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Il existe à travers le monde de nombreux monuments qui demeurent inexpliqués, vestiges de civilisations inconnues : de l'Irlande à l'Afrique, de l'Amérique du Sud à la Sardaigne, on en compte plusieurs milliers.

Fernand Niel a sélectionné huit lieux particulièrement carac- téristiques, ceux dont les secrets ont le plus suscité l'intérêt des chercheurs et des curieux : Stonehenge, les alignements de Carnac, les nouraghes de la Sardaigne, la grande pyramide, Zimbabwé, l'île de Pâques, les dessins de la Nazca, Tiahuanaco.

Délaissant toutes les expli- cations aventureuses et les hypo- thèses fantaisistes, l'auteur fait le point des connaissances scienti- fiques sur le sujet : description, date, origine, histoire, légendes, destination, techniques de construction, résultats des fouilles. Il s'efforce surtout de se mettre à la place des constructeurs, de saisir de l'intérieur le mystère de ces monuments énigmatiques.

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MONUMENTS MYSTÉRIEUX DU MONDE

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

ALBIGEOIS ET CATHARES, Presses Universitaires de France.

MONTSÉGUR, TEMPLE ET FORTERESSE DES CATHARES D'OCCITANIE (épuisé).

DOLMENS ET MENHIRS, Presses universitaires de France.

LA CIVILISATION DES MÉGALITHES. Plon (épuisé).

LES CATHARES DE MONTSÉGUR, Seghers.

STONEHENGE, TEMPLE MYSTÉRIEUX DE LA PRÉHISTOIRE, Robert Laffont.

CONNAISSANCE DES MÉGALITHES, Robert Laffont.

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Fernand Niel

Monuments 0 mystérieux

du monde

Fayard

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Tous les dessins, plans, cartes et croquis sont de l'auteur.

@ Librairie Arthème Fayard, 1979.

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« Le plus beau sentiment que l'on puisse éprouver, c'est le sens du mystère. C'est la source de tout art véritable, de toute vraie science. Celui qui n'a jamais connu cette émotion, qui ne possède pas le don d'émer- veillement, autant vaudrait qu'il fût mort, ses yeux sont fermés. »

Albert EINSTEIN

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Introduction

Monuments mystérieux, monuments inexpliqués... Encore nom- breux dans le monde, plus ou moins bien connus, plus ou moins bien observés ou étudiés, ils offrent des particularités qui leur sont commu- nes, et sur lesquelles on peut faire quelques observations prélimi- naires.

En premier lieu, ils sont uniques chacun en leur genre. Aucun ne ressemble à l'autre. Bien plus, ils ont une personnalité nettement marquée, qui les distingue et les retranche de tous les monuments dispersés sur notre planète. De la sorte, ils échappent à toute étude comparative. . La plupart, du moins les mieux connus, ont donné lieu à une

abondante littérature, à une multitude d'ouvrages les plus divers, venus de tous les horizons de la pensée humaine. Pour l'un de ces monuments, qui fait l'objet d'un de nos chapitres, d'ailleurs, une bibliographie, établie au début de ce siècle, comportait plus de sept cents titres ! De combien de centaines ce chiffre devrait-il être aug- menté aujourd'hui ? Très heureusement, deux ou trois tendances seulement paraissent se manifester dans cet océan d'opinions écri- tes. Prenons un exemple, celui du fameux trilithon de Baalbeck.

Il s'agit de trois monolithes gigantesques, servant de soubasse- ment à un temple construit avec des éléments que l'on ne saurait comparer à ces blocs démesurés. Que n'a-t-on pas dit, sur le trilithon de Baalbeck ! C'est, il est vrai, quelque chose de monstrueux et d'insolite, dont on ne voit aucun autre exemple dans le monde. Mais les opinions émises se situent autour de deux points de vue

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extrêmes. On verrait, dans cet ensemble, une plate-forme d'envol ou d'atterrissage, pour des cosmonautes venus d'une autre planète. Tout simplement. Ou bien, on y voit le soubassement du temple érigé au- dessus et consacré à Jupiter. Tout aussi simplement.

Une autre attitude apparaît dans cette abondante littérature. Elle consiste à se taire sur des points susceptibles de faire chanceler les hypothèses les plus farfelues ou les plus savantes. Ce silence est-il volontaire ou non ? Il est difficile de se prononcer. Un deuxième exemple nous fera mieux comprendre.

Nous connaissons un vieux château féodal dont les ruines gardent encore une belle salle voûtée en croisée d'ogives sur laquelle on s'est empressé d'appliquer l'étiquette « chapelle ». L'opinion est à peu près unanime. Si l'on ne dit pas qu'il s'agit d'une ancienne chapelle, on se contente de signaler l'existence de cette salle, de la décrire, sans essayer de l'expliquer davantage. Jusqu'ici, rien que de tout à fait normal. Mais où l'affaire se complique, c'est qu'à l'in- térieur de cette « chapelle » existent les vestiges non équivoques d'une ancienne cheminée. Comme il est assez difficile d'expliquer la présence d'une cheminée dans une chapelle médiévale, on ne dit rien sur cette présence plutôt gênante. On fait comme si elle n'existait pas. Si cette méthode du silence n'est pas générale, elle est des plus répandues.

