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IJorganis ation du travail en géotechnique : développement, normalis ation et artisanat Cet article examine les raisons qui conduisent à considérer la géotechnique comme un métier autant qu'une collection de disciplines scientifiques. Ce métier ne peut être découpé en tâches élémentaires et s'apparente par beaucoup d'aspects à l'artisanat. Cela conduit à des conditions spéciales pour l'exercice de professions qui peuvent être séparées dans d'autres domaines : enseignants et chercheurs doivent maîtriser l'exercice du métier géotechnique. Les normes tiennent comptent aussi des spécificités de la géotechnique et laissent une large place à la responsabilité individuelle des géotechniciens. J.-,P. Iv{AGNAN Laboratoire central des ponts et chaussées 58, bd Lefebvre 75732 Paris Cedex 15 l'sl IE l= I rrD l.sl Organisation of labour m engineering: geotechnical development, standardis ation and craftsmanship This paper discusses the reasons why geotechnical engineering should be considered as a craft as much as a collection of scientific disciplines. This type of activity cannot be split into elementary tasks and it has many ommon features with craftsmanship. This results in a profession, which cannot be divided, as it is possible in other fields: teachers and research workers must have a thorough knowledge of geotechnical engineering and leave much room for the personai responsibility of geotechnical engineers. I rF, l(J l(o IL l+, | .rl l-o t< ÀIDLE: Ies cet article jusqu'au 31 discussr'ons sur sonf acceptées décernbre 2A02. 73 REVUE FRANÇAISE DE GEOTECHNIQUE N" gg 2e trimestre 2002

IJorganis ation travail en géotechnique - geotech-fr.org · tionnaire Hachette (Bibliorom Larousse) 2000 comme ( personne qui exerce pour son propre compte un art mécanique ou un

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IJorganis ation du travailen géotechnique :

développement, normalis ationet artisanat

Cet article examine les raisons qui conduisent àconsidérer la géotechnique comme un métier autantqu'une collection de disciplines scientifiques. Ce métierne peut être découpé en tâches élémentaires ets'apparente par beaucoup d'aspects à l'artisanat. Celaconduit à des conditions spéciales pour l'exercice deprofessions qui peuvent être séparées dans d'autresdomaines : enseignants et chercheurs doivent maîtriserl'exercice du métier géotechnique. Les normes tiennentcomptent aussi des spécificités de la géotechnique etlaissent une large place à la responsabilité individuelledes géotechniciens.

J.-,P. Iv{AGNANLaboratoire central

des ponts et chaussées58, bd Lefebvre

75732 Paris Cedex 15

l'slIEl=I rrDl.sllÉ

Organisation of labourm engineering:geotechnicaldevelopment, standardis ationand craftsmanship

This paper discusses the reasons why geotechnical engineeringshould be considered as a craft as much as a collection ofscientific disciplines. This type of activity cannot be split intoelementary tasks and it has many ommon features withcraftsmanship. This results in a profession, which cannot bedivided, as it is possible in other fields: teachers and researchworkers must have a thorough knowledge of geotechnicalengineering and leave much room for the personairesponsibility of geotechnical engineers.

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ÀIDLE: Iescet articlejusqu'au 31

discussr'ons sursonf acceptéesdécernbre 2A02.

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2e trimestre 2002

"Because nature is infinitely variable, the geological aspects ofour profession assure us that there will never be two jobs exactlyalike. Hence we need never fear that our profession will become

routine or dull. lf it should, we would not be practising properly."(Presidential address, Bth ICSMFE, Moscow, 1973, 4.1, 156-159).

PréambuleCet article suggère une réponse globale à diverses

interrogations sur l'avenir de la profession géotech-nique : dans ses relations avec la société, dans ses rela-tions avec le monde économique,, dans ses relationsavec les autres professions du génie civil, de l'environ-nement, de l'industrie des mines et du pétrole, dans lesrelations entre les métiers d'enseignants, chercheurs,concepteurs, experts... qui sont parfois distingués enson sein. II répond aussi à f inquiétude de nos collèguesdes bureaux d'études comme des entreprises, du faitque l'organisation économique entraîne un découpaged'activités dont l'interpénétration a toujours été un fac-teur essentiel de succès et de progrès. Une émissioncons acrée à John Ford, à Frederick W. Taylor et à

l'organisation scientifique du travail a sugg éré une cléde lecture : l'organisation du travail avec un modèlequi, tout compte fait, paraît le plus proche de nosbesoins : l'artisanat. Cela a conduit ensuite à analyserl'adéquation de ce modèle à la réalité de la géotech-nique et comment il interagit avec le développement etla codification en cours des activités d'essais, de calculet d'exécution des travaux. Le lecteur ne trouvera pasdans ce texte de commentaires détaillés du champ de lagéotechnique, car il traite plus du métier de géotechni-cien que de la géotechnique. Si les exemples présentésconcernent plutôt les projets d'ouvrages, dans la pro-blématique générale de l'Eurocode 7 , la situation estidentique pour la géotechnique appliquée aux risquesnaturels, où l'expérience joue aussi un rôle décisif dansla compétence des géotechniciens et où le retourd'expérience est d'une importance majeure. Elle l'estaussi, de façon générale, pour la géologie de I'in gé-nieur.

