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1 MARIE-ÈVE GAGNON-PARÉ INÉGALITÉS DE PARCOURS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UN REGARD SUR LA CARRIÈRE SCOLAIRE DE JEUNES IMMIGRANTS ISSUS DE L’AMÉRIQUE LATINE SELON LEUR PROFIL FAMILIAL Essai présenté à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en administration et évaluation en éducation, concentration Fondements sociaux de l’éducation pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) Département des fondements et pratiques en éducation Faculté des sciences de l’éducation Université Laval Québec Février 2016 © Marie-Ève Gagnon-Paré, 2016.

INÉGALITÉS DE PARCOURS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UN ... · (Mc Andrew, Ledent et Murdoch, 2011 ; Murdoch et Kamanzi, 2011). Les auteurs de ces études ont proposé de mener

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MARIE-ÈVE GAGNON-PARÉ

INÉGALITÉS DE PARCOURS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UN REGARD SUR LA CARRIÈRE SCOLAIRE DE JEUNES IMMIGRANTS ISSUS DE L’AMÉRIQUE

LATINE SELON LEUR PROFIL FAMILIAL

Essai présenté à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en administration et évaluation en éducation, concentration Fondements sociaux de l’éducation pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

Département des fondements et pratiques en éducation Faculté des sciences de l’éducation

Université Laval Québec

Février 2016

© Marie-Ève Gagnon-Paré, 2016.

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Résumé : Cette recherche exploratoire jette un regard sur les carrières scolaires d’étudiants

immigrants issus de l’Amérique latine inscrits dans des cégeps montréalais. Des études portant

sur les aspirations et la réussite scolaire d’étudiants immigrants au Canada ont révélé que les

jeunes issus de l’Amérique latine ont des aspirations pour les études postsecondaires plus faibles

que leurs pairs originaires d’autres régions (Finnie et Mueller, 2010) et réussissent également

dans des proportions moins élevées aux études supérieures en comparaison à leurs pairs d’origine

canadienne (Kamanzi et Murdoch, 2011). Or, peu d’études ont tenté d’expliquer cette situation.

Selon une approche qualitative, nous avons analysé les récits biographiques (Bertaux, 2010) de

onze étudiants immigrants issus de l’Amérique latine inscrits dans des cégeps montréalais. Nous

voulions savoir quels éléments dans le profil familial de ces jeunes constituent des ressources ou

des contraintes dans leur carrière scolaire. Il ressort d’abord que le profil de ces familles est plutôt

défavorable. La plupart sont arrivées au Québec dans des conditions difficiles : elles ne

maîtrisaient pas le français, détenaient un capital culturel plutôt faible et ont, pour plusieurs, subit

une déqualification professionnelle. Elles ont donc vécu dans des conditions socioéconomiques

précaires, du moins dans les premiers temps de leur installation. Ainsi, même si ces parents

valorisent l’éducation et souhaitent que leurs enfants réussissent, ils sont confrontés à certaines

limites dans le soutien qu’ils peuvent leur offrir au cours de leur carrière scolaire. La barrière

linguistique, le faible capital culturel et les conditions socioéconomiques difficiles découlant de la

migration représentent des obstacles importants à cet égard. Nous croyons donc que des mesures

d’accompagnement et de soutien devraient être offertes à ces familles dès les débuts de la

scolarisation des enfants pour pallier ces limites.

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REMERCIEMENTS

Me voilà, enfin, à l’issue de mes études de maîtrise ! Ce long parcours aura été parfois exigeant,

mais aussi, extrêmement formateur et enrichissant pour le développement de mes connaissances,

pour mieux me connaître et pour tisser des liens avec plusieurs personnes significatives. Je tiens à

remercier très sincèrement quelques-unes d’entre elles qui ont été présentes pour me soutenir à un

moment ou à un autre. Sans elles, tout cela n’aurait pas été possible. Je souligne d’abord

l’ouverture, l’écoute, la souplesse, la générosité et la disponibilité de ma directrice de recherche,

Madame Annie Pilote. Son engagement envers ses étudiants, sa passion pour la recherche dans le

champ de la sociologie de l’éducation et ses conseils judicieux m’ont beaucoup stimulée tout au

long de mon parcours. Je tiens également à remercier plusieurs professeurs qui m’ont inspirée et

qui ont alimenté ma curiosité intellectuelle : Madame Hélène Lee-Gosselin, Madame Thérèse

Hamel, Monsieur Denis Savard et Monsieur Pierre Canisius Kamanzi. Je remercie tout

particulièrement Madame France Picard pour son enseignement innovant et pour le temps

consacré à l’évaluation de cet essai, mais aussi parce qu’elle m’a offert la possibilité de terminer

ma maîtrise en occupant un emploi des plus stimulants. Un grand merci à Sofia Arsenii qui a

effectué une recension d’écrits scientifiques sur le thème de mon essai avec dévouement et

rigueur. Je remercie aussi Marie-Odile Magnan qui a accepté que je me joigne à son équipe de

recherche ainsi que tous les étudiants qui ont mené les entrevues auprès des participants et

effectué les retranscriptions. Merci aussi à Mélanie Julien, du Conseil supérieur de l’éducation et

à Céline Poncelin de Raucourt, de l’Université du Québec qui m’ont accueillie dans leur milieu

respectif afin que j’y réalise deux stages très formateurs. Merci à Lyne Sauvageau qui m’a

encouragée dès le début, à entamer ce projet et qui m’a offert son soutien pour qu’il puisse se

réaliser. Merci à mes amis qui m’ont écoutée, encouragée et changé les idées dans les périodes de

fatigue et de doutes. Je remercie également mes parents et en particulier ma mère, qui m’a offert

son soutien indéfectible tout au long de mes études, même si les tenants et aboutissants de tous

ces efforts n’ont pas toujours été clairs. Merci aussi à mes grands-mères, Gemma et Laurette, qui,

dès mon plus jeune âge m’ont transmis le plaisir d’apprendre, la confiance en moi et l’envie de

me réaliser. Je remercie également de tout cœur mon conjoint, Etienne, qui m’a soutenue à

chaque moment. Son affection, mais aussi son dévouement envers notre petite famille m’ont

permis de relever le grand défi de la conciliation études-travail-famille tout au long de mes études

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de maîtrise. Un immense merci enfin, à mes trois trésors, Alice, Flavie et Édouard pour leur

amour, leur patience, leurs encouragements et leurs mots doux. Leur présence dans ma vie

m’aura permis de me ramener chaque jour à l’essentiel, c’est-à-dire d’être ici, maintenant,

entourée des personnes qui me sont chères. J’espère de tout cœur vous transmettre le plaisir et la

satisfaction d’apprendre et l’envie de vous réaliser.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION...................................................................................................................................8

CHAPITRE 1 – PROBLÉMATIQUE.............................................................................................101. LECONTEXTE.........................................................................................................................................10

1.1. La réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration : des profils contrastés..............................101.2. Les aspirations et la diplomation des jeunes issus de l’immigration au postsecondaire.............11

2. OBJECTIFSETQUESTIONSDERECHERCHE..................................................................................143. DÉFINITIONSDESPRINCIPAUXCONCEPTS:.................................................................................15

3.1. La notion de carrière scolaire..........................................................................................................................153.2. Le profil familial.................................................................................................................................................16

4. UNEBRÈVERECENSIONDESÉCRITS..............................................................................................164.1. Des dynamiques familiales favorables à la réussite scolaire des jeunes..........................................174.2. La réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration selon leur profil familial..........................17

4.2.1. Le vécu migratoire.......................................................................................................................................................184.2.2. Les compétences linguistiques.................................................................................................................................194.2.3. Les conditions socioéconomiques...........................................................................................................................194.2.4. La scolarisation et la qualification..........................................................................................................................214.2.5. Le rapport à l’éducation.............................................................................................................................................224.2.6. Les relations avec l’école...........................................................................................................................................23

CHAPITRE 2 – RECHERCHE........................................................................................................251. L’APPROCHEMÉTHODOLOGIQUE...................................................................................................25

1.1. Échantillonnage et présentation du corpus.................................................................................................251.2. Technique de recherche et description de la grille d’entretien............................................................261.3. Méthodes d’analyse............................................................................................................................................26

2. PORTRAITDESPARTICIPANTS........................................................................................................28Miguel.................................................................................................................................................................................28Guillermo...........................................................................................................................................................................29Victor...................................................................................................................................................................................31Sofia.....................................................................................................................................................................................33Matéo...................................................................................................................................................................................34Julia......................................................................................................................................................................................35Acela....................................................................................................................................................................................36Alicia....................................................................................................................................................................................38Flavia...................................................................................................................................................................................39Eduardo...............................................................................................................................................................................40Mila......................................................................................................................................................................................42

CHAPITRE 3 – RÉSULTATS...........................................................................................................451. Desressourcesetdescontraintesauseindelafamille...........................................................45

1.1. Un soutien variable selon le vécu migratoire............................................................................................451.2. Les compétences linguistiques.......................................................................................................................471.3. La scolarisation et la qualification................................................................................................................491.4. Les conditions socioéconomiques.................................................................................................................541.5. Le rapport à l’éducation....................................................................................................................................571.6. Les relations parents-enfants...........................................................................................................................58

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2. SYNTHÈSEDESRÉSULTATS...............................................................................................................61CHAPITRE 4 – DISCUSSION..........................................................................................................631. Unvécumigratoiresouventdifficile..............................................................................................632. Desdéfisdécoulantd’unefaiblemaîtrisedufrançais.............................................................643. Desconditionssocioéconomiquesdéfavorables.......................................................................654. Uncapitalculturelfaiblequilimitelescapacitésdesparentsàsoutenirleursenfantsdansleurparcoursscolaire.......................................................................................................................655. Leprojetmigratoiredesparentsquipousselesétudiantsàsedépasser.........................67

CONCLUSION.....................................................................................................................................681. Pistesd’interventionauprèsdecesétudiantsetdeleurfamille.........................................682. Limitesetpistesderecherche..........................................................................................................69

RÉFÉRENCES......................................................................................................................................72

ANNEXES..............................................................................................................................................77Annexe1:Guided’entretienindividuel................................................................................................78Annexe2:Fichesociodémographiquedurépondant......................................................................82

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INTRODUCTION

Dans un contexte de dénatalité et de vieillissement de sa population, le Québec mise depuis

quelques décennies sur l’immigration pour assurer le renouvellement de sa population. L’Enquête

nationale auprès des ménages de 2011 a révélé que la proportion de personnes immigrantes

représentait 12,6 % de la population totale du Québec, soit la part la plus importante jamais

constatée dans la province (Ministère de l'Immigration de la Diversité et de l'Inclusion, 2015).

