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Les diffrences psychosexuelles entre lhystrie et la dmence prcoce

Les diffrences psychosexuelles entre lhystrie et la dmence prcoce1Publi initialement dans le Zentralblatt f. Nervenheilk. 31 Anne 1908, cahier 2.

La mthode psychanalytique nous a familiariss avec les analogies de la gense de l'hystrie et de la dmence prcoce2Voir en particulier JUNG: De la psychologie de la dmence prcoce (Ueber die Psycholog. Der Dementia praecox), Halle, 1907.

. cet gard, un rappel des points les plus importants pourra suffire. Les symptmes des deux maladies tirent leur source de complexes sexuels refouls. Dans les deux cas, des mois normaux ou pervers peuvent agir de faon dterminante sur la formation des symptmes. Les moyens d'expression des deux affections se ressemblent pour une bonne part; il suffit de rappeler la symbolique sexuelle. Il est admis par tous les observateurs qu'il y a au-del de ces traits communs une opposition essentielle. Mais ils n'ont pas jusqu'ici prcis son contenu sous une forme satisfaisante. Ils ont tudi des diffrences de degr et ont ainsi attir notre attention sur la ressemblance des tableaux cliniques.Puisque les caractres communs de l'hystrie et de la dmence prcoce sont de nature psychosexuelle, la question qui se pose est de savoir o l'analogie s'arrte. En d'autres termes: dans notre recherche des diffrences essentielles entre les deux affections, nous sommes ramens au domaine psychosexuel.La thorie de la sexualit de l'enfant, des perversions sexuelles et de la pulsion sexuelle des nvross des Trois Essais sur la thorie sexuelle (Freud, 1905) fournit une base notre investigation. Ma conception de la sexualit des malades mentaux chroniques est intimement lie la thorie de la sexualit de Freud.D'aprs Freud, les mois sexuels les plus prcoces de l'enfant sont en rapport avec une seule zone rogne: la bouche. Au cours des premires annes de la vie, d'autres zones corporelles deviennent zones rognes. Les premires manifestations libidinales de l'enfant ont un caractre auto-rotique. ce stade, l'enfant ne connat aucun objet sexuel en dehors de lui-mme. Au cours de la priode suivante du dveloppement, il atteint l'amour objectal. Mais celui-ci n'a pas d'emble une orientation prcise et dfinitive vers les personnes de l'autre sexe. L'enfant porte en lui une srie de pulsions partielles, seule la pulsion htrosexuelle obtiendra et gardera la haute main. Les nergies issues des autres pulsions partielles sont soustraites lutilisation sexuelle et diriges vers des buts sociaux importants. C'est le processus de la sublimation. Pour l'essentiel, la sublimation des composantes homosexuelles donne lieu au sentiment de dgot, celle des composantes voyeuristes et exhibitionnistes la honte, celle des composantes sadiques et masochiques la peur, la piti et d'autres sentiments similaires.Le dveloppement psychosexuel n'est pas puis par le transfert de la libido de l'enfant sur des personnes de l'autre sexe et la formation de sentiments sociaux partir des pulsions partielles. Le transfert et la sublimation des nergies sexuelles vont au-del; tous deux fonctionnent normalement en harmonie. Les activits artistiques3Voir ce propos RANK: L'Artiste, contribution une psychologie sexuelle (Der Knstler. Anstze zu einer Sexualpsychologie), Vienne, 1907.

