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Inégalités sociales et parcours scolaires en France « On ne devient pas ouvrier, on naît ouvrier » (Camille Peugny)

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Inégalités sociales et parcours scolaires en France

« On ne devient pas ouvrier, on naît ouvrier » (Camille Peugny)

« J'interviens parfois dans la même journée dansdeux établissements éloignés de quelques kilomètres,et j'ai l'impression de changer de pays, de civilisation.Il m'arrive parfois sur un même film de travailler sur l'analysebeaucoup plus loin avec une classe de CM1 qu'avec une classe detroisième.Qu'en est-il de l'égalité des chances ? Revenons-nous audéterminisme social ? »

Pascale Diez, réalisatrice du documentaire D'une école à l'autre.

Anne Clerval, « Les dynamiques spatiales de lagentrification à Paris »,Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne],Espace, Société, Territoire, document 505, mis en lignele 20 juillet 2010, consulté le 26 septembre 2015.URL : http://cybergeo.revues.org/23231

→ L'origine sociale influence fortement le parcours scolaire, même si toutes les PCSsont représentées à toutes les étapes.

→ Cette diversité de parcours ne s'explique pas seulement par les résultats scolaires, mais aussi par les choix d'orientation. A réussite scolaire égale, les parcours peuvent être très différents.→L'origine sociale influence donc le parcours scolaire de plusieurs façons.

En % Bac général Bac technologique

Bac professionnel

Agriculteurs exploitants

54,7 21,9 23,4

Artisans, commerçants, chefs d'entreprises

49,2 22,2 28,6

Cadres, prof. Intell. supérieures

76,1 14,5 9,4

Professions intermédiaires

58,1 24,4 17,4

Employés 48,7 28,4 22,8

Ouvriers 32,7 26,4 40,9

Ensemble 49,8 22,7 27,4

→ Des parcours scolaires très contrastés selon les catégories sociales, avec une surreprésentation desenfants d'ouvriers dans les filières non générales, et des enfants de CPIS dans la filière générale.→ Mais, là encore, on peut être amené à questionner le lien entre inégalités sociales et résultatsscolaires, le choix d'une filière pouvant relever d'autres facteurs (choix d'un métier, méconnaissancede l'offre scolaire...), même si l'influence des résultats scolaires est importante, la voie professionnellerestant souvent subie sous l'effet de résultats scolaires jugés insuffisants.

Répartition par filière des bacheliers, en 2011, selon leur origine sociale

→ La France mal placée parmi les pays de l'OCDE, l'impact du milieu social se révélant particulièrement élevé sur le niveau scolaire.→ Mais il faut tenir compte aussi de l'échantillon considéré.

Source : C. Baudelot et R. Establet, L'élitisme républicain, Seuil, 2009.

→ Une massification scolaire indéniable.→ Mais une démocratisation limitée :

• cf. le profil social des élèves quittant le système scolaire sans diplôme ou avec le seul brevet.• cf. la filiarisation, socialement marquée, des bacs comme des études supérieures.

« Plus de deux siècles après la Révolution, les conditions de naissance continuent de déterminer le destin des individus. On ne devient pas ouvrier, on naît ouvrier »

→ Comment le comprendre ?

* Capital culturel très inégal, que l'école ne parvient pas à corriger.* Manque de moyens au niveau stratégique de l'école primaire.• Ecole républicaine élitiste, peu adaptée à la diversité de sonpublic, du fait d'une culture de l'évaluation, du classementet de l'élimination précoce. Produire des élites n'est pas leproblème, le problème est que tout le fonctionnementsemble commandé par la production des élites.

Bernard Lahire montre que :→ le lien entre origine sociale et parcours scolaire est loind'être mécanique.

→ Il met en effet en évidence les possibilités de réussitescolaire des enfants des milieux populaires.