Cette immigration alimente la diversité ethnoculturelle au sein de la population québécoise dans

son ensemble, mais aussi parmi les effectifs étudiants. Si le Québec mise sur les immigrants pour

assurer le renouvellement de sa population, il se doit de mettre en place les ressources nécessaires

à leur intégration sociale, culturelle, linguistique et économique. L’école québécoise, en tant

qu’institution vouée à la socialisation, à l’instruction et à la qualification des citoyens joue un rôle

particulièrement important à cet égard auprès des enfants des immigrants. En 1998, le Québec

s’est doté d’une politique qui présente le cadre de référence et les orientations que doivent suivre

l’ensemble des intervenants du milieu de l’éducation au chapitre de l’intégration scolaire et de

l’éducation interculturelle. On y rappelle que l’école québécoise a le mandat d’offrir des chances

égales à tous les élèves de se développer et de réussir. Plus spécifiquement, la politique précise

que:

« L’égalité des chances implique non seulement l’accessibilité aux services de base pour l’ensemble des élèves, mais aussi la mise en place de moyens particuliers et de mesures compensatoires (mesures de soutien à l’apprentissage du français, par exemple) pour les élèves qui en ont besoin. Ce principe va de pair avec ceux de l’équité́ et de la non-discrimination et renvoie à l’acceptation et au respect de l’altérité ainsi qu’au rejet de l’intolérance, de l’ethnocentrisme et de toute manifestation raciste ou discriminatoire. Cela exige que le milieu scolaire reconnaisse les élèves pour ce qu’ils et elles sont, avec leurs ressemblances et leurs différences, leurs particularismes et leurs caractéristiques communes. On admet ainsi que la diversité́ ethnoculturelle, linguistique et religieuse imprègne la société́ québécoise et a droit d’expression. » (Ministère de l’Éducation, 1998, Prendre le virage du succès. Une école d’avenir. Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, p. 6-7).

Or, il semble justement que tous les groupes d’immigrants ne sont pas égaux face à la réussite

scolaire. Des portraits statistiques ont révélé que certains groupes, notamment les élèves et

étudiants originaires de l’Amérique latine présentent des profils plutôt défavorables à cet égard

(Mc Andrew, Ledent et Murdoch, 2011 ; Murdoch et Kamanzi, 2011). Les auteurs de ces études

ont proposé de mener des recherches qualitatives afin de mieux comprendre le vécu de ces jeunes

en matière de scolarisation. L’objectif de cette étude est donc de mieux comprendre le vécu

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socio-scolaire d’étudiants immigrants issus de l’Amérique latine, en nous attardant plus

spécifiquement à leur socialisation familiale. Nous souhaitons mieux connaître le profil familial

de ces jeunes en identifiant certains éléments qui peuvent constituer des ressources ou des

contraintes dans leur parcours scolaire.

Dans le premier chapitre, nous présenterons d’abord le contexte de notre étude en mettant en

relief les éléments de la problématique. Nous formulerons ensuite notre question de recherche,

définirons les principaux concepts mobilisés et présenterons une brève recension d’écrits

scientifiques sur le thème de notre étude. Dans le deuxième chapitre, nous décrirons les

considérations méthodologiques et résumerons le profil de chacun des participants en reprenant

les propos saillants énoncés au cours des entretiens qui apportent des éléments de réponse à notre

question de recherche. Dans le troisième chapitre, nous présenterons les résultats de notre

recherche en regroupant les éléments du profil familial de participants qui ont pu constituer des

ressources ou des contraintes dans leur parcours scolaire. Dans le quatrième chapitre, des

éléments de discussion seront mis de l’avant en comparant nos résultats de recherche avec ceux

issus du corpus des travaux scientifiques. Nous tenterons de contribuer à une meilleure

compréhension des carrières scolaires des jeunes immigrants issus de l’Amérique latine, puisque

peu d’études s’y sont penchées. Enfin, nous conclurons cet essai en présentant les limites de notre

étude et en proposant quelques pistes de recherche.

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CHAPITRE 1 – PROBLÉMATIQUE

1. LE CONTEXTE

1.1. La réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration : des profils contrastés Les élèves issus de l’immigration présentent des profils de réussite contrastés. En premier lieu, on

note qu’une part importante d’élèves de première génération se trouve en difficulté. En effet,

45,3 % d’entre eux n’ont toujours pas obtenu leur diplôme d’études secondaires après 7 ans,

comparativement à plus ou moins 30 % des élèves de deuxième génération et de ceux qui ne sont

pas issus de l’immigration (Mc Andrew, Ledent et Murdoch, 2011). Ces mêmes auteurs ont

également observé une forte polarisation des résultats des élèves selon leur région d’origine.

Ainsi, non seulement le taux de diplomation des élèves issus de l’Asie du Sud (39,9 %),

de l’Amérique centrale et du Sud (52,2 %), des Antilles et de l’Afrique subsaharienne (54,4 %)

est nettement sous la moyenne (69,5 %), mais il est aussi clairement inférieur à celui des cohortes

de l’Europe de l’Est (70 %), de l’Asie du Sud-Est (70,2 %), de l’Afrique du Nord et du Moyen-

Orient (71,5 %) et de l’Asie de l’Est (75,5 %) (Mc Andrew, Ledent et Murdoch, 2011).

Selon une étude de Benoît (2011), le profil des jeunes originaires de l’Amérique latine1 est

globalement défavorable en matière de réussite scolaire. En effet, si on les compare aux autres

élèves du groupe cible de l’étude (regroupant des cohortes d’élèves québécois nés à l’étranger ou

dont au moins un des parents est né à l’étranger ayant intégré le secondaire 1 en 1998-1999 et

1999-2000, toutes origines confondues), ils cumulent davantage les difficultés. Ils présentent un

fort taux de décrochage scolaire et un profil de diplomation au secondaire extrêmement faible.

Quelques caractéristiques des élèves originaires de l’Amérique latine montrent qu’ils constituent

un groupe particulièrement vulnérable lorsqu’on les compare aux élèves de troisième génération

ou plus et à l’ensemble des élèves immigrés de l’étude (Benoit, 2011). D’abord, ils sont plus 1Parmi les 24 099 élèves d’origine immigrée qui fréquentent le secteur de langue française au sein descohortesétudiées,2792élèvessontoriginairesd’AmériquecentraleetduSud,cequireprésente11,6%del’effectiftotal.Parmieux,52,3%proviennentdel’AmériqueduSudet46,4%,del’Amériquecentrale.Seuls18,6 % d’entre eux se déclarent de langue maternelle française. Pour les autres, une forte majorité esthispanophoneetunefaibleminoritéestlusophone.2Élèvehandicapéouendifficultéd’adaptationoud’apprentissage.

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souvent nés à l’étranger (68,2 %) que l’ensemble des élèves issus de l’immigration (58,6 %).

L’étude révèle par ailleurs que ceux qui sont nés au Canada réussissent mieux que leurs pairs nés

à l’extérieur du Canada. Ils ont moins souvent le français comme langue maternelle ou d’usage à

la maison que les autres groupes d’élèves immigrants Cette caractéristique contribue à leur

vulnérabilité étant donné que ceux qui ont le français comme langue maternelle ont un taux de

diplomation beaucoup plus élevé et un taux de décrochage plus faible que ceux qui ont une autre

langue maternelle. Ils ont aussi plus souvent besoin de soutien linguistique au secondaire que

leurs pairs des autres groupes. En outre, leur communauté présente un profil socioéconomique

particulièrement défavorisé, avec une surreprésentation des familles dont l’indice

socioéconomique est faible. Ces élèves ont intégré plus souvent le secondaire avec du retard,

même s’ils ont fréquenté l’école primaire au Québec dans des proportions équivalentes à leurs

pairs de première et de deuxième génération. Ils fréquentent peu l’école privée comparativement

à leurs homologues des deux groupes-contrôle et lorsqu’ils sont à l’école publique, ils sont

surreprésentés dans les milieux défavorisés.

L’auteure mentionne que le cheminement scolaire problématique de ces élèves se manifeste aussi

par d’autres indicateurs : ils sont plus souvent identifiés EHDAA2, s’inscrivent moins souvent à

un cours de mathématiques 536 (fortes) et fréquentent davantage le secteur de l’éducation des

adultes (1 élève sur 10 y obtient son diplôme d’études secondaires). À partir de ce portrait plutôt

sombre, Benoit propose de poursuivre la réflexion au sujet de cette communauté dont la situation

scolaire est considérée comme problématique. Il faudrait, entre autres, s’attarder davantage aux

circonstances pré-migratoires, aux dynamiques familiales et sociales et aux facteurs systémiques

qui affectent ces élèves. De par notre approche de recherche de type qualitative, nous tenterons

bien humblement d’apporter un certain éclairage à cet égard dans le cadre de cet essai.

1.2. Les aspirations et la diplomation des jeunes issus de l’immigration au

postsecondaire

Des recherches menées au cours des dix dernières années ont montré que les immigrants au

Canada ont, de manière générale, des aspirations scolaires plus élevées que les Canadiens de

2Élèvehandicapéouendifficultéd’adaptationoud’apprentissage.

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naissance (Finnie & Mueller, 2010; Kamanzi & Murdoch, 2011; Taylor & Krahn, 2005;

Thiessen, 2009). Or, les travaux de Thiessen (2009) et de Finnie et Mueller (2010) ont toutefois

révélé que la situation est variable au sein des différents groupes d’immigrants dont ceux de

minorités visibles. Ainsi, les jeunes d’origine latino-américaine semblent nettement désavantagés

puisque parmi tous les immigrants, ils sont les seuls à avoir des aspirations plus faibles que le

reste de la population canadienne (Finnie et Mueller, 2010). Par ailleurs, une étude de Murdoch et

Kamanzi (2011) a révélé que malgré des aspirations élevées chez une majorité d’étudiants

immigrants, ceux-ci réussissent leurs études dans une proportion inférieure à celle des Canadiens

de naissance. Ces auteurs ont montré également que des écarts quant à la réussite des études

existent entre les immigrants selon leurs origines ethniques et culturelles. Alors que les taux de

diplomation et de décrochage des immigrants d’origine européenne, anglo-saxonne et asiatique

sont comparables à ceux des Canadiens de naissance, ceux des immigrants venant d’Afrique

noire, des Caraïbes et d’Amérique latine s’y comparent moins avantageusement. En effet, ces

derniers présentent un taux de diplomation plus faible et un taux de décrochage plus élevé.

