93
UNIVERSITE PARIS VIII INSTITUT D’ENSEIGNEMENT A DISTANCE Impact de la peur maternelle sur le lien d’attachement et le développement socio-affectif du jeune enfant Stéphanie Rossollin épouse Nicolas 177472 Sous la direction de Jean-Charles Houillon Mémoire pour le Master 2 de psychologie du développement et de l’éducation Octobre 2008

Impact de la peur maternelle sur le lien d’attachement et ... · Aussi, il semble intéressant d’approfondir l’analyse de la peur et l’attachement mère-enfant afin de mieux

Embed Size (px)

Citation preview

UNIVERSITE PARIS VIII INSTITUT D’ENSEIGNEMENT A DISTANCE

Impact de la peur maternelle sur le lien d’attachement

et le développement socio-affectif du jeune enfant

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas

177472 Sous la direction de Jean-Charles Houillon

Mémoire pour le Master 2 de psychologie

du développement et de l’éducation Octobre 2008

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 2 /93

RESUME

La recherche a pour but d’analyser le rôle de la peur de la mère à l’égard de son enfant dans la relation d’attachement et le développement socio-affectif de ce dernier. Selon B. GOLSE et B. PIERREHUMBERT, cet aspect reste peu exploré dans le cadre de la théorie de l’attachement. L’expérimentation (échantillon de treize mères d’une Halte-jeux dont les enfants ont entre deux et trois ans) n’a pas permis d’établir clairement qu’une mère éprouvant peu ou pas de peur pour son enfant - toute étape clé de la maternité confondue - soit de nature plus Secure et à l’inverse, qu’une mère ressentant une peur intense et difficilement maîtrisable soit de nature moins Secure. En revanche, il semble qu’il y ait une relation négative entre la peur et l’attachement dans certaines conditions et une forte relation positive entre la peur et l’évolution des compétences de l’enfant. Les résultats suggèrent d’explorer la peur dans sa dimension traumatique – le ressentiment que la mère peut éprouver après l’événement (culpabilité, honte ou doute) – et d’analyser la régulation physiologique et psycho-affective de cette émotion dans la relation d’attachement et le développement socio-affectif de l’enfant. Mots-clés : attachement, peur de la mère, compétences socio-affectives de l’enfant, disponibilité maternelle, régulation neuro-physio-psychologique de la mère. The mediational role of fear in explaining the relationship between attachment link and child development was examined in this study. According to B. GOLSE and B. PIERREHUMBERT, this aspect hasn’t been analysed yet. The study (among thirteen mothers and their child, age between two and three years old) did not confirm clearly that a mother with few fear was more Secure and at the opposite, a mother with high intensity of fear and out of control was less Secure. Neverthless, the study shows a negative relationship between mother’s fear and Secure attachment and a strong and positive relationship between mother’s fear and child’s skills development. Results suggest to investigate mother’s fear in its traumatic dimension – resentment that mother can feel after the end of the event (culpability, shame or doubt) – and analyse mother’s physiological and psycho-affective regulation of this emotion in the attachment link and the child’s socio-afffective development. Keywords : attachment, mother’s fear, socio-affective skills of the child, mother’s receptiveness, mother’s neuro-physio-psychological regularation.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 3 /93

SOMMAIRE

1 INTRODUCTION 5

2 CADRE THEORIQUE 7

2.1 LE LIEN MERE-ENFANT ET LA THEORIE DE L’ATTACHEMENT 7 2.1.1 Origine de la théorie de l’attachement 7 2.1.2 Présentation de la théorie de l’attachement 8 2.1.3 Le père et l’attachement 13 2.1.4 Le développement de l’attachement 15 2.1.5 L’activité neuropsychologique de l’attachement 17 2.1.6 L’interculturel et l’attachement 18

2.2 LA DISPONIBILITE DE LA MERE A L’EGARD DE SON JEUNE ENFANT 19 2.2.1 La dimension psychique de la mère 19 2.2.2 L’expérience de la vulnérabilité maternelle 21 2.2.3 L’incidence de la disponibilité maternelle sur la relation mère-enfant 26

2.3 L’ ATTACHEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES SOCIO-AFFECTIVES DU JEUNE ENFANT 28 2.3.1 L’émergence des capacités relationnelles chez le jeune enfant 28 2.3.2 Les compétences sociales du jeune enfant 32 2.3.3 L’incidence de l’attachement sur le développement du jeune enfant 35

2.4 UNE DISPONIBILITE MATERNELLE A TOUTE EPREUVE POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DE

L’ENFANT 37 2.4.1 La mère comme modèle de régulation émotionnelle pour l’enfant 37 2.4.2 La parentalité comme voie d’épanouissement pour l’enfant 38 2.4.3 Remédiation 38

3 PROBLEMATIQUE 44

4 METHODOLOGIE 45

4.1 POPULATION D’ETUDE 45 4.1.1 Population choisie 45 4.1.2 Echantillon retenu pour l’expérimentation 45 4.1.3 Biais du choix de l’échantillon 47

4.2 CONSIGNE GENERALE ET OUTILS D’EVALUATION 48 4.2.1 Consigne générale 48 4.2.2 Outils d’évaluation 48

5 RESULTATS 56

5.1 PRESENTATION DES RESULTATS 56 5.1.1 Résultats de l’évaluation de l’attachement pour adulte 56 5.1.2 Résultat de l’évaluation de la peur de la mère à l’égard de son enfant selon les étapes clés de la maternité 59 5.1.3 Résultat de l’évaluation des compétences des enfants en Halte-jeux 61 5.1.4 Analyse des relations entre les trois évaluations 63

5.2 INTERPRETATION DES RESULTATS 70

6 DISCUSSION 77

6.1 EVALUATION DE L ’EXPERIMENTATION 77 6.2 IMPLICATION THEORIQUE 79 6.3 PERSPECTIVES 86

7 BIBLIOGRAPHIE 92

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 4 /93

REMERCIEMENT

C’est avec une grande reconnaissance que je remercie tous ceux qui m’ont aidée à élaborer ce

travail de recherche passionnant, notamment…

Catherine Fribourg, pour sa confiance et son témoignage, ainsi que les parents et les

enfants du Grapesa,

Jean-Charles Houillon, pour son accompagnement et ses réflexions,

Yaël, pour son enthousiasme et son énergie,

Ambre et Omaël, pour leur joie et leur indulgence,

Ma mère, pour sa disponibilité auprès des enfants,

Mon père, pour son assistance informatique sans faille,

Et toux ceux qui ont été présents durant cette aventure !

Je dédis ce travail à toutes les mères et tous les pères

qui souhaitent voir grandir leur(s) enfant(s) dans l’Amour

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 5 /93

1 INTRODUCTION

Dans le cadre du stage effectué dans un Club de prévention, le Grapesa1, il m’a été donnée

l’occasion de rencontrer pendant un an des mères de jeunes enfants (entre 2 et 3 ans) inscrits à

la halte-jeux de l’association. Les actions de cette dernière sont de natures très diverses :

écoute, soutien à la scolarité, accompagnement socio-éducatif, soutien à la parentalité, etc.

C’est dans ce dernier volet que le stage et le travail de recherche s’est inscrit, avec pour

finalité la prévention des difficultés d’adaptation liées aux exigences scolaires en soutenant

les apprentissages premiers. La halte-jeux a deux objectifs principaux : d’une part, contribuer

au développement harmonieux de l’enfant sur les plans moteurs, intellectuels et affectifs, par

l’éveil de leur potentiel, et d’autre part, répondre à une demande d’aide éducative de la part

des parents pour une meilleure compréhension des besoins et des possibilités de l’enfant.

Chaque mois, toutes les mères et un père participent à un groupe de réflexion animé par une

psychologue. C’est l’occasion pour les parents de témoigner, réfléchir ou prendre de la

distance face à des difficultés rencontrées au quotidien avec leur enfant. Lors de ces échanges,

nous avons observé que la peur sous-tend beaucoup de questionnements. C’est comme si leurs

préoccupations principales les ramenaient toujours à une peur qui va ensuite dicter leur

attitude à l’égard de l’enfant : par exemple, céder à une demande de l’enfant de peur qu’il ne

s’étouffe en faisant une crise de colère, rester devant la halte-jeux après y avoir déposé son

enfant de peur qu’il soit triste, ne pas inscrire son enfant en école maternelle de peur qu’il y

soit mal aimé, etc. Les témoignages révèlent que les mères qui ont le plus peur pour leur

enfant semblent être celles qui supportent le moins l’expression des émotions de leur enfant,

notamment les pleurs et les cris. De plus, les enfants rencontrant le plus de difficultés socio-

affectives dans les activités de la halte-jeux semblent souvent correspondre aux enfants de ces

mères qui ont le plus peur pour eux. Aussi, il semble intéressant d’approfondir l’analyse de la

peur et l’attachement mère-enfant afin de mieux comprendre le lien et l’incidence possibles

sur le développement socio-affectif de l’enfant.

Les études abondent depuis quelques décennies sur la force du lien mère-enfant cherchant,

pour certaines, à montrer l’effet de l’attitude maternelle et du tempérament de l’enfant sur la

nature de ce lien et sur le développement des compétences sociales du jeune enfant. Ces

dernières s’avèrent déterminantes pour l’acquisition des apprentissages et la réussite scolaire

d’une manière générale. Les rapports de l’OMS (2004)2 et de l’Inserm (2005)3 appuient tous

1 Groupe de Recherche et d’Action pour la Prévention pour l’Education Spécialisée et l’Accueil à Fréjus 2 World Health Organization, Department of Child and Adolescent Health and development (2004). The importance of caregiver-child interactions for the survival and healty development of young children.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 6 /93

deux l’importance de la relation parent-enfant pour la santé et le développement

neurophysiologique, physique et psychologique de l’enfant. Le cadre théorique synthétise les

recherches sur le lien mère-enfant en s’appuyant sur la théorie de l’attachement, l’analyse de

l’état mental de la mère et le développement des compétences du jeune enfant.

L’objectif de l’expérimentation consiste, dans un premier temps, à étudier la relation entre la

peur entretenue par la mère à l’égard de son enfant et la nature de son attachement. Il est

supposé que plus la mère est inquiète (attitude insecure) pour son enfant, plus son

attachement sera de nature détachée ou préoccupée. Inversement, plus la mère est confiante

(attitude secure, c’est-à-dire sans inquiétudes), plus son attachement sera de nature autonome.

Dans un second temps, les résultats seront confrontés à une évaluation de l’enfant en

collectivité (halte-jeux) afin d’analyser le lien entre la nature de l’attachement mère-enfant, la

peur de la mère à l’égard de son enfant et le développement des compétences cognitives,

sociales et émotionnelles de l’enfant et ce, à la veille de son entrée à l’école maternelle.

Les résultats et la discussion nous conduiront à mieux comprendre l’expérience maternelle et

à proposer des axes de réflexion sur l’accompagnement des femmes dans les premiers temps

de la maternité et ce, dans une perspective préventive. Cette période s’avère particulièrement

importante pour l’enfant qui se prépare à entrer à l’école et acquérir les apprentissages

premiers.

3 INSERM (2005). Attachement et pratiques éducatives parentales. Expertise collective « Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent ».

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 7 /93

2 CADRE THEORIQUE

2.1 Le lien mère-enfant et la théorie de l’attachement

2.1.1 Origine de la théorie de l’attachement

Les échanges mère-enfant impliquent, dès la naissance, l’élaboration de liens affectifs

déterminants. Il semble que le nourrisson se développe à condition qu’une réponse tant

matérielle qu’affective lui soit apportée, comme en témoignent certaines expérimentations.

Citons notamment les travaux de SPITZ4 qui révèlent dans les années 50, que les enfants

allaités par leur mère pendant les trois premiers mois, puis placés en institution avec peu de

disponibilité de l’adulte, présentent des retards d’acquisition motrice (ils restent inexpressifs

de longues heures allongés dans leur lit sans initiative). Si la carence est prolongée, le

quotient de développement diminue (balancement de la tête, stéréotypie des mains, etc.). Si

cela ne dure que quelques semaines, il y a possibilité d’une amélioration dans le

développement de l’enfant, sinon le rattrapage de développement est difficile, surtout à un

moment du développement des repères perceptivo-moteur, des schémas relationnels et des

premiers échanges vocaux et verbaux (AIMARD, 19965). Ainsi, pour un grand nombre

d’auteurs, la carence affective est à l’origine de troubles de développement de l’enfant et

l’affection semble être un facteur de développement tout aussi important que les soins

matériels dispensés à l’enfant.

Ces quelques observations faites sur l’être humain corroborent les travaux effectués en

éthologie, sous l’impulsion de LORENZ en 1935 et 1941 qui présente la théorie de

l’imprinting en étudiant le poussin en milieu naturel (H. MONTAGNER, 20046). Il distingue

deux composantes :

1. un comportement inné de poursuite du premier objet en mouvement que l’oisillon rencontre à l’éclosion de

l’œuf, le plus souvent la mère ; mais cela peut être l’éleveur, un autre oiseau ou un chat (COSNIER, 19947).

Il semble qu’il existe une période sensible ou critique de 36 heures pour cette fixation au premier objet

mobile qui s’avère irréversible et se trouverait à la base de l’attachement

2. l’apprentissage d’une discrimination sélective de l’objet permanent de proximité. Face à un danger,

l’oisillon se précipite vers le groupe et sa mère qui fournit la base de sécurité (COSNIER, 1994).

De son côté, HARLOW et al. étudient de 1958 à 1971 les conséquences de l’isolement social 4 Spitz R.A. (1968). De la naissance à la parole. P.U.F., Paris. 5 Aimard P. (1996). Les débuts du langage chez l’enfant. Dunod, Paris. 6 Montagner H. (2004). Nouvelle lecture du processus d’attachement et du fonctionnement de l’enfant. Texte

communiqué par l’INSERM, Bordeaux. 7 Cosnier J. (1994). La psychologie des émotions et des sentiments. Retz, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 8 /93

chez le singe rhésus. Dans leurs observations, ils se rendent compte que la recherche du

contact corporel et la recherche de la sécurité ordinairement fournie en se blottissant au

contact du corps maternel, ne se confondent pas avec la recherche alimentaire, ni même avec

la recherche des mamelles. Dans l’expérience, le jeune singe préfère se réfugier dans les bras

d’une « mère en peluche » plutôt que d’une « mère en fil de fer », ZAZZO (1979)8 précisant

que « chez le bébé singe, la recherche de nourriture est volontiers sacrifiée à la recherche du

contact avec la mère ». Lorsque l’isolement social dure plusieurs mois, le jeune macaque

développe des déficits, troubles et anomalies du comportement. Ils sont plus ou moins

marqués et durables selon la durée de l’isolement, ou selon qu’il s’agisse d’un isolement

partiel ou total. Prostré dans sa cage, il présente en particulier des comportements de type

autistique (repli social). HARLOW et al. concluent de leurs observations l’importance des

contacts corporels dans le développement des comportements sociaux.

Les travaux orientés sur la relation mère-enfant se sont donc initialement portés sur l’absence

d’attachement (séparation précoce entre la mère et l’enfant) auxquels ont succédé les travaux

sur les relations précoces entre la mère et son enfant. Cela a conduit à des théorisations

différentes mais dans lesquelles on retrouve deux points communs : les ruptures majeures de

la relation parent-enfant sont des facteurs de risque de troubles ultérieurs et la relation parent-

enfant est d’une importance critique immédiate pour l’enfant (GUEDENEY, 2006)9.

2.1.2 Présentation de la théorie de l’attachement

BOWLBY, inspiré des travaux de SPITZ et des éthologues LORENZ et HARLOW, étudie

dès 1944 les ruptures relationnelles chez de jeunes voleurs qui se montraient, intelligents, sans

autre psychopathologie, et avaient connu, pour la plupart, des séparations répétées et une

exposition à la violence intra-familiale. Cela l’amena à travailler sur la carence des soins

maternels et les réactions à la séparation qui servira plus tard de socle à sa théorie de

l’attachement (1958-1980). L’Organisation Mondiale de la Santé le nomme responsable d’une

étude sur les besoins des enfants orphelins qui donnera lieu à un rapport de l’OMS en 1949,

Maternal Care and Mental Health. BOWLBY postule que l’attachement est un besoin

primaire, aussi important pour l’enfant que de dormir, boire et manger et que le bébé humain

a, comme l’animal, des compétences innées d’attachement dont les fonctions sont de réduire

la distance, ou encore d’établir la proximité et de permettre le contact corporel avec la mère. Il

8 Zazzo R. (1979). L’attachement. Delachaux Niestlé, Paris. 9 Guedeney N. (2006). Séparation ? Attachement ? Quelques éclairages par la théorie de l’attachement. Présentation à l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 9 /93

précise que parmi toutes les variables pouvant déclencher de la détresse, la perte de la mère

est pour l’enfant celle qui a le plus de poids. Pour BOWLBY (CUPA, 2000)10, les

comportements d’attachement représentent une double fonction de protection d’une part et

d’ouverture d’autre part, se basant sur quatre systèmes de comportement : 1. exploration de

l’environnement immédiat par le nourrisson 2. affiliation ou apprentissage de la vie avec

d’autres êtres humains 3. prudence et peur du nourrisson qui se familiarise avec le danger et

la sécurité 4 attachement dans la recherche de proximité avec la figure d’attachement et

l’émergence d’un sentiment de sécurité. Toute séparation, induirait chez l’enfant les trois

phases de comportement suivants (BOWLBY, 1978) :

Comportements Signification

Protestation : l'enfant pleure, se jette par terre et est à l'écoute des indices annonciateurs de la mère

L'enfant cherche à retrouver sa figure maternelle

Désespoir : l'enfant pleure de manière monotone et intermittente, il se retire et est passif

L'enfant réagit comme s'il vivait un deuil

Détachement : l'enfant ne réagit plus à l'environnement, il se centre sur lui et démontre une stabilité superficielle

Perte du sens du maternage et du contact humain

Ces comportements seront évalués par deux élèves de BOWLBY, M. AINSWORTH en 1978

avec la Strange situation et M. MAIN en 1985 avec l’Adult Attachment Interview.

M. AINSWORTH s’intéresse au niveau minimal d’interaction nécessaire à la formation de

l’attachement (AINSWORTH, 1983)11. Son travail se fonde notamment sur le concept de base

de sécurité (secure12 base) à partir d’une analyse sur les effets de la séparation et du sevrage

en Ouganda. AINSWORTH et al. proposent ainsi, en 1978, l’évaluation de l’attachement chez

le bébé d’un an avec la situation étrange. La procédure consiste à classifier les patterns de

conduite observés dans une interaction expérimentale, alternant huit situations de réunion et

de séparation entre les mères et leur enfant de 12 mois. Dans un premier temps, l’enfant et la

mère sont en interaction, puis la mère laisse l’enfant seul dans la pièce avant de revenir, puis

une personne étrangère rentre dans la pièce avant que la mère ne sorte de nouveau de la pièce,

puis la mère revient. Chaque situation, présentée dans cet ordre chronologique, est censée

procurer un niveau de stress croissant à l’enfant. De cette étude est naît huit patterns de

comportement reflétant l’attitude de l’enfant au cours de la réunification. Les trois principaux

patterns, corrélées de façon significative à la sensibilité de la mère, sont présentés ainsi par M.

10 Cupa D. (2000). L’attachement. Perspectives actuelles. E.D.K., Paris. 11 Ainsworth M. D. S. (1983). L’attachement mère-enfant. « Enfance » 12 Dans le dictionnaire d’anglais Collins : Secure est synonyme de unworried : tranquille, sans inquiétude ; a child must be emotionally secure : un enfant a besoin de sécurité sur le plan affectif, un enfant a besoin d’être sécurisé.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 10 /93

AINSWORTH :

1. Patterns B – attachement « secure » : les mères traitent leur enfant avec sensibilité et de façon adaptée à ses

besoins. Les enfants se servent de leurs mères comme une base de sécurité à partir desquelles ils font de

l’exploration pendant les épisodes pré-séparation. Leur comportement d’attachement est intensifié fortement

pendant les épisodes de séparation (diminution de l’exploration et risque d’apparition de la détresse).

Pendant les épisodes de réunion, les enfants sollicitent le contact, la proximité ou une interaction quelconque

avec leur mère.

2. Patterns C – attachement « insecure ambivalent » : les enfants ont tendance à manifester des signes

d’anxiété même pendant les épisodes de pré-séparation. La séparation provoque une intense détresse et la

réunion, une ambivalence (ils recherchent tout à la fois le contact et la résistance au contact, comme s’ils

résistaient au besoin d’être réconfortés).

3. Patterns A – attachement « insecure évitant »: les enfants du groupe A sont en net contraste avec les autres.

Ils pleurent rarement pendant les épisodes de séparation et évitent la mère pendant les épisodes de réunion,

avec des comportements mêlés de contact et d’éloignement ou bien d’ignorance totale.

Cependant, l’INSERM (2005) précise que les stratégies insecure représentent des stratégies

adaptatives et ne sont pas synonymes de pathologies13.

A la suite de ces travaux, M. MAIN (GOLSE et al., 2005)14 met l’accent en 1985 sur

l’évaluation de l’attachement adulte grâce à l’utilisation d’un questionnaire, l’Adult

Attachment Interview (AAI). De manière semi-directive, cet entretien repose sur l’expérience

d’enfance de l’adulte, ainsi que les événements qui constituent son histoire (séparations,

maladies, blessures) de manière à comprendre comment l’individu les a intégré en fonction du

discours qu’il élabore en tant qu’adulte. L’observateur en déduit un degré de cohérence de ce

discours qui révèle la capacité réflexive du parent. MAIN considère que les sentiments

d’insécurité de l’enfant sont directement issus de ceux de ses parents. L’AAI permet

d’identifier l’état d’esprit et donne lieu à trois types de discours (CUPA, 2000) :

1. « autonome » : le parent accède à ses souvenirs avec assez d’aisance et accorde une importance significative

à ses expériences. Le parent est capable d’explorer ses souvenirs sans blocages ni ruptures.

2. « détaché » : le parent semble émotionnellement désengagé, minimisant l’impact de ses expériences de

13 Un trouble de l’attachement de la première ou de la deuxième enfance est référencé dans le DSM-IV-TR et présenté en Annexe I. 14 Golse B., Missonier S (2005). Récit, attachement et psychanalyse. Erès, Ramonville.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 11 /93

l’enfance et l’accès aux souvenirs est restreint, parfois embelli (les exemples ne collent pas avec la réalité).

3. « préoccupé » : la restitution se fait de manière incohérente, avec une difficulté à retenir ses émotions, avec

parfois une rancune encore vive à l’égard de ses propres parents et une possibilité de perte temporaire de

contrôle dans le raisonnement (le traumatisme « non résolu » n’ayant pas donné lieu à une élaboration

mentale suffisante).

Ainsi, MAIN (CUPA, 2000) montre la mise en jeu de la sensibilité ou « responsivité » de la

mère aux signaux de l’enfant. Cette « responsivité » s’apparente à la capacité de la mère à

interpréter les demandes de l’enfant et d’y répondre de manière adéquate. MAIN met en

valeur un lien entre l’état d’esprit de la mère (plus généralement, la figure parentale) et le

comportement d’attachement de l’enfant (CUPA, 2000 ; INSERM 2005) :

1. enfant « secure » et figure parentale « autonome » : échanges mère-enfant sur une vaste gamme d’affects

2. enfant « insecure évitant » et figure parentale « détachée » : tendance à négliger ou repousser les demandes

de l’enfant ou encore à répondre de manière inadéquate ou imprévisible, surtout quand l’enfant exprime un

affect négatif

3. enfant « insecure ambivalent » et figure parentale « préoccupée » : même type d’interaction parent-enfant

que la situation 2.

Une étude de FONAGY (1991 ; MONTAGNER, 2003) montre que 75 % des mères dont les

représentations d’attachement sont caractérisées par l’autonomie ont des enfants aux patterns

d’attachement secure.

Malgré la pertinence de ce système de codage des comportements, plusieurs auteurs ont

relevé qu’un certain nombre de cas (10 à 20 % selon GOLSE, 2005) ne rentraient pas dans la

catégorisation ABC (PIERREHUMBERT, 1996)15. C’est ainsi que MAIN propose en 1985

une nouvelle catégorie : insécure « D » (désorganisé ou désorienté). Dans la situation étrange,

l’enfant s’approche du parent et reste figé, sourit avec un regard apeuré, comme s’il avait une

peur ou une gêne par rapport au regard du parent lui-même. Il semble que le comportement (la

stratégie) soit désorganisé par la présence du parent et non par la situation elle-même. MAIN

et HESSE en 1990 et 1992 (GOLSE et al. 2005) expliquent cette observation par l’absorption

inhabituelle du parent dans des souvenirs anciens. Cela a donné lieu à la création d’une

quatrième catégorie « anxieux désorganisé ou désorienté ». Sa particularité est que l’enfant

semble secure avec l’un des parents. Les facteurs de risque de la désorganisation ont été

analysés par DANTE et al en 1995 (GOLSE et al., 2005) mettant en avant la mise en échec de

toute stratégie de la part de l’enfant et une relation fréquente (80 % des cas) à la

problématique d’abus, de maltraitance ou de négligence de la part de la figure d’attachement

15 Pierrehumbert B et al. (1996). Les modèles de relations. Développement d’un auto-questionnaire d’attachement pour adultes. Psychiatrie de l’Enfant.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 12 /93

sensée apporter sécurité et protection. Cela génère une peur chez l’enfant qui rentre en conflit

avec sa pulsion d’attachement. Cette peur se révèle dans le cas de conflits parentaux

importants, d’épisodes dépressifs majeurs, de troubles bipolaires ou d’alcoolisme.

Le courant cognitiviste s’intéresse au processus de traitement de l’information dans la

régulation des conduites d’attachement de l’individu, notamment l’organisation des

conditions de vie habituelles par rapport aux particularités transmises de manière

intergénérationnelle (CUPA, 2000). Il est difficile de certifier que les parents transmettent

leurs schèmes d’attachement à leur enfant et comment ils le font. BOWLBY a proposé que les

méthodes habituelles de communication verbale et non-verbale influençaient la formation des

liens d’attachement sécurisant ou non. Cette transmission se faisait par leur manière de

répondre à leurs besoins, créant ainsi une représentation mentale du rôle de parents chez

l’enfant (REEBYE)16. La forte corrélation entre le mode d’attachement de la mère et celui de

l’enfant laisse présager la force de l’effet transgénérationnel, ce que BRETHERTON a appelé

en 1990 : la transmission intergénérationnelle des stratégies et des modèles d’attachement

(PIERREHUMBERT, 1996). Des éléments viennent cependant relativiser ce phénomène

puisqu’il semble que les parents disposent d’un modèle d’attachement spécifique pour chacun

des enfants (ZEANAH, 1989, PIEERHUMBERT, 1996). BRETHERTON et son équipe ont

ainsi proposé un outil permettant d’évaluer les modèles internes de l’adulte envers un enfant

en particulier, le Parent Attachment Review, s’intéressant à l’aspect parental de l’attachement.

De plus, dans les années 80, AINSWORTH, STERNBERG et PIERREHUMBERT (1996)

ont mené des études sur les relations entre attachement et amour. Il semble que les parents

secure pensent que l’amour (romantique) existe et qu’il est durable, les parents évitants

pensent que l’amour n’existe que dans les romans ou en tout cas qu’il ne peut durer

(personnes qui vivent en général des relations peu durables) et les parents ambivalents

pensent que les autres refusent de s’engager dans des relations durables.

L’attachement a été exploré par le courant psychanalytique, tant sur le plan théorique que

clinique, en portant un intérêt particulier sur la qualité émotionnelle des réponses de figures

d’attachement, notamment la sensibilité et les qualités réflexives des parents. A l’origine,

pour FREUD (JOLY, 2002)17, le tout petit est poussé par la pulsion de conservation qui

16 Reebye et al (non daté). Analyse documentaire de la théorie de l’attachement parents-enfants et des pratiques interculturelles qui influencent la relation d’attachement. Rapport de recherche, Vancouver. 17 Joly F. (2002). Le jeu de la bobine. Article de Revue Spirale, Cairn.info.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 13 /93

l’incite à investir l’objet de son besoin de manger, sa mère. Cette relation l’amène à faire

l’expérience de la frustration que FREUD, dans Au-delà du principe de plaisir (1920),

présente en analysant une activité de son neveu qui est muni d'une bobine attachée par une

ficelle. L'enfant joue à faire tomber la bobine puis à la ramener vers lui. En même temps, il

prononce Vor-Da (« Là-bas – là », dans l’idée de « loin – près » ou « pas là – là »). Le jeu

s'apparente à la reviviscence de l'alternance de présence et absence de la mère. Selon Freud, la

répétition d'une activité génératrice de déplaisir oblige Freud à modifier sa théorie de la

pulsion évoquant alors la notion de compulsion de répétition.

L’organisation du « Colloque imaginaire » par R. ZAZZO (1990) avec D. ANZIEU, J.

BOWLBY, R. CHAUVIN, K. LORENZ, P. MALRIEU, R. SPITZ, D. WIDLÖCHER a été

l’occasion pour D. ANZIEU de déclarer « j’ai trouvé que ZAZZO me faisait connaître

quelque chose d’essentiel…c’est lui le grand-père du Moi-peau ». Il propose que la pulsion

d’attachement et le moi-peau sont indissociables pour la construction du Moi et sa théorie de

la pulsion d’attachement se base sur quatre observations de BOWLBY : 1. la recherche du

contact physique de la mère par le petit est un facteur essentiel de développement affectif,

cognitif et social indépendamment du don de nourriture 2. la moitié des patients présentent

des états limites et souffrent, en particulier, d’un manque de limite entre le Moi corporel, le

Moi réalité et le Moi idéal (indifférence des zones érogènes, confusion des expériences

agréables et désagréables qui reflètent une faille narcissique et une insuffisance de la

structuration du Moi) 3. la tendance des participants du groupe à remplir le vide en s’installant

de manière homogène dans la salle 4. l’importance des échanges sensori-moteurs liés aux

premiers liens entre la mère et l’enfant. Ainsi D. ANZIEU a su allier la pulsion de

conservation de FREUD à la théorie d’attachement de BOWLBY.