et scientifiques et jusqu' un certain degr bien des activits professionnelles reposent sur des processus de sublimation. Les personnes dont la libido n'est pas satisfaite transforment l'nergie sexuelle non lie en une activit professionnelle souvent fbrile. D'autres dirigent l'excs de leur libido vers des aspirations sociales et y trouvent, comme le langage le dit excellemment, leur satisfaction. Les meilleures forces convergent ainsi en sollicitude pour les malades et les nourrissons, en bienfaisance officielle, en protection des animaux, etc.Le comportement social de l'homme repose sur sa capacit d'adaptation. Celle-ci est un transfert sexuel sublim. Une certaine coexistence donne lieu chez les tres un rapport psychique positif ou ngatif qui s'exprime par des sentiments de sympathie ou d'antipathie. Les sentiments d'amiti, d'harmonie croissent sur ce sol. Le comportement social d'un homme correspond parfaitement sa manire de ragir aux excitations sexuelles. Dans l'un comme l'autre cas, les mmes hommes se montrent plus ou moins accessibles, revches ou dlicats, exigeants ou faciles contenter. Ce que nous percevons de guind, de gauche, de carr dans la prsentation de l'un, de gracieux, d'habile, etc., chez l'autre, indique sa capacit de s'adapter, c'est--dire de transfrer.Comme dans toute forme de traitement psychique, nous utilisons le transfert en psychanalyse4Voir FREUD: Bruchstck einer Hystrie Analyse (Fragment d'un analyse d'hystrie), Monatschr. Fr. Psych. Und Neurol., 1906; et SADGER: La signification de la mthode psychanalytique d'aprs Freud (Die Bedeutung der psychoanalyst., Methode nach Freud), Zentralblatt fr Nervenheilk. und Psychiatrie, 1907.

. La suggestion est une forme clatante du transfert sexuel qui atteint son plus haut degr dans l'hypnose.Mais la libido s'adresse en plus des vivants des objets inanims. L'homme entretient des rapports subjectifs issus de sa sexualit avec nombre des objets qui l'entourent. Je traiterai de cette question propos de Rve et Mythe5Schriften zur angewandten Seelenkunde (Essaie de psychanalyse applique), Cahier 4. Ce volume, pp. 165-215.

qui paratra prochainement. Je me contenterai d'voquer ici quelques points de vue importants. Notre langage attribue aux objets inanims un sexe (genre) sur la base de certaines caractristiques attribues l'homme ou la femme. Comme le dit Kleinpaul6KLEINPAUL:Stromgebiet der Sprache, B. 468 (Le flux du langage).

: L'homme sexualise tout. La symbolique sexuelle du langage vient de la mme source que le rve et les troubles psychiques. Nous avons avec les objets qui nous sont devenus chers par l'usage ou les valeurs esthtiques un rapport personnel vident conforme l'attraction sexuelle. Le got manifest dans le choix des objets est conforme au choix objectal sexuel. L'importance de cette forme d'amour objectal est trs variable; certaines personnes en sont presque dpourvues, d'autres sont domines par une passion pour certains objets. La langue allemande, sensible ces rapports psychologiques, nomme amant(amateur) celui qu'aucun sacrifice ne rebute pour entrer en possession de l'objet convoit, elle le met ct du soupirant. La forme extrme de l'amateur, c'est le collectionneur. La surestimation de l'objet qu'il collectionne est la mme que la surestimation sexuelle chez l'amant. La passion du collectionneur est parfois le substitut direct d'un penchant sexuel; le choix de l'objet collectionn peut receler un symbolisme labor, la passion du clibataire disparat ventuellement lorsqu'il se marie. Les collections varient en fonction de l'ge, c'est connu.Comparativement la pulsion normale, le nvros a un dsir sexuel anormalement intense. Il manque d'harmonie interne; les pulsions partielles ne sont qu'imparfaitement subordonnes la pulsion htrosexuelle et celle-ci tend tre refoule. Les reprsentations lies l'activit sexuelle normale veillent le refus et le dgot. Il y a constamment chez le nvros une lutte entre les pulsions partielles, entre un dsir et un refus galement excessifs. Le sujet fuit son conflit dans la maladie. Avec l'irruption de la nvrose, le matriel refoul parvient la conscience o il est converti en symptmes hystriques. Cette conversion sert de dcharge aux mois refouls normaux et surtout aux mois pervers; les symptmes pathologiques morbides constituent une activit sexuelle