Murdoch et Kamanzi (2011) avancent deux pistes pour expliquer cet état de situation : d’une part,

le faible degré de persévérance aux études pourrait s’expliquer par les effets de système. Dans la

foulée des travaux de Dubet et Martuccelli (1996) sur l’expérience scolaire et de Coulon (1997)

sur le métier d’étudiant, les auteurs se demandent dans quelle mesure la socialisation familiale de

ces étudiants les préparent aux études universitaires au Canada : « devenir un membre compétent

de la communauté universitaire, s’intégrer au groupe des pairs pour se socialiser dans la culture

institutionnelle, faire partie des communautés d’apprentissage pour échanger sur les défis de la

formation, etc. » (Murdoch et Kamanzi, 2011, p. 156). D’autre part, l’interprétation que le jeune

adulte fait de l’expérience de ses parents et des autres adultes au sein de sa communauté pourrait

influencer sa persévérance aux études. La déqualification, la non reconnaissance des diplômes ou

des compétences et le taux de chômage élevé au sein de la communauté pourraient emmener

l’étudiant à se questionner sur la valeur de l’investissement dans les études et possiblement, le

conduire à les abandonner.

Une autre étude de Kamanzi (2013) dresse le profil des étudiants immigrants au Québec pour

tenter de dégager les facteurs structurels et culturels qui favorisent leur persévérance jusqu’à

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l’université en dépit d’obstacles sociaux, économiques et matériels qui les touchent

particulièrement. Il montre d’abord que, comme dans l’ensemble du Canada, les étudiants

d’origine immigrante sont proportionnellement plus nombreux (61 %) que les non-immigrants

(54 %) à poursuivre des études universitaires. Si la participation aux études universitaires

augmente avec le revenu et la scolarité des parents (Finnie & Mueller, 2008; Kamanzi & et al.,

2009), l’étude de Kamanzi (2013) montre que ces facteurs exercent une influence plus grande

chez les jeunes d’origine immigrante que chez leurs semblables d’origine canadienne ou

québécoise : « Ainsi, lorsque l’un ou l’autre des parents détient un diplôme de niveau collégial, la probabilité d’accès aux études universitaires est de 51 % chez les immigrants, contre 40 % chez les non-immigrants. De même, la probabilité est de 75 % chez les jeunes immigrants provenant de familles à revenu annuel supérieur (quatrième quartile) alors qu’elle est de 57 % chez les non-immigrants issus de familles à revenu comparable. » (p. 310).

Rappelons toutefois que les immigrants originaires de l’Amérique latine se trouvent

proportionnellement moins représentés dans ces catégories supérieures. L’auteur explique

également que les étudiants immigrants sont davantage influencés par le niveau élevé

d’aspirations scolaires de leurs parents et par l’encadrement familial. Leur projet d’études

universitaires a un caractère plus familial et s’inscrit davantage dans les perspectives prescrites

par les parents, ce qui rejoint d’autres études (Abada & Tenkorang, 2009; Glick & White, 2004;

Hao & Bonstead-Bruns, 1998) qui font valoir que la participation des immigrants aux études

universitaires s’explique en grande partie par le capital scolaire qui leur est transmis par leurs

parents. Le désir d’améliorer leur situation et d’accéder à une certaine mobilité sociale à la base

du projet migratoire de la plupart des immigrants peut possiblement expliquer cette situation. Les

parents immigrants encouragent fortement leurs enfants à poursuivre des études supérieures afin

qu’ils aient accès à des emplois qualifiés et bien rémunérés.

Si le Québec mise sur l’immigration pour assurer le renouvellement de sa population, il a

également besoin d’une population hautement qualifiée pour atteindre son objectif de développer

une société du savoir, misant sur une économie qui s’appuie sur la recherche et l’innovation, dans

un contexte de compétition globale accrue. La sélection d’immigrants majoritairement issus de la

catégorie économique, jeunes et hautement scolarisés n’est sans doute pas étrangère à l’atteinte

de cet objectif de développement de la société québécoise. Or, les études présentées ci-haut

révèlent que les jeunes immigrants issus de l’Amérique latine présentent un profil

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particulièrement défavorable en matière de réussite scolaire dès le secondaire (Benoit, 2011),

qu’ils ont des aspirations moins élevées pour les études postsecondaires que les autres groupes

d’immigrants (Finnie & Mueller, 2010) et enfin, que parmi ceux qui y accèdent, plusieurs

n’arrivent pas à décrocher leur diplôme (Kamanzi & Murdoch, 2011). Comment expliquer cette

situation ? Qu’est-ce qui, au sein de ce groupe, empêche les jeunes de persévérer et de réussir ?

Comment le Québec, en tant que société d’accueil, peut-il intervenir pour favoriser la

persévérance scolaire de ce groupe et ultimement, le soutenir plus adéquatement dans son

intégration socioéconomique ? Cette intégration s’avère nécessaire pour qu’il puisse contribuer

activement au développement de sa communauté d’accueil. La société québécoise a donc la

responsabilité d’offrir à ces jeunes des chances égales de réussir leurs projets d’études en leur

donnant accès au soutien dont ils ont besoin.

2. OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE

Si des enquêtes ont révélé que les jeunes immigrants issus de l’Amérique latine présentent des

profils moins favorables au regard de la persévérance et de la réussite scolaire (Benoit, 2011;

Kamanzi & Murdoch, 2011; McAndrew, Ledent, & Murdoch, 2011), notre recherche vise à

mieux en comprendre les raisons, puisque peu d’études s’y sont attardées. Nous voulons savoir

quels sont les obstacles et les ressources présents dans le parcours scolaire de ces étudiants.

S’inscrivant dans une démarche qualitative inductive, notre étude vise à identifier des raisons

pour lesquelles les jeunes originaires de l’Amérique latine présentent des taux de diplomation

plus faibles que les Canadiens de naissance. Des entretiens en profondeur ont été menés auprès

d’étudiants issus de ce groupe dans lesquels ils ont été amenés à décrire leur histoire familiale,

leur expérience scolaire, tout comme la manière dont ils ont effectué leurs choix au

postsecondaire. Pour notre étude, nous nous sommes attardées plus spécifiquement aux extraits

d’entretiens dans lesquels les étudiants décrivaient le vécu migratoire de leurs parents et la façon

dont ces derniers les ont accompagnés dans leur parcours scolaire et aux moments de faire des

choix d’orientation, pour tenter de cerner comment leur socialisation familiale les prépare aux

études postsecondaires. De façon plus spécifique, notre étude vise à apporter des éléments de

réponse aux questions suivantes :

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• Pourquoi les étudiants immigrants d’origine latino-américaine sont-ils désavantagés

sur le plan de la réussite à l’enseignement supérieur ?

• Quels éléments du profil familial de ces étudiants constituent des ressources ou des

contraintes dans leur carrière scolaire?

3. DÉFINITIONS DES PRINCIPAUX CONCEPTS:

3.1. La notion de carrière scolaire

Nous avons retenu le concept de carrière, issu de la sociologie interactionniste, tel que défini par

Pilote et Garneau (2011) pour analyser le parcours des étudiants de notre corpus. Pour ces

auteures, trois éléments fondent l’intérêt théorique de cette notion. Premièrement, le concept de

carrière « permet d’appréhender l’articulation entre les dimensions objective et subjective de la

vie sociale. » (p. 13). Il permet ainsi la prise en compte des transformations « objectivement

observables » dans le récit biographique des étudiants, mais aussi celles vécues subjectivement

par ces derniers. Deuxièmement, il a l’avantage d’admettre « que la position initiale d’un étudiant

dans la structure sociale joue un rôle important dans l’orientation de sa carrière [scolaire], sans

toutefois en déterminer d’avance la destination finale, ni les étapes intermédiaires pour y

arriver. » (p. 14). La notion de carrière rejette donc un certain déterminisme qui attribuerait aux

individus un destin en fonction de leurs origines sociales. Il leur reconnaît plutôt une capacité

d’action sur leur vie qui tienne toutefois compte de leur position dans la structure sociale. Enfin,

le concept de carrière permet de considérer « la pluralité de la vie sociale ». Les carrières

étudiantes ne se réduisent donc pas à la sphère éducative, « mais se constituent dans

l’enchevêtrement des activités sociales et des rôles sociaux multiples joués par les jeunes au

cours de leur vie. » (p. 14). Les auteures la définissent donc ainsi : « la carrière est comprise

comme un processus d’interaction entre les représentations sociales, les actions et le sentiment

d’identité d’un individu, d’une part et les ressources, les obstacles et les opportunités de divers

ordres (structurels, institutionnels, relationnels) qu’il rencontre, d’autre part. » (p. 14). Nous

tenterons donc dans cet essai de mieux comprendre ce processus d’interaction en nous attardant

plus spécifiquement aux ressources et aux obstacles présents dans l’environnement familial des

participants à notre étude.

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3.2. Le profil familial

Pour circonscrire ce que nous entendons par « ressources dans l’environnement familial », nous

aurons recours au concept de profil familial proposé par Kao (2004) et par Kanouté et al. (2008).

Ce concept nous semble intéressant parce qu’il englobe à la fois des aspects relatifs au processus

migratoire des familles (les contextes de la pré-migration, de la migration et de l’établissement

dans le pays d’accueil) et les éléments constitutifs du capital social familial, c’est-à-dire

un ensemble de ressources telles que le niveau d’instruction des parents, la structure familiale, les

ressources autour des parents, les projets concernant les enfants (les leurs et ceux que la famille a

pour eux), la relation des parents avec l’école et la relation des parents avec leurs enfants. Les

auteures précisent que ce ne serait pas tant l’existence de ce capital social chez les familles qui

serait déterminant, « que sa mobilisation, son actualisation et sa transmission à l’enfant. »

(Kanouté et al., 2008, p. 272). Pour Kao (2004), les ressources qui constituent le capital social

familial sont mobilisées à travers un réseau relationnel et sont bonifiées par une accessibilité à

l’information. Dans notre étude, nous accorderons une attention particulière aux ressources

culturelles et économiques « car ce sont celles qui exercent les effets les plus puissants dans le

champ de l’éducation. » (Van Zanten, 2009, p. 101).

