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Indiffdrence des Spirochetes r&urrents pour leure hdtes du genre Omithodore. Par CHARLES NICOLLE et OEARLES ANDERSON. Les spirochetes rhcurrents des fievres B tiquee sont, dans la nature, transmis B l’homme et aux autres mammifhres sensibles par des ornithodoree. En mdme temps qu’on dBcouvre un Bpi- rochete rBcurrent nouveau, on dBcouvre gBnBralement l’orni- thodore qui le transmet. La rhgle est done, jwqu’8 prBeent, que, dane la nature, chaque spirochete rhcurrent est li6 B une espece particuliere . d’ornithodores. Noe recherche8 ont montrh que, mbme dans la nature, une telle regle eouffre des exceptions. Now avone is016 d‘exemplaires d’0rndhodorw marocanus, provenant du Maroc, un apirochhte appartenant Bvidemment au mdme groupe que Sp. hispanicurn que transmet le mdme ornithodore en Eepagne, mais diffkrent de lui par les rhactions d’immunit6 croishe. D’autre part, nous avona conetat6 que deux spirochetes tu- nisiens, assez voisins pour qu’on puiaee les rhunir sow le nom commun de Sp. normandi, peuvent &re transmis par deux tiques differentee Om. wmandi et Om. errathas. Or cette derniihe tique eat plus voisine d’0rn. marocanw que #Om. normandi. Si, dee faits d’observation naturelle, dont le nombre ne peut que croitre B mesure que les investigations deviendront plus nombreusea et plus prhciees, now passons aux faits d’ordre exphrimental, nous constatona que I’indiffBrence du spirochete pour l’hbte ornithodore est complhte ou tout au moins ordinaire. I1 existe, dane la litthrature, un certain nombre d’observations dans lesquelles des expbrimentateurs sont parvenus B faire passer

Indifférence des Spirochètes récurrents pour leurs hôtes du genre Ornithodore

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Indiffdrence des Spirochetes r&urrents pour leure hdtes du genre Omithodore.

Par

CHARLES NICOLLE e t OEARLES ANDERSON.

Les spirochetes rhcurrents des fievres B tiquee sont, dans la nature, transmis B l’homme et aux autres mammifhres sensibles par des ornithodoree. En mdme temps qu’on dBcouvre un Bpi- rochete rBcurrent nouveau, on dBcouvre gBnBralement l’orni- thodore qui le transmet. La rhgle est done, jwqu’8 prBeent, que, dane la nature, chaque spirochete rhcurrent est li6 B une espece particuliere . d’ornithodores.

Noe recherche8 ont montrh que, mbme dans la nature, une telle regle eouffre des exceptions. Now avone is016 d‘exemplaires d’0rndhodorw marocanus, provenant du Maroc, un apirochhte appartenant Bvidemment au mdme groupe que Sp. hispanicurn que transmet le mdme ornithodore en Eepagne, mais diffkrent de lui par les rhactions d’immunit6 croishe.

D’autre part, nous avona conetat6 que deux spirochetes tu- nisiens, assez voisins pour qu’on puiaee les rhunir sow le nom commun de Sp. normandi, peuvent &re transmis par deux tiques differentee Om. wmandi e t Om. errathas. Or cette derniihe tique eat plus voisine d’0rn. marocanw que #Om. normandi.

Si, dee faits d’observation naturelle, dont le nombre ne peut que croitre B mesure que les investigations deviendront plus nombreusea et plus prhciees, now passons aux faits d’ordre exphrimental, nous constatona que I’indiffBrence du spirochete pour l’hbte ornithodore est complhte ou tout au moins ordinaire.

I1 existe, dane la litthrature, un certain nombre d’observations dans lesquelles des expbrimentateurs sont parvenus B faire passer

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INDIFFlhENCE DE3 SPIROCHkTES DU QENRE ORNITHODORE. 393

un spirochete dhterminh par un ornithodore appartenant B, une sutre eaphce que celui qui le transmet naturellement.

I1 n’y a pas lieu pourtant de s’arrdter B la plupart de ces exph- riences. Presque toutes ont 6th conduites d’une fapon que nous jugeons dhfectueuse. On s’est contenth ghnhralement en effet de nourrir lea ornithodores sur des animaux atteints de spiro- ch6tose; puis, un temps variable apres le repas infectant, de lea inoculer broyde B des animaux sensibles. C’est 1 une mhthode qui ne saurait rien prouver, ti notre avis, surtout dans une ques- tion en voie d’htude. I1 faut, pour imposer la conviction, rhaliser l’infection, non par un prochdd que la nature n’emploie pas, mais par le procede naturel. Le prochdh naturel est la piqQre de l’aca- rien. Nous ne parlerons donc ici que de nos exphriencee. Ce sont lea seules, sans doute, oh les rhsultats aient ht6 obtenus par piqiire; ce sont lea seules, B coup sir , qui ont 6th rhalishes avec une vue d’ensemble et avec une technique systhmatiques. Nous n’en donnerons ici qu’un rhsumh des plus brefs, un tableau rh- sum6 plutbt.