anormale.En dehors des priodes de maladie proprement dite, la libido nvrotique se manifeste par un transfert accru; les objets sont investis exagrment de libido. Il existe aussi une tendance excessive la sublimation.Sur la base de ces considrations, nous pouvons comparer le comportement psychosexuel des personnes qui souffrent de dmence prcoce et celui des sujets sains et des nvross. Nous parlerons cet effet de quelques formes appartenant au groupe de maladies mentales que Kraepelin a runies sous le nom de dmence prcoce. un stade avanc de la maladie le patient gravement atteint reste dans un coin de l'hpital, ou va et vient sans but. Son regard est fixe et absent, il hallucine, il murmure quelques mots, il gesticule bizarrement. Il ne parle personne et vite toute rencontre. Il n'a aucune tendance agir. Il nglige sa prsentation, mange malproprement, se salit, se barbouille de ses excrments, se masturbe sans honte en public. Tout se passe comme si l'entourage n'existait plus pour lui.Le malade moins atteint prsente au fond un comportement identique, mais non pouss l'extrme. Il est galement asocial et ngatif; il a des ides de perscution et de grandeur. Ses faons d'tre et de parler sont curieuses, manires, ampoules. Il se plaint vivement de l'internement, mais profre ces plaintes sans l'motion adquate. Il peroit ce qui se passe dans le monde extrieur mais ne montre aucun intrt rel. Il effectue un travail mcanique mais il n'en tire aucune satisfaction.Le patient dont la maladie ne s'exprime pas par des manifestations grossires, ce qui permet d'viter l'internement, se sent ls par autrui, il ne s'entend plus avec les siens, il ne trouve plus aucune joie sans prouver un manque. Il est dpourvu de besoins affectifs, de tact et de dlicatesse. Nous ne parvenons pas un contact avec lui. Il a peut-tre une intelligence au-dessus de la moyenne, mais ses ralisations ne sont pas pleinement valables. Ce qu'il produit est bizarre, manir, blesse l'esthtique, ne contient pas l'accent affectif adquat.Les mmes anomalies de la vie affective se voient dans toutes les formes7Lorsque nous parlons de la gravit, nous n'envisageons pas celle du processus morbide, nous parlons seulement des consquences pratiques (sociales) de la maladie.

: les diffrences ne sont que de degr. Une forme lgre peut s'aggraver; une forme grave peut prsenter des rmissions importantes. Alors que les reprsentations de l'homme sain s'accompagnent de sentiments adquats, celles du malade ne comportent pas la juste nuance affective. Nous avons ramen tout transfert affectif la sexualit. Nous arrivons la conclusion que la dmence prcoce dtruit la capacit de transfert sexuel, d'amour objectal.Le premier attachement, inconsciemment sexuel, de l'enfant s'adresse ses parents, en particulier celui du sexe oppos. Entre frres et surs, il en va de mme. Mais vis--vis du parent de mme sexe s'laborent des sentiments de rvolte et de haine. L'ducation et d'autres facteurs exognes les font succomber au refoulement. Dans des conditions normales, il existe entre parents et enfants un attachement rciproque, un sentiment de communaut. Chez les hystriques, cet attachement est excessif pour un parent et le rejet de l'autre est violent. Les sujets atteints de dmence prcoce manquent d'affection pour les leurs; leur indiffrence ou leur hostilit sans fard les mnent au dlire de perscution.Un patient cultiv reoit la nouvelle du dcs de sa mre qui, malgr son rejet d'elle, lui avait conserv une tendre affection pendant sa longue maladie. Sa raction consiste demander, agac: C'est tout ce qu'il y a de nouveau? L'exprience quotidienne nous montre de mme que les sentiments des parents pour leurs enfants s'teignent.Un jeune homme que je suivais tait entr prcocement dans la maladie. Il avait un transfert si marqu sur sa mre qu' trois ans il s'exclama un jour: Mre, si tu meurs, je me jetterai une pierre la tte et je mourrai aussi. Il ne la cdait pas un instant son pre. Il se l'appropriait au cours des promenades, la surveillait jalousement et se montrait haineux vis--vis de son frre. Depuis toujours, il avait l'esprit de contradiction. Sa mre dit de lui qu'il avait alors dj la manie de la dngation. Il ne se familiarisa avec aucun autre garon, ne s'attachant qu' sa mre. treize ans, son indiscipline obligea les parents le confier des