4. UNE BRÈVE RECENSION DES ÉCRITS

D’entrée de jeu, il importe de préciser que notre recension d’écrits s’appuie en bonne partie sur

une méta-analyse portant sur la réussite éducative des élèves issus de l’immigration publiée en

2015 par Marie McAndrew et l’équipe de chercheurs du Groupe de recherche Immigration,

équité et scolarisation (GRIÉS). Cette solide publication s’appuie sur une recension foisonnante

d’études à la fois quantitatives et qualitatives, menées tant au Québec, qu’à l’international au

cours des dernières années. Dans le but d’approfondir certains éléments, nous avons pris le

temps de lire quelques-unes des sources premières citées dans l’étude de McAndrew. Dans de tels

cas, ces sources ont été citées. Sinon, lorsque l’essentiel des informations qui nous intéressaient

étaient synthétisées dans la publication de McAndrew (2015), nous n’avons cité que cette

dernière. Nous remercions d’ailleurs tous les auteurs impliqués dans ce vaste exercice, puisque

leur travail nous a été particulièrement utile.

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4.1. Des dynamiques familiales favorables à la réussite scolaire des jeunes

Peu importe l’origine des élèves, la recherche nationale et internationale montre des liens étroits

entre leur réussite scolaire et certaines dynamiques familiales qu’il est possible de classer en deux

grands groupes (McAndrew, 2015). D’une part, il s’agit d’un climat généralement favorable à

l’éducation et à l’apprentissage qui serait lié aux conditions socioéconomiques et matérielles des

familles, par exemple une alimentation et des habitudes de vie saines, l’espace suffisant dans la

maison pour que l’élève puisse réaliser des tâches liées à l’apprentissage scolaire, l’accès aux

ressources informatiques et culturelles nécessaires à leur réalisation, etc. À ces aspects s’ajoute le

capital culturel. En effet, les familles qui détiennent un capital culturel important valorisent

l’éducation, expriment des attentes élevées quant à la mobilité scolaire, accordent de l’importance

à diverses pratiques de littératie et aux activités favorisant le développement cognitif et adoptent

un style parental démocratique qui tend à un équilibre entre le développement du sens de l’effort

et le sens de l’autonomie et de la créativité (McAndrew, 2015).

D’autre part, il s’agit de pratiques ciblées de soutien des parents au cheminement scolaire de leurs

enfants. Parmi celles-ci, relevons une communication régulière avec les enfants au sujet de leur

vécu scolaire de même qu’un encadrement adéquat de leurs travaux à la maison. La capacité de

comprendre le système scolaire et d’effectuer un suivi du cheminement de ses enfants, en

particulier, lors des transitions et lorsque des choix d’orientation s’imposent, sont aussi des

éléments très importants. Enfin, la qualité des relations et des communications avec l’école et les

enseignants s’avère également cruciale (McAndrew, 2015).

4.2. La réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration selon leur profil familial

Si la recherche a établi des liens clairs entre certaines dynamiques familiales et la réussite scolaire

des jeunes, nous tenterons maintenant de résumer ce que les travaux scientifiques ont révélé dans

le cas particulier des familles immigrantes. Nous cherchons à savoir quels éléments dans le profil

familial des jeunes immigrants constituent des ressources ou des contraintes dans leur carrière

scolaire.

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4.2.1. Le vécu migratoire Pluriels et complexes, les profils des familles immigrantes sont liés à trois contextes : la pré-

migration, la migration et l’établissement dans le pays d’accueil (Kanouté et al., 2008). Les

conditions de départ du pays d’origine ont des répercussions importantes sur la famille et en

particulier, sur les enfants, puisque des circonstances plus ou moins favorables à la migration et à

l’établissement dans la société d’accueil peuvent représenter des obstacles significatifs à

l’exercice des compétences parentales (McAndrew, 2015). Le fait de partir dans l’urgence pour

fuir des conflits, des tensions ou de la violence et vivre des conditions migratoires difficiles, par

exemple vivre dans la clandestinité ou dans des camps de réfugiés « ont des conséquences très

lourdes sur la nouvelle vie projetée dans le pays d’accueil, surtout pour les enfants » (Kanouté et

al., 2008, p. 271). La structure de la famille et le climat favorable à l’éducation qui y prévalait

s’en trouvent souvent affectés (McAndrew, 2015). En revanche, si la famille a eu le temps et les

moyens intellectuels, psychologiques et financiers de préparer son projet migratoire, elle a pu

développer différentes stratégies pour qu’il se réalise dans de meilleures conditions (Kanouté et

al., 2008). McAndrew (2015) mentionne toutefois que même dans le cas d’une immigration

planifiée, la dynamique familiale est généralement transformée et la période d’adaptation qui

s’ensuit peut être difficile.

Pour les familles ayant immigré récemment, l’impact du changement de contexte est déterminant

sur certaines de leurs caractéristiques : « être locuteur d’une langue qui passe de majoritaire à minoritaire, voir son statut social connaître un dénivellement d’un contexte à l’autre, changer d’environnement socioculturel et de système scolaire. Positive ou négative, la valeur de cet impact dépend de plusieurs facteurs : les raisons de la migration, la mobilisation pour la réalisation d’un projet migratoire, les conditions socio-économiques générales dans le pays d’accueil, la situation socio-économique particulière de la communauté à laquelle s’identifie ou est identifiée la famille. » (Kanouté et al., 2008, p. 271)

L’établissement dans le pays d’accueil se fera dans des conditions favorables s’il y existe des

politiques affirmées d’ouverture à l’immigration et si la famille jouit d’une bonne condition

économique. Si, par contre, la communauté d’appartenance ou d’assignation dans la société

d’accueil subit de la discrimination ou du racisme, l’intégration sera évidemment beaucoup plus

difficile (Kanouté et al., 2008). En somme, il semble que « le contexte migratoire en général, et le

projet migratoire en particulier impriment une couleur spécifique aux stratégies développées par

les familles immigrantes à l’égard de la scolarisation. » (Kanouté et al., 2008, p. 273). La

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mobilisation des parents immigrants est cruciale puisqu’ils « sont les premiers garants de

l’effectivité d’un projet migratoire familial, largement défini autour de l’idée de “ prendre sa

place” par une qualification que permettrait la réussite scolaire. » (Kanouté & Lafortune, 2011,

p. 85)

4.2.2. Les compétences linguistiques La recherche scientifique souligne les atouts évidents liés à la maîtrise du français pour les

familles immigrantes au Québec et à l’inverse, les désavantages découlant d’une faible maîtrise,

notamment pour l’accès à divers services, la compréhension de la nouvelle société et du système

scolaire ainsi que l’exercice du rôle parental au sein de la famille (McAndrew, 2015). Les

familles qui ne connaissent pas le français vivent de l’isolement, parfois même un sentiment

d’aliénation face à leur nouvelle société. Ils ont donc besoin d’un soutien plus important de l’État

ou des milieux communautaires pour réussir leur intégration. De surcroit, les parents dans cette

situation se trouvent parfois déqualifiés face à leurs enfants qui peuvent être amenés à jouer le

rôle de traducteurs et d’intermédiaires auprès des institutions, dont l’école (McAndrew, 2015).

McAndrew (2015) mentionne que la faible maîtrise de la langue commune constitue un obstacle

à la manifestation des compétences parentales directement liées au soutien scolaire et à

l’établissement de liens égalitaires avec le milieu scolaire. Le fait de ne pas maîtriser la langue

peut entraver les communications avec l’école et rendre l’établissement d’un lien de confiance

avec le personnel scolaire plus difficile. Il est également plus ardu pour ces parents de soutenir

leurs enfants dans leurs travaux scolaires, ce qui peut potentiellement nuire à leur réussite.

4.2.3. Les conditions socioéconomiques Les familles immigrantes défavorisées au niveau socioéconomique se trouvent dans une situation

particulièrement vulnérable (Kanouté & Lafortune, 2011; Perreira, Chapman, & Stein, 2006;

Ulysse & Lesemann, 2004). Or, il semble que ce soit le cas de plusieurs d’entre elles, en

particulier dans les premiers temps de leur migration. Selon le Comité de gestion de la taxe

scolaire de l’île de Montréal (cité par Kanouté et Lafortune, 2011), plus l’immigration est récente,

plus les élèves sont susceptibles de résider dans une zone défavorisée. Ce contexte ferait en sorte

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que les parents ont un rapport à l’école très distant (Hohl, 1996; Kanouté, 2007). En ciblant

certains indicateurs (niveau de défavorisation du quartier de résidence, qualité du logement et

nombre de pièces qu’il comprend, possibilité d’avoir accès à une alimentation variée et équilibrée

et l’accès à divers médicaments ou à des ressources culturelles ou sportives), d’autres études ont

révélé que les enfants de familles immigrantes vivent généralement dans des conditions moins

favorables que les familles non-immigrantes. Ce constat touche plus particulièrement les familles

originaires des Antilles, de l’Afrique subsaharienne, de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud

(Boucheron & al., 2012; McAndrew, 2015).

Des études révèlent également que plusieurs immigrants subissent une déqualification

professionnelle, parce qu’ils ont de la difficulté à faire reconnaître leurs diplômes ou leurs acquis

(Boudarbat & Cousineau, 2010; Kanouté & Lafortune, 2011; Vatz-Laaroussi, 2009). Certains

subissent également de la discrimination de par leur origine ethnique, leur appartenance

religieuse ou leur faible maîtrise de la langue, parfois réelle, mais souvent présumée dû à leur

accent (McAndrew, 2015). Cette déqualification et cette discrimination constituent des entraves

majeures à l’intégration socioéconomiques des familles immigrantes puisqu’elles ont du mal à

décrocher un emploi, et donc à trouver leur place dans leur nouvelle société (Kanouté &

Lafortune, 2011; Vatz-Laaroussi, 2009). En découle une situation de pauvreté, « généralement

transitoire, mais qui peut se cristalliser si elle affecte le rapport à la scolarisation des enfants. »

(McAndrew, 2015, p. 199).