Les diverses attitudes devant les mystères de plusieurs monuments anciens s'expliquent dans une certaine mesure. Si la nature à hor- reur du vide, il en est qui ont horreur de l'inexpliqué, du mystère, et qui, par tous les moyens, depuis le mensonge et le silence, en passant souvent par la sottise, veulent à tout prix «démystifier ». Il en est encore qui sont de bonne foi, d'une sincérité parfois désarmante, mais trop souvent victimes de la « folle du logis ». Ce sont les pseudo- scientifiques, les farfelus. Leur nombre est incalculable et il faut les excuser. N'est pas initié qui veut et l'on doit se résigner : il n'est personne qui ne se sentant illuminé, ne veuille illuminer les autres...

La question se complique avec les opinions des scientifiques, des savants, de ceux dont on se plaît à faire précéder le nom d'une autre étiquette, celle de « professeur », ou quelque chose d'équivalent. A première vue, il semblerait qu'ils soient les mieux qualifiés pour percer le mystère de certains vestiges. Ils y parviennent, parfois, mais en partie seulement. La science archéologique ne parvient pas à lever un coin de voile, à peu près uniquement en ce qui concerne ce

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qui est au-dessous du terrain, donc, ce qui reste invisible aux yeux du profane. Qui dit « archéologie » dit « fouilles », avec interpré- tation de leurs résultats. Quant à expliquer ce qui est au-dessus du terrain, c'est une autre affaire.

Certes, nous sommes bien loin de méconnaître l'intérêt et l'uti- lité des fouilles. Nous en savons quelque chose. Si Schliemann n'avait pas fait donner des coups de pioche dans les collines d'Hissarlik, il n'aurait pas découvert le site de Troie, et cet exemple n'est pas unique, loin de là. Ce que nous voulons dire, c'est ceci : voilà un impressionnant dolmen, comme nous en ont tant laissé les construc- teurs de mégalithes. La description du monument lui-même, ou les problèmes qu'il pose, sont expédiés en quelques mots, lorsque les préhistoriens veulent bien en parler. Par contre, ils s'étendent très longuement sur les tessons de poterie, ou les éclats de silex, trouvés au cours des fouilles. Leurs comptes rendus sont parfois d'une mono- tonie désespérante, et il nous est arrivé de manquer du courage nécessaire pour en achever la lecture.

On s'étonne, à juste titre, que les ouvrages farfelus aient davantage de succès auprès du public que ceux des savants spécialistes. Mais à qui la faute ? Nous ne voudrions certes pas que les archéologues et les préhistoriens se mettent à faire du roman, mais nous souhaiterions que leurs exposés et leurs conclusions soient moins entachés de silence ou d'affirmations gratuites, et pas écrits uniquement à l'in- tention de leurs « savants confrères ».

L'archéologie officielle répond à de nombreuses questions, cela est certain, mais pas à toutes, nous l'avons dit. Et, malheureusement, ce sont ces questions sans réponse qui sont les plus importantes, les plus difficiles à résoudre, celles qui s'imposent à l'esprit. Il faut le recon- naître : accepter les points d'interrogation n'est pas une solution apai- sante. On est irrité de ne pouvoir résoudre certains problèmes et, de guerre lasse, on veut les ignorer ou les transformer. Ou bien, on perd son temps à contredire les farfelus, tâche toujours facile, qui détourne le lecteur du véritable problème.

Cet ouvrage se limite à certains monuments mystérieux, non pas tous, naturellement, mais choisis parmi ceux qui ont suscité une abondante littérature, provoqué des passions, des discussions intermi- nables et, finalement, laissé les uns et les autres dos à dos. Est-ce à dire que l'on trouvera, dans les pages qui suivent, une solution aux problèmes posés par ces monuments énigmatiques ? Pareille préten- tion friserait le ridicule. Il nous arrivera peut-être de donner des opinions personnelles sur quelques détails, mais nous le préciserons.

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Et, pour terminer ce préambule, nous dirons comment nous sommes arrivé à nous intéresser à ce genre bien particulier de vestiges.

C'est au cours d'une excursion à Minorque, la deuxième des Ba- léares. Il s'y élève de singuliers monuments, appelés taoulas, mot que l'on peut traduire par « tables ». Ce sont des ensembles compo- sés de deux pierres seulement, l'une plantée verticalement dans le sol, l'autre posée à l'horizontale au sommet de la première.

Figure 1

Pour assurer une certaine stabilité, un tenon, aménagé en haut de la pierre verticale, correspond à une mortaise creusée sur la face inférieure de la pierre horizontale. Les blocs sont travaillés en forme de parallélépipède pour le montant vertical, et en tronc de pyramide renversé pour la table. Leur hauteur actuelle est très variable, allant de 1,50 à 4,50 m au-dessus du sol. On en compte à peu près. une quinzaine dans l'île, mais il y en eut certainement davantage autrefois.

Voilà donc des monuments passablement mystérieux. On ne les trouve que dans l'île de Minorque. Il n'en existe pas à Majorque, ni dans d'autres îles, ni sur le continent. Rien qui pourrait servir de point de départ ou d'intermédiaire. C'est vraiment une création spon- tanée d'une peuplade qui vécut dans l'île à une certaine époque. D'autre part, cette peuplade n'était pas composée d'hommes incultes.

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Ils étaient organisés en société, connaissaient l'art de tailler la pierre, et celui de jucher des blocs de plusieurs tonnes à une hauteur plus ou moins considérable. Bref, ils appartenaient à un peuple déjà évo- lué, mais dont on ne sait pour ainsi dire rien.

