suis pas historien – mais avec la passion qui m’anime depuis toujours, j’ai eu envie à mon tour de conter l’histoire des fabriques de jouets qui m’entouraient et disparaissant les unes après les autres. Par nostalgie, un peu. Par volonté de figer la mémoire d’une profession dont il est urgent de recueillir les traces et les témoignages. Pour border ce travail long et encyclopédique qu’il est impossible de mener de manière exhaustive, j’ai choisi de circonscrire ce sujet dans sa dimension territoriale : celle du Jura que j’aime tant. le regard que je porte sur les jouets oscille tantôt entre celui d’un gamin figé devant une vitrine de magasin de jouets et celui aguerri d’un profes-sionnel. Par conséquent, le choix de mise en avant d’une marque plutôt que d’une autre relève nécessai-rement de goûts personnels. Il ne préjuge en rien de leur importance et n’ôte rien à la longue liste des fabricants qui n’ont pas fait l’objet ici de développements plus poussés. le jouet est un thème au fort contenu émotionnel qui a déjà été abordé sous d’autres angles par quelques auteurs et par le musée du jouet de moirans-en-montagne. cet ouvrage est le fruit de mon regard critique sur un passé riche dont chacun peut-être fier tant cette région a été au premier plan. J’espère qu’il plaira au lecteur et qu’il ne trahira pas les acteurs de cette histoire.

L’Estafette Renault publicitaire (matière plastique et tôle lithographiée de la marque Sésame de Saint-Claude) est apparue quelques années après l’originale. Elle a existé dans une grande diversité de coloris et de décors. Cet exemplaire décoré aux couleurs du fromage « Vache Grosjean », grand concurrent de la « Vache qui rit » originaire du Jura, date de 1963. Longueur : 8 cm.

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l’Histoire des jouets du jura

Première partie

L’histoire des jouets du jura

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Histoire du jouet

une brève histoire du jouet depuis l’antiquité

les traces des jouets les plus anciens remonteraient au Ve siècle avant notre ère. On peut même supposer que des objets avaient déjà pour fonction de divertir les enfants dès l’âge des cavernes. Durant l’Antiquité, on trouve de nombreux jouets que l’on ne qualifie pas encore comme tels. car le mot qui les désigne n’apparaîtra qu’au moyen Âge. Il ne sera d’ailleurs pas utilisé au sens propre, mais plutôt au figuré, pour qualifier un objet de dérision. le terme « joujou » viendra l’épauler au XVIIIe siècle.

les premiers jouets comme les hochets bruités sont destinés à éveiller le nouveau-né ou à le protéger du mauvais œil, en tenant à l’écart les esprits malfaisants, un rempart bien faible pour préserver le bébé de la mortalité infantile qui fera des ravages jusqu’au XXe siècle. les jouets d’adresse : cerceaux, yo-yo, osselets, billes (incarnées à l’origine par des noix), toupies à fouetter, balles, mais aussi les poupées, sont les premiers objets à amuser l’enfant pour le préparer au passage à l’âge adulte.

Il faut attendre le moyen Âge, au XIIe siècle, pour que l’idée du jeu réapparaisse. c’est à cette époque que l’on trouve les premières traces avérées de la commercialisation et de la fabrication des jouets, sur les lieux ou à proximité de localités de pèlerinage dans le limousin, à St martial et dans l’Aisne - dans la région de liesse, à proximité de laon notamment - où l’on voue un culte à la Vierge noire. Également dans la région de Saint-claude, dans le Haut-Jura, à laquelle nous allons nous intéresser plus longue-ment dans cet ouvrage. ces localités sont probablement les deux berceaux français du jouet en bois. Seule Saint-claude toutefois, peut s’enorgueillir des siècles d’évolution qui ont suivi, et qui ont permis de transformer les montagnes du Jura en symbole de la production française de jeux et jouets.

Dans l’entre-deux-guerres, la maison Jeantet-David fondée en 1816 possède des établissements à Saint-Claude et à Oyonnax. Elle propose dans son catalogue des jouets dont la mise au point a été longtemps mûrie par l’histoire locale. Collection Musée du jouet de Moirans-en-Montagne.

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l’Histoire des jouets du jura

Avant le XVe siècle, les jouets, sont des objets coûteux, essentiellement fabriqués par différents corps de métiers. En miniaturisant avec habileté des objets du réel, les artisans les mettent à la portée des petites mains enfantines. cependant, leurs parents doivent assurément faire partie de l’élite bourgeoise ou aristocratique pour pouvoir leur offrir ces objets, tellement précieux parfois que l’on n’ose pas jouer avec par peur de les casser. À la campagne, les jouets sont davantage des objets populaires fabriqués par les parents ou par l’entourage qui possèdent l’habileté nécessaire pour créer des jouets à partir de matériaux naturels qui leur sont familiers.

Au cours des siècles suivants, les artisans réunis en corporations se répartiront la fabrication des diffé-rentes catégories de jouets, chacun d’entre eux n’ayant le droit de vendre que le produit de leur travail. Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, les bimbelotiers1, les tabletiers auteurs des jeux d’adresse, les tourneurs qui se réservent la fabrication des flûtes, des billes et des boules, les vanniers qui se chargent de celle des berceaux, et enfin les poupetiers qui donnent naissance à des poupées et à des figurines moulées, se partagent la fabrication et le commerce des jouets. ces objets sont alors destinés à faire plaisir. Ils n’ont pas encore la vocation d’être utiles à l’éducation ou à l’apprentissage de l’enfant. En revanche, ils lui confèrent la possibilité de ressembler aux grandes personnes.

la corporation des merciers va alors intensifier son rôle. ce sont eux qui en premier, prendront l’ini-tiative de faire travailler des artisans pour leur propre compte, pour constituer des gammes de jouets. Ils partent ensuite les colporter à travers tout le territoire, jusqu’en Allemagne ou en Angleterre. ce sont les premiers négociants en jouets.

À la Révolution, la loi le chapelier qui abolit les privilèges met fin aux monopoles des différentes corporations. Quiconque peut désormais fabriquer et vendre des jouets, ouvrir un commerce en toute liberté. Bientôt apparaîtront les bazars et les grands magasins parisiens. On compte déjà 9 magasins de jouets dans les galeries qui ceinturent le jardin du Palais Royal au centre de Paris en 1798. l’almanach du commerce de la ville en dénombre quarante-deux au total. Bientôt la publicité pour les jouets apparaîtra dans les revues enfantines et les catalogues d’étrennes apporteront les dernières nouveautés à domicile.

la révolution industrielle diminuera progressivement l’influence des colporteurs et des négociants. ce sont les représentants de fabriques qui deviendront les nouveaux intermédiaires entre les « cathédrales du commerce », expression d’Émile zola pour qualifier les grands magasins, et les premiers fabricants français de jouets en bois qui apparaissent dans le dernier quart du XIXe siècle.

Avec l’arrivée des nouveaux matériaux et des techniques de fabrication, de distribution et de commercia-lisation innovantes, le jouet peut enfin prétendre à devenir l’objet de consommation qu’il incarne encore de nos jours. Il quitte progressivement l’univers populaire et artisanal pour entrer dans l’ère industrielle. On va faire découvrir à l’enfant des univers et des objets qu’il n’a jamais vus. On va permettre à presque toutes les bourses d’acquérir un jouet, en mettant en place des échelles de prix basées sur la taille de l’objet. les baigneurs existent dans une variété de tailles et de prix inouïs dès avant la Grande Guerre.

les grands magasins qui ont fait leur apparition à la fin du XIXe siècle font rêver à travers leurs vitrines au moment des étrennes. Ils affichent pour la première fois des prix fixes sur les articles qu’ils proposent. Au tout début du XXe siècle cependant, les jouets manufacturés sont encore des objets coûteux, dont la valeur peut représenter plusieurs journées de travail d’un ouvrier. Ils sont donc réservés aux familles les plus aisées. Nombreux sont les enfants qui n’en ont jamais eu en main, même si la tradition des étrennes qui consiste à offrir des cadeaux au 1er janvier remonte au XVIe siècle. Il faudra attendre l’après-guerre pour que les fabrica-tions industrielles d’objets en matière plastique en grande série rendent enfin les jouets accessibles aux masses.

1. c’est-à-dire les artisans spécialisés dans la fabrication des « bimbelots », ancienne forme du mot bibelots.