Une étude de Kanouté et Lafortune (2011) révèle par ailleurs que les difficultés d’insertion

socioprofessionnelles chez plusieurs parents immigrants feraient en sorte qu’ils « ressentent

d’autant plus l’exigence de réussite scolaire pour leurs enfants et [qu’]ils misent beaucoup sur

l’école comme moyen d’échapper aux conditions de vie précaires. » (2011, p. 84). Pour les

parents immigrants scolarisés qui ont vécu une déqualification professionnelle, la scolarisation

réussie des enfants représente l’espoir de reconquérir le statut dont ils bénéficiaient dans leur

pays d’origine (McAndrew, 2015). Toutefois, malgré les attentes élevées que les familles

immigrantes peuvent entretenir envers leurs enfants en matière de réussite scolaire, leurs

conditions socioéconomiques difficiles peuvent affecter le parcours scolaire de leurs enfants

notamment parce qu’elles ont un accès plus limité aux ressources matérielles et culturelles

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nécessaires à leur réussite (McAndrew, 2015). Cette auteure rapporte d’ailleurs que le fort

engagement sur le marché du travail des parents immigrants, qui cumulent souvent plusieurs

emplois pour amasser un revenu suffisant, est un défi majeur à leur participation à diverses

activités de l’école. Leur précarité socioéconomique les rend moins disponibles pour

accompagner leurs enfants dans leur cheminement scolaire. Ces constats sont particulièrement

préoccupants puisque pour les élèves qui fréquentent une école en milieu défavorisé, le niveau de

soutien scolaire que leurs parents sont en mesure de leur offrir est un prédicteur important de la

persévérance scolaire (Archambault & al., 2015). En somme, plusieurs recherches démontrent

l’impact négatif des conditions socioéconomiques difficiles sur la qualité de vie des familles

immigrantes et sur les pratiques parentales favorables à la réussite. Il semble toutefois que le

capital culturel des parents peut représenter un facteur de résilience important à cet égard

(McAndrew, 2015; Potvin & al., 2010; Vatz-Laaroussi, 2009).

4.2.4. La scolarisation et la qualification Plusieurs recherches révèlent la présence d’un capital culturel élevé chez plusieurs familles

immigrantes québécoises et soulignent diverses caractéristiques positives qui en découlent et qui

leur permettent notamment, de résister à la perte de statut social découlant de leur migration

(McAndrew, 2015). Parmi ces caractéristiques, mentionnons une identité sociale et ethnique

positive, une culture de solidarité et d’entraide familiale, l’accès à plusieurs réseaux et enfin, la

capacité de faire des choix stratégiques favorisant l’intégration sociale et économique dans la

société d’accueil (McAndrew, 2015).

Plusieurs études révèlent également que le capital culturel des parents immigrants a un impact

important sur la réussite et la persévérance scolaire de leurs enfants (Ben-Salah, 2011; Kamanzi,

2013). Dans une recherche visant à analyser des cas de réussite scolaire chez des élèves

immigrants du secondaire selon leur profil familial, Kanouté et al., (2008) ont observé chez

plusieurs de ces élèves un héritage familial empreint d’un capital culturel et social élevé. Leurs

parents détenaient soit un diplôme d’études supérieures ou un statut professionnel valorisé sur le

marché de l’emploi dans leur pays d’origine. Au sein de ces familles, réussir est une norme

(Bergonnier-Dupuy, 2005). À l’instar des familles non-immigrantes qui adoptent des stratégies de

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conservation-amélioration-conversion de leur capital à travers l’école (Queiroz, 2005), elles

soutiennent étroitement leurs enfants dans leurs projets scolaires. Les auteures ont observé

également chez ces familles une conscience des risques découlant des ruptures et difficultés

induits par la migration dans le processus de conservation-amélioration-conversion. Pour atténuer

ces risques, ces familles seraient plus exigeantes et plus vigilantes dans le déploiement de leurs

stratégies (Kanouté et al., 2008; Kanouté & Lafortune, 2011, p. 86). Elles « interpellent tout

potentiel de menace à la réussite scolaire de leurs enfants. » (Kanouté et al., 2008, p.276). Elles

ne veulent pas rompre avec la tradition de réussite au sein de leur famille. Pour se faire, elles

considèrent nécessaire de rendre le discours sur la réussite explicite et articulé pour que les

enfants n’oublient pas d’où ils viennent, malgré les bouleversements de la migration. Les parents,

au sein de ces familles, sont des modèles de réussite scolaire pour leurs enfants, mais aussi de

« pratiques sociales qui bonifient le scolaire » (p. 277) telles que lire ou aller à la bibliothèque.

Lorsqu’on les a questionnés sur les facteurs qui les motivent à réussir, les élèves venant de ces

familles ont fait référence au statut socioprofessionnel de leurs parents, qui leur transmettent leurs

ambitions et balisent leurs projections dans l’avenir. Enfin, les auteures mentionnent que les

parents plus instruits sont plus vigilants au regard de l’orientation scolaire de leurs enfants. Même

si, comme plusieurs familles immigrantes, elles manquent souvent de connaissances sur le

système scolaire et sur les enjeux liés aux choix d’orientation dès le secondaire, elles tirent mieux

leur épingle du jeu parce qu’elles suivent de près leurs enfants dans leur cheminement et ont une

meilleure capacité de négociation avec l’école (Kanouté et al., 2008).

4.2.5. Le rapport à l’éducation Une des caractéristiques des familles immigrantes favorables à la réussite de leurs enfants citées

très fréquemment dans les travaux scientifiques est liée à l’importance accordée à l’éducation

dans les stratégies relatives à l’immigration et à l’établissement dans la société d’accueil. Ces

familles se mobilisent autour du vécu scolaire de leurs enfants (Kanouté et al., 2008; Kanouté &

Lafortune, 2010; Vatz-Laaroussi, Kanouté, & Rachédi, 2008). Peu importe le niveau d’éducation

des parents, il semble que la perspective d’une mobilité sociale chez leurs enfants, par un accès à

l’éducation dans le nouveau pays, constitue l’une des principales raisons de leur migration. Il

semble d’ailleurs que les enfants sont très conscients de l’importance que leurs parents accordent

à leur réussite scolaire parce que cet enjeu leur est souvent rappelé par leurs parents, par d’autres

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membres de leur famille ou par des membres de la famille élargie demeurés dans le pays

d’origine (McAndrew, 2015). Le projet migratoire « très structuré autour du rêve d’une mobilité

sociale rapide et significative, fait en sorte que même des parents immigrants à faible niveau de

scolarité arrivent à déjouer les prédictions classiques basées sur une corrélation positive entre le

degré de réussite scolaire de l’enfant et le niveau de scolarité du parent. » (Vatz-Laaroussi et al.,

2008, p. 293). Plusieurs de ces parents dont le capital culturel est faible proviennent de pays où

l’accès à l’éducation de base n’est pas toujours garanti. N’ayant pas eux-mêmes terminé leur

scolarité primaire ou secondaire dans bien des cas, ils valorisent l’amélioration des conditions de

vie de leurs enfants par la scolarisation. Cette situation touche particulièrement les familles

haïtiennes, latino-américaines et pakistanaises (McAndrew, 2015). Dans une étude de Kanouté et

al., (2008), les parents ayant un faible niveau de scolarité mais dont les enfants ont un parcours

de réussite, avaient souvent recours aux organismes communautaires pour obtenir de la médiation

avec la culture scolaire ou du soutien pour leur intégration sociale et économique. Par ailleurs,

comme nous l’avons mentionné plus haut, les familles immigrantes ont généralement des

aspirations plus élevées pour leurs enfants que les familles d’implantation ancienne en matière

d’accès aux études postsecondaires (Finnie & Mueller, 2010; Kamanzi & Murdoch, 2011; Taylor

& Krahn, 2005; Thiessen, 2009), même si ces aspirations se concrétisent de façon variable selon

leurs conditions économiques et leur capital culturel et linguistique (McAndrew, 2015).

4.2.6. Les relations avec l’école Les recherches portant sur les liens entre l’école et les familles immigrantes révèlent une grande

variété de situations rencontrées (McAndrew, 2015). Les intervenants des milieux scolaires

interrogés décrivent leurs relations avec les parents immigrants en termes généralement positifs.

Ils centrent leur discours sur la valorisation de l’éducation au sein de ces familles, leur respect et

la confiance qu’ils accordent à l’école et aux enseignants et leurs attentes élevées à l’endroit de

leurs enfants (McAndrew, 2015; Potvin & al., 2010). Ce discours est toutefois modulé selon le

capital culturel, linguistique et social des familles, notamment « selon leur capacité d’actualiser

ces valeurs dans des pratiques parentales ou de relations avec l’école considérées favorablement

par le milieu scolaire. » (McAndrew, 2015, p. 207-208). Cela représente un défi plus grand pour

les familles peu scolarisées vivant dans des milieux défavorisés, un cas de figure fréquent au sein

des communautés sud-asiatique, latino-américaine et noire anglophone ou créolophone

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(McAndrew, 2015). Des études rapportent par ailleurs certains problèmes de communication

entre l’école et les familles immigrantes sur le plan linguistique et culturel. Des intervenants

scolaires mentionnent la difficulté de rejoindre les parents, leur incompréhension du système

scolaire québécois et leurs limites quant au soutien qu’ils sont en mesure d’offrir à leurs enfants

(Harnois, 2010; McAndrew, 2015; Vatz-Laaroussi et al., 2008). Des incompréhensions liées à des

conceptions différentes de l’école et de l’apprentissage, de la discipline et des punitions, ainsi que

du rôle des garçons et des filles peuvent également entraver les relations entre la famille et l’école

(Hohl & Normand, 1996; Tyyskä, 2008). Certaines recherches soulignent également des conflits

qui peuvent émerger entre les parents immigrants et le personnel scolaire découlant de la double

socialisation des enfants au sein de la famille et de l’école. Les enfants seraient souvent plus

proches de la culture scolaire en comparaison à leurs parents, qui seraient plus souvent imprégnés

d’une culture traditionnelle associée au pays d’origine (Bérubé, 2004; Hohl & Normand, 1996).

De ce tour d’horizon nous retenons que certaines dynamiques familiales seraient favorables à la

réussite scolaire, peu importe l’origine ethnoculturelle des parents. Liée à leurs conditions

socioéconomiques et matérielles et à leur capital culturel, il s’agit de la capacité de ces parents à

établir un climat généralement favorable à l’éducation et à l’apprentissage, tout comme de mettre

en œuvre des pratiques ciblées de soutien au cheminement scolaire de leurs enfants. En ce qui

concerne plus spécifiquement le cas des familles immigrantes, notre recension a permis de mettre

en lumière certains éléments dans le profil de ces familles qui peuvent influencer la réussite

scolaire de leurs enfants. Le vécu migratoire plus ou moins difficile, le niveau de maîtrise de la

langue de la société d’accueil, les conditions socioéconomiques, le capital culturel des parents,

leur rapport à l’éducation et leurs relations avec l’école peuvent constituer des ressources ou des

contraintes dans la carrière scolaire de leurs enfants. Nous verrons dans les sections qui suivent

où se situent les familles de notre corpus par rapport à ces éléments. Quel est le profil de ces

familles et comment ce profil peut-il influencer la réussite scolaire de leurs enfants ? Mais avant

cela, nous présenterons dans les pages qui suivent notre approche méthodologique.

