42
Dossier pédagogique Centre culturel LES GRIGNOUX HôTEL RWANDA un film de TERRY GEORGE

Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

Dos

sier pé

dago

giqu

e

Centre culturelLes GriGnoux

Hôtel Rwandaun film de Terry GeorGe

Page 2: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

en 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies. Comment ne pas remarquer que les pires préjugés ra-cistes sur la supposée « sauvagerie » des « primitifs » africains ont alors contribué à cette indifférence ? Pourtant, ce sont des Africains comme Paul rusesabagina qui ont su faire preuve d’une véritable humanité : Hutu, directeur d’un hôtel de luxe, il allait accueillir des centaines de Tutsis fuyant les massacres. et il sauvera toutes ces personnes au péril de sa vie et au prix de bakchichs, de compromis humiliants et d’astuces fort risquées.

C’est cette histoire tragique que le ci-néaste Terry George a mise en images avec émotion et sobriété dans un style simple et efficace. Des acteurs de grand talent — Don Cheadle, nick nolte, sophie okonedo — contribuent à la réussite du film.

Ce dossier consacré à Hôtel Rwanda propose de revenir sur le film avec les jeunes spectateurs (à partir de quatorze ans environ) et d’en explorer les diffé-rentes dimensions.

Au sommaire :L’Histoire en sept personnagesLe contexte historiqueComprendre le mécanisme

génocidaireAprès le génocide

D / 2006 / 6039 / 08ISBN 2-930366-68-0

Page 3: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

Hôtel Rwanda

un film de teRRy GeoRGe

le Centre Culturel les Grignoux

Vinciane Fonck

avec le soutien d’Europa CinEmas

une initiative du programme mEdia

des Communautés Européennes

de la VillE dE liègE

de la région WallonnE

de la Communauté françaisE dE BElgiquE

et avec l’appui de l’administration généralE dE l’EnsEignEmEnt Et dE la rEChErChE sCiEnti-fiquE. sErViCE général dEs affairEs généralEs, dE la rEChErChE En éduCation Et du pilotagE intErrésEaux

Page 4: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

Hôtel Rwanda

© Les Grignoux, 2006Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tout pays.

D / 2006 / 6039 / 08ISBN 2-930366-68-0

Écran large sur tableau noir

« Écran large sur tableau noir » est une collection de dossiers pédagogiques, mais c’est aussi une programmation de films à destination du public des élèves et des enseignants.

Chaque année, les cinémas participant à « Écran large sur tableau noir » proposent, en matinées scolaires, un vaste programme de films de qualité que les élèves, du maternel au supérieur, peuvent découvrir pour un prix modique avec leurs professeurs. Ces films sont retenus à la fois pour leur ca-ractère accessible à un large public d’enfants et d’adolescents et pour la richesse de leur mise en scène ou l’intérêt des thèmes qu’ils abordent.

Les enseignants qui participent à ces matinées avec leurs élèves se voient remettre gratuitement un dossier pédagogique « Écran large sur tableau noir » sur le film choisi.

Pour la saison 2005-06, les cinémas participant à « Écran large sur tableau noir » sont les suivants :À Liège, les projections ont lieu au cinéma le Parc, 22, rue Carpay, 4020 Liège-Droixhe ou au

cinéma Churchill, 20, rue du Mouton Blanc, 4000 Liège. Réservation et renseignements au (0)4 222 27 78.

À Amay, les projections ont lieu au cinéma les Variétés, 2, rue Entre deux Tours, 4540 Amay. Réservation et renseignements au Centre Culturel d’amay au (0)85 31 24 46.

À Bastogne, les projections ont lieu au cinéma l’Écran, 195, rue du Sablon, 6600 Bastogne. Ré-servation et renseignements au Centre Culturel de Bastogne au (0)61 21 65 30.

À Bruxelles, les projections ont lieu à l’arenberg-Galeries, Galerie de la Reine, 26, 1000 Bruxelles et au Flagey, rue du Belvédère, 25, 1050 Bruxelles. Réservation et renseignements au (0)2 514 35 02.

À Charleroi, les projections ont lieu à l’espace Paradiso du cinéma Marignan, 53, boulevard Tirou, 6000 Charleroi. Réservation et renseignements au (0)71 31 44 80. Ainsi qu’au cinéma le Parc, 58 rue de Montigny, 6000 Charleroi. Réservation et renseignements au (0)71 31 71 47.

À Durbuy, les projections ont lieu au Foyer culturel, Grand’ Rue 40 A, 6940 Barvaux. Réservation et renseignements au (0)86 21 98 71.

À Gembloux, les projections ont lieu au cinéma Royal, 55b rue du Moulin, 5030 Gembloux. Réservation et renseignements au Centre culturel au 081 61 38 38.

À Huy, les projections ont lieu au Centre culturel de l’arrondissement de Huy, avenue Delcham-bre, 7a, 4500 Huy. Réservation et renseignements au (0)85 23 53 18.

À La Louvière, les projections ont lieu au cinéma Stuart, 16, rue Sylvain Guyaux, 7100 La Louvière. Réservation et renseignements au Centre Culturel régional du Centre au (0)64 21 51 21.

À Marche, les projections ont lieu au cinéma l’Écran, place de l’Étang, 6900 Marche-en-Famenne. Réservation et renseignement à Cinémarche au (0)84 31 46 89.

À Mons, les projections ont lieu au cinéma Plaza art, 12, rue de Nimy, 7000 Mons. Réservation et renseignements au (0)65 35 15 44.

À Namur, les projections ont lieu au cinéma Forum, rue du Belvédère, 41, 5000 Namur. Réservation et renseignements au (0)81 73 64 69.

À Tournai, les projections ont lieu au Multiscope Palace, rue Hôpital Notre-Dame, 7500 Tournai. Réservation et renseignements à la Maison de la Culture (Bruno Delmotte : primaire; Jean-Marie Lefebvre : secondaire) au (0)69 25 30 80.

À Verviers, les projections ont lieu au cinéma Movie west, boulevard des Gérardchamps, 4800 Verviers. Réservation et renseignements au (0)87 53 93 60 ou (0)473 31 08 58 (Albert d'Affnay).

À Couvin et Libramont, les projections sont organisées par Écrans de wallonie. Réservation et renseignements au (0)61 61 29 89.

« Écran large sur tableau noir » est une manifestation organisée par le centre culturel Les Grignoux (Liège)

Page 5: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Sommaire

1. présEntation ..............................................................................................5

2. rEtour sur lE film : l’histoirE En 7 figurEs ..............................................6Objectifs .....................................................................................................6Méthode .....................................................................................................6Pratiquement… ..........................................................................................6Commentaire sur les personnages ...............................................................8

3. rEtour sur l’histoirE ............................................................................. 15Objectifs ...................................................................................................15Méthode ...................................................................................................15Pratiquement ............................................................................................15

4. lEs méCanismEs du génoCidE ....................................................................25Objectifs ...................................................................................................25Méthode ...................................................................................................25Commentaire ...........................................................................................25Pratiquement ............................................................................................27

5. annExE : l’après-génoCidE .......................................................................36Rendre la justice .......................................................................................36Redresser la situation socio-économique tout en menant une politique

de réconciliation ..................................................................................37Réintégrer les dizaines de milliers de soldats réfugiés au Zaïre ...................38Le Rwanda : un État démocratique ? .........................................................38

Page 6: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

4 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Hôtel Rwanda : préparer la vision du film

L’action du film que tu vas voir se déroule au Rwanda. Il s’agit d’une histoire vraie reposant sur le témoignage d’un homme qui, par sa situation professionnelle — il est gérant à Kigali d’un hôtel de luxe appartenant à la firme belge Sabena —, va être amené à héberger et à protéger des centaines de réfugiés Tutsi des massacres sauvagement perpétrés par les Hutu.

Voici quelques informations qui te permettront de comprendre dans quel contexte ces événements tragiques ont eu lieu, et d’appréhender le film de Terry George avec un regard plus averti.

Géographie

Le Rwanda, le « Pays des Mille collines » est un pays d’Afrique noire situé dans la région des Grands Lacs. Plus petit que la Belgique (26 000 km2, soit environ 4 000 km2 de superficie en moins), le Rwanda compte, en 1994, un peu moins de huit millions d’habitants répartis en deux grandes communautés : les Hutu (85 % de la population) et les Tutsi (14 % de la population) *. On y parle le français et le Kinyarwanda.

Histoire

En 1994, le gouvernement du Président Hutu Habyarimana gère le Rwanda dans un climat de grande instabilité politique. En effet, les Hutu majoritaires détiennent le pouvoir politique depuis l’indépen-dance en 1962 ; mais de nombreux Tutsi, qui s’étaient réfugiés dans les pays limitrophes, en particulier en Ouganda, au moment de l’indépendance, se sont regroupés au sein du Front Patriotique Rwandais (FPR). Depuis 1990, le FPR mène régulièrement des opérations de guérilla au Rwanda, dirigées contre les Hutu. Ceux-ci ripostent de manière arbitraire, en s’en prenant à l’ensemble de la communauté Tutsi (restée au Rwanda), grâce à leur armée (les Forces Armées Rwandaises ou FAR) et aux milices qu’elle recrute dans la population civile (l’Interhamwe).

L’ONU (Organisation des Nations Unies) poussera alors les adversaires à négocier une solution de compromis pacifique. C’est dans ce contexte de grandes tensions que les accords de paix d’Arusha sont signés en Tanzanie, le 4 août 1993. Mais, le 6 avril 1994, après une nouvelle réunion autour de ces accords de paix à Dar es Salaam (en Tanzanie), l’avion qui devait ramener le Président et les membres du gouvernement à Kigali est abattu. Cet attentat constitue l’événement déclencheur d’un génocide qui couvait depuis trente ans : en trois mois à peine, près d’un million de Tutsi, rendus directement responsables de l’attentat, sont massacrés, notamment à coups de machettes.

Hôtel rwandaun film de Terry George

Grande-Bretagne ~ Italie ~ USA ~ Afrique du Sud2004, 2 h 00

avec Don Cheadle Paul Rusesabagina Sophie Okonedo Tatiana Rusesabagina Desmond Dube Dube Hakeem Kae-Kazim George Rutaganda Tony Kgoroge Grégoire Nick Nolte Colonel Oliver Fana Mokoena Général Bizimungu Joaquin Phoenix Jack Daglish

Page 7: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

PrÉSentation

Il y a une dizaine d’années à peine, les Hutu 1 exterminèrent en trois mois près d’un million de Tutsi sous le regard indifférent de la Communauté inter-nationale. Hôtel Rwanda, qui s’appuie sur le témoignage authentique de Paul Rusesabagina, aborde de manière bouleversante cet épisode récent de l’histoire contemporaine.

Kigali, 1994. Paul et son épouse présentent l’image du couple idéal. Lui est Hutu et elle, Tutsi. Ensemble, ils élèvent leurs enfants et gèrent un hôtel de luxe apparte-nant à la firme belge Sabena. Cet établissement est fréquenté par des personnalités influentes, les hauts gradés de l’Armée rwandaise ou encore des forces de l’ONU déployées dans la capitale. Lorsque le pays bascule dans la guerre civile, Paul va profiter du statut relativement protégé de cet établissement belge pour héberger clandestinement les centaines de Tutsi qui tentent d’échapper aux massacres. À ce moment, il ne doute pas un instant de l’intervention imminente des soldats de l’ONU pour mettre un terme au conflit. Or, au lieu de cela, les Occidentaux se bornent lâchement à organiser l’évacuation de leurs ressortissants. Désormais bien seul pour protéger sa famille et tous les réfugiés installés chez lui, Paul doit faire face à la pression grandissante des extrémistes Hutu de l’Interhamwe, alertés par la rumeur de traîtrise qui se répand en ville. Il réussit pourtant l’exploit de sauver l’hôtel et ses résidents au prix de bakchichs, de compromis humiliants et d’astuces fort risquées.

Au-delà de l’action d’un homme, le film de Terry George permet de prendre la mesure de ce qu’a pu être le génocide du peuple Tutsi, sauvagement abattu à coups de machettes. Il peut également servir de tremplin à une réflexion morale et politique plus large sur la question du génocide et de ses mécanismes, sur l’at-titude et le rôle des témoins extérieurs face à une telle situation ou encore sur les moyens de prévenir ou de réparer ce type de crimes. Les animations présentées dans ce dossier auront pour principaux objectifs d’amener les élèves à mieux comprendre le contexte sociohistorique dans lequel s’inscrivent les événements relatés par le film, de façon à pouvoir dépasser l’histoire d’un exploit héroïque individuel pour aborder en profondeur ces différents thèmes. Une étude récente sur les mécanismes du génocide, menée par Jacques Sémelin dans le cadre d’un programme de recherche au CNRS, permettra ensuite de revenir sur le film pour tenter de dégager concrètement les éléments qui permettent d’en identifier les mécanismes.

1. Tout au long de ce dossier pédagogique, nous avons retenu le critère d’invariabi-lité des noms propres pour orthographier les termes de « Hutu » et « Tutsi ».

1. Tout au long de ce dossier pédagogique, nous avons retenu le critère d’invariabi-lité des noms propres pour orthographier les termes de « Hutu » et « Tutsi ».

1

FiCHe Pour L'éLèveCette fiche (à la page précédente) est destinée à être photocopiée et distribuée aux élèves qui la liront

avant la vision du film.

Page 8: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

retour Sur le film : l’hiStoire en 7 figureS

objectifS

♦ Se souvenir du film♦ Comprendre le sens du film à travers ses personnages principaux et les relations

qu’ils entretiennent♦ Analyser comment on construit un personnage au cinéma

mÉthode

♦ Dresser le portrait de sept personnages importants du film; décrire leur identité sociale à travers des détails; donner du sens à ces détails; déterminer en quoi ces personnages sont représentatifs d’un « acteur » social important dans le cadre du conflit évoqué par le film

♦ Dessiner un graphe des personnages : identifier le type de relation entre Paul et ces différents personnages; identifier leur fonction « utilitaire » dans le paysage du film, dans son discours généralOutils : quelques images du film

Pratiquement…

Pour réaliser cette animation, les élèves pourront se répartir en petits groupes. La première phase fera essentiellement appel aux capacités de remémoration et d’observation de détails. Les photogrammes reproduits ci-dessous (pages 9 et 11) seront donc utilisés dans cette perspective. On commencera par expliquer aux élèves que les sept personnages principaux du film, ceux qui gravitent autour de Paul, ont un rôle déterminant — positif ou négatif — dans l’issue de l’histoire racontée.