2.1.3 Le père et l’attachement

Si les premiers travaux concernaient exclusivement la relation mère-enfant, les chercheurs ont

peu à peu élargi le champ d’exploration en étudiant la relation entre l’enfant et toute personne

incarnant cette fonction de protection ou de sécurité (père, grands-parents, nourrice, etc.),

appelée figure d’attachement ou protecteur.

L’approche classique consistait à se demander si le père était une figure d’attachement aussi

efficace que celle de la mère. La thèse de ZAOUCHE-GAUDRON () est que le père peut

jouer cette fonction à partir du moment où il a une implication parentale. Seulement, il semble

qu’il ne réponde pas au besoin d’attachement lorsque l’enfant est dans une situation de stress

(fatigue, maladie, présence d’une personne étrangère). Pour certains (MAIN et GROSSMAN)

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 14 /93

le style d’attachement est distinct entre le père et la mère, pour d’autres (LEBOVICI et

CYRULNIK) il est semblable.

La perspective nouvelle repose sur la bipolarité parentale où le père et la mère joue un rôle

complémentaire. Le père répondrait aux besoins de l’enfant dans sa quête de stimulation et la

mère dans sa quête de sécurité. Dans une expérimentation avec les pères, LE CAMUS

(CUPA, 2000) montre que l’enfant est plus sensible aux invitations du père et ose plus

s’aventurer. Selon lui, « les pères sont de meilleures rampes de lancement que la mère ». Pour

DABOVAL (2001)18, le père a un rôle socialisant qui semble représenter un pont linguistique

et psycho-linguistique : le père utilise plus fréquemment le prénom de l’enfant et des termes

techniques, il stimule plus souvent le langage chez l’enfant en lui demandant de reformuler

pour le comprendre. Leurs jeux favorisent l’anticipation du développement psychomoteur.

L’interaction père-enfant semble favoriser la capacité de l’enfant à s’intégrer dans un groupe

de pairs et à accepter les règles, représentant ainsi un tremplin social.

Selon la théorie de MILJKOVITCH et PIERREHUMBERT (1998)19, les pères

transmettraient les modèles sémantiques (réponse conforme aux attentes sociétales) par les

modèles internes opérants. La différence entre père et mère ne serait donc pas sur

l’attachement en tant que tel mais sur la nature de la transmission. Une étude sur la

complétude des histoires par l’enfant et la cohérence du discours de l’adulte révèle qu’une

histoire cohérente chez le père peut impliquer un état anxieux chez l’enfant (contrairement à

la mère : si son discours est cohérent, l’enfant est peu « anxieux »). A l’inverse, un père

incohérent tend à avoir un enfant à l’aise ayant une image positive de la fonction parentale. Il

semble que l’enfant détaché présente une image idéalisée du père qui se révèle dans son

discours déclaratif et sémantique (« j’ai eu les meilleurs parents du monde » et « mon père me

battait »). Il semble donc que le processus intergénérationnel soit différencié entre le père et

la mère : le père activant la transmission du contenu manifeste des représentations sur la base

d’information sémantique élaborée, tandis que la mère activerait la transmission du contenu

latent basé sur les informations bibliographiques, c’est-à-dire l’expérience subjective (CUPA,

2000).

En conclusion, on peut citer une phrase de GROSSMAN : « le père « stimulant » dans une

situation de jeu et la mère « réconfortante » dans une situation de stress permettent à l’enfant

18 Daboval (2007). Comment le père influence le développement de l’enfant ?. Présentation d’une conférence, Université de Sherbrooke, Canada. 19 Pierrehumbert B. (1998). Gestion de la distance interpersonnelle, attachement et socialisation précoce. Champ Psychosomatique.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 15 /93

de trouver sa place sur le continuum attachement-exploration ».

2.1.4 Le développement de l’attachement

Selon AINSWORTH (1978), l’attachement n’apparaît pas à la naissance, mais se construit

dans les premières années de vie selon 4 étapes (CUPA, 2000) :

1. 1ers mois – pas d’attachement : même si reconnaissance de signaux sensoriels

2. 6-12 mois - attachement indifférencié ou « en train de se faire » (MALHER, 1980) : attirance pour la figure

humaine et la mère est irremplaçable

3. 12 mois - attachement spécifique : recherche active de la mère, perturbé par son absence, naissance de la

notion de « base de sécurité »

4. 2-3 ans – intériorisation de l’image de la mère : supporte d’avantage l’absence de la mère et plus grande

autonomie

Dans le développement de l’enfant, l’attachement se met en place selon trois fonctions

primaires dès 9-12 mois (GUEDENEY, 2006) :

1. maintien de la proximité : rester à côté et résister aux séparations de la Figure d’Attachement (FA)

2. base de sécurité : utiliser la FA comme une base pour explorer

3. havre de sécurité : se tourner vers la FA pour chercher confort et soutien

Selon GUEDENEY, les forces de l’attachement dans le développement de l’enfant consistent

en une augmentation des chances de survie (instinct de protection), la régulation

psychophysiologique et celle des émotions négatives, ainsi qu’une base pour le

développement de l’intersubjectivité, des compétences personnelles et de gestion des crises et

conflits. La vulnérabilité de l’attachement repose sur le fait qu’il représente un besoin

prioritaire jusqu’à 5 ans et nécessite pour se faire la présence d’un adulte, la figure

d’attachement, ainsi que son accessibilité (disponibilité de la figure d’attachement). Cette

vulnérabilité représente autant de risques dans le développement harmonieux de l’enfant. Les

toutes premières expériences socio-émotionnelles semblent façonner le tempérament de

l’enfant qui s’imprègne de la personnalité de ceux qui l’entourent, ce qui persiste tout au long

de la vie. L’étude longitudinale de PIERREHUMBERT (1998) où les enfants sont évalués

deux fois, à 21 mois et à 5 ans, montre que les enfants évalués comme insécure à 21 mois

tendent à présenter des problèmes de comportement à 5 ans. Les enfants qui démontraient une

forte détresse de séparation tendent à présenter davantage de troubles psychosomatiques

(douleurs, nausées, allergies, maux de ventre) et les enfants qui s’accrochaient à leur mère

tendent à présenter des problèmes « internalisants » (anxiété, dépression). Déjà Bowlby (De

Cupa, 2000) déclarait que la cristallisation des expériences relationnelles de la prime enfance

en « modèles internes » (construction jusqu’à la 4ème étape de M. Ainsworth) perdurait

jusqu’à l’âge adulte. Cette compréhension initiale des comportements et motivations des

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 16 /93

autres guidera les propres attitudes de l’enfant devenu adulte dans les échanges

interpersonnels. FONAGY (2000)20 précise : « que l’attachement soit stable ou pas, de la

première année à l’adolescence, en passant par l’enfance, importe peu puisque la

prédictibilité vient des MII (mécanisme interprétatif interpersonnel) et non pas de la sécurité

de l’attachement en soi ». Cela pourrait expliquer la capacité de résilience de certains enfants

quelque soit le mode d’attachement aux parents. Selon une étude longitudinale menée par

TREBOUX (1995), auprès d’enfants de 1 à 20 ans, les modèles d’attachement perdurent tout

au long de l’enfance et de l’adolescence avec très peu de changements. Le narratif reste pour

lui la voie royale pour accéder au monde intérieur de l’enfant et évaluer son évolution dans le

temps (CUPA, 2000). Selon d’autres études, l’attachement dit « secure » semble ne pas être

fixé la vie durant ; il peut devenir « insecure » si les conditions d’environnement changent

(deuils, traumatisme, etc.) et, à l’inverse, l’attachement « insecure » peut devenir « secure »

(INSERM, 2005). Cependant, il semble être une condition de survie : « un attachement quel

qu’il soit sous peine de mort » (CUPA, 2000).

Il existe de nombreux points de convergence entre le fonctionnement des bébés et celui des

adolescents (GOLSE, 2001)21. Ainsi, l’adolescent réactiverait tout ce qui a été transmis

affectivement et de manière pré-verbale dans le corps à corps des premières années de la vie

où la mère transmet son état mental. Cela déterminerait la manière de socialiser de

l’adolescent et expliquerait les difficultés que l’enfant pourrait rencontrer (CYRULNIK,

2006)22. Une étude menée auprès d’adolescents ayant recours à la consultation psychologique

et ceux qui n’en ont pas recours (RAMU, 2004), montre que le style d’attachement secure est

plus fréquent chez ces derniers et qu’ils ont un meilleur niveau d’estime de soi. Cela a permis

à certains de conclure que la qualité de l’attachement, ainsi qu’une bonne estime de soi

sociale, représente des déterminants importants au niveau de la santé psychique des étudiants.

GUEDENEY (2006) précise les conditions d’extinction du système d’attachement en fonction

de l’âge :

1. obtention de la proximité de la Figure d’Attachement (FA)

2. assurance de la disponibilité de la FA

3. accessibilité à la FA qui passe par deux stades :

20 Fonagy P. (2001). Développement de la psychopathologie de l’enfance à l’âge adulte : le mystérieux déploiement des troubles dans le temps. La psychiatrie de l’enfant, PUF. 21 Golse B. (2001). Attachement et psychanalyse. Impact sur la rencontre avec les bébés et les adolescents. Texte présenté à la journée d’étude du GERCPEA, Luxembourg. 22 Cyrulnik (2006). Le murmure des fantômes. Texte du colloque « comment accompagner vers l’âge adulte les enfants et les adolescents dans le contexte des mutations sociales d’aujourd’hui, Marseille.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 17 /93

a. pour l’enfant ayant plus de trois ans : volonté du parent d’agir comme un consolateur et un protecteur

quand l’enfant a peur

b. pour l’enfant plus grand : croyance que la communication sera ouverte avec la Figure d’Attachement, que

l’accessibilité physique existe et que la FA répondra si on l’appelle pour de l’aide.

Le développement de l’attachement semble donc révéler qu’à tout âge (variation du degré

d’autonomie physique, émotionnelle et cognitive), l’enfant a un besoin décroissant de

compter sur une personne adulte, représentant la protection et la sécurité face aux menaces et

peurs éventuelles de l’environnement, tant intérieures qu’extérieures. L’attachement

disparaîtrait naturellement lorsque la personne accède à sa complète autonomie.

2.1.5 L’activité neuropsychologique de l’attachement

Dès la grossesse, il semble que l’activité neuro-hormonale spécifique de la mère ait une

influence directe ou indirecte sur la vie du fœtus (MONTAGNER, 2005)23. Même si nous

disposons de très peu de preuves scientifiques actuellement, MONTAGNER considère qu’il

semble difficile de dissocier l’état affectif durable ou envahissant de la mère, de son activité

hormonale qui est elle-même en lien direct avec la vie fœtale. Il envisage la possibilité d’une

transmission mère-enfant des six émotions reconnues comme universelles (joie, peur, colère,

tristesse, surprise et dégoût), supposant que l’enfant, dès la gestation, perçoit l’état psychique

de la mère.

Au regard de l’éthologie et du phénomène de bonding (attachement maternel chez l’animal

qui consiste à se montrer particulièrement attentif à son petit et agressif vis-à-vis des autres),

W. TREVATHAN souligne (1987 ; PIERREHUMBERT, 2004)24 les avantages du contact

immédiat post-partum pour la régulation physiologique du bébé (respiration, chaleur,

hydratation, apaisement) et pour la mère (relâchement d’ocytocine dans le système sanguin

maternel, stimulant les contractions de l’utérus, l’expulsion du placenta et inhibant

l’hémorragie post-partum). Il est montré le rôle essentiel de l’ocytocine (du grec « la

naissance rapide ») : les études indiquent que la descente du fœtus déclenche le relâchement

d’ocytocine dans le système nerveux de la mère et le bonding (KENNELL et al.) ne pourrait

se faire que si cette hormone est présente. On trouve cette même hormone dans le lait

maternel et durant toute la période de soins du bébé par la mère. L’ocytocine est connue pour

son effet apaisant (apaisement de l’anxiété et diminution de la douleur), elle stimule les

centres de la récompense et du plaisir, réduit les distances et augmente la sensibilité entre

23 Montagner H. (2005). Un nouveau modèle de communication chez l’enfant. Texte communiqué par l’INSERM, Bordeaux. 24 Pierrehumbert B. (2004). L’amour maternel ... Un amour impératif. Spirale.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 18 /93

individus (dans l’expression des émotions et la communication non-verbale) et elle aurait par

ailleurs un effet sur les comportements sociaux avec ses pairs ou ses partenaires sexuels. La

sécrétion de cette hormone s’avère notamment abondante dans les pulsions sexuelles

(orgasme féminin), l’accouchement et l’allaitement (ROUSSEAU, 2008)25.

Une autre étude, menée en Israël par R. FELDMAN (2007)26, a permis de montrer que les

niveaux d’ocytocine du premier mois de grossesse prédisaient les comportements

d’attachement. Les mères ayant les niveaux les plus élevés de l’hormone tout au long de la

grossesse et durant le mois suivant l’accouchement rapportaient plus de comportement

confirmant une relation exclusive et étaient davantage préoccupées par des pensées

concernant la sécurité de l’enfant et son avenir. Selon les chercheurs, l’ocytocine semble

préparer les mères à s’engager dans des comportements d’attachement, les résultats montrant

que l’hormone est reliée aux aspects mentaux aussi bien que comportementaux de

l’attachement. FELDMAN et al. ont montré dans des travaux précédents que les mères

souffrant de dépression post-partum avaient des niveaux d’ocytocine qui tendaient à être plus

faibles.

Ces différentes recherches mettent en valeur l’influence réciproque entre l’activité hormonale

et l’humeur de la mère ainsi que son incidence sur son comportement à l’égard de son enfant

et la nature de leur attachement.

2.1.6 L’interculturel et l’attachement

La relation d’attachement semble représenter une dimension universelle au-delà des pratiques

parentales qui se distinguent en fonction des cultures. MAIN (1963 et 1967) a montré, dans sa

première étude en Ouganda, que la relation d’attachement était présente dans les deux

groupes, malgré les différences sur le plan des comportements (les bébés ougandais tapaient

dans les mains au retour de la mère). Une étude interculturelle (REEBYE) confirme les

différences culturelles et les similitudes dans le phénomène d’attachement en tant que tel. Le

nourrisson semble réagir au comportement de sa mère d’une façon innée mais conforme aux

attentes de la communauté. Par exemple, dans les sociétés traditionnelles, l’allaitement

représente un événement de vie important (92,4 % en Amérique du Sud, 94,5 % en Asie et

Océanie et 98,4 % en Afrique, 99 % en Norvège et 56 % en France) destiné à créer un lien

affectif fort entre la mère et l’enfant. Au Mali, il existe un proverbe qui dit : "Si tu ne donnes

25 Rousseau P. et Lahay W. (2008). Attachement-détachement, la dynamique des liens familiaux. Présentation de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation – UMH. 26 Feldman (2007). Sans titre. Article de Psychological Science.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 19 /93

pas le sein, l’enfant ne te reconnaîtra pas". De même, au Sri Lanka, on pense que le bébé qui

boit au biberon n’aimera pas sa maman. En Inde, c’est pendant la tétée que les femmes

transmettent leurs traits de caractère à leur petit.

La distribution des formes de liens d’attachement selon les pays est étonnamment similaire :

une étude transculturelle (INSERM, 2005) a montré qu’environ 65 % des enfants en

population générale étaient attachés de façon secure, 21 % étaient de type insecure évitant et

14 % de type insecure ambivalent. Cela a permis de montrer que ces trois types d’attachement

pouvaient être reliés de façon valide aux types d’interaction mère-enfant : sensibilité

maternelle, évitantes, imprévisibles ou rejetantes.

2.2 La disponibilité de la mère à l’égard de son jeune enfant

A la lumière des travaux réalisés dans le domaine de l’attachement mère-enfant, il semble

important d’accorder une place importante à la disponibilité de la mère dans la relation qu’elle

établit avec son enfant. Par ses pensées et ses gestes, mais aussi son activité neuro-hormonale,

la jeune mère révèle son état intérieur, c’est-à-dire sa disposition psychique, ce qui favorisera

ou non une relation d’attachement sécurisante pour le développement harmonieux de l’enfant.

2.2.1 La dimension psychique de la mère

La maternité est évoquée comme l’occasion d’un remaniement psychique pour la femme

(DURAND, 2003)27. Selon lui, cela correspond à une nouvelle crise maturative, comparable à

maints égards à celle de la puberté, faisant intervenir de multiples facteurs hormonaux,

neuropsychologiques, sociologiques et ethnologiques conduisant à l’émergence d’une

nouvelle identité tant intime que sociale.

Le bonding28 semble mettre en évidence l’existence d’une période post-partum de

préoccupation maternelle. Cette notion a été décrite pour la première fois par WINNICOTT

(1956)29 : « ma thèse est que dans la toute première phase, nous trouvons chez la mère un état

très spécifique, une condition psychologique qui mérite une appellation telle que

préoccupation maternelle primaire ». Selon lui, elle se développe graduellement pour

atteindre un degré de sensibilité accrue pendant la grossesse et spécialement à la fin. Les

mères ne s’en souviennent que difficilement lorsqu’elles sont remises, pouvant avoir tendance

à en refouler le souvenir. Cela correspondrait à un état d’hypersensibilité qui procure à la

mère la capacité de se mettre à la place de son enfant et de répondre à ses besoins avec

délicatesse et sensibilité. Dans cette disponibilité, la mère communique alors de manière 27 Durand B (2003). Manifestations psychopathologiques de la grossesse. Revue du praticien 28 Présenté page 17 29 Winnicott D.W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 20 /93

entière et globale avec l’enfant, par les intonations de sa voix (les mots importent peu), par sa

façon de le porter (holding), de le manier (handling) et de le bercer. Elle communique aussi

par sa respiration, ses battements de cœur et son adaptation à l’évolution progressive des

besoins quotidiens de son enfant. WINNICOTT résume cet échange en deux mots : fiabilité et

amour.

STERN (1998)30 parle d’une relation d’amour intime (relation primaire) qui se passe au-delà

de la parole et s’avère souvent inattendue pour la jeune mère qui est alors invitée à faire appel

à toutes ses capacités d’aimer, de partager, de communiquer, de donner et de recevoir.

L’interaction est puissante, confrontant la mère à des aspects de sa personnalité ce qui confère

à l’expérience une notion de révélation. STERN parle d’un accordage émotionnel, affectif et

rythmique (tempo des interactions) entre la mère et son enfant.

BYLDLOWSKI (2000) 31 propose le concept de transparence psychique pour décrire les

caractéristiques du psychisme maternel pendant la grossesse, à savoir une authenticité et un

radicalisme du psychisme maternel. Elle évoque notamment l’abaissement des résistances

habituelles face au refoulé inconscient qui marquerait chez la mère un surinvestissement de

son histoire personnelle et de ses conflits infantiles. La découverte de l’enfant devient alors

une mémoire de soi-même et la maternité, une expérience intime avec soi qui se présente

selon quatre étapes :

1. transparence psychique (femme enceinte) : préoccupation maternelle du contenant et lien entre le bébé

concret à venir et bébé imaginaire, fantasmé, narcissique et mythique (Lebovici)

2. préoccupation maternelle du bébé (préparation de l’accouchement)

3. préoccupation maternelle du bébé en relation avec sa propre expérience infantile (nouveau-né)

4. représentations internes en accord avec le bébé comme interlocuteur (quelques mois après la naissance).

BYLDLOWSKI (2000) précise que par l’enfantement, et singulièrement par le premier

enfant, la femme règle sa dette à l’égard de sa propre mère. Selon STERN (1998), la manière

dont une femme crée les liens avec son enfant est une question vitale qui dépend de son

histoire et de son expérience. C’est un processus largement inconscient et qui se situe à

l’origine de l’attachement, notamment avec les pensées et les rêves de la future mère. Ce

dernier commence pendant la grossesse avec les pensées et les rêves de la mère autour de son

bébé. Le récit de la naissance, histoire jamais complètement racontée et partiellement

explorée, va devenir une partie de l’identité maternelle, la naissance d’une mère.

BYLDLOWSKI (2000) parle de la maternité comme d’une expérience transmise. STERN

illustre cela avec un exemple d’interaction mère-enfant. Si la mère est en présence de l’enfant

30 Stern D. N. et Bruschweiler-Stern (1998). La naissance d’une mère. Odile Jacob, Paris. 31 Byldlowski M. (2000). Je rêve un enfant. L’expérience intérieure de la maternité. Odile Jacob, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 21 /93

et s’avère préoccupée par une pensée, elle devient prisonnière de l’univers activé sans

pouvoir être réellement présente à l’enfant. Ce dernier met en place une stratégie afin d’établir

le contact, spécialement par le regard. Au travers du regard, précise Stern, l’enfant peut sentir

et suivre la vie psychique de sa mère. Même si elle a les yeux fixés sur l’enfant mais qu’elle

est « dans ses pensées », il est en contact avec la vie intérieure de sa mère. Ce n’est que

lorsque la mère redirige son attention vers l’extérieur, c’est-à-dire vers l’enfant, que ce dernier

sent réellement sa disponibilité pour lui, ce dont il a un fort besoin dans les premiers mois de

la vie.

Une méta-analyse menée par VON IJZENDOORN (CUPA, 2000) montre que cette

corrélation entre le « modèle interne » de la mère et le « pattern » de comportement

d’attachement de l’enfant, donne lieu à la notion de transmission intergénérationnelle des

modèles d’attachement : les échanges et les soins prodigués par la mère à son enfant seraient

un espace de transmission entre le psychisme de la mère et celui de son enfant.

Certains restent cependant prudents sur cette analyse, considérant qu’il existe d’autres

facteurs expliquant la « responsivité » et la transmission intergénérationnelle tels que le

tempérament de l’enfant, les facteurs génétiques et socio-culturels (CUPA, 2000).

2.2.2 L’expérience de la vulnérabilité maternelle

Percevoir la dimension psychique de la maternité, c’est comprendre que la période de la

maternité semble être une étape, dans la vie d’une femme, qui investit totalement son corps et

son esprit. L’expérience est avant tout marquée par une modification hormonale conséquente

qui interagit très probablement dans la disponibilité physique et affective de la mère à l’égard

de son enfant et ce, dès la naissance. De plus, il semble que la femme soit confrontée à vivre

dans une grande solitude une toute nouvelle vulnérabilité qui peut l’amener à expérimenter le

doute et la peur : Pourquoi je me sens si fatiguée ? Suis-je à même de m’occuper de mon

enfant ? Comment faire en sorte qu’il se développe bien ? etc.

De la fatigue physique à la fatigue nerveuse

La fatigue physique représente le premier indice de vulnérabilité de la mère. La sagesse

populaire rappelle que le secret d’une jeune mère est de savoir se reposer après

l’accouchement. Selon BRAZELTON (1993)32, presque toutes les mères qui ont un travail

dur pendant l’accouchement (une très grande majorité des femmes primipares) ont tendance à

être quelque peu déprimées au cours des premiers jours. Selon lui, cette période s’avère utile

32 Brazelton T. B. (1993). Points forts. Les moments essentiels du développement de votre enfant. Stock-Laurence Pernoud.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 22 /93

pour la mère afin de ralentir le rythme de vie et de se remettre physiquement du stress de

l’accouchement. Pour lui, cela semble être un phénomène courant, normal et constitue une

fonction adaptatrice. Au japon, certaines mères restent couchées pendant un mois après la

naissance enveloppée dans un édredon. La mère ne doit rien faire d’autres que les soins de

son enfant pendant qu’on prend soin d’elles. Aux USA, comme en France, on attend que la

mère se relève rapidement pour faire face aux exigences de son nouveau rôle ; il est rare

qu’elle ait le temps de reprendre des forces. Or, une fatigue physique qui se cumule dans le

temps conduit rapidement à une fatigue nerveuse qui se manifeste par des signes d’irritabilité,

d’insomnie et autres troubles neurovégétatifs. BYLDLOWSKI (2000) évoque la période post-

natale comme un moment émotionnel incompréhensible, de larmes, de tristesse subite et

transitoire, accompagné de conditions hormonales nouvelles. Le « blues » serait

l’exacerbation de cette « préparation de l’esprit maternel à saisir les indices en provenance de

son enfant », ce qui expliquerait son universalité et sa durée. Ainsi, le phénomène

physiologique de la fatigue physique semble largement renforcé par le remaniement

psychique qui s’impose à la mère pendant cette période « critique ».

De la peur à l’angoisse

Les événements qui marquent le début de la maternité - notamment la grossesse,

l’accouchement et les premiers soins du bébé – sont très souvent vécus par la mère dans la

peur. Pour certaines mères, c’est la peur de ne pas être enceinte, pour d’autres, la peur de

l’enfant « anormal » ou de la douleur de l’accouchement ou encore la peur de ne pas pouvoir

l’allaiter, de ne plus avoir de temps pour soi, etc. Comme si ces peurs révélaient la peur de

changer ou de devenir mère. Selon BYLDLOWSKI (2000), le fait de « médiatiser » les

relations mère-enfant et d’identifier l’enfant comme un révélateur de soi-même renforce ce

phénomène. PIERREHUMBERT (2001) insiste sur la dimension sociale de la représentation

de l’amour maternel. Il précise que, tout comme l’enfant fait l’expérience de l’angoisse de

séparation et de perte à l’égard de la mère, celle-ci semble aussi faire cette expérience à

l’égard de son enfant. Ce qui peut conduire certaines mères à éprouver un sentiment de

sécurité par la simple présence de l’enfant que l’on appelle le role-reversing (renversement de

rôle faisant partie de la nomenclature des troubles de l’attachement, ZEANAH, 1993 ;

PIERREHUMBERT, 2001).

Par peur et culpabilité de ne pas être une « bonne mère », c’est en silence que beaucoup de

mères vivent cet état de doute qui les empêche de tisser avec leur enfant un lien secure, c’est-

à-dire un lien tranquille et sans inquiétudes (selon les termes du dictionnaire d’anglais). La

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 23 /93

peur serait la seule émotion qui soit vécue dans une situation solitaire et qui s’exprime de

manière silencieuse (COSNIER, 1994). BYLDLOWSKI précise que ce silence de la honte

peut transformer la rencontre avec le nouveau-né en une épreuve douloureuse où le partage

quotidien joyeux peut faire défaut. Selon WINNICOTT (1992), l’instinct maternel ne se

développe pas dès la naissance si la mère a peur. Une mère en témoigne (STERN, 1998) : « Je

ne sais pas si j’ai plus peur que la moyenne des mères, mais je sais que ça me pèse et que ça

affectera nécessairement mon enfant. La seule chose que mes innombrables angoisses ont en

commun, c’est de mettre en péril le sentiment d’attachement que j’éprouve pour mon bébé. »

Boris Vian (BYLDLOWSKI, 2000) décrit bien cet état de la mère s’adressant à son enfant :

« Je t’aime tant que je ne pense qu’à ce qui pourrait t’arriver de pire ». Les craintes vis-à-vis

de l’enfant sont naturelles et diminuent avec le temps sans jamais disparaître, rendant sensible

la mère à l’égard de toute réflexion sur sa manière de faire ce qui peut aussi la conduire au

doute (STERN, 1998). Beaucoup de femmes témoignent qu’elles n’ont jamais éprouvé un

amour et une inquiétude aussi intense. Or la peur est une des six émotions les plus communes

qui semblent s’opposer directement à l’amour, la gaieté et la joie, selon le schéma de

COSNIER (2006). (Remarque : la souffrance semble correspondre à la tristesse).

La maternité semble introduire la nouvelle mère dans ce que COSNIER (2006) appelle un

épisode émotionnel qui se caractérise par un état émotionnel qui débute souvent dans

l’anticipation de l’événement (la naissance de l’enfant), subit son apogée durant l’événement

(l’accouchement) et persiste un temps plus ou moins long après l’événement. Selon

COSNIER, la rumination mentale accompagne cette période avec un retour intrusif de

pensées, d’images mentales ou de souvenirs liés à l’événement émotionnel passé. L’épisode

émotionnel entraîne une modification de l’humeur, définie par COSNIER comme une

disposition ou un état affectif qui constitue un arrière-plan plus ou moins durable imprégnant

et orientant positivement ou négativement le déroulement de la vie quotidienne. C’est ainsi

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 24 /93

que la mère fait l’expérience d’un ensemble d’émotions qui s’entremêlent de manière

singulière pouvant altérer son équilibre humoral. L’activité neurophysiologique qui en

découle est destinée à permettre que les comportements émotionnels et les états

motivationnels soient un élément fondamental des régulations individuelles de l’action et

donc de l’organisation et de la régulation de la vie sociale, notamment dans la relation

première du jeune enfant avec sa mère. Ainsi, refouler ses émotions (remémorations et

représentations), c’est prendre le risque de les voir ressurgir sur une autre forme. Il semblerait

que le refoulement soit en crise lors de l’attente de l’enfant, n’assurant plus sa fonction

protectrice (BYLDLOWSKI, 2000). L’approche cognitiviste des émotions, marquée par la

théorie de James et Lange tente une explication (COSNIER, 2006) : la personne confrontée à

une situation émotionnante réagit corporellement et c’est de la perception de cet état

physiologique que naîtra l’affect spécifique de la réaction. De là découle une théorie

cognitivo-physiologiste de SCHACHTER ET SINGER (1962) : un état émotionnel résulte de

la conjonction d’une activation physiologique et de(s) cognitions appropriées pour rendre

compte de cette activation et permettre de trouver la réponse adaptée.