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CHAPITRE 2 – RECHERCHE

1. L’APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Cet essai s’inscrit dans le projet de recherche « Expérience scolaire et logiques d'orientation dans

le marché scolaire linguistique montréalais: une étude sur les cégépiens issus de l'immigration »

dirigé par Marie-Odile Magnan, professeure-adjointe à l’Université de Montréal et financé par le

Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Nous avons effectué une analyse

secondaire de données tirées d’entretiens effectués auprès de de 55 répondants qui présentaient

les caractéristiques suivantes : être né au Québec ou être arrivé avant l’âge de 5 ans ; avoir deux

parents immigrants (nés à l’extérieur du Canada); avoir fréquenté une école francophone au

primaire et au secondaire (Loi 101) à Montréal ; étudier dans un cégep montréalais anglophone

ou francophone ; être âgé entre 18 et 30 ans. Ce projet de recherche est centré sur divers thèmes

dont les parcours scolaires et les choix d’orientation des jeunes issus de l’immigration à

Montréal.

1.1. Échantillonnage et présentation du corpus Pour notre recherche, nous avons retenu parmi ce corpus, les 11 participants dont au moins un

des parents est né en Amérique latine puisque nous nous intéressons plus spécifiquement à

l’expérience des étudiants issus de cette zone géographique. Voir le tableau ci-dessous pour

connaître le nombre de participants selon le pays d’origine et la langue maternelle des parents.

Participants à l’étude selon le(s) pays d’origine et la langue maternelle des parents

Cuba 1 Espagnol

Guatemala 1 Espagnol

El Salvador 2 Espagnol

Guatemala/El Salvador

1 Espagnol

Nicaragua/Iran 1 Espagnol/persan

Guyane 1 Anglais

Pérou 2 Espagnol

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Chili 1 Espagnol

Argentine 1 Espagnol

Les participants à l’étude fréquentent des cégeps montréalais francophones (8) et un cégep

anglophone (3).

1.2. Technique de recherche et description de la grille d’entretien Notre étude s’inscrit dans une démarche qualitative selon la méthode des entretiens

biographiques (Bertaux, 2010), puisque nous cherchons à comprendre le vécu et le sens accordé

par les participantes à leur expérience. Selon Pilote et Garneau, « cette méthode permet d’abord

de comprendre « de l’intérieur » la manière dont se module l’expérience étudiante à travers le

temps et l’espace, restituant ainsi la part de subjectivité constitutive de toute expérience

étudiante. » (2011, p. 12). Des entretiens individuels en profondeur (Bertaux, 2010) ont donc été

menés auprès des participants en abordant les thèmes suivants (voir le guide d’entretien en

annexe) : 1) l’expérience familiale durant l’enfance et l’adolescence ; 2) l’expérience dans les

écoles primaires et secondaires francophones à Montréal ; 3) l’expérience du cégep à Montréal ;

4) l’identification linguistique, culturelle et territoriale ; 5) la projection de soi dans le futur. Le

schéma d’entretien était constitué de questions ouvertes, ce qui laissait une certaine souplesse aux

participants dans le récit de leur expérience.

1.3. Méthodes d’analyse Nous avons privilégié une approche d’analyse inductive dont le but est « to allow research

findings to emerge from the frequent, dominant, or significant themes inherent in raw data […] »

(Thomas, 2006, p. 238). Notre méthode a consisté en « un ensemble de procédures systématiques

permettant de traiter des données qualitatives, ces procédures étant essentiellement guidées par

les objectifs de recherche. » (Blais & Martineau, 2006). Nous avons eu recours aux trois

principales étapes de l’analyse de données qualitatives décrites par Miles et Huberman (2003)

soit 1) la condensation des données, en sélectionnant les extraits pertinents de notre corpus au

regard des objectifs de notre recherche, en les codant, en dégageant des thèmes et en résumant les

éléments de réponses recensées; 2) la présentation, en assemblant nos données selon un mode

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d’organisation (des tableaux) qui nous a permis de dégager du sens ; et 3)

l’élaboration/vérification des conclusions en notant les régularités et les pistes explicatives et en

les validant en retournant aux données de notre corpus selon un processus itératif.

Notre analyse des récits de vie visait à mettre en relief les éléments du profil familial des

participants qui ont constitué des contraintes et des ressources dans leur carrière scolaire. En nous

appuyant sur la démarche proposée par Paillé (1996), nous avons réalisé une analyse thématique.

Nous avons procédé à la thématisation de notre corpus, c’est-à-dire que nous avons attribué un

thème à chacun des extraits de nos verbatim qui nous semblaient pertinents par rapport à notre

question de recherche, soit les éléments constitutifs : 1) de l’expérience des étudiants de notre

corpus au regard de la réussite ; 2) du profil de leurs familles. Nous avons choisi de travailler sur

un support papier, puisque ce moyen nous semblait simple, accessible et nous permettait, comme

le mentionne Paillé (1996), d’être en contact physique avec notre corpus, ce qui nous convenait

particulièrement. En nous référant à notre question de recherche, nous avons d’abord distingué

les éléments qui constituaient des ressources de ceux présentés plutôt comme des contraintes dans

la carrière scolaire des étudiants. En procédant ensuite à une relecture plus fine des extraits

d’entretiens présélectionnés, nous les avons codés de façon intuitive en laissant émerger plusieurs

sous-thèmes. En nous appuyant ensuite sur les principaux constats issus de la recension des écrits

nous avons regroupé nos extraits pré-codés selon certains grands thèmes (vécu migratoire,

compétences linguistiques, capital culturel, conditions socioéconomiques, relations avec les

parents, rapport à l’éducation, relations avec l’école). Par exemple, les quelques sous-thèmes

suivants : pays d’origine des parents, lieu de naissance du participant, raisons de la migration,

ancienneté de la migration, ont été regroupés sous le grand thème « vécu migratoire ». Cette

façon de procéder nous a permis d’éviter que certains éléments abordés par les participants nous

échappent, parce qu’ils auraient été insoupçonnés a priori. Plutôt que de chercher des thèmes

préétablis, nous les avons laissés émerger des données brutes et les avons ensuite comparés aux

thèmes issus de la recherche scientifique.

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2. PORTRAIT DES PARTICIPANTS Cette section vise à décrire le profil de chacun des participants à l’étude afin de donner une vue

d’ensemble au lecteur. Ces portraits individuels lui permettront également de resituer les résultats

qui seront traités de manière thématique au chapitre 3. De plus, puisque le concept de carrière

implique de considérer l’enchevêtrement des sphères d’activités et des rôles joués par les acteurs

sociaux (Pilote et Garneau, 2011), nous avons jugé opportun de présenter l’ensemble des

éléments saillants du profil de nos participants au regard de notre question de recherche. Les

aspects suivants sont donc décrits ci-dessous : le vécu migratoire familial, le rapport à la société

québécoise, l’expérience de scolarisation, les choix d’orientation scolaire et professionnelle,

l’encadrement et le soutien parental au cours du parcours scolaire et lors des choix d’orientation,

les projets et aspirations.

Miguel

Miguel est né aux Etats-Unis. Ses parents sont tous deux originaires du Salvador. Le parcours

migratoire de sa famille est pour le moins tumultueux : ses parents ont fui le Salvador pour

immigrer clandestinement aux Etats-Unis, alors que leur pays sortait à peine d’une guerre civile

et était dévasté sur le plan socioéconomique. Ils étaient en quête d’une vie meilleure. Ils ont vécu

aux Etats-Unis pendant 5 ans et y ont eu leurs deux fils. Des contacts à Montréal leur ont ensuite

offert la possibilité de migrer légalement vers le Canada. Miguel n’avait que 2 ans lorsqu’il est

arrivé à Montréal. Ses parents ne parlaient pas le français à leur arrivée. Ils se sont d’abord

installés dans un quartier du nord de l’île, ont pris des cours de francisation et ont tenté de se

trouver un emploi. Ils ont d’abord travaillé dans une usine. Puis, son père a complété une

formation en hôtellerie. Il fait maintenant de l’entretien ménager dans un hôtel. Quant à sa mère,

qui n’a pas vraiment reçu d’éducation dans son pays, elle a un emploi qui semble assez flou pour

son fils, qui dit qu’elle « travaille un peu pour garder des vieilles personnes. ». Ses parents ont

peu d’amis. Les barrières culturelles et linguistiques restreignent l’établissement de relations avec

des Québécois francophones. Leur réseau social se limite donc à la famille ayant aussi migré au

pays. Quand Miguel a commencé la maternelle, il ne parlait que l’espagnol, étant demeuré à la

maison avec sa mère avant de commencer l’école. Il a tout de même eu de bonnes notes au

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primaire. Il dit qu’il était très studieux. Ses parents semblent l’avoir encadré de manière assez

stricte puisqu’ils étaient beaucoup plus sévères que les parents de ses amis québécois. Ils

s’inquiétaient pour lui et lui interdisaient de sortir. Au début de ses études secondaire dans une

école multiethnique, il a cheminé dans un programme enrichi en mathématiques et en sciences,

qu’il a quitté en secondaire 4 parce qu’il n’était pas assez studieux. Miguel a un rapport très

positif avec la société québécoise. Il maîtrise très bien le français, il est fier d’avoir été scolarisé

dans cette langue et apprécie beaucoup la culture québécoise. Il s’est senti bien accueilli par les

Québécois. Ses parents ont insisté pour qu’il apprenne bien l’anglais et auraient aimé qu’il

fréquente un cégep anglophone, mais il a plutôt opté pour l’établissement le plus près de chez lui.

Il dit qu’il est plutôt « paresseux » et ne voulait pas avoir à subir de longues heures en transport

en commun pour se rendre dans un cégep anglophone. De plus, il voulait fréquenter le cégep X

parce que presque tous ses amis projetaient d’y étudier. Pour l’avenir, sa mère lui a suggéré de

choisir un programme d’études le menant à une carrière prestigieuse (médecine, ingénierie), mais

il n’est pas d’accord avec sa vision. Il dit qu’elle priorise le fait d’accéder à un « bon » emploi,

plutôt que d’aller vers un programme d’études qu’il aime. Il n’a pas de plan d’études ou de

carrière précis. Il tente plutôt de « garder ses options ouvertes » et se concentre sur son objectif

du moment qui est de terminer ses études collégiales en sciences humaines, profil monde et

société. Il dit toutefois qu’il aimerait continuer ses études à l’université, possiblement en relations

publiques. Il s’intéresse également à l’anthropologie et à l’enseignement. Il est ouvert à vivre ou à

travailler ailleurs. Le parcours de ses parents semble l’inspirer à cet égard.