En outre, chacun de ces personnages, au-delà de son identité individuelle et de son degré réel de proximité avec le protagoniste au moment des faits, incarne d’abord une entité sociohistorique significative qui permet de reconstituer le contexte des événements qui ont alors eu lieu. La construction de ces figures fait ainsi intervenir des marqueurs identitaires très apparents, qui permettent de deviner leur appartenance communautaire sans aucune ambiguïté. De manière générale, ces figures emblématiques permettent de comprendre, par le biais des rapports qui s’établissent avec Paul, la position, le rôle et la fonction moins d’un individu que de tout un groupe d’acteurs ou d’« observateurs extérieurs » (comme on a l’habitude de nommer des organismes tels que l’ONU, le CICR ou la presse internationale).

2

Page 9: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

On demandera ensuite aux élèves de dessiner un graphe des personnages, pour rendre compte des relations telles qu’elles évoluent au cours du film, car celles-ci constituent un bon indicateur de la tournure que prennent rapidement les événe-ments, de la position et du rôle des différents intervenants. Vraisemblablement, la représentation devrait prendre la forme générale d’un graphe simple « en étoile » où Paul, occupant la position centrale, entretient une relation privilégiée avec les six autres personnages qui n’ont pas (ou très peu ou de manière très ponctuelle) de liens entre eux.

Une phase d’interprétation, qui pourra être effectuée en grand groupe, sera enfin entamée sur base des divers résultats obtenus au cours des deux étapes d’analyse des rapports humains et sociaux dans Hôtel Rwanda : peut-on reconstruire le point de vue du réalisateur ? Comment les acteurs du conflit sont-ils dépeints ? Et les représentants de la Communauté internationale ? Y a-t-il des responsabilités qui sont désignées ? des comportements qui sont moralement condamnés, des initiatives personnelles qui sont reconnues comme exemplaires ?

souDAn

éGYPTe

niGerMAuriTAnie MALi

niGériA

LiBYe

TCHAD

ALGérie

GABon

GHAnACÔTe

D’ivoireLiBériAsierrA Leone

GuinéeBurKinA

GAMBie

sAHArAoCCiDenTAL

seneGAL

GuinéeBissAu

KenYA

éTHioPie

TAnZAnie

ConGoKinsHAsA(ex-Zaïre)

AnGoLAZAMBie

nAMiBie

AFrique Du suD

MADAGAsCAr

Mo

ZAM

Biq

ue

BoTsWAnA

ZiMBABWe

BurunDi

réPuBLiqueCenTrAFriCAine

Tunisie

MAroC

ouG

AnDA

rWAnDA

ToG

o Ben

in

CAMeroun

Con

Go

Guinée équAToriALe

O c é a n A t l a n t i q u e

O c é a n I n d i e n

soMALie

Le Rwanda et ses voisins(voir une carte détaillée page 21 de ce dossier)

Page 10: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

commentaire Sur leS PerSonnageS

Paul Rusesabagina [image 1]est le personnage central de Hôtel Rwanda; c’est à partir de son témoignage que le film a été réalisé et c’est forcément de son point de vue restreint que les événements sont montrés ou évoqués. À travers ce qu’il vit, c’est l’incompréhension, l’incrédulité, la peur et la terreur des victimes que nous, spectateurs du film, sommes amenés à partager, alors que nous ne som-mes confrontés à l’horreur des massacres que de façon indirecte et partielle. Peu d’images nous renseignent directement sur la situation de violence extrême qui ravage et tétanise le Rwanda, et c’est principalement au contact des personnalités fréquentées par Paul nous prenons véritablement la mesure de ce qui se passe à l’extérieur de l’enceinte protégée de l’Hôtel des Mille collines.

Le colonel Oliver 1 [2], qui exprime sur le mode de l’aveu sinon de la confession l’abandon du Rwanda par l’ensemble de la Communauté internationale, suffit à mettre en perspective et à dénoncer, en quelques phrases, toute la lâcheté des pays membres du Conseil de Sécurité, qui ont alors choisi de limiter leur action au soutien logistique des opérations d’évacuation des ressortissants occidentaux, organisées à l’initiative de certains États (la France, via l’opération Amaryllis, la Belgique, via l’opération Silver Back). Tout au long du film, on verra toutefois le colonel Oliver apporter aide et protection à Paul et aux réfugiés de l’hôtel, mais il apparaît indiscutablement que son action relève bien plus de l’initiative indivi-duelle qu’elle n’est le reflet de la politique générale onusienne.

Le personnage de Jack [3], le journaliste français qui sort filmer à l’extérieur de l’enceinte de l’hôtel malgré la consigne, rapporte quelques images insoutenables censées alerter l’opinion publique occidentale. On y voit des individus sauvagement abattus à coups de machette. Fleming, son collègue, téléphone et insiste pour que ces images passent le soir même au 20 heures. Paul mise beaucoup sur ce reportage bouleversant pour déclencher un vaste mouvement de solidarité internationale et une intervention rapide des États. Mais Jack, lui, n’y croit pas :

« C’est le seul moyen pour qu’on ait une chance que d’autres pays intervien-nent.

— Et si personne n’intervient, est-ce que vous serez toujours content ?— C’est évident qu’ils vont intervenir, quand ils verront tant d’atrocités.— Non. Moi, je crois qu’ils vont regarder ces images et qu’ils diront : “Oh mon

Dieu, c’est horrible !”, mais qu’après, ils retourneront dîner. » En quelques images et quelques répliques, nous, spectateurs comprenons dans

le même temps le drame effroyable en train de se jouer à l’extérieur, l’espoir et la foi de Paul dans le pouvoir de ces images, immédiatement cassés par le point de vue fataliste et désabusé du journaliste, qui pressent l’indifférence et le désintérêt pour la tragédie qui va se dérouler « en direct », sous les yeux des téléspectateurs occidentaux.

C’est grâce aux récits de madame Marchais 2 [4] que nous pouvons mesurer l’escalade de la violence (disparitions, incendies de maisons, puis destruction de quartiers entiers, massacres, pratiques sadiques insoutenables…) et imaginer le degré des atrocités commises lors de ces massacres, qui atteignent leur point de paroxysme lorsqu’elles sont perpétrées au sein même des camps de réfugiés, sur les femmes, les enfants…

1. Ce colonel canadien apparaît comme l’un des responsables de la MINUAR (Mission des Nations-Unies pour l’Aide au Rwanda). Il représente très probablement dans le film la figure du Gé-néral Dallaire.

1. Ce colonel canadien apparaît comme l’un des responsables de la MINUAR (Mission des Nations-Unies pour l’Aide au Rwanda). Il représente très probablement dans le film la figure du Gé-néral Dallaire.

2. Infirmière du Comité In-ternational de la Croix-Rou-ge. Le CICR est une institu-tion suisse indépendante qui a été créée en 1863. Son siège se trouve à Genève et son rôle est de servir d’intermédiaire neutre entre pays en guerre ou entre parties en conflit dans une guerre civile. Son objectif est aussi et surtout de protéger et d’assister les vic-times, tout en garantissant le respect des droits humanitai-res. Le CICR compte plus de 600 collaborateurs à Genève, et environ 900 délégués sur le terrain.

2. Infirmière du Comité In-ternational de la Croix-Rou-ge. Le CICR est une institu-tion suisse indépendante qui a été créée en 1863. Son siège se trouve à Genève et son rôle est de servir d’intermédiaire neutre entre pays en guerre ou entre parties en conflit dans une guerre civile. Son objectif est aussi et surtout de protéger et d’assister les vic-times, tout en garantissant le respect des droits humanitai-res. Le CICR compte plus de 600 collaborateurs à Genève, et environ 900 délégués sur le terrain.

➥ suite du texte page 13

Page 11: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1�

�4

Page 12: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1�

�4

Page 13: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

��

Page 14: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

��

Page 15: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Quant à George Rutaganda 3 [5] et au général Bizimungu 4 [6], que l’on voit en relation avec Paul avant et après le 6 avril, on peut observer combien leurs atti-tudes et leurs comportements se radicalisent rapidement au point de perdre tout sens moral. À travers leur figure respective, c’est l’ensemble des FAR et des milices Interhamwe qui sont représentées dans toute leur détermination (éliminer tous les Tutsi), la recherche du profit qui accompagne cette entreprise de destruction massive (l’un comme l’autre monnaient le moindre « service », s’approprient toutes les richesses de ceux qu’ils massacrent ou qu’ils sont sur le point de massacrer…), leur abjection (non respect de la parole donnée, chantage, terreur psychologique et morale, pressions diverses…). La scène qui a lieu à la fin du film, lorsque le général intervient pour jeter les miliciens hors de l’hôtel, montre qu’à ce moment-là, l’armée officielle (les FAR) a encore un certain ascendant sur l’Interhamwe, qui est pourtant en train de devenir « totalement incontrôlable ».

La figure de Tatiana [7] cristallise quant à elle l’ensemble de la communauté Tutsi. Elle apparaît comme un personnage posé et juste, seule capable d’exercer une véritable influence sur son époux, d’éveiller sa conscience. On se souviendra qu’au départ, Paul refuse de recourir à ses relations pour venir en aide à ses voisins molestés puis emmenés par les soldats, arguant que ceux-ci ne sont pas suffi-samment proches, qu’ils ne font pas partie de la famille. Plus tard, il demandera encore à Tatiana sur un ton de reproche pourquoi tous les voisins ont choisi de trouver refuge précisément chez lui (à quoi celle-ci répond qu’il est le seul Hutu en qui ils ont encore confiance), puis il avouera encore regretter d’avoir ouvert l’Hôtel aux réfugiés, car, par cette initiative, il a trahi l’une des premières règles qui lui ont été imposées à son engagement : ne jamais porter atteinte au standing de l’établissement. À chaque fois, Tatiana le rassure et lui dit qu’il a bien agi, qu’il est un homme bon.

Ces conversations qui ont lieu entre Paul (Hutu) et sa femme (Tutsi) ont entre autres pour objectif de montrer l’évolution psychologique d’un homme qui, au départ, se sent relativement peu concerné par ce qui arrive et adopte une attitude de repli plutôt confortable et égoïste, et puis qui, par la force des choses, va pren-dre conscience de la tragédie au point de faire de la protection de l’ensemble des Tutsi l’une de ses toute premières priorités (comme en témoigne l’une des scènes finales du film où il choisit de laisser partir, au péril de sa propre vie, le camion

3. Hutu extrémiste, leader de l’Interhamwe et propriétaire d’un entrepôt d’approvision-nement, qui se révèle être, dès le début du film, une cache d’armes.

3. Hutu extrémiste, leader de l’Interhamwe et propriétaire d’un entrepôt d’approvision-nement, qui se révèle être, dès le début du film, une cache d’armes.4. Hutu extrémiste, chef d’État-Major dans les FAR.4. Hutu extrémiste, chef d’État-Major dans les FAR.

➥ suite du texte de la page 8

Page 16: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

14 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

qui emmène sa famille, parce qu’il refuse d’abandonner les réfugiés désormais promis au massacre).

Dans le même sens au début du film, on peut remarquer que Paul, gérant d’un hôtel appartenant à une firme belge 1, ne se comporte pas de manière « ex-traordinaire » ou exemplaire. Ce n’est ni un idéaliste qui incarne l’esprit de lutte, qui manifeste une vraie conscience morale ou politique, ni un extrémiste prêt à endosser le costume traditionnel aux tons criards que lui conseille de porter George Rutaganda en lui disant qu’il serait temps qu’il rejoigne les rangs de ses frères. On pourrait dire que Paul mène une vie aisée et confortable, cherchant à se faire des relations parmi les personnalités influentes qui fréquentent les Mille Collines : les touristes occidentaux, mais surtout les hauts gradés de la MINUAR, comme le colonel Oliver, ou des FAR, comme le général Bizimungu. Il a déjà d’ailleurs à ce moment-là l’habitude d’acheter l’« amitié » de tous ces gens avec de l’alcool ou des « choses uniques » comme des cigares cubains, afin qu’ils se souviennent de lui, au cas où… Il profite et participe alors à la corruption ambiante sans prendre de risque et sans vouloir non plus prendre en compte les signaux d’alerte qui se manifestent (la caisse de bière qui laisse échapper des tas de machettes sous ses yeux est l’exemple le plus frappant de sa « torpeur »). On peut dire pour conclure ce portrait que Paul est un Hutu modéré, une attitude qui se traduit par deux comportements différents et successifs : soucieux de ménager la chèvre et le chou par pur opportunisme dans un premier temps, Paul se positionne ensuite clairement du côté des victimes, ce qui en fait une cible pour les extrémistes de sa propre communauté qui ne voient plus en lui qu’un traître protecteur de « cafards ».

1. On remarque d’ailleurs qu’il a visiblement adopté un certain nombre de repères culturels occidentaux (ainsi tout au long du film, il porte complet costume - cravate, « à l’occidentale »).

1. On remarque d’ailleurs qu’il a visiblement adopté un certain nombre de repères culturels occidentaux (ainsi tout au long du film, il porte complet costume - cravate, « à l’occidentale »).

Page 17: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

retour Sur l’hiStoire

objectifS

♦ Comprendre le contexte historique qui a mené au génocide rwandais (le rôle de la colonisation et ses effets après l’indépendance du pays)

♦ Maîtriser le contexte du film♦ Identifier les différents intervenants extérieurs, leur position et leur rôle dans

le conflit rwandais

mÉthode

♦ Utiliser des situations du film comme point de départ à une approche his-torique et politique au sens large (la période coloniale mais aussi la période contemporaine des événements montrés par le film, la position et le rôle des intervenants extérieurs)

♦ Identifier dans ces situations les informations qui font écho à une réalité his-torique. Au besoin, consulter un dictionnaire, une encyclopédie, Internet…

♦ Se servir des portraits établis au cours de la première animation (si, toutefois, celle-ci a été réalisée)

♦ Mettre ces situations en relation avec les documents présentés en encadré ci-dessous (pages 18 et suivantes)

♦ Partager les connaissances acquises en grand groupe

Pratiquement

Chaque élève recevra une des situations reprises dans la liste ci-dessous. Il identifiera les détails qui paraissent importants d’un point de vue historique 1, avant de les classer dans l’une des trois rubriques suivantes :7 la colonisation et ses effets sur les clivages entre populations Hutu et Tutsi7 la période contemporaine des faits évoqués par le film7 la position et le rôle des intervenants extérieurs

Après cette première étape, les élèves se regrouperont en fonction des trois catégories établies et entreprendront un travail d’équipe, qui aura pour double objectif de mettre en relation les informations identifiées par chacun, et de les confronter ensuite au texte correspondant présenté en encadré.