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Histoire du jouet

Au fil des siècles, des vertus bien différentes ont été attribuées au jouet. Tantôt drapé de vertus péda-gogiques, tantôt cantonné à un rôle purement ludique, il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour qu’il quitte l’univers de la bimbeloterie et prenne la place qu’il occupe encore aujourd’hui. Il devient alors définitivement un objet « utile » et essentiel, destiné à favoriser l’éducation et le développement de l’en-fant fasciné par lui. le jouet lui permet d’intégrer la culture de la société dans laquelle il va vivre. Il s’y projette et se construit en cherchant à imiter l’adulte par le jeu. mais ce sont les parents qui restent aux commandes et qui décident quelle vision des schémas sociaux ils souhaitent transmettre à leur enfant. leur représentation de la société est bien souvent très conservatrice. À l’image de la distinction que l’on voit émerger dès le XVIe siècle entre les jouets destinés aux filles et ceux assignés aux garçons. cette différenciation reflète la distribution des rôles sociaux qui n’a pas vraiment évolué au fil des siècles quoi qu’on en pense. En cela les jouets sont encore plus caricaturaux que la société qui leur donne naissance. Aux garçons, les jeux d’action et de compétition à pratiquer hors du cocon familial. Aux filles, les acti-vités en rapport avec le foyer et la maternité. Au-delà des stéréotypes sexistes qui demeurent, les jouets sont aussi l’incarnation de l’époque qui les voit apparaître. Ils en représentent les inventions, les modes ou les événements, ils reprennent les derniers perfectionnements techniques qui autorisent sans cesse de nouvelles audaces. les jouets profitent aussi des progrès économiques et de la hausse du niveau de vie pour accélérer et accroître leur diffusion.

c’est le récit de cette petite histoire que cet ouvrage propose à travers un prisme focalisé sur un territoire géographique : le Jura. Du moyen Âge aux nombreux bouleversements qui se sont produits au cours des dernières décennies et qui semblent marquer la fin d’une époque, nous verrons dans un premier temps comment s’est déroulée cette aventure. Nous marcherons ensuite sur les traces qui ont été laissées par cette activité, au travers de différentes marques – dont certaines méconnues – et de types de jouets qui nous sont les plus familiers.

Que de chemin parcouru depuis les premiers jouets jusqu’aux joujoux en matière plastique produits en masse à partir des années 50. Le sud du département du Jura et la région d’Oyonnax deviendront un des viviers de cette prolifération des jouets bon marché. Ces petits jouets de bazar en polyéthylène soufflé ont été produits par Falquet vers les années 70.L’âne mesure 19,5 cm de hauteur. Le poisson mesure 24 cm de longueur.

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l’Histoire des jouets du jura

I. du xIIe au xIxe sIècLe des objets de piété aux articles de saint-claude

Vers le milieu du Ve siècle, les montagnes du Jura étaient encore en grande partie couvertes de forêts, et striées de vallées où l’eau coulait en abondance. Il ne s’agissait pas d’un désert total comme on le présente parfois, mais il est possible que des foyers de vie issus du lent déclin de l’occupation gallo-romaine, subsistaient encore. Elle avait été notable, au moins jusqu’au IIIe siècle, dans les vallées de l’Ain, de la Bienne et de l’Héria, au sud du massif. l’ouvrage La vie des pères du Jura rédigé au premier quart du VIe siècle par un disciple de l’abbé Oyend nous révèle que c’est précisément au confluent de la Bienne et du Tacon que choisit de s’installer le moine Romain vers 430-435 en vue d’y mener une vie ascétique. Il se consacre à la prière avant d’être rejoint par son frère lupicin et par Oyend. les moines « défricheurs » fondent le monastère de condadisco. Baptisée condat (confluent), la localité qui se crée autour de la congrégation sera baptisée Saint-Oyend en hommage à celui qui avait été son quatrième abbé. malgré la rudesse du climat et la nature répulsive souvent soulignées par l’auteur, le défrichage et l’agriculture s’imposent. Il faut désormais nourrir une communauté grossie par l’arrivée des laïcs auprès des religieux. Dès l’origine, les miracles des trois Pères fondateurs auraient attiré les foules. le culte de saint Oyend en particulier, justifie l’édification au XIe siècle d’une basilique dotée d’une crypte affectée à la vénération de ses reliques.

un chapelet de jouetsPeu de traces écrites en revanche permettent d’éclairer les cinq siècles qui ont suivi l’installation des

moines. la population essaime dans les vallées et plateaux avoisinant la localité de Saint-Oyend. Elle fonde prieurés et villages, posant progressivement les jalons d’un vaste territoire. Prospère et puissante, l’abbaye se trouve malgré tout affaiblie politiquement au début du premier millénaire. Elle va décider, pour accroître sa renommée, de promouvoir les reliques de Saint claude. la dépouille de ce moine auquel on attribue des miracles (et ayant vécu dans cette ville) fût inhumée au VIIe siècle et aurait été retrouvée intacte cinq siècles plus tard. Tout cela ne manque pas d’attirer de nouveau à Saint-Oyend les pèlerins en quête de dévotion. la popularité du saint thaumaturge était telle entre les XIIe et XVe siècles, que l’on rebaptisera bientôt du nom de « Saint-claude » l’agglomération qui entoure le monastère. D’illustres visiteurs comme Philippe le Hardi, charles le Téméraire et surtout louis XI au XVe siècle, se pressent auprès de sa dépouille, accroissant d’autant sa popularité.

« Ruines Romaines. Vallée d’Antre. » Lithographie. Avant d’être exploitée par les tourneurs au XXe siècle, la vallée de l’Héria, pourtant peu accessible, avait été choisie par les Gallo-Romains pour l’édification d’un ensemble balnéaire remarquable et de lieux de cultes.

Les premiers objets de piété étaient en buis, en ivoire ou en os. Une longue tradition a suivi. Ces sifflets tournés dans des os (des tibias) de mouton datent de la première moitié du XXe siècle. Longueur : 7,5 cm. Avant d’être tournés, une fois débarrassés des restes de chair, les os étaient cuits dans de l’eau et de la cendre de bois pour être blanchis.

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Histoire du jouet

les pèlerins, tant d’origine géographique proche que lointaine, viennent en nombre à Saint-claude, au cœur de cette vallée jurassienne austère. Elle bénéficie ainsi d’une renommée que ne renierait pas lourdes de nos jours. ces pénitents ont besoin de structures d’accueil pour se loger et se nourrir. la population et le monastère en tirent naturellement parti. Des oboles bénéficient aux moines qui vont même, à une certaine époque, octroyer des « bulles d’indulgences2 » pour le compte de l’Église de Rome dont ils dépendent directement, lorsque celle-ci aura besoin de renflouer ses caisses. Non seulement le commerce du salut des âmes fait recette, mais la vente aux pèlerins de souvenirs en témoignage de leur voyage génère également des revenus importants. Des objets de piété (chapelets, boîtes à chape-lets, croix, statuettes religieuses), des objets profanes de la vie courante (écuelles, cuillères, couteaux,

fourchettes et peignes que l’on désignera plus tard sous le terme de bimbelo-terie3), et enfin des petits jouets en bois tourné à rapporter aux enfants (toupies, sifflets et poupées) font l’objet de ce nouveau commerce dont la présence est avérée à Saint-claude dès la première moitié du XVe siècle. les patenôtres4 sont alors fabriquées en corne, en os ou en buis que l’on teinte en brun ou en violet. le développement de l’activité engendrera au fil du temps l’amélioration des techniques de la tournerie, comme le passage au « tour à archet5 » qui rend obsolète le « tour à perche6 ». En 1661, les tourneurs de la ville de Saint-claude se réunissent en corporation… choisissant son saint comme patron. D’autres techniques de travail du bois se développeront aussi dans cette dite région : la tabletterie7, la layetterie8 et la boissellerie9. ces métiers aux origines très loin-taines seront les piliers de la tradition haut-jurassienne du travail du bois et du développement des « articles de Saint-claude », tant dans leur variété que dans leur nombre.

la clientèle des pèlerins se renouvelant sans cesse, l’industrie qui leur est consacrée devient au fil des siècles une activité très prospère où les populations viennent seconder les moines. les paysans des fermes alentours, qui pâtissent à la fois de la rudesse du climat et de la pauvreté du sol, sont obligés de chercher un supplément de ressources. Dès le moyen Âge, beaucoup deviennent ainsi des « paysans-artisans » pour le compte de l’abbaye. Enfermés durant les longs mois d’hivers neigeux, ils s’adonnent sur leurs petits tours à bois, à la fabrica-tion des chapelets destinés à être vendus aux nombreux pèlerins qui se pressent

2. Une indulgence était un titre de rémission des péchés en échange d’une somme d’argent, garantissant l’accès au paradis à son détenteur.3. D’après le dictionnaire larousse : fabrication ou commerce de bibelots ; ensemble de ces objets. la bimbeloterie inclut tous les petits objets utilitaires ou décoratifs de la vie courante fabriqués en série, y compris les petits jouets. D’après certains auteurs, ce terme proviendrait de l’italien « bimbo » (un enfant) et servait à désigner les petits objets qui étaient destinés aux enfants.4. ce terme sert à désigner les chapelets par allusion aux prières, les « pater noster ».5. le tour est entraîné par un archet actionné par la main du tourneur.6. ce type de tour dont l’usage remonte à l’antiquité est entraîné par une cordelette reliée à une perche souple ou à un arc fixé au plafond d’une part, et à une pédale au sol d’autre part. le mouvement de va-et-vient de la cordelette enroulée autour de l’axe du tour provoque sa rotation.7. Ou « petite menuiserie », c’est la technique utilisée pour la fabrication des petits objets faits de bois plat.8. la layetterie est une déclinaison de la tabletterie consacrée à la confection d’emballages, de tiroirs et de meubles à tiroirs en bois, souvent destinés aux horlogers et aux fabricants de lunettes pour y ranger les petites pièces.9. la boissellerie consiste à fabriquer des objets cylindriques à partir de lames de bois tranché, comme des boîtes de camembert.