Guillermo

Né au Salvador, Guillermo est arrivé au Québec à l’âge de 3 ans avec sa mère qui souhaitait fuir

un pays qui sortait à peine d’une guerre civile. Elle en avait assez d’être là-bas, avait peu de

soutien en tant que mère monoparentale et voulait s’accomplir et offrir un meilleur avenir à son

fils. C’est le mari de sa mère, résident permanent au Canada qui les a parrainés. Lui et sa mère

ont eu deux filles ensemble au Canada, mais se sont séparés parce que ce conjoint n’était pas

d’un grand soutien pour sa mère. Les premiers temps de la migration ont été difficiles pour elle :

elle était très isolée, n’ayant d’autre réseau que la famille de son conjoint, elle ne maîtrisait pas le

français et avait du mal à s’adapter à l’hiver. Sa mère avait complété une formation en santé

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équivalente à une formation professionnelle, dans son pays, mais a subi une déqualification au

Québec. Elle a donc travaillé dans un commerce d’alimentation, mais avait du mal à arriver

financièrement. Après sa séparation, elle est allée chercher du support et a fait un retour aux

études. Elle a complété un diplôme d’études professionnelles dans le domaine de la santé. Depuis

quelques années, elle travaille dans un hôpital et gagne bien sa vie. Guillermo et sa mère ont

déménagé à trois reprises depuis leur arrivée au Québec, ce qui a impliqué pour lui un

changement d’école au primaire et au secondaire. Ils ont d’abord vécu dans le nord de l’île. Ils

ont ensuite déménagé dans un quartier défavorisé de l’est de l’île, dans une habitation à loyer

modique. Tant au primaire qu’au secondaire, les écoles qu’a fréquentées Guillermo étaient très

défavorisées sur le plan socioéconomique. Pour sa mère, les écoles de quartier étaient aussi

bonnes que les autres. Elle laissait à Guillermo beaucoup de latitude quant à ses choix d’écoles ou

de programmes. Elle ne lui mettait aucune pression. Pour elle, l’important est qu’il fasse ce qu’il

faut pour être bien plus tard. Alors qu’il s’en est plutôt bien tiré au primaire, Guillermo a vécu

des difficultés scolaires au secondaire. Même s’il a cheminé dans un programme de sport qui

l’intéressait au départ, il y a côtoyé des amis vivant dans la délinquance, ce qui a influencé

négativement son parcours scolaire. Il dit qu’il a en quelque sorte « décroché » de l’école à cette

époque. Ses résultats étaient très mauvais et il a dû terminer son secondaire à l’éducation aux

adultes, où il dit avoir repris le goût des études. Lorsqu’il était au secondaire, la plupart de ses

amis quittaient la formation générale pour s’orienter vers la formation professionnelle. Il n’avait

donc jamais vraiment envisagé poursuivre des études collégiales. Guillermo a été admis au cégep

francophone X où il a complété deux sessions d’accueil et intégration. La transition au collégial a

été difficile pour lui parce qu’il n’était pas habitué à travailler et à étudier sérieusement. Il a

ensuite fait son choix de programme seul, à tâtons et en fonction de ce qui était possible

considérant ses résultats scolaires plutôt faibles. Sa mère l’a laissé maître d’œuvre de son

parcours collégial. Guillermo mentionne qu’elle ne comprend pas vraiment comment fonctionne

le système, donc elle lui fait confiance. Il aimerait étudier à l’université, mais dit qu’il devra

travailler fort pour améliorer ses résultats.

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Victor

Victor est né au Pérou dans un contexte sociopolitique très difficile. Ses parents ont immigré à

Montréal pour fuir la violence qui affligeaient leur pays et dans l’espoir d’y améliorer leurs

conditions de vie. Le père de Victor est d’abord arrivé seul à Montréal en tant que réfugié et y a

vécu dans des conditions extrêmement difficiles. Il ne parlait pas du tout le français ni l’anglais et

n’avait pas de formation à faire valoir sur le marché de l’emploi puisqu’il n’avait pas fait

d’études postsecondaires. De plus, il ne connaissait pas les ressources d’aide. Il a donc occupé de

petits emplois dans la restauration et l’entretien pour survivre. Il a eu du mal à trouver un loyer et

a vécu dans la rue pendant un certain temps. Un an après l’arrivée de son père à Montréal, Victor

et sa mère sont venus le rejoindre. Victor avait alors trois ans. Lui et sa mère ne parlaient pas du

tout le français ni l’anglais. Sa mère a vécu une grande déception lorsqu’elle a constaté que sa

formation technique dans le domaine de la santé n’était pas reconnue au Québec. Heureusement,

d’autres membres de la famille élargie ont aussi immigré à Montréal. Ils constituaient donc un

réseau de soutien pour ses parents, qui n’avaient aucun contact au Québec. Ils sont aussi allés

chercher du support auprès d’organismes communautaires et ont pris des cours de francisation.

Victor a fréquenté une garderie dans un quartier très multiethnique où l’éducatrice, comme tous

les autres enfants, étaient aussi immigrants et en apprentissage du français. Ses parents

occupaient un emploi précaire dans une industrie. Ils ont vécu un stress important parce qu’en

plus de devoir s’adapter à leur nouvelle vie, sa mère n’arrivait pas à obtenir un statut

d’immigration. Elle a fait plusieurs demandes, mais essuyait un refus à chaque fois. Ils ont donc

déménagé continuellement pour échapper aux contrôles de l’immigration. L’année de son entrée

à la maternelle en classe d’accueil, alors que sa mère était enceinte, ses parents se sont séparés en

raison de conflits économiques. Sa mère s’est donc retrouvée monoparentale et a vécu une

situation très tendue avec son père qui, selon Victor, était irresponsable et violent. Ils se

déplaçaient continuellement dans des refuges pour femmes battues pour échapper à cette

violence. Victor a malgré tout vécu une première expérience scolaire positive : il a pu compter

sur des enseignants attentionnés qui l’aidaient beaucoup et s’est fait plusieurs amis en maternelle.

Or, l’année suivante, il a changé d’école et a eu du mal à s’adapter à ce nouveau milieu. Il était

isolé et n’avait pas d’amis. Cette situation était exacerbée par le fait que sa mère lui demandait de

ne pas trop parler aux autres, d’être discret, puisqu’elle craignait que leur statut d’immigrant

illégal ne soit mis au jour. S’en sont suivis une série d’événements plus bouleversants les uns que

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les autres pour Victor qui a connu un parcours scolaire extrêmement instable et difficile. Il a

redoublé sa première année et changé d’école, entre autres parce qu’il a manqué une bonne partie

de l’année scolaire après le congé des Fêtes puisque sa mère croyait que l’école était terminée et

ne comprenait pas les communications de l’école en français. Il a ensuite changé une fois de plus

d’école pour faire sa deuxième année. Il n’avait pas d’amis et a été victime d’intimidation. Il s’est

senti victime d’injustice parce que le personnel scolaire n’a pas réagi. Il a donc commencé à être

violent avec les autres pour se défendre. Le personnel scolaire a alors commencé à le punir et à le

considérer agressif.

Entre temps, lui et sa mère ont été déportés et sont retournés au Pérou pour y vivre pendant deux

ans, alors que son père est demeuré à Montréal avec sa sœur. Victor dit que sa mère l’a emmené

avec elle au Pérou, parce qu’elle craignait que son ex-mari ne fasse rien pour la faire revenir au

Canada si elle quittait le pays seule. Or, ces deux années au Pérou ont été difficiles pour lui. Il n’y

a pas fréquenté l’école longtemps parce qu’il était rejeté et intimidé par les autres élèves et les

enseignants. Il était stigmatisé en tant que « Canadien » et les enseignants voulaient lui enseigner

les bonnes manières à coups de règles. Sa mère l’a donc retiré de l’école et a embauché un

enseignant de mathématiques qui venait de temps à autres à la maison. Après ces deux années, sa

mère et lui ont finalement obtenu les documents de l’immigration et sont revenus à Montréal.

Victor est retourné à l’école dans une classe d’accueil. Il a toutefois encore changé d’école

l’année suivante et était inscrit en 6è année, alors qu’il n’avait jamais fait ses 3è-4è et 5è années.

Cette année a été particulièrement éprouvante pour lui notamment parce qu’il avait de grandes

difficultés en français. Malheureusement, sa mère n’était pas en mesure de l’aider à cet égard.

Elle a donc embauché un tuteur privé pour le soutenir à la maison. Il a malgré cela redoublé sa 6è

année, mais ne le savait pas puisqu’il avait été admis dans une école secondaire. Alors qu’il

croyait faire sa première année du secondaire, il reprenait plutôt sa 6è année dans une classe

spéciale pour les élèves ayant des troubles de comportement. Il a vécu par la suite une escalade

de frustrations et de déceptions, et a entretenu beaucoup d’amertume envers le milieu scolaire et

en particulier, envers ses enseignants. Il dit qu’il a été victime du système parce qu’il est

convaincu qu’il était maintenu dans une classe spéciale injustement, qu’il avait les capacités de

réussir, mais que ces années passées dans ce type de classe, à fréquenter des élèves ayant

d’importants troubles de comportement l’ont détourné du parcours de réussite qu’il aurait

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souhaité et qu’il avait les capacités de mener. Il dit que son objectif a toujours été de réussir et de

se rendre jusqu’à l’université. Or, à l’âge de 15 ans, ses enseignants ont dit à sa mère qu’aucune

école ne voudrait de lui et lui ont suggéré de terminer son secondaire à l’éducation aux adultes. Il

s’y est inscrit deux fois, mais a abandonné puisque l’approche pédagogique ne lui convenait pas.

Il a finalement complété ses études secondaires dans une école qui accueille des élèves de 16 à 20

ans qui ont éprouvé des difficultés dans leur parcours scolaire. Il dit qu’il s’y est senti à l’aise

parce qu’il n’y avait que des immigrants.