trangers. Sa mre le conduisit sa nouvelle destination. Ds l'instant de l'adieu, il changea du tout au tout. Son amour et son penchant excessifs pour sa mre se murent en une froideur totale. Il crivait des lettres guindes, formelles o il ne la mentionnait jamais. Progressivement, il dveloppa une psychose hallucinatoire grave, au cours de laquelle le vide affectif se prcisa de plus en plus.La recherche psychanalytique nous apprend qu'une violente hostilit prend souvent la place d'un amour exalt. Ce retrait libidinal de l'objet d'un transfert particulirement intense est indiscutable dans la dmence prcoce.Souvent, l'anamnse des patients comporte les notations suivantes: il (ou elle) a toujours t silencieux, enclin la rumination mentale, effarouch, peu accessible la socit et aux amusements, jamais vraiment joyeux comme les autres. Ces personnes n'avaient donc jamais pu transfrer leur libido dans le monde extrieur. Elles deviendront les lments asociaux des asiles. Leur parole manque de vivacit. Du mme ton, avec la mme mimique, elles parleront du sujet le plus important comme du plus infime dtail. Cependant, lorsque l'entretien touche leur complexe, la raction affective peut tre trs violente. certains gards, les malades atteints de dmence prcoce sont trs suggestibles. Cette constatation peut paratre en contradiction avec la supposition d'une carence de transfert sexuel. Mais cette suggestibilit diffre de celle des hystriques. Elle me parat due au fait que le patient ne se rebiffe pas contre telle ou telle influence, du fait de son indiffrence du moment (automatisme de commande de Kraepelin). Le trouble de l'attention joue un rle cet gard. Il me semble donc que cette suggestibilit est une absence de rsistance. Elle s'inverse facilement en opposition. Le ngativisme de la dmence prcoce est prcisment le contraire du transfert. l'inverse des hystriques, les patients ne sont que faiblement accessibles l'hypnose. Un essai de psychanalyse nous convaincra de l'absence de transfert; c'est pourquoi cette mthode n'est pas une thrapeutique de la dmence prcoce.La frquentation des patients nous permet de voir d'autres aspects de l'absence de transfert. Ils ne sont jamais gais. Ils n'ont pas le sens de l'humour. Leur rire est superficiel, forc ou grossirement rotique, jamais cordial. Souvent d'ailleurs, il n'est pas signe de gaiet, mais d au fait que le complexe a t touch; il en est ainsi du rire strotyp des hallucins, car les hallucinations concernent constamment le complexe. La prsentation des patients est maladroite et rigide; elle objective l'inadquation au milieu. Kraepelin souligne bien cette perte de la grce. Le besoin d'amnager une atmosphre confortable et amicale s'est perdu. Avec l'attachement aux tres disparat l'attachement pour l'activit, la profession. Les patients se replient sur eux-mmes, et il me semble particulirement caractristique qu'ils ne connaissent pas l'ennui. Il est vrai qu'on peut les duquer, pour la plupart d'entre eux, accomplir un travail utile. Pour y parvenir il faut leur suggrer de travailler. Les patients se soumettent sans trouver de satisfaction leur activit. Lorsque la suggestion cesse, ils s'arrtent. Il existe une exception apparente: les patients travaillant du matin au soir, infatigablement, sans trve. Ces travaux se font alors la faveur d'un complexe.Ainsi, un patient, par exemple, est infatigable dans ses activits de fermier car il considre le sol de l'asile comme le sien propre. Un patient g s'occupe sans relche la plonge de sa section et ne souffre aucune aide. De l'eau de l'vier lui parviennent les conversations des elfes. Ils lui ont prdit qu'un jour il irait les rejoindre, s'il lavait auparavant cent mille pices de vaisselle. Cet homme de quatre-vingts ans n'avait d'intrt que pour cette activit qu'il poursuivait selon des rites mystrieux.Les patients n'entretiennent plus un rapport intime avec leurs objets, leur bien. Ce qui les entoure est dpourvu de charme pour eux. Il leur arrive d'exprimer un dsir intense d'un objet; mais l'accomplissement de leur demande reste sans effet. Certains objets sont protgs avec sollicitude, mais, l'occasion, on dcouvre que l'attachement n'est pas rel. Ainsi un patient collectionnait des pierres ordinaires, les dclarait prcieuses et leur attribuait une valeur norme. Le tiroir o il les