D'ailleurs, arriverait-on à mettre un nom derrière les construc- teurs, parviendrait-on à préciser l'époque à laquelle ils vivaient que nous ne reconnaîtrions pas pour autant le but poursuivi. A quoi donc ont pu servir des monuments aussi étranges ? Ce sont des tombeaux, disent certaines personnes « hautement qualifiées ». Affirmation tout à fait gratuite, puisque rien ne vient justifier cette opinion. Au cours des fouilles, pas la moindre trace d'ossements humains qui permette d'appuyer cette explication passe-partout. Mais, dira-t-on, que faites- vous de la nature du terrain, qui ne permet pas la conservation des ossements, et des bouleversements antérieurs dus, pour la plupart, aux « chercheurs de trésors » ou aux « pilleurs de tombeaux » ? Nous l'avouons, cette « providence des nécromanes » ne nous a jamais en- thousiasmé et, s'il nous arrive de l'évoquer, c'est toujours avec pru- dence sauf, bien entendu, s'il s'agit de faits constatés et prouvés, ce qui est bien rarement le cas.

Toujours au sujet de nos taoulas, d'autres voix autorisées intervien- nent : « Ce sont des autels. » D'accord pour les plus basses, mais pour certaines, il faudrait des échelles pour y officier ! Une voix bien différente se fait alors entendre : c'étaient des piliers destinés à sup- porter la charpente d'une toiture. On pourrait continuer, mais tout cela n'a guère plus de valeur qu'une hypothèse préconisant que ces monuments étaient des perchoirs pour des précurseurs de Siméon le Styliste. On nous dispensera d'ajouter une affirmation gratuite de notre cru.

Notre choix s'est porté sur les sites ou monuments suivants : Sto- nehenge ; — les Alignements de Carnac ; — les Nuraghes de la Sar- daigne ; — la Grande Pyramide ; — Zimbabwe ; — les Statues de l'Ile de Pâques ; — la Nazca et Tiahuanaco. Ce programme est à la fois modeste et ambitieux, parce qu'il laisse pour compte quantité d'au- tres monuments inexpliqués ; ambitieux, parce qu'il traite de sujets longuement étudiés par un grand nombre d'auteurs et que nous ne faisons, en somme, que nous ajouter à une liste déjà bien longue. C'est exact et nous en avons conscience.

Cependant, si nous ne le résolvons pas, nous proposons les pro- blèmes. C'est là toute notre ambition. Ces problèmes consistent à

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répondre de façon convaincante aux quatre questions que nous avons posées, depuis longtemps, dans plusieurs de nos ouvrages:

Quand ? Par qui ? Comment ? Pourquoi ? Tant qu'une seule de ces questions demeurera sans réponse satis-

faisante, pour un ou plusieurs vestiges du passé, il y aura des monu- ments mystérieux...

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CHAPITRE PREMIER

Un temple mystérieux de la préhistoire

STONEHENGE

« ... Cest ouvrage si vanté qu'on nomme des Géants de la danse, ... est une œuvre qui nous fait voir quel estoit l'art et le pou- voir du grand Merlin qui l'a formée... »

Anonyme, inspiré par GEOFFROY DE MONMOUTH

Fig. 2 — Stonehenge reconstitué

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L'ensemble mégalithique de Stonehenge se situe dans la partie mé- ridionale de l'Angleterre, à 120 km environ au S.E.E. de Londres, ' et à 18 km au nord de Salisbury, chef-lieu du Wiltshire. La localité la plus proche est Amesbury, traversée par l'Avon, petit fleuve cô- tier qui va se jeter dans la Manche après être passé par Salisbury. Une distance de quatre kilomètres seulement sépare Amesbury de Stonehenge.

Fig. 3 — Stonehenge et ses environs

On a dit que l'on éprouvait souvent un sentiment de déception au cours d'une première visite à Stonehenge. C'est un peu vrai, et cette déception tient à plusieurs causes. Tout d'abord, le monument n'est plus isolé au milieu de la grande plaine de Salisbury. Il est juste en bordure de la route de Londres à Warminster, Baht et Bris- tol, et à proximité des immenses camps militaires de Tildworth, Bul- ford, Larkill et Tilshead. De sorte que le premier contact a lieu fréquemment dans le vacarme d'une intense circulation, augmentée, à l'occasion, du fracas d'interminables convois militaires. Approchons, cependant.

Ce qui frappe le regard est une sorte de colonnade, un péristyle composé de pierres énormes, mais de formes assez régulières, réunies

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deux à deux à leur sommet par des linteaux de même nature. Si l'on voit très vite que cette colonnade est incomplète, puisqu'il manque une grande partie de la circonférence, il en reste suffisamment pour retenir le regard, et cette imposante partie du monument provoque parfois une certaine admiration. Certes, on a remarqué d'autres pier- res, plus hautes encore, dressées en arrière de ce péristyle, mais ces blocs demeurent plus ou moins visibles. La première idée est donc celle d'un monument relativement bien conservé, mais cette impres- sion est fausse.

Sitôt à l'intérieur, après avoir franchi l'une des « portes », consti- tuées par deux colonnes et leur linteau, on est au milieu d'un ensem- ble d'une extrême complication où il est difficile de s'y reconnaître

. sans un plan explicatif. Quelques pierres dressées, de hauteur plutôt faible, ou des groupes géants, composés chacun de deux énormes montants, réunis eux aussi à leur sommet par un linteau, essayent de

Fig. 4 — Plan des ruines de Stonehenge, telles qu'elles se présentaient aux visiteurs avant les travaux de restauration

(En noir, pierres debout. En pointillé, pierres couchées.)