Nous avons fait transmettre: 1:o) par Om. moubata, agent de transmission naturel de Sp.

duttoni qui cause la fievre des tiques du centre de l’Afrique, en dehors de Sp. duttoni lui-mdme et de sa varihth de Dakar Sy. crocidurae, lea spiroch Wes suivants: Sp. hispanicum, agent de la fievre r6currente espagnole de Saidi de Buen, transmis dans la nature par Om. marocanus; Sp. marocanurn, isolhe par nous d’Om. marocanus du Maroc; Sp. sogdianum, isolh par nous d’Om. papillipes en provenance de Boukhara (Turkestan) et Sp. nor- vnandi que transmet dam la nature Om. normulldi des terriers de rongeurs du Kef (Tunisie).

2:o) par 07n. savignyi du sud de la Tunisie dont nous n’avons jamais rencontrk un seul exemplaire, porteur naturel de spiro- chhtes, lea mdmes spirochetes.

3:o) par 07n. marocanus, en dehors de Sp . hispankurn et Sp . murocanurn dont il eat l’agent de transmission naturel, Sp. dut- h i , Sp. crocidurae et Sp. sogdianum. Nous avons hchouh dans nos essais avec Sp. normulldi mais l’exphrience serait a reprendre (Sp. normundi est rare dans le sang des animaux infecths).

4:o) par Orn. normandi qui transmet dans la nature Sp. nor- mandi, en dehors de Sp. nornuandi lui-mdme, Sp. duttoni et Sp. sogdianum, les deux seuls spirochetes sur lesquels nous avons ex- phrimentk. .

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394 CHARLES NICOLLE ET CHARLES ANDERSON.

Pour que la transmission expQrimentale par piqfire soit r6a- lisbe, deux conditions sont cependant nbcessaires:

1:o) I1 importe d’infecter lea tiques 8, l’6tat nymphal. Les adultes s’infectent tout aussi bien que lea nymphes, mais ils sont incapables (sauf exception) de transmettre les spirochhtes par leurs piqfires.

2:o) I1 importe tout autant d’utiliser pour le repas infcctant un animal dont le sang soit riche en spirochetes. C’est pour cette raison, sans doute, que notre essai avec Sp. normandi et Om. murocanus a QchouQ; c’est pour cette raison aussi que nous n’avons pu faire transmettre Sp. gondii, isole de Ctenodao- tylus gondi, petit rongeur du sud tunisien (et dont l’agent de transmission ne nous est pae encore connu de fapon certaine) par aucun des ornithodores essayb: Om. moubatu, Om. savignyi, Om. marocanus. En effet Sp. gondii est d’une raretQ telIe dans le sang du gondi ou de la souris, seul animal de laboratoire sen- sible, qu’on n’en rencontre souvent pas plus d’un exemplaire par 200 champs examin6s.

Dam tous les cas oh le r81e transmetteur de l’ornithodore, in- fect& expdrimentalement, a Q t B Qtabli, et pourvu que l’exphrience ait QtQ suivie pendant un temps suffisamment long, nous avons observe la transmission hbrkditaire chez nos tiques. I1 semble cependant que cette transmission qui se prolonge B travers plu- sieurs g6nQrations chez l’ornithodore, naturellement transmetteur, s’arrdte plus t6t si l’espece est Qtranghre.

I1 eat il remarquer d’autre part que, dans la nature, la trans- mission hQrQditaire pure n’a guhre de chances de se rencontrer. Les npmphes, nQes infecthes, se rbinfectent fatalement tat ou tard sur les animaux sensibles du voisinage (en general du m6me terrier) dont certain8 ont pu dtre infectks prQcisQment par elles- mCmes.

L’exphimentation, comme cela arrive parfois, dQpasse ici comme porthe l’observation des faits naturels.

, Une conclusion gQnQrale et pratique se degage de nos expQ-

riences, c’est que le lien qui unit, dans la nature, un spirochhte 21 un ornithodore eat d’ordre seulement gdograpkique.

Qu’un spirochete empihte sur l’aire d’un ornithodore avec lequel il ne s’est jamais trouvQ en contact ou qu’un ornithodore se trouve transport6 sur l’aire d’un spirochhte, inconnu de lui,

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ISDIFFf iREXCE DES BPIROCHkTES D U QEWRE ORNITHODORE. ;jg5

l’adaptation des deux 6tres suivra. Pour ne citer qu’un esemple. Sp. sqd2anum n’est &ranger B Or,,. moubata que grbce ii 1’6norme distance qui &pare le Turkestan de 1’Afrique centrale.

I1 n’y a donc pas, entre les diverses spiroch6toses transmises par les tiquecl, de barrihre qui ne puisse 6tre dkplacke. Seule, la vie des ornithodores dans le sol met une limite actuelle B l’ex- pansion des spirochhtes qu’ils transmettent.