Du stress à la dépression maternelle

La fatigue physique accompagnée d’une peur qui s’installe dans la durée constitue les

ingrédients du stress. LAZARUS33 confirme que les petits ennuis du quotidien (comme les

désagréments du jeune enfant) participent, par leur répétition monotone, tout autant que les

grands événements (comme l’accouchement), à entretenir un stress aussi dangereux

mentalement que physiquement (COSNIER, 1994). NASSE T. (2000)34 considère que le

stress physiologique devient de l’anxiété (stress pathogène) lorsque trois conditions

essentielles sont remplies :

1. le sentiment de l'imminence d'un danger : ce sentiment s'accompagne d'élaboration de fantasmes tragiques

amplifiant toutes les images à la proportion d'un drame.

2. l'attitude d'attente devant le danger : véritable état d'alerte envahissant la personne toute entière vers une

catastrophe immédiate.

3. le désarroi, c'est-à-dire la conviction de l'impuissance absolue et le sentiment de la désorganisation et de

l'anéantissement devant le danger.

L’activité hormonale reflétant l’état intérieur de la personne, l’exposition à une situation à

laquelle elle est particulièrement sensible entraîne une réponse neuro-hormonale qui

déclenche la sécrétion de cortisol d’une part et d’adrénaline d’autre part, ainsi que la 33 Lazarus, auteur d’une théorie sur le stress de la double évaluation de la situation, considère le stress comme une impossibilité à mettre en place les ressources pour faire face à une situation menaçante. 34 Nassé T. (2000). Anxiété, angoisse, stress, dépression en hormonologie. Freud Editions, Site internet.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 25 /93

commande motrice de la réponse au stress35. Le schéma ci-dessous illustre cette activité

physiologique en cas de stress qui s’installe dans la durée (T. NASSE, 2000).

Cette mise en route de l’anxiété explique ainsi les répercussions sur l’ensemble du corps

humain et la possible dérégulation neuro-végétative : problèmes de digestion, de sommeil, de

thermorégulation, etc. Selon lui, la personne exposée de manière prolongée à une situation où

il semble dépourvu de ressources (situation normalement stressante) se fatigue jusqu’à

l’épuisement. Cet épuisement, si rien ne change, finit par se transformer en fatigue nerveuse

(apparition de l’irritabilité), puis en anxiété, puis en angoisse et enfin en maladie physique

(ulcères gastro-intestinaux, troubles cardio-vasculaires, etc.) ou mentale (dépression par

exemple). Selon lui, plus le sujet est « avancé » dans cette chaîne causale sans modifier

quoique ce soit dans son environnement intérieur ou extérieur, plus il lui sera difficile de s’en

extraire.

BRAZELTON (1993) confirme que les sentiments de joie qui accompagnent l’accueil d’un

enfant sont aussi accompagnés d’une angoisse bien naturelle : « tous les parents

profondément aimants seront anxieux ». STERN (1998) parle aussi de la naissance – surtout

pour le premier - comme un événement à la fois miraculeux et traumatisant, chargé

d’émotions et de conséquences inoubliables, si primordial et si profond qu’il est difficile de

l’assimiler complètement et d’en parler. Pour BRAZELTON, l’anxiété peut avoir une

fonction vitale qui renforce l’énergie de la mère et aide à assumer de nouvelles

responsabilités. A chaque demande du bébé, la mère se questionne, ce qui fait monter

35 Présentation de l’activité cérébrale de l’Institut MACGILL en Annexe II

Mise en route d’une réaction d’anxiété et de stress (Nassé, 2000)

1. FACTEUR INITIAL

CERVEAU

NERFS

SURRENALE

REIN

REACTION: ANXIETE –ANGOISSE - STRESS

5. SECRETION ADRENALINE

4. SECRETION CORTISOL

2. REPONSEHORMONALE

SANG

3. REPONSENERVEUSE

Mise en route d’une réaction d’anxiété et de stress (Nassé, 2000)

1. FACTEUR INITIAL

CERVEAU

NERFS

SURRENALE

REIN

REACTION: ANXIETE –ANGOISSE - STRESS

5. SECRETION ADRENALINE

4. SECRETION CORTISOL

2. REPONSEHORMONALE

SANG

3. REPONSENERVEUSE

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 26 /93

l’adrénaline et déclenche une réaction d’alarme et donc les forces nécessaires pour trouver

une solution. Si la réponse est adéquate, la mère se renforce dans son rôle de manière positive,

si les tentatives ne semblent pas satisfaire l’enfant, une tension et une angoisse vont se mettre

en place chez la mère. Cependant, si l’anxiété submerge la nouvelle mère, elle peut aussi la

renfermer sur elle-même ou l’amener à la dépression. Or une jeune mère déprimée n’est plus

disponible pour répondre aux sollicitations de son enfant et c’est ainsi qu’un mère anxieuse et

perturbée par les cris du bébé risque de les renforcer (BRAZELTON, 1993). BYLDLOWSKI

(2000) précise cependant que la dépression post-partum reste massivement méconnue et

s’avère souvent passée sous silence, évoquant le sentiment de honte ou de culpabilité alors

que le bébé est là. Car si la proximité et l’échange affectueux procure un plaisir partagé entre

la mère et son enfant, la distance et les expressions de rejet sont ressenties comme

désagréables et pénibles par les deux aussi (BOWLBY, 1978).

2.2.3 L’incidence de la disponibilité maternelle sur la r elation mère-enfant

Fatigue physique, peur et remaniement psychique semblent être tout aussi important que la

joie qui accompagne la naissance d’un enfant. Ainsi, la manière de vivre la maternité semble

prédestiner la mère à une plus ou moins grande disponibilité à l’égard de son enfant,

impliquant une prise de risque significative. Comme le précise BOWLBY (1978), l’affect (le

sentiment, l’émotion) est d’une façon ou d’une autre la cause d’un comportement, c’est-à-dire

qu’il nous fait agir.

En effet, CRAMER (2002)36 précise que la période post-partum est particulièrement exposée

à la psychopathologie maternelle du fait que la grossesse et la naissance représentent un

bouleversement en soi qui fragiliseraient le psychisme de la mère. DURAND (2003) confirme

que le post-partum représente un moment de grande vulnérabilité psychique surtout pour une

primipare, où le recours à l’hospitalisation psychiatrique est le plus élevé dans la vie d’une

femme. Selon une étude actuelle de Nicole (PIERREHUMBERT, 2004), lors des naissances

à haut risque et la présence d’une menace pour la survie du bébé, le traumatisme causé chez la

mère entraînerait une menace de désengagement émotionnel ou alors une sur-implication

confuse et anxieuse. Dans les deux cas, les mères tendent à présenter un manque de sensibilité

aux besoins autonomes de l’enfant. Dans les cas extrêmes, l’insensibilité émotionnelle peut

conduire à la maltraitance ou l’infanticide (« syndrome de Munchausen » par procuration où

le parent veut avoir toute l’attention que le bébé dérive).

36 Cramer B. (2002). Les dépressions du post-partum : une pathologie de la préoccupation maternelle primaire ? Article de Devenir.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 27 /93

De plus, MAIN et HESSE (1990, 1992 ; GOLSE et al. 2005) explique que la naissance de

l’enfant peut déclencher l’absorption inhabituelle du parent dans des souvenirs anciens si ces

derniers ont été traumatisants et pourrait entraîner des états modifiés de conscience lorsqu’un

indice rappelant l’événement traumatique se présenterait à elles. Face au bébé, elles

revivraient la terreur et l’effroi de la situation d’origine, lui transmettant son sentiment de

peur qui reste inexpliqué aux yeux du bébé : le bébé saisit l’angoisse du parent. Cependant, du

fait de son jeune âge, il n’a pas à sa disposition les moyens psychologiques de faire face à la

peur ressentie, sachant qu’il devrait pouvoir se tourner vers sa figure d’attachement pour

apaiser ses craintes, or cette dernière ne représente pas, dans l’instant, un havre de sécurité.

L’enfant maltraité est confronté au même dilemme, à savoir, le conflit entre le désarroi et

l’échec de l’attachement (GOLSE, 2005). BYLDLOWSKI (2000) précise que la mère joue

avec son enfant, dès les premières semaines, les conflits et les angoisses qui ont fondé son

mode de relation primaire. Ainsi, du fait de la plasticité du nouveau-né et en dépit de ses

compétences, le tout petit peut devenir le lieu de cristallisation de ces conflits.

CRAMER (2002) avance une hypothèse qui tend à faire un lien entre la dépression post-

partum et la préoccupation maternelle primaire. Jusqu’à 10% des femmes présenteraient une

dépression post-partum (études épidémiologiques de MURRAY ET COOPER37). Il semble

que ce soit les facteurs non-spécifiques qui déterminent sa présence (dépression préalable à la

maternité, facteurs socio-économiques, difficultés conjugales, manque de réseau de soutien).

STEIN et al (1989)38 montre que la qualité de fonctionnement du couple et – particulièrement

– le soutien par le mari apparaît comme un des prédicateurs les plus fiables. L’expérience

clinique dans les psychothérapies mère-bébé militent en faveur d’un rôle spécifique des aléas

de la relation mère-enfant précoce s’appuyant sur deux constats : les conflits interpersonnels

dans les rapports mère-bébé implique un bouleversement psychique (préoccupation

maternelle primaire) et l’action thérapeutique améliore les symptômes fonctionnels du bébé et

l’état thymique de la mère.

Les chercheurs anglo-saxons sont ceux qui ont le plus étudié l’impact de la dépression post-

partum sur le développement de l’enfant. COOPER (1991)39 mettait en évidence le lien entre

la dépression maternelle et les perturbations émotionnelles de l’enfant supposant l’influence

sur leur interaction réciproque. La mère déprimée semble être moins disponible à l’enfant par

37 Murray L. et Cooper P. (1997). Effects of postnatal depression on infant development. Archieves of Disease in Childhood. 38 Stein et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British Journal of Psychiatry, Angleterre. 39 Cooper P. et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British Journal of Psychiatry, England.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 28 /93

les symptômes qu’elle présente : tristesse, auto-préoccupation et problème social ou marital,

mais aussi perte d’intérêt, d’énergie et de confiance et irritabilité. Les résultats semblent

révéler la pauvreté des échanges mère-enfant dans le cas des mères déprimées qui sont

souvent confrontées à un contexte social et personnel difficile (MURRAY et COOPER,

1997), mettant l’accent sur la manière de répondre de la mère plutôt que le phénomène

dépressif en tant que tel. Cependant la dépression de la mère peut être influencée par l’attitude

de l’enfant et son tempérament. Ainsi, une mauvaise compréhension du tempérament de

l’enfant par la mère risque de créer une mésentente qui peut conduire à l’insécurité de l’enfant

(CUPA, 2000). Aussi, MURRAY et COOPER concluent qu’il semble que mère et enfant

puissent se retrouver en situation de ne pas faire l’expérience d’une interaction propice à un

attachement rassurant ce qui peut entraver le développement cognitif et affectif de l’enfant.

L’impact semble sensible à l’intensité et la durée de la dépression, mais aussi du contexte

personnel et social. Une autre étude (STEIN et al., 1991) confirme ces résultats en précisant

que les mères semblent jouer un rôle moindre de facilitatrice et les enfants montrent moins

d’échanges affectifs et prennent peu d’initiatives avec les personnes étrangères. Il ajoute que

les facteurs sociaux et maritaux renforcent l’observation. De plus, les mères rencontrant des

troubles du post-partum semblent plus enclin à des relations difficiles avec leur propre mère

(DURAND, 2003).

2.3 L’attachement et le développement des compétences s ocio-affectives du jeune enfant

2.3.1 L’émergence des capacités relationnelles chez le je une enfant

Pour BOWLBY, les expériences relationnelles du jeune enfant se cristallisent dans le temps

sous forme de modèles internes lui permettant la compréhension des comportements et

motivation des autres. C’est la notion de Modèle Interne Opérant (MOI) qui implique la mise

en œuvre de stratégies comportementales dans une visée adaptative d’aménagements

psychologiques particuliers. Les premières expériences de la vie permettent à l’enfant

d’ajuster le modèle qui, dans un deuxième temps, servira de référence aux expériences

nouvelles même si celles-ci diffèrent dans leur nature à celles précédemment modélisées

(Inserm, 2005). Selon BOWLBY, (FONAGY, 2001), les principaux processus

psychologiques permettant un partenariat corrigé quant au but (utilisation de plusieurs

réponses différentes avant d’atteindre finalement un résultat particulier) commencent vers 3

ans. Ils se présentent sous quatre systèmes représentationnels :

1. anticipation des interactions (0-1 an)

2. représentations d’événements dont les expériences d’attachement sont encodées et récupérées

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 29 /93

3. souvenirs autobiographiques reliés entre eux (narratif personnel continu et développement de la

compréhension de soi)

4. compréhension psychologique d’autrui.

Pour AINSWORTH, (GUEDENEY, 2006), les enfants apprennent dès le début à organiser

leurs comportements autour du caregiving (pratique parentale) qu’ils reçoivent, à s’adapter à

l’environnement relationnel dans lequel ils se trouvent et ce, de différentes manières, appelées

stratégies :

1. stratégie primaire : l’environnement interpersonnel répond de sorte que le système s’exprime librement et

totalement. C’est la capacité de l’enfant à reconnaître les figures d’attachement comme accessibles et à les

utiliser en cas de besoin (KODAK et al. 2003, PIERREHUMBERT, 1996)

2. stratégies conditionnelles : l’environnement ne répond pas de manière adéquate pour permettre l’expression

optimale du système. L’enfant considère les figures d’attachement comme insensibles à ses demandes et les

réponses seront inadéquates ; l’enfant peut alors désactiver les comportements d’attachement pour éviter

d’être confronté à un rejet : insecure-évitant (défense par déni ou clivage) ou l’enfant sur-activera les

comportements d’attachement pour pousser l’adulte à répondre : insecure-ambivalent (stratégie bipolaire)

(KODAK et al. 2003, PIERREHUMBERT, 1996). L’état de préoccupation de la mère peut aussi inviter

l’enfant à adopter une autre stratégie que celle de la sollicitation, à savoir l’exploration. Il apprendra ainsi

« l’auto-réconfort » et développera une sensibilité intérieure en résonance à celle de sa mère (STERN,

1998).

Le processus d’activation-désactivation de l’attachement est opérant dans la première

stratégie, mais pas dans la seconde (PIERREHUMBERT, 1996). Ainsi, cela peut prédire le

mode de fonctionnement du système émotionnel : en stratégie primaire, le système

d’attachement prédit l’équilibration émotionnelle, en stratégie secondaire, le système

d’attachement prédit, soit la désactivation prématurée des émotions (coupure de la source de

l’anxiété et détourne son attention des émotions), soit l’hyperactivation émotionnelle

(irruption incontrôlable d’information, de représentations ou souvenirs maintenant l’anxiété

trop activée et la demande de réconfort reste trop élevée pour être réalisable).

Dans le cadre de la théorie de l’esprit, une étude récente (DELEAU, 2007)40 met en évidence

que la diversité du vocabulaire des mères relatifs aux états mentaux lorsque les enfants ont 3

ans est un prédicateur de leurs performances six mois plus tard dans des tâches d’attribution

d’émotions d’une part, et de croyances d’autre part. Il précise que la capacité à prendre en

compte la perspective d’autrui dans les conversations serait un facteur important de

40 Deleau M. (2007). Le développement de la « théorie de l’esprit ». Nouveau cours de psychologie – Master de Psychologie du développement et de l’éducation. PUF, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 30 /93

l’élaboration de la représentation des croyances. Cela suppose donc la maîtrise de ces états

mentaux par la mère. De plus, TOMASELLO et al. (1993 ; DELEAU, 2007), toujours dans le

cadre de la théorie de l’esprit, soulignent que tous les enfants n’arriveraient donc pas à l’école

avec les mêmes ressources en termes de représentation d’états mentaux (certains résolvent des

tâches de fausses croyances dès 3 ans et 10 mois alors que d’autres échouent encore à 5 ans).

Il semble donc que les enfants ne soient pas tous armés de la même manière pour affronter les

formes scolaires d’apprentissage.

FONAGY (2001) souligne l’importance de l’expérience singulière de l’environnement par

l’enfant, selon sa propre appréciation, évoquant la notion de filtre dans l’expression du

génotype en phénotype. C’est ainsi que RUTTER a montré en 1998 qu’il existait une

variabilité inter-individuelle dans les réponses au stress et à l’adversité. Les facteurs

environnementaux déclencheraient ou non l’expression d’un gène en fonction de la manière

dont l’enfant les expérimente, elle-même fonction des expériences d’attachement et autres

expériences intrapsychiques. Ainsi l’attachement est-il une possibilité de développer

l’intelligence sociale et la production de sens. LAIBLE et THOMPSON ont rapporté en 1998

que les enfants secure avaient des compétences accrues dans la compréhension des émotions

négatives. Les recherches longitudinales de ces vingt dernières années tendent à montrer que

la sécurité de l’attachement dans la toute petite enfance est fortement corrélée à la précocité

du développement d’un certain nombre de capacités requérant des compétences

interprétatives et symboliques (exploration et jeu, intelligence et aptitude au langage, contrôle

de soi et « résilience », tolérance à la frustration, curiosité, reconnaissance de soi, capacités

cognitives sociales, etc.). C’est ce que WINNICOTT (AIMARD, 1996) expliquait en disant

que les relations premières entre l’adulte et l’enfant lui permettent d’apprendre à gérer

l’absence de la mère et à trouver un compromis entre avoir besoin de sa mère et se passer de

sa mère. Pour lui, cette période d’interactions privilégiées représente une période de

frustration supportable nécessitant l’intégration progressive du principe de réalité (concept

freudien). Elle représente un espace transitionnel, une aire intermédiaire d’expérience, c’est-à-

dire un lieu de l’illusion, du jeu, de l’activité gratuite, des activités culturelles, ludiques et de

créativité. Ainsi, la sécurité de l’attachement présage des compétences émotionnelles,

cognitives, etc. qui sont nécessaires à une capacité interprétative interpersonnelle, structurante

pour le traitement des expériences sociales (FONAGY, 2000).

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 31 /93

De très nombreuses études cognitives ont montré l’importance des différences individuelles

obligeant parfois à négliger 80 % des échantillons étudiés (CUPA, 2000). Selon LEBOVICI

(2007)41, c’est le bébé qui fait de la mère une mère attachante ou non. Un enfant apathique

prend moins d’initiatives et est moins gratifiant pour la mère et il tend à être négligé alors

qu’un enfant qui réagit beaucoup et de manière imprévisible peut exaspérer sa mère

(BOWLNY, 1978). Or, il semblerait que l’attraction de la mère par le bébé représente un

comportement doté d’un pouvoir de calmer le jeune enfant en détresse (COSNIER, 2006).

Cela a incité certains chercheurs à mieux tenir compte de la réactivité et des « états du bébé ».

Les cognitivistes se sont ralliés à la réflexion sur le lien entre l’attachement et le

développement cognitif à partir du moment où a été intégrée l’étude de l’affectivité du jeune

enfant. Selon BALLEYGIER (1898, CUPA, 2000), le tempérament est un style émotionnel,

une manière émotionnelle d’agir et de réagir. Il existerait quatre périodes pendant les trois

premières années de la vie :

1. 0-3 mois : période néonatale : faible et forte tension

2. 3-8 mois : baisse de l’irritabilité et ouverture au monde

3. 8 mois – 2 ans : peur de l’étranger et anxiété de séparation, colère d’impuissance, opposition violente aux

contraintes

4. 3ème année : meilleur contrôle de soi et action socialisée ; BOWLBY (1978) précise que le comportement

d’attachement manifesté avec violence et régularité perdure jusqu’à la fin de la troisième année

Ce développement en quatre temps a été observé chez tous les enfants étudiés avec une

différence individuelle sur la durée des périodes et l’intensité des principaux facteurs de

tension et contrôle.

Les travaux de BRETHERTON dans les années 90 ont permis d’évaluer l’organisation des

émotions de l’enfant en rapport avec la figure d’attachement (GOLSE, 2005). Sur la base de

six petites histoires (Attachment Story Complétion Task, ASCT) utilisant des poupées en

guise des acteurs de la famille, l’enfant est invité à continuer l’histoire que commence

l’expérimentateur. Les thèmes évoqués cherchent à activer le système d’attachement :

1. la figurine renverse son verre de sirop sur la table

2. elle tombe d’un rocher alors qu’elle joue dans un parc

3. elle a peur d’un monstre dans sa chambre

4. elle est séparée de ses parents qui partent quelques temps

5. elle les retrouve après leur absence

6. elle a perdu son chien.

41 Lebovici S. (2007). Attachement instinctif. Revue Psychologies Hors Série

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 32 /93

Cette expérience a été complétée par les méthodes de codage des narratifs de Dusseldorf et les

cartes pour complément d’histoires ou CCH de MILJKIVITCH, donnant lieu à quatre formes

d’attachement :

1. réponse sécurisée : production aisée, engagement facile dans la tâche, bon contact avec l’expérimentateur,

reconnaissance des affects négatifs et positifs, proposition de résolution pour rétablir sentiment de sécurité

2. réponse avec désactivation du système d’attachement : inactivité, déni des affects négatifs et pas de

résolution

3. réponse avec hyperactivation du système d’attachement : réaction intense voire anxieuse et pas de résolution

4. réponse désorganisée : perte de contrôle, fins des histoires tragiques, absence de figure parentale, pas de

résolution, nombreuses incohérences, manque de distance symbolique

Selon FONAGY (2000), il existe deux axes majeurs de comportement face à une situation

sociale difficile à gérer : un axe sécure-évitant et un axe évitant-préoccupé. En cas de

vulnérabilité, l’enfant peut se mettre, soit en retrait et valoriser la représentation de soi par

rapport à la représentation de l’autre, soit exagérer et magnifier la représentation de l’autre

dans un but de protection. Il s’agit dans les deux cas de séparer les représentations de soi et de

l’autre. PIERREHUMBERT (2001) rappelle que BOWLBY insistait sur l’importance, outre

de la « proxémie (concept employé par HALL dans "La dimension cachée") », de la présence

d’émotions dans les relations d’attachement. La rupture de proximité, voire la simple menace

d’une telle rupture, déclencherait en effet chez le jeune enfant une tension interne (anxiété)

qu’il va chercher à apaiser en rétablissant la proximité, développant pour cela des stratégies

comportementales variant selon l’âge, les capacités maturationnelles et l’histoire propre

(pleurer, sourire, vocaliser, ramper, etc.). PIERREHUMBERT précise que la simple évocation

mentale de la figure absente pourra, chez l’enfant plus âgé, réduire la tension. Cette recherche

d’équilibre dynamique entre activation et désactivation des comportements d’attachement

représente l’ébauche d’un modèle de régulation émotionnelle. La fonction de base secure

assurée par la figure d’attachement dans la petite enfance, rendrait ainsi possible une certaine

autonomie de la personne dans la régulation de ses affects. Le sentiment de sécurité

constituerait ainsi une sorte de besoin primaire dont la réalisation serait essentielle à son

développement mental ainsi qu’à l’éclosion de la sociabilité.

2.3.2 Les compétences sociales du jeune enfant

Plusieurs théoriciens ont particulièrement étudié les compétences sociales du jeune enfant au

regard de la théorie de l’attachement, dont J. BRUNER (2004)42 qui parle de dons innés et H.

42 Bruner J. (2004). Comment les enfants se mettent à parler. Retz, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 33 /93

MONTAGNER (2004, 2005) qui évoque les compétences-socles du jeune enfant.

2.3.2.1 Les dons innés de J. Bruner

J. Bruner (2004), inspiré des travaux de VYGOTSKY sur la transmission culturelle des

interactions entre l’enfant et l’adulte, a tenté une synthèse orientée sur les interactions mère-

enfant et la naissance du langage chez ce dernier. Les interactions précoces s’inscrivent dans

des scénarii où l’enfant apprend progressivement le sens culturel des objets et événements.

Pour lui, les acquisitions linguistiques collent aux acquisitions culturelles, car au-delà des

mots, il y a une action : l’enfant apprend ce qui est possible, permis, admis, etc. et acquièrent

ainsi une expérience culturelle de son environnement. Son étude se centre sur les dons innés

cognitifs du jeune enfant et les compétences de la mère dans son rôle de transmission

culturelle. Cette prédisposition de l’enfant fournit les processus fondamentaux, au nombre de

quatre, qui aident l’enfant à acquérir le langage, et donc la culture :

1. La disponibilité orientée vers les moyens et les fins : le petit être humain est doté d’une variété de processus

biologiques qui assurent son alimentation initiale, son attachement initial à un protecteur, son contact

sensoriel initial avec le monde. Il présente dès le départ une disposition active à rechercher des moyens dans

la poursuite d’une fin.

2. La transactionnalité : l’activité de l’enfant durant la première année et demie de sa vie est

extraordinairement sociale et axée sur la communication. L’interaction semble aller de soi et trouver sa

récompense en elle-même. Les observateurs du comportement du tout petit enfant comme BOWER T.

constatent qu’une réaction sociale à l’action de l’enfant est le soutien le plus puissant que l’on puisse utiliser

dans les expériences ordinaires d’apprentissages. MELTZOFF A. révèle la capacité du nouveau-né à imiter

les mimiques de son interlocuteur dans la relation en face à face, renforçant cette hypothèse de capacité

innée. Tandis que l’attachement de la mère et l’enfant est assuré au début par un ensemble de réactions

innées, il s’établit rapidement une réciprocité que le tout petit va désirer et sur laquelle il compte vraiment.

TRONICK E. montre que si la mère prend un visage neutre et fixe pendant le jeu, l’enfant fait moins de

sourires et détourne la tête plus facilement. La diversité des signes efficaces de la mère (rythme cardiaque,

présentation visuelle et surtout de ses yeux, odeur caractéristique, son et rythme de la voix) sont convertis en

un système d’anticipations réciproques très complexe qui change l’attachement biologique initial entre la

mère et l’enfant en quelque chose de plus subtil et de plus sensible aux particularités individuelles et aux

formes de pratiques culturelles.

3. La systématisation : un acte est appliqué successivement à une grande série d’objets. Dès le départ, l’enfant

est tout disposé à « réaliser beaucoup de choses avec des riens ». Il s’emploie à manipuler de toutes les

manières possibles un ensemble d’éléments limités pour étendre le champ de ses possibilités.

4. L’abstraction : les petits enfants, au cours de leur première année, semblent avoir des règles pour traiter

l’espace, le temps et même la causalité. Mise en évidence par PIAGET, l’enfant semble disposer d’une

structure logique appliquée dans la recherche de ce qui est immuable dans son univers. Cela induit de mettre

en œuvre, dès le début de la vie, des règles abstraites.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 34 /93

2.3.2.2 Les compétences-socles de H. Montagner

Les travaux de H. MONTAGNER (2004, 2005) se basent sur la psychophysiologie, la

psychopathologie du développement ainsi que la chronobiologie. Sur la base de la théorie de

l’attachement de BOWLBY, il présente un modèle des compétences-socles du jeune enfant,

encore appelées noyaux d’organisation permettant à l’enfant d’agglomérer, d’associer, de

combiner et d’intégrer les différentes informations de l’environnement, tout en les rendant

compatibles avec ses singularités, que celles-ci soient innées (présentes à la naissance) ou

acquises au fil des jours, qu’elles soient biologiques ou psychologiques. Il distingue cinq

compétences-socles :

1. L’attention visuelle soutenue : l’échange entre la mère et l’enfant, dès les premiers instants de la vie, « les

yeux dans les yeux », permet d’activer le processus d’association, de combinaison et d’intégration

d’informations visuelles, mais aussi olfactives, auditives, somesthésiques et proprioceptives (messages

pluri-sensoriels) donnant à l’enfant un sens global des « conduites » de ses partenaires. Selon Montagner, le

bébé lit dans les yeux le livre des émotions et des affects véhiculés par le regard et le visage de l’autre, en

combinaison avec leurs vocalisations, paroles, caresses, etc. Le nouveau-né a ainsi la possibilité de décoder

six émotions considérées comme universelles et innées (joie, colère, peur, tristesse, surprise et dégoût). Il

peut ajuster ses réponses aux émotions, affects et rythmes de la mère et entrer ainsi dans un jeu

d’interactions accordées. Cette interaction peut se faire aussi avec le père ou toute autre personne bien

attentionnée de son entourage. Du contact visuel yeux dans les yeux, la mère et l’enfant vont diversifier le

mode d’échange en incluant le regard porté simultanément sur un même objet ou une même scène, ce que

l’on appelle l’attention conjointe. Dès lors que la mère détourne son regard, l’enfant l’imite jusqu’à la

prochaine interaction (situation dite « still face »).

2. L’élan à l’interaction : est le mouvement par lequel le bébé sollicite sa mère pour qu’elle réponde à son

besoin quel qu’en soit la nature (alimentaire, désagrément, peur, etc.). Par un geste, une vocalise ou autre,

l’enfant active la proximité de sa mère qui en retour, par la mobilisation de représentations et perceptions

d’attachement, répondra de manière appropriée.

3. Les comportements affiliatifs : sont tous les signes d’adhésion du comportement de l’enfant dans le discours,

les émotions, les affects, les représentations et les intentions. Ils représentent la base des conduites de

communication élaborée jusqu’aux processus de socialisation qui régule les interactions au sein du groupe.

4. L’imitation : permet à l’enfant de reproduire le geste de la mère et d’apprendre ainsi de nouvelles

compétences motrices par exemple, mais aussi affectives (exploration des émotions) et sociales (jeux de

rôle)

5. L’organisation structurée et ciblée du geste : permet l’exploration de l’environnement physique et affectif

Les expérimentations de l’équipe de H. Montagner montrent que les compétences-socles

représentent des indices comportementaux fiables pour refléter un attachement secure :

l’enfant ne manifeste pas de tristesse ou d’autocentrage en l’absence de sa mère, accepte et

initie l’interaction avec une personne étrangère et ne montre pas d’indifférence, d’évitement

ou de pleurs au retour de la mère. Les enfants entre pairs jouant dans un milieu éducatif

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 35 /93

semblent présenter naturellement ces cinq compétences-socles. Tout enfant ayant des

difficultés dans l’une d’entre elles (crainte, agresseur-destructeur) se régulera naturellement

sur les autres enfants. Ainsi, MONTAGNER précise que lorsque les jeunes enfants ont la

possibilité d’évoluer dans toutes les dimensions de l’espace avec des partenaires au même

niveau de développement, ils libèrent et structurent toutes leurs compétences-socles.