conservait finit par cder sous le poids. Lorsqu'on enleva les pierres, le patient protesta contre cette atteinte son droit. Mais il ne regretta pas les joyaux perdus, il refit une collection de graviers. Ceux-ci convenaient aussi bien comme symboles de sa fortune que la collection prcdente. L'absence de plaisir aux objets explique probablement en partie la tendance destructrice si frquente.Souvent le trouble n'intresse pas seulement les sublimations sociales labores qui se sont formes lentement au cours de la vie, mais aussi celles qui datent de la petite enfance: honte, dgot, sentiments moraux, piti, etc. Une investigation exacte montrerait l'extinction partielle de ces sentiments dans tout cas de dmence prcoce. Dans les cas graves, le trouble se peroit d'emble. Les faits les plus crus de ce genre sont le barbouillage avec les excrments, l'absorption d'urine, la malpropret, qui montrent l'absence du dgot. De mme le comportement rotique sans gne, l'exhibitionnisme font conclure la perte de tout sentiment de honte. Ces comportements rappellent celui de l'enfant qui ne connat ni le dgot devant les excrments ni la honte de la nudit. L'absence de rticence avec laquelle les malades s'expriment sur leur vie prive passe est du mme ordre. Ils ne font que rejeter ainsi des rminiscences qui ont perdu leur valeur et leur intrt. La sympathie disparat, comme le prouve la conduite des patients confronts des actes cruels qu'ils ont commis eux-mmes. J'ai vu une fois un tel malade quelques heures aprs qu'il eut fusill un voisin inoffensif et bless gravement sa femme. Il parlait en toute tranquillit de son acte et de ses motifs et savourait tranquillement son repas.Nous avons vu deux sries de manifestations: les unes montrent la libido dtache des objets vivants et inanims, les autres la perte des sentiments acquis par sublimation. La dmence prcoce conduit donc la suppression de l'amour objectal8Un de mes patients s'adressant lui-mme dans ses crits innombrables disait tu; il tait bien le seul objet qui puisse l'intresser.

et de la sublimation. Ce n'est que dans la petite enfance que nous trouvons un tel tat. Pour cette priode, nous avons, avec Freud, parl d'auto-rotisme faute d'investissement objectal et de sublimation. La particularit psychosexuelle de la dmence prcoce rside en ce que le sujet malade retourne l'auto-rotisme. Les symptmes de la maladie sont une forme d'activit sexuelle auto-rotique.Bien entendu, cela ne veut pas dire que tout moi sexuel du malade soit purement auto-rotique. Mais il est vrai que tout attachement du malade pour une autre personne est en quelque sorte contamin par l'auto-rotisme. Lorsqu'une patiente montre un amour apparemment trs vif, fougueux, nous sommes rgulirement frapps par l'absence de honte dans l'expression qu'elle en donne. Mais la perte du sentiment de honte, produit de la sublimation, signifie pour nous un pas fait en direction de l'auto-rotisme. Par ailleurs, nous voyons ces malades s'prendre rapidement et sans discrimination, et changer de mme. l'hpital, certaines femmes sont toujours prises du mdecin prsent; bientt chacune d'elles a l'ide dlirante d'tre sa fiance ou sa femme, se croit enceinte de lui, peroit un signe d'amour dans chacune de ses paroles. Le mdecin s'en va-t-il, il est aussitt remplac par son successeur dans la vie sentimentale de la patiente. Les malades sont donc encore en tat de projeter leur besoin sexuel sur quelqu'un, mais incapables d'un attachement rel la personne aime. D'autres patients entretiennent pendant des annes un amour imaginaire; il n'existe que dans leur fantasme; ils n'ont peut-tre jamais vu leur objet sexuel; en ralit, ils se barricadent contre tout contact avec autrui. Bref, l'une ou l'autre manifestation d'auto-rotisme apparat toujours. Dans les cas de ce genre, une rmission prolonge peut simuler la gurison, mais l'impossibilit d'une adaptation au monde extrieur est dans la rgle le trait pathologique le plus facilement reconnaissable.Le malade qui dtache sa libido des objets se met en contradiction avec le monde. Seul, il est confront avec un monde hostile. Il semble que les ides de perscution9Le dtachement de la libido du monde extrieur est habituellement la base de la formation du dlire de perscution. Je ne puis prendre en considration ici les autres facteurs en cause.