Extrait du catalogue de la société Grandmottet et Cordier de Moirans- en-Montagne en 1931. Collection Musée du jouet de Moirans-en-Montagne.

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l’Histoire des jouets du jura

auprès des châsses des saints. la fabrication d’objets pieux devient ainsi une occupation saisonnière dans la région de Saint-claude, de même que la fabrication d’objets de bimbeloterie, désormais appelés « articles de Saint-claude ». cette dénomination, au fil du temps, va finir par englober une vaste diversité d’objets10 en bois ou en d’autres matières. Y compris, bien entendu, les jeux (hochets, sifflets, toupies, quilles, boules et cochonnets, perles, yo-yo, crécelles, flageolets, seaux et pelles, croquets, dames, échecs, castagnettes, cubes, jetons, cordes à sauter, diabolos et bilboquets) et les jouets (jouets à traîner, jouets articulés, poupées et manèges). Un peu plus haut en altitude dans la montagne juras-sienne, l’horlogerie, l’activité lapidaire (la taille de pierres précieuses) et la lunetterie organiseront leur mode de production selon des partitions assez similaires, mais il s’agit d’une autre histoire.

Déjà éprouvée par le fléau de la peste noire en 1349 (l’année de la « Grande mort »), la terre de Saint-claude s’affaiblit progressivement vers la fin du moyen Âge. la vie religieuse connaît une déca-dence qui s’accentue au XVIe siècle (marqué par le « petit âge glaciaire ») et au XVIIe siècle. l’arrivée du protestantisme dans la Genève toute proche, les miracles des saints devenant plus rares, les vies de plus en plus dissolues des moines qui mènent désormais une existence séculière vont finir par avoir raison de l’envie des pèlerins de faire le déplacement à Saint-claude qui compte 4 000 habitants avant la Révolution. En détruisant par le feu la relique de son saint à la fin XVIIIe, les révolutionnaires mettent définitivement un terme aux pèlerinages et au commerce florissant qui en découlait (cent mille francs de chapelets y sont vendus en 1789). c’est à cette même période, en 1784, que Joseph David de chaumont revendique l’invention du tour à bois à marchepied, aussi appelé « tour à roue » ou « tour à volant ». En remplaçant l’archet par une roue d’un diamètre de 1,30 m, ce tour permet de démultiplier sa vitesse de rotation et par conséquent l’efficacité et la rapidité d’exécution du travail de tournage. D’abord activée par un manœuvre, la roue sera entraînée par la force hydraulique un demi-siècle plus tard, puis par le moteur électrique au début du XXe siècle. En l’espace de quelques centaines d’années, la tournerie est devenue une activité dominante à Saint-claude. On dénombre près de six cents ouvriers tourneurs dans l’arrondissement de la ville en 1875.

du bois dont on fait les jouetsl’altitude, la nature des sols et l’orientation des versants sont variées sur le massif.

cela a permis très tôt aux artisans de jouir de toute une palette d’essences de bois parmi lesquelles ils ont pu choisir ceux qui sont les mieux appropriés aux objets auxquels ils voulaient donner naissance.

Sapin et épicéa sont les conifères qui recouvrent les grandes étendues silencieuses du Haut-Jura devenus emblématiques. Ils occupent l’étage montagnard, entre 800 et 1 300 m d’altitude, incluant les premiers plateaux et les pentes de la « haute chaîne » qui constitue une barrière naturelle jouxtant la frontière Suisse. le climat rigoureux impose aux conifères une croissance lente, gage de robustesse. Faciles à travailler, ce sont aussi des essences que choisiront les tabletiers et layetiers pour confectionner les boîtes et coffrets de jouets et de jeux en tous genres : jeux de cubes, jeux de société,…

10. comme les articles de cave (tire-bouchons ou robinets), les articles pour fumeurs, pour écoliers, pour confiseurs, pour soyeux ou pharmaciens, les boutons en tous genres, les objets de mesure, les balustres et tringles, les articles de ménage et de cuisine, les boîtes et les objets de petit ameublement.

Ces miniatures de jouets en buis mesurent à peine quelques centimètres (les quilles mesurent 6 cm de hauteur). La finesse de l’essence est telle que l’on pourrait les imaginer de taille plus imposante. De fabrication actuelle (par la tournerie artisanale Carron), ces articles sont très proches des premiers petits jouets qui ont été tournés à Saint-Claude et dans ses environs il y a plusieurs siècles.

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Histoire du jouet

En revanche, là où se sont installés les moines défricheurs et les premiers foyers d’habitation, le long des rivières et au fond des vallées, ce sont surtout les forêts de feuillus qui prédominent. chêne, mais surtout charme et hêtre (appelé localement « foyard ») vont constituer des essences de prédilection pour la tournerie. Tout comme l’alisier, l’aulne, l’érable, le tilleul et les arbres fruitiers qui sont d’autres essences communes sur les pentes jurassiennes. Dans la tabletterie aussi on aime recourir aux feuillus, pour les usages où du résineux risquerait de manquer de noblesse. De nos jours encore, buis, hêtre, charme, frêne, sont les bois préférés des tourneurs. Sapin et épicéa sont trop noueux et trop tendres pour la tournerie, et surtout peu abondants aux altitudes où l’homme a installé ses activités.

c’est vers le buis que s’est porté assez naturellement le choix des tout premiers tourneurs. Abondant malgré une croissance très lente – l’arbuste ne pousse que de 3 cm par an environ – la dureté et la finesse de la veine du buis lui confèrent singulièrement un aspect et un toucher proche de celui de l’ivoire. Sa densité remarquable et ses tiges de quelques centimètres de section se prêteront bien à la fabrication par les artisans tourneurs, de petites pièces comme les billes et les sifflets. De nos jours, le buis est toujours utilisé et privilégié dans la fabrication des pièces les plus nobles des jeux de plateaux : pions de dames, dés, pièces de jeux échecs, ... le territoire sur lequel le buis pousse en abondance va d’ailleurs se confondre avec le « triangle d’or de la tournerie11 », c’est-à-dire le triangle d’implantation historique de la tournerie jurassienne, délimité par lons-le-Saunier au nord, morez à l’est et Nantua au sud. Au milieu se situe la localité qui en deviendra le centre économique : moirans-en-montagne.

les premiers artisans auront peut-être aussi été incités par un jugement émanant de l’abbé de Saint-claude en 1313 à utiliser les essences de bois ne convenant pas au bois de chauffage. cette décision prévoyait l’octroi à chaque habitant d’une part de la coupe annuelle de bois communal. la pratique de l’affouage, qui subsiste actuellement dans les villages forestiers du Haut-Jura, permettait ainsi aux artisans tourneurs ou tabletiers de bénéficier gratuitement, pour se chauffer ou pour leur activité, de la ressource sylvicole présente en profusion.

11. l’expression est de christophe Picod dans « les tourneurs sur bois », France Régions, 1991.

Bien qu’ayant bénéficié d’une certaine recherche dans les couleurs, ces voitures en bois tourné sont d’une finition particulièrement sommaire. Sur l’une d’entre elles on voit même encore des restes d’écorce du bois. Les traces de piques métalliques que l’on aperçoit à l’avant des véhicules sont celles des pointes ou contrepointes qui ont servi à accrocher le morceau de bois sur le tour. Tout dans la conception et dans la réalisation de ces engins traduit un souci d’économie évident. Il s’agit probablement de jouets « de quatre sous » qui ont été fabriqués durant l’entre- deux-guerres. Les modèles au premier plan mesurent 11,5 cm. Les deux exemplaires avec deux personnages mesurent 15 cm.

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l’Histoire des jouets du jura

Extraits du catalogue Etrennes 1928-1929 du grand magasin parisien Au Printemps. Avant que les artisans jurassiens ne commercialisent leurs jouets en bois sous leurs propres marques, les grands magasins s’approvisionnent auprès d’eux par l’intermédiaire de grossistes et de négociants. On les trouve en nombre dans les catalogues des grands magasins de la première moitié du XXe siècle où ils côtoient les jouets en métal proposés par de grandes manufactures françaises et étrangères renommées qui ont

déjà pignon sur rue depuis le début du XIXe siècle. En bas de la page de droite, on peut voir des lots de joujoux en bois très bon marché à la finition très sommaire, parfois constitués d’une seule pièce. Apparus à la fin du XIXe siècle, on les qualifiait de jouets à un ou deux sous, plus communément de jouets « de quatre sous ». Ce sont les premiers jouets fabriqués en quantités industrielles.

Il n’est pas aisé de reconnaître la provenance des jouets présentés dans les catalogues datant d’avant la fin des

années 50. Car non seulement les marques n’y sont que rarement citées, mais de surcroît les jouets sont souvent dessinés avant d’être photographiés. Le camion rouge en planches de bois découpées et à la finition sommaire mesure 41 cm.