Une dernière étape permettra enfin aux élèves de partager les connaissances acquises avec l’ensemble de la classe. Nous suggérons qu’ils produisent à cette fin un document synthétique et imagé (par exemple, sous forme d’une ligne du temps, d’un organigramme…)

1. À ce stade de l’animation, on préférera rester prudents en évitant de signaler immé-diatement ces détails comme étant historiquement vrais dans la mesure où le film de Terry George est une fiction qui, à ce titre, nécessite une confrontation avec la réalité historique, même si cette fic-tion s’inspire très largement de l’expérience authentique d’un homme et si elle repro-duit avec soin les temps forts de toute une époque.

1. À ce stade de l’animation, on préférera rester prudents en évitant de signaler immé-diatement ces détails comme étant historiquement vrais dans la mesure où le film de Terry George est une fiction qui, à ce titre, nécessite une confrontation avec la réalité historique, même si cette fic-tion s’inspire très largement de l’expérience authentique d’un homme et si elle repro-duit avec soin les temps forts de toute une époque.

3

Page 18: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Seize situations du film pour aborder l’histoire du rwanda

1. Hôtel Rwanda débute par un extrait d’une émission radio. On entend le présentateur de RTLM (la Radio Télévision Libre des Mille Collines) qui s’exprime sur fond d’écran noir :

« Quand les gens me demandent pourquoi je déteste autant les Tutsi, je leur réponds : “lisez notre histoire”. Les Tutsi étaient les collaborateurs des colons belges. Ils ont volé la terre des Hutu. Ils nous ont dépossédés et ils sont revenus, ces espèces de rebelles. Ce sont des cafards. Ce sont des meurtriers. Le Rwanda est la terre des Hutu. Nous sommes majoritaires. Ils sont une minorités de traîtres et d’envahisseurs. Nous éradiquerons l’infection. Nous les éliminerons tous, ces rebelles APR *. Vous êtes sur RTLM, la radio de la force Hutu. Restez sur vos gardes. Surveillez vos voisins… »

2. Kigali, 1994. Paul et son assistant, Dube, vont se ravitailler en bière chez George Rutaganda, un animateur de RTLM. Un incident a lieu à l’entrepôt : une caisse censée contenir de la bière cède, laissant échapper une grande quantité de machettes.

3. Au bar de l’hôtel, un journaliste demande à un homme s’il est capable de définir la différence entre un Hutu et un Tutsi. Celui-ci répond :

« Selon les colons belges, je dirais que les Tutsi sont plus grands et bien plus élégants. Ce sont les Belges qui ont créé cette espèce de scission. Ils ont pris des types et les ont choisis selon la largeur de leur nez et leur couleur. Ils avaient l’habitude de tous nous mesurer le nez. Ce sont les Belges qui ont mis les Tutsi à la tête du pays, et quand ils sont partis, ils ont donné le pouvoir aux Hutu, alors bien sûr, les Hutu ont décidé de prendre leur revanche en malmenant les Tutsi. »

4. Toujours à l’hôtel, la télévision diffuse une interview d’Augustin Bizimungu, un Général des FAR :

« Les Nations-Unies clament à qui veut l’entendre que l’Armée rwandaise entraîne en secret une milice Hutu appelée Interhamwe. Je suis allé poser directement poser la question au Général Bizi-mungu…

— Non ! Nous n’entraînons pas de milice secrète ! Les Nations Unies portent de fausses accusa-tions !

— Votre Président veut faire la paix avec les rebelles. Etes-vous d’accord avec lui ? — Le Président a le soutien total de son armée. » Le journaliste poursuit en parlant de l’accord de paix qui vient d’être signé le jour même en Tanzanie

entre les forces rebelles Tutsi et le Président Habyarimana.

5. Le frère de Tatiana, l’épouse de Paul, tient une information de source sûre : il va y avoir un massacre. Le signal sera donné sur RTLM : « Coupez les grands arbres ».

6. Après sa journée de travail à l’hôtel, Paul rentre à la maison. Il découvre chez lui un groupe de voisins Tutsi dont la maison a été incendiée, et il apprend la nouvelle : le Président Habyarimana a été assassiné par les rebelles Tutsi.

7. En sortant de chez lui pour discuter avec les soldats de la FAR, Paul doit montrer sa carte d’identité, qui porte le cachet « Hutu ».

* L’aPR (Armée Patriotique Rwandaise) est le bras armé du FPR (Front Patriotique Rwandais), constitué de réfugiés Tutsi installés en Ouganda. Attention de ne pas confondre ces sigles avec celui des FaR (Forces Armées Rwandaises), l’armée du gouvernement rwandais composée de Hutu. Quelques jours après le début du film, soit le 8 avril 1994, ces deux forces entrent officiellement en guerre.

Page 19: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

8. À l’hôtel, les journalistes interviewent le colonel canadien Oliver, de la MINUAR : « Nous avons entendu parler de représailles sanglantes. Est-ce que les Nations-Unies vont faire cesser

les massacres ? — Nous maintenons la paix. Nous ne faisons pas la paix. J’ai ordre de ne pas intervenir. […] Des

factions du gouvernement et de l’armée essayent de suivre l’exemple de ce qui s’est passé pour les Américains en Somalie. Je crois qu’ils essayent de nous intimider. Il faut croire qu’ils veulent nous attaquer en espérant que les Occidentaux vont retirer toutes leurs troupes…

— Croyez-vous qu’ils vont réussir ? — Non. Pas du tout ! Les Nations-Unies vont rester là. »

9. Les soldats de l’ONU protègent l’hôtel comme ils peuvent des miliciens de l’Interhamwe. Le colonel Oliver confie à Paul qu’ils massacrent même ses hommes. Ainsi il a déjà perdu dix soldats belges.

10. Les forces d’intervention promises par l’ONU arrivent sur place. Leur mission est de rapatrier les ressortissants occidentaux, y compris les journalistes. Tout le monde va quitter le navire : les Français, les Italiens, et même les soldats belges. Il ne restera que trois cents soldats de la paix pour tout le pays.

11. Pendant l’évacuation des Blancs, on entend un flash infos à la radio : « D’après les Nations-Unies, il apparaît que les représentants américains et britanniques du Conseil de Sécurité seraient favorables au retrait des soldats de la paix au Rwanda ».

12. Alors que l’hôtel est rempli de réfugiés, Paul est réveillé par un soldat des FAR, venu pour faire évacuer l’hôtel. Paul trouve une astuce pour téléphoner en douce en Belgique, au Directeur de la Sabena. Il lui demande de joindre les Français, parce que ce sont eux qui fournissent les armes à l’armée rwandaise.

13. À la radio, une personne (sans doute une journaliste ou une diplomate) explique qu’on leur a in-terdit d’employer le terme de « génocide ». Chacun est tenu de surveiller ses propos et d’employer la formule « actes de génocide ».

14. Pendant que les familles qui ont obtenu un visa de sortie grâce à leurs relations à l’étranger embarquent dans les camions des Nations-Unies, la radio diffuse un bulletin d’informations : « Selon la Croix Rouge, le nombre de morts pendant les affrontements au Rwanda pourrait atteindre 500 000. Un rapport établit que 40 000 corps ont été sortis du lac Victoria. » [Le lac Victoria situé en Tanzanie est alimenté par la rivière Kagera qui longe la frontière rwandaise.]

15. Les soldats de la paix sauvent in extremis les réfugiés de l’hôtel. Ils font embarquer tout le monde dans les camions de l’ONU, qui réussissent à atteindre un camp de réfugiés. Des bus les attendent pour passer en Tanzanie.

16. Le texte de générique apparaît sur fond noir, accompagné par une chanson : Paul Rusesabagina a hébergé 1268 réfugiés Tutsi et Hutu à l’Hôtel des Mille Collines à Kigali.

Paul et Tatiana vivent maintenant en Belgique avec leurs enfants, Roger, Diane, Lys, Tresor et leurs nièces adoptées Anaïs et Carine. Thomas, le frère de Tatiana, et sa femme Fedens n’ont jamais été retrouvés. En 2002, le Général Augustin Bizimungu a été capturé en Angola et conduit en Tanzanie devant le Tribunal pour Crimes de Guerre des Nations Unies. Devant le même Tribunal, George Rutaganda, le leader de l’Interhamwe a été condamné à la prison à vie. Le génocide prit fin en juillet 1994, quand les rebelles Tutsi acculèrent l’armée Hutu et la milice Interhamwe à la frontière du Congo. Ils ont laissé derrière eux près d’un million de cadavres.

Page 20: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

1� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

la colonisation et ses effets sur les clivages entre populations hutu et tutsi

Commentaire sur les situations 1, 3 et 7

Dans Hôtel Rwanda, la responsabilité de la colonisation belge dans la division entre Hutu et Tutsi est présentée comme une évidence, abordée indirectement via les propos de l’animateur de RTLM, puis dans une interview menée par un journaliste occidental et enfin par un gros plan sur la carte d’identité de Paul, où figure le cachet « Hutu ». Les propos haineux et extrêmes tenus par l’animateur de la radio Hutu à l’égard des Tutsi, qu’il désigne entre autres comme les « collaborateurs » des colons belges, revenus en « traîtres » et en « envahisseurs », soulignent l’importance de l’époque coloniale dans l’évolution politique du pays et les dérives raciales qui mèneront au génocide quelque trente années après l’indépendance du pays.

L’interview menée au bar de l’hôtel contient quant à elle deux informations importantes, historique-ment vérifiables : d’une part, les colonisateurs belges ont effectivement utilisé des données physiologiques comme la couleur de la peau, la taille, les traits du visage ou encore l’allure générale pour opérer un clivage ethnique entre Hutu et Tutsi. D’autre part, ils ont déprécié la population Hutu tandis qu’ils valorisaient systématiquement le groupe minoritaire Tutsi constituant à l’époque l’élite du pays. Ce clivage a ensuite été entretenu et officialisé dans les années trente avec l’apposition sur toutes les cartes d’identité du cachet « Tutsi », « Hutu » ou « Twa », comme on peut l’observer sur la carte d’identité de Paul.

Enfin, les colonisateurs se sont appuyés sur les structures existantes pour maintenir les Tutsi au pouvoir et aux postes clefs dans tous les secteurs d’activités.

L’indépendance du pays, obtenue en 1962 après trois ans de troubles, va alors bouleverser cet état de choses en donnant le pouvoir à la majorité Hutu.

le Rwanda avant la colonisation

Le Rwanda n’est le pays d’origine ni des Hutu, ni des Tutsi. Au départ, le territoire était occupé par une population de chasseurs-cueilleurs dont les Twa 1 sont les descendants modernes. Les Hutu, installés au Rwanda vers l’an 1000 de notre ère, seraient originaires d’Afrique de l’Ouest, tandis que les Tutsi, descendus du nord pour fuir les sécheresses sahariennes, s’y seraient implantés de manière plus tardive, au 13e ou 14e siècle. Selon les historiens, les bases du Rwanda moderne auraient été jetées au cours de cette période, sous l’impulsion de groupes Tutsi. Avec l’avènement de la dynastie des Nyiginya au 15e siècle, une partie du pays — le centre et l’est essentiellement — va vivre sous la coupe d’une monarchie absolue privilégiant les hauts lignages Tutsi. Petit à petit, cette dynastie va conquérir et réunir sous son autorité une cinquantaine de mini-royaumes Hutu, dessinant ainsi les contours du Rwanda actuel.

On notera qu’avant la colonisation, il n’existe pas d’opposition de nature ethnique entre les deux groupes. Depuis des siècles en effet, Hutu et Tutsi partagent le même territoire, les mêmes croyances religieuses, la même culture et la même langue (le kinyarwanda). Les différences que l’on peut obser-ver entre les deux groupes sont d’un autre ordre. La population se répartit en effet en deux catégories socio-économiques héréditaires (les « ubwooko ») 2, le pouvoir politique restant par ailleurs étroitement concentré entre les mains des Tutsi.

1. Les Twa ne constituent plus aujourd’hui que 1 % de la population rwandaise. Leurs ancêtres se seraient implantés dans la région des Grands Lacs environ 2000 ans avant notre ère.

2. Tandis que les Tutsi, de tradition pastorale et nomade, vivent de l’élevage des bovins, les Hutu sont presque exclusive-ment des agriculteurs .

Page 21: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

19 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

la période coloniale

En fait, l’identité Hutu et Tutsi ne prendra une importance décisive qu’à partir de l’époque coloniale, au moment où les Allemands 3 puis les Belges 4 choisissent de s’appuyer sur l’élite Tutsi pour diriger le pays. Les colonisateurs vont en effet interpréter les différences entre Tutsi et Hutu de façon étroitement raciale. Ce ne seraient pas des différences sociales (les uns plutôt dominants et les autres plutôt dominés) mais de véritables « races » qui distingueraient les uns et les autres : les Tutsi d’origine nilote seraient naturellement grands, minces, élancés, avec des traits fins, tandis que les Hutu seraient petits, trapus, avec le nez écrasé 5… Bien entendu, ces définitions « physiques » sont de véritables caricatures qui masquent la diversité des individus, et il est souvent impossible de distinguer les Hutu des Tutsi sur base de ces caractérisations sommaires. (C’est également l’époque où les nazis croient pouvoir déterminer un type « racial juif » avec un nez fourchu, des lèvres lippues, des cheveux noirs, le teint mat, etc.)

Dans les années trente, le peuple rwandais est soumis à un recensement qui opère une séparation administrative entre les éleveurs et les agriculteurs. L’administration coloniale impose comme critère d’appartenance au groupe « ethnique » Tutsi le fait de posséder au moins dix têtes de bétail bovin, et le reste de la population est assimilée aux groupes « ethniques » Hutu ou Twa selon les professions. Chaque citoyen reçoit alors une carte d’identité sur laquelle figure la mention de son « ethnie ». Ce principe, qui fige le citoyen dans tel ou tel groupe sans tenir compte de la réalité sociologique du pays, sera à l’origine d’une véritable discrimination.