EQuelques définitions

Même si réfléchir sur l'organisation du travail n'estpas une activité scientifique au sens usuel du terme,notre raisonnement suivra la même démarche géné-rale : définir l'objet de l'étude, puis l'analyser de diffé-rents points de vue. Deux définitions peuvent être utilesà la compréhension de notre discours et nous poursui-vrons par l'énumération de quelques tendancesactuelles qui influencent le fonctionnement de la géo-technique, en France et dans les pays qui sont organi-sés de façon comparable.

ryIffi ffi

Géotechnique

La première définition est celle du mot géotech-nique. Pour nous, c'est un champ d'activité profession-

nelle, correspondant aux mots anglais geotechnicalengineering et que l'on aurait pu aussi appeler cc géniegéotechnique ). La géotechnique recouvre aussi bienIes études expérimentales que les études théoriques,, laconception et l'exécution des ouvrages, les interactionsdes sols et des structures, la reconnaissance des sites,les études de matériaux naturels, les risques naturels,1es problèmes de pollution des sols. . . A ce titre, elle uti-lise les outils de la mécanique des sols, de la mécaniquedes roches et de la géologie de l'ingénieur. Ses voisinssont la science du sol, proche de l'agriculture et inté-ressée par le premier mètre de la croûte terrestre, et lesgénies pétrolier et minier, qui ont des objets plus pro-fonds.

La géotechnique porte un double regard, à la foisnaturaliste et mécanique, sur ses objets : elle utilise etdéveloppe des modèles mécaniques, mais pour desmatériaux naturels qu'elle ne peut complètement carac-tériser et qui sont souvent perturbés par l'exécution destravaux. La géologie contribue à Ia compréhension dessites des études et des propriétés physico-chimiques etmécaniques des sols et des roches. L'observation etl'analyse du comportement des sites et des ouvragesont une importance décisive pour la validation desméthodes de conception et de construction, qui évo-luent rapidement avec le progrès technique.

C'est à dessein que nous n'utilisons pas les mots de( géomécanique )), parce que l'individualisation desanalyses issues de la mécanique théorique ne nousparaît pas souhaitable hors du contexte de Ia géologieet du réel, ni de n géomatériaux )), dont l'invention pourregrouper des matériaux naturels avec des matériauxissus de processus industriels ne nous paraît pas fon-dée, ni de ( poromécanique ) ou cr mécanique desmilieux poreux )), qui désignent une branche formali-sée de la mécanique des milieux continus déformablesdont le développement est intégré depuis longtemps àla mécanique des sols.

ffiArtisanat et taylorisme

Nous avons consulté quelques dictionnaires pourcomparer des définitions de ces termes. On trouve à< Taylor l, dans le Petit Robert 2 : < Il fut, sinon l'initia-teur du travail à la chaîne, du moins le promoteur del'organisation scientifique du travail industriel (taylo-risme) ; celle-ci suppose (citation de G. Friedman) I'uti-lisation maximale de l'outillage, Ia spécialisation stricteet la suppression des gestes inutiles, ainsi qu'un systèmede primes pour inciter l'ouvrier au rendement. Cetteméthode favoris a I' augmentation de la production,mais conduisit sous 1e couvert de Ia simplification et del'économie des gestes à dépouiller les tâches de connais-sances professionnelles, de qualification, d'initiative.

L'artisan est défini par le dictionnaire usuel Quillet-Flammarion (1963) comme rc celui qui exerce un métiermanuel, un art mécanique pour son propre compte lou ( ouvrier qualifié qui travaille chez lui > et par le dic-tionnaire Hachette (Bibliorom Larousse) 2000 comme( personne qui exerce pour son propre compte un artmécanique ou un métier manuel >. L'artisanat est < laprofession d'artisan ou l'ensemble des artisans )(Quillet-Flammarion) ou a la profession d'artisan,l'ensemble des artisans, la technique de l'artisan ou laproduction artisanale > (Hachette). L'art à son tour estdéfini comme ( application d'un ensemble de connais-

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sances théoriques et techniques à une réalisation pra-tique r (Quillet-Flammarion) ou ( ensemble de connais-sances, de techniques nécessaires pour maîtriser unepratique donnée I (Hachette).

Mais on trouve dans un dictionnaire plus ancien(l'Iouveau petit Larousse illustré, 1929) une définition del'artisan qui correspond mieux au sens que nous don-nons à artisanat dans le titre du présent document :

a homme de métier >, avec cette idée que la géotech-nique doit être d'abord pensée comme un métier. Lemétier est défini dans ce dictionnaire comme < touteprofession manuelle ou mécanique > ou ( une profes-sion quelconque ).

L'opposition de l'artisanat à l'organisation scienti-fique du travail n'est pas fortuite.L'artisanat repose surla compétence professionnelle de l'artisan et la maîtrisecomplète de son art. Le perfectionnement des outilsdans la perspective de l'artisanat se traduit par plus desouplesse et de plus grandes possibilités d'adaptation àdes situations différentes. A l'opposé, le développementdes machines dans la perspective de l'organisation dutravail s'intègre dans une conception spécificatrice desproduits du travail, permettant de produire en grandnombre des objets tous identiques, avec des opérateurssuccessifs ne connaissant pas l'ensemble du processus :

les machines se perfectionnent mais pour des tâchesqui restent prédéfinies. Les deux modes de productionpeuvent coexister, suivant la nature des objets à pro-duire, mais ils restent marqués par des logiques diffé-rentes.