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l’Histoire des jouets du jura

Lorsque la Citroën Méhari a été présentée à la presse, elle n’a pas bénéficié d’une attention soutenue. Il faut dire que c’était en mai 1968. Cela n’a pas empêché ce curieux véhicule à la carrosserie en matière plastique montée sur un châssis de 2CV de connaître le succès jusqu’en 1985. Ce modèle reproduit par Educalux a probablement eu une carrière moins longue. Il arbore une carrosserie moulée dans une matière plastique qui imite fidèlement l’acrylonitrile-butadiène-styrène (mieux connu sous l’acronyme ABS) utilisé pour l’originale. Les autres pièces qui la composent sont en bois

laqué. À la fin des années 60, la maison Cretin entame seulement sa transition vers les matières plastiques. Collection privée. Longueur : 27 cm.

l’Histoire des jouets du jura

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Convert n’a pas fabriqué que des baigneurs ! Dans les années 40, la marque proposait des personnages sous licence Walt Disney. Ce chien Pluto en celluloïd est plus tarif. Sa tête s’anime lentement lorsqu’on le fait bouger. Longueur : 21 cm

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l’Histoire des jouets du jura

deuxième partie

Les jouets et les principaux fabricants

du jura

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Histoire du jouet

Il n’est pas aisé de classifier et de présenter à la fois les différents types de jouets qui ont été fabriqués dans le Jura et les nombreux fabricants de ce territoire. La plupart de ces derniers ont proposé ou conti-nuent à intégrer dans leurs collections des gammes qui font parfois le grand écart entre les différentes catégories de jouets, les matériaux utilisés et les publics ciblés. De plus, les jouets étant nécessairement le reflet de l’époque à laquelle remonte leur création et leur mise sur le marché, les disparités peuvent être fortes au sein d’une même famille de jouets, avec une production qui s’étale quelquefois depuis une période très longue.

Dans un premier temps, on s’intéressera aux fabricants de jouets en bois. Ce sont eux, historique-ment, qui sont apparus au commencement, même si beaucoup se sont complètement détournés de ce matériau naturel par la suite. L’exposé se poursuivra par les fabricants qui ont mené la danse du mouvement de concentration ayant caractérisé la profession au cours du dernier quart du XXe siècle. Enfin, grâce à une classification simple, nous balaierons les différentes catégories de jouets qui ont été ou qui sont encore fabriqués localement. Dans cette troisième partie, nous découvrirons les fabricants importants qui se sont spécialisés dans des familles de jouets spécifiques.

Les jouets dont la production a fait l’objet d’un processus de délocalisation (mouvement qui a pris de l’ampleur depuis la seconde moitié du XXe siècle) ne seront pas repris dans ce survol. Cela ne préjuge en rien de leur intérêt ou de leur valeur, mais ce choix permet de circonscrire le périmètre de l’analyse. L’offre de jouets du Jura et la grande diversité des fabricants demeurent en tout cas un sujet au moins aussi vaste que le lieu qui les a vus naître. La sélection d’objets et de marques présentés n’est donc en aucun cas exhaustive. Il faudrait toute une encyclopédie pour en venir à bout. Ce travail de recherche ne fait que commencer...

Canard à traîner en bois laqué l’Arbre à jouer des années 70 ou 80. Collection privée.

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les jouets et les principaux fabricants du jura

I. Les fabrIcants de jouets en boIs

Peu de fabricants de jouets en bois sont parvenus jusqu’à nous. Ceux qui y sont arrivés sont parado-xalement ceux qui, dans les années cinquante, n’ont pas succombé au chant des sirènes des matières plastiques. Cette longévité leur a toutefois valu de payer le prix du désamour dont a été victime le jouet en bois des années soixante à quatre-vingt.

Cretin – Les jouets Educalux

Le père de Paul Cretin a fondé l’atelier familial de tournerie consacré à la fabrication de robinets de tonneaux. Lorsque son fils Michel le rejoint à son retour du service militaire au début des années cinquante, ce dernier constate que le marché est devenu obsolète, le vin étant désormais distribué en bouteilles et non plus en fûts. C’est alors qu’il décide presque par hasard de se lancer dans la fabrica-tion de jouets en bois, « parce qu’il fallait bien faire quelque chose », sous l’influence de l’effervescence qui règne autour du jouet à Moirans et ses alentours en ce début des années cinquante. D’autant que l’atelier familial fournissait déjà en roues des fabricants de jouets comme Clairbois ou Giraud-Sauveur qui en équipait ses chevaux.

Les premiers jouets de chez Cretin de Maisod sont apparus au milieu des années 50. Comme le montre cette publicité de 1959 publiée dans l’annuaire Jouets et jeux de France, la toute jeune marque Educalux propose avant tout des jouets en bois tourné issus de l’atelier familial. Jouets à empiler, à traîner et à construire seront pendant longtemps le credo du fabricant. La marque et son logo ont été inventés et dessinés sur un coin de table par Michel Cretin en 1958. Il voulait à la fois mettre en avant le caractère éducatif de ses jouets et leur niveau finition hors pair dû à la laque épaisse et résistante. La publicité n’hésite d’ailleurs pas à parler de « bois émaillé ».

La locomotive démontable en bois laqué Educalux a existé dans de nombreuses tailles et variantes depuis la fin des années 50. Celle-ci, de grande taille, avec un conducteur en matière plastique doit dater du début des années 80. Collection particulière.Longueur : 37 cm.

Voiture avec personnage à traîner Educalux. Début des années 70. La carrosserie de la voiture et la capote sont en plastique soufflé. La tête, les bras et mains et le chapeau de l’éléphant sont aussi en plastique tandis que toutes les autres pièces sont en bois laqué. Un exemple typique de jouet Educalux de cette époque.Collection privée. Hauteur : 27 cm, longueur : 25 cm.

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les jouets et les principaux fabricants du jura

C’est d’ailleurs à la foire de Lyon en 1955 où Michel Cretin avait fait le déplacement pour y proposer ses roues à d’autres fabricants, qu’il entrevit le potentiel que représentait le secteur du jouet. Décidé à voler de ses propres ailes, il créa deux ans plus tard sa première collection de jouets en bois laqué.

Les premiers modèles sont dessinés par Michel Cretin lui-même. Michel Pinget, un dessinateur de Lyon, en assure ensuite la pérennité. La distribution se fait rapidement avec le concours d’un représentant proche des acheteurs. Dès 1958, la maison Cretin partage un stand à la foire de Lyon avec deux autres artisans. C’est lors d’une prochaine foire qu’un client italien passera une commande équivalente à une année de chiffre d’affaires, une opportunité rêvée pour faire partie de la cour des fabricants importants de jouets en bois. Avec la qualité de sa laque, obtenue à force de tâtonnements dans le but d’atteindre le même niveau d’excellence que celui du fabricant grec Kouvalias qui fera longtemps référence dans le métier, Michel Cretin, bientôt épaulé par sa femme Bernadette, a déjà réussi à donner une image enviable à ses jouets. Instinctivement, il créa et dessina dès 1958 la marque et le logo Educalux qui symbolisera l’entreprise. Parmi les modèles des premières années, le chien « Zouki » deviendra un des best-sellers de la marque, fabriqué avec un outil servant auparavant à fabriquer des robinets, d’où la forme caractéristique de son corps.

Ci-contre : la marque Educalux est à la croisée des chemins en 1973 lorsque cette publicité est présentée dans la Revue du jouet. Bien plus tard que beaucoup d’autres fabricants jurassiens de jouets en bois qui s’étaient tournés vers les matières plastiques 20 ans auparavant, Educalux incorpore désormais dans ses jouets en bois des pièces faites de polymères, comme les personnages et quelques pièces du manège.

En bas : au premier plan, le chien à traîner « Zouki » (longueur : 22 cm) est devenu au fil du temps une des mascottes de la marque. Son corps à la forme asymétrique (l’avant est plus épais que l’arrière) était tourné avec un outil qui servait à fabriquer des robinets de tonneaux à l’époque où l’atelier familial en avait fait sa spécialité. Le modèle de gauche est un empilable (hauteur : 20,5 cm), une spécialité du fabricant. Seules les oreilles des deux chiens sont en matière plastique. Toutes les autres pièces sont en bois laqué. Collection privée.

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Histoire du jouet

À la fin des années soixante, on s’inquiète chez Educalux de la mauvaise image que pourraient avoir les empilables en bois auprès des écoles. En effet, à cause de leur poids, ils risquent de se transformer en projectiles entre les mains des bambins. La décision est alors prise de fabriquer des anneaux en matière plastique soufflée. Non équipée pour effectuer un tel virage technologique, la marque va alors se tourner vers la région d’Oyonnax où elle fera mouler ses pièces. Devant les multiples avantages procurés par les matières plastiques qui avaient déjà au préalable séduit presque tous les anciens fabricants de jouets en bois du massif, Educalux intégrera progressivement dans ses modèles un nombre toujours croissant de pièces en matière plastique qui lui ouvriront de nouvelles perspectives.