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donner l'illusion d'un certain ordre, mais tout le reste forme le plus beau chaos que l'on puisse imaginer.

Ce sont partout des blocs penchés ou couchés, parfois les uns sur les autres, à demi enterrés, entiers ou brisés en deux ou trois tronçons, tout cela donnant parfaitement l'impression que Stonehenge a subi les effets d'un séisme et non ceux d'une destruction voulue par l'homme. Et voici une nouvelle cause de déception : on aborde le monument par son côté le mieux conservé, mais derrière une façade. trompeuse se cachent les ruines et le désordre1.

Là-dessus viennent s'ajouter les inconvénients particuliers à tous les lieux célèbres. Le parking est trop petit pour contenir les véhicules de toutes catégories qui amènent les visiteurs en vagues successives et ininterrompues. Certains jours, on croirait assister au défilé de toute la population d'un comté : militaires de toutes armes, groupes de voyages organisés, patronages en uniformes, vieilles demoiselles en chapeaux roses ou lilas, familles entières, pasteurs ou clergy- men, etc. Tous ces gens formant une foule très pittoresque, mais une foule quand même. Nouvelle cause du désappointement. Les visiteurs déambulent, discutent, les enfants sautent sur les pierres couchées, jouent à cache-cache à travers les montants, et il est très difficile de faire quelques pas sans rencontrer un objectif braqué sur une ou plusieurs personnes, posant au pied d'un monolithe.

Très heureusement, le ciel vient parfois secourir les fervents des choses du passé. En effet, sur la Salisbury Plain, le temps fait preuve d'une inconstance remarquable, et il n'est pas rare de voir, dans une même journée, jusqu'à trois ou quatre périodes de pluie, alternant avec le soleil. De sorte qu'avec les premières gouttes, la foule s'éva- nouit aussi vite qu'elle était venue, pour laisser seulement quelques héroïques visiteurs, vêtus pour la circonstance et blottis derrière les montants. Après avoir goûté la mélancolie qui émane de ce singulier monument, l'esprit peut se poser les premières questions.

La sensation dominante éprouvée non seulement au cours d'une première visite, mais aussi à mesure que l'on en approfondit davan- tage l'étude, reste, à notre avis, celle de se trouver devant des vestiges de style, d'époque et de civilisations inconnus. On n'arrive pas à met- tre un nom derrière les constructeurs, et l'on se montrerait volontiers

1. Des travaux de restauration, entrepris il y a une vingtaine d'années, en redressant quelques montants, ont un peu diminué cet aspect chaotique.

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indulgent envers ceux qui attribuèrent Stonehenge à l'action giratoire des eaux au cours des périodes glaciaires, à l'œuvre d'éléphants su- périeurement intelligents ou aux Indiens Apalaches ! Il faut se rési- gner. Stonehenge échappe à toute comparaison. Il est seul, désespé- rément seul, sans ascendance ni descendance. Comme l'écrivait le romancier Henry James, « il se dresse aussi solitaire dans l'Histoire que sur la grande plaine... ».

Essayons tout de même de mettre un peu d'ordre dans le chaos présenté, à première vue, par cette étrange construction.

Le temple proprement dit se composait d'abord d'un cercle de trente pierres dressées, dit « Cercle de sarsen » (voir plan actuel des ruines, fig. 5), réunies à leur sommet par des linteaux, le tout for- mant ce péristyle dont nous avons remarqué la partie encore intacte à notre arrivée. Le mot sarsen sert à désigner une formation appar- tenant au tertiaire éocène, blocs de grès éparpillés en surface, prin- cipalement au nord du Wiltshire, dans les Marlborough downs. Les montants du cercle de sarsen ont une hauteur moyenne actuelle de

Fig. 5 — Plan de l'état actuel des ruines

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4,10 m sous le linteau. En plan, chacun dessine un rectangle de 1,14 m de largeur sur 2,13 m de longueur. Ils laissent entre eux un espa- cement moyen de 1,067 m correspondant à la moitié de la longueur.

Ces montants sont réunis, disions-nous, à leur sommet par des linteaux. Ceux-ci mesurent environ 3,200 m, c'est-à-dire la longueur d'un montant augmentée de l'espacement. La largeur de ces linteaux est de 1,07 m, et leur hauteur ou épaisseur de 0,81 m. Leur face supérieure est donc à 4,92 m en moyenne au-dessus du terrain. Mais c'est le mode de fixation de ces linteaux au sommet des montants qui est tout à fait remarquable. Chacun de ces montants portait deux protubérances, taillées dans la masse et espacées de 1,07 m centre à centre, longueur de l'intervalle entre les piliers. Ces tenons s'enga- geaient dans des mortaises creusées dans la face inférieure des lin-

Fig. 6 — Dispositif d'assemblage des linteaux du cercle de Sarsen

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teaux, empêchaient tout déplacement latéral de ces derniers, en les fixant définitivement au sommet des pierres dressées. En outre, cha- que linteau était réuni à son voisin par un dispositif également remar- quable : un assemblage à section triangulaire et à double entaille, comme indiqué sur la figure. On peut appeler ce dispositif « joint en V » et les Anglais disent toggle joint. Comme on l'a fait remarquer, cela relève plutôt du travail de charpente et non de celui de la pierre, surtout avec des blocs de cette dimension.