L'affinité de l'artisanat et de la géotechnique trouveson origine dans la nature même des études géotech-niques, qui ne portent jamais deux fois sur le mêmeobjet, et dans le rôle essentiel de l'expérience commeélément fondateur de la compétence du géotechnicien.Elle illustre le fait que l'étude géotechnique n'est pasun produit industriel, même si certaines parties du tra-vail peuvent être organisées de façon industrielle.

ETendances actuelles

Ce panorama introductif ne serait pas complet sansun inventaire des éléments qui conditionnent la situa-tion et l'évolution actuelle de la géotechnique. Cetinventaire est partiel, parce qu'il s'applique d'abord aucontexte français, mais beaucoup de points sont com-muns à la géotechnique internationale.

La première constatation est que les décideurs ontperdu Ia conscience des contraintes de la nature. Leprogrès technologique donne l'impression que toutproblème géotechnique peut être traité rapidement, àcondition de mettre en place le financement nécessaire.La géotechnique ne reçoit plus d'attention particulièredans les projets.

La deuxième constatation est que la gestion intégréedes projets (maîtrise d'ouvrage, maîtrise d'æuvre,bureau d'études, surveillance du chantier), qui a fait laforce de l'ingénierie (publique) française au cours descinquante dernières années et permis un développe-ment remarquable des entreprises, confrontées à desclients-partenaires compétents et forts, â été fortementcontestée pour des motifs non techniques, au profitd'une contractualisation détaillée, qui nécessite dedécouper le processus de conception et de réalisationdes travaux en une série de marchés successifs avec

appel méthodique à la concurrence : ainsi, il n'est pasrare que les géotechniciens de la phase des travauxn'aient jamais été mêlés à la conception de l'ouvrage.Toutefois, la pratique des marchés globaux, incluant laconception et la réalisation du projet, offre de nouvellesperspectives, s'il est possible d'y inclure des opérationsde gestion du retour d'expérience pour l'ensemble dela communauté géotechnique.

La troisième constatation est que nous sommesentrés dans une période de suspicion généralisée oùl'on perfectionne les règles juridiques pour mieux sur-veiller les relations entre ies acteurs économiques et cequi est ressenti dans les milieux économiques commeles conditions normales de concurrence. Ces règlesjuridiques ont pour effet de limiter les relations tech-niques permanentes entre acteurs économiques, ce quin'est pas favorable au maintien et au développementde l'expérience technique,, dont nous avons déjà sug-géré l'importance en géotechnique.

Dans le contexte français, on observe ainsi une évo-lution de l'organisation vers la spécialisation decr boîtes fonctionnelles >, chargées de parties de projetset communiquant par des contrats de plus en plus nor-malisés.

Par ailleurs, l'affirmation du métier de chercheur,par opposition à celui d'ingénieur, c'est-à-dire de spé-cialiste qui n'est pas partie du processus de production,a conduit à la montée en puissance d'un cadre derecherche où, par principe, le jugement des pairsdevient la référence de base et peut remplacer totale-ment le jugement autrement plus rigoureux de la pra-tique et du réel. Pour la géotechnique, cette situationest préoccupante.

Enfin, on observe une contestation parallèle, bienque d'origine différente, des structures publiques quiassuraient, pour le bien de tous, une liaison volontaristeentre les différents métiers, outils et compétences dumonde de la construction.

EDeux situations différentes Igéotechnique et structu res

Pour faire sentir la particularité de la géotechniqueparmi les activités des ingénieurs, il nous a paru utilede la comparer à un autre champ professionnel dumonde de la construction, qui est la conception et lecalcul des structures. Cette comparaison s'appuie surdes réflexions menées il y a quelques années,^lôrs de ladiscussion des règles générales du système des Euro-codes structuraux (normes européennes de justificationdes ouvrages dans le domaine du bâtiment et du géniecivil). Il nous avait en effet fallu expliquer à nos col-lègues issus du monde des structures pourquoi il fal-lait donner à la géotechnique des ouvertures particu-lières par rapport au corps de règles qu'ils s'étaientassez unanimement imposées.

Les difficultés rencontrées lors de la préparationdes règles communes pour le calcul des structures etle calcul géotechnique en Europe (Eurocodes structu-raux) sont illustrées par les schémas des figure s 1. el Z,qui décrivent les raisons de la ( différence géotech-nique >.

Le calcul des structures s'appuie sur un ensemblede règles, enseignées en France sous le nom de a résis-

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2etrimestree00e

tance des matériaux > et complétées par des règles deconstruction issues de l'expérience. Les propriétés desmatériaux sont spécifiées, les charges sont définies defaçon séparée et le tout est considéré comme raisonna-blement étalonné par rapport à la réalité.

Pour la conception et l'exécution des structures, oncomprend donc que l'on puisse isoler des blocs dans leschéma de la figure 1 et les laisser se développer defaçon séparée. Cela provient notamment de I'existencedepuis les années 60 d'un code modèle européen pourle béton, qui a unifié Ie formalisme des calculs et a servide base à l'élaboration de codes nationaux appuyésSUf :

- un ensemble unifié de règles de calcul et de dimen-sionnement ;

- une description semi-probabiliste des charges appli-quées aux structures ;

un mode de caractérisation des matériaux deconstruction qui s'appuie sur une probabilité contrôléeque leurs propriétés physiques et mécaniques soientmoins favorables (plus faibles ou plus fortes) que lavaleur spécifi ée ;- des règles ou spécifications supplémentaires issuesde la pratique de la construction, et- un ensemble d'essais d'étalonnage en vraie grandeursur des structures entières ou des éléments de struc-tures.