En l’espace de deux générations, l’élite Tutsi devient une classe sociale privilégiée, occupant les postes les plus importants dans les différents secteurs de la vie moderne. Ces représentations européennes à caractère raciste creuseront ainsi un gouffre entre les deux communautés. Les Hutu dominés éprouveront un fort ressentiment qui éclatera violemment lors des troubles de 1959.

À partir des années 50, la décolonisation s’enclenche en effet dans tous les pays africains, et l’aristo-cratie Tutsi revendique alors l’indépendance du pays : à ce moment, les Belges trouveront que les Tutsi sont un peuple « arrogant »; leur volonté d’indépendance et d’enseignement laïque ne conviennent plus du tout aux colonisateurs et à l’Église catholique, qui découvrent soudain un peuple Hutu injustement opprimé. Dès lors, ils vont cautionner et soutenir activement la lutte de ce peuple. Les idées d’injustice, d’inégalité, d’exploitation et de revanche en faveur des Hutu sont propagées, donnant naissance au préjugé anti-Tutsi. Des élections sont organisées et gagnées par le Parti pour l’émancipation des Hutu (le PARMEHUTU). Après deux ans de violences (1959-61), ces élections aboutiront à l’établissement de la République et à l’indépendance du Rwanda.

après l’indépendance du pays

En 1962, au moment de l’indépendance du pays, les colons belges laissent donc derrière eux une toute jeune République dirigée par les Hutu. À leur tour, ceux-ci mènent une politique discriminatoire à l’égard des Tutsi, qui choisissent de s’exiler (ou doivent s’exiler) massivement à l’étranger, principalement dans les pays limitrophes (en Ouganda, au Burundi et au Zaïre) 6. De là, des groupes armés de réfugiés Tutsi vont lancer régulièrement des attaques sur le Rwanda, mais ce sera sur les Tutsi de l’intérieur que s’exerceront les représailles du pouvoir, représailles qui, dès le départ, prennent la forme de violences meurtrières. Ainsi, en 1963, d’importants massacres ont lieu et l’on assiste à une sorte de première

3. En 1885, la Conférence de Berlin attribue à l’Allemagne le « Ruanda-Urundi », qui devient Protectorat allemand en 1899.

4. À l’issue de la Première guerre mondiale, le Conseil Supérieur des Puissances Alliées confie à la Belgique le mandat sur le pays, mandat qui sera ratifié par la SDN en 1923 et transformé en Tutelle en 1946.

5. La caractérisation des Rwandais ne porte pas seulement sur les traits physiques. Elle prend en compte également les oc-cupations économiques, les compétences politiques, la personnalité, le caractère ou le comportement. Les portraits établis trahissent sans aucune ambiguïté l’admiration des colons pour les Tutsi et leur mépris pour les Hutu et les Twa.

Page 22: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�0 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

le rwanda au moment du génocide

(situations 2, 4, 5, 6 et 16)

En octobre 1990, les réfugiés Tutsi d’Ouganda, armés et réunis dans le FPR (Front Patriotique Rwandais) envahissent le nord du pays. Cette première offensive, qui se terminera par un cessez le feu le 29 mars 1991, sera suivie d’une seconde offensive menée en février 1993. Cette fois, la guérilla atteint les faubourgs de la capitale, Kigali. Sous la pression internationale (notamment de la France), l’opéra-tion aboutit à la signature en Tanzanie (à Arusha, le 4 août 1993) d’un accord de paix entre le FPR et le gouvernement d’Habyarimana. Cet accord autorise entre autres le retour des réfugiés et prévoit la participation du FPR au pouvoir. Dans les faits, cet accord ne sera cependant pas appliqué.

Quelques mois plus tard en effet, le 6 avril 1994, l’avion qui transportait le Président et les mem-bres de son gouvernement 1 est abattu, événement qui devait déclencher le génocide. Dès l’annonce de la nouvelle sur les ondes de RTLM 2, de nombreux barrages sont dressés dans la capitale du pays et les massacres commencent, encouragés par la Radio des Mille Collines qui diffuse immédiatement la nouvelle et donne le signal : « Coupez les grands arbres ». L’incident qui a lieu au début du film lorsque Paul se rend chez George Rutaganda pour se ravitailler — une caisse censée contenir de la bière laisse échapper une grande quantité de machettes — (situation n° 2), n’est pas un détail anodin. Il révèle que Rutaganda est un Hutu extrémiste mais surtout que les massacres, loin d’être l’expression d’une violence spontanée, étaient en fait prémédités et planifiés. L’armée rwandaise (les FAR), dirigée par des Généraux comme Augustin Bizimungu (le chef d’État Major des FAR), et les milices Interhamwe emmenées par des leaders comme George Rutaganda 3, sont les acteurs principaux dans la planification et l’exécution du génocide rwandais. Contrairement à ce que prétend le Général Bizimungu dans l’interview qu’il accorde à un journaliste occidental dans le film, les FAR ont bel et bien joué un rôle important dans le recrutement et la formation des milices parallèles de l’Interhamwe. En effet, dès le début de 1994, celles-ci ont bénéficié ouvertement d’un entraînement militaire dispensé par des officiers de l’armée

« répétition » du génocide de 1994. Il faut noter qu’à ce moment-là, les Tutsi sont persécutés non pas en tant qu’ennemis potentiels mais bien en tant que race. En l’espace de trente ans, les tensions iront ensuite crescendo : l’extrémisme Hutu se radicalise et les violences à l’égard des Tutsi se multiplient.

En 1973, l’armée intervient avec la prise du pouvoir par le Général Habyarimana. Cinq ans plus tard, celui-ci introduit une nouvelle constitution et décrète le MRND (le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement) Parti unique, dont tout Rwandais devenait membre à la naissance.

1. Deux jours après le sommet de Dar Es-Salaam (Tanzanie), où s’étaient retrouvés les présidents de différents pays (Burun-di, Rwanda, Ouganda et Tanzanie), pour discuter de la situation au Rwanda et au Burundi. Habyarimana venait de signer à cette occasion de nouveaux accords de paix avec les forces rebelles du FPR.2. RTLM, la Radio Télévision Libre des Mille collines, est le principal outil de propagande des extrémistes Hutu.3. Le Général Bizimungu et George Rutaganda sont deux personnages que l’on voit dans Hôtel Rwanda. Le premier est le haut gradé que Paul achète pour protéger l’hôtel des miliciens de l’Interhamwe, celui qu’il mystifie aussi en faisant planer la menace des satellites espions américains. Quant à George Rutaganda, il s’agit du propriétaire de l’entrepôt où Paul se rend à deux reprises — au début et à la fin du film — pour se ravitailler.

Page 23: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�1 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

rwandaise. Le but était vraisemblablement d’empêcher l’application des accords d’Arusha signés huit mois plus tôt, car ces accords signifiaient l’effondrement du pouvoir et des privilèges dont bénéficiaient les personnalités politiques qui gravitaient autour d’Habyarimana. C’est pourquoi les extrémistes Hutu (qui prennent le pouvoir au lendemain de la mort du président Habyarimana) vont d’abord assassiner plusieurs dirigeants Hutu susceptibles de former un gouvernement de réconciliation nationale avec les Tutsi. Seront ainsi massacrés le Premier ministre du gouvernement de transition, Agathé Uwilingiyia-mana 4, cinq autres ministres, le président de la cour constitutionnelle ainsi que les présidents Hutu de divers partis d’opposition. Au même moment, les milices de l’Interhamwe déclenchent le génocide à l’encontre des Tutsi.

Le 8 avril, Paul Kagame, le dirigeant du FPR, constatant l’échec des accords d’Arusha, déclare quant à lui la guerre au gouvernement rwandais.

Au bout de trois mois de combats, les forces du FPR s’emparent de Kigali, provoquant la fuite vers le Zaïre de plus de deux millions de Rwandais, parmi lesquels de nombreux génocidaires 5, « l’exode le plus massif de toute l’histoire moderne », selon un bulletin d’information entendu à la fin du film, au moment où l’hôtel est attaqué au lance-roquettes. Le 19 juillet, un nouveau gouvernement d’union nationale est formé, dominé par Paul Kagame (commandant du FPR) et présidé par Pasteur Bizimungu 6.

4. Assassinée le 7 avril — soit le lendemain de l’attentat qui devait coûter la vie du Président Habyarimana —, en même temps que les dix Casques bleus belges chargés de sa protection.5. Selon les rapports de l’ONU, les réfugiés rwandais se répartissent comme suit : 1 400 000 au Zaïre, 600 000 en Tanzanie et 200 000 au Burundi. 6. À ne pas confondre avec le Général des FAR du même nom, qui sera quant à lui capturé en Angola en 2002 et conduit en Tanzanie, devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), créé le 8 novembre 1994 par le Conseil de Sécurité de l’ONU. C’est ce même tribunal qui condamnera George Rutaganda à la prison à vie.

Page 24: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

la position et le rôle de l’onu

(situations 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15)

Au début des années 90, quand des groupes d’exilés Hutu en Ouganda réunis au sein du FPR (Front Patriotique Rwandais) lancent des attaques contre le Rwanda, l’Organisation des Nations Unies hésite à intervenir dans ce qu’elle considère comme un début de crise intérieure. Elle estime qu’il n’y a pas de menace pour la paix et la sécurité internationales, condition qui justifierait son intervention. De plus, elle estime que la France et la Belgique, en tant que « pays amis » du Rwanda, sont tout-à-fait aptes à résoudre cette crise. Malgré de nombreux indices inquiétants, l’ONU ne prend alors en compte que les signes positifs qui se manifestent au Rwanda au début des années 1990. Le Président Habyarimana, qui s’est prononcé en faveur du multipartisme, est perçu comme un homme capable d’arriver à un compromis avec le FPR. Il a par ailleurs ouvert un processus de démocratisation en annonçant la sup-pression de la mention « ethnique » (Hutu, Tutsi) sur les documents d’identité, ainsi que la libération des détenus accusés de complicité avec les rebelles du FPR ; il a également promulgué une nouvelle constitution et signé les accords d’Arusha.

Pourtant, dès 1993 (plusieurs mois avant le génocide), les ONG (Organisations Non Gouverne-mentales) et les associations de défense des droits de l’homme attirent l’attention de la Communauté internationale sur la dégradation de la situation dans le pays et affirment que la crise est devenue ingérable. Dans leurs rapports, elles font état de massacres et soulignent que l’armée elle-même est devenue un facteur d’insécurité. Le 1er novembre 1993, après deux résolutions votées entre mars et juin de la même année 1, le Conseil de Sécurité de l’ONU met en place la MINUAR (Mission des Nations-Unies pour l’Assistance au Rwanda), chargée du maintien de la paix et composée d’un effectif relativement réduit (2 548 hommes appartenant à 24 nations). C’est dans un contexte de guerre que les premiers contingents s’installent dans le pays : assassinats politiques, attaques contre la population Tutsi, arrivage de cargaisons d’armes livrées aux FAR, distribution d’armes à partir de caches situées dans la capitale… En constatant cela, les responsables de la MINUAR, en particulier le Général Dal-laire 2, informent à plusieurs reprises le DPKO (Département des opérations de maintien de la paix) de la gravité de la situation. Cependant, malgré ces avertissements, le Conseil de Sécurité estime que l’utilisation du principe de légitime défense uniquement en cas d’attaque contre les soldats de la paix (communément appelés les « Casques bleus ») est suffisant. Au nom du principe de non-intervention, aucune mesure préventive n’est prise.

Pour comprendre l’assassinat des dix Casques bleus belges, qui intervient dans les heures qui sui-vent l’attentat contre l’avion présidentiel le 9 avril 1994, il faut souligner la position particulière de la Belgique au sein des forces de la MINUAR. Formé de 428 hommes, le contingent belge, bien qu’il ne soit pas le plus important en termes d’effectifs, apparaît pourtant comme son pivot central sur le plan politique. En vertu des liens privilégiés qui existaient entre la Belgique et le Rwanda depuis l’époque coloniale, ce sont les Casques bleus belges qui, par exemple, ont été chargés d’escorter la délégation de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR, le bras armé du FPR) venue s’installer au parlement à Kigali, conformément à ce qui était prévu dans les accords d’Arusha. Tant la population que le régime Hutu avaient perçu cette opération comme le signe manifeste d’un parti pris belge en faveur des Tutsi. Dès lors, les Casques bleus belges deviennent une cible systématique pour les extrémistes Hutu, faisant l’objet d’une campagne orchestrée par RTLM, qui accuse ouvertement la Belgique de connivence avec le FPR. C’est ainsi que le contingent belge de la MINUAR est immédiatement soupçonné de vouloir assassiner le Premier ministre qui avait été mis sous la protection de dix de ses hommes. Les Hutu extrémistes sont

1. La première prévoit la mise en place « d’une petite force de paix au Rwanda », chargée de la protection des populations et de l’assistance humanitaire à ces populations, tandis que la seconde prévoit l’installation de la MONUR (Mission d’Obser-vation des Nations-Unies au Rwanda) composée de 80 militaires à déployer du côté ougandais de la frontière. 2. Dans le film, on peut reconnaître le Général Dallaire, qui appartient au contingent canadien de la MINUAR, dans le personnage du Colonel Oliver incarné par Nick Nolte.

Page 25: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

par ailleurs convaincus qu’ils sont impliqués dans l’attentat qui venait de coûter la vie à leur Président, une action qui s’inscrirait selon eux dans la tradition belge d’ingérence dans les affaires intérieures du Rwanda en faveur des Tutsi. C’est dans ce contexte « anti-Belges » que les dix Casques bleus seront dé-sarmés, brutalisés et massacrés par un groupe extrémiste composé à la fois de soldats et de civils 3. Cet événement, qui a connu — et qui connaît encore aujourd’hui — un grand retentissement médiatique en Belgique — marque les débuts de la débâcle pour la MINUAR. L’après-midi même (nous sommes donc le 7 avril), ses troupes sont chassées de l’aéroport et son quartier général est détruit.

Dès le lendemain, la France déclenche l’opération Amaryllis pour permettre l’évacuation de ressor-tissants essentiellement européens. Certains rescapés rwandais ont vivement critiqué cette opération qui n’incluait pas l’évacuation des Tutsi menacés par les massacres, même lorsque ceux-ci étaient em-ployés par les autorités françaises. Dans le même temps, la Belgique lance l’opération Silver Back, qui se déroulera entre le 10 et le 15 avril 4. Une fois l’évacuation des civils terminée, la Belgique prend la décision unilatérale de retirer son contingent de la MINUAR et évacue ses Casques bleus les 19 et 20 avril. Au cours de cette période, la Belgique et les États-Unis se prononcent en faveur du retrait total des soldats de la paix.