→ Cela montre l'importance d'une diversité de facteursdans le parcours scolaire : reconnaissance de la valeurde l'école par les parents, influence des expériencesindividuelles étudiées dans les trajectoires (effet-maître, effet-classe).

temps : Pourquoi le poids des inégalités sociales sur les parcours scolaires pose-t-il problème

→ D'un point de vue moral, parce qu'il peut être considéré comme injuste, puisqu'il

→ … ce qui pose d'autant plus problème que ces parcours scolaires entraînent de profondesOn passe donc d'une différence à une inégalité, c'est-à-dire une différence se traduisant,

→ Ce qui est donc en jeu, c'est l'égalité de la devise républicaine, et la dignité de chacun

Pourtant, l'école française est-elle généralement considérée comme injuste ?

→ Les élèves peuvent sembler égaux en droits (chacun a droit à l'éducation), et

→ Pourtant, l'égalité des chances, elle, n'est pas complètement assurée : tous les

Les élèves sont donc égaux en droits, mais cette égalité en droits peut s'accompagner

→ Objectif : assurer plus d'égalité, c'est-à-dire, ici, limiter le poids du déterminisme

3e temps : Quels moyens employer pour que l'école assure plus d'égalité ?

Solution 1 : imiter la Corée du Sud, l'un des pays les mieux classés dans l'enquête PISA.

Journal de 20 heures de France 2 du 3 décembre 2013

Solution 2 : Au nom de l'égalité des chances,faut-il favoriser certains élèves par rapportaux autres ?

→ Principe d'équité, façon d'atteindre l'égalitéen modulant les droits : donner plus à ceux quiont moins pour que la situation soit plus juste.

→ Un dispositif juste ? L'égalité des chancespeut sembler juste en contribuant à redonner lesmêmes chances à tous. Ainsi, les différencesde parcours scolaires, et les inégalités qui leursont liées, peuvent sembler légitimes, car sefaisant au nom du mérite des individus.

→ Mais cela pose la question du mérite. Les talents ici valorisés sont distribués aussi inégalement que la fortune, sans que cela soit la conséquence du seul mérite des individus : cf. le cas d'un élève très travailleur mais dont les résultats restent moyens...

Solution 3 : Le modèle suisse ?

→ Valorisation de l'apprentissage.→ Formation continue permettant une mobilité entre les positions sociales.

Chacun semble pouvoir trouver plus facilement sa place, sans que cela soit lerésultat d'un match entre vainqueurs et vaincus de la compétition scolaire.

« Y a-t-il un miracle suisse ? », Un œil sur la planète, France 2, diffusé le 16 décembre 2013.

Egalité des chances Egalité des places

Principes Les mêmes chances pour tous d'occupertoutes les places, en fonction du mérite.Les enfants d'ouvriers doivent avoir lesmêmes chances que les enfants decadres de devenir cadres.Pour cela, principe d'équité demodulation des droits, pour aboutir à unsystème plus juste.Les inégalités sociales peuvent resterfortes, mais elles semblent pluslégitimes, dans la mesure où ellesreflètent le mérite.

Resserrer la structure des positionssociales : réduire les inégalités derevenus, de conditions de vie, d'accèsaux services qui sont associées auxpositions sociales occupées par lesindividus.Il s'agit d'abord de réduire l'écart desconditions de vie et de travail entrecadres et ouvriers, plutôt que depromettre aux enfants d'ouvriers qu'ilsauront les mêmes chances de devenircadres que les enfants de cadres.

Limites Comment mesurer le mérite ? Un élèvetravailleur aux résultats médiocres a-t-ildémérité ?

Quel mérite mesure-t-on ? Problèmed'une distribution très inégale destalents académiques mesurés.

Rapprocher les statuts liés aux différentsmétiers, qu'ils nécessitent une hautequalification, ou pas de qualification, nerevient-il pas à décourager ceux quidoivent entreprendre de longues étudespour exercer leur métier ?

Mais problème pour distinguer ce quirelève d'un choix libre et ce qui relèvedes circonstances.

Synthèse grâce à l'ouvrage de C. Peugny et aux articles de François Dubet, par exemple« Egalité des chances, égalité des places », Etudes, janvier 2011.