concernent surtout les personnes qui ont antrieurement absorb la libido transfre du patient. Dans beaucoup de cas, le perscuteur aurait t originellement l'objet sexuel et le dlire de perscution aurait une origine rogne.L'auto-rotisme de la dmence prcoce est non seulement la source du dlire de perscution, mais aussi du dlire de grandeur. Normalement, deux personnes qui ont transfr leur libido rciproquement sont dans un rapport de surestimation amoureuse (surestimation sexuelle de Freud). Le malade mental consacre lui-mme, comme seul objet sexuel, toute la libido que l'homme normal tourne vers l'entourage vivant ou inanim. La surestimation sexuelle ne concerne que lui. Elle prend des proportions colossales puisqu'il est pour lui-mme son univers! La surestimation sexuelle rflchie sur le moi, ou auto-rotique, est la source du dlire de grandeur de la dmence prcoce10C'est l'aspect gnral de la surestimation sexuelle auto-rotique que je considre comme source de la mgalomanie dans la dmence prcoce. La forme particulire du dlire me semble dtermin par le souhait refoul.

. Les dlires de perscution et de grandeur sont donc troitement lis. Tout dlire de perscution dans la dmence prcoce contient implicitement un dlire de grandeur.La barrire auto-rotique vis--vis du monde extrieur n'agit pas seulement sur la face expressive du comportement, mais aussi sur sa face perceptive. Le malade se ferme aux perceptions sensorielles relles. Son inconscient, par le truchement des hallucinations, forme des perceptions conformes aux dsirs inconscients. Le malade pousse ce barrage si avant qu'il arrive un boycottage du monde extrieur; il ne produit plus pour lui et il n'en attend plus rien, il dtient le monopole des impressions sensorielles.Ce patient qui ne manifeste aucun intrt pour le monde extrieur, qui vgte repli sur lui-mme, dont l'expression mimique veille une impression d'obtusion totale, parat atteint d'une dtrioration tant intellectuelle qu'affective. C'est le terme de dmence qui s'applique le mieux ici. Mais le mme mot est employ pour dcrire les squelles d'autres psychoses qui, en fait, diffrent totalement de la forme qui nous retient ici. Je veux parler des dmences pileptique, paralytique et snile. Le seul caractre commun ces affections, c'est leur effet: la rduction du rendement intellectuel et cela un certain degr seulement. Ce n'est qu'en tenant compte de cela qu'on se trouve autoris employer le mme terme. Avant tout, il faut se garder de faire - comme cela est frquent - d'une ide dlirante une ide imbcile sous prtexte qu'elle est absurde. Sinon, il faudrait en dire autant des absurdits si significatives du rve. La dmence paralytique, comme la dmence snile, dtruit les capacits intellectuelles: toutes deux elles conduisent des lacunes grossires. La dmence pileptique conduit un appauvrissement, une monotonie des reprsentations et une difficult de comprhension. Les modifications dans ces cas sont au mieux susceptibles d'un arrt provisoire mais sont gnralement volutives. La dmence de la dmence prcoce, par contre, est fonde sur le repli affectif. Les capacits intellectuelles sont conserves: le contraire - si souvent affirm - n'a pour le moins jamais pu tre dmontr. C'est en raison de sa retraite auto-rotique que le patient n'est plus impressionn et ne ragit plus, ou anormalement, au monde extrieur. Cet tat peut se rsoudre tout moment: la rmission peut tre telle qu'on ne suspecte mme pas un dficit intellectuel.La dmence de la dmence prcoce est un phnomne auto-rotique. C'est un tat o manque toute rponse affective au monde extrieur. Par contre, les dments pileptiques ou organiques ont des ractions affectives trs vivantes pour autant qu'ils peuvent saisir ce qui se passe. L'pileptique n'est jamais indiffrent; c'est de faon excessive qu'il prend parti pour l'amour ou la haine. Il transfre sa libido un degr extrme sur les gens et les choses, il tmoigne beaucoup d'affection et de gratitude aux siens. Il se plat son travail et tient trs fortement ce qu'il possde. Il conserve la moindre feuille de papier et considre ses trsors avec une joie toujours renouvele.C'est l'auto-rotisme qui distingue la dmence prcoce de l'hystrie. Ici le dtachement de la libido, l l'investissement excessif de l'objet; ici la perte de la capacit de sublimer, l