L’entreprise est devenue prospère au fil du temps et dépasse maintenant les cinquante salariés dont elle prend soin tant la main-d’œuvre est devenue une denrée rare en ce début des années soixante-dix. Comme la plupart des fabricants de la région, Educalux fait venir des travailleurs immigrés : des Turcs, des Maghrébins dont le mode de vie étonnera souvent cette France rurale de la région de Saint-Claude et d’Oyonnax. Avec la ruse du Petit Poucet, la marque parviendra ensuite à s’immiscer dans des créneaux du marché d’où elle était alors totalement absente, comme les mobiles dont elle deviendra le premier fabricant européen, en produisant jusqu’à un millier par jour. Les jouets d’éveil et de premier âge apporteront ainsi un second souffle à Educalux qui pâtit de la désaffection pour les jouets en bois après les Trente Glorieuses.

À la fin des années 70, Educalux crée des personnages et tout un univers : les « Minitou ». Collection particulière. Longueur : 47,5 cm, hauteur : 23 cm.

Ci-dessous : publicité de 1980 dans La revue du jouet. Educalux fait alors partie du groupement DJIN. Les pièces en matière plastique ont désormais complètement remplacé celles en bois dans les nouveaux modèles qui apparaissent dans la collection Educalux. Légèreté, facilité de fabrication et coût moindre, les qualités des matières plastiques ont fini par convaincre définitivement la marque de Maisod.

Ci-dessus : jouet à traîner Educalux entièrement en matière plastique datant des années 80. Collection particulière. Hauteur : 19 cm, longueur : 18 cm.

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les jouets et les principaux fabricants du jura

Souffrant de la raréfaction progressive des petits détaillants, la marque devra se résoudre à se tourner vers les circuits de grande distribution pour écouler ses jouets qui exigent désormais des séries plus longues pour pouvoir être rentabilisés. Elle doit aussi à présent affronter des marques aux moyens sans commune mesure. Soumise aux conditions draconiennes de la grande distribution qui l’affaiblissent peu à peu, l’entreprise redouble pourtant d’imagination et fait preuve d’un marketing innovant pour imposer ses produits. Comme cette opération menée en 1987 qui visera à faire connaître la marque auprès des jeunes mamans en leur offrant un hochet à la naissance de leur enfant.

Peinant à trouver un nouveau souffle à l’aube des années quatre-vingt, la marque sera revendue au groupe Idéal Loisirs en 1988, qui s’illustrera ensuite par le rachat de Majorette en 1993. Educalux accueillera sous son toit la marque Pipo, elle aussi reprise par son acquéreur. Une politique de groupe dont la fabrication française n’est pas la spécialité sonnera le glas des jouets en bois Educalux en 1990, et l’arrêt définitif de la production en 1992.

Giraud-Sauveur

En 1910, deux Allemands venus de Nuremberg s’installent à Champagnole. Ils s’associent avec Léon Giraud-Sauveur qui vient tout juste d’acquérir un moulin à farine à côté duquel il dispose de locaux vacants. Ensemble, ils démarrent rapidement la fabrication de chevaux en carton moulé.

Après le départ des Allemands en 1913, le jeune fabricant déve-loppe sa gamme mais l’essor de l’entreprise se trouve entravé par l’éclatement de la Grande Guerre qui conduit tous les hommes au front et entraîne la raréfaction des matières premières. Rose Giraud-Sauveur, la femme de Léon et la fille de M. Verpillat, maire de Moirans, tourneur de son état qui a initié sa fille à la conduite des affaires, va alors remplacer son mari aux commandes de l’entre-prise. Elle se lance dans la fabrication de poupées au corps bourré de copeaux, dotées d’une tête en carton moulé. Leur fabrication est assurée par un bataillon de femmes travaillant à domicile. Au retour du conflit, Léon Giraud-Sauveur doit subir le départ de son contremaître pour monnayer son savoir-faire chez un concurrent. Cependant, le développement des articles, la mécanisation progressive de la production et le dynamisme dont fait preuve toute la famille lui permettent de traverser les années folles sans encombre.

Les animaux en carton sont moulés dans les moules en plâtre ou en fonte en deux parties qui sont ensuite collées ou agrafées l’une contre l’autre. Ils sont peints ou recouverts de véritable peau ou de flocage de poudre de laine déposée après avoir encollé le support. Les pattes sont en bois, la crinière et la queue en peau de lapin ou de chèvre. Dans les années trente, tandis que les deux fils Charles et Fernand intègrent l’entreprise et épaulent leur mère désormais veuve, la demande en chevaux se fait moins pressante, reflétant la réalité de la rue où les automobiles prennent le dessus. Giraud-Sauveur s’oriente alors vers des articles de plage, parmi lesquels les yo-yo qui connaissent une mode importante

En 1919, approché par un ancien contremaître de chez Giraud-Sauveur, l’industriel Georges Bazinet de Champagnole se lance dans la fabrication de chevaux à bascule et à roulettes. Une dure épreuve pour Léon Giraud-Sauveur qui a lancé son activité de production de jouets quelques années plus tôt à peine. Lorsque parait cette publicité dans Le jouet français en 1953, l’entreprise vit ses dernières années.

Ci-dessus : couverture du catalogue Giraud Sauveur vers 1910. Collection particulière.

Ci-contre : l’intérieur du stand Giraud-Sauveur à la foire de Lyon en 1917. Les poupées à la tête cartonnée et au corps bourré de copeaux de bois sont affichées comme des trophées. La gamme des chevaux en carton moulé est déjà vaste elle aussi. Ils mesurent une taille qui va de quelques centimètres à celle d’un véritable poulain !Collection particulière.

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les jouets et les principaux fabricants du jura

En 1986, Lorge sera le premier fabricant de jouets en bois à recourir à la machine de défonçage à commande numérique. La machine, selon un programme enregistré préalablement, va découper, creuser et percer la pièce de bois qui est reproduite en série, comme ce plateau de jeu de toupie « Toupinette » au tout début des années 2000. Là où il aurait fallu précédemment plusieurs étapes, la pièce est fabriquée en une seule fois, en série par la machine qui change d’outil de manière automatique. Le bois utilisé n’en est pas vraiment. C’est du MDF pour « Medium Density Fiber », un aggloméré très dense à base de sciure de bois et de liant. Solide, de bel aspect lisse une fois mis en peinture, ce matériau est privilégié pour les grandes pièces de bois plat que l’on ne pourrait pas réaliser en bois massif. 25 x 25 cm.

Lorge – Les jouets L’arbre à jouer

En 1880, Jules Lorge fonde à Vouglans l’entreprise familiale dans laquelle quatre géné-rations se succéderont. Il faudra atteindre 1978 et l’apparition de la marque l’Arbre à jouer pour que cette fabrique devienne un acteur d’importance sur le marché du jouet en bois. En 1990, elle annonce déjà un chiffre d’affaires 22 millions de francs1 dont un quart à l’exportation, 31 millions2 sept ans plus tard. Dans sa nouvelle usine qu’elle a érigée à Moirans-en-Montagne, délaissant son fief historique de Vouglans, la firme emploie près d’une cinquantaine de salariés et produit 600 000 jouets annuellement.

Un joli succès qui n’empêchera pas le fabricant de connaître à son tour des difficultés. En septembre 2007, l’entreprise est liquidée. La marque L’arbre à jouer subsiste. Elle a été rachetée par Vilac, le concurrent d’hier.

Villet Frères – Les jouets Vilac

C’est en 1911 que Narcisse Villet crée à Moirans son atelier de tournerie consacré à la fabrication d’articles de Moirans pour le compte de négociants. Comme des quilles, des boules, des cordes à sauter, des sifflets,…

En 1951, l’affaire devient Villet Fres lors de sa reprise par Paul et Raymond Villet. Ils vont la développer, en profitant de l’engouement dont bénéficient les jouets à traîner après-guerre, et distinguer leurs jouets de ceux de leurs concurrents grâce à la nouvelle laque cellulosique dans laquelle ils trempent les pièces de bois. Cette particularité donnera naissance à la marque Vilac, contraction du nom des fondateurs et du mot laque. Dès la fin des années soixante, ils n’hésiteront pas à recourir à des licences, comme Kiri le clown et Walt Disney qui demeureront plusieurs décennies au catalogue du fabricant.

Dans les années soixante-dix, le jouet en bois souffre. Les professionnels n’y croient plus et le nombre des points de vente fond comme neige au soleil. Les coûts de revient augmentent mais les prix de vente ne suivent pas. La création est en berne. Le discours qui prévaut n’incite pas à l’optimisme. Pourtant l’affaire est reprise en 1977 par Roger Prieur, un jeune ingénieur qui va s’efforcer de rationaliser et de pérenniser la production. De nouvelles gammes de jouets sont lancées, comme les voitures en bois. En 1985, c’est un autre jeune entrepreneur qui reprend l’affaire à bout de souffle. S’entourant d’une équipe fraîche, Hervé Halgand modernise le design de la gamme, rehausse le niveau de qualité pour tenter de séduire des clients exigeants. Ils sont originaires parfois de l’autre bout de la planète, là où le vent a déjà tourné pour le jouet en bois et où les consommateurs ont envie d’autre chose que des jouets hyperstan-dardisés des multinationales vendus en gondoles de supermarchés.