OUVRAGESCONSTRUIT$

Schéma des méthodes de dimensionnementdes structures.Schematic framework for structural designmethods.

Si nous examinons maintenant la pratique de lagéotechnique (Fig. 2), il apparaît que les principales dif-férences par rapport au calcul des structures concer-nent les règles de calcul (dimensionnement) et la des-cription (ou prescription) des matériâuX :

les géotechniciens ont développé beaucoupd'approches différentes pour le dimensionnement desdifférents types d'ouvrages de la géotechnique, sur labase d'essais de laboratoire et d'essais en place. Cer-taines de ces méthodes de dimensionnement sont utili-sées dans le monde entier, d'autres ne sont connuesque localement, mais elles ne peuvent être éliminéespour cette seule raison, surtout quand elles ont étéincorporées dans des normes ou codes nationaux.D'autre part, chaque méthode s'appuie sur une expé-rience locale ou internationale qui compte beaucoupdans sa justification : l'application pratique ne peut êtreisolée de la définition des règles de calcul ;

ouvRAûr$c*Nsrnurs

Schéma des méthodes de dimensionnementdes ouvrages géotechniques.Schematic framework for geotechnical designmethods.

- à la différence de l'acier ou du béton, les sols et ]esroches sont déjà présents sur les sites de constructlonet ils ne peuvent être étudiés que partiellement. Chaquesite est unique. Personne ne peut certifier que Ia strati-fication et les propriétés géotechniques du terrain surun site sont identiques à celles du site voisin.

Ceci a au moins trois conséquehce s :

o la première est que les codes de géotechniquedonnent d'habitude des règles de reconnaissance dessites plutôt que des prescriptions sur les valeurs desparamètres de calcul. Lorsqu'un ingénieur en struc-tures décide de choisir un béton de type 845, il n'a pasà tester le béton, ni même à se préoccuper de la façondont il va être fabriqué, ni où : il sait précisément que lebéton qui sera utilisé pour la construction aura des pro-priétés mécaniques bien définies, avec une probabilitélimitée d'avoir des valeurs inacceptables. Au contraire,lorsqu'un ingénieur géotechnicien doit décider desvaleurs de calcul des propriétés d'un sol ou d'uneroche, il doit utiliser un très petit nombre de résultatsd'essais, qui ne sont pas toujours fiables, et toute autreinformation qu'il peut trouver sur le site, comme desdonnées géologiques ou des expériences locales : eûgénéral, il ne sait pas de combien les valeurs de calculchoisies s'écartent des valeurs optimales, mais il saitseulement que sa façon usuelle de procéder est assezsécuritaire ;

. la deuxième conséquence est que l'étalonnage desméthodes de dimensionnement est plus compliqué quepour les structures ou éléments de structures en bétonou en acier : corrurre les sites de construction ne sontpas identiques et, de plus, ne peuvent être parfaitementconnus, la fiabilité d'une procédure de dimensionne-ment (qui inclut la reconnaissance du sol , la méthodede calcul et f interprétation des résultats du calcul) nepeut être estimée sans tenir compte des incertitudessur les propriétés des sols ni de la capacité de l'ingé-nieur à choisir des valeurs adéquates des paramètresde calcul. Pour cette raison, ur grand nombre d'expéri-mentations est nécessaire pour l'étalonnage de chaqueméthode de dimensionnement (méthode de reconnais-sance x méthode de calcul) ;

. la troisième conséquence est que la conceptiondes ouvrages ne peut généralement être garantie indé-pendamment de la réalité des terrains que l'ondécouvre lors du chantier. La méthode dite < observa-tionnel]e >, dont l'utilisation est recommandée par tousles rnaîtres de la géotechnique pour les ouvrages com-

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$ols &no,tHH$(7rd,*x*stcnt)

THAHûE*{HypothÈ*e*}

HHSLES TH OALTULPlueieurs p*s*ihil it**)

CûNSTRUtTIOf'l

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ËîAltt'f FIA*H

MATERIAUX

{Travaux H&F}

CHARGË$(Hypothèses)

REGLËS DE CALCUL

{Un seul ensemble}

CON$THUCTION

{Autres règle*}

TALONNAGE

plexes, traduit cette interaction forte entre la concep-tion, l'exécution et la réalité des terrains lors des tra-vaux, qui implique le concepteur géotechnicier, lemaître d'æuvre, le maître d'ouvrage et l'entreprise detravaux.

Ces observations justifient la revendication des géo-techniciens de ne pas être pris dans un système deboîtes indépendantes (< essais sur les matériaux l,rc règles de calcul )), (( conception )), ( exécution >) géréespar des appels d'offres indépendants. La sécurité etl'optimisation technique et économique des ouvragesne peuvent être obtenues si l'on interdit les interactionsentre la reconnaissance des sites, la conception desouvrages et les observations faites lors des travaux. Ildevrait y avoir, pour chaque ouvra ge, un contratd'étude et d'assistance géotechnique, conclu par lamaîtrise d'ouwage et s'imposant à tous les autres inter-venants du projet et des travaux, éventuellement com-plété par des prestations partielles, contrôlées dans lecadre du contrat général.