En plan, les linteaux étaient taillés en courbe, de façon à dessiner une circonférence parfaite, une fois assemblés. L'horizontalité du plan, passant par la face supérieure des linteaux, est assurée à la perfection. On peut dire que le cercle des linteaux demeurait la figure de Sto- nehenge qui tendait le plus vers la rigueur géométrique, la colonnade des montants étant plus irrégulière, du moins en ce qui concerne le travail de la pierre. Cette perfection n'était guère sensible depuis le sol, mais il fallait, peut-être, que le dieu Soleil puisse contempler d'en haut le cercle parfait qui le représentait.

La face inférieure des montants, la plus unie en général, est tan- gente à un cercle de 29,56 m de diamètre. Les trente pierres sont exactement placées sur ce cercle théorique, l'erreur dépassant à peine- 8 ou 10 cm. Signalons encore l'exactitude de la division de la cir- conférence en trente parties égales. Partons du milieu de l'intervalle, qui sépare deux montants, et traçons, sur le cercle, des divisions égales à douze degrés. Chacun des montants augmenté de l'espacement qui le sépare de son voisin s'inscrit exactement dans l'une de ces divisions. Si l'on se reporte dans le Wiltshire, à 1 500 avant notre ère, le Cercle de sarsen et sa couronne de linteaux suffiraient à donner l'illusion que Stonehenge fut l'œuvre de quelque magicien. Combien de pay- sans, de nos jours, sur la Salisbury Plain ou ailleurs, sauraient diviser une circonférence en trente parties égales ? A bien plus forte raison, devient-il très difficile d'imaginer de telles notions, connues des tribus agricoles ou pastorales, d'il y a trois ou quatre millénaires.

Avant de poursuivre, indiquons comment, depuis Flinders Petrie, on a pris l'habitude d'attribuer un numéro à chacune des pierres du monument. Il suffit de jeter un coup d'œil sur le plan de référence (fig. 7) pour comprendre cette numérotation, c'est un procédé très simple, évitant de fastidieuses répétitions et, du reste, unanimement adopté. On le constatera, les trente pierres de sarsen, qu'elles soient debout, couchées ou disparues, ont reçu chacune un numéro.

Nous ne ferons pas état de quelques anomalies, lesquelles, d'ail- leurs, n'entachent pas la régularité géométrique de l'ensemble, à l'ex-

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Fig. 7 — Plan de référence (En noir, pierres en place. En blanc, pierres manquantes ou à terre)

ception d'une, toutefois. Il s'agit du montant numéro 11. Ce monolithe ne mesure, en effet, que 2,44 m au-dessus du sol, soit, approxima- tivement, la moitié de celle des autres montants, augmentée de l'épaisseur des linteaux. Ses dimensions en plan sont d'environ 1,22 x 0,66 m et elles ne sont pas loin de valoir également la moi- tié de celles des piliers normaux. La pierre numéro 11 offre donc un caractère tout à fait insolite. Dans un ensemble aussi parfait que le Cercle de sarsen, où l'on n'a pas reculé devant des difficultés de toutes sortes, le fait apparaît étrange et, naturellement, quelques ex- plications ont été données.

Nous n'en parlerons point. C'est toujours la même méthode :

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devant une particularité inexplicable, ou bien on émet une opinion souvent farfelue ou bien l'on se retranche derrière un « silence pru- dent ». Il nous paraît certain que cette anomalie a été voulue par les constructeurs. S'ils avaient voulu mettre en cet endroit un pilier comme les autres, rien ne les aurait arrêtés. Quoi qu'il en soit, étant donné sa hauteur, la pierre numéro 11 marquait une interruption dans le cercle des linteaux, ou alors nous devons envisager, enjambant l'espace au-dessus de ce pilier, un linteau double des autres, c'est- à-dire d'une longueur de 6,40 m et d'un poids de 13 à 14 t. Cela ne serait pas impossible, puisque les sommets des montants voisins 12 et 10 portent chacun deux tenons. A moins qu'à l'origine on ait prévu et mis en place un pilier normal, remplacé par la suite, pour des raisons inconnues, par la pierre actuelle. Des fouilles autour de celle-ci permettraient sans doute de résoudre le problème.

Cette pierre marquait-elle l'entrée du temple, comme le suggérait, vers la fin du siècle dernier, un auteur britannique, Edgar Barklay, l'un des rares à avoir tenu compte du fait ? C'est possible, d'autant plus qu'il existe, sur le même rayon que cette pierre, dans le terras- sement circulaire qui entoure à distance le monument proprement dit, une sorte de coupure. De plus, le méridien du centre du Cercle de sarsen passe très près du bord ouest de la pierre numéro 11, à 60 cm environ.

Mais le plus étonnant, et le plus amusant aussi, est l'obstination mise par la majorité des chercheurs britanniques à ignorer les consé- quences des faibles dimensions de la pierre numéro 11. A l'exception notamment d'Edgar Barklay, à peu près tous, dans leur reconstitution du monument, font exactement comme si ce montant ne se différen- ciait en rien de ses voisins. Le cercle des linteaux est continu et le pilier numéro Il est dessiné comme tous les autres. On croirait vrai- ment qu'ils veulent à tout prix ignorer un fait qui saute aux yeux de quiconque.