Lentement, Vilac monte en gamme, s’entoure d’artistes et s’impose comme une marque de référence dans le Landerneau du jouet en bois. Le chiffre d’affaires grimpe et bénéficie du nouvel engouement pour les jouets en bois qui atteindra le marché français dans les années quatre-vingt-dix. Grand prix du jouet, ourson de l’exportation,… la profession salue ce renouveau qui se traduit par un chiffre d’affaires de 20 millions de francs3 en 1993. En 1995, Vilac rachète Petitcollin, la fabrique meusienne de baigneurs.

1. Soit 3 350 000 euros.2. Soit 4 720 000 euros.3. Soit 3 millions d’euros.

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Ci-dessus : publicité dans Nos jouets nos jeux en 1960. Le logo est tout nouveau et la marque Vilac encore toute jeune.

Ci-contre : éléphant à traîner Vilac en bois laqué. Vers 1972. Collection privée. Longueur : 17 cm.

HISTOIRE DU JOUET

Durant les années 80, Vilac s’est lancé dans la fabrication d’objets de locomotion (voitures, bateaux,…) stylisés, à la finition hors pair, vendus dans des boutiques prestigieuses. Cette gamme a permis de maintenir l’activité de l’entreprise durant la période de vaches maigres, et de poser les fondations de l’image haut de gamme dont le fabricant va bénéficier par la suite. Ce camion Citroën mesure 40 cm.

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les jouets et les principaux fabricants du jura

III. Les fabrIcants spécIaLIsés

du massIf jurassIen

animaux et jouets pour les petitsLes jouets de premier âge

Au XXe siècle, les jouets pour la petite enfance ne sont plus destinés comme autrefois à effrayer et à éloigner les esprits malfaisants. Ce sont plutôt les moyens de favoriser et de stimuler l’éveil et de la psychomotricité du nouveau-né qui sont recherchés.

La hausse de la natalité après les deux conflits mondiaux s’est accompagnée d’une place grandissante octroyée à l’enfant au sein de la cellule familiale. Conjointement, l’apparition de nouvelles matières légères et solides, bien adaptées aux petites mains, sera le creuset de l’essor des fabricants de jouets de premier âge. Le moulage des hochets et des jouets destinés au premier âge se fera d’abord en celluloïd, en acétate de cellulose, puis dans des matières plastiques modernes, et deviendra une spécialité locale. Surtout à Oyonnax et dans ses alentours où l’on dénombre près d’une trentaine de fabricants de hochets dans les années cinquante. Les jouets d’éveil destinés à favoriser chez les petits l’apprentissage des formes et des couleurs seront aussi du domaine de compétence des fabricants de jouets en bois.

Hochet (années 50) en celluloïd attribué à Convert. À l’intérieur de la boule se trouve un petit moulin comme celui qui avait été choisi comme emblème par la marque. Longueur : 17 cm.

La maison Convert a sans doute été une des premières d’Oyonnax à fabriquer des hochets et des bouliers. Dans son catalogue des années 70, la marque en propose encore une vaste gamme.

Apparue dans les années 50, la maison Josaph Buathier d’Oyonnax a commercialisé sous la marque « But » des jouets destinés au premier âge, comme ce boulier vers les années 70. Cette activité a cessé mais la société existe toujours actuellement. Longueur : 35 cm

Les culbutos, appellation moderne des poussahs, sont une des spécialités du fabricant Maréchal qui en propose déjà dans son catalogue vers 1957. Lardy en proposera de nombreux modèles également. Collection privée. Hauteur : 16 à 21 cm.

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HISTOIRE DE JOUETS

Jouets à traîner,…

Les animaux et les formes du vivant et de la nature ont toujours été des sources d’inspiration majeures pour les fabricants de jouets. Ils incarnent une source inépuisable de jeu en même temps qu’un objet de réconfort, comme le ferait un véritable animal de compagnie. La variété des animaux représentés est importante. Préhistoriques, sauvages, domestiques, bibliques ou mythiques, presque tous bénéficient d’une attirance spontanée de la part des enfants. Les plus représentés toutefois sont les animaux fami-liers, porte-bonheur et ceux dont l’apparence est la plus sympathique. Tout comme dans la vie réelle, ces derniers peuvent refléter l’appartenance à une classe sociale. On distingue ainsi les plus populaires des luxueux. Le cheval est à la croisée des différentes classes. Attribut de puissance et de luxe en tant qu’animal de monte ou représentation laborieuse lorsqu’il est animal de ferme, il a été un des animaux les plus représentés sous forme de jouet.

Les jouets à traîner ont été à la mode dans les années 50. Cela va donner l’envie à Jex, le fabricant des tampons homonymes, de venir installer un atelier à Saint-Claude. Entre 1950 et début 1958, il y fera fabriquer une gamme de jouets à traîner animés et de quilles en bois laqué. Ils ont été vendus sous la marque Jix jusqu’au début des années 60. Collection privée. Longueur : environ 25 cm.

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Histoire du jouet

Attelage Clairbois. Années 50. Longueur : 32 cm

Le petit cheval (longueur : 19 cm) est entièrement réalisé en pièces de bois tourné. Il proviendrait de chez un artisan de Corveissiat dans l’Ain, bien qu’on le trouve dans le catalogue de la marque Jix de Saint-Claude. On l’aperçoit sur ce catalogue du Bon Marché datant de 1950 sur lequel figure aussi une poule Eria.

HISTOIRE DU JOUET

Gaget – Les miniatures Clé

Fondée à Oyonnax vers 1952 par Clément Gaget, la marque Clé reprend les trois premières lettres du prénom de son fondateur. C’est aussi une clef qui représente le logo de la marque. Comme d’autres fabri-cants, Clément Gaget s’est d’abord consacré à la production d’articles pour primes, notamment pour la célèbre lessive Bonux, lancée en 1957 sous la marque Bonus, ou encore pour les marques Huilor, Végétaline ou pour les biscottes Prior. Les volumes conséquents ont permis de rentabiliser un outil de production que l’entreprise a ensuite utilisé pour vendre ses modèles sous sa propre marque, en vrac, auprès des bazars ou sur les étals des marchés, le plus souvent dans la catégorie des jouets premier prix à 100 F… ou à 1 F après l’arrivée du nouveau franc en 1960. La production a cessé au cours des années quatre-vingt.

Le Jouet Français - Les jouets Jouef

Fondée à Paris en 1944 par le franc-comtois Georges Huart, la société Le Jouet Français donnera d’abord naissance à la marque JF, épaulée par la marque Jouef  dès 1949. La production de jouets de bazar se répartit entre Paris, des sous-traitants comme la Manufacture de tournerie et jouets du Haut-Jura – une fabrique de quilles installée à Foncine-le-bas – et des travailleurs à domicile. Aux productions en celluloïd succèdent des articles en fonte d’aluminium et en bakélite.

Le premier train en tôle lithographiée apparaît en 1949, suivi du premier train électrique en 1955. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, l’invention de l’agrafage des plaques de métal permettant d’occulter les soudures, les machines de découpe et d’estampage et surtout le développement de la chromolithographie remplaçant la peinture ont constitué une révolution technique qui a permis d’accé-lérer les cadences et les volumes de production des plaques de tôle. Cela a rendu possible le dévelop-pement de la fabrication des jouets en métal et l’émergence de marques prestigieuses comme JEP (le Jouet de Paris).

Il n’y a pas que Jouef qui a fabriqué des trains, comme en témoigne ce « Bambino » qui était proposé dans les années 60 par Noréda de Moirans-en-Montagne. Coffret : 37,5 x 26,5 cm. La locomotive mesure 17 cm.

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Cette publicité dans Nos jouets nos jeux en 1958 vante la diversité des échelles de tailles proposées par Clément Gaget. Curieusement, le 1/43e n’en fait pas partie alors que cette échelle sera reine dans le monde de la miniature. La Citroën DS qui a fait sensation lors de sa présentation quatre ans plus tôt est toujours très prisée des fabricants de miniatures, tant par l’aura de modernité que grâce au prestige qui s’en dégage.

Si il n’y avait pas les pneus en caoutchouc souple et les quelques détails qui agrémentent la carrosserie, comme les phares scintillants ou l’antenne, on pourrait vraiment trouver l’aspect spartiate de cette Peugeot 203 à l’échelle 1/48e fort peu engageant. Le modèle est en effet dépourvu de tout aménagement intérieur et ne possède pas de vitrage. C’est à son origine de cadeau « Bonux » et à sa vocation de jouet de bazar qu’elle doit un tel dénuement. La marque Clé a en effet toujours eu la volonté de vendre des miniatures bon marché en grandes quantités. Longueur : 9 cm. Années 50.