ELa géotechnique est un artisanat

Il n'existe pas de textes en français sur la nature etles missions de la profession géotechnique. Rien decomparable avec, par exemple, l'æuwe de Ralf B. Peck,,qui a suscité l'enthousiasme de nombreux jeunes ingé-nieurs pour ce métier (Dunnicliff et Deere, 1.984). Il fautdonc rechercher dans notre expérience collective lesfondements d'une conception de notre métier de géo-technicien.

Nous avons l'habitude en France, depuis plus de cin-quante années, d'avoir des bureaux d'études géotech-niques intégrant, sous des cadres juridiques divers, deséquipes de sondage et des laboratoires d'essais. Cesstructures publiques (EdF, Laboratoires des ponts etchaussées) ou privées (CEBTP, Sociétés de LouisMénard, Fondasol, Simecsol, Sols-Essais. . .) ont participéactivement, par la pratique et la recherche-développe-ment, à la montée en puissance (et en compétence) de lagéotechnique française et à sa reconnaissance interna-tionale . Lacaractéristique essentielle de ces organismesa été leur capacité à couvrir l'ensemble du champ de larecherche, du déveioppement de théories et de matérielsà l'expérimentation, et de l'application dans les projets :

un champ d'activité complet pour le géotechnicien etune activité d'ingénieur au sens noble du terme, danstous ses aspects de création et d'action.

Nous avons eu aussi, pendant la même période, unautre groupe d'activités de recherches théoriques,d'origine universitaire, ayant ses fondements dans latradition française d'excellence en mathématique et enmécanique, mais sans relations avec la pratique et dontl'influence sur cette pratique a été faible, autant quel'on puisse l'évaluer.

Actuellement, la prééminence des structures écono-miques sur l'organisation technique de la société favo-rise Ia création d'unités économiques comparables auxrc boîtes > dont nous avons déjà parlé : la boîte de la maî-trise d'ouvrage,la boîte des bureaux d'études, la boîtedes entreprises de sondages, la boîte des entreprisesde travaux, la boîte des contrôleurs techniques,, la boîtedes enseignants, la boîte des chercheurs..., chacuneavec son champ de compétence, ses règles et ses per-sonnels.

Cette évolution est contraire aux besoins de la géo-technique, dont les progrès (et même la survie) ne peu-vent venir que d'une connaissance complète du champgéotechnique, et du perfectionnement de ses acteurspar la pratique et l'accumulation d'expérience. C'est ence sens que la géotechnique se compare le mieux avecl'artisanat : chaque géotechnicien est un artisan, quidispose d'outils plus ou moins complexes, mais dont ildécide lui-même de l'usage pour élaborer un projetdont il est responsable, sur un site particulier et pourun ouvrage souvent unique. Les règles dont se sontdotés les géotechniciens au cours des années vontd'ailleurs dans ce sens.

EGéotechnique et normalisation

A part quelques exceptions, comme le Fascicule 62-Titre V applicable au calcul des fondations dans lesmarchés publics en France (1993), les textes régissantla pratique de la géotechnique sont plus des recueilsd'indications sur les moyens que des textes édictant desrègles précises. D'ailleurs, l'essentiel des règles de lagéotechnique est contenu dans des recommandationsou des < codes de bonne pratique ).

Le texte en préparation de l'Eurocode 7 (futurenorme européenne EN 1997 -1, prévue pour 2003) res-pecte cette orientation générale et exprime dès sondébut des préoccupations de compétence du person-nel qui sont la traduction en langage de normalisationde l'affirmation que la géotechnique n'est pas l'appli-cation automatique de règles et de recefies, mais néces-site de l'expérience. Il n'a pas été possible d'écrire quela géotechnique devait être pratiquée par des géotech-niciens expérimentés, mais c'est le sens de ces phrases.on lit dans la section 1 < Généralités ), paragraph e 1.4n Hypothèses ) que :

1) Les dispositions de cette norme sont fondées surles hypothèses suivantes. Les utilisateurs de la normeferont leur possibie pour assurer que :

- les données nécessaires au calcul ont été collectées,enregistrées et interprétées par des personnels possé-dant une qualification adéqu ate ;

- les ouvrages sont conçus et calculés par des person-nels possédant une qualification et une expérience adé-quates ;

- des relations et communications adéquates existententre les personnels impliqués dans la collecte des don-nées, la conception, le calcul et la construction ;

- une surveillance et un contrôle de qualité adéquatssont assurés dans les usines de préfabrication, les ins-tallations de chantier et sur le terrain ;

- l'exécution est effectuée conformément aux normeset spécifications applicables, par des personnels ayantles capacités et l'expérience appropriées ;

- les matériaux de construction et les produits sont utili-sés selon les spécifications de l'Eurocode 7 -1 ou destextes applicables aux produits ou matériaux concernés ;

- l'ouvrage sera entretenu correctement pour durerpendant toute sa durée de service prévue ;

- l'ouvrage sera utilisé comme prévu dans le projet.2) ces hypothèses doivent être prises en compte à

la fois par le concepteur et par le client (maîtred'ouvrage). Pour lever tout doute, la vérification de ceshypothèses devrait être notée par écrit, par exempledans le rapport de calcul géotechnique. . .