Pour en terminer avec le Cercle de sarsen, nous noterons une autre particularité, qui peut-être a fait partie des secrets du magicien. La hauteur des montants, augmentée de celle des linteaux, soit 4,92 m, est exactement égale au sixième du diamètre du cercle, ou au tiers du rayon. Et si, maintenant, nous divisions cette dimension, 4,92 par la trentième partie de la circonférence, c'est-à-dire la longueur d'un montant plus l'intervalle, soit 3,095 m, on obtient un rapport très voisin de 1,6. Ce rapport pourrait expliquer l'impression de propor- tions justes et d'harmonie, éprouvée devant cette partie de Stonehenge.

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Le Cercle de sarsen est doublé, à l'intérieur, d'une autre figure circulaire, appelée « Cercle des pierres bleues ». Il s'agit tout simple- ment de pierres brutes, de faibles dimensions, de hauteur assez va- riable, allant de 0,70 à 2 m. Elles appartiennent à une formation géologique très différente de celle des sarsens. Ce sont des roches éruptives proches du basalte ou de même composition que le granit, connues en géologie sous le nom de « dolérite » et de « rhyolithe ». Elles ont, paraît-il, des reflets bleutés, surtout lorsqu'elles ont été lavées par la pluie, d'où leur appellation.

Les auteurs britanniques sont loin d'être d'accord sur le nombre de pierres bleues du cercle à l'oiigine. Le chiffre de 40, proposé en

Fig. 8 — Les correspondances diamètrales dans le cercle des pierres bleues

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1723 par Stukeley, était à peu près unanimement accepté, jusqu'aux travaux exécutés vers 1956 par les archéologues Pigott et Atkinson. Au cours de ces travaux, on découvrit des tronçons de pierres bleues et même des trous ayant reçu une pierre. De sorte que l'on devrait envisager, à présent, le nombre de 60 environ. D'autres savants, comme Matthew Flinders Petrie, ont pensé que le cercle des pierres bleues n'avait jamais été achevé. Nous sommes de cet avis.

Six pierres seulement du cercle des pierres bleues sont encore de- bout, cinq sont inclinées et sept gisent à terre. Il en reste donc dix-huit. Le diamètre de la figure est de 23,30 m environ, soit à un peu plus de trois mètres à l'intérieur du Cercle de sarsen. Une constatation, très importante selon nous, a été déjà formulée. La plupart des pier- res bleues du cercle, qu'elles soient debout ou couchées, sont opposées deux à deux par rapport au centre et donc, par couple, les extrémités d'un même diamètre. Cela est étrange et l'on a pensé, non sans ràison, que le cercle des pierres bleues avait toujours été composé d'un nom- bre de blocs à peine supérieur à celui des pierres qui restent.

Fig. 9 — Le double cercle incomplet des pierres bleues ou Stonehenge II

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Les destructeurs n'auraient certainement pas choisi des monolithes opposés.

Nous ne ferons pas état des complications entraînées par les mo- nolithes du cercle des pierres bleues. Nous indiquerons seulement un double cercle de pierres bleues. Ce dispositif aurait été démantelé lorsque l'on décida d'édifier la grande structure de sarsen.

Le double cercle était érigé sur celui des trous indiqués Q et R, dans les études plus détaillées sur Stonehenge (voir fig. 9) ; mais il ne fut jamais achevé.

A l'intérieur du cercle des pierres bleues se dressaient cinq gigan- tesques trilithes en pierres de sarsen, disposées en fer à cheval. Ils

Fig. 10 — Le grand trilithon

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constituent la partie la plus impressionnante de Stonehenge. Il est bien rare que l'un de ces ensembles ne soit pas dessiné en frontispice, ou reproduit sur la couverture des livres consacrés à ce monument. Cette silhouette unique se reconnaît tout de suite. On ne la rencontre nulle part ailleurs que dans ce coin du Wiltshire, et l'on y sent la marque originale du grand maître-d'œuvre qui présida à l'érection du sanctuaire.

Si les cinq trilithons avaient la même longueur, c'est-à-dire celle des linteaux qui les surmontaient, soit 4,70 m environ, par contre, la hauteur était différente. Le trilithon central, le plus élevé, mesurait 7,77 m, y compris l'épaisseur de son linteau, ses deux voisins, 6,47 m, et ceux des extrémités du fer à cheval, 6,10 m. Ici, le magicien a montré ses talents d'illusionniste, car chaque élément donne nettement l'impression d'être plus haut qu'il n'est en réalité. Comment cet effet a-t-il été réalisé ? C'est sûrement une question de proportions. Si l'on divise la hauteur du trilithon central par sa longueur, c'est-à-dire 7,77 par 4,66, on obtient 1,66 ou 1 2/3. En répétant la même opération pour les autres trilithons, on aurait 1,33 et 1,4. Ceci semble bien avoir été calculé à l'avance, les éléments ayant la même longueur. Et, pour obtenir cet effet, on n'a pas hésité à sacrifier à la stabilité. Ainsi, le montant 56 du grand trilithon s'enfonce de 2,36 m dans la terre, tandis que son compagnon, le 55, était enterré d'à peine 92 cm. Ce déséquilibre a sans doute été la cause de la chute de ce magnifique ensemble. Quant au trilithon 57-58, aujourd'hui restauré, ses mon- tants étaient si peu enfoncés dans le sol que l'on se demande comment il a pu demeurer si longtemps debout, jusqu'en 1797, date de sa chute.