une sublimation accrue.Les particularits psychosexuelles de l'hystrie sont en gnral observables ds l'enfance, alors que les symptmes graves de la maladie ne feront irruption que bien plus tard. Nombre de cas montrent ds l'enfance des signes d'une atteinte. De l, nous concluons au caractre inn de la constitution psychosexuelle des hystriques. La mme conclusion est valable pour la dmence prcoce. L'anamnse nous apprend souvent que les patients furent de tout temps bizarres et rveurs et ne se lirent avec personne. Bien avant le dbut de la maladie, ils ne parvenaient pas transfrer leur libido et faisaient de leur imagination le champ de leurs aventures d'amour. Il ne doit gure exister de cas o il en soit autrement. Il faut souligner aussi la propension marque de ces sujets l'onanisme. Ces individus n'ont donc jamais dpass rellement l'auto-rotisme infantile. L'amour objectal ne s'est jamais pleinement dvelopp. Quand la maladie devient manifeste, ils se tournent compltement et nouveau vers l'auto-rotisme. La constitution psychosexuelle de la dmence prcoce repose donc sur une inhibition du dveloppement. Les quelques cas cliniques qui prsentent ds l'enfance des manifestations psychotiques grossires confirment cette assertion de faon clatante, en ce qu'ils permettent de reconnatre clairement la fixation pathologique l'auto-rotisme. L'un des patients que j'observais avait dj manifest un ngativisme complet l'ge de trois ans. Quand on le lavait il refusait qu'on lui essuyt ses doigts en les serrant. Il avait le mme comportement la fin de ses tudes secondaires. Ce patient, deux-trois ans, ne se laissait pas convaincre pendant des mois de dfquer; sa mre devait le prier quotidiennement d'abandonner cette attitude. Cet exemple prouve la fixation anormale une zone rogne, ce qui est une manifestation auto-rotique typique. Le jeune patient que j'ai cit et qui brusquement, l'ge de treize ans, se dtourna de sa mre avait galement eu ds l'enfance un comportement ngativiste.L'inhibition du dveloppement psychosexuel ne s'exprime pas seulement par un dpassement insuffisant de l'auto-rotisme, mais encore par une persistance anormale des pulsions partielles. Cette particularit mrite une tude particulire et approfondie. Je ne ferai que l'illustrer ici d'un trait tir de l'histoire de la maladie du patient dont je viens de dcrire l'attitude auto-rotique ngativiste. l'ge de vingt-sept ans, il fut, du fait de son refus alimentaire, nourri la sonde par un mdecin. Il vcut cette intervention comme un acte de pdrastie et le mdecin comme un perscuteur homosexuel. Nous trouvons ici l'expression de la pulsion partielle homosexuelle, dplace de la zone anale une autre zone rogne (dplacement vers le haut de Freud), et l'origine rogne d'une ide de perscution.La persistance anormale des pulsions partielles existe galement chez les nvross. Eux aussi souffrent d'une inhibition de leur dveloppement psychosexuel. Mais la tendance auto-rotique est absente. Le trouble de la dmence prcoce est plus profond; le sujet qui n'a jamais pu se dtacher du stade le plus prcoce du dveloppement psychosexuel est rejet au stade auto-rotique au fur et mesure de la progression du processus morbide.L'hypothse d'une constitution psychosexuelle anormale, dans le sens de l'auto-rotisme, explique pour moi une grande partie des manifestations morbides de la dmence prcoce et rend superflues les nouvelles hypothses concernant les toxines.Il est bien entendu impossible d'puiser en si peu de pages les phnomnes pathologiques innombrables qui sont rapporter linhibition du dveloppement psychosexuel. Mais un travail plus tendu ne serait pas mieux en mesure d'y parvenir actuellement. L'analyse des psychoses sur la base de la thorie freudienne en est ses dbuts. Mais elle me semble appele nous apporter des claircissements qui ne peuvent pas tre obtenus par une autre voie.Je pense en premier lieu au problme du diagnostic diffrentiel entre la dmence prcoce et l'hystrie et la nvrose obsessionnelle. De mme, l'investigation psychanalytique de la gense des diffrentes formes de dlire parat abordable. Peut-tre mme cette mthode nous aidera-t-elle lucider les perturbations intellectuelles qui font partie du tableau clinique de la dmence prcoce - et que nous sommes encore loin de comprendre.