77REVUE FRANçAISE DE GEOTECHNIQUE

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2e lnmestre2}}e

PIus généralement, la normalisation de Ia géotech-nique, considérée comme un métier, n'est pas plusfacile à faire que celle de la médecine, autre professionoù le spécialiste doit formuler un diagnostic et propo-ser des actions sur la base d'indices externes, sans pou-voir disséquer }'objet de son étude.

Si l'on considère que Ia normalisation a pour mis-sion de définir les caractéristiques d'objets ou d'opéra-tions que l'on pourra ensuite échanger et vendre, laiongue liste des normes géotechniques françaises ouétrangères témoigne de la diversité des essais, desouwages et des techniques de réalisation que le géo-technicien doit connaître et peut utiliser. Mais l'expé-rience que I'on peut tirer des expertises, études de pro-jets ou observations faites sur des ouwages montre queIes normes restent un outil qui ne garantit pas quel'ouwage construit sera adapté à son usage. Le proces-sus de conception géotechnique suit en effet un chemi-nement en trois étapes :

- Ia première étape est la reconnaissance du site. Ellecomporte la visite du terrain, des levés géologiques,des sondages, des essais en place et en laboratoire, desreconnaissances géophysiques et produit un modèlegéotechnique du site qui sert de base pour la concep-tion de l'ouwage;- la deuxième étape est la conception et la justificationde l'ouvrage. Elle utilise l'expérience (la connaissancedes modèles d'ouvrages courants ou exceptionnels) etla créativité de I'ingénieur, plus des outils et règles dejustification;- la troisième étape est celle du suivi des travaux, quipermet de valider le projet ou de Ie modifier pour tenircompte de la réalité du site. Les outils du géotechniciensont alors l'observation visuelle, les mesures de dépla-cements et de pressions dans le terrain et dans lesouwages.

On sait normaliser les procédures d'essai, les règlesde calcul, l'exécution des travaux, même si cela n'estpas encore fait complètement. Mais on ne sait pas défi-nir a priori le processus inteilectuel qui permet deconstruire le modèle géotechnique du site et del'ouwage. Le modèle géotechnique dépend des infor-mations qu'il a été possible de rassembler sur le site etde la compétence (de I'expérience) du géotechnicien.La recherche d'informations sur le site a souvent uncoirt élevé, car les matériels de sondage et d'essai sontdes machines complexes et chères et ces prestationsprennent aussi du temps et elle doit se faire au stadedes études. L'organisation du financement des opéra-tions de construction est mal adaptée aux besoins de Iagéotechnique. Au stade des études, les budgets sontpeu importants et il est rare qu'ils puissent couvrirtoutes les investigations nécessaires (le coût de la géo-technique dans les projets de construction est rarementsupérieur à 1% du coût total de l'ouwage, dont B0 %pour les essais et sondages. Mais si l'on estime à 10 %du total du projet le coût des études, la géotechniqueen représente près de 10 %). On se trouve donc sou-vent dans la situation où les données géotechniquessont insuffisantes et le modèle géotechnique peufiable... sans compter ies cas où les sondages et essaisont été ratés ou bâclés, ou ceux où le maître d'ouvragene donne pas le temps nécessaire à l'exécution desreconnaissances géotechniques. Il est alors indispen-sable de profiter des autres phases du projet pour véri-fier le modèle géotechnique et éventuellement rectifierIe projet. Tout ceci montre pourquoi la géotechniquedevrait avoir une place à part dans la gestion des pro-

jets. Mais cela montre aussi que le géotechnicien doitsouvent utiliser son expérience plus que des résultatsd'essais.

Comme on ne peut normaliser l'expérience, paressence individuelle et nourrie des travaux de chacunet des exemples relatés dans des liwes ou des revues, lanormalisation de la géotechnique ne peut être que par-tielle. Les longs débats entre géotechnique et structurespour la préparation des Eurocodes étaient en fait desdébats destinés à préserver la part de l'expérience dansles études géotechniques. Pour prendre un exemple, laquestion a été débattue de savoir si l'on doit multiplierpar 1,35 les efforts transmis par le sol à une structurealors que le géotechnicien pense déjà avoir mis la sécu-rité nécessaire dans le calcul de ces efforts ou s'il estraisonnable de multiplier par ce même coefficient 1,35la masse volumique du sol (dont les écarts types sonttrès faibles,, quelques pour-cent au plus). Le cæur de ceproblème, du point de vue de la géotechnique, est queles hypothèses des calculs géotechniques ne sont passeulement des résultats d'essais fiables et en nombresuffisant pour faire des analyses statistiques : dansbeaucoup de cas, les hypothèses des calculs sont issuesde l'expérience et, si l'on veut modifier les coefficientsdes équations prouvant la sécurité d'un ouvrage, il fautpouvoir expliquer à chaque géotechnicien comment ildoit modifier l'usage qu'il fait de son expérience per-sonnelle. Ce n'est bien sûr pas facile.

Quelle est Ia place de la normalisation, dans un telcontexte ? Elle existe : il faut disposer de modes opéra-toires communs pour les sondages et les essais. Il estbon de définir les procédures de justification desouvrages, mais en gardant à l'esprit que la sécurité pro-vient à la fois des facteurs de sécurité et du modèle géo-technique du site. Il est bon aussi de définir les grandesrègles des procédures d'exécution des travaux. Nousavons enfin en France une norme originale qui définitles missions géotechniques (NF P 94-500). Mais nousn'avons pas de procédure de qualification des compé-tences des géotechniciens, à f instar de ce qui existedans de nombreux pays, malgré l'importance du fac-teur humain dans la pratique de Ia géotechnique. Etnous n'avons pas non plus de procédures de mesure etdonc de comparaison de la qualité des prestations four-nies. Si nous ajoutons la revendication d'une géotech-nique associée à la maîtrise d'ouvrage pour l'ensembledu projet, il reste donc un vaste espace à organiserpour que la place de Ia géotechnique dans Ia sociétésoit reconnue à sa juste importance et préservée.