À ce moment-là, toute opération de maintien de la paix de grande envergure s’avère impossible et une transformation du mandat de la MINUAR s’impose. Les responsables de cette force sur le terrain réclament notamment plusieurs milliers de soldats supplémentaires. La nouvelle résolution du Conseil de Sécurité ne tient cependant pas compte de cette demande, et se contente d’ajuster le mandat : elle attribue aux Casques bleus un rôle d’intermédiaire entre les deux parties pour tenter d’obtenir un cessez-le-feu, et leur ordonne de poursuivre les opérations d’aide humanitaire et d’assurer la sécurité et la protection des populations civiles qui avaient cherché refuge auprès de la MINUAR 5. Mais cette position se révèle intenable, vu le caractère exceptionnel des violences commises. Les ONG et les instances humanitaires de l’ONU commencent à parler de génocide et de crimes contre l’humanité. Or le crime de génocide, lorsqu’il est dûment constaté, doit normalement enclencher un processus actif pour « prévenir et punir » ce crime contre l’humanité. Le 30 avril, le Conseil de Sécurité se penche sur la question et rappelle la définition du génocide (« assassinat d’un groupe ethnique avec l’intention de détruire ce groupe en partie ou en totalité »), mais, sous la pression américaine, l’usage du terme est rejeté.

Le 8 juin, le Conseil de Sécurité adopte une nouvelle résolution où, pour la première fois, figure l’ex-pression « actes de génocide ». Cette résolution étend le mandat des Nations Unies et met théoriquement en place la MINUAR II, dont la mission est d’engager des moyens défensifs contre des personnes ou

3. Dans Hôtel Rwanda, c’est à la perte de ces dix soldats que le colonel Oliver fait allusion lorsqu’il s’adresse à Paul pour déplorer le manque d’effectifs dont il dispose pour protéger l’hôtel des Mille collines.4. Pour permettre le bon déroulement de ces opérations, la MINUAR obtient des FAR et du FPR un délai de 48 heures pour évacuer les étrangers dans le cadre des opérations Amaryllis et Silver Back. Notons que Kofi Annan avait refusé d’orga-niser l’évacuation des ressortissants étrangers via la MINUAR pour des raisons de coût, mais qu’il avait toutefois donné son feu vert pour des interventions nationales, pour autant que celles-ci soient menées en coordination avec l’ONU. 5. Cet ajustement timide, qui traduit le refus manifeste des Nations Unies de s’impliquer plus activement au Rwanda pour mettre un terme aux massacres, est alors dû en partie à ce qui vient de se passer en Somalie, où l’ONU a payé le prix fort pour avoir choisi le camp d’une des parties engagées dans le conflit. Dans l’esprit des membres du Conseil de Sécurité, il n’est plus question de refaire la même erreur.

Page 26: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�4 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

des groupes menaçant des sites protégés ou des populations civiles « à risque » (autrement dit, les Tutsi). Les forces engagées sont portées à 5 500 hommes, et un embargo sur les armes est décrété.

Dans les faits, la MINUAR II est cependant difficile à installer non seulement à cause des combats qui paralysent la capitale et en particulier l’aéroport, mais aussi en raison d’un manque d’effectifs. En effet, seuls six pays africains sont prêts à livrer un contingent, qui ne permet de rassembler au total que 1 200 hommes. Il faudra donc attendre la fin du mois d’octobre pour la MINUAR II soit opérationnelle. Entre-temps, l’ONU confie à la France le leadership d’une intervention multinationale. Cette décision est vivement controversée dans certains milieux (une partie de la classe politique française, les ONG, et même au sein du Conseil de Sécurité), étant donné les liens de connivence qui existent alors entre la France et les FAR, liens qui se traduisent notamment en termes de livraison d’armes.

Le 22 juin, la France lance l’opération Turquoise. Cette opération, conduite à partir du Zaïre, a pour objectif de protéger, dans une zone humanitaire sûre, les « populations menacées ». Cette zone est installée dans le sud-ouest du pays. En réalité, l’opération Turquoise, qui s’étend sur deux mois, si elle permet effectivement de sauver des vies, sert aussi (et surtout) à protéger la fuite vers le Zaïre de nombreux génocidaires Hutu et de leurs principaux responsables lors de la victoire du FPR, survenue le 4 juillet. Selon de nombreux témoins rescapés, dont certains ont récemment déposé plainte (en février 2005) devant le Tribunal aux armées sur base de faits précis (meurtres, viols et exactions di-verses à l’égard des Tutsi), l’armée française se serait donc rendue complice du génocide. À l’initiative d’ONG, une Commission d’enquête citoyenne compte d’ailleurs examiner « l’ensemble des éléments à sa disposition faisant peser sur la France le soupçon d’une complicité multiforme avec l’un des plus graves crimes du 20e siècle ».

Page 27: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

leS mÉcaniSmeS du gÉnocide

objectifS

♦ Étudier les mécanismes génocidaires dans une perspective citoyenne de vigilance et de prévention

♦ Dégager les mécanismes à l’œuvre dans le génocide rwandais

mÉthode

♦ En petits groupes d’élèves, lire les résultats d’une étude récente, synthétisés dans l’encadré ci-dessous (pages 28 à 33) ; à partir de ce texte, revenir sur des situations du film

♦ Débat en grand groupe et organisation des observations sous forme d’une représentation graphique établie collectivement au tableau de la classe, qui mette en évidence le processus tel qu’on peut l’observer dans le film de Terry George

commentaire

Les génocides, ces accidents effroyables et aberrants de l’histoire dont on ne prend, semble-t-il, la vraie mesure qu’une fois qu’ils ont été commis, suscitent

4

Page 28: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

bien des questionnements sur la nature et le comportement humain : qu’est-ce qui fait qu’un jour, un homme ordinaire bascule soudain dans la violence extrême ? Existe-t-il des circonstances propices, un terrain favorable à l’expression de cette violence de masse ? Toutes les régions du monde sont-elles concernées de la même façon ? Peut-on identifier les signes avant-coureurs d’un génocide ? Tous les géno-cides ont-ils des caractéristiques communes ? Existe-t-il un profil psychologique et / ou social particulier de la personnalité génocidaire (ou plutôt des leaders qui entraînent la population dans des massacres de masse )? Y a-t-il des cibles de prédi-lection contre lesquelles s’exerce de préférence ce type de violence ? Qu’est-ce que ces cibles ont en commun ? Comment se produit le passage à l’acte ? En définitive, retrouve-t-on dans les différents génocides des mécanismes identiques ? Et le terme même de génocide est-il approprié pour désigner les massacres de masse ? Toutes ces questions sont importantes dès le moment où elles sont posées dans un champ scientifique pluridisciplinaire (histoire, géopolitique, sciences sociales, psycholo-gie…) susceptible d’apporter des éléments de réponses, évidemment précieux dans une perspective de prévention et d’enrayement de tels massacres.

Comprendre pour prévenir est donc en quelque sorte l’objectif surplombant l’étude menée par Jacques Sémelin, directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales (CERI / CNRS), à propos des processus de violence qui aboutissent aux massacres et aux génocides de l’époque moderne. La méthode qu’il utilise est celle de la comparaison, qui lui permet de dégager les traits com-muns à trois génocides, mais aussi leurs spécificités propres. Il s’intéresse ainsi, par l’examen de nombreux paramètres, à la Shoah, aux nettoyages ethniques qui ont eu lieu en ex-Yougoslavie et au génocide des Tutsi au Rwanda.

Les grande lignes de son ouvrage, que l’on trouvera résumées dans l’encadré ci-dessous, composent un texte forcément réducteur et l’on ne peut que recom-mander aux enseignants et élèves de l’enseignement supérieur la lecture de l’œuvre intégrale de Jacques Sémelin. Néanmoins, pour les jeunes spectateurs du secondaire qui verront Hôtel Rwanda avec leurs condisciples, ce texte synthétique devrait être suffisant pour servir de tremplin à une réflexion en profondeur sur les grands mécanismes génocidaires. L’enseignant expliquera qu’une lecture attentive du texte devrait leur permettre de revenir sur le film (le processus génocidaire, les motiva-tions profondes des personnages analysés au cours de la première animation…) à la lueur d’un éclairage nouveau — l’interprétation de Jacques Sémelin —, puis de s’exprimer plus largement sur cette interprétation.

Dans l’encadré proposé, nous rendrons compte globalement des résultats auxquels a mené cette étude, sans entrer dans les détails historiques de chaque contexte analysé par l’auteur. Dans la perspective de cette animation et du dossier pédagogique au sein duquel elle trouve sa place, l’essentiel est d’amener les élèves à une prise de conscience des mécanismes mis en œuvre dans le déclenchement du processus génocidaire, plus que de les inviter à suivre toutes les étapes de l’analyse de Jacques Sémelin, avec ce que cette démarche supposerait en matière d’assimilation d’informations historiques trop nombreuses, trop complexes et non indispensables au regard des objectifs poursuivis dans le cadre de l’activité proposée. Néanmoins, deux petits encadrés connexes permettront aux élèves de prendre connaissance des cadres historiques qui ont servi de fondements à l’approche comparative de Jacques Sémelin, à savoir la Shoah et les purifications ethniques qui ont eu lieu au début des années 1990 en ex-Yougoslavie.

Page 29: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Pratiquement

On demandera aux élèves répartis en petits groupes de procéder à une lecture active du texte proposé en en dégageant tous les éléments qui trouvent un écho dans Hôtel Rwanda (une scène, un intervenant ou groupes d’intervenants, l’usage de termes ou d’expressions, un extrait de dialogue ou l’une ou l’autre réplique, un détail vestimentaire ou autre…). Cette méthode de confrontation entre deux documents se fera par surlignage d’informations dans le texte, et constitution d’un relevé écrit et en vrac d’indices pertinents.

Une seconde étape en grand groupe permettra aux élèves de mettre en commun le fruit du travail effectué et d’engager une réflexion collective sur les mécanismes génocidaires et la façon dont ils apparaissent dans le film de Terry George. Pour organiser les détails du film retenus à la lumière du texte et structurer la réflexion, nous proposons qu’une représentation graphique (un organigramme ou même un simple schéma) soit établie au fur et à mesure au tableau de la classe, de façon à mettre en perspective le processus génocidaire qui s’est enclenché au Rwanda. Pour les spectateurs les plus jeunes, l’enseignant pourra préfigurer la représentation, qu’il suffira ensuite d’annoter en fonction des observations relevées.

Page 30: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Purifier et détruire une synthèse de l’étude de Jacques Sémelin *

Dans son ouvrage Purifier et détruire. Pour comprendre les mécanismes qui mènent au génocide, Jacques Sémelin compare trois exemples de ce qu’il appelle prudemment « massacre », un terme « minimal de référence » qu’il définit comme une forme d’action collective de destruction de non-combattants. Dans le cadre de cette approche, il s’intéresse à la Shoah, aux purifications ethniques qui ont eu lieu au début des années 1990 en ex-Yougoslavie et au massacre des Tutsi au Rwanda. Plus spécifiquement, son but est d’identifier le processus de bascule dans les formes d’extrême violence, de comprendre comment des États peuvent impulser, organiser et mettre en mouvement des pratiques politiques de purification et de destruction de tout un groupe social.

Avant d’entamer son analyse proprement dite, l’auteur commence par réfuter à l’aide de contre-exemples les causes traditionnellement invoquées pour expliquer un génocide ou un massacre de masse : le lien entre violence et pauvreté, la surpopulation, la supposée « sauvagerie » de certains peuples (en Afrique, en Asie), les haines ancestrales, religieuses ou ethniques… Selon l’auteur, même la conjonction de ces causes ne conduit pas inéluctablement au massacre. Elle constitue seulement une situation favorable au développement de la violence à l’égard de tel ou tel groupe.

le massacre comme processus mental

En réalité, le massacre procède avant tout d’un processus mental lent, susceptible de s’emballer en temps de guerre ou de crise grave. Il consiste à stigmatiser l’Autre, en quelque sorte à l’« anéantir » avant de le supprimer physiquement. La logique de violence qui conduit au massacre s’appuie donc d’abord sur la désignation de boucs émissaires.

Ce mouvement n’est toutefois pas spontané. Pour se développer et arriver à son terme, il a besoin de leaders d’opinion capables d’interpréter cette situation dans le sens attendu. C’est ici qu’interviennent les intellectuels. À un moment-clé de l’histoire de leur pays, ceux-ci élaborent des outils idéologiques fondés autour de stéréotypes négatifs, qui viennent légitimer l’affrontement entre deux communautés. Au Rwanda, on observe ce phénomène avec la publication du « Manifeste des Bahutus », conçu dans les années 1950 par un instituteur partisan.

Dans un second temps, ces thèses sont récupérées par des leaders politiques, qui parviennent au pouvoir à la faveur d’un contexte de crise important (économique en Allemagne, politique en Serbie, révolutionnaire au Rwanda). Cette idéologie discriminatoire, qui sert de base à leur discours et à leur programme politique, les porte au pouvoir et devient ensuite une stratégie de gouvernement, ouvrant « officiellement » la voie à une violence de masse.

Dans les trois cas étudiés, ces idéologies de la haine de l’Autre prospèrent parce que, développées en période d’instabilité politique ou de crise économique grave, elles permettent de transformer l’an-goisse collective (souvent mal définie) en un sentiment de peur intense à l’égard d’un ennemi ciblé et dépeint comme dangereux et menaçant. Ce discours idéologique s’articule autour de trois thématiques principales : l’identité, la pureté et la sécurité.

L’identité Dans les trois cas étudiés, on voit se construire un processus identitaire de recomposition du « Nous »

en tant que réponse à une situation de bouleversement important (défaite allemande au terme de la Première guerre mondiale, crise économique et montée des nationalismes en Yougoslavie dans les années 80, réactivation d’un passé douloureux chez les Hutu). Ces traumatismes sont à l’origine d’un repli identitaire qui s’effectue aux dépens de l’Autre — le Juif, le Croate, le Tutsi — perçu comme fondamentalement différent. Une situation de conflit est ainsi créée à partir de l’édification de barriè-res symboliques entre des individus pourtant proches. On remarque également que la bataille ne se

* Jacques SEMELIN, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides. Paris, éd. du Seuil, 2005.