Ces dernières se situent à trois niveaux fonctionnels :

1. L’installation de l’enfant sur le versant de la sécurité affective avec la prise en compte de son organisation

temporelle et de ses rythmes bio-psychologiques

2. La libération sans retenue par l’enfant des six émotions qu’il apprend ainsi à « expérimenter », canaliser,

nuancer et maîtriser

3. La libération des processus cognitifs latents et la maîtrise des capacités cognitives lui permettant

l’acquisition de nouvelles capacités à comprendre et à apprendre. Elle implique la libération de l’imaginaire

que l’on évalue à travers les productions de l’enfant (dessins, chansons, etc.)

2.3.3 L’incidence de l’attachement sur le développement d u jeune enfant

Une étude de THOMPSON (1984) présentée par L’INSERM (2005) révèle une relation entre

l’irritabilité du nouveau-né considéré comme « difficile » par sa maman et l’attachement

insécurisé ambivalent de cette dernière. Il fait l’hypothèse que l’instabilité du système

autonome (BELSKY, 1987) ou l’hyperactivité du système parasympathique (CALKINS,

1992) serait dû à une mère souvent anxieuse ou irritable avant la naissance ou par manque de

soutien social (CROCKENBERG, 1981). Les mêmes résultats s’observent avec une attitude

maternelle intrusive ou hyperactive (CUPA, 2000). Les conditions de vie de la mère

(chômage et célibat de la mère étant plus fréquent lorsque le niveau socio-économique est

faible) engendreraient un manque de sensibilité de la mère à l’égard de son enfant. SROUFE

démontre en 1979 que si la mère retrouve des conditions de vie favorables (nouvel emploi,

entente du couple) elle devient alors plus sensible aux besoins affectifs de son enfant et le

sécurise. La préoccupation maternelle de WINNICOTT se développe alors de manière

harmonieuse. Une autre étude reprise par BALLEYGUIER en 1991 de VAN DEN BOM

montre que les mères ayant les mêmes interactions à la naissance, se montrent plus

insensibles (moins de réponses aux signaux du bébé) par la suite lorsque le bébé est irritable

comme si elles étaient découragées par leur incapacité à calmer le bébé et leur difficulté à

supporter ses pleurs et ses cris. On observe surtout cette anxiété chez les mères primipares qui

renforce l’agitation du bébé. La théorie de l’attachement et les comportements antisociaux ont

conduit BOWLBY en 1988 à écrire que les individus dont les besoins de sécurité ne sont pas

remplis en viennent à voir le monde comme dépourvu de confort et comme imprévisible

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 36 /93

(INSERM, 2005). Les enfants secure semblent avoir des attentes et des attributions causales

de type positif et à se tourner vers les autres avec confiance alors que les enfants insecure

rencontrent des biais hostiles dans la perception de l’autre selon DODGE et al. en 1994

(INSERM, 2005). Une étude (MILJKOVITCH, 1969) sur les histoires à compléter par les

enfants révèle que si le discours de la mère est cohérent, l’enfant s’avère peu « anxieux » (en

référence aux trois attitudes possibles de l’enfant dans la complétude des histoires). Cela

conforterait la thèse de la transmission intergénérationnelle de l’attachement. Selon FONAGY

(1993, CUPA, 2000), la cohérence maternelle constitue la capacité de la mère à interpréter ses

propres états mentaux, sans exclusion défensive, ni débordement émotionnel. La cohérence du

narratif de la mère permettrait donc, selon lui, l’interprétation adéquate des états mentaux de

son enfant, les rendant ainsi représentables par l’enfant lui-même qui se révèlerait dans

l’expression cohérente des états mentaux de l’enfant dans son activité symbolique. Une autre

étude (OPPENHEIM et al., 1997 ; INSERM, 2005) confirme les liens entre la capacité

maternelle à soutenir l’élaboration de l’enfant dans une tâche mettant en jeu la séparation et la

capacité de l’enfant à élaborer les thèmes spécifiques de l’attachement dans les histoires à

compléter de MAC ARTHUR (Mac Arthur Story Stern Battery). Les récits les mieux

construits et les plus cohérents étaient liés à une attitude maternelle cohérente, sensible et

contenante. De plus, les études longitudinales américaines et allemandes ultérieures aux

travaux de AINSWORTH ont montré la capacité prédictive de l’attachement dit secure, en

termes de relation avec les pairs, d’aisance sociale, de stabilité de l’attention, d’affect positif,

de curiosité, de capacité d’exploration, de capacité de résilience et d’empathie (INSERM,

2005).

La recherche actuelle laisse penser que la sensibilité parentale, donnant lieu à un attachement

dit secure et à une régulation émotionnelle souple, façonne le réglage des systèmes inhibiteurs

et de contrôle cérébral de l’excitation (SHORE, 1994). En utilisant un protocole contrôlant la

part génétique du comportement, REISS et al. (1995) ont montré que le niveau spécifique

d’attitude négative des parents vis-à-vis d’un enfant prédisait le niveau de comportements

antisociaux de cet enfant. Ainsi, un grand nombre des comportements considérés comme des

précurseurs du trouble des conduites (colère, agression, opposition) peuvent être envisagés

comme des stratégies attachementales qui visent à gagner l’attention ou la proximité de

figures d’attachement généralement inattentives aux signaux habituels de l’enfant et ont pour

but de réguler le comportement parental.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 37 /93

2.4 Une disponibilité maternelle à toute épreuve pour f avoriser le développement de l’enfant

Compte tenu de l’influence de la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant sur le

développement de ce dernier, il semble que la jeune mère soit confrontée à une obligation

d’être « bien disposée ». Sa manière d’accueillir les modifications physiques et émotionnelles

qu’implique la naissance d’un enfant l’incitera à vivre avec enthousiasme ou anxiété sa

nouvelle fonction dite maternelle. Néanmoins, comme le précise WINNICOTT (1956), même

le meilleur des êtres humains connaît des défaillances, et c’est justement ce qui permet au

nourrisson d’en faire l’expérience. En palliant à ses défaillances, la mère et l’enfant sont

invités à s’adapter mutuellement pour trouver un accord harmonieux, dans un processus

circulaire avec des effets à longue portée, notion développée par BOWLBY (1978). Par contre

l’échec répété, selon WINNICOTT, est souvent un prédicateur des difficultés de

développement de l’enfant.

2.4.1 La mère comme modèle de régulation émotionnelle pou r l’enfant

Le comportement d’attachement implique une approche par systèmes de régulation

(BOWLBY, 1978) qui sous entend que les besoins de l’enfant nécessite une vigilance

émotionnelle et une disponibilité particulière de la part de la mère (PIERREHUMBERT,

2001). Ces compétences sont destinées à reconnaître, au-delà des besoins physiologiques,

celles du bébé dans ses capacités relationnelles et ainsi, à entrer dans des interactions

complexes dans lesquelles la mère sert de modèle dans la régulation émotionnelle. C’est au

cours des interactions mère-enfant que la mère est comme un « régulateur émotionnel »

(PIERREHUMBERT, 2001 ; MONTAGNER, 2004) de l’intensité de la tension intérieure

vécue par la bébé qu’il ne peut réguler tout seul. L’homéostasie passe par l’intervention de

l’autre qui représente une fonction apaisante ou stimulante. Ainsi, l’enfant devient

indépendant quand il est à même de réguler lui-même sa tension intérieure, grâce notamment

à la maturation physiologique et émotionnelle qui passe par l’intériorisation de l’image

maternelle, procurant ainsi sécurité et donc autonomie (CUPA, 2000). Toute la théorie de

BOWLBY (1978) repose sur ce concept de rétroaction (feedback) où l’origine est aussi

importante que la cause pour mettre fin à un acte. L’attachement peut se définir comme la

recherche, par tous les moyens, de la présence de la personne qui lui garantit de ne pas être

submergé par une tension excessive. Si la mère et l’enfant arrivent à une entente mutuelle,

même un enfant dit « difficile » (hyperactif ou hypoactif) pourra avoir une adaptation

normale. L’attachement sécurisé dû à une bonne relation avec la mère est ainsi un modérateur

du tempérament de l’enfant (CUPA, 2000). Cela implique que la mère soit capable d’intégrer

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 38 /93

les émotions négatives et positives qui la traversent durant les différentes étapes de la

maternité afin d’assurer sa propre régulation émotionnelle ainsi que celle de son enfant

jusqu’à ce que ce dernier puisse le faire par lui-même. C’est ce qu’évoque BION en parlant

des éléments alpha de la mère qui permettent d’assurer une fonction contenante à l’égard de

l’enfant.

BOWLBY (1978) met en avant l’idée que les mères qui semblent jouir de la compagnie de

leur enfant répondent de manière plus adaptée que les mères pour qui l’enfant semble être un

fardeau exception fait des moments d’interaction. Cela impliquerait aussi que la mère soit

heureuse d’être mère, à tout moment compte tenu de la grande sollicitude du jeune enfant.

2.4.2 La parentalité comme voie d’épanouissement pour l’e nfant

La naissance d’un enfant au sein d’un couple, c’est la naissance d’une famille et de la

parentalité pour le couple en lui-même.

Or, selon un rapport de l’Inserm (2005), la famille est le creuset de toute conduite sociale.

Actuellement, il est admis que les relations parents-enfants jouent un rôle important dans le

développement harmonieux de l’enfant. L’expertise collective sur les troubles de conduite

chez l’enfant et l’adolescent précise que « la chaleur parentale et la sécurité de l’attachement

entre parents et enfants figurent parmi les paramètres familiaux les plus pertinents ».

Aussi, non seulement la mère semble devoir être capable de réguler ses émotions et ainsi de

savoir être réceptive aux besoins de son enfant, mais elle doit aussi être dans une entente

mutuelle au sein du couple afin que la pratique parentale soit cohérente pour l’enfant et son

développement.

2.4.3 Remédiation

L’accompagnement thérapeutique de la mère

L’irascibilité et la dépression des parents sont très contagieux et se transmettent à l’enfant,

même petit (BRAZELTON, 1993). L’accompagnement des parents semble représenter la

première démarche à effectuer afin de favoriser le développement de l’enfant, sans avoir à

« traiter l’enfant ». Pour WINNICOTT (1987), les mères doivent avant tout se sentir

confiantes quant à leurs capacités à être mère et ne pas éprouver de sentiments d’impuissance.

Selon lui, il vaut souvent mieux apprendre par soi-même spontanément qu’en écoutant les

conseils des uns et des autres. Les professionnels, par exemple, ne devraient pas intervenir

dans les mécanismes délicats à l’œuvre lors de l’édification des relations interpersonnelles

comme celles qui se nouent entre le bébé et sa mère. Des processus naturels sous-tendent

toujours la naissance, ainsi le travail des professionnels est d’autant meilleur qu’il respecte et

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 39 /93

facilite ces processus naturels. Pour WINNICOTT, une personne en bonne santé n’est pas une

patiente : une personne mûre et parfaitement saine est tout à fait capable de prendre des

décisions importantes, notamment pour l’accouchement. C’est la femme immature sur le plan

affectif, déprimée, angoissée ou méfiante ou pleine de confusion qui a besoin d’être rassurée.

MAIN (GOLSE, 2004), dans le cadre de l’attachement et de la narration chez l’adulte,

propose de réduire l’écart entre les souvenirs spécifiques de l’adulte concernant son enfance et

les représentations généralisées qui servent ses comportements présents à l’égard de son

enfant. Cela doit permettre de mieux accorder les représentations au vécu personnel, ce

qu’elle appelle le metacognitive monitoring. Cela doit conduire à un récit cohérent de l’adulte

qui passe par la réorganisation des représentations liées à son histoire personnelle. FONAGY

(1993) évoque le principe de mirroring ainsi que la fonction réflexive (reflective fonction). Il

précise que la capacité de l’individu à construire une histoire cohérente de soi en y intégrant

les événements et les émotions négatives est source de sécurité émotionnelle (CUPA, 2000).

STERN (1998) explique que la réactivation du passé permet de comprendre la situation

actuelle, sachant que le contexte présent de remémoration est associé à un comportement

unique et « dépassé ». Ainsi, par l’auto-analyse, c’est-à-dire une compréhension objective et

adulte de la relation passée, la mère peut s’échapper de l’emprise de ce passé. STERN conclue

que la façon dont la femme sera mère ne sera pas simplement dictée par ce qui lui est arrivé

dans son passé, mais aussi par le travail qu’elle fera pour comprendre ce passé. Cela lui

permettra de faire connaissance avec la douleur et de développer une sensibilité intérieure,

accédant ainsi à une plus grande authenticité. L’expérience de mère devient une opportunité

de changer de l’intérieur. Pour BYLDLOWSKI (2000), il semble que donner la parole à

l’enfant que la mère a été peut suffire souvent à restaurer celui qu’elle accueille, permettant

ainsi la rencontre avec l’enfant réel et non plus imaginaire. L’état psychique particulier

qu’elle traverse s’accompagne souvent d’un appel à l’aide silencieux, à la recherche d’un

référent, tant les remémorations anciennes sont angoissantes. Ainsi le thérapeute permet de

rendre l’écho à la voix personnelle de la femme par l’évocation du passé. C’est pourquoi, il

apparaît pour BYLDLOSWKI si important d’intervenir au plus tôt auprès de ces femmes en

difficulté car le bébé n’attend pas : c’est dans l’essor de son plein développement que le petit

enfant risque d’être touché.

Selon les courants de pensée, il semble important de fuir ou de libérer, de gérer ou d’utiliser

intelligemment les émotions (COSNIER, 2006). FREUD insistait sur la nécessaire

verbalisation de la représentation refoulée, ce que les psychanalystes sont amenés à proposer

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 40 /93

aux mères. W. REICH met l’accent sur l’expression corporelle afin de relâcher le corps qui

sert d’assise aux affects. C’est ainsi que nombre de thérapies invitent les mères à se préparer à

leur maternité (Yoga ou la Sophrologie), sur la base de la technique de relaxation et de la

visualisation imagée. Ces techniques visent à détendre le corps par une action physiologique

d’exercice respiratoire (libération d’ocytocine et de sérotonine) et de calmer l’esprit par la

prise de distance vis-à-vis des émotions, c’est-à-dire par le détachement émotionnel, non pas

dans le sens du déni, mais de la reconnaissance des émotions afin de les accepter et de les

réguler. Cela permet de retrouver un équilibre émotionnel et donc humorale qui servira de

base à celui du jeune enfant. Il s’agit aussi de puiser dans ses ressources pour trouver une

manière plus appropriée d’agir dans des situations stressantes avec l’enfant. Les cognitivistes

proposent des techniques destinées à identifier l’événement déclencheur du stress, la

préparation à l’action (faire face) et l’évaluation de l’adéquation de l’action adaptative.

(LEVENTHAL, 1984, LAZARUS, 1982, COSNIER, 2006). Il semble ainsi qu’en agissant

tant sur le système corporel, le système émotionnel, le système discursif que sur le système

socio-familial, la mère puisse trouver une voie lui permettant de mettre en cohérence son

histoire personnelle afin de retrouver en elle sa capacité d’adaptation dans son nouveau rôle

de mère en faisant appel à sa spontanéité créative (selon MORENO, 1965)43.

L’accompagnement thérapeutique mère-enfant

KENNELL et KLAUS (EYER, 1992) ont observé pendant vingt ans les soins périnataux en

vue de les améliorer et se sont rendus compte que le contact physique mère-bébé dès les

premières heures postnatales favorisaient les comportements maternants, les chances de

réussite de l’allaitement et finalement la santé même du bébé en était améliorée. Ils ont ainsi

mis en évidence une période sensible pour l’établissement du lien mère-enfant qui permettrait

l’intégration par la mère de l’image mentale du bébé avec l’enfant réel. Pour certains, ce

phénomène relève d’une fiction scientifique. Ainsi, un soutien adapté auprès des mères les

encourage dans leur handling, impliquant aussi le père et les autres membres de la famille

(RUTTER, 1991). GUEDENEY (2002) rappelle que le caregiving permet notamment la

régulation interpersonnelle dans les situations de détresse.

STERN (1998) propose au couple mère-enfant de travailler sur la relation primaire, c’est-à-

dire la période pré-verbale où l’intimité est faite de soins, mais aussi de jeux. Ainsi, le jeu de

sons, d’expressions faciales, de regards ou de gestes procure une excitation physique chez

43 Moreno J. L. (1965). Psychothérapie de groupe et psychodrame. Quadrige / PUF, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 41 /93

l’enfant qui lui permet de se familiariser avec le réflexe « tension-détente ». Cela nécessite

que la mère soit spontanée et sûre d’elle, qu’elle sache improviser et ne pas avoir peur de ce

qui va se passer. L’aisance permet de vivre une véritable chorégraphie vocale propice au

développement de l’enfant et notamment du langage.

Une étude montre que les enfants de mère les plus déprimées voient leur désespoir diminuer

le plus fortement après une thérapie mère-enfant (CRAMER, 2002), comparativement à des

enfants de mères faiblement déprimées ou de mères non dépressives. De plus, on observe une

amélioration significative de l’état thymique des mères et des bébés. Il semble donc que les

thérapies traitant la relation mère-bébé (avec tout ce que cela comporte de remaniement des

représentations, des affects, de la parentalité, etc.) améliorent simultanément l’état subjectif

des mères (surtout au niveau de l’estime de soi, par le biais d’une compétence et du plaisir

retrouvé) et des états de détresse de l’enfant.

Pour certaines auteurs (ROEGIERS ; MONTAGNER, 2003), il s’agit pour la mère, mais aussi

le père, d’avoir la capacité de concevoir un enfant non seulement dans sa dimension physique,

mais aussi dans sa capacité d’éprouver, de penser et donc d’avoir ses propres opinions. C’est

la notion de respect à travers le self-reflection (FONAGY, 1994) qui s’avère cruciale pour

toutes les relations et particulièrement dans le cadre de la relation primordiale, celle de la

transmission de la vie. L’enfant nous invite ainsi à découvrir notre liberté intérieure de se

comporter de manière destructive ou constructive.

De plus, les études révèlent que la présence du père s’avère tout aussi structurante pour

l’enfant que la relation primaire d’attachement à la mère. Ainsi, la nécessité de la présence des

deux parents apportant une aide à un enfant en sérieuses difficultés est de plus en plus

reconnue (MONTAGNER et STEVENS, 2003)44. STEVENS précise que la construction à

trois mère-père-enfant, dans le processus d’individuation et de socialisation, se fait dans le

nécessaire partage complémentaire des rôles entre doux et sévère. La solidité du trio est

soutenue par la force qui s’est établie dans l’histoire interactionnelle des adultes, notamment

au moment de la conception de l’enfant. GROSSMAN (CUPA, 2000) insiste sur la différence

de contribution du père et de la mère en utilisant la situation étrange pour la mère et une

adaptation de la situation étrange au jeu pour le père. Le père stimulant (dans le jeu) et la mère

réconfortante (dans une situation de stress) doivent permettre à l’enfant de trouver sa place sur

le continuum attachement-exploration. Cette approche s’inscrit dans l’accompagnement à la

parentalité.

44 Montagner H., Stevens Y. (2003). L’attachement, des liens pour grandir plus libre. L’Harmattan, Paris

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 42 /93

L’accompagnement de l’enfant

Pour WINNICOTT (1959), la tâche de l’enfant qui a le bonheur de recevoir les soins d’une

bonne mère ordinaire dépendent de trois choses : 1. le contact avec la réalité 2. l’intégration

stable (face au risque de désintégration) 3. le sentiment de son corps (face au risque de

dépersonnalisation). Pour lui, l’histoire de l’enfant qui grandit est celle d’un enfant qui passe

en tâtonnant de la dépendance absolue à l’indépendance, avec des moments de moindre

dépendance.

L’hypothèse de FONAGY (2001) sur les expériences précoces d’attachement comme facteurs

clés de modération d’expression du génotype individuel, permettrait de jouer plus facilement

sur les représentations de l’enfant que sur les éléments de l’environnement pas toujours

modifiables. Ainsi, il suppose que des soins particulièrement adaptés à l’enfant peuvent lui

permettre de développer des capacités spéciales de changement (résilience). FONAGY

précise comment la capacité réflexive, soit la capacité que doit acquérir le bébé, de concevoir

sa propre vie psychique puis celle de l’autre comme constituée d’états mentaux, vient en fait

s’interposer entre la typologie des schémas d’attachement et tout essai illusoire et fallacieux

de prédiction de l’éventuel avenir psychopathologique ultérieur de l’enfant (GOLSE, 2001).

Il semble que les enfants rencontrant des altérations dans une des cinq compétences-socles

(MONTAGNER, 2004) puissent retrouver un équilibre par l’interaction de l’enfant avec une

autre personne, comme en témoigne les enfants qui ont la possibilité de vivre régulièrement

des situations d’ajustement comportemental et d’accordage émotionnel avec des partenaires

qui développent sans retenue un élan à l’interaction des comportements affiliatifs dans une

ambiance sécurisante et structurante. Comme cela a été précisé précédemment, les enfants

entre pairs jouant dans un milieu éducatif semblent présenter naturellement ces cinq

compétences-socles. Tout enfant ayant des difficultés dans l’une d’entre elles (crainte,

agresseur-destructeur) régulera naturellement son comportement sur les autres enfants. Ainsi,

H. MONTAGNER (2004) précise que lorsque les jeunes enfants ont la possibilité d’évoluer

dans toutes les dimensions de l’espace avec des partenaires au même niveau de

développement, ils libèrent et structurent toutes leurs compétences-socles. Selon lui, il est

nécessaire de développer des stratégies relationnelles, des aménagements du temps et de

l’espace qui puissent permettre aux enfants, en particulier ceux qui sont « non sécure » ou

« insécure », de s’installer dans la sécurité affective, de libérer leurs émotions et leurs

compétences-socles ainsi que leurs processus cognitifs, leurs ressources intellectuelles et leur

imaginaire. Pour cela, il faut agir sur trois plans : discours déculpabilisant des mères et

familles, écarter l’idée d’un déterminisme biologique, familial ou social avec la mise en place

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 43 /93

d’une perspective qui permette à l’enfant de structurer sa plate-forme de lancement, quelque

soit son âge et son degré de fonctionnement.

TREBOUX (1995), évoquant l’importance du narratif comme voie royale d’accès au monde

intérieur de l’enfant, propose une thérapie où la recherche de la maîtrise du narratif peut

permettre une amélioration de la capacité de l’enfant à intégrer ses émotions, positives et

négatives, dans une histoire cohérente de lui-même dans les relations avec ses parents

(CUPA, 2000).

PIERREHUMBERT (2001) présente une étude de PICKLER qui révèle que les soins

attentifs, sans être maternels mais prodigués dans le respect de l’autonomie de l’enfant,

permettent d’éviter des effets dévastateurs de la carence maternelle décrits par SPITZ (1947)

chez les bébés institutionnalisés. Le respect de l’individualité de l’enfant sur le plan des

actions et des émotions constitue un élément clé de cette approche : l’adulte entre dans une

vraie relation, affective, stable, mais consciemment contrôlée, dans laquelle il évite de faire

peser sur l’enfant ses attentes et sa propre affectivité. Aussi, les mères étant très préoccupées

et effectuant un travail sur soi en profondeur, peuvent trouver un soutien en confiant leur

enfant en institution (crèche, halte-jeux, etc.) le temps de retrouver une nouvelle disponibilité

pour leur enfant. De plus, la capacité de l’enfant à choisir parmi ses proches les liens qui lui

conviennent lui assure une relative résilience (selon CYRULNIK), ou encore une capacité à

réussir, à vivre, à se développer malgré l’adversité, notamment lors de la défaillance d’une des

figures parentales.

L’information, la sensibilisation, la prévention

Cela passe aussi par l’information. Les médias ont tendance à exposer un champ du possible

où les mères peuvent entendre tout et son contraire. Elles ne savent plus ce qu’elles doivent

croire ou ne pas croire, ce qui peut les rendre confuses : elles se mettent à douter, comme

l’évoquait précédemment BYLDLOWSKI. Or, pour WINNICOTT, c’est la mère qui sait, les

professionnels ne devant être là que pour accompagner la mère à faire l’expérience de ce

qu’elle sait et qu’elle va apprendre spontanément. LEBOVICI (2007) souligne l’importance

de lire des « revues médiatisées » pour comprendre le niveau d’information diffusé au grand

public car, selon lui, c’est le grand public qui consulte et non des spécialistes. Cela permet

d’être conscient de l’écart entre ce qu’ils entendent dire et ce que nous maîtrisons d’une

problématique afin d’élaborer un discours qui puissent amener les parents à modifier leur

regard sur ce qu’ils ont entendu et ainsi à faire tomber les fausses croyances si nécessaire.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 44 /93

3 PROBLEMATIQUE

La maternité, plus généralement la parentalité, semble revêtir une dimension

développementale tout aussi fondamentale et structurante que la croissance même d’un

enfant. Aussi, par une meilleure compréhension de la vie intime des jeunes mères, que met en

lumière de nombreuses recherches scientifiques, il semble possible de mieux appréhender ce

qui se joue dans la relation entre une mère et son enfant. Le dialogue mère-enfant qui

s’instaure au fil des heures, des semaines, des mois et des années privilégie un lieu d’échange

qui invite chacun à un ajustement permanent et qui semble s’inscrire dans un développement

dynamique non linéaire où chaque interaction résulte des interactions précédentes et offrent

une possibilité infinie de réponses. Or, l’état psychique de la mère, révélée par son humeur

quotidienne, semble colorer cette relation à l’enfant qui exprimera alors une réponse

singulière en fonction de ses besoins et de son âge.

La manière d’être de la jeune mère semble donc avoir une influence plus ou moins directe sur

les capacités relationnelles du jeune enfant et ses compétences futures cognitives, affectives et

sociales. Cet éclairage nous permet donc de mieux comprendre l’importance de la

disponibilité de la mère à l’égard de son enfant et l’exigence d’un équilibre physique et

émotionnel qui s’impose à elle. Il semble que l’attitude secure, sans inquiétudes (selon la

traduction du dictionnaire d’anglais), soit celle qui contribue à la plus grande confiance et

capacité d’exploration de l’enfant, deux atouts indispensables pour entrer à l’école et faire de

cette nouvelle étape de vie une expérience enrichissante et épanouissante.

L’objectif de l’expérimentation consiste à étudier la relation entre la peur que peut ressentir la

mère à l’égard de son enfant et la relation d’attachement qu’elle entretient avec lui.

L’hypothèse première est que plus la mère a peur pour son enfant, plus son attachement sera

de nature insecure, c’est-à-dire détachée ou préoccupée. L’hypothèse inverse sera aussi

étudiée, c’est-à-dire, moins la mère a peur pour son enfant, plus son attachement sera de

nature secure (autonome). Les résultats seront ensuite confrontés à une évaluation des

compétences de l’enfant (autonomie, socialisation et langage oral) situé en collectivité (halte-

jeux) afin de vérifier la conséquence de l’intensité de la peur de la mère pour son enfant et la

nature de son attachement sur les compétences cognitives, sociales et émotionnelles de

l’enfant et ce, à la veille de son entrée à l’école maternelle. Les résultats doivent nous

conduire à mieux comprendre l’expérience maternelle afin d’identifier si sa disposition

d’esprit et la peur qu’elle est susceptible d’entretenir à l’égard de son enfant influencent le

développement de ce dernier.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 45 /93

4 METHODOLOGIE

4.1 Population d’étude

4.1.1 Population choisie

L’expérimentation s’est déroulée dans le cadre du stage de Master 2 réalisé au sein du

G.R.A.P.E.S.A, Groupe de Recherche et d’Action pour la Prévention, l’Education Spécialisée

et l’Accueil. Cette association s’intègre dans la politique générale d’action sociale que le

département du Var souhaite mener en direction des populations en difficulté d’insertion

sociale et se réfère au Code d’Action Sociale et des Familles (art.L.12-2). Les actions sont de

natures très diverses telles que l’écoute, l’accompagnement socio-éducatif, le soutien à la

scolarité, le soutien à la parentalité, etc. Le stage s’inscrit plus précisément dans

l’accompagnement socio-éducatif et le soutien à la parentalité auprès de la petite enfance et de

leurs parents, avec pour finalité la prévention des difficultés d’adaptation liées aux exigences

scolaires en soutenant les apprentissages premiers. Le secteur de la petite enfance privilégie

trois actions : la Halte-jeux (enfants de 2 à 3 ans non scolarisés), les ateliers d’éveil éducatifs

(3 à 6 ans) et le centre de loisirs maternel d’été (4 à 6 ans). La halte-jeux a deux objectifs

principaux : d’une part, contribuer au développement harmonieux de l’enfant sur les plans

moteurs, intellectuels et affectifs, par l’éveil de leur potentiel et d’autre part, répondre à une

demande d’aide éducative auprès des parents pour une meilleure compréhension des besoins

et des possibilités de l’enfant.

La psychologue y intervient à plusieurs titres en tant que :

� observatrice des interactions mère-enfant dans le cadre des activités de la Halte-jeux : les enfants y sont

présents deux demi-journées par semaine sans leur mère et une demi-journée avec leur mère pour des

activités partagées,

� animatrice de groupes de réflexion mensuels (au nombre de quatre) avec les parents (participation

obligatoire) dans la structure même de la Halte-jeux. Les groupes de réflexion sont une opportunité

d’échanger et de partager des expériences afin de sortir de l’isolement, de prendre de la distance, de

dédramatiser, de puiser de nouvelles idées ou de modifier ses représentations, etc. Les parents dont l’enfant

est entré à l’école peuvent continuer à participer à des groupes de réflexion sous forme d’un Café parents

organisé de manière mensuelle par la psychologue,

� psychothérapeute en proposant des entretiens individuels à l’issue des deux premiers types d’interaction ;

c’est l’occasion d’approfondir une problématique afin d’effectuer un véritable travail d’élaboration

psychique.