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Histoire du jouet

Très vite, Jouef abandonne la tôle lithographiée, éprouvée mais déjà passée de mode dans les années cinquante. Il lui préfère la matière plastique, encore peu utilisée dans le domaine du train jouet. Elle permet alors de reproduire fidèlement les détails des modèles réels à moindre coût. La concurrence est pourtant rude dans le domaine ferroviaire, avec la marque française Gégé qui propose des trains plus accessibles, et le géant britannique Hornby, une émanation du groupe Meccano. En une dizaine d’années à peine, la marque Jouef devient progressivement un acteur majeur dans le train jouet se voit récompensée par un oscar en 1959. Elle continue, au cours des années soixante, à démocratiser le train jouet minia-ture, au sein d’une vaste gamme qui compte trains, voitures, bateaux, tracteurs, jouets mécaniques,… On trouve aussi des circuits automobiles dans le catalogue de la célèbre firme de Champagnole. Des articles sont même vendus sous la marque Punch réservée aux grands magasins Monoprix et Prisunic.

En parallèle, grâce à des accords passés avec la société Jeujura toute proche, qui assurait leur fabri-cation, Le Jouet Français a aussi distribué des cubes, des jeux en bois et des jeux de société. La fin des années soixante laisse poindre l’ancrage définitif de Jouef au monde du modélisme, au détriment du jouet à qui le fabricant tournera progressivement le dos.

Ce wagon à ridelles transporte quelques brindilles qui évoquent de véritables troncs d’arbres une fois dans leur environnement ferroviaire à l’échelle H0 (au 1/87e). Présenté par Jouef en 1959, ce modèle est encore doté d’un des systèmes d’attelages maison, avant que la marque

ne se rallie en 1963 au système standardisé « international » imposé par la firme allemande Märklin. La boîte porte encore le premier logo avec la marque inscrite à l’intérieur d’un losange. Il s’effacera en 1962. Longueur : 18,5 cm.

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Publicité parue dans le numéro spécial consacré au salon de Nuremberg de la revue allemande « Das Spielzeug » début 1967. C’est à partir de cette époque que la firme se tourne résolument vers le modélisme (ferroviaire et circuits routiers), même si des jouets sont maintenus au catalogue. Les modèles proposés rivalisent de réalisme et de qualité, comme en attestent les modèles présentés sur la publicité. Les concurrents Gégé et Meccano sont désormais tenus à distance et les concurrents allemands sont plus que jamais à la portée de Jouef. Une nécessité pour prendre pied sur ce marché exigeant.

En 1972, Georges Huart se sépare de son entreprise, qu’il revend à une filiale du Crédit Lyonnais. La marque Jouef, alors à son apogée, occupe une situation de quasi-monopole au moment de la première crise en 1973. La décennie des années soixante-dix est prospère pour la marque champagnolaise, qui n’a toute-fois pas anticipé le moment où la vogue des trains miniatures viendrait à évoluer. Les modèles proposés par la marque peinent toujours à s’imposer auprès des collectionneurs et des modélistes exigeants. En 1977, le groupe Le Jouet Français rencontre ses premières difficultés et s’effondre quelques années plus tard, en 1981. La branche Jouef qui compte alors 3 usines et 160 personnes est reprise par la CEJI à travers sa célèbre filiale alsacienne Joustra (contraction de « jouet » et de « Strasbourg »). Le groupe CEJI sombre à son tour en 1985. La firme Jouef, est rachetée par Jacques Barret, auquel succède Jean-Pierre Coron en 1987.

En 1986, Jouef occupe 17 000 m2 dans ses installations de Champagnole, emploie 90 personnes et réalise un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’époque de la CEJI où elle employait pourtant le double de salariés. En outre, l’entreprise prend en main la distribution de Revell, le leader mondial des maquettes plastique. En 1989, Jouef devient Jouef Industries. La marque domine le marché français du train électrique dont elle assure 65 % des ventes. En revanche, Jouef a du mal à percer sur les marchés étrangers qui possèdent chacun des marques bien implantées à domicile. En guise de reconnaissance de l’importance et de la bonne santé de l’entreprise, début décembre 1989, Jouef est introduite au marché hors-cote de Lyon où elle offre 5,34 % de son capital au public. La bourse de Lyon a déjà vu passer d’autres jurassiens au cours des années précédentes : Smoby, Monneret et Clairbois auxquels elle a réservé un bon accueil.

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Au cours des années suivantes, Jouef, toujours en quête de nouveaux leviers de croissance – en plus du train électrique – va prendre la distribution de plusieurs marques de trains dont l’italien Lima en 1990. Jouef reprendra à son compte la gamme de bateaux du voisin de Champagnole Giraud-Sauveur qu’elle rachètera fin 1987. En parallèle, Jouef reprend la marque de poupées Bella à Berchet. Elle compte la faire distribuer par Giraud-Sauveur Loisirs dès 1990. Elle va aussi mettre un pied dans le domaine des voitures radiocommandées en rachetant la marque bourguignonne Yankee. Dans la foulée, une nouvelle gamme de voitures miniatures est lancée en 1992 sous la marque Jouefevolution. Le chiffre d’affaires grimpera à 139 millions de francs en 1994, toutes activités confondues. Une belle progression en quelques années. Mais les trains qui sont l’incarnation du métier et du savoir-faire de l’entreprise ne représentent plus que 42 millions de francs de chiffre d’affaires en 1993. Enthousiasme et volontarisme et introduction en bourse ne suffisent pas à empêcher une nouvelle faillite à l’automne 1995.

Le groupe italien Rivarossi, autrefois concurrent à travers sa marque Lima reprend l’activité trains de Jouef et seulement soixante salariés sur les 156 en 1995. L’activité relancée une nouvelle fois peine à trouver un équilibre. Difficile de devoir assumer des investissements considérables (les moules néces-saires au lancement de nouveaux modèles sont très coûteux) qu’il faudra ensuite de nombreuses années à

rentabiliser, dans un domaine où les marges sont très faibles. La marque est pourtant toujours à la page, avec la commer-cialisation de l’Eurostar en 1995. L’activité stagnera ensuite autour de 45 millions de francs au cours des années suivantes, bien loin des objectifs revendiqués. De plus, la rentabilité ne cesse de se détériorer et l’entreprise finit par atteindre des pertes abyssales. En 2001, c’est le coup de tonnerre lors de la fermeture de l’usine de Champagnole. Des productions sont rapatriées en Italie,… jusqu’à la faillite du groupe Rivarossi en 2004, repris à son tour par l’anglais Hornby. Depuis 2006, des trains sont encore proposés sous la marque Jouef, dont la production est désormais asiatique. Drôle de destin pour la marque française, exploitée désormais par un concurrent qu’elle avait vaincu quarante ans plus tôt.

Les circuits électriques routiers apparaissent chez Jouef vers 1963. Ce modèle « Record 64 » est un des premiers. Collection privée. Coffret : 61 x 41 cm.

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Grand-Clément – Les miniatures Minialuxe

En 1953, la maison Grand-Clément d’Oyonnax, une fabrique de boucles et de boutons fondée cinquante ans plus tôt se lance sous l’égide d’Edouard, la seconde génération, dans la production de miniatures, essentiellement à l’échelle 1/43e. Son petit-fils au même prénom, Edouard Blanc, portera la destinée de Minialuxe au cours des années soixante à soixante-dix pour hisser la marque au niveau du principal concurrent : la firme Norev installée près de Lyon. À partir des années soixante, la plupart des moules ont été réalisés par Louis Surber, un outilleur qui deviendra réputé dans la « Plastic Vallée », ami et aîné de deux ans de Doudou Blanc, le surnom affectueux donné à Edouard Blanc. Minialuxe propose aussi des modèles au 1/32e, plus rarement au 1/16e.

Des voitures, quelques remorques et caravanes, des fourgons, certains modèles de camions, d’autocars ou autres tracteurs agricoles sont sortis des ateliers d’Oyonnax. Des motocyclettes et des cycles ont été proposés en parallèle, ainsi que des accessoires routiers (feux tricolores, panneaux indicateurs, pompes à essence, personnages,…). Les miniatures Minialuxe étaient entièrement réalisées en matière plastique (longtemps en acétate) sauf de rares exceptions comportant un châssis en tôle. On trouve aussi des modèles dotés de moteurs à friction parmi ceux des années cinquante. Les Minialuxe étaient vendues en boîte individuelle, en vrac dans un présentoir ou encore en coffrets à thèmes. Elles ont aussi été vendues sous la marque Punch (réservée aux magasins Monoprix et Prisunic) ou parfois porté le sigle G.C.O. (pour Grand-Clément Oyonnax).

Certains modèles enfin seront distribués en dehors des magasins de jouets en tant que primes dans des opérations promotionnelles ou comme gain de concours. Jusque dans les années soixante-dix, il n’était pas rare en effet, d’être récompensé par un jouet après avoir patiemment accumulé des points en consommant des biscottes, des yaourts ou autres denrées.

La société Monneret n’a pas fabriqué que des jouets traditionnels ! Elle a aussi conçu sous sa marque Éria entre 1957 et 1961 une série de miniatures à l’échelle atypique 1/50e. La production de certains modèles a ensuite été reprise par Eligor, parmi lesquels cette Estafette. Longueur : 8 cm.