Page 31: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�9 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

dirige pas immédiatement contre cet Autre diabolisé mais bien contre la partie du Nous qui se montre réfractaire à cette vision identitaire du pays. Il y a toujours un combat politique préalable qui se joue au sein du Nous. Cet ennemi intérieur prend la figure du suspect ou du traître à éliminer au même titre que l’ennemi « extérieur ».

La puretéDans tous les cas, la recherche de l’unité se double d’une quête de pureté, qui peut être considérée

comme un pas de plus vers une violence de masse car elle implique que l’Autre à détruire est « impur » : il n’a pas le même sang, pas le même aspect, pas les mêmes mœurs. Il est « en trop » et susceptible de nous submerger 1. C’est à ce stade qu’intervient la bestialisation de l’ennemi, un indice très important d’un déclenchement possible de la violence contre lui. Déshumanisé, l’Autre est placé hors du champ des relations humaines, comme l’indiquent les métaphores d’animaux nuisibles utilisées pour le dé-signer — tandis que les Juifs sont assimilés à des rats ou des poux, les Tutsi deviennent des cafards ou cancrelats — ou pour l’éliminer (Hitler parlera de microbe juif, de cancer juif ou de parasites sociaux à éradiquer pour assainir la nation).

La sécuritéLa peur de l’ennemi intérieur et extérieur, alimentée et entretenue par le pouvoir, crée un besoin

de sécurité également exploité par la propagande, qui développe une vraie rhétorique du complot. Le but des leaders extrémistes est ici d’aider à transformer la peur en haine, en faisant notamment resurgir des souvenirs douloureux. Cette façon d’éveiller le désir de vengeance aide ensuite à la projection de la haine dans l’action. Cette rhétorique du complot se caractérise par ce que l’auteur appelle une forme de « rationalité délirante » (en gros, un raisonnement apparemment juste, logique et cohérent mais qui repose sur des bases totalement fausses). Ce discours, irrationnel aux yeux de l’observateur extérieur, suscite par contre une adhésion collective du « Nous », incapable de discerner et encore moins de remettre en cause cette interprétation délirante de la réalité, qui peut en outre faire appel à des données supposées évidentes ou scientifiques. Cette interprétation vise à se donner tous les moyens concrets d’atteindre ses objectifs et met en œuvre pour cela un plan, une stratégie. Toute l’émotion collective est canalisée sur cet ennemi par une propagande qui, en proposant un nouvel univers de sens pour tous, suscite la conviction et entraîne la mobilisation du groupe en vue d’une action contre le groupe voisin perçu comme une menace mortelle. Dès lors, les médias deviennent le vecteur essentiel de cette propagande haineuse, créant un contexte favorable à la formation de groupes extrémistes qui vont opérer à l’ombre du pouvoir et en toute impunité.

le basculement dans la guerre

Les guerres du 20e siècle se caractérisent par l’augmentation du nombre de victimes civiles (du début à la fin du 20e siècle, on passe de 10 % à près de 90 % de victimes civiles par rapport aux victimes mili-taires). Hormis le facteur de l’évolution technologique, qui explique en partie une telle évolution, il faut aussi tenir compte d’un autre facteur : la politisation de la guerre, qui se traduit par une mobilisation totale de la population (ce phénomène atteint son apogée dès la Première Guerre mondiale). Ainsi, la distinction formelle entre combattant (militaire) et non-combattant (civil) tend à disparaître et ce, dans la quasi totalité des conflits contemporains. L’on en arrive donc à la notion de « guerre totale », qui exige une cohérence du peuple et qui vise à l’anéantissement de l’adversaire (le traître intérieur et l’ennemi extérieur).

1. À cet endroit, Jacques Sémelin fait remarquer que les massacres ne sont pas le monopole des régimes autoritaires ou totalitaires. Ainsi, lors de la colonisation de l’Amérique, les puissances européennes ont planifié et organisé une politique d’extermination des Indiens. Ceci montre que les idées fondatrices de la démocratie peuvent aussi engendrer des formes de violences politiques de masse et de purification ethnique.

Page 32: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�0 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Cette tendance à guerre totale favorise la création de milices civiles armées qui opèrent dans le sillage des armées et qui visent les populations civiles « ennemies » : ce sont les SS et les « Einsatzgruppen » en Allemagne, les « Tigres d’Arkan » en Serbie ou encore l’Interhamwe au Rwanda. Or entrer en guerre, c’est entrer dans un autre univers où les conduites humaines se métamorphosent et où tous les interdits sont levés : dès lors, tuer son semblable — militaire ou civil —n’est plus un crime mais un devoir, qui ouvre la voie à d’autres transgressions (le viol, le pillage des biens…).

En outre, la guerre avec ses conséquences dramatiques pour l’ensemble des populations va accen-tuer la conviction des organisateurs de massacres que la destruction de « l’ennemi intérieur » est bien un véritable objectif militaire qui participe à la victoire finale espérée. Pour les nazis, tuer les Juifs reviendrait à affaiblir soldats de l’Armée Rouge car les uns et les autres participent au même « complot judéo-bolchevique » ; et, pour les extrémistes Hutu menacés par l’avancée du FPR, massacrer les Tutsi (au Rwanda) permettrait de faire disparaître tous ceux qui sont censés soutenir leur ennemi.

Quand le tiers s’effondre

Tout au long de son ouvrage, Jacques Sémelin souligne l’importance du Tiers et de son rôle sur l’évolution du processus génocidaire.

À l’échelle locale, il relève qu’entre les persécuteurs et leurs victimes, il existe toujours un « Tiers » impliqué dans la dynamique sociale qui va conduire ou non à une marginalisation croissante des vic-times désignées. Ainsi, si le Tiers — le « voisin » — se montre solidaire des victimes, son intervention peut freiner le développement de la violence. Par contre, s’il reste indifférent à leur persécution, la voie est ouverte au développement d’une violence encore plus intense.

À l’extérieur, le Tiers est représenté par la Communauté internationale, dont l’attitude et le rôle apparaissent comme déterminants tant au stade de la prévention que de l’enrayement des massacres perpétrés. À l’exception du Rwanda, les massacres se déroulent généralement à huis-clos — au nom de la sécurité, les territoires concernés sont en effet bouclés —, ce qui rend décisive l’attitude d’autres Tiers comme les médias ou les ONG. Par la diffusion d’informations, l’établissement de rapports ou la répercussion de témoignages, ceux-ci ont un rôle capital d’interpellation non seulement de l’opinion publique internationale, mais aussi des grandes puissances qui ont réellement le pouvoir de décider ou non d’une intervention, et de la nature de cette intervention.

Dans chacun des cas analysés par l’auteur, il est à noter que la Communauté internationale est restée singulièrement passive. Cet effondrement du Tiers est en réalité une manière de laisser la voie libre à des massacres potentiels. Vécu comme une sorte de feu vert, le manque d’intérêt de la Communauté internationale s’explique néanmoins par des raisons différentes en fonction des cas. Ainsi en Allemagne, malgré les nombreux signes de la menace que représentait Hitler dans le courant des années 30, les grandes puissances de l’époque, marquées par les traumatismes de la Première guerre mondiale, n’ont pas voulu prendre la mesure du danger réel incarné par le nazisme. Et, si la Nuit de Cristal suscite de vives réactions au sein des opinions publiques (aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne…), les États, eux, ne réagissent pas, demeurant les spectateurs de la persécution antisémite.

Quant aux événements qui marquent les débuts du conflit en ex-Yougoslavie, ils restent à l’arrière-plan d’un contexte dominé par les conséquences de la récente chute du mur de Berlin (1989) et la politique d’ouverture et de transparence menée par Gorbatchev (Perestroïka et Glasnost). D’autre part, la Communauté internationale a alors l’attention complètement détournée par la guerre du Golfe qui oppose l’Irak et le Koweit, où une partie de la Communauté internationale (les États-Unis, la Grande-Bretagne) se trouve militairement impliquée. Enfin au Rwanda, petit État africain sans grand intérêt stratégique et dépourvu de richesses naturelles, l’ONU refuse de s’engager alors qu’elle se trouve sur place et au courant des grandes tensions qui secouent le pays. L’on sait que les massacres sont commis par des groupes de miliciens mais aussi par les gendarmes et les militaires. Les rapports des ONG sont alarmants, la couverture médiatique est importante et la prise de conscience qu’un génocide est en cours s’effectue très rapidement. Elle ne débouche cependant sur aucune action concrète. Les événements sont

Page 33: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�1 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

présentés dans la presse à travers les représentations occidentales de l’Afrique, autrement dit comme une sorte de fatalité, un fléau contre lequel il n’y a pas grand-chose à faire.

Dans les États concernés, le stade du meurtre de masse est atteint dans les mêmes circonstances, dès qu’il y a effondrement du Tiers intérieur, autrement dit lorsqu’aucune autorité spirituelle ou morale ne manifeste son opposition à l’idéologie meurtrière dirigée contre la minorité. En Allemagne, l’attitude dominante envers les Juifs est un mélange d’hostilité et d’indifférence, qui facilite la destruction. Au Rwanda, la population est embrigadée d’autant plus facilement que RTLM et les autres médias sont de redoutables outils de propagande, que les autorités politiques locales craignent de perdre leurs privilè-ges, que la population est profondément marquée, d’une part, par le spectacle traumatisant des soldats blessés au cours de confrontations avec le FPR et, d’autre part, par les témoignages des populations Hutu déplacées à cause des avancées de ce même FPR. Il est toutefois à retenir que toute la population Hutu n’a pas participé aux massacres. 75 % de ces massacres ont été le fait de 20 à 25 % de Hutu armés et particulièrement zélés. En ex-Yougoslavie, la population serbe n’a jamais été directement confrontée aux massacres perpétrés en Croatie, en Bosnie ou, plus tard, au Kosovo. Elle est restée passive, bien qu’elle ait eu accès à l’information via les médias étrangers. Considérant avoir été elle-même victime d’un génocide durant la Seconde guerre mondiale, la population serbe s’enferme en plus dans un déni de réalité renforcé par le dispositif des médias officiels, qui donnent une vision totalement déréalisée de la situation. Il est pourtant à noter que là aussi, plusieurs milliers de jeunes et d’intellectuels contestataires se sont groupés en associations anti-guerre sans toutefois constituer un véritable poids politique.

le passage au massacre

Il existe généralement une période plus ou moins longue entre les déclarations qui vont dans le sens d’un génocide et la perpétration de ce génocide, qui ne peut pas s’expliquer par la seule intention de le commettre. Il n’existe d’ailleurs en général aucun document écrit qui permette de dater précisément la décision du passage à l’acte. Il est dès lors préférable de parler d’un processus de décisions, évoluant par étapes (parfois très rapides) vers une « solution » de plus en plus brutale : ce processus impliquera notamment de mobiliser toute une chaîne d’exécutants qui ne sont pas prêts à devenir spontanément des tueurs. Ainsi au Rwanda, si les massacres sont préparés plusieurs mois à l’avance (notamment par l’achat de cargaisons entières de machettes qui seront ensuite distribuées aux nombreux exécutants), c’est l’assassinat du président Habyarimana qui précipite toute la population Hutu dans le meurtre : l’émotion générale est alors suffisante pour mobiliser cette population grâce notamment au rétablis-sement de la corvée communale obligatoire, l’élimination des Tutsi étant présentée comme un travail d’intérêt collectif ! En outre, et c’est une première, une radio largement écoutée va inciter ouvertement ses auditeurs à participer activement à des massacres.

Une planification est donc bien organisée mais de manière non rigide, incluant une part d’impro-visation due aux circonstances et à l’engrenage qui s’installe spontanément. Dans tous les cas en effet, une large autonomie est laissée aux différents exécutants, qui jouissent d’une impunité absolue et qui peuvent dès lors s’en prendre, comme au Rwanda, à des voisins Tutsi pour des querelles personnelles ou pour de simples raisons de profit.

les individus en charge d’exécuter les massacres

Tout individu, quels que soient sa personnalité, son histoire personnelle ou son statut social, peut se trouver impliqué dans un meurtre de masse. Ni le degré d’éducation, ni le niveau de culture ne sont des critères déterminants. Quant à la cruauté dont il peut alors se montrer capable, elle nécessite comme condition préalable l’assurance d’une totale impunité. Cette cruauté est surtout motivée par la peur d’être soi-même détruit, peur entretenue par la rumeur et qui conduit le bourreau à se détacher de sa victime. Le bourreau, après les massacres, se caractérise d’ailleurs souvent par le mutisme ou le déni,

Page 34: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

pouvant aboutir à la construction d’un véritable discours négationniste.Mais au départ, les individus ont toujours la possibilité de dire non. On peut donc supposer que

les tueurs soit adhèrent aux raisons formulées par le pouvoir, soit trouvent un intérêt personnel à tuer. S’ajoute à cela la construction d’un dispositif de bascule vers le meurtre : l’individu ne devient meurtrier de masse qu’en étant relié à une collectivité dont il n’est qu’un maillon, l’effet de groupe permettant aux individus de se métamorphoser en tueurs.