Nous n'avons pas cru nécessaire de préciser que les linteaux étaient fixés, à l'exemple de ceux du Cercle de sarsen, au sommet des mon- tants par des tenons s'emboîtant dans des mortaises. Ce système de fixation d'une pierre au sommet d'une autre, avec mortaise et tenon, n'est pas particulier à Stonehenge. Nous en avons vu, à Delphes, des blocs portant à leur face supérieure des tenons exactement semblables. C'est également le dispositif dont on s'est servi à Minorque pour les bilithes appelés « taoulas ». Et c'est encore le système employé à l'île de Pâques, pour empêcher la chute du cylindre de pierre qui coiffait . certaines des fameuses statues. Il doit en exister d'autres exemples.

Nous n'insisterons pas sur certains détails, qui n'apparaissent, croi- rait-on, que pour servir d'exemples car ils sont particuliers à un ou plusieurs monolithes seulement. Des côtés de montants ont été galbés de façon à leur donner un entasis. Le linteau du trilithon 53-54 est

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taillé en tronc de pyramide renversé, afin d'atténuer les effets de la perspective \ Quant aux linteaux des autres trilithons, ils étaient moins bien travaillés, y compris celui du trilithon central. Celui du 51-52 est tout strié de cannelures et criblé de trous, dans lesquels nichent des oiseaux. Un nid d'étourneaux pouvait même se voir entre un tenon et sa mortaise.

Encore à l'intérieur de la figure dessinée par les cinq trilithons de sarsen, se trouvait un nouveau dispositif de pierres bleues, au nombre de dix-neuf, dressées en fer à cheval. Ces dernières, à l'encontre de celles du cercle, étaient travaillées de façon à leur donner une forme conique, comme des sortes d'obélisques. Elles sont espacées entre elles d'environ 2 m. Leur hauteur varie de 1,85 à 2,85 m, et va en décrois- sant, à partir du milieu de la figure, et en allant vers les ailes.

Peu de chose à ajouter sur le fer à cheval des pierres bleues, sinon deux particularités, somme toute assez déroutantes. On peut remar- quer des traces d'anciens tenons, au sommet de deux d'entre elles, indice qui laisse envisager la construction de trilithons de pierres bleues. Effectivement, sur le tracé du cercle, on peut voir deux pierres bleues portant une paire de mortaises. Il semble donc qu'à l'origine on ait voulu construire à Stonehenge une structure de pierres bleues composée de trilithons et d'un cercle. Mais il semble également que cela fut précédé ou suivi de tentatives diverses, car le nombre de trous, dans lesquels on aurait dressé des pierres bleues, est assez élevé et très diversifié. Nous n'entreprendrons pas une description qui s 'avé- rerait rapidement fastidieuse. Quoi qu'il en soit, ce temple primitif fut abandonné, démantelé et remplacé définitivement par la gran- diose structure de sarsen.

La deuxième particularité est plutôt troublante. L une des pierres bleues du fer à cheval, la 68, porte une rainure creusée sur toute sa hauteur. Or, la pierre symétrique, la 66, est à l'état de tronçon, mais on peut voir qu'elle portait une saillie, correspondant en formes et en dimensions à la rainure de la pierre 68. Il est très probable que les deux pierres, à une époque ou à une autre, ont été accolées, for- mant un assemblage que l'on pourrait qualifier, par analogie avec celui utilisé parfois en menuiserie, à « rainure et languette ». Un tel assemblage est unique à notre connaissance, et constitue une énigme de plus à ajouter à l'ensemble des autres.

1. Une fois encore, on retrouve ce procédé aux taoulas de Minorque, où la table est taillée de la même façon.

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Enfin, à l'intérieur du fer à cheval des pierres bleues, gît, posée à même le sol, une pierre de forme rectangulaire, mesurant 4,80 x 1,00 m, et d'une épaisseur de 54 cm. C'est la « pierre de l'autel ». Quel était son rôle dans la construction ? On n'en sait trop rien, et . l'on a suggéré qu'elle se dressait autrefois comme un montant. C'est bien peu probable. Elle est en grès minacé, formation géologique différente de toutes les autres pierres. L'un de ses principaux défauts, croyons-nous, est de porter une appellation qui a le don d'irriter les archéologues. Il n'y a vraiment pas de quoi.

Tel est, en gros, le temple mystérieux de Stonehenge, que nous allons quitter provisoirement, pour examiner ses abords immédiats et son milieu.

Sur le plan d'ensemble (fig. 11) on peut voir que le temple pro- prement dit était ceinturé, à distance, par deux cercles concentriques de trous, les trous Y et Z. Sur le terrain, on ne les distingue pas, car ils ont été recouverts après qu'ils eurent été reconnus. Nous n'en dirons pas davantage, sinon qu'ils auraient servi à dresser des pierres bleues, enlevées par la suite.

Décidément, on croirait qu'à partir d'une certaine époque on fut fort embarrassé par ces pierres bleues, ne sachant trop qu'en faire. Ce fut sans doute pour sacrifier à de lointaines traditions que l'on s'ef- força de les inclure dans la grande structure de sarsen.

Au-delà des trous Y et Z, se trouvent deux pierres, placées chacune à 43,30 m du centre du monument. La ligne qui les joint passe exac- tement par ce centre. Et si l'on observe bien le terrain, on remarque, sur la même circonférence que les deux pierres, deux monticules, deux protubérances, dont les centres sont également à 43,30 m du centre de l'ensemble. La ligne qui joint les milieux de ces monticules passe elle aussi exactement par le centre du monument. L'ensemble est connu sous le nom de « quatre stations ». En définitive les deux pierres et les deux monticules forment un rectangle allongé, mesurant 79,94 x 33,12 m. Les diagonales se coupent au centre — centre mathé- matique pourrait-on dire — de Stonehenge. Et ces diagonales forment entre elles un angle exactement égal à 450 !