EGéotechnique et rech erche

Le plaidoyer des paragraphes précédents pour unegéotechnique intégrée, où le métier de géotechnicienest l'épine dorsale d'un système reliant la reconnais-sance des sites, la conception des ouvrages et Ie suivides travaux, s'applique aussi à la recherche. Les insti-tuts de recherche en géotechnique doivent être aussides organismes reconnus pour leur compétence géné-rale en géotechnique, comme c'est le cas dans la plu-part des pays. L'expérience française des cinquantedernières années a montré l'efficacité de ce modèle, quigarantit l'intégration des nouveautés dans un proces-sus de conception validé par l'expérience et qui assureun pilotage des orientations de recherche par lesbesoins de la pratique.

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Les recherches en géotechnique font intervenir desspécialités très variées : conception de matériel demesure ou d'essai, méthodes numériques, géophy-sique, minéralogie, chimie, mécanique, rhéologie...Beaucoup d'entre elles ont des attaches avec des appli-cations dans d'autres domaines. Mais leur centrage surle champ de la géotechnique est la condition néces-saire de leur succès dans ce domaine. Si l'on ne parlepas Ie même langage,si l'on n'a pas une perceptioncomplète des problèmes à résoudre et des propriétésparticulières des matériaux et si l'on n'a pas l'occasionde valider soi-même ses productions sur des pro-blèmes réels, il est difficile d'être connu et reconnu desacteurs d'une discipline qui est aussi un métier. Oualors, il faut avoir un intermédiaire interprète,capable de comprendre et restituer les travaux dans lecontexte de ce métier,

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Gëotech nique et enseignementDans le contexte français, la question de la forma-

tion des géotechniciens se pose pour l'essentiel au-delà du baccalauréat, que ce soit au niveau desBTS/DUT ou des formations de maîtrise, d'ingénieursou de géologues. Elle peut être discutée sous plusieursangles : quels géotechniciens veut-on obtenir ? Quelest le contenu des cours et des autres activités néces-saires à l'acquisition d'un métier ? Quels enseignantssont à même de les transmettre ? Quelle formationcontinue est nécessaire ? Quelles sont les meilleurestechniques d'enseignement compte tenu de l'originedes étudiants ? Les principales composantes de la géo-technique n'existent en tant que discipline que depuisune cinquantaine d'années pour la mécanique des sols,une trentaine pour la mécanique des roches et autantpour Ia géologie de f ingénieur. L'organisation desenseignements est une prérogative des établissements,voire des professeurs, mais des commissions tech-niques des sociétés internationales de mécanique dessols et de géotechnique (SIMSG), de mécanique desroches (SIMR) et de géologie de l'ingénieur et deI'environnement (AIGE) ont été constituées pouressayer d'avoir une meilleure vue d'ensemble du dis-positif de formation dans le monde, voire de l'amélio-rer.

Partir du point de vue des enseignants peut être uneclé d'analyse utile, car le système français de gestiondes enseignants de l'enseignement supérieur, quiconduit à généraliser des carrières entières dansl'enseignement, sans contacts avec la pratique dumétier de l'ingénieur, pose quelques problèmes pourl'enseignement d'un métier comme la géotechnique.Cette difficulté n'existe pas dans les pays, comme l'Alle-magne, où les professeurs sont choisis parmi les ingé-nieurs ayant derrière eux une carrière professionnelleincluant des années de pratique et où il est considérécomme normal qu'ils continuent d'exercer une activitéd'études et d'expertises, tout en dirigeant l'enseigne-ment et la recherche.

Les quelques écoles d'ingénieurs qui n'ont pas decorps d'enseignants à titre principal et font systémati-quement appel à des professeurs ayant une autre acti-vité professionnelle principale, sont certainementmieux à même d'avoir des enseignants qui connaissentles disciplines et les métiers qu'ils enseignent pour lespratiquer eux-mêmes.

Ceci étant, le contenu de l'enseignement mériteaussi un examen approfondi : la tradition de l'Europecontinentale est de former des ingénieurs en géniecivil, dont certains acquièrent une spécialisation engéotechnique. Dans certains pays, les géologues n'ontpas Ie droit (au sens juridique) de signer des projets. EnFrance, la tradition est plus souple et le métier d'ingé-nieur, et plus encore de géotechnicien, n'est pas définidans des textes normatifs. II est donc possible d'exercerle métier de géotechnicien sur Ia basè d'une formationde géologie appliquée. Comme il n'y a pas d'ordre desingénieurs, ni d'organisation qualifiant les géotechni-ciens, la responsabilité de reconnaître la gualificationdes géotechniciens incombe à leur employêur.