4.1.2 Echantillon retenu pour l’expérimentation

L’échantillon retenu est composé de 13 parents de la halte-jeux qui participent à un des

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 46 /93

groupes de réflexion animés par la psychologue (voir tableau 1). Cela s’est passé sur la base

d’un volontariat. Seul un père a participé à l’expérimentation. Les parents de l’échantillon

sont pour la plupart isolés ou d’un milieu dit défavorisé. La majorité d’entre eux sont

d’origine étrangère (70 % de l’échantillon est originaire d’Afrique du Nord) et peu de parents

travaillent. L’expérimentation a porté sur autant de filles que de garçons, dont l’âge se situe

entre 2 et 3 ans, soit une moyenne de 2,6 ans. 60 % des enfants concernés sont les derniers de

la fratrie tandis que les autres sont principalement les aînés.

Grpe Mère Père Fille Fils Age Fratrie F Autre

N° 4 12 1 6 7 2,6 4 9

1 JSC 1 1 2,5 1/3 1

2 JSC 1 1 2,9 2/2 1

3 JSC 1 1 2,8 1/1 Maroc

4 MLG 1 1 2,9 2/3 Maroc

5 MLG 1 1 3 1/2 Maroc

6 JLG 1 1 2,7 1/2 Maroc

7 JLG 1 1 2,5 2/2 Maroc

8 MSC 1 1 3 2/2 Algérie

9 MSC 1 1 2,6 2/2 Agérie

10 MSC 1 1 3 2/2 1

11 MSC 1 1 2 1/1 1

12 MSC 1 1 2 3/3 Maroc

13 MSC 1 1 2 3/3 Tunis

Origine

Tableau 1. Profil de l’échantillon Halte-jeux

Lors des échanges en groupe, elles sont pour la plupart participatives et expriment leurs

préoccupations diverses et variées : la rentrée en Halte-jeux et la première séparation,

l’attachement de l’enfant, la propreté, l’obéissance et la pose des limites, le sens de

l’éducation, l’arrivée d’un deuxième enfant, l’endormissement, la rentrée à l’école maternelle,

etc. Tous les témoignages révèlent la diversité humaine et la singularité de l’expérience d’être

mère, même si les étapes ou les épreuves du quotidien sont similaires.

D’une manière générale, les mères sont préoccupées par l’attitude de l’enfant lorsqu’il rentre

dans une crise de larmes ou de colère. Elles ont alors peur qu’ils se fassent mal, qu’ils

s’étouffent ou encore pour certaines, qu’ils meurent. Ce sont dans ces situations qu’elles

semblent le plus stressées, que les symptômes d’anxiété et d’irritabilité apparaissent et

qu’elles ont le plus de difficulté à faire face et à trouver une issue favorable pour leur enfant et

elle. Elles savent unanimement que plus elles ont peur pour leur enfant et sont énervées dans

une telle situation, plus elles renforcent l’attitude de l’enfant. Il semble que les mères se

trouvent alors dans un sentiment d’impuissance, ce que la psychologue tente de travailler en

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 47 /93

groupe de réflexion, de manière à ce qu’elles retrouvent confiance en elles et en leur capacité

à construire une entente mutuelle avec leur enfant, malgré épisodes de cris ou de larmes de ce

dernier.

L’expérimentation a été aussi effectuée auprès de 13 parents du Café parents (voir tableau 2).

Les parents concernés sont tous d’origine française et de divers milieux sociaux. Les résultats

seront comparés à ceux de l’échantillon Halte-jeux sur les aspects concernant l’attachement et

la peur éprouvée à l’égard de son enfant, puisque les enfants du groupe Café parents sont plus

âgés – la moyenne d’âge est de 8 ans - et n’ont pas fait l’objet d’une évaluation des

compétences sociales, cognitives et affectives. L’évaluation concerne un plus grand nombre

de filles (environ 70 %). La majorité des parents ont choisi leur enfant aîné pour faire l’étude

pour l’aîné, sinon principalement pour le cadet.

Mère Père Fille Fils Age Fratrie

N° 12 1 9 4 8

1 1 1 4 1/1

2 1 1 7 2/2

3 1 1 8 1/2

4 1 1 14 1/4

5 1 1 7 2/2

6 1 1 25 1/2

7 1 1 8 2/3

8 1 1 5 1/1

9 1 1 6 1/2

10 1 1 5 2/2

11 1 1 9 1/1

12 1 1 7 1/2

13 1 1 4 3/3

Tableau 2. Profil du groupe Café parents

4.1.3 Biais du choix de l’échantillon

Certaines études relatives à la théorie de l’attachement révèlent des différences de résultats sur

la nature de l’attachement adulte, notamment en fonction de l’ordre de l’enfant dans la fratrie.

Par exemple, il semble que la mère soit particulièrement vulnérable à la maternité pour la

naissance du premier enfant. Dans le cadre de l’expérimentation, l’analyse des résultats ne

fera pas de distinction a priori entre les enfants et leur ordre dans la fratrie.

De plus, la Halte-jeux accueille tout autant les mères que les pères, or ce sont les mères qui

viennent au groupe de réflexion, à l’exception d’un père qui ne travaille pas et s’occupe des

enfants. Il en est de même pour le Café parents. Ces pères sont présents à chaque séance et se

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 48 /93

posent beaucoup de questions sur la condition maternelle et paternelle. L’auto-questionnaire

d’attachement étant fait pour tous les genres et les âges, l’expérimentation est aussi proposée

au père. Cependant, compte tenu de la minorité, nous ne traiterons pas, a priori, de manière

distincte les résultats.

Un certain nombre de parents est issu de la migration. Au regard de l’étude interculturelle sur

l’attachement mère-enfant (Reebye, ), il est possible que les pratiques maternelles soient

distinctes, cependant, cela n’induit pas forcément un mode d’attachement distinct. C’est

pourquoi, nous analyserons a priori les résultats, toutes cultures confondues.

Les biais évoqués ci-dessus, ordre dans la fratrie, figure d’attachement maternelle ou

paternelle et culturalité, sont identifiés afin d’écarter à priori toutes les possibilités de

« déviance » des résultats et ce, pour des raisons de simplification. Néanmoins, si les résultats

s’avèrent pertinents pour l’un ou l’autre des aspects, ils seront alors précisés et discutés dans

l’analyse.

4.2 Consigne générale et outils d’évaluation

4.2.1 Consigne générale

L’expérimentation a été présentée à l’équipe de la halte-jeux ainsi qu’à tous les parents

présents aux différents groupes de réflexion et aux parents du Café parents (dont les enfants

sont d’anciens inscrits à la halte-jeux)45. Elle s’est déroulée dans le cadre d’un espace-temps

dédié, le temps de deux heures pour chacun des 5 groupes : 2 groupes du quartier la Gabelle,

2 groupes du quartier Sainte-Croix et 1 groupe du Café parents.

La consigne générale consistait à :

1. Introduire les travaux de recherche sur l’attachement parent-enfant, notamment le fait que l’enfant a besoin

de se sentir en sécurité et ce, dès les premiers jours de sa vie, afin d’explorer le monde environnant en toute

confiance

2. Présenter l’évaluation en deux parties : un questionnaire d’évaluation de l’attachement de l’adulte (l’auto-

questionnaire d’attachement pour adulte Ca-Mir de B. Pierrehumbert et son équipe de recherche suisse) et

une échelle d’évaluation de la peur qui a été créée pour l’occasion.

3. Expliquer aux parents que la passation des tests et la restitution des résultats leur permettraient de mieux

comprendre ce qui peut éventuellement les préoccuper et donc, ce qui pourrait expliquer les difficultés qu’ils

rencontrent ponctuellement avec leur enfant.

4.2.2 Outils d’évaluation

L’expérimentation consiste à interroger les mères ce qui implique certaines limites telles que

45 Voir la fiche de présentation du projet d’expérimentation en Annexe III

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 49 /93

le discours qui ne coïncide pas forcément avec la réalité de l’événement. Cependant, la

recherche portant sur l’état d’esprit de la mère, et non sur son comportement, il semble que le

mode déclaratif soit le plus approprié pour recueillir cet état d’esprit qui sous-tendrait son

comportement sans observer ce dernier, ni chercher à ce que les mères le commentent. C’est

ce que confirme J.F. Richard (1999)46 en précisant que seule l’interrogation permet d’aborder

les « états intérieurs » tels que : les opinions, les attitudes, les intentions, les affects, les

représentations, les croyances qui sont, par définition, inobservable. L’évaluation doit

permettre de mieux comprendre le lien mère-enfant en posant l’accent sur les différents

éléments qui le constitue, à savoir la mère, l’enfant et le lien. Selon Leutenegger (2003)47,

étudier le système d’interactions suppose qu’on se donne les moyens d’observer ce qui a trait

à chacune des instances de la triade du système (mère – enfant – lien d’attachement), tout en

conservant l’entité « système » comme unité théorique insécable. Il s’agit donc bien d’évaluer

la triade en supposant que la triangulation (selon Mucchielli, 1996) permette de vérifier la

justesse et la stabilité des résultats produits. L’originalité et l’envergure des points de vue

recueillis grâce à l’élargissement de l’échantillonnage théorique fera aussi ressortir de

nouvelles facettes du problème ou du phénomène étudié.

L’expérimentation consiste donc à étudier la triade à l’aide des trois outils suivants (voir

figure A) :

� L’évaluation de l’attachement adulte à l’égard de son enfant, en prenant en considération ses préoccupations

passées et présentes et ses représentations. L’auto-questionnaire d’attachement pour adulte mis au point par

B. PIERREHUMBERT et al. (1996) sera utilisé et s’inspire de l’Adult Attachment Review de MAIN

� L’évaluation de l’intensité de la peur ressentie par la mère à l’égard de son enfant et ce, à des moments clés

de la maternité (désir d’enfant, grossesse, accouchement, etc.). Une échelle de la peur a été créée pour

l’expérimentation afin de pallier à un manque d’outils disponibles actuellement dans les recherches

scientifiques ; elle s’inspire de l’échelle de la douleur (utilisée dans certaines maternités et dans les hôpitaux

plus généralement)

� Les compétences sociales du jeune enfant. Une grille d’évaluation des compétences sociales de l’enfant est

remplie par les éducateurs, en début et en fin d’année, pour tous les enfants inscrits à la Halte-jeux.

46 Richard J.F. (1999). Cours de psychologie – Bases, méthodes et épistémologies. Chapitre 6. Les méthodes statistiques Dunod, Paris. 47 Leutenegger F. (2003). Etude des interactions didactiques en classe de mathématiques : un prototype méthodologique. Bulletin de psychologie / tome 56.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 50 /93

4.2.2.1 Auto-questionnaire d’attachement pour adultes Ca-Mir

L’ Adult Attachment Interview (AAI) de M. MAIN a permis de repérer chez l’adulte des

modèles très proches de ceux du bébé, exprimant l’état d’esprit de la personne à l’égard de ses

relations personnelles durant sa propre enfance (comportement autonome, détaché et

préoccupé). Dans l’AAI, il est demandé au parent de décrire ses souvenirs avec les figures

parentales, d’envisager quelle pourrait être l’influence de ces expériences sur sa vie, ainsi que

de décrire ses attitudes envers ses proches dans sa famille actuelle. L’encodage ne prend pas

en compte uniquement le contenu du discours, mais aussi les qualités intrinsèques du narratif,

telles que la cohérence, l’irruption d’émotions (colère, tristesse), le blocage de souvenirs.

PIERREHUMBERT et al. (1996) propose un auto-questionnaire pour adultes, le Ca-Mir (Ca

pour CArtes et Mir pour Modèles Individuelles de Relations) dont le but est aussi d’identifier

les modèles de relations. Il semble être reconnu pour sa fiabilité. En effet, l’outil a été utilisé

dans le cadre de différentes études dont une menée par R. MILJKOVITCH sur la

correspondance entre la Ca-Mir, la Situation Etrange et l’AAI, une autre sur le Ca-Mir des

conjoints (BRETHERTON et al.) et une autre encore sur la correspondance

transgénérationnelle de 3 générations (PIERREHUMBERT, LEBOVICI et al.) avec le Ca-Mir

des mères et grands-mères.

Le questionnaire Ca-Mir consiste à évaluer les stratégies relationnelles inter-personnelles, en

supposant l’existence d’un modèle de soi-même et des autres dans ces relations. Il s’agit

d’identifier la nature des relations pendant l’enfance et les représentations de la personne

quant à ses besoins émotionnels et ceux des autres. Les questions couvrent quatre aspects :

1. le présent (famille actuelle)

2. le passé (expérience de l’enfance dans la famille d’origine)

3. l’état d’esprit (appréciation actuelle à l’égard de l’implication des parents)

4. la généralisation (représentation généralisée et sémantique de la parentalité, des besoins émotionnels des

enfants et adultes).

MERE(Echelle de la peur)

ENFANT(Evaluation des compétences)

LIEN D’ATTACHEMENT(Ca-Mir)

MERE(Echelle de la peur)

ENFANT(Evaluation des compétences)

LIEN D’ATTACHEMENT(Ca-Mir)

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 51 /93

Au travers de ces quatre niveaux de perception de la réalité, les stratégies primaires et

secondaires seront évaluées pour savoir si la personne valorise ou non le support social c’est-

à-dire la sécurité relationnelle, au détriment de l’indépendance ou l’autonomie. Les questions

doivent pouvoir s’adresser à tous, quelque soit l’âge, le sexe et l’expérience de vie.

Le Ca-Mir utilise 72 items48 répartis selon 13 échelles :

1. Echelle A : interférence parentale

2. Echelle B : préoccupation familiale

3. Echelle C : rancune d’infantilisation

4. Echelle D : support parental

5. Echelle E : support familial

6. Echelle F : reconnaissance de soutien

7. Echelle G : indisponibilité parentale

8. Echelle H : distance familiale

9. Echelle I : rancune de rejet

10. Echelle J : traumatisme parental

11. Echelle K : blocage du souvenir

12. Echelle L : démission parentale

13. Echelle M : valorisation de la hiérarchie

Il semble que ces échelles soient sensibles aux conditions et aux événements de vie et que ces

unités de représentation soient liées à l’histoire de l’individu. Les 13 échelles ont été mises en

rapport les unes avec les autres selon deux axes : l’axe « préoccupation (échelles ABC) -

autonomie (échelles DEF) - détachement (échelles GHI) » et l’axe « passé - présent – état

d’esprit ». Les échelles J et K reflètent la non-résolution et les échelles L et M sont liées à la

structuration du milieu familial (passé et état d’esprit uniquement).

Ainsi, les échelles peuvent être lues de la manière suivante :

Passé Présent Etat d'esprit Préoccupation ("E")

A Interférence parentale

B Préoccupation familiale

C Rancune d'infantilisation

Autonomie ("F")

D Support parental

E Support familial

F Reconnaissance de soutien

Détachement ("D")

G Indisponibilité parentale

H Distance familiale

I Rancune de rejet

Non-résolution ("U")

J Traumatisme parental

K Blocage du souvenir

Structuration L Démission parentale

M Valorisation de la hiérarchie

La consigne du Ca-Mir consiste à demander au sujet de trier les 72 items retranscrits sur des

cartes selon le protocole suivant :

1. Le sujet trie les cartes en trois piles «vrai », « ne me

concerne pas » et « faux »

La distribution forcée permet d’aplanir la courbe de Gauss et

de réduire une tendance humaine à mettre les cartes le plus

48 Voir la liste des items en Annexe IV

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 52 /93

2. Le sujet reprend la pile « vrai » et la répartit en « très

vrai » et « plutôt vrai », il effectue la même chose avec

la pile « faux » et conserve la pile « ne me concerne

pas » ; on obtient ainsi des réponses en format Lickert

(échelle en 5 points)

3. Le sujet reprend la pile « très vrai », retient les 12 cartes

les plus pertinentes et met le surplus éventuel de cartes

dans la pile « plutôt vrai ». Il effectue la même

opération avec la pile « plutôt vrai » de manière à ce

qu’elle contienne 15 cartes et met le surplus éventuel de

cartes dans la pile « ne me concerne pas ». Le sujet

effectue les mêmes opérations avec la pile « très faux »

et « plutôt faux » jusqu’à obtenir 18 cartes dans la pile

« ne me concerne pas ». La procédure Q-Sort

(Stephenson, 1935), permet de sérier les impressions du

sujet en les comparant.

souvent dans la pile du milieu (effet de la désirabilité

sociale des événements comme auto-référence du sujet dans

ses comportements effectifs). La subjectivité est ainsi

préservée et permet d’explorer l’expérience personnelle

selon le point de vue propre du sujet et donc de ses

représentations mentales.

Les manipulations sont effectuées à l’aide d’une « planche de travail »49 qui permet de guider

le déroulement du test. Les résultats sont inscrits par le sujet sur la planche qui sert de

référence à la saisie des résultats sur un logiciel de traitement des données. Le calcul de score

peut alors s’effectuer pour chaque sujet : chaque item obtient un score (de 5 « pour très vrai »

à 1 pour « très faux ») traduisant son degré de pertinence subjectif. Sur cette base, s’effectue

le calcul du score moyen aux 13 échelles au regard des variables socio-

démographiques (parental - famille d’origine et familial - famille actuelle).

Il existe trois prototypes de Q-Sorts présentant le prototype détaché, le prototype préoccupé et

le prototype secure. La procédure consiste à corréler à chaque Q-Sort obtenu un prototype qui

conduira à trois coefficients de corrélation exprimant le degré de ressemblance du sujet à

chacun des prototypes. La corrélation avec le prototype secure exprimera la stratégie

primaire et la stratégie secondaire correspond à la soustraction des indices détaché moins

préoccupé.

Deux diagrammes sont ainsi construits pour chaque sujet à partir des résultats dont voici un

exemple :

49 Voir la planche de test en Annexe V

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 53 /93

Facteurs d'influence de l'état d'esprit du parent vis-à-vis de l'enfant et

au regard de l'expérience familiale passée :

1. La préoccupation est liée à l'expérience familiale de l'enfance2. La préoccupation est liée à l'expérience familiale actuelle3. L'état d'esprit est préoccupé par une rancune liée à un manque d'autonomie dans le passé4. La famille d'origine est une base de sécurité et d'autonomie5. La famille actuelle est une base de sécurité et d'autonomie6. L'état d'esprit est sécurisé et autonome (reconnaissance du soutien familial passé et présent)7. Le détachement est lié à une indisponibilité parentale par le passé8. Le détachement est lié à une distance familiale dans le présent9. L'état d'esprit est détaché du fait d'un sentiment d'avoir été rejeté dans l'enfance10. Un conflit parental passé perdure11. Le souvenir est bloqué du fait d'un conflit parental non résolu12. La structuration du milieu familial est liée à la démission parentale passée13. L'état d'esprit valorise la hiérarchie dans la structuration familiale

Mode de relation à l'enfant

0

50

100

Secure Détaché Préoccupé

scor

es T

(m

. 50

é.-

t. 10

)

Facteurs d'influence

1 23

45

6 78

910

1112 13

0

50

100

scor

es T

(m

. 50

é.-t

. 10)

4.2.2.2 L’échelle de la peur de la mère à des étapes clés d e la maternité

Il n’existe à ce jour aucune échelle de la peur utilisée de manière aussi systématique que

l’échelle de la douleur. Cette dernière est présentée aux patients des hôpitaux et des centres

anti-douleur, notamment lorsque l’on doit administrer de la morphine en soins palliatifs ou

auprès des enfants qui rencontrent des difficultés à verbaliser leurs sensations physiques. La

douleur est évaluée sur une échelle de 0 à 10, où 0 représente une absence totale de douleur et

10 représente une douleur insupportable. L’échelle s’avère très utile pour estimer l’évolution

du patient quant à son ressenti physique de la douleur d’autant plus que cette perception

s’avère très subjective.

C’est dans cet esprit que l’échelle de la peur est proposée. Elle respecte la perception

subjective de l’émotion en étalonnant de 0 à 10 la perception de la peur que la mère ressent à

l’égard de son enfant. L’intensité 0 correspond à une absence totale de peur, l’intensité 5

correspond à une présence de peur qu’il est possible de contrôler et l’intensité 10 correspond à

une peur qui préoccupe totalement la personne et qu’il est impossible de contrôler.

La consigne consiste à mettre les mères en état de relaxation et à se remémorer

successivement différentes périodes de la vie passée. Ces périodes correspondent aux étapes

clés de la maternité : avant d’être enceinte (désir ou non d’enfant), pendant la grossesse, au

moment de l’accouchement, durant les premiers jours après la naissance de l’enfant, durant

les premiers mois de l’enfant, aux premiers pas de l’enfant et enfin actuellement. Pour chaque

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 54 /93

période, les mères sont invitées à percevoir ce qu’elles ressentent et à se demander si elles

sont habitées par une peur à l’égard de leur enfant et qu’elle est son intensité. Elles inscrivent

les résultats sur une fiche50 au fur et à mesure du test, comme cet exemple :

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

2. Visualiser une scène pendant la grossesse...Quelle est l’intensité de votre peur ?

A la fin, il leur est demandé de se remémorer la période de leur enfance avec leur mère et

d’évaluer l’intensité de la peur de cette dernière à leur égard.

Cette évaluation doit permettre aux mères d’accéder à leur intériorité et ainsi de privilégier la

subjectivité de leur ressenti.

Les résultats sont saisis dans un graphe où la peur de leur propre mère est inscrite sur la

globalité du graphe dont voici un exemple : Evaluation de la peur à l'égard de son enfant

Intensité de la peur

10 Peur de ma propre mère98765432 Périodes1 de la

Avant grossesse

Pendant grossesse

Pendant accouche-

ment

1ers jours après la

naissance

1ers mois après la

naissance

Les premiers pas de l'enfant

Aujour-d'hui

maternité

Désir enfant Gestation Naissance Nouveau-né Bébé Autonomie Socialisation

4.2.2.3 La grille d’évaluation des compétences sociales

Chaque enfant inscrit à la halte-jeux est évalué en début et en fin d’année par les éducateurs.

Certains enfants ont été inscrits tardivement dans l’année ; l’évaluation se basera sur l’unique

évaluation qui est faite de leurs compétences.

La grille d’évaluation51 met en valeur plusieurs compétences :

1. l’affirmation de sa personnalité (autonomie) : capacités à se séparer de sa mère ou d’un objet transitionnel,

accrocher son manteau, enlever ses chaussures, se laver les mains, jouer seul et exprimer ses désaccords.

2. l’interaction de manière harmonieuse avec les autres (socialisation) : capacités à jouer avec les autres,

exprimer correctement ses désaccords, attendre son tour, remettre un objet à sa place, respecter les règles et

utiliser les formules de politesse

3. la communication en utilisant les ressources de la langue (langage oral) : capacités à dire son prénom,

répéter les mots entendus, mimer et chanter une chanson, formuler des phrases courtes et formuler une

demande.

Une échelle similaire à celle utilisée en école maternelle permet de quantifier les 50 Voir la fiche d’évaluation de la peur en Annexe VI 51 Voir le modèle de grille d’évolution en Annexe VII

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 55 /93

observations :

1. en vert : acquis (score = 3)

2. en orange : en voie d’acquisition (score = 2)

3. en rouge : chemine avec un peu de difficulté (score = 1)

Ainsi, l’équipe de la halte-jeux évalue les compétences de chaque enfant et ce, en début et fin

d’année avec une évaluation unique en fin d’année pour les enfants ayant été inscrits depuis

début 2008, comme dans l’exemple de graphe ci-dessous :

0

1

2

3

A B A B A B

Autonomie Socialisation Langage oral

Compétences du jeune enfant

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 56 /93

5 RESULTATS

5.1 Présentation des résultats 52

5.1.1 Résultats de l’évaluation de l’attachement pour adu lte

Les résultats de l’évaluation de l’attachement pour adulte53 révèlent une grande hétérogénéité.

Les scores du mode de relation Secure varient de 25,6 à 57,1, sachant que le prototype Secure

a un score de 64,7 (voir graphe A). La moitié des mères ont un score Secure situé entre 46,5 et

49,9. Ces mêmes mères présentent des scores Détaché et Préoccupé d’un niveau moyen, à

l’exception de quelques unes d’entre elles où l’un des scores, Détaché ou Préoccupé, est élevé

(> 50). Les mères les plus Secure (score entre 56,6 et 57,1) ont des scores relativement faibles

pour le mode de relation Détaché (score de 47,4) et Préoccupé (score entre 44,3 et 46,1). Les

mères les moins Secure (score entre 25,6 et 34,3) ont des scores particulièrement élevés pour

le mode de relation Détaché (score entre 65,7 et 69,2) et Préoccupé (score entre 61 et 69,7), à

l’exception d’une mère dont le score Détaché est moyen (48,9). L’échantillon Halte-jeux est

d’un niveau Secure moyen (45,4) alors que le niveau Détaché (51,7) et Préoccupé (54,4) sont

plus élevé que le prototype Secure dont les score sont respectivement de 42,2 et 43,6.

0,0

20,0

40,0

60,0

80,0

100,0

S D P

Sco

re T

(m

. 50

é.-t

. 10)

Echantillon HJ

Groupe CP

Prototype Secure

Graphe A. Mode de relation d’attachement des groupes au regard du prototype Secure

Les facteurs d’influence les plus élevés au regard du prototype Secure et qui expliquent les

résultats relatifs au mode d’attachement ci-dessus sont (voir graphe B) :

� Interférence parentale (Echelle A)

� Rancune d’infantilisation (Echelle C)

� Indisponibilité parentale (Echelle G)

� Rancune de rejet (Echelle I)

� Traumatisme parental (Echelle J)

� Démission parentale (Echelle L)

Les facteurs d’influence les plus faibles au regard du prototype Secure sont (voir graphe) :

52 Voir les fiches saisies par les sujets en Annexe XII 53 Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation de l’attachement pour adulte en Annexe VIII-A

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 57 /93

� Support parental (Echelle D)

� Support familial (Echelle E)

� Reconnaissance de soutien (Echelle F)

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

90,0

100,0

A B C D E F G H I J K L M

Sco

re T (m. 5

0 é.-t. 1

0)

Echantillon HJ

Groupe CP

Prototype Secure

Graphe B. Score des facteurs d’influence des groupes au regard du prototype Secure

Concernant le seul mode d’attachement Secure, la moyenne des scores de l’échantillon Halte-

jeux est relativement faible (44,82), ce que confirme le calcul de la médiane (44,8). Les

indices de dispersion s’avèrent élevés, avec une variance de 109,16 et un écart-type de 10,45,

ce qui justifie le caractère hétérogène de la distribution du protocole (voir Tableau 3).

Dist r ibut ion des ef f ect if s de l 'échant illon Halt e- jeux selon le score

d'at t achement Secure

01

23

45

6

24,1 27,6 31,0 34,5 37,9 41,4 44,8 48,3 51,7 55,2 58,6

V aleur cent rale d u sco re

Valeur centrale Effectif Classe Secure Effectif cumulé

22,4 - 25,8 24,1 1 1 Moyenne 44,8225,8 - 29,3 27,6 1 2 Variance 109,1629,3 - 32,7 31,0 0 2 Ecart-type 10,4532,7 - 36,2 34,5 1 336,2 - 39,6 37,9 0 339,6 - 43,1 41,4 1 443,1 - 46,6 44,8 1 5 50 % des effectifs 46,6 - 50 48,3 5 10 Coupure quasi-médiane50 - 53,5 51,7 0 10

53,5 - 56,9 55,2 2 1256,9 - 60,4 58,6 1 13

Tableau 3. Distribution des effectifs de l’échantillon Halte-jeux selon le score Secure et indices de dispersion

Concernant le mode d’attachement Secure, les résultats du groupe Café parents54 présentent

une grande hétérogénéité (voir tableau 4) marquée par un quart des parents dont le score est

très faible (entre 24,1 et 34,5) et un autre quart de parents dont le score est élevé (entre 51,7 et

58,6), à l’exception d’un parent dont le score est de 41,4 et qui se situe proche de la moyenne

(42,43). La valeur faible de la médiane (34,5) comparativement à la moyenne s’explique par

cette tendance à une courbe de Gauss inversée. Les indices de dispersion s’avèrent élevés,

avec une variance de 187,29 et un écart-type de 13,69, ce qui justifie le caractère hétérogène

de la distribution du protocole.