En outre, l’entrée en tuerie est presque toujours liée à l’assimilation de la destruction des civils à un acte de guerre nécessaire, le massacre relevant dès lors de la légitime défense. Cet acte est ainsi justifié aux yeux du tueur, qui est en effet obligé de trouver un sens à ce qu’il fait, et qui, pour cela, doit res-tructurer ses représentations habituelles (où le meurtre est interdit) afin qu’elles se retrouvent plus en conformité avec sa conduite présente. Par ailleurs, le tueur subit une double pression : l’une verticale — il obéit aux ordres de ses supérieurs — et l’autre horizontale — il se conforme au groupe des pairs qui pourraient l’accuser de « faiblesse » ou même de « traîtrise » —, pression qui favorise le passage à l’acte. Enfin, pour la plupart des exécutants, il y a la conviction de servir une autorité « spirituelle» légitime : le « Peuple », la « Patrie », la « Civilisation », le « Progrès »…

Tout tueur ressent néanmoins le besoin vital de se protéger psychiquement de l’univers de mort qu’il est en train de créer. Il peut le faire par la prise de drogues ou d’alcool, mais aussi en parvenant à une sorte de dédoublement de personnalité. On remarque d’ailleurs que la division des tâches et le partage des responsabilités (entre ceux qui ordonnent et ceux qui exécutent) facilitent la participation de l’individu aux massacres, de même que le recours à des techniques dites « propres » comme le gazage, « plus humain » tant pour la victime (!) que pour le bourreau, chacun « disparaissant » du champ de vision de l’autre (ce ne fut cependant pas le cas au Rwanda).

définition / prévention

Pour conclure son étude, Jacques Sémelin propose une réflexion autour du terme « génocide », adopté par l’ONU en 1948 dans le cadre de la Convention internationale sur la prévention et la répression du crime de génocide. Mais la définition du terme proposée par la Convention de l’ONU, ambiguë dans la mesure elle suppose un tri de la population victime, et restrictive dans la mesure où seuls les groupes nationaux, raciaux, ethniques et religieux se trouvent juridiquement protégés, a fait l’objet de nombreuses critiques et de plusieurs remaniements. C’est dans ce vaste mouvement de recherche que s’inscrit la réflexion de l’auteur, qui se pose la question de savoir quand et dans quelles circonstances un massacre devient un génocide. Il met ainsi en évidence deux critères importants :— la notion de processus, qui implique l’idée d’une dynamique de destruction évoluant en fonction

des aléas, ou d’un scénario construit au gré des circonstances et de la volonté des acteurs;— le type particulier de logique politique qui en est à l’origine, et dont l’objectif est clairement de

détruire pour éradiquer, pour éliminer une collectivité d’un territoire. Ainsi le massacre des Indiens d’Amérique et celui des Tutsi peut être défini comme un génocide en raison de cette logique politique et non pas en raison du grand nombre de victimes, qui apparaît comme un critère non pertinent pour définir la notion de génocide. La mise en évidence de ces deux critères permet entre autres de distinguer les cas de massacres qui

ne répondent pas à cette définition (stricte) du génocide. Ainsi, par exemple, le terme ne convient pas pour désigner les victimes des bombes atomiques lancées

sur Hiroshima et Nagasaki à la fin de la Deuxième guerre mondiale, ni les « disparus » en Amérique latine (« disparus » qui ont été en fait assassinés secrètement par les dictatures militaires en place dans les années 1970), car le processus de destruction a dans ces différents cas « seulement » pour but d’installer un climat de terreur en vue de soumettre et / ou d’exploiter une population (mais non de la détruire).

Quant aux massacres perpétrés par les « terroristes » (autrement dit par une minorité qui opère dans la clandestinité contre le pouvoir en place), ils sont le résultat d’une insurrection qui vise à frapper l’opinion publique avec l’espoir d’infléchir la politique des dirigeants, mais sans visée génocidaire même si les victimes de ces attentats sont des civils pratiquement pris au hasard.

Page 35: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

Enfin, pour désigner les crimes du communisme, Jacques Sémelin préfère le terme « politicide », plus juste à son sens mais non encore reconnu dans le champ juridique, parce que ces crimes ne répondent pas non plus à un objectif d’éradication totale d’une collectivité définie.

Selon Jacques Sémelin, il faut encore prendre en compte la différence de radicalité qui existe entre le nettoyage ethnique (où la violence ethnique connaît certaines limites, comme ce fut le cas en ex-You-goslavie) et le génocide (où cette violence semble ne plus avoir aucun frein). Cette différence montre que la notion de génocide ne peut donc pas s’appliquer systématiquement non plus à tous les processus de destruction-éradication. Au final, il retient la définition suivante :

Le génocide est un « processus particulier de la destruction des civils qui vise à l’éradication totale d’une collectivité, les critères de celle-ci étant définis par ceux-là mêmes qui entreprennent de l’anéantir. »

À la question de savoir s’il est possible d’organiser une prévention du génocide, l’auteur souligne que, malgré l’existence d’un grand facteur d’imprévisibilité, il est important de prendre en compte les signaux d’alerte suivants :— la multiplication de discours incendiaires émanant d’intellectuels divers— le développement des médias de la haine— la marginalisation croissante d’un groupe donné— et enfin la dénonciation publique d’une double figure de l’ennemi intérieur et extérieur.

Et pourra être qualifiée de préventive toute action politique, sociale, culturelle visant à établir ou à renforcer des liens avec les individus d’un groupe marginalisé, action qui sera idéalement doublée d’une mise en alerte de la Communauté internationale prise essentiellement en charge quant à elle, par les médias et les ONG.

Page 36: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�4 © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

la Shoah

« Shoah » est un mot hébreu qui signifie « cataclysme », « anéantissement ». Employé pour la première fois pour titrer un film documentaire composé uniquement de témoignages et réalisé en 1985 par Claude Lanzmann, le terme de « Shoah » désigne l’extermination par l’Allemagne nazie des deux tiers de la population juive européenne pendant la Seconde guerre mondiale, soit entre cinq et six millions d’êtres humains selon les estimations. Près de 6 000 sites d’extermination, de concentration ou de travail forcé ont été installés en Pologne dès septembre 1939, soit la moitié des camps éparpillés à travers l’Eu-rope sous la coupe de l’Allemagne nazie. Sur 7,5 millions de personnes déportées puis enfermées dans ces camps en territoire polonais, environ 6 millions ont péri dans des chambres à gaz ou sont mortes d’épuisement, de faim, de maladies, de travail exténuant, de tortures et de brutalités. Parmi les camps les plus tristement célèbres, on retient ceux d’Auschwitz-Birkenau, Sobibor, Treblinka, Majdanek… Outre la spoliation de leurs biens, la souffrance et la mort de millions de Juifs, la Shoah est l’occasion d’une prise de conscience internationale qui amène plusieurs faits très importants : la création d’une Cour pénale internationale de justice pour juger les crimes nazis (à Nuremberg, puis à La Haye) ; la création de l’État juif d’Israël ; la création de la notion juridique de crime contre l’humanité et enfin, la création du concept de génocide.

les purifications ethniques en ex-Yougoslavie

Avant la guerre, qui frappe le pays au début des années 1990, la Yougoslavie était l’État européen à la population la plus hétérogène, l’unique pays dont la population la plus nombreuse, les Serbes, n’était pas majoritaire (pas plus de 36 % de la population totale). En réalité, la Yougoslavie entre dans une phase d’instabilité politique dès 1980, à la mort du Maréchal Tito. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, celui-ci avait réussi à faire coexister au sein d’un même État fédéral, différentes nationalités (Serbes, Croates, Slovènes…). Le vide que provoque sa disparition a pour conséquence la renaissance des sentiments nationalistes (surtout en Serbie et en Croatie), qui donnent lieu à une tension croissante entre les communautés. Une dizaine d’années plus tard, la guerre éclate. Après huit ans de conflit au terme duquel on dénombrera 200 000 morts et plus de 3 millions de personnes déplacées, les nationalistes serbes, croates et musulmans 1 de l’ex-Yougoslavie ont réussi par le nettoyage ethnique — massacres, expulsions, déplacements et échanges de population — à créer des « territoires purs ». Le pays est morcelé et la carte des populations apparaît profondément transformée : sans qu’il n’y ait eu à ce jour de vérita-ble recensement, on peut évaluer d’après certaines statistiques et estimations, que les populations sont aujourd’hui regroupées dans des territoires où une ethnie est soit majoritaire, composant plus de 50 % de la population (les Serbes en Serbie-Monténégro, qui ont accueilli un demi million de Serbes venus de Croatie et de Bosnie 2) soit dite « homogène », avec plus de 80 % de la population (les Croates en Croatie). En Bosnie, où les populations étaient extrêmement imbriquées et aucune majoritaire, la guerre a découpé des territoires pratiquement « ethniquement purs ». Les terres sous contrôle serbe comptent plus de 90 % de Serbes. Celles sous contrôle croate plus de 90 % de Croates, et celles sous contrôle des Bosniaques musulmans plus de 90 % de Musulmans. Quant à la Slovénie et à la Macédoine, épargnées (ou beaucoup moins touchées) par le conflit, leur population est restée stable (homogène en Slovénie et majoritaire en Macédoine).

1. Les Musulmans désignent ici les Slaves islamisés.2. La Serbie-Monténégro (ce qui reste en fait de l’ancienne Yougoslavie) demeure la République qui compte encore le plus de minorités ethniques, en raison de la présence d’une forte minorité hongroise en Voïvodine et, d’une importante minorité d’Albanais, concentrés au Kosovo (où ils sont encore largement majoritaires).

Page 37: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

représentation des mécanismes génocidaires tels qu’ils apparaissent dans Hôtel Rwanda

Paul Tatiana

Hôtel rwanda

Hutu Tutsi

Far

Camps de réfugiés

Interhamwe FPRgénéral

Bizimungu

RTLMpropagande

sécurité pureté identité

“cafards”“éradiquer l’infection”

Rhétorique du complot“les Tutsi ont assassiné le Président”

“Coupez les grands arbres”

ennemiextérieur

Tutsi/FPR

ennemiintérieur“traitre”

ONGCICR

Mme Marchais

Les Tierstouristes occidentaux

journalistes (Jack)MINUAR (colonel Oliver)

départabandon

effondrementdu tiers

Massacres(machettes)destructions

incendiespillages

violsspoliation de bien

informations

négociationmenaces

Rutaganda

Contexte : instabilité politiquePays en voie de démocratisation

accords d’Arusha (FPR/ Habyarimana)

Page 38: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

annexe : l’aPrèS-gÉnocide

Une dizaine d’années après la fin du génocide et la victoire militaire du FPR, plusieurs zones d’ombre subsistent quant aux responsabilités étrangères dans le déroulement des événements. La France est particulièrement pointée du doigt pour sa participation indirecte 1 au génocide, mais aussi pour son attitude ambi-guë au cours de l’opération Turquoise lorsque, le 5 juillet, soit le lendemain de la victoire du FPR, elle instaure une zone sécurisée qui permettra entre autres la fuite vers le Zaïre de nombreux génocidaires. Les rapports entre le Rwanda et la France restent par ailleurs marqués par les incertitudes qui entourent aujourd’hui encore l’attentat contre l’avion présidentiel. Ce sont toutes ces zones d’ombre qui ont motivé la mise sur pied d’une Commission d’enquête citoyenne, qui entend suppléer aux lacunes de la mission d’information officielle, instrumentalisée selon certaines ONG (mise à l’écart de témoins souhaitant dénoncer des faits précis, responsables des ventes d’armes non convoqués aux auditions…). En Belgique, sous la pression des familles des dix Casques bleus assassinés, le Sénat met sur pied une Commission d’enquête au terme de laquelle est publié un rapport cir-constancié en décembre 1997. Quant à l’État rwandais, il se trouve confronté à plusieurs défis de taille.

rendre la juStice

L’État rwandais se trouve confronté à un défi dont l’objectif, sans précédent dans l’histoire, est de juger dans leur totalité les auteurs du génocide, soit environ 760 000 Hutu, estimés responsables du massacre de plus de 800 000 Tutsi entre le 6 avril et le 4 juillet 1994. Pour que ces jugements soient rendus dans des délais raisonnables, les autorités ont remis sur pied une forme de justice traditionnelle appelée « Gacaca », anciennes assemblées au cours desquelles les sages du village réglaient des différends entre habitants assis sur le gazon (qui se dit précisément « gacaca » en kinyarwanda). Depuis le 10 mars 2005, ces juridictions populaires, réparties en près de 10 000 Gacaca hebdomadaires, viennent ainsi suppléer à l’engorgement des tribunaux ordinaires. Les juges gacaca ne sont pas des juristes, mais des personnes élues au sein de la communauté en raison de leur intégrité (on les appelle d’ailleurs « les hommes intègres »); à l’heure qu’il est, ils sont 250 000 juges intègres à avoir été élus et à avoir reçu une courte formation de cinq jours. Ce sont ces juges populaires qui mènent les instructions, classent les prévenus en quatre catégories selon la nature des crimes commis et leur degré d’implication dans le génocide, et organisent les procès. Les juridictions Gacaca sont compétentes pour juger les crimes commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, et opérationnelles à quatre niveaux : la cellule (qui juge les prévenus de la catégorie 4, contre lesquels pèsent les charges les moins lourdes), le secteur (catégorie 3), le district (catégorie 2) et la province (tribunaux classiques). Les Gacaca ne sont pas compétents pour juger les personnes classées dans la première catégorie, autre-ment dit les planificateurs du génocide et les auteurs de viols, qui relèvent quant à eux des tribunaux classiques et du Tribunal pénal international pour le Rwanda. L’application de la procédure de « confession et plaidoyer de culpabilité » offre aux

5

1. Selon le rapport de la mis-sion d’information de l’As-semblée nationale publié en 1998, la France a bel et bien livré des armes au Rwanda. Ce rapport atteste cependant que ces livraisons ont été stoppées après le 8 juin, suite à l’embargo imposé par les Nations Unies. Des témoi-gnages attestent néanmoins que des armes ont été livrées au-delà de cette date. Il est fait allusion à cette compli-cité dans le film de Terrry George dans la scène où Paul téléphone au Directeur de la Sabena pour lui demander de contacter les Français. Le but est que ceux-ci interviennent pour mettre un terme à l’éva-cuation des réfugiés de l’hôtel organisée par les FAR.

Page 39: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

suspects entendus devant les Gacaca une réduction automatique de leur peine. En apparence, ces tribunaux sont un exemple remarquable de civilisation dans la mesure où les séances, auxquelles sont conviés sans distinction tous les habitants d’une même cellule, se déroulent dans le plus grand calme, sans que s’expriment ni rage, ni sentiments de revanche. Pourtant, des ONG attirent l’attention sur les risques de dérapages que pourrait engendrer cette forme de juridiction. Elles s’appuient pour cela sur le témoignage de survivants qui dénoncent les meurtres, harcèlements et intimidations dont sont régulièrement victimes les témoins à charge.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (le TPIR) a été créé en novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui a établi son siège à Arusha (Tanzanie), la Chambre d’appel et le Bureau du Procureur à La Haye (Pays-Bas), et le Bureau du Procureur adjoint à Kigali (Rwanda). Depuis le début des procès, en janvier 1997, seul un petit nombre de personnes ont été jugées. Décembre 2003 constitue l’un des temps forts dans l’existence du TPIR avec le procès dit « des médias de la haine ». Le TPIR a notamment condamné les deux membres fondateurs de RTLM, l’un à la prison à vie, et l’autre à 35 ans de réclusion. En 2000, le Tribunal condamne également Georges Ruggiu, animateur belge de la même radio, à 12 ans de prison.