Ce fait, signalé pour la première fois au siècle dernier par Flinders Petrie, a toujours intrigué les chercheurs britanniques, car la précision est trop grande. Or, ceci s'explique par une sorte de coïncidence géo- métrique. En effet, les dimensions du rectangle données ci-dessus sont entre elles comme les nombres 12 à 5. Deux côtés adjacents et

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Fig. 11 — Plan d'ensemble de Stonehenge

la diagonale forment un triangle-rectangle dit « pythagore », dont les côtés sont entre eux comme 12, 5 et 13. Dans un rectangle, dont deux côtés et la diagonale sont proportionnels à ces nombres, les deux diagonales se coupent à 45°, 45° 2', très exactement. Cela se démontre facilement1. Signalons que le triangle 5, 12, 13 ainsi que

1. Nous avons été le premier à la faire, dans notre ouvrage Stonehenge, temple mystérieux de la Préhistoire (Robert Laffont).

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le triangle 3, 4, 5 servaient aux Egyptiens pour tracer des angles droits. Il est à peu près certain que les emplacements théoriques des qua-

tre stations ont joué un grand rôle dans l'établissement du plan de Stonehenge. Leur implantation a été déterminée avant la construction du monument proprement dit. Nous ne croyons pas qu'il s'agit d'un accessoire ornemental ou symbolique. La précision des figures qu'elles forment suggère plutôt qu'elles ont constitué des repères d'ordre cosmographique ou topographique.

A peu près à la même distance du centre que les quatre stations se voient des cercles blancs et une sorte de talus avec fossé, formant un terrassement. Les cercles blancs figurent les emplacements d'une circonférence de trous, au nombre de cinquante-six, les « trous d'Au- brey », du nom de l'antiquaire anglais qui les signala le premier en 1666. Les cercles à la chaux indiquent les trous qui ont été fouil- lés, et l'on peut dire qu'ils n'ont pas servi à dresser des pierres. Le diamètre de leur circonférence vaut 87,25 m.

Fossé et talus, que nous venons de citer, constituent ce que nous appelons le « terrassement circulaire ». Il était interrompu en deux endroits, comme indiqué sur le plan d'ensemble. Terrassement circu- laire et trous d'Aubrey paraissent participer d'un même ensemble, que nous désignerons par Henge Monument, du nom même de Stone- henge.

Avant de poursuivre, nous allons définir l'axe du monument, l' Axis comme disent les Britanniques. C'est une ligne idéale (voir plan d'ensemble et plan de référence, figures 7 et 11), qui passe au milieu de l'intervalle qui séparait les montants 16 et 15 (ce dernier a au- jourd'hui disparu) du Cercle de sarsen, au milieu de l'espacement entre les montants du grand trilithon, sur la pierre 67 (aujourd'hui disparue) du fer à cheval des pierres bleues, au milieu de la pierre de l'autel, au milieu des intervalles entre les pierres 49 et 31 du cercle des pierres bleues et 30 et 1 du Cercle de sarsen. Tel. est le parcours de l'Axis à travers le monument proprement dit. Suivons-le au-delà.

Il passe dans l'une des interruptions du terrassement circulaire, mais là il frise une assez grosse pierre couchée à même le sol, la Slaughter Stone, ou « pierre de sacrifices », appellation due à l'ima- ginatif Stukeley. Il est fort probable qu'elle se dressait autrefois comme un montant. Plus loin, l'Axis frise la pierre sans doute la plus célèbre de Stonehenge, la Heel Stone. C'est un gros bloc de sarsen, un peu

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« ventru », mais au sommet en pointe, placé très près de la route. Son nom signifie « la pierre du talon », mais on n'est pas très bien fixé sur les origines de cette appellation.

La célébrité de la Heel Stone vient du fait suivant : si, placé sur l'Axis, à l'intérieur du monument, on observe le lever du soleil au matin du 21 juin, jour du solstice d'été, on voit l'astre coiffer rapi- dement le sommet de la Heel Stone. Ce phénomène remarquable, assez impressionnant du reste, a beaucoup contribué à la célébrité de Stonehenge. Tous les ans, à la date voulue, la foule des curieux et des photographes est telle qu'elle nécessite un important service d'ordre.

Enfin, après avoir frôlé la Heel Stone, l'Axis poursuit son chemin, en empruntant l'axe d'une chaussée difficilement discernable de nos jours, appelée « l'avenue ». C'est un vague terrassement rectiligne, bordé de chaque côté d'un fossé et d'un talus. Il se prolonge en ligne droite sur près de 600 m, pour bifurquer ensuite. L'une des branches se serait dirigée vers le nord, jusqu'à un nouveau terrassement, un

Fig. 12 — Les environs de Stonehenge

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L'auteur apporte ainsi l'une des contributions les plus objec- tives et les plus sérieuses sur les questions que ne cessent de nous poser les premiers âges de l'humanité.

L'auteur : Fernand Niel a poursuivi

une double carrière d'écrivain et d'ingénieur. Après avoir analysé dans trois ouvrages le phéno- mène cathare, il s'est consacré pendant quarante ans à l'étude des monuments mystérieux. Ses travaux, qui ont renouvelé notre connaissance des mégalithes, font autorité tant en France qu'à l'étranger.

79-XI I.S.B.N. 2-213-00744-6 H/35-6516-5

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