54 Voir le protocole du groupe Café parents pour l’évaluation de l’attachement pour adulte en Annexe IX - A

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 58 /93

Distribution des effectifs de l'échantillon selon le score d'attachement Secure

0

1

2

3

4

24,1 27,6 31,0 34,5 37,9 41,4 44,8 48,3 51,7 55,2 58,6

Valeur centrale du score

Eff

ectif

Valeur centrale Effectif Classe Secure Effectif cumulé

22,4 - 25,8 24,1 2 2 Moyenne 42,4325,8 - 29,3 27,6 1 3 Variance 187,2929,3 - 32,7 31,0 1 4 Ecart-type 13,6932,7 - 36,2 34,5 2 6 50 % des effectifs 36,2 - 39,6 37,9 0 6 Médiane39,6 - 43,1 41,4 1 743,1 - 46,6 44,8 0 746,6 - 50 48,3 0 750 - 53,5 51,7 1 8

53,5 - 56,9 55,2 3 1156,9 - 60,4 58,6 2 13

Tableau 4. Distribution des effectifs du groupe Café parents selon le score Secure et indices de dispersion

Quelques résultats distinguent nettement l’échantillon Halte-jeux et le groupe Café parents :

� Les mères du groupe Café parents ont des scores moins élevés que l’échantillon Halte-jeux pour les

modes de relation Secure et Détaché, alors que le score Préoccupé est identique (graphe A)

� Concernant les facteurs d’influence, le score du groupe Café parents nettement plus élevé que celui de

l’échantillon Halte-jeux est (graphe B) :

� Support familial (Echelle E)

� Le score du groupe Café parents nettement plus faible que celui de l’échantillon Halte-jeux est :

� Préoccupation familiale (Echelle B)

� Blocage du souvenir (Echelle K)

� Démission parentale (Echelle L)

� Valorisation de la hiérarchie (Echelle M)

Les résultats sont synthétisés dans le tableau suivant (tableau 5) :

Passé Présent Etat d'esprit

Préoccupation A Interférence parentale B Préoccupation familiale C Rancune d'infantilisation

Echantillon HJ 56,8 62,4 57,8

Groupe CP 54,9 53,1 56,3

Secure 49,3 57,2 46,9

Autonomie D Support parental E Support familial F Reconnaissance de soutien

Echantillon HJ 48,8 49,0 50,0

Groupe CP 44,4 54,7 46,8

Secure 61,5 56,0 57,2

Détachement G Indisponibilité parentale H Distance familiale I Rancune de rejet

Echantillon HJ 55,0 52,1 56,6

Groupe CP 58,2 51,9 59,1

Secure 49,5 49,8 42,1

Non-résolution K Blocage du souvenir

Echantillon HJ 55,7

Groupe CP 50,3

Secure 53,6

Structuration M Valorisation hiérarchie

Echantillon HJ 57,5

Groupe CP 49,8

Secure 53,952,8

J Traumatisme parental

45,8

60,7

61,0

55,8

60,3

L Démission parentale

Tableau 5. Répartition des facteurs d’influence par groupe et au regard du prototype Secure (sur la base de la moyenne de chaque groupe)

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 59 /93

5.1.2 Résultat de l’évaluation de la peur de la mère à l’ égard de son enfant selon les étapes clés de la maternité

Les résultats de l’évaluation de la peur de la mère à l’égard de son enfant aux étapes clés de la

maternité55 révèlent une grande variété de résultats. La très grande majorité des mères (77 %)

ont rencontré à un moment ou un autre de la maternité une intensité de peur pour leur enfant

très élevée (score entre 8 et 10). Les périodes les plus évoquées sont l’accouchement (40 %) et

la période actuelle (40 %). Chaque période de maternité rencontre des scores très hétérogènes,

variant en moyenne de 9 points. Globalement, l’intensité moyenne de l’échantillon Halte-jeux

la plus élevée correspond à la période d’accouchement (score de 6) alors qu’avant la

grossesse, le niveau moyen d’intensité de la peur est de seulement 3. Toutes les autres

périodes correspondent à une intensité moyenne de 5 (graphe C). La moitié des mères de

l’échantillon Halte-jeux éprouvent encore aujourd’hui une peur pour leur enfant d’une

intensité élevée (intensité > 5), tandis que d’autres n’ont pas peur (niveau 0) ou très peu peur

(niveau 1).

De plus, la peur moyenne de chaque mère correspond, à deux degrés d’échelle près, à

l’intensité moyenne de la peur que leur propre mère a éprouvé à leur égard durant l’enfance,

toute étape de la maternité confondue. L’intensité moyenne de la peur de l’échantillon Halte-

jeux est égale à celle du groupe que constitue leur propre mère, soit d’intensité 5.

0,01,02,03,04,05,06,07,08,09,0

10,0

1 : av

ant la

gros

sess

e

2 : pe

ndan

t la

gros

sess

e

3 : pe

ndan

t

l'acc

ouch

emen

t

4 : 1

ers

jour

s

5 : 1e

rs m

ois

6 : 1e

rs p

as

7 : ac

tuel

Echantillon Halte-jeux

Groupe Café parents

Graphe C. Evaluation de la peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant selon les étapes clés de la maternité

La moyenne des scores de l’échantillon Halte-jeux concernant la peur éprouvée à l’égard de

son enfant, toute période de la maternité confondue, est d’un niveau moyen (5,12), avec une

coupure quasi médiane à 4,5. Une petite majorité des mères partagent une même moyenne

d’intensité de peur, correspondant à une valeur centrale de 5,5. Les indices de dispersion

s’avèrent élevés, avec une variance de 2,76 et un écart-type de 1,66, ce qui justifie le caractère

hétérogène de la distribution du protocole (voir Tableau 6).

55 Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation de la peur en Annexe VIII-B

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 60 /93

0

1

2

3

4

5

6

7

8

0,5 1,5 2,5 3,5 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 9,5

Valeur centrale de l'intensité de la peur

Eff

ectif

SecureClasse Valeur centrale Effectif Effectif cumulé Moyenne 5,120 - 1 0,5 0 0 Variance 2,761 - 2 1,5 1 1 Ecart-type 1,662 - 3 2,5 1 23 - 4 3,5 0 24 - 5 4,5 2 4 50 % des effectifs 5 - 6 5,5 7 11 Coupure quasi-médiane6 - 7 6,5 0 117 - 8 7,5 2 138 - 0 8,5 0 139 - 10 9,5 0 13

Tableau 6. Distribution des effectifs de l’échantillon Halte-jeux selon la peur ressentie par la mère à l’égard de

son enfant et indices de dispersion

Concernant le groupe Café parents, les résultats révèlent des différences significatives56. La

moyenne des scores du groupe café parents concernant la peur éprouvée à l’égard de son

enfant, toute période de la maternité confondue, est d’un niveau moyen plus faible (3,19),

avec une coupure quasi médiane à 2,5. Une grande majorité des mères a une peur moyenne

faible (entre 0 et 3). Une minorité de mères a une moyenne d’intensité de peur supérieure ou

égale à la valeur centrale 5,5. Les indices de dispersion s’avèrent très élevés, avec une

variance de 3,73 et un écart-type de 1,93, ce qui justifie le caractère hétérogène de la

distribution du protocole (voir Tableau 7).

Distribution des effectifs de l'échantillon selon le score d'attachement Secure

0

1

2

3

4

0,5 1,5 2,5 3,5 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 9,5

Valeur centrale du score

Eff

ectif

SecureValeur centrale Effectif Effectif cumulé Moyenne 3,19

0,5 1 1 Variance 3,731,5 3 4 Ecart-type 1,932,5 3 7 50 % des effectifs 3,5 2 9 Coupure quasi-médiane4,5 2 115,5 1 126,5 0 127,5 1 138,5 0 139,5 0 13

Tableau 7. Distribution des effectifs du groupe Café parents selon la peur ressentie par la mère à l’égard de son

enfant et indices de dispersion

Globalement, à chaque étape de la maternité, les résultats de l’échantillon Halte-jeux sont plus

élevés que ceux du groupe Café parents (graphe D). Cette différence représente 1 à 2,5 points

sur l’échelle de la peur.

En sélectionnant les items des échelles de l’attachement pour adulte qui évoquent la peur ou

l’inquiétude57, il est possible d’établir le prototype Secure de la peur. On appellera ces items

« items peur / inquiétude ». Ce dernier présente des scores spécifiques aux items concernés

56 Voir le protocole du groupe Café parents pour l’évaluation de la peur en Annexe IX-B 57 Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation des items « peur / inquiétude » en Annexe VIII-C

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 61 /93

(graphe E). Les résultats révèlent que l’échantillon Halte-jeux a un profil « peur / inquiétude »

similaire à celui du prototype Secure, à l’exception des items suivants :

� « Enfant, on m’a inculqué la crainte d’exprimer ses opinions » (score faible pour le

prototype Secure et score élevé pour l’échantillon Halte-jeux)

� « Dans ma famille, chacun exprime ses émotions sans crainte » (score élevé pour le

prototype Secure et score faible pour l’échantillon Halte-jeux)

Les résultats du groupe Café parents au regard du prototype Secure58, présentent les

différences suivantes et avec un score nettement plus élevé pour le groupe Café parents :

� « Enfant, j’étais inquiet d’être abandonné »

� « J’étais un enfant peureux »

� « A l’adolescence, personne dans mon entourage n’a vraiment compris mes soucis »

� « Enfant, j’avais peur de mes parents »

Le seul item dont le score est nettement moins élevé de la part du groupe Café parents est :

� « Je suis toujours inquiet de la peine que je peux faire à mon entourage »

00,5

11,5

22,5

33,5

44,5

Enfant, j'étaisinquiet(e) d'êtreabandonné(e)

J'étais un enfantpeureux

Enfant, on a ététellement

soucieux de masanté et de masécurité, que je

me sentaisemprisonné(e)

Je suis toujoursinquiet(e) de la

peine que jepeux faire à

mes proches enles quittant

La perspectived'une

séparationmomentanée

d'un proche melaisse un

sentiment diffusd'inquiétude

Souvent, je mesens

préoccupé(e)sans raison parla santé de mes

proches

Al'adolescence,personne dansmon entourage

n'a jamaisvraiment

compris messoucis

Enfant, on m'ainculqué la

crainted'exprimer son

opinionpersonnelle

Dans mafamille, chacun

exprime sesémotions sans

craindre lesréactions des

autres

Enfant, j'avaispeur de mes

parents

39 48 54 22 68 72 26 55 4 33

Secure

Echantillon Halte-jeux

Groupe Café parents

Graphe E. Evaluation des items « peur / inquiétude » au regard du prototype Secure

5.1.3 Résultat de l’évaluation des compétences des enfant s en Halte-jeux

L’évaluation des enfants59 de l’échantillon Halte-jeux a été réalisée pour 11 d’entre eux en

termes d’évaluation finale (en fin d’année) et pour 6 d’entre eux en termes d’évolution des

compétences entre le début et la fin de l’année.

Evaluation finale des compétences : sous-groupe de 11 enfants de l’échantillon Halte-jeux

La moyenne du groupe est de 2,41 (tableau 8), tout domaine confondu, avec une note

maximale de 2,9. La très grande majorité des enfants a une valeur centrale de 2,5, à

l’exception d’un enfant dont le score est de 1,6. Les résultats montrent une faible dispersion

58 Voir le protocole détaillé pour l’évaluation des items de la peur en Annexe IX-C 59 Voir le protocole détaillé pour l’évaluation des compétences des enfants en Annexe VIII-D et le protocole synthétisé en Annexe VIII-E

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 62 /93

avec une variance de 0,09 et un écart-type de 0,3.

0

2

4

6

8

10

12

0,5 1,5 2,5

Valeur centrale du score

Effe

ctif

Secure Moyenne 2,41Valeur centrale Effectif Effectif cumulé Variance 0,09

0,5 0 0 Ecart-type 0,301,5 1 12,5 10 11

Tableau 8. Evaluation des compétences finales des enfants de l’échantillon Halte-jeux et indices de dispersion

Les scores du domaine « Socialisation » oscillent entre 2,5 et 3 pour la majorité du groupe à

l’exception de 2 sujets (graphe F). Les résultats sont similaires pour le domaine « Langage

oral », mais ne concernent pas exactement les mêmes sujets. Le domaine de compétence pour

lequel les scores sont les plus faibles est le domaine « Autonomie » avec 8 sujets qui

obtiennent un score inférieur ou égal à 2,5.

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

7 8 10 4 5 2 9 12 13 11 1

N° du sujet

Valeu

r ce

ntrale d

u sc

ore

Autonomie

Socialisation

Langage oral

Graphe F. Répartition des scores finaux par domaine de compétences des enfants

Evaluation de l’évolution des compétences de 6 enfants de l’échantillon Halte-jeux :

La moyenne de l’évolution des compétences du groupe est de 1,17 points (tableau 9), tout

domaine confondu, avec une augmentation maximale de 1,6 points. Une grande majorité des

enfants a une valeur centrale de progression de 1,5, à l’exception de deux enfants dont le

score est de 0,5. Les résultats révèlent une faible dispersion avec une variance de 0,27 et un

écart-type de 0,52. Distribution des ef fectifs de l'échantillon selon le score

d'attachement Secure

0

1

2

3

4

5

0,5 1,5 2,5

Valeur centrale du score

Effec

tif

Secure Moyenne 1,17Classe Valeur centrale Effectif Effectif cumulé Variance 0,270 - 1 0,5 2 2 Ecart-type 0,521 - 2 1,5 4 62 - 3 2,5 0 6

Tableau 9. Evaluation de l’évolution des compétences finales des enfants de l’échantillon Halte-jeux et indices de dispersion

Les plus fortes progressions dans les compétences des enfants (graphe G) concernent le

domaine « Langage oral » pour la moitié d’entre eux et le domaine « Socialisation » pour

deux d’entre eux. Seuls 2 enfants connaissent une progression faible de l’ensemble de leurs

domaines de compétences, oscillant entre 0,2 et 0,7.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 63 /93

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

12 5 9 4 8 10

Sujets

Valeu

r cen

trale du sc

ore

Autonomie

Socialisation

Langage oral

Graphe G. Répartition des scores de progression par domaine de compétences des enfants

5.1.4 Analyse des relations entre les trois évaluations

Les résultats sont présentés dans un tableau synthétique (tableau 10) afin de présenter :

1. Le profil des sujets de l’échantillon Halte-jeux

2. Les résultats obtenus au questionnaire d’attachement pour adulte en prenant en compte

la seule variable « Attachement Secure »

3. Les résultats obtenus à l’échelle de la peur en prenant en compte la moyenne de

l’intensité de la peur toute étape de la maternité confondue et l’intensité de la peur au

moment de l’accouchement

4. Les résultats obtenus à l’évaluation des compétences finales des enfants pour ceux qui

ont pu être observés en Halte-jeux, avec pour certains, la progression de leurs

compétences entre le début et la fin de l’année

LIEN

Grpe Mère Père Fille Fils Age Fratrie F Autre Moyenne accouchement Finales Evolution

N° 4 12 1 6 7 2,6 4 9 45,4 4,9 5,8 2,6 1,1

1 JSC 1 1 2,5 1/3 1 41,5 4,1 8,0 1,6

2 JSC 1 1 2,9 2/2 1 25,6 4,4 8,0 2,6

3 JSC 1 1 2,8 1/1 Maroc 29,1 5,1 4,0

4 MSC 1 1 3 2/2 Algérie 48,7 5,0 2,0 2,9 0,5

5 MSC 1 1 3 2/2 1 48,7 1,7 1,0 2,9 0,4

6 JLG 1 1 2,7 1/2 Maroc 54,9 2,4 2,0

7 JLG 1 1 2,5 2/2 Maroc 46,5 7,1 7,0 2,9

8 MSC 1 1 2,6 2/2 Agérie 49,9 5,1 6,0 2,6 1,3

9 MLG 1 1 3 1/2 Maroc 57,1 5,1 7,0 2,8 1,4

10 MLG 1 1 2,9 2/3 Maroc 56,6 5,1 9,0 2,8 1,3

11 MSC 1 1 2 1/1 1 48,6 5,3 4,0 2,4

12 MSC 1 1 2 3/3 Maroc 48,3 7,7 7,0 2,5 1,6

13 MSC 1 1 2 3/3 Tunis 34,3 5,0 10,0 2,4

MSC : Halte-jeux Sainte-Croix groupe du Mardi

JSC : Halte-jeux Sainte-Croix groupe du Jeudi

MLB : Halte-jeux la Gabelle groupe du Mardi

JLB : Halte-jeux la Gabelle groupe du Jeudi

PROFIL

Peur

ENFANT

Origine AttachementSecure

Compétences

MERE

Tableau 10. Protocole synthétisé de l’échantillon Halte-jeux

Un autre tableau synthétise les résultats du groupe Café parents (tableau 11), ce qui permettra

d’approfondir la réflexion, notamment sur l’analyse de la relation entre l’attachement Secure

et la peur de la mère à l’égard de son enfant.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 64 /93

Mère Père Fille Fils Age Fratrie

N° 12 1 9 4 8 42,8 3,1

10 1 1 5 2/2 60,4 0,0

13 1 1 4 3/3 59,9 7,9

4 1 1 14 1/4 55,6 1,4

11 1 1 9 1/1 55,1 2,6

8 1 1 5 1/1 55,1 3,4

12 1 1 7 1/2 52,7 5,6

7 1 1 8 2/3 41,7 4,4

3 1 1 8 1/2 35,8 2,4

6 1 1 25 1/2 35,3 3,3

5 1 1 7 2/2 29,8 1,4

1 1 1 4 1/1 27,6 4,0

2 1 1 7 2/2 25,5 1,9

9 1 1 6 1/2 22,4 2,4

AttachementSecure

Peurmoyenne

Tableau 11. Protocole synthétisé du groupe Café parents

� Relation entre l’attachement Secure et l’intensité moyenne de la peur de la mère pour son enfant

Les résultats (graphe H et tableau 10) révèlent une grande dispersion dans la distribution des

effectifs de l’échantillon Halte-jeux60.

24,1

31,0

37,

9

44,

8

51,7

58,6

0,5

4,58,5

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

Effectif

Score attachement Secure

Instensité de la peur

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

5 4 6 9 10 8 11 12 7 1 13 3 2

Sujets de l'échantillon Halte-jeux

Sco

res

0,0

1,0

2,0

3,0

4,0

5,0

6,0

7,0

8,0

Attachement Secure

Intensité moyenne dela peur

Graphe H. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur

Les mères les plus Secure (1/4 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur

variant de 2,4 à 5,1 tandis que les mères les moins Secure (1/4 d’entre elles) ont connu une

peur d’une intensité moyenne oscillant entre 4,4 et 5,1. La moitié des mères, dont

l’attachement Secure est moyen, ont vécu une intensité de peur variant de 1,7 et 7,7, sachant

que la majorité d’entre elles a rencontré une peur d’une intensité de 5,5. Globalement, ce sont

les mères les plus Secure qui ont la peur la moins élevé (la moyenne du sous-groupe est de

4,2, valeur en dessous de la moyenne du groupe qui est de 5,12), tandis que les mères

moyennement Secure et faiblement Secure ont connu une peur d’intensité plus élevée

(respectivement 5,2 et 4,9, valeurs proches de la moyenne du groupe) (tableau 12).

60 Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon l’attachement et la peur de la mère en Annexe X-A

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 65 /93

De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 12) fait apparaître une valeur de – 0,06

ce qui indique une absence de relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la

peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant.

Moyenne Accouchement Moyenne AccouchementScore Attachement4,2 6,0 3,2 4,8 Elevé5,2 5,0 3,4 2 Moyen4,9 7,3 2,8 2,2 Faible

-0,06 -0,07 0,21 0,52 Coef de corrélation

Peur / Halte-jeux Peur / Café parentsATTACHEMENT et PEUR

Tableau 12. Moyenne de la peur (intensité moyenne et peur à l’accouchement) des sous-groupes de l’échantillon

Halte-jeux en fonction du Score d’attachement Secure et Coefficient de corrélation

En utilisant les scores de l’intensité de la peur à l’étape de l’accouchement, il apparaît les

résultats suivants (graphe I et tableau 10).

24,1

31,0

37,9

44,8

51,7

58,6

1,0

5,09,0

0

1

Effectif

Score attachement Secure

Instensité de la peur

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

5 4 6 9 10 8 11 12 7 1 13 3 2

Sujets de l'échantillon Halte-jeux

Sco

res

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

Attachement Secure

Intensité de la peur àl'accouchement

Graphe I. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur

Les mères les plus Secure (1/4 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur

variant de 2 à 9 tandis que les mères les moins Secure (1/4 d’entre elles) ont connu une peur

d’une intensité moyenne oscillant entre 4 et 10. La moitié des mères, dont l’attachement

Secure est moyen, ont vécu une intensité de peur variant de 1 et 8. Globalement, ce sont les

mères les moins Secure qui ont la peur la plus élevé (la moyenne du sous-groupe est de 7,3,

valeur bien au-dessus de la moyenne du groupe qui est de 5,7), tandis que les mères les plus

Secure et moyennement Secure ont connu une peur d’intensité plus faible (respectivement 6

et 5, valeurs proche de la moyenne du groupe) (tableau 12).

De plus, le calcul du coefficient de corrélation fait apparaître une valeur de – 0,07 ce qui

indique une absence de relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la peur

éprouvée par la mère à l’égard de son enfant au moment de l’accouchement.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 66 /93

Les résultats de l’analyse entre l’attachement Secure et la peur de la mère à l’égard de son

enfant (graphe J et tableau 11) révèlent aussi une grande dispersion dans la distribution des

effectifs du groupe Café parents61. 24

,1

31,0

37,9

44,8

51,7

58,6

0,5

3,5

6,5

9,5

0

1

Effectif

Score attachement Secure

Instensité de la peur

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Sujets du groupe Café parents

Sco

res

0,01,02,03,04,05,06,07,08,09,0

Attachement Secure

Intensité de la peur

Graphe J. Répartition du groupe Café parents selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur

Les mères les plus Secure (1/2 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur

variant de 0 à 7,9 tandis que les mères les moins Secure (1/2 d’entre elles) ont connu une peur

d’une intensité moyenne oscillant entre 1,4 et 4. Une seule mère est moyennement Secure et a

vécu une intensité de peur de 4,4. Globalement, ce sont les mères les moins Secure qui ont

l’intensité de peur la moins élevée (la moyenne du sous-groupe est de 2,6, valeur en dessous

de la moyenne du groupe qui est de 3,19), tandis que les mères moyennement Secure et les

plus Secure ont connu une peur d’intensité plus élevée (respectivement 4,4 et 3,5, valeurs

proche de la moyenne du groupe). On observe que les deux mères qui ont le score

d’attachement le plus élevé ont vécu une intensité moyenne de la peur diamétralement

opposée puisque l’une d’elle n’a vécu aucune peur durant toutes les étapes de la maternité

alors que l’autre mère a vécu l’intensité moyenne de peur la plus élevée de l’échantillon

(score de 7,9) (tableau 12).

De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 12) fait apparaître une valeur de 0,21

ce qui indique une faible relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la peur

éprouvée par la mère à l’égard de son enfant.

� Relation entre l’attachement Secure et les compétences de l’enfant

Les résultats (graphe K et tableau 10) révèlent une grande dispersion dans la distribution des

effectifs de l’échantillon Halte-jeux62.

61 Voir la distribution des effectifs Café parents selon l’attachement et la peur de la mère en Annexe XI 62 Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon l’attachement et les compétences de l’enfant en Annexe X-B

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 67 /93

24,1

27,6

31,0

34,5

37,9

41,4

44,8

48,3

51,7

55,2

58,6

0,5

2,50

1

2

3

4

5

Effectif

Attachement Secure

Compétences finales enfant

0

10

20

30

40

50

60

70

5 4 11 12 9 8 10 7 1 13 2

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

Attachement Secure

Compétences finales del'enfant

Graphe K. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et les compétences finales de l’enfant

Les enfants dont l’attachement est le plus Secure ont un niveau de compétences égal à 2,8,

valeur au-dessus de la moyenne qui se situe à 2,6. Les enfants dont l’attachement est

moyennement Secure ont un niveau de compétences variant de 1,6 à 2,9 avec une moyenne de

sous-groupe de 2,5. Les enfants dont l’attachement est le moins Secure ont un niveau de

compétences entre 2,4 et 2,6, soit proche de la moyenne du groupe (tableau 13).

De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 13) fait apparaître une valeur de 0,35

ce qui indique une faible relation entre le score à l’attachement Secure et les compétences

finales de l’enfant.

Finale Evolution Score Attachement2,8 0,5 Elevé2,5 1,4 Moyen2,5 - Faible0,35 0,43 Coef de corrélation

ATTACHEMENT et COMPETENCECompétence enfant

Tableau 13. Moyenne de la peur (intensité moyenne et peur à l’accouchement) des sous-groupes de l’échantillon

Halte-jeux en fonction du Score d’attachement Secure et Coefficient de corrélation

Les résultats liés à l’évolution des compétences (graphe L) révèlent que les enfants dont

l’attachement est le plus Secure ont le niveau d’évolution de compétences le moins élevé,

entre 0,4 et 1,6, soit une moyenne du sous-groupe de 0,5 qui est inférieure la moyenne du

groupe de 1,1. A l’inverse, les enfants dont le niveau d’attachement est moyennement Secure

ont un niveau d’évolution des compétences plus élevé, entre 1,3 et 1,4, soit une moyenne du

sous-groupe de 1,4 ce qui se situe au-dessus de la moyenne du groupe.

24,1

27,6

31,0

34,5

37,9

41,4

44,8

48,3

51,7

55,2

58,6

0,5

0,50

1

2

Effectif

Attachement Secure

Evolution des compétences de

l'enfant

0

10203040506070

5 4 9 12 8 10

0

0,5

1

1,5

2

Attachement Secure

Evolution des compétences del'enfant

Graphe L. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et L’évolution des compétences de

l’enfant

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 68 /93

Le calcul du coefficient de corrélation (tableau 13) fait apparaître une valeur de 0,43 ce qui

indique une relation d’intensité moyenne entre le score à l’attachement Secure et le niveau

d’évolution des compétences de l’enfant en Halte-jeux.

� Relation entre la peur de la mère et les compétences de l’enfant

Les résultats (tableau 10 et 14) montrent une distribution des effectifs de l’échantillon Halte-

jeux très hétérogène en fonction des variables retenues, tant au niveau de la peur de la mère

(intensité moyenne ou peur à l’accouchement) que des compétences de l’enfant (compétences

finales ou évolution des compétences)63.

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

5 1 2 4 10 9 8 12

Sujets Halte-jeux

Inte

nsité

peu

r

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0 Score compétences

Peur moyennemère

Compétencesenfant

0,0

5,0

10,0

5 1 2 4 10 9 8 12

Sujets Halte-jeux

Inte

nsité

peu

r

0,0

1,0

2,0

3,0

Score compétences

Peur mère àl'accouchement

Compétencesenfant

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

5 4 10 9 8 12

Sujets échantillonHJ

Sco

re

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Intensité

Peurmoyennemère

Evolutioncompétencesenfant

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

5 4 8 12 9 10

Sujets échantillonHJ

Sco

re

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Intensité

Peur mère àl'accouchement

Evolutioncompétencesenfant

Tableau 14. Graphes de relation entre la peur de la mère et les compétences finales de l’enfant

L’évolution des compétences des enfants s’avère plus faible pour les mères qui ont un niveau

d’intensité moyenne de peur faible (entre 0 et 4) que pour les mères qui ont un niveau de

d’intensité moyenne élevé (entre 7 et 10). Le niveau d’évolution des compétences de l’enfant

est respectivement de 0,4 et 1,6. La relation entre la peur de la mère et l’évolution des

compétences est donc élevée. Les mêmes résultats sont obtenus en utilisant la peur de mère au

moment de l’accouchement. Le coefficient de corrélation pour la peur moyenne et la peur à

l’accouchement est respectivement de 0 ,78 et 0,91 ce qui indique un degré de relation élevé

(tableau 14).

63 Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon la peur de la mère et les compétences de l’enfant en Annexe X-C

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 69 /93

Les résultats liés aux compétences finales de l’enfant se distinguent. Cependant le niveau des

enfants est supérieur (2,9) pour les mères qui ont une faible intensité de peur, tant pour la peur

moyenne que celle éprouvée au moment de l’accouchement. Le niveau de compétences est le

moins élevé lorsque les mères ont eu le plus peur pendant l’accouchement alors qu’il est le

moins élevé dans le cas où les mères ont eu moyennement peur.

Le coefficient de corrélation est respectivement de – 0,05 et – 0,39 ce qui indique une absence

de relation entre la moyenne de la peur de la mère et les compétences finales de l’enfant et

une faible relation entre la peur de la mère au moment de l’accouchement et les compétences

finales de l’enfant (tableau 15).

Moy Acct Moy Acct Intensité peur

0,4 0,5 2,9 2,9 Faible

1,1 1,3 2,5 2,7 Moyenne

1,6 1,4 2,7 2,5 Elevée

0,78 0,91 -0,05 -0,39 Coef de corrélation

PEUR / COMPETENCE

Evo comp Comp finale

Tableau 15. Coefficient de corrélation des différentes relations entre la peur de la mère et les compétences de

l’enfant

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 70 /93

5.2 Interprétation des résultats

Globalement, les résultats de l’expérimentation semblent contre-intuitif au regard des

hypothèses formulées dans la problématique. En effet, l’hétérogénéité des résultats ne permet

pas de faire un lien direct et univoque entre l’attachement mère-enfant, la peur ressentie par la

mère à l’égard de son enfant et le développement de ce dernier.

Cependant, les résultats nous éclairent sur un certain nombre de points de même qu’ils nous

invitent à nous poser de nouvelles questions.

Tout d’abord, l’échantillon retenu semble particulièrement peu Secure avec une moyenne du

groupe bien en dessous du prototype Secure et les mères se montrent particulièrement

préoccupées. Cela pourrait s’expliquer par l’origine défavorisée de la majorité des mères

inscrites à la Halte-jeux. En effet, le questionnaire d’attachement pour adulte met en valeur la

capacité réflexive de la mère, notion développée par M. Main64, ce qui nécessite un certain

niveau de compétences cognitives. Cela pourrait être renforcé par les facteurs d’influence

dominants observés pour les mères du groupe. En effet, ils révèlent que les mères sont plus

vulnérables que le prototype Secure concernant les facteurs d’influence suivants :

l’interférence parentale, la rancune de rejet, le traumatisme parental et la démission parentale.

L’origine culturelle de l’échantillon, majoritairement originaire d’Afrique du Nord, peut aussi

expliquer ces observations. L’ethnopsychiatrie aborde le concept de traumatisme de la

migration (notion développée par T. Nathan) où un conflit s’instaure souvent entre génération

qui s’accompagne d’une démission parentale. De plus, les résultats montrent que le soutien

parental et familial fait défaut ce qui confirme la situation souvent « isolée » des mères de la

Halte-jeux.