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Austères au démarrage de la marque (les premiers modèles ne comportent ni vitrage ni aménage-ment intérieur), les miniatures Minialuxe existent aussi avec des niveaux de finition différents pour un même modèle. Elles gagneront peu à peu en qualité, pour s’éloigner du simple jouet de bazar à bas prix et séduire des clients de plus en plus habitués à des modèles raffinés. Les derniers modèles des années soixante-dix rivaliseront sans complexe avec les miniatures Norev. Reflétant la réalité du marché, à quelques exceptions près, ce sont majoritairement des modèles français qui composeront la gamme Minialuxe. Les constructeurs français sont alors plus nombreux et leur part de marché est plus importante qu’aujourd’hui. Des Gordini, Hotchkiss, Matra, Panhard, Simca et cars Floirat font ainsi partie du catalogue des modèles contemporains au 1/43e, qui comptera environ 70 modèles différents, disponibles dans de nombreuses variantes. La Peugeot 604 sera le dernier modèle créé par la marque en 1976.

Les miniatures en matière plastique ont fort à faire à la fin des Trente Glorieuses, victimes des hausses consécutives du coût des matières plastiques et d’une concurrence exacerbée qui vient désormais de l’étranger. Après plus de deux millions de pièces produites, la fermeture de Minialuxe intervient en septembre 1978. Quelques moules de la marque ont été repris par d’autres fabricants, notamment par ELIGOR qui les utilisera à partir de 1986. Par ailleurs, la marque Minialuxe a été relancée en 2012 par des investisseurs. Les miniatures sont désormais en zamak. Elles sont fabriquées sous d’autres cieux… La résurrection d’une marque de jouets près de trente-cinq ans après sa disparition demeure en tout cas suffisamment atypique pour être saluée !

Grande classique du paysage automobile des années 65 à 76, la Peugeot 204 a existé sous de multiples carrosseries. Elle a naturellement été aussi beaucoup reproduite au 1/43è par de multiples fabricants. À gauche, un coupé 204 qui a été produit par la marque Injectaplastic. Longueur : 8,5 cm. Il côtoie une berline 204 apparue au catalogue Minialuxe en 1966.

Longueur : 9,5 cm. Dotée d’un capot ouvrant, elle bénéficie d’une finition bien supérieure et d’un système de suspensions. La société Injectaplastic d’Oyonnax a produit des jouets à partir de la fin des années 50. Elle a commercialisé quelques véhicules miniatures sous sa propre marque au début des années 70 et elle a aussi produit des jouets de bazar et des jouets pour primes.

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La Porsche 911 « Targa » (longueur : 10 cm) et la Jaguar Type D (longueur : 9 cm) sont deux voitures de sport emblématiques des années 60 qui ont été reproduites par Minialuxe en leur temps. Tandis que la première a fêté en fanfare son cinquantenaire en 2013, la seconde est tombée dans l’oubli auprès du grand public. La destinée d’un objet est parfois surprenante ou ingrate. Il en est de même pour les jouets et pour leurs fabricants.

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À l’instar de ses concurrents, à commencer par le voisin Clément Gaget, qui commercialise ses miniatures sous la marque Clé, Minialuxe créera entre 1964 et 1968 à l’échelle 1/43e une série de tacots datant du début du XXe siècle, dont cette Renault reconnaissable grâce à la forme caractéristique de son capot. Il s’agit d’une AM limousine de 1907. Longueur : 9 cm.

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Publicité dans l’Annuaire Jouets et Jeux de France en 1964.

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Jeux de table et jeux de société

On réunit sous l’appellation jeux de société les jeux de cartes, de dames, de parcours, de chiffres et de lettres qui se jouent généralement à plusieurs. À ce titre ils favorisent la socialisation de l’enfant en lui apprenant à suivre les règles. À subir les lois du hasard et de la compétition aussi, surtout lorsque le résultat est à son détriment ! C’est un terrain privilégié pour les fabricants du Jura qui ont longtemps fourni les fabricants de tous horizons en pions, pièces de jeux, dés et coffrets.

Le coffret de jeu « Rallye-code », à la finition soignée, a dû être un des tout premiers jeux édités par la société Ponsard en 1956. Ce fabricant de jeux de société avait choisi pour marque « la Tour Saint-Denis », un édifice emblématique de la ville d’Ambérieu-en-Bugey – située au pied des contreforts du sud du massif jurassien – dans laquelle il était installé.Coffret : 33,5 x 35 x 4,5 cm.Plateau : 60 x 45 cm.

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Comme plusieurs fabricants installés dans la vallée de la Bienne, Couvat s’est tourné vers la production de jeux de société de voyage en matière plastique. Cette fabrique a fermé il y a peu. Nain jaune : 26 x 23 cm. Jeu de dames : 15,5 x 11 cm. Années 70.

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Jeu de l’oie et jeu de petits chevaux contemporain de chez Chavet. Il suffit de retourner le coffret pour jouer tantôt à l’un ou à l’autre. Ce sont des grands classiques chez les fabricants et dans chaque famille. Fondée en 1912 par Henri Chavet, cette société familiale s’est d’abord spécialisée dans la fabrication de pions d’échecs, de dames et de loto avant de proposer des jeux de plateau complets à partir des années 70.

Rachetée par Morize, elle a continué à fabriquer jusqu’en 2013 des jeux en bois dans son usine de Dortan, parmi lesquels des jeux d’échecs vendus sous la marque Chavet Chess. 42 x 33 x 3,5 cm.

Ces pions de diamètre 3,5 cm sont moulurés, c’est-à-dire qu’ils sont ornés de rainures en creux et en relief. Les blancs sont en buis en finition naturelle tandis que les noirs sont en bakélite. Coffret : 19 x 7 cm.

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Installée à Jeurre, au cœur de la vallée de la Bienne, la société familiale Lambert a fabriqué des jeux d’échecs comme ce très beau coffret à la finition particulièrement raffinée. Les yeux des cavaliers sont en verre. Le dessous de chaque pièce est garni de feutre qui leur confère une grande légèreté de mouvement, donnant l’illusion qu’elles flottent sur le plateau. Chaque pièce enfin, est évidée au centre de son assise. Un lest de plomb y est introduit pour donner davantage de stabilité aux pièces. Plateau : 38,5 x 38,5 cm. Le roi mesure 9,5 cm.

Dortan a longtemps été le lieu de fabrication privilégié des jeux de pièces d’échecs Staunton, c’est-à-dire de pièces qui reprennent le style et la forme qui ont été approuvés en 1849 par le meilleur joueur d’échecs au monde de l’époque, le Britannique Howard Staunton. Après la mise au point du modèle, la firme anglaise qui s’en était approprié la propriété s’est tournée vers les spécialistes de Dortan qui étaient les seuls capables de reproduire fidèlement ce type de jeu dans le matériau retenu : le buis. Il faut souligner que Dortan était déjà un haut lieu de la fabrication de pièces de jeux d’échecs. Elle remonterait en effet au XVIIIe  siècle. En 1757, Voltaire, qui séjournait alors à Ferney, tout près de Genève, serait venu jouer aux échecs au château de Dortan contre le Comte d’Uffel. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les pièces d’échecs Staunton ont été fabriquées exclusivement par la maison Alexandre Vincent, liée contractuellement à son donneur d’ordre anglais. Le conflit ayant délié les parties, le jeu de pièces d’échecs Staunton s’est progressivement répandu auprès des autres fabricants de la vallée. La société Vincent, quant à elle a été reprise par la société Pichon. Pichon-Vincent a continué à Oyonnax son activité de fabrication de jeux d’échecs et de jeux de société en bois et en matière plastique vendus sous la marque Phidias jusque dans les années 70. Cette marque a même été le fournisseur officiel du Championnat du monde d’échecs de 1972, théâtre du célèbre duel Spassky-Fischer.

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(la contraction de Robert Dalloz), ils ont hissé l’atelier familial au premier rang européen. Arête : 6 cm.

Ci-contre : sur cet extrait du catalogue Projouet en 1977, on voit notamment des jeux d’échecs et des plateaux de jeux de chez Lardy de Lavancia. Ils étaient vendus vendus sous la marque Educo. Il y a aussi des pistes de jeux Playbox de Dortan, ainsi que des articles Héron et France-Cartes. Cette dernière société rachètera les deux précédentes.

Ci-dessous : le « cube élastique » est le casse-tête le plus courant provenant de chez Robert Dalloz à Etival, qui a démarré son activité de tournerie en 1929. Après l’arrivée des matières plastiques, la seconde puis la troisième génération se sont orientés vers la fabrication d’articles pour enfants. C’est une commande importante émanant d’un vépéciste en 1963 qui leur mettra le pied à l’étrier, de la fabrication de casse-tête en bois. Aussi vendus sous la marque Robdal

Ci-contre : jeu de solitaire produit par l’Arbre à jouer dans les années 80. Diamètre 30 cm.

Ci-dessous : en bois ou en matière plastique après-guerre, les dés qui sont apparus au XVe siècle sont fabriqués dans le Jura de très longue date. Les gros dés et les moyens sont en hêtre. Ils mesurent respectivement 7,5 cm et 3,8 cm d’arête. Les petits sont en buis.

Publicité dans l’Annuaire Jouets et Jeux en 1981.