Quand la géotechnique s'insère dans une formationde génie civil, les enquêtes réaiisées au cours des der-nières années ont conclu que la formation la plus légèrecomporte un cours de mécanique des sols et un coursde calcul des fondations et soutènements, souvenr avecun cours de géologie générale ou appliquée. Cette for-mation donne aux étudiants une idée des problèmesque peut poser le sol, leur donne des informations surles types d'ouvrages géotechniques et quelquesméthodes de calcul pour les ouvrages courants. Maiselle ne constitue pas une formation au métier de géo-technicien, car elle ne se préoccupe pas du point cri-tique de la géotechnique, qui est la fabrication dumodèle géotechnique du site et de l'ouvrage, quiconstitue le point de départ des calculs de justificationdemandés par les normes.

Des formations plus lourdes existent pour ceux quidésirent travailler dans le domaine géotechnique à lafin de leurs études. On y atteint une centaine d'heuresde cours, travaux dirigés et travaux pratiques, voirequelques centaines. Cela permet de donner aux étu-diants des informations détaillées dans les différentschamps de la géotechnique et de préparer des projets.Ces formations constituent un bon début nourl'apprentissage du métier de géotechnicien, quand ellessont données par des ingénieurs expérimentés. Ellessont aussi une forme de compagnonnage pour ingé-nieurs, ce qui est l'une des caractéristiques de la for-mation des artisans.

L'unanimité se fait actuellement sur l'idée oue lesingénieurs géotechniciens sortant d'école dôiventavoir des bases solides de géoiogie, mécanique dessois et mécanique des roches et acquérir le sens de lagéotechnique, c'est-à-dire les réflexes communs à tousles géotechniciens expérimentés, qui savent quels sontles éléments importants et les pièges possibles dansles données géotechniques et Ia conception desouvrages. Les discussions portent sur la quantité demodélisation à introduire dans les programmes et surles nouvelles techniques, dont les promoteurs aime-raient bien qu'elles deviennent des sujets à partentière, ce qui est difficile dans une ambiance généralede réduction du volume des enseignements tech-niques.

L'organisation de Ia formation continue dépend àl'évidence des règles du jeu social : dans les payscomme la France où les diplômes d'ingénieur sontcontrôlés, mais pas la qualification professionnelle despersonnes qui exercent le métier d'ingénieur, les courspeuvent être organisés de façon assez informelle, sansdélivrance de diplômes. Dans les pays où l'enregistre-ment des ingénièurs est obligatoiie, comme lesitats-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni, des systèmes devalidation des cours de formation continue ont été mis

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en place au cours des dernières années. Là encore , Iatendance est plutôt au compagnonnage, c'est-à-dire àla transmission de l'expérience d'ingénieurs expéri-mentés, qu'à des cours académiques.

EConclusion

A I'issue ce plaidoyer pour l'affirmation et la recon-naissance du caractère intégré de l'exercice de la géo-technique, nous allons simplement rappeler quelquesidées qui pourraient servir de base à une politiqued'avenir pour ce champ d'activité majeur pour lasociété :

- Ia première idée est que la géotechnique est un métierqui s'appuie sur des outils et compétences pluridisci-plinaires mais nécessite aussi une expérience acquisesur le terrain, par compagnonnage et par la pratiquepersonnelle d'études et d'expertises. Il nous paraît utileque ce métier soit reconnu et que les carrières profes-sionnelles des géotechniciens soient organisées pourleur permettre de progresser continûment en connais-sances et en compétences ;

- la deuxième idée est que l'histoire des dernièresdécennies a montré que le rassemblement dans les

mêmes organismes des fonctions d'études, d'expertise,de recherche et d'enseignement crée les conditions duprogrès technique, d'une formation efficace des géné-rations suivantes et de Ia gestion collective du patri-moine des connaissances au service des différentescomposantes de la société. Ce type d'organisation, dontl'objectif est l'excellence et une position de référencenationale et mondiale, doit être privilégié et préservépour assurer le développement permanent de la géo-technique dans ses différents champs d'application ;

- la troisième idée est que la place de la géotechniquedans l'élaboration des projets et l'exécution des travauxdoit être restaurée, en évitant par-dessus tout le mor-cellement du suivi géotechnique d'un projet au gré desappels d'offres des phases successives du projet. Lecoût des reconnaissances devrait être prévu au niveauadéquat dès les études et les différentes phases del'étude confiées au même géotechnicien, afin de per-mettre f interaction nécessaire entre les prévisions desétudes et 1'observation de la réalité des sols et desroches pendant les travaux ;

- il faut enfin développer les actions de promotion durôle indispensable de la géotechnique pour les réalisa-tions du génie civil ou plus généralement de l'aména-gement des espaces, mais surtout pour Ia gestion desrisques naturels auxquels les sociétés modernes accep-tent de moins en moins d'être soumises.

Dunnicliff J., Deere D.U. tEd.) 1984 - Jud-gement in geotechnical engineering. Theprofessional legacy of R.B. Peck. AWiley-lnterscience Publication, NewYork, John Wiley and Sons, 332 pages.

Norme EN 1997-1 2003 - Calcul géotech-

nique. Partie '1. : Règ1es générales.Comité européen de normalisation(CEN) et Associations nationales de nor-maiisation (A paraître).

Fascicule 62 - Titre V. 1993. Règles tech-niques de conception et de calcul des fon-

dations des ouvrages de génie civil.Cahier des clauses techniques généralesapplicables aux trtarchés publics de tra-vaux. Fascicule ÀIo 62. Titre V. Ministère de\'Équipement, du Logement et des Trans-ports, textes officiels , n" 93/3, 1BZ pages.

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