Les mères du Café parents sont aussi des personnes qui étaient inscrites à la Halte-jeux par le

passé. Peut-être que cela expliquerait aussi la moyenne très basse au mode d’attachement

Secure. Elles trouvent cependant un plus grand soutien au sein de leur famille et semblent

rencontrer moins de difficultés avec leur famille d’origine. Il est intéressant de noter aussi que

le Café parents regroupent des parents ayant une plus grande expérience de la parentalité. La

moyenne d’âge des enfants pour lesquels l’expérimentation a été faite est de 8 ans alors

qu’elle est de 2,6 ans pour l’échantillon Halte-jeux.

!) l’origine socio-culturelle et le niveau de maturité parentale pourrait expliquer les 64 Voir le cadre théorique page 10

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 71 /93

résultats relativement faibles obtenus pour le mode d’attachement Secure de l’échantillon

Halte-jeux et le groupe Café parents

Les mères ont globalement toutes ressenties de la peur à l’égard de leur enfant à l’exception

d’une mère qui est la mère la plus Secure de l’ensemble des deux groupes. Les variations

d’expérience de la peur se retrouvent tant au niveau de l’intensité et de la capacité à gérer

l’émotion que des moments clés de la maternité. La période de l’accouchement est la plus

vulnérable, suivie juste derrière par les premiers jours et la période actuelle. Cela semble

confirmer en partie ce que H. MONTAGNER (2004), en référence aux travaux de

LORENZ65, évoque en parlant de période critique de 36 heures à partir de la naissance et

TREVATHAN (1987, PIERREHUMBERT, 2004)66 en exposant les avantages du contact

immédiat post-partum pour la régulation physiologique du bébé. Il semble que le rang de

l’enfant dans la fratrie, son sexe et l’origine culturelle ne représentent pas des facteurs

déterminants dans l’expérience de la peur. Le fait que la peur moyenne de la mère

corresponde quasiment à celle de sa propre mère, et ce pour l’ensemble des mères, nous invite

à considérer la notion de transmission intergénérationnelle évoquée notamment par

BRETHERTON67.

Il est intéressant de noter la différence d’intensité de peur éprouvée par les mères de

l’échantillon Halte-jeux (moyenne de groupe de 4,9) et celle du groupe Café parents

(moyenne de 3,1). Une majorité des mères de l’échantillon Halte-jeux a ressenti une peur

moyenne similaire et égale à la moyenne, alors que les mères du groupe Café parents se

répartissent sur toutes les valeurs de l’échelle se situant en dessous de la moyenne. Ces

observations pourraient éventuellement s’expliquer par le facteur traumatique de la naissance

d’un enfant, comme l’évoque STERN (1998)68, qui présente un effet décroissant au fur et à

mesure de l’expérience parentale. Ainsi, la maturité des mères du groupe Café parents

pourrait expliquer que la peur soit plus faible que l’échantillon Halte-jeux et ce, quelque soit

les étapes clés de la maternité jusqu’aux 1er pas de l’enfant. BRAZELTON (1993)17 confirme

aussi qu’il est tout à fait normal d’être inquiet pour son enfant, que cette inquiétude est

nécessaire pour pouvoir répondre au mieux aux besoins de l’enfant et qu’elle diminue avec le

temps. Ainsi, les parents du Café parents ayant des enfants plus âgés sont-ils peut-être plus

éloignés dans le temps des événements qu’ils sont amenés à évaluer (accouchement, 1ers

65 Voir le cadre théorique page 17 66 Voir le cadre théorique page 7 67 Voir le cadre théorique page 12 68 Voir le cadre théorique page 25

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 72 /93

jours, 1ers mois et 1ers pas) et de ce fait, il est possible qu’ils aient atténué le souvenir de leur

expérience au regard des nouvelles expériences vécues depuis. Le niveau de peur du groupe

Café parents reste cependant élevé pour la période de la grossesse et la période actuelle. Cette

dernière observation confirme bien ce que BRAZELTON disait sur l’anxiété qui sera toujours

présente chez les parents, même quand l’enfant grandit.

!) La maturité parentale pourrait éventuellement atténuer le souvenir de la peur

ressentie dans les premières étapes clés de la parentalité et expliquer que les mères de

l’échantillon Halte-jeux aient éprouvé une peur d’une plus grande intensité à toutes les

étapes clés de la maternité comparativement au groupe Café parents

Malgré le niveau de peur plus élevé des mères de l’échantillon Halte-jeux, ces dernières

présentent un profil très proche du prototype Secure lorsqu’on isole les items évoquant la peur

ou l’inquiétude. Les seules difficultés qu’elles semblent rencontrer concernent la peur de

s’exprimer quand elles étaient enfants et l’expression des émotions en famille. Cela pourrait

correspondre au manque de confiance en soi qui caractérise un bon nombre de jeunes mères.

Quant au groupe Café parents, dont le niveau de peur est moindre, il présente plus de

différences avec le prototype Secure concernant les items « peur / préoccupation ». Il semble

que les mères de ce groupe aient vécu une plus grande inquiétude dans leur enfance (peur de

l’abandon, nature peureuse et peur à l’égard des parents) tout en ne ressentant pas de peine à

l’idée de quitter ses proches.

L’évaluation des compétences est à considérer avec beaucoup de prudence, notamment les

résultats concernant les compétences finales. En effet, les enfants évalués en fin d’année sont

généralement prêts à entrer à l’école maternelle et les résultats montrent un niveau similaire

qui correspond à leur tranche d’âge. Cela se confirme par les résultats plus faibles des enfants

étant plus proche de l’âge de 2 ans que de l’âge de trois, or cette période connaît un

développement très fort chez l’enfant. L’autonomie reste le niveau de compétence le plus

faible. Or c’est ce domaine de compétence qui caractérise le développement de l’attachement

si on se réfère aux travaux de M. AINSWORTH (1985)69 qui considère la période de 2 à 3 ans

comme la période où l’enfant commence à supporter l’absence de sa mère et à faire preuve de

plus d’autonomie. Les résultats faibles concernant l’autonomie semblent donc cohérent avec

le niveau faible d’attachement Secure des mères du groupe. Ce phénomène pourrait être

69 Voir le cadre théorique page 15

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 73 /93

renforcé par l’origine culturelle. En effet, les enfants de la migration sont le plus souvent à la

maison avant d’entrer à l’école maternelle et ne font que rarement l’expérience de la garderie.

Si l’évaluation des compétences finales donne peu d’indications sur les enfants, les résultats

de l’analyse de l’évolution semblent pour leur part enseigner plus de choses. En effet, en

prenant en considération l’enfant dans le temps, par l’évaluation de ses compétences en début

et en fin d’année, il est plus facile de percevoir une distinction dans la progression de chaque

enfant du groupe. L’évolution des compétences permet de percevoir le caractère dynamique

du processus de développement de l’enfant ce qui fait directement écho à l’attachement dont

le processus semble lui-même dynamique et non linéaire. De plus, l’évolution s’avère la plus

forte pour le domaine « Langage oral », ce qui confirmerait son aspect prioritaire dans le

développement d’un enfant entre 2 et 3 ans, mais aussi pour le domaine « Socialisation ». On

peut envisager que plus l’enfant maîtrise le langage oral, plus il est enclin à établir des

relations sociales avec autrui. La parole jouant un rôle de facilitateur des échanges

interpersonnels et réciproquement, les échanges facilitent l’apprentissage du langage oral. Ces

résultats montrent peut-être que l’autonomie est un domaine plus « personnel » et qui se

développe au rythme de chaque enfant et de sa capacité à se détacher de sa mère pour faire les

choses par lui-même.

!) Le caractère dynamique du développement de l’enfant expliquerait les résultats très

peu significatifs pour l’évaluation des compétences finales contrairement aux résultats

de l’évaluation de l’évolution des compétences de l’enfant.

En conclusion, le choix des mères n’a pas réellement été effectué en vue de l’expérimentation,

mais elles se sont portées volontaires pour participer à une expérimentation. Les premiers

résultats confirment l’importance du choix des participants à une expérimentation afin de ne

pas risquer de restreindre l’étude à une sous-population basée sur le critère socio-culturel ou

la maturité parentale. Ces deux critères sont d’autant plus structurants qu’ils déterminent les

compétences cognitives et donc la capacité réflexive des parents. De plus, l’évaluation des

compétences des enfants nécessite de respecter le caractère dynamique du développement en

utilisant l’analyse de l’évolution des compétences plutôt que les compétences finales.

Au-delà des limites identifiées précédemment, il est intéressant d’analyser les résultats qui

permettent de faire ou non un rapprochement entre les trois instances de la triade : mère,

enfant et lien mère-enfant. L’établissement des relations entre les différentes variables est plus

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 74 /93

ou moins évident, tendant à fermer certaines voies pour en ouvrir d’autres.

Tout d’abord, l’étude de la relation entre l’attachement Secure et la peur ressentie par la mère

à l’égard de son enfant révèle que pour l’échantillon Halte-jeux, les mères les plus Secure ont

la peur moyenne – tout comme la peur à l’accouchement - la moins élevée alors que les mères

les moins Secure ont une moyenne de peur plus élevée. Cependant, ce sont les mères

moyennement Secure qui ont une moyenne de peur la plus élevée. Aussi, les résultats ne

permettent-ils pas de faire une corrélation entre les deux variables, ce que confirme le

coefficient de corrélation inférieur à 0,1. Le groupe Café parents révèlent des résultats

opposés : les mères les plus Secure sont celles qui ont le plus peur, avec une peur moyenne

légèrement inférieure aux mères moyennement Secure, tandis que les mères les moins Secure

sont celles qui ont le moins peur. Les résultats sont encore plus significatifs pour la peur

ressentie au moment de l’accouchement. Il semble qu’il y ait une relation faible entre

l’attachement et la peur moyenne de la mère (coefficient de corrélation de 0,21) et une

relation moyenne entre l’attachement et la peur à l’accouchement (coefficient de corrélation

de 0,52). Ces observations faites sur le groupe Café parents vont à l’encontre des hypothèses

formulées dans la problématique puisqu’elles prédisent qu’un niveau d’attachement Secure

implique un niveau de peur élevé et qu’un niveau d’attachement Secure faible implique un

niveau de peur faible. De plus, il est intéressant de noter que les mères les plus Secure de

toutes les mères sont celles qui ont le profil de peur le plus diamétralement opposé. En effet,

l’une n’a jamais eu peur pour son enfant alors que sa propre mère avait une peur très élevée et

l’autre a la peur moyenne du groupe Café parents la plus élevée alors que sa propre mère n’a

jamais eu peur pour elle.

Toutes ces observations nous invitent à réfléchir sur la validité de la variable observée :

«l’intensité de la peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant». Il est possible que

l’intensité de la peur importe peu dans la relation d’attachement : d’après les résultats, que la

peur soit absente (niveau 0), présente et contrôlable (niveau 5) ou présente et incontrôlable

(niveau 10), les mères peuvent tout à fait avoir un attachement Secure satisfaisant. La période

critique post-partum peut apporter un éclairage. Les études présentées par TREVATHAN

(1987, PIERREHUMBERT, 2004) semblent montrer que le contact post-partum est bénéfique

pour l’enfant, que la mère ait éprouvé de la peur ou non pendant l’accouchement. Compte

tenu de tous les éléments qui précèdent, les résultats nous invitent à s’intéresser à un autre

aspect de la peur, non pas dans sa manifestation, mais dans les conséquences qu’elles

pourraient avoir, c’est-à-dire son caractère traumatique. En effet, si la maternité peut être

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 75 /93

assimilée à un épisode émotionnel tel que défini par COSNIER (2006)70, il se caractérise par

une rumination après la fin de l’événement qui peut s’accompagner de pensées, d’images

mentales ou de souvenirs. Culpabilité, doute ou sentiment d’impuissance par exemple

viennent ainsi altérer la disposition ou l’état effectif de la mère. C’est ce que STERN (1998)

évoque en disant que la naissance d’un enfant est à la fois miraculeux et traumatisant, chargée

d’émotions et de conséquences inoubliables, si primordial et si profond qu’il est difficile de

l’assimiler et d’en parler. Ainsi, ces exemples de ressentiments possibles face à la peur

semblent apporter plus d’éclairage sur l’état d’esprit de la mère que la peur en tant que tel. Il

serait intéressant de mieux comprendre la notion de « trace traumatique de la peur» afin de

voir si elle se prête mieux à l’évaluation des mères que la simple échelle d’intensité de la peur

utilisée dans l’expérimentation.

Les résultats concernant le lien entre la peur de la mère et les compétences de l’enfant

semblent renforcer l’hypothèse d’une relation contre-intuitive entre la peur de la mère et

l’évolution des compétences de l’enfant. En effet, si on laisse de côté l’évaluation des

compétences finales de l’enfant au regard des conclusions auxquelles nous sommes arrivées

au début de l’analyse (respect du caractère dynamique du développement), on s’aperçoit que

la relation entre la peur de la mère et l’évolution des compétences de l’enfant est significative

puisque le coefficient de corrélation est de 0,78 pour la peur moyenne et de 0,91 pour la peur

éprouvée par la mère au moment de l’accouchement. Cela signifie que l’évolution des

compétences est la plus élevée pour les enfants dont les mères ont le plus peur et qu’elle

s’avère la plus faible pour les enfants dont les mères ont le moins peur. Les résultats semblent

donc de nouveau s’opposer aux hypothèses initiales et sont de même tendance que ceux

observés dans le groupe Café parents : les mères les plus Secure ont le plus peur et les mères

les moins Secure ont le moins peur. Ils nous invitent à considérer de nouveau la fonction

positive de la peur dans le processus de maturation de l’enfant. En effet, une mère qui éprouve

de la peur, même de forte intensité et incontrôlable peut se réguler rapidement et ne pas avoir

de ressentiment vis-à-vis de l’événement qui a déclenché la peur. Cette expérience peut

revêtir une dimension toute à fait instructive pour l’enfant qui apprend qu’il est possible de

traverser les épreuves, renfonçant ainsi sa propre capacité d’adaptation. Cela met en valeur la

capacité à gérer ses émotions de la part de la mère comme modèle de régulation émotionnelle

chez l’enfant. C’est ce que semble confirmer FONAGY (1993)71 qui évoque la capacité de la

70 Voir le cadre théorique page 23 71 Voir le cadre théorique page 35

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 76 /93

mère à interpréter ses propres états mentaux, sans exclusion défensive, ni débordement

émotionnel et ceux de PIERREHUMBERT (2001) et MONTAGNER (2004)72 qui parlent de

la mère comme un « régulateur émotionnel »

Enfin, la relation entre l’attachement et les compétences de l’enfant est d’une signification

moyenne (coefficient de corrélation de 0,43) et ne confirme pas les travaux, tels que ceux de

M. AINSWORTH (1985)73, qui prédisent un niveau élevé de compétences de l’enfant pour un

attachement Secure élevé. On observe en effet que les enfants dont l’évolution des

compétences est la plus faible correspondent aux enfants des mères considérées comme les

moins Secure alors que les enfants dont l’évolution des compétences est la plus forte

correspondent aux enfants des mères moyennement Secure.

En conclusion, l’ensemble des différents résultats nous invitent donc à réfléchir sur la variable

« intensité de la peur de la mère à l’égard de son enfant », ne pouvant prédire une quelconque

relation univoque et généralisable au lien d’attachement et le développement de l’enfant.

Cependant, la réflexion théorique nous a permis de comprendre que les émotions de la mère

étaient transmises dans le cadre de la relation mère-enfant et qu’elles permettaient à l’enfant

de comprendre et construire sa représentation des relations interpersonnelles. Dans cette

perspective, il semble intéressant d’envisager la peur comme une simple information sur les

états émotionnels de la mère sans pour autant considérer que cette peur puisse influencer son

état d’esprit en profondeur. Or c’est l’état d’esprit de la mère qui, selon certains auteurs, peut

altérer sa disponibilité et donc une réponse adaptée aux besoins de l’enfant. En prenant en

considération l’effet traumatique d’une peur et non la peur en tant que tel, il serait peut-être

possible de se rapprocher de manière plus adéquate de l’état d’esprit de la mère et donc de ce

qui « nourrit » la relation à son enfant.

72 Voir le cadre théorique page 37 73 Voir le cadre théorique page 36

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 77 /93

6 DISCUSSION

6.1 Evaluation de l’expérimentation

La nature subjective de l’expérimentation

L’expérimentation nous révèle une très grande variété de résultats qui nous préserve de toute

conclusion hâtive concernant l’expérience de la peur de la mère à l’égard de son enfant et ce,

dans le cadre d’une réflexion sur l’attachement et le développement socio-affectif du jeune

enfant. Cette hétérogénéité des résultats nous renvoie à la diversité humaine et l’expérience

singulière de toute mère que la nature très subjective de l’évaluation semble mettre en valeur.

En effet, les deux premières évaluations touchent l’aspect intime et la partie inconsciente de

l’être à laquelle les mères n’accèdent pas forcément au quotidien. Le déroulement même de

l’expérimentation fut riche d’enseignement sur le caractère très subjectif de l’expérience. Si

certaines des mères étaient concentrées et efficaces dans la manière de répondre spontanément

aux questions, d’autres ont rencontré beaucoup de difficultés, soit pour comprendre le contenu

ou trier les items de l’évaluation de l’attachement pour adulte, soit pour se remémorer certains

épisodes passés concernant la peur qu’elles ont pu ressentir à l’égard de leur enfant. Ce sont

ces mêmes mères qui ont été les plus agitées (monologue, soupir, etc.) et qui mettaient le plus

de cartes dans le paquet « ne me concerne pas » (Ca-Mir). Il est intéressant de noter que l’une

de ces mères a révélé le niveau d’attachement le plus secure (avec une intensité de peur

moyenne la plus élevée) alors que l’autre mère ayant le même niveau d’attachement (avec une

intensité de peur moyenne la plus faible) fut la plus silencieuse et rapide à effectuer

l’exercice. Il semble donc que la manière d’être de chacune ne soit pas spécifique du mode de

relation à l’enfant, préservant ainsi la fausse croyance qu’il y aurait un modèle de personnalité

maternelle.

Ce qui fait le lien mère-enfant semble bien se situer au-delà d’un stéréotype et faire appel à

l’originalité de chaque mère.

Le choix de l’échantillon

Les enfants inscrits à la Halte-jeux de l’association sont issus de familles dite défavorisées,

soit par leur origine culturelle (enfants de la migration), soit par leur origine sociale (classe

sociale défavorisée ou mère isolée). Les mères qui ont participé à l’expérimentation sont en

général peu cultivées, même si une majorité d’entre elles parlent correctement la langue

française. Cependant, la langue écrite peut représenter un obstacle à la réflexion, d’autant plus

que les items de l’évaluation de l’attachement pour adulte sont rédigés de manière très

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 78 /93

formelle, ce qui requiert un certain niveau de compétences cognitives. Or, le questionnaire

d’attachement pour adulte évalue spécifiquement la capacité réflexive des parents en

identifiant le niveau de cohérence de l’histoire personnelle des mères, tant au travers des

événements passés que présents. Le profil d’attachement Secure de l’échantillon n’a donc pas

permis d’exploiter au mieux les outils d’évaluation.

Le choix des outils

Si le Ca-Mir a fait ses preuves au niveau scientifique, il n’existe à ce jour aucune théorie sur

la peur de la mère pour son enfant qui permettrait d’identifier des outils d’évaluation fiables et

pertinents pour mesurer des émotions telles que la peur et leur incidence sur le comportement.

L’outil a semblé facile à utiliser pour l’ensemble des parents, mais cela ne garantit en rien une

fiabilité scientifique. Les résultats obtenus tendent à nous orienter vers l’aspect traumatique

de la peur et non le fait de ressentir de la peur et de pouvoir la contrôler ou non. Cependant,

les résultats obtenus marquant une forte corrélation entre la peur de la mère et l’évolution des

compétences de l’enfant nous amènent à considérer cet outil d’évaluation comme exploitable

et utile.

Enfin, l’évaluation des compétences des enfants a été effectuée par l’équipe de la halte-jeux

qui s’avère être juge et partie des résultats obtenus. La plupart des enfants évalués en fin

d’année et en âge de rentrer à l’école maternelle en septembre prochain ont obtenu les scores

optimaux dans les trois domaines de compétences. De plus, l’évaluation finale apporte

beaucoup moins d’informations que l’évolution des compétences, ce qui semble montrer

l’importance de l’aspect dynamique de la relation d’attachement et du développement de

l’enfant.

Le cadre scientifique de la recherche en psychologie

Malgré les faiblesses de l’expérimentation, le travail de recherche permet de réfléchir sur les

limites du cadre scientifique en matière de recherche en psychologie. Il semble qu’une donnée

clinique qui paraît unanime – « les mères qui ont le plus de difficulté avec leur enfant sont

celles qui semblent avoir le plus peur pour lui » - puisse être difficile à retranscrire en

hypothèses à valider dans le cadre d’une expérimentation. En effet, la peur est une émotion

aussi subjective que l’amour d’une mère pour son enfant. On peut supposer que les éléments

qui relèvent ainsi d’une grande subjectivité soient difficilement maîtrisables dans le cadre

d’une recherche scientifique, exception faite du domaine neuro-physio-psychologique qui

offre un champ d’étude certainement enrichissant, comme en témoignent par exemple les

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 79 /93

recherches sur le taux d’ocytocine de la mère et le lien d’attachement les travaux de

MONTAGNER (2005).

Peut-être que la limite entre la psychologie expérimentale et la psychologie clinique se situe

dans un espace où les outils ne permettent plus d’accéder à une forme de réalité qui s’avère

moins palpable ou plus subtile. C’est le cas en physique avec l’étude du vide qui, pour

certains scientifiques, ne se limite pas à un espace vide à partir du moment où on peut

observer, avec des outils spécifiques, des ondes de forme dans cet espace dit vide.

L’évaluation psychologique reste donc à la merci des outils et ces derniers sont limités par

l’objet même de l’étude. Les mères, en tant que sujet, se distinguent d’un objet d’étude ce qui

peut peut-être différencier le travail des psychologues cliniciens et des psychologues

expérimentaux. Il est intéressant de noter que les seuls chercheurs qui abordent la psyché de la

mère et l’attachement avec son enfant se soient tournés vers une analyse clinique et font

rarement référence à une expérimentation. Ils tirent seulement des tendances d’un nombre

important de sujets rencontrés et de témoignages recueillis. C’est ce qui semble s’être passé

dans l’analyse des groupes de réflexion où les mères sont capables d’exprimer leur peur pour

leur enfant dans des situations précises, notamment dans un contexte social. Ces témoignages

permettaient de distinguer les mères qui avaient le plus peur pour leur enfant qui s’avérait

présenter le plus de difficulté, des mères qui n’avaient pas peur et dont les enfants ne

présentaient pas de difficulté au sein du collectif.

Cette réflexion pourrait peut-être expliquer la lenteur d’investigation dans ce domaine

spécifique, sachant que l’être humain est aussi fait d’émotions. Ce constat permet de se

préserver de toute interprétation sauvage et de rester dans une relation humble à l’autre,

dénuée d’intérêt intellectuel et pourvue d’une grande empathie. La recherche scientifique au

sein du cursus de formation en psychologie semble nous enseigner cette grande qualité

humaine destinée à respecter l’individu dans sa singularité sans chercher à le « corréler » à

tout prix.

6.2 Implication théorique

Le sujet d’expérimentation

BOWLBY (1978) expliquait que les comportements parentaux de soins et les comportements

d’attachement du jeune enfant aux parents sont censés servir une double fonction adaptative :

la protection et la socialisation du jeune enfant. Ce mouvement de va-et-vient entre le repli et

l’ouverture – comme le mouvement naturel de la respiration - semble essentiel à l’enfant.

Basé sur l’aspect sécurisant des parents, il était donc intéressant d’explorer ce qui pouvait

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 80 /93

soutenir cette notion de « sécurité ». L’approche théorique nous a aussi permis de comprendre

que la disponibilité de la mère constituait un facteur de développement pour l’enfant et qu’elle

était en étroit lien avec sa condition physique et psychique, tout autant que son environnement

(situation familiale, sociale, etc.). Or, ces conditions de vie, intérieures et extérieures,

impliquent de la part de la jeune mère une maîtrise de son équilibre émotionnel qu’elle

semble avoir plus ou moins de facilité à réguler.

C’est ainsi que la peur semblait un élément important à analyser, notamment celle que peut

ressentir la mère à l’égard de son enfant et ce, tout au long des premiers temps de la maternité.

D’autant plus que la théorie de l’attachement repose sur la peur de l’enfant et que les études

montrent à quel point les émotions de la mère influencent celles de l’enfant. Après avoir

questionné certains chercheurs contemporains, il semble que cet aspect n’ait pas été encore

exploré dans le cadre de la théorie de l’attachement. Selon B. GOLSE74, il n’existe pas de

travaux véritablement documentés sur la question de l’impact des peurs maternelles précoces

sur la qualité de l’attachement mère-bébé ultérieur. Au regard des mères, il considère que

cette absence actuelle de travaux est « une très bonne chose ». De son côté, B.

PIERREHUMBERT74 considère la réflexion comme intéressante mais difficile, et précise que

son domaine de recherche porte essentiellement sur les peurs parentales qui accompagnent

une situation délicate telle que les naissances prématurées.

L’expérimentation n’a pas permi d’établir clairement qu’une mère éprouvant peu de peur pour

son enfant soit de nature plus Secure et à l’inverse, qu’une mère ressentant une peur intense et

difficilement maîtrisable soit de nature peu Secure.

En revanche, les résultats nous ont permis d’identifier que :

1. les deux groupes étudiés présentent des résultats opposés : dans l’échantillon Halte-

jeux, les mères les plus Secure semblent avoir moins peur pour leur enfant que les

mères les moins Secure et dans le groupe Café parents, les mères les plus Secure

semblent avoir plus peur pour leur enfant que les mères les moins Secure

2. les mères les plus Secure semblent avoir des enfants dont l’évolution des compétences

est plus faible que pour les mères les moins Secure

3. les mères qui éprouvent le plus de peur semblent avoir des enfants dont l’évolution des

compétences est plus élevée que pour les mères qui ont le moins peur

Ces résultats paradoxaux nous ont amenés à réfléchir sur le choix de l’échantillon, tant au

74 Echanges par messagerie au cours de ce présent travail de recherche

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 81 /93

niveau de l’origine socio-culturelle que de la maturité parentale (âge parental75) et des outils

d’évaluation afin de considérer non seulement l’intensité de la peur et la capacité de la mère à

la gérer, mais aussi l’impact de cette peur sur l’équilibre de la mère. En effet, l’aspect

traumatique de la peur peut amener à ressentir des émotions telles que la honte, la culpabilité,

le doute, bien après les événements liés à la peur. Le ressentiment – peut-être plus que la peur

en tant que telle - pourrait ainsi influencer l’humeur de la mère au quotidien et expliquer son

manque ou son excès de disponibilité à l’égard de son enfant. En même temps, compte tenu

de l’influence positive sur l’évolution des compétences, il semble que la peur soit utile à

l’exploration de l’enfant. Cela confirmerait la possibilité d’une « bonne peur » et d’une

« mauvaise peur » - en référence au « bon stress » (« homéostasique ») et au mauvais

« stress » (pathologique) dont parlent T. NASSE - qui pourraient se distinguer ainsi :

1. La bonne peur nous alerte, nous permet de nous adapter au mieux à une situation

menaçante et ne laisse aucun ressentiment une fois l’événement terminé

2. La mauvaise peur nous paralyse (inhibition) ou nous fait « sortir de nous-même »

(extraversion), ne nous permet pas de nous adapter à la situation menaçante et perdure

une fois l’événement terminé sous forme de ressentiment

Ainsi, le choix des hypothèses pourrait mieux cibler ce qui est réellement intéressant

d’analyser concernant l’attachement mère-enfant, la peur de la mère à l’égard de son enfant et

le développement de ce dernier.

Le paradoxe des émotions maternelles et l’enseignement émotionnel de l’enfant

La mère tout au long des étapes de la maternité passe par une série de deuils et de naissances.

La grossesse déclenche le deuil de la jeune fille et la naissance d’une femme enceinte. La

naissance de l’enfant déclenche le deuil de la femme enceinte et la naissance d’une mère ainsi

que le deuil du nouveau-né et la naissance d’un jeune enfant, etc. La nouvelle mère se trouve

du jour au lendemain face à un paradoxe : la joie et la tristesse qui se traduisent par la joie

d’accueillir un nouveau-né et la tristesse ne plus être enceinte, la joie de voir l’enfant

découvrir la nourriture et la tristesse de ne plus donner le sein, la joie de le voir trotter et la

tristesse de ne plus pouvoir le porter dans les bras. La joie de partager des moments intimes au

gré des envies et la tristesse de le laisser partir à l’école du matin au soir, et ainsi de suite. La

femme fait ainsi l’expérience de la fin d’une période et du commencement d’une nouvelle

période de manière répétée et à un rythme très rapide, ce dont les auteurs d’une manière

75 L’âge parental correspondrait à l’âge chronologique du premier enfant pour chacun des parents

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 82 /93

générale parlent très peu sinon pas.

Or, la dépression post-partum pourrait peut-être s’expliquer par un envahissement de la

tristesse qui caractérise le deuil de la femme enceinte - beaucoup de femmes témoignent de ne

s’être jamais senties aussi bien que pendant la grossesse - et d’une difficulté à réinvestir une

nouvelle étape, celle d’être la mère qui prend soin de son bébé. De là naît une culpabilité de

ne pas se sentir disponible pour leur enfant comme elles le souhaiteraient ; une culpabilité très

souvent silencieuse (BYDLOWSKI, 2000) qui peut rester présente pendant des années même

si la période de tristesse et de deuil n’a duré qu’un court instant. Le témoignage d’une mère

illustre bien ce paradoxe (STERN, 1998) : « Mon fils s’est mis debout tout seul pour la

première fois aujourd’hui. Alors que je le regarde en applaudissant frénétiquement, je suis

envahie de cette joie et de cette tristesse si caractéristiques de la maternité. Voilà presqu’un

an que je suis mère et j’ai appris à savourer ce drôle de mélange. »

A chaque étape, la mère voit ainsi sa représentation intérieure et extérieure changer. Ces

changements successifs impliquent qu’elle laisse derrière elle une part de connu et qu’elle

s’engage dans une part d’inconnu qui activera ou non en elle et de manière plus ou moins

intensive : « la peur de l’inconnu ». Aussi, la mère traverse cette période de grands

changements en fonction de son expérience propre et de son tempérament. Cela se traduit

dans ses gestes et paroles du quotidien à l’égard de son enfant qui répondra lui aussi en

fonction de sa toute jeune expérience et de son tempérament. La mère représente à ses yeux

l’enseignante privilégiée du monde physique et émotionnel. Et parce que la jeune mère est

avant tout sensible à cette palette d’émotions en apparence contradictoires, elle peut être à

même de les traduire à son enfant qui en comprend petit à petit le sens et peut alors devenir

capable de mettre des mots sur ses propres émotions. C’est ainsi que l’enfant découvre la joie,

la peur et la tristesse, tout en apprenant à se réguler.