En Belgique, pour la première fois est mise en œuvre la Loi de Compétence universelle de 1993, avec l’ouverture à Bruxelles en 2001 du procès historique de quatre Rwandais réfugiés sur le territoire belge depuis le génocide. Ces quatre personnes écoperont chacune de 12 à 20 ans de prison.

Mais malgré l’effort de certains États pour coopérer avec la justice rwandaise, de nombreux planificateurs du génocide réfugiés à l’étranger restent insaisissables (comme l’épouse de l’ancien président Habyarimana, qui réside actuellement en France). Le TPIR connaît par ailleurs des tensions avec le gouvernement rwandais, qui lui reproche sa lenteur, son coût exorbitant et surtout, sa tendance à juger sur un pied d’égalité le génocide commis par les Hutu et des exactions des soldats de l’APR. Cette accusation conduira d’ailleurs à la mise à l’écart de la Procureur suisse Carla del Ponte (aujourd’hui Procureur général du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie).

redreSSer la Situation Socio-Économique tout en menant une Politique de rÉconciliation

Sur les plans économique et social, l’après-génocide se caractérise par une situation catastrophique. Selon les statistiques gouvernementales, environ 60 % de la population vit avec moins de un dollar par jour. De plus, un abîme de plus en plus profond se creuse entre riches et pauvres, entre ville et campagne. La lutte contre la pauvreté est donc aussi un véritable défi pour le nouveau gouvernement rwandais, d’abord présidé par le Hutu Pasteur Bizimungu et puis par le Tutsi Paul Kagame (l’ex-commandant de l’APR). Pour gouverner, ils prennent comme base les Accords d’Arusha et comme loi fondamentale, la Constitution rwandaise. Diffé-rentes aides conséquentes sont allouées à la reconstruction du pays, mais cette aide humanitaire est, au moins dans un premier temps, largement détournée au profit des génocidaires réfugiés au Congo-Kinshasa. La France et la Belgique hésitent par ailleurs à reprendre la coopération car elles veulent obtenir des garanties en matière de droits humains et de représentativité du gouvernement. Ces revendications sont très mal prises par le nouveau pouvoir étant donné que les planificateurs du géno-cide continuent de circuler librement de par le monde, en particulier en Europe. Dans le même sens, en octobre 1994, l’Union européenne conditionne l’aide au

Page 40: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

�� © Les Grignoux Écran large sur tableau noir

Hôtel Rwanda

développement aux « efforts concrets de réconciliation » et à un pluralisme au sein du gouvernement. Progressivement, les relations se normalisent, les conditions sont levées et les programmes d’aide reprennent lentement à partir de 1997. L’année suivante, la réconciliation devient d’ailleurs un objectif politique déclaré qui se traduit de manière concrète par la libération de 10 000 suspects de génocide, et qui donne lieu à la mise sur pied en mars 1999 d’une « Commission nationale pour l’unité et la réconciliation », dont l’objectif est de pourvoir une plate-forme où « les Rwandais pourraient donner leurs points de vue sur ce qui les a divisés et comment construire un Rwanda uni et réconcilié durablement ». Le FMI et la Commission européenne contribueront dès lors au redressement du pays par la mise en place (ou le soutien financier) de programmes visant à l’amélioration de la situation économique et à la réduction de la pauvreté.

rÉintÉgrer leS dizaineS de millierS de SoldatS rÉfugiÉS au congo-KinShaSa

Sur un autre plan, le régime rwandais se trouve encore face à une double nécessité : réduire les effectifs de l’armée, qui pèsent lourdement sur le budget de l’État, et réintégrer des milliers de combattants liés à l’ancien régime et réfugiés au Congo. En 1997, une Commission est créée à cette fin, pour favoriser la réintégration économique et sociale de ces soldats au sein de leurs communautés. La phase ac-tuelle de démobilisation (2002-2005) concerne 20 000 soldats de l’ex-APR, 15 000 soldats des ex-FAR et 25 000 miliciens de l’Interhamwe. Lorsqu’ils acceptent de rentrer au Rwanda, tous ces soldats subissent un programme de réinsertion étalé sur deux semaines, au cours desquelles on leur inculque les notions d’unité natio-nale et de réconciliation, le fonctionnement des Gacaca, l’histoire du génocide… Malgré l’octroi de primes plus ou moins conséquentes et de fournitures de base (couvertures, outils, ustensiles divers…), beaucoup — parmi lesquels une majorité de soldats de l’ex-FAR et de miliciens de l’Interhamwe — hésitent cependant à repasser la frontière à cause du poids de leur lourd passé.

le rwanda : un État dÉmocratique ?

On peut dire pour conclure que le Rwanda a relevé un grand nombre de défis et qu’il est à l’heure actuelle un pays en voie de démocratisation. Les signes les plus visibles de cette évolution sont la promulgation d’une nouvelle constitution ainsi que le rétablissement des élections, d’abord aux niveaux les plus bas (à l’échelle locale en 1999) jusqu’aux élections présidentielles et parlementaires de 2003. Cependant, les observateurs étrangers ont pu constater une politique de répression et un grand nombre d’irrégularités dans le déroulement du processus électoral, qui avaient pour but et ont eu effectivement pour effet une victoire confortable de Paul Kagame, élu avec 95,05 % des voix. Enfin, ce n’est qu’en janvier 2004, soit presque dix ans après le génocide, que sept radios libres ont été autorisées à émettre à côté de Radio Rwanda. Ces médias restent très contrôlés et la liberté de la presse demeure extrêmement réduite, un fait qui inquiète les ONG attachées au respect des droits humains.

Page 41: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

L’Âge de glace de Chris Wedge Amen de Constantin Costa-Gavras Amistad de Steven Spielberg Des animaux de Nils Skapans, fous, fous, fous Janis Cimermanis et Dace Riduce Au-delà de Gibraltar de Taylan Barman & Mourad Boucif Au nom du père de Jim Sheridan Les autres filles de Caroline Vignal Aux bons soins du docteur Kellogg d’Alan Parker Les Aventures de Tsatsiki d’Emma Lemhagen Babe de Chris Noonan Le Ballon d’or de Cheik Doukouré Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai Sijie Bashu de Bahram Beyzaie Beaucoup de bruit pour rien de Kenneth Branagh Beaumarchais l’insolent d’Edouard Molinaro Billy Elliot de Stephen Daldry Le Bonhomme de neige de Dianne Jackson Le Bossu de Philippe de Broca

Bowling for Columbine de Michael Moore Boyz’n The Hood de John Singleton Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier Carnets de voyage de Walter Salles Le Cauchemar de Darwin de Hubert Sauper Le Cercle de Jafar Panahi C’est pour la bonne cause de Jacques Fansten La Championne d’Elisabeta Bostan Chaos de Coline Serreau Charley Chase Follies de Leo Mc Carey Charlie et la chocolaterie de Tim Burton Le Château des singes de Jean-François Laguionie Cheb de Rachid Bouchareb Le Chemin de la liberté (Rabbit-Proof Fence) de Philip Noyce Le Cheval venu de la mer de Mike Newell Chicken Run de Nick Park & Peter Lord Les Choristes de Christophe Barratier Cœur de dragon de Rob Cohen The Commitments d’Alan Parker Contre l’oubli d’Amnesty International Les Convoyeurs attendent de Benoît Mariage Le Couperet de Constantin Costa-Gavras Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau Daens de Stijn Coninx Danger pleine lune de Bratislav Pojar Danny, le champion du monde de Gavin Millar Danse avec les loups de Kevin Costner Le Destin de Youssef Chahine Le Dictateur de Charles Chaplin East is East (Fish and Chips) de Damien O’Donnell El Bola d’Achero Mañas Elephant de Gus Van Sant L’Enfant de Jean-Pierre et Luc Dardenne L’Enfant au grelot de Jacques-Rémy Girerd L’Enfant lion de Patrick Grandperret L’Enfant qui voulait être un ours de Jannik Hastrup L’Enfant sauvage de François Truffaut Les Enfants de la pluie de Philippe Leclerc Erin Brockovich de Steven Soderbergh L’esquive d’Abdellatif Kechiche Les Étoiles filantes 4 courts métrages d’animation Eugenio de Jean-Jacques Prunès Les Évadés de Frank Darabont Fables d’été, fables d’hiver 4 courts métrages d’animation Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet Fahrenheit 9/11 de Michael Moore La Ferme des animaux de John Halas Le Fils de Luc & Jean-Pierre Dardenne La Flèche bleue d’Enzo d’Alò La Forêt enchantée d'Angel de la Cruz et Manolo Gomez La Forteresse suspendue de Roger Cantin Fucking Åmål de Lukas Moodysson Gattaca d’Andrew Niccol Genesis de Marie Pérennou et Claude Nuridsany Get Real de Simon Shore Ghost World de Terry Zwigoff Girlfight de Karyn Kusama

Les Dossiers PéDAGoGiquesédités par Les Grignoux

Pour toute demande :Les Grignoux,

9 rue sœurs de Hasque,B-4000 Liège, Belgique.

: �� (0)4 ��� �� ��E-mail : [email protected]

http://www.grignoux.be/

L’affiche… allemande du film Joyeux Noël

Page 42: Hôtel Rwanda - · PDF fileen 1994 au rwanda, les extrémistes hu-tus ont perpétré un génocide contre la minorité tutsie au milieu de l’indifférence générale des nations unies

La Gloire de mon père & Le Château de ma mère d’Yves Robert Gloups ! je suis un poisson de Stefan Fjeldmark et Michael Hegner Le Gone du Chaâba de Christophe Ruggia Good By Lenin ! de Wolfgang Becker Good Will Hunting de Gus Van Sant Goshu, le violoncelliste de Takahata Isao Gourine de Nille Tystad et la queue de renard et John Jacobsen La Haine de Mathieu Kassovitz Henry V de Kenneth Branagh Himalaya d’Eric Valli L’Histoire du chameau de Byambasuren Davaa qui pleure et Luigi Farloni Hop de Dominique Standaert Hors la vie de Maroun Bagdadi Hôtel Rwanda de Terry George Le Huitième Jour de Jaco Van Dormael Il Postino de Michael Radford Iedereen Beroemd ! de Dominique Deruddere L’Île de Black Mór de Jean-François Laguionie Imûhar de Jacques Dubuisson Jeanne la Pucelle de Jacques Rivette La Jeune Fille à la perle de Peter Webber Joue-la comme Beckham de Gurinder Chadha Le Journal d’Anne Frank de Nagaoka Akiyoshi & Julian Y. Wolff Joyeux Noël de Christian Carion The Kid & Les Temps modernes de Charles Chaplin Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot Kirikou et lest bêtes sauvages de Michel Ocelot Lilya 4-Ever de Lukas Moodysson Linnea de Christina Bjork dans le jardin de Monet & Lena Anderson La Liste de Schindler de Steven Spielberg Little Nemo de M. Hata & W.T. Hurtz Looking for Richard d’Al Pacino Loulou et autres loups… 5 films écrits par Jean-Luc Fromental & Grégoire Solotareff Lumumba de Raoul Peck Machuca d’Andrès Wood The Magdalene Sisters de Peter Mullan Le Maître des éléphants de Patrick Grandperret Maria pleine de grâce de Joshua Marston Marion de Manuel Poirier Matilda de Danny DeVito La Mauvaise Éducation de Pedro Almodóvar Ma vie en rose d’Alain Berliner Le Mécano de la « General » de Buster Keaton Michael Collins de Neil Jordan Microcosmos de Claude Nuridsany & Marie Pérennou Million Dollar Baby de Clint Eastwood Mondo de Tony Gatlif Mon Oncle de Jacques Tati Monsieur Batignole de Gérard Jugnot La Mouette et le Chat d’Enzo d’Alò Munk, Lemmy et Cie de Nils Skapáns & Jánis Cimermanis Le Mystère de la chambre jaune de Bruno Podalydès Le Mystère des fées de Charles Sturridge La mystérieuse mademoiselle C de Richard Ciupka Newcastle Boys de Mark Herman Nobody Knows de Kore-Eda Hirokazu No Man’s Land de Danis Tanovic

La Nuit des Rois de Trevor Nunn Les Nuits fauves de Cyril Collard Oliver Twist de Roman Polanski Osama de Siddiq Barmak Osmosis Jones de Peter & Bob Farrelly Othello d’Orson Welles Les Palmes de M. Schutz de Claude Pinoteau Pas d’histoires ! 12 regards sur le racisme au quotidien Le Petit Grille-Pain courageux de Jerry Rees Le Petit Monde des Borrowers de Peter Hewitt Petit Potam de Bernard Deyriès & Christian Choquet La Petite Taupe de Zdenek Miller Le Pianiste de Roman Polanski Pinocchio et l’Empereur de la Nuit de Hal Sutherland Pollux et le manège enchanté de Dave Borthwick, Jean Duval et Frank Passingham Princes et Princesses de Michel Ocelot La Promesse de Luc & Jean-Pierre Dardenne Prop et Berta de Per Fly & Janis Cimermanis La Prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd Les Puissants (The Mighty) de Peter Chelsom Raining Stones de Ken Loach Ressources humaines de Laurent Cantet Révélations de Michael Mann Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault Roméo et Juliette de Baz Luhrmann Rosetta de Luc & Jean-Pierre Dardenne Le Royaume des chats de Hiroyuki Morita Salut cousin ! de Merzak Allouache Shakespeare in Love de John Madden Shrek d’Andrew Adamson & Vicky Jenson Sindbad de Karel Zeman Sleepy Hollow de Tim Burton Smoke de Wayne Wang & Paul Auster Stupeur et tremblements d’Alain Corneau Super Size Me de Morgan Spurlock Sweet Sixteen de Ken Loach Toto le Héros de Jaco Van Dormael Traffic de Steven Soderbergh The Truman Show de Peter Weir TwentyFourSeven de Shane Meadows La Vie est belle de Roberto Benigni Viens danser… sur la lune de Kit Hood Vincent et moi de Michael Rubbo Les Virtuoses de Mark Herman Vivre au paradis de Bourlem Guerdjou Voyage à Mélonia de Per Ahlin Les Voyages de Gulliver de Dave Fleischer Voyage vers l’espoir de Xavier Koller

L’Art de l’animation par Philippe Moins Simenon au cinéma : à propos de Monsieur Hire de Patrice Leconte Image par Image le cinéma d’animation La mer un dossier thématique L’animal et le règne humain une approche pédagogique Comprendre le sens d’un film sur six films récents Les Jeunes à l’ombre des familles sur six films récents Enfants d’ailleurs sur quatre films d’Asie et d’Afrique