La socialisation et la scolarité de l’enfant

Dans beaucoup de cultures traditionnelles, l’enfant est dans un premier temps éduqué pendant

7 ans sous l’influence de la mère et des femmes du groupe. L’enfant est ensuite sous la

responsabilité du père qui lui enseigne la vie sociale de manière à le préparer à son futur rôle

dans le groupe. Il semble que l’âge de 7 ans représente un stade de développement structurant

même en France, puisqu’il indiquait dans notre tradition française scolaire « l’âge de raison »

à partir duquel l’enfant peut recevoir une instruction intellectuelle. Au regard des travaux sur

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 83 /93

l’attachement, il semble que cette première période de vie soit essentielle pour le

développement émotionnel de l’enfant, comme si elle représentait un préalable à la « raison »,

impliquant ainsi l’hypothèse que « l’émotion précède la raison » dans le développement

humain. L’apprentissage de la régulation de ses émotions via les interactions mère-enfant

semblerait donc propice au développement de ses capacités intellectuelles futures, notamment

au moment d’apprendre à lire et écrire, c’est-à-dire à 7 ans.

Cette approche semble s’inscrire dans les écoles maternelles qui restent, comme son nom

l’indique, dans la continuité de cet enseignement de la mère évoqué précédemment. Il s’agit

avant tout pour l’enfant d’apprendre à réguler ses émotions notamment par l’utilisation des

jeux. Selon des directeurs d’écoles maternelles, tout est fait pour que les enfants apprennent à

vivre ensemble tout en se faisant plaisir. Selon certains, un enfant qui réussit son école

maternelle est un enfant heureux, qui ne pleure pas et qui sait s’inscrire dans les limites que

posent le groupe tout en démontrant une réelle autonomie et originalité. L’objectif de cette

première étape de socialisation consisterait donc à enseigner la régulation des émotions à des

fins de pouvoir instruire l’enfant à l’âge de 6 – 7 ans. Cette réflexion serait intéressante à

intégrer dans la réflexion en effectuant une étude longitudinale pour les enfants de 0 à 8 ans.

La « maternalité » et la parentalité

Dans l’expression du désir d’accueillir un enfant, l’homme et la femme sème une graine de

mère et de père dans leur esprit. La préparation mentale commence tant pour accueillir

l’enfant que pour se préparer à être père et mère. La grossesse fait germer cette graine de mère

qui a 9 mois devant elle pour accompagner la conception de ce nouvel être, ainsi que du sien.

La naissance de la mère est souvent vécue de manière plus ou moins douloureuse, dans une

société telle que la nôtre où la femme a peu de contact avec sa nature profonde.

L’accouchement tend à la médicalisation, l’allaitement tend à l’industrialisation et l’éducation

tend à l’institutionnalisation. Dans un tel contexte social, économique et culturel, les mères

ne savent plus qui et comment écouter, tant les informations affirment tout et son contraire

(LEBOVICI, 2007). Les femmes les plus sereines semblent être celles qui sont justement le

plus à l’écoute d’elles-mêmes (WINNICOTT, 1959). Elles savent naturellement ce qui est

bon pour leur enfant et font fi des observations extérieures. Ce sont ces mêmes femmes qui

trouvent un équilibre entre leur rôle de mère, d’épouse et d’actrice sociale dans le collectif.

Aussi il semble approprié de privilégier la relation mère-enfant dans ce qu’elle a de plus

naturel, c’est-à-dire l’écoute intérieure de la mère ou encore la capacité réflexive (FONAGY,

2001). La connaissance de soi permet en effet de développer l’intuition féminine qui s’ajuste

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 84 /93

au mieux aux besoins du jeune enfant qui ne parle pas. La confiance de l’enfant se construira

alors sur un sentiment d’être compris malgré l’absence de paroles et grâce au regard rassurant

de sa mère. Les auteurs parlent peu de cette dimension intuitive de la mère, comme si

l’intuition, qualité tout aussi fondamentale que l’intelligence cognitive, ne pouvait être

légitime dans un monde scientifique, alors qu’elle a tant a apporté dans les relations humaines

et affectives que révèlent la relation mère-enfant des premiers instants.

Etre père, est tout comme être mère, un cheminement vers une identité nouvelle qui invite

l’homme à créer un espace dédié à l’enfant. Cette capacité semble déterminante, tant pour le

couple que pour le développement de l’enfant comme en témoigne toutes les recherches

effectuées sur le sujet. L’OMS précise en 2004 qu’un soin sensible et approprié est requis

pour la santé et le développement neurophysiologique, physique et psychologique de l’enfant.

Au contraire, un soin inapproprié, discontinu et négligent induit des conséquences opposées

pour la survie, la santé et le développement de l’enfant. L’enfant et les parents sont préparés,

par l’adaptation évolutive, aux interactions de soins à travers lesquels le potentiel des

capacités humaines de l’enfant peut se réaliser. Les facteurs affectant le parent et l’enfant,

ainsi que les facteurs socio-économiques, influencent la qualité de cet échange parent-enfant.

L’OMS précise que la relation parent-enfant revêt des composantes universelles au-delà des

cultures et des différences spécifiques à la relation interpersonnelle. De son côté, l’Inserm

(2005) précise que les attitudes parentales et le mode d’éducation jouent un rôle déterminant

dans le comportement de l’enfant et son évolution, tandis que leurs perturbations pourraient

constituer un facteur de risque d’apparition de problèmes de comportement chez l’enfant.

Nombreux sont les auteurs qui mettent l’accent sur cette dynamique parentale à l’égard de

l’enfant. Selon WINNICOTT (1965), les compétences parentales jugées acceptables sont la

capacité des parents à s’occuper des besoins physiques fondamentaux de leurs enfants

(nourriture, vêtements, chaleur, sommeil) et de leurs besoins psychologiques (amour,

affection, empathie) facilitant ainsi leur adaptation sociale et orientant leur développement

cognitif (environnement stimulant, apprentissage de la résolution de problème, préparation à

l’école). S. LEBOVICI évoque la notion de parentalité réciproque selon laquelle le père est

désigné et reconnu par la mère et le père permet à la femme d’être mère. Les deux conjoints

se font ainsi parents mutuellement par ce processus de parentalité réciproque. B. GOLSE

(2001) précise que tout enfant a besoin de venir s’inscrire dans l’histoire de ses deux

filiations, maternelle et paternelle, afin de pouvoir s’affilier à son groupe familial, et cette

affiliation participe de son côté à la construction de sa filiation.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 85 /93

Les recherches sur l’attachement ont permis de comprendre que la mère et le père avaient une

action complémentaire auprès de l’enfant, l’une rassurante (la mère console face au danger et

la peur de l’inconnu) et l’autre stimulante (le père aide l’enfant à dépasser ses peurs pour

découvrir l’inconnu). C’est dans cet espace même que se joue probablement le détachement

mère-enfant que le père favorise par son action stimulante. Au sein de la famille, il existe une

multitude d’interactions sous formes de dyades ou de triade : une dyade de réassurance (mère-

enfant), une dyade d’exploration (père-enfant) et une dyade d’union de la réassurance et de

l’exploration (couple parental). Toutes ces relations constituent autant d’expériences qui

permettent de se réguler et de rechercher l’équilibre (homéostasie) au sein de la cellule

familiale. Il semble que ce soit un phénomène essentiel dans l’existence humaine si on prend

en considération le nombre important de personnes qui effectuent un travail sur soi pour

mettre en cohérence l’histoire familiale. La famille représente un lieu d’échanges et de

développement individuel dynamique et non linéaire, ce qui permet d’envisager de manière

positive la possibilité d’une résolution de tout conflit, notamment dans les interactions

sociales.

Conclusion

Le besoin d’attachement et d’exploration de l’enfant implique dans le temps un véritable

travail de détachement que beaucoup de mères peinent à effectuer, alors qu’elles sont de plus

en plus nombreuses à élever des enfants seules et que l’on connaît l’importance de la

participation du père. L’enfant peut ainsi devenir le sens de l’existence de la mère et

l’attachement représenter un nœud tellement serré qu’il ne permet pas à l’enfant d’explorer

son environnement et d’accéder à son autonomie.

La mère semble marquer le point de départ de l’enfant dans le monde, mais pas la destination

finale. Ainsi, l’intériorisation de l’image de la mère (AINSWORTH, 1978) comme mode de

régulation des émotions pourrait représenter une étape intermédiaire mais non une fin en soi.

La mère devrait favoriser l’internalisation de la propre confiance en soi de son enfant. Il s’agit

pour l’enfant d’apprendre à exprimer ses difficultés et à trouver des solutions par lui-même.

Chaque fois que la mère permettra ce mouvement de réflexion, elle permettra à l’enfant de

construire sa propre capacité réflexive et de réellement grandir. Cette autonomie conférera à

l’enfant une aisance en collectivité qui favorisera son développement et son désir d’apprendre.

Cette dynamique est fortement influencée par la participation du père et l’entente mutuelle au

sein du couple.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 86 /93

6.3 Perspectives

L’approfondissement de l’expérimentation

Compte tenu de tout ce qui précède, il semble que la réflexion soit intéressante à approfondir.

Cela passerait tout d’abord par un choix des sujets qui permette de distinguer à priori le critère

d’attachement. Cela permettrait de comparer des groupes sur seulement deux variables : la

peur et l’évolution des compétences de l’enfant.

De plus, il conviendrait d’envisager une évaluation de la peur, comme celle utilisée dans

l’expérimentation, accompagnée d’une évaluation du ressenti après l’événement ou la période

où la mère a eu peur pour son enfant. Il serait intéressant de voir comment est évaluée

l’émotion dans d’autres domaines d’application, pour accéder à un outil scientifique de

référence que l’on pourrait alors transposer dans le présent cadre de recherche. On peut citer

en exemple une étude (CURY et al., 2006)76 menée dans le cadre de la recherche sur les

performances intellectuelles des enfants. Cette étude met en valeur l’incidence de la peur et de

l’entraînement sur les performances scolaires. Le test de la peur repose sur celle de la peur de

l’échec et ses implications notamment au niveau physiologique. Dans le cadre de leur

expérimentation, la peur semble favoriser une auto-régulation en situation de réalisation d’un

exercice intellectuel. Cette approche semble rejoindre la réflexion sur la « bonne peur » utile

aux parents.

A cela, devrait s’ajouter un outil spécifique pour réaliser l’évaluation des compétences des

enfants en dehors de l’équipe de la halte-jeux. L’outil pourrait s’inspirer de celui proposé par

H. MONTAGNER concernant les compétences-socles. MONTAGNER (2005) précise aussi

qu’il serait important que la recherche étudie les corrélations et influences réciproques entre

l’état psychique de la mère et les variations majeures dans les synthèses de ses

neurohormones ; ceci, en relation avec les événements extérieurs et, bien évidemment, avec la

génétique, l’histoire et le vécu de la personne. Selon MONTAGNER, ces phénomènes

pourraient en effet avoir une incidence non négligeable sur les régulations

psychophysiologiques et psychiques de l’enfant en cours de construction avant et après la

naissance, en particulier dans les phénomènes d’attachement. Ils pourraient aussi préparer ou

faciliter certains troubles ou dérégulations de son comportement ou de son système de

communication (hyperactivité, conduites autocentrées, peurs irraisonnées et phobies,

psychoses ou autisme) et désordre psychosomatique (sommeil, alimentation, etc.). 76 Cury F., Da Fonseca D., Zhan I, Elliot A. (2006). Implicit theories and IQ test performance : a sequential mediational analysis. Journal of Experimental Social Psychology (elsevier.com).

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 87 /93

Le réaménagement des outils et de l’échantillon permettrait donc de consolider les résultats

afin de confirmer ou d’infirmer l’hétérogénéité constatée.

Enfin, il serait intéressant de conduire des entretiens cliniques à l’issue de l’expérimentation

afin de bien clarifier les résultats obtenus. De cette manière, il serait peut-être plus facile de

comprendre en quoi notamment la peur peut représenter un élément intéressant et donc

comment améliorer l’investigation, tant dans le choix de l’échantillon que celui des outils.

La parentalité et l’enseignement en psychologie

L’objectif de ce travail consiste à mettre en évidence que l’on ne naît pas mère ou père mais

que la vie nous offre la possibilité de le devenir et que dans cette invitation, l’homme et la

femme vivent une nouvelle étape de développement tout aussi fondamentale que

l’adolescence et le vieillissement. Or, ces deux étapes font l’objet d’un chapitre à part entière

dans les formations de psychologie du développement et de l’éducation alors que la

parentalité n’est pas abordée en tant que telle. Il semblerait donc intéressant qu’un module de

formation, « la psychologie de la parentalité », soit intégré dans le cursus universitaire au

même titre que, par exemple, le chapitre 5 « la psychologie du vieillissement » de P.

LEMAIRE (du nouveau cours de psychologie – Master sous la direction de S. IONESCU et

A. BLANCHET – Psychologie du développement et de l’éducation par Jacques LAUTREY).

Il permettrait de décrire la dynamique des liens familiaux au fur et à mesure du temps, en

tenant compte des modifications tant physiques que psychiques. Depuis FREUD et tous les

courants psychologiques du dernier siècle, nous savons à quel point le père et la mère jouent

un rôle structurant dans le développement psychique de l’enfant, de sa conception à sa mort

physique. Prendre le temps d’enseigner le développement de la parentalité représenterait une

opportunité de légitimer les parents dans leur rôle à l’égard de leur enfant et de les

accompagner afin de favoriser l’autonomie des familles et de leur développement. Ce dernier

point semble être soutenu par l’émergence des Ecoles de parents un peu partout en France, sur

le modèle des associations d’enfants rencontrant des difficultés de développement qui se sont

multipliées ces dernières décennies.

L’implication en tant que future psychologue

L’enseignement en psychologie du développement et de l’éducation, ainsi que le travail de

recherche, permettent vraiment de se préparer à être psychologue. En tant que tel, il me

semble important de garder à l’esprit que la personne que l’on reçoit s’inscrit dans une

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 88 /93

histoire singulière qu’il n’est pas forcément nécessaire d’investiguer, comme en témoignent

certaines thérapies telles que la thérapie comportementale cognitive. De plus, la recherche

nous met en garde contre tout interprétation sauvage qui rendrait le discours d’une personne

généralisable ou classifiable alors même que nous savons l’étiologie multifactorielle et

individuelle dans le domaine de la psychologie. Cet enseignement confère donc à l’écoute du

psychologue une ouverture et une empathie qui favorise la confiance et la réflexion de la

personne, toutes deux nécessaires à un « travail sur soi », et permet à l’autre d’accéder à sa

capacité réflexive et donc, son autonomie de l’esprit.

La démarche effectuée pour réaliser le travail de recherche a suscité un réel intérêt au sein du

groupe de parents, notamment dans le cadre du Café parents. Ils ont exprimé le souhait

qu’une conférence sur le sujet soit effectuée à la rentrée prochaine. Compte tenu de l’intérêt

de certains acteurs institutionnels tels que l’ASE et la PMI du département, il est envisagé

avec la psychologue de l’association, d’organiser une conférence publique. L’objectif consiste

à inviter les parents et professionnels de l’éducation à réfléchir, le temps d’une soirée, sur la

relation d’attachement parent-enfant. La présentation serait suivie d’un débat. J’effectuerai

ainsi une synthèse du travail de recherche de manière conviviale et accessible à tous ; un

article dans le journal local est envisagé. Présenter le cadre théorique aux acteurs sociaux et

parents peut être utile afin d’apporter une information minimum et partagée qui permettent à

chacun de mieux utiliser ces concepts sans en abuser.

L’expérience du stage et la participation au groupe de réflexion de manière active m’ont

permise de réfléchir à la manière dont je me serais inscrite dans ce type de structure en tant

que psychologue. Cela représente aussi un projet professionnel d’avenir possible puisque la

psychologue a démissionné en juin et que le responsable de l’association souhaite conserver

l’intervention d’une psychologue auprès des parents de la halte-jeux.

En début d’année, je proposerais de rencontrer individuellement chaque maman pour faire

connaissance. Cela permettrait d’identifier au plus tôt les mères qui sont en situation de

vulnérabilité afin de leur proposer des entretiens individuels ou la participation au groupe de

réflexion ; elles seraient libres d’accepter ou non (les groupes de réflexion sont actuellement

imposés à tous les parents). Les entretiens et groupes de réflexion viseraient à sortir des

situations récurrentes par une prise de conscience des mécanismes qui entrent en jeux, en

utilisant l’information théorique et pratique telle que la spirale du phénomène d’impuissance

face à une situation (Schéma B). Ce schéma présente la réaction en chaîne que toute mère vit

si elle ne trouve pas une manière de modifier son attitude face à une situation « menaçante ou

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 89 /93

stressante ». Une situation est considérée comme telle lorsque la mère y est particulièrement

sensible et qu’une exposition répétée à la situation génère une tension intérieure et une

appréhension. Au fur et à mesure, elle se sent de plus en plus énervée et de moins en moins

disponible à l’égard de l’enfant, redoutant la « scène » dont elle a peur. Cela peut la conduire

à atteindre son seuil de tolérance qui, si elle ne change rien à cette chaîne causale, peut la faire

« craquer » par la parole, par l’acte ou encore la somatisation.

Schéma B. Spirale d’involution altérant la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant

Accompagner les mères, c’est donc leur donner du temps pour réfléchir : Pourquoi suis-je

sensible dans cette situation précise ? Pourquoi la situation se répète-t-elle sans cesse ?

Pourquoi je me sens systématiquement impuissante dans cette situation ? Pourquoi suis-je de

plus en plus tendue face à cette situation ? Pourquoi ai-je peur que cette situation se répète ?

Répondre par elles-mêmes à ces questions (par exemple, par la discussion, le jeu de rôle ou la

relaxation), c’est prendre conscience qu’elles se trouvent dans une spirale d’involution qui les

pousse vers la fatigue, la fatigue nerveuse, l’anxiété, l’angoisse, voire la dépression. La simple

prise de conscience, par la compréhension de leur fonctionnement intérieur, leur permet

d’activer en elles les ressources nécessaires pour transformer la spirale d’involution en spirale

d’évolution (schéma C), constituant une action propice à la détente et à la maîtrise de soi en

tant que mère. Elles peuvent alors regagner de la confiance et de l’estime de soi et libérer

Vulnérabilité

MENACE

PE

UR

DEFENSE / ALTERITE

Mécanismes de défense

1. Pourquoi suis-je sensibledans cette situation ?( histoire personnelle,pression intérieure)

2. Pourquoi j’agis ainsidans cette situation ?

(peur de…)

4. Pourquoi la situation se répète-t-elle ?(invitation à résoudre un conflit= développement / évolution)

3. Pourquoi suis-je de plus en plus tenduedans cette situation ?

(réponse inappropriée à la situation)

Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008

Sensibilitéintérieure

Tensionintérieure

Pression extérieure

Perception de situation à t1

Activation

E N VIRO N N E M E N T

M E RE

Confusion d’esprit

Perception à t2

ExpositionAmplification

FatigueNerveuse

(dérégulationneuro-végétative)

ST

RE

SS

Comportementinadapté

Vulnérabilité

MENACE

PE

UR

DEFENSE / ALTERITE

Mécanismes de défense

1. Pourquoi suis-je sensibledans cette situation ?( histoire personnelle,pression intérieure)

2. Pourquoi j’agis ainsidans cette situation ?

(peur de…)

4. Pourquoi la situation se répète-t-elle ?(invitation à résoudre un conflit= développement / évolution)

3. Pourquoi suis-je de plus en plus tenduedans cette situation ?

(réponse inappropriée à la situation)

Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008

Sensibilitéintérieure

Tensionintérieure

Pression extérieure

Perception de situation à t1

Activation

E N VIRO N N E M E N T

M E RE

Confusion d’esprit

Perception à t2

ExpositionAmplification

FatigueNerveuse

(dérégulationneuro-végétative)

ST

RE

SS

Comportementinadapté

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 90 /93

ainsi leur créativité, indispensable pour s’adapter à toutes les nouvelles situations que leur

enfant les invitent à vivre. Les paroles et les gestes des parents deviennent alors réconfortants

à l’égard de l’enfant qui peut alors changer radicalement de comportement et investir son

environnement avec une plus grande confiance ce qui contribue directement à son

développement.

Schéma C. Spirale d’évolution favorisant la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant

Conclusion

La réflexion théorique, malgré les faiblesses de la présente expérimentation, semble révéler

que la maternité est une étape clé dans la vie d’une femme qui revêt un caractère singulier

dans la mesure où elle est invitée à vivre une transformation intérieure profonde

qu’impliquent l’accueil et une nouvelle interaction avec son enfant. Toute fatigue ou émotion

vécue pendant la grossesse et l’accouchement, mais aussi durant les mois qui succèdent la

naissance, paraît influencer sa disponibilité à l’égard de son enfant et donc, la construction de

la relation d’attachement et le développement même de l’enfant.

De son côté, l’enfant est, tout autant que la mère, dans un état de plus ou moins grande

disponibilité pour l’interaction avec sa mère. La gestation, la naissance et les premiers jours

dans l’environnement aérien sont autant d’étapes de développement qui peuvent être plus ou

moins bien vécues par l’enfant. Certains parlent du traumatisme de la naissance. Cette part

Equilibreémotionnel

Disponibilité

MENACE

CO

NF

IAN

CE

AT

TA

CH

EM

EN

T

RESPECT / ALTERITE

Connaissance de soi

Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008

Sensibilitéintérieure

Pression extérieure

Vigilance / situation à t1

Activation

E N VIRO N N E M E N T

M E RE

Clarté d’esprit et créativité

Perception à t2

Comportementadapté

Relâchement intérieur

Equilibreémotionnel

Disponibilité

MENACE

CO

NF

IAN

CE

AT

TA

CH

EM

EN

T

RESPECT / ALTERITE

Connaissance de soi

Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008

Sensibilitéintérieure

Pression extérieure

Vigilance / situation à t1

Activation

E N VIRO N N E M E N T

M E RE

Clarté d’esprit et créativité

Perception à t2

Comportementadapté

Relâchement intérieur

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 91 /93

que joue l’enfant indépendamment de sa mère semble être démontrée par l’existence de mères

tranquilles et sans inquiétudes qui peuvent être amenées à accueillir un enfant très « agité ».

Il semble donc que la relation mère-enfant et l’attachement qui en découle soient directement

liés à la rencontre entre deux « êtres naissants » : une mère et un enfant. Les différentes études

semblent révéler que plus les mères sont conscientes de cette période très singulière de la

maternité, plus elles sont à même de s’y préparer et de l’accompagner sans trop prendre de

risques, tant physiques qu’émotionnels. Une mère témoigne (STERN, 1998) : « S’il existe une

formule magique pour être une bonne mère, c’est de laisser son enfant s’épanouir et être là à

ses côtés ». Il s’agit bien d’être présente à l’enfant, au-delà des affects, des projections et de la

peur, afin de faire l’expérience d’une rencontre authentique avec le nouveau-né, le jeune

enfant, l’enfant, l’adolescent puis l’adulte, c’est-à-dire un être qui évolue en permanence. Cela

nécessite l’équilibre émotionnel de la mère et sa capacité à accepter que l’enfant explore et

s’éloigne progressivement. Cela est facilité par son ouverture à la présence réconfortante du

père et l’harmonie du couple qui offre alors une chaleur au foyer propice au développement

de l’enfant.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 92 /93

7 BIBLIOGRAPHIE

� Aimard P. (1996). Les débuts du langage chez l’enfant. Dunod, Paris.

� Ainsworth M. D. S. (1983). L’attachement mère-enfant. « Enfance ».

� Bowlby J. (1978). Attachement et perte. L’attachement. PUF, Paris.

� Bydlowski M. (2000). Je rêve un enfant. L’expérience intérieure de la maternité. Odile Jacob, Paris

� Brazelton T. B. (1993). Points forts. Les moments essentiels du développement de votre enfant. Stock-

Laurence Pernoud.

� Bruner J. (2004). Comment les enfants se mettent à parler. Retz, Paris.

� Byldlowski M. (2000). Je rêve un enfant. L’expérience intérieure de la maternité. Odile Jacob, Paris.

� Cooper P. et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British

Journal of Psychiatry, England.

� Cosnier J. (1994). La psychologie des émotions et des sentiments. Retz, Paris.

� Cramer B. (2002). Les dépressions du post-partum : une pathologie de la préoccupation maternelle primaire ?

Article de Devenir.

� Cupa D. (2000). L’attachement. Perspectives actuelles. E.D.K., Paris.

� Cury F., Da Fonseca D., Zhan I, Elliot A. (2006). Implicit theories and IQ test performance : a sequential

mediational analysis. Journal of Experimental Social Psychology (elsevier.com).

� Cyrulnik (2006). Le murmure des fantômes. Texte du colloque « comment accompagner vers l’âge adulte les

enfants et les adolescents dans le contexte des mutations sociales d’aujourd’hui, Marseille.

� Daboval (2007). Comment le père influence le développement de l’enfant ?. Présentation d’une conférence,

Université de Sherbrooke, Canada.

� Deleau M. (2007). Le développement de la « théorie de l’esprit ». Nouveau cours de psychologie – Master de

Psychologie du développement et de l’éducation. PUF, Paris.

� Durand B (2003). Manifestations psychopathologiques de la grossesse. Revue du praticien

� Feldman (2007). Sans titre. Article de Psychological Science.

� Fonagy P. (2001). Développement de la psychopathologie de l’enfance à l’âge adulte : le mystérieux

déploiement des troubles dans le temps. La psychiatrie de l’enfant, PUF.

� Golse B. (2001). Attachement et psychanalyse. Ce que Serge Lebovici nous a transmis sur la transmission.

Spirale, Erès, Ramonville.

� Golse B. (2001). Attachement et psychanalyse. Impact sur la rencontre avec les bébés et les adolescents. Texte

présenté à la journée d’étude du GERCPEA, Luxembourg.

� Golse B., Missonier S (2005). Récit, attachement et psychanalyse. Erès, Ramonville.

� Guedeney N. et A. (2002). L’attachement : concepts et applications. Masson, Paris.

� Guedeney N. (2006). Séparation ? Attachement ? Quelques éclairages par la théorie de l’attachement.

Présentation à l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris.

� INSERM (2005). Attachement et pratiques éducatives parentales. Expertise collective « Troubles des

conduites chez l’enfant et l’adolescent ».

� Joly F. (2002). Le jeu de la bobine. Article de Revue Spirale, Cairn.info.

� Lebovici S. (2007). Attachement instinctif. Revue Psychologies Hors Série.

� Montagner H. (1996). En finir avec l’échec scolaire. Odile Jacob, Paris.

Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de ps ychologie du développement et de l’éducation

Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 93 /93

� Montagner H. (1999). L’attachement. Les débuts de la tendresse. Odile Jacob, Paris.

� Montagner H., Stevens Y. (2003). L’attachement, des liens pour grandir plus libre. L’Harmattan, Paris.

� Montagner H. (2004). Nouvelle lecture du processus d’attachement et du fonctionnement de l’enfant. Texte

communiqué par l’INSERM, Bordeaux.

� Montagner H. (2005). Un nouveau modèle de communication chez l’enfant. Texte communiqué par

l’INSERM, Bordeaux.

� Moreno J. L. (1965). Psychothérapie de groupe et psychodrame. Quadrige / PUF, Paris.

� Murray L. et Cooper P. (1997). Effects of postnatal depression on infant development. Archieves of Disease in

Childhood.

� Nassé T. (2000). Anxiété, angoisse, stress, dépression en hormonologie. Freud Editions, Site internet.

� Pierrehumbert B et al. (1996). Les modèles de relations. Développement d’un auto-questionnaire

d’attachement pour adultes. Psychiatrie de l’Enfant.

� Pierrehumbert B. (1998). Gestion de la distance interpersonnelle, attachement et socialisation précoce.

Champ Psychosomatique.

� Pierrehumbert B. (2004). L’amour maternel ... Un amour impératif. Spirale, 18, 83-112.

� Reebye et al. (non daté). Analyse documentaire de la théorie de l’attachement parents-enfants et des pratiques

interculturelles qui influencent la relation d’attachement. Rapport de recherche, Vancouver.

� Rousseau P. et Lahay W. (2008). Attachement-détachement, la dynamique des liens familiaux. Présentation de

la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation - UMH

� Spitz R.A. (1968). De la naissance à la parole. P.U.F., Paris.

� Stein et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British

Journal of Psychiatry, Angleterre.

� Stern D. N. et Bruschweiler-Stern (1998). La naissance d’une mère. Odile Jacob, Paris.

� Winnicott D.W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot.

� World Health Organization, Department of Child and Adolescent Health and development (2004). The

importance of caregiver-child interactions for the survival and healty development of young children.

� Zazzo R. (1979). L’attachement. Delachaux Niestlé, Paris.

Les sites internets :

www.psynem.necker.fr/PedopsychiatriePsychanalyse/Dossiers/Attachement

Macgill (2008). Le cerveau dans tous ses états. Site internet de l’université McGill