Son expérience scolaire a laissé chez lui une profonde amertume envers le système d’éducation,

puisqu’il considère qu’il a été traité injustement par ses enseignants qui ont sous-estimé son

potentiel. Ils lui disaient qu’il n’allait jamais réussir, qu’il valait mieux pour lui de viser une

formation professionnelle. C’est d’ailleurs en réaction à ce sentiment d’injustice et à ces

pronostics qu’il décide de poursuivre des études collégiales. Il souhaite se prouver à lui-même,

mais aussi à ses parents, qu’il est capable de réussir des études supérieures et d’accéder à une

carrière en enseignement. Par ailleurs, il éprouve également une certaine rancœur envers la

société québécoise dans son ensemble. Il dit qu’il ne s’est jamais senti bien au Québec, a toujours

été rejeté par ses pairs et enseignants québécois. Bref, il ne se sent pas du tout intégré à sa société

d’accueil et ne s’identifie pas comme québécois. D’ailleurs, il ne souhaite pas vivre au Québec

dans le futur. Même s’il ne maîtrise pas très bien l’anglais, a des débuts difficiles au cégep et vit

une situation économique très précaire, il aimerait plutôt faire des études dans une université

ontarienne pour devenir conseiller financier ou enseignant de mathématiques, une des rares

matières dans lesquelles il a toujours eu de la facilité. Il souhaite ensuite aller vivre en Australie.

En somme, malgré les innombrables embûches sur son parcours scolaire, Victor semble

déterminé à réussir.

Sofia Sofia est née au Québec d’une mère originaire de l’Iran et d’un père venant du Nicaragua. Sa

mère a migré au Canada en quête de liberté, en rejoignant sa sœur qui était déjà installée à

Montréal. Elle ne parlait ni le français ni l’anglais à son arrivée, mais a pris des cours de

francisation. Elle a aussi complété un diplôme d’études professionnelles en santé au Québec,

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mais ne travaille pas dans ce domaine parce qu’elle considère que la rémunération est

insuffisante. Elle est plutôt propriétaire d’une garderie en milieu familial. Sofia voue à sa mère

une grande admiration. Quant à son père, il a choisi de venir s’établir à Montréal pour y faire des

études à un coût abordable. Il parlait l’anglais à son arrivée au Québec, mais pas le français. Il a

complété une maîtrise dans une université anglophone à Montréal, mais n’est pas pleinement

satisfait de sa situation professionnelle. Il a de la difficulté à décrocher un bon emploi puisque

son français n’est pas excellent. Malgré plusieurs déménagements, changements d’école et la

séparation de ses parents, Sofia a un parcours scolaire de réussite. Elle est très engagée dans ses

études et a des aspirations élevées. Elle a choisi d’étudier au cégep en anglais dans une optique

stratégique puisqu’elle désire améliorer ses compétences en anglais pour ensuite étudier dans une

université anglophone. Elle a d’ailleurs le projet de compléter une maîtrise à l’Université

Concordia. Ses parents valorisent beaucoup l’éducation et l’ont toujours soutenue et encouragée à

cet égard. Ils souhaitent qu’elle réalise des études de haut niveau qui lui permettront de décrocher

un très bon emploi.

Matéo Les parents de Matéo, originaires de l’Argentine, sont arrivés ensemble au Québec alors qu’ils

avaient déjà deux enfants. Même s’ils étaient très attachés à leur pays et à leur famille, ils

voulaient fuir la dictature et une situation très tendue sur le plan sociopolitique. Un ami de sa

mère déjà installé à Montréal les a aidés dans leur processus migratoire. Malgré le fait qu’ils aient

tous deux complété des études universitaires dans leur pays, les parents de Matéo ont subi une

déqualification professionnelle à leur arrivée au Québec, ce qui les a beaucoup étonnés et

déstabilisés. Ses deux parents étaient enseignants. Son père a entamé un retour aux études au

Québec dans le but de retrouver les qualifications nécessaires pour décrocher un emploi dans son

domaine, mais a dû abandonner afin de travailler pour faire vivre sa famille. À leur arrivée au

Québec, ses parents ne parlaient pas le français. Sa mère maitrisait l’anglais, mais pas son père. Il

a donc pris des cours d’anglais et appris le français par lui-même. Son père travaille maintenant

dans le domaine de la construction et sa mère est conseillère en tourisme. Matéo est né au

Québec. Il a eu une expérience de scolarisation très positive et réussit bien. Il dit que ses parents

ont eu de la difficulté à soutenir leurs enfants à l’école dans leurs premiers temps au Québec.

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Toutefois, puisqu’il est le dernier de sa famille, ses parents étaient mieux outillés pour le soutenir,

entre autres parce qu’ils maitrisaient mieux le français et connaissaient davantage les rouages et

exigences du système scolaire. Il a fréquenté un programme sports-études au secondaire où il se

sentait très motivé. Il est très déterminé, discipliné et a des aspirations élevées, ce qui n’est pas

étranger au fait que ses parents valorisent l’éducation et l’ont toujours soutenu et encouragé dans

ses projets d’études. Il dit par ailleurs que ces derniers se sont toujours montrés très souples et

ouverts face à ses choix et projets d’études. Ils lui laissent beaucoup de latitude, ne lui ont jamais

rien imposé et lui font confiance. Il étudie maintenant dans un cégep anglophone dans une

optique stratégique parce qu’il projette d’aller à l’université et veut s’ouvrir toutes les portes de

l’emploi.

Julia Julia est née au Québec de parents anglophones, originaires de Guyana, une ancienne colonie

britannique d’Amérique du Sud. Voulant fuir un pays où la violence est assez présente et élargir

les possibilités pour leurs enfants et descendants, ses parents se sont établis à Montréal il y a 25

ans. Ils y ont tous deux fait des études universitaires. Ils travaillent et vivent en anglais dans

l’ouest de l’ile. Ils ne parlent pas le français et ont un réseau social exclusivement anglophone.

Julia a entamé sa scolarité par la pré-maternelle en anglais. Ses parents voulaient qu’elle

fréquente une école primaire privée anglaise, mais elle n’y a pas été admise de par les

dispositions de la loi 101. Elle a donc commencé la maternelle en classe d’accueil en français :

étape qui a été difficile pour elle puisqu’elle ne parlait qu’anglais et se sentait isolée. Ses parents

ne pouvaient la soutenir à ce moment, ne maitrisant pas le français. Ils ont donc embauché un

tuteur qui lui donnait du soutien et des leçons à la maison. Ils voulaient qu’elle apprenne bien le

français parce qu’ils voulaient qu’elle soit bilingue. Julia a un parcours de réussite. Elle a toujours

été une bonne élève. Elle a d’ailleurs eu beaucoup de soutien de la part de ses parents, qui

l’encadraient de manière assez stricte afin qu’elle réussisse. Elle a fait ses études secondaires au

Programme d’éducation internationale et dit qu’elle se sentait bien préparée pour le collégial.

D’ailleurs, la transition secondaire-collégial n’a pas été trop difficile pour elle. Julia se connaît

bien et n’a pas hésité à consulter une conseillère d’orientation pour choisir son programme

d’études au cégep. Ses parents et elles ont des aspirations élevées. Pour s’ouvrir toutes les portes

du marché de l’emploi, tant à Montréal qu’à l’étranger, elle étudie dans un cégep anglophone.

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Elle avait entamé ses études en sciences humaines, mais a constaté qu’elle n’aimait pas cela. Elle

complète donc sa formation par des cours de sciences pour être admise à l’université. Elle

envisage des études universitaires dans le domaine de la santé. Elle souhaite d’ailleurs faire une

maîtrise. Ses parents financent ses études puisqu’ils avaient économisé depuis longtemps à cet

effet. Elle travaille toutefois quelques heures par semaine pour avoir un peu d’argent de poche.

Elle se dit Canadienne et ne s’identifie pas du tout au Québec ni à la culture francophone.

D’ailleurs, elle a toujours senti une distance entre elle et les Québécois francophones au cours de

son parcours scolaire.

Acela

Acela est née au Québec d’une mère originaire du Salvador et d’un père guatémaltèque, qui se

sont rencontrés à Montréal au début de la vingtaine. Sa mère était venue à Montréal dans le but

d’y faire des études universitaires, mais ne les a jamais terminées. Elle avait complété une

formation en secrétariat dans son pays, mais a plutôt travaillé dans l’entretien ménager à

Montréal. Quant à son père, il a interrompu ses études secondaires en 2è ou 3è année dans son

pays et n’a donc pas de diplôme. Il a travaillé pour une compagnie d’aviation à Montréal, mais

est en arrêt de travail depuis 3 ou 4 ans parce qu’il a des problèmes de santé. Les premiers temps

de la migration ont été difficiles pour ses parents : ils ne parlaient pas du tout le français et

n’avaient aucun contact. Ils se sont néanmoins toujours débrouillés pour trouver du travail et ont

appris le français par eux-mêmes. Ils le maîtrisent maintenant très bien, mais parlent avec un

accent. Acela a fréquenté la garderie en français avant son entrée à l’école. Elle a fait toute sa

scolarité primaire à l’école la plus près de chez elle, tout comme au secondaire, dans un milieu

marqué par la diversité ethnoculturelle. Elle a eu une expérience très positive au primaire. Elle

avait beaucoup d’amis et de bonnes relations avec ses enseignants. Toutefois, elle avait des

difficultés en français écrit. Ces difficultés perdurent d’ailleurs encore aujourd’hui. Elle affirme

que son école secondaire était « l’une des pires », mais elle la fréquentait parce qu’elle était située

près de chez elle et tous ses amis s’y trouvaient. Son parcours au secondaire a été semé

d’embûches. Elle n’a pas pris ses études au sérieux, n’était pas intéressée et a eu de très mauvais

résultats. Elle a d’ailleurs complété son secondaire à l’éducation aux adultes parce qu’elle avait

échoué des cours de français et de mathématiques. Sa relation avec ses parents a été assez tendue

au cours de cette période. Elle dit qu’ils étaient très stricts et surprotecteurs avec elle,

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l’empêchaient de sortir, ce qui créait beaucoup de tensions. Sa mère aurait aimé qu’elle fréquente

une école privée parce qu’elle y aurait reçu un meilleur encadrement. Elle associait ses difficultés

au fait de fréquenter son école. Acela a eu un choc à l’issue de ses études secondaires. Après

plusieurs années où elle n’avait pas pris ses études au sérieux, elle ne se sentait pas prête à choisir

une voie pour son avenir. Elle a toutefois entamé des études techniques au cégep, mais les a

abandonnées parce qu’elle n’aimait pas cela. Ne connaissant pas bien les règles administratives,

elle avait omis d’annuler ses cours et a donc vu sa cote R descendre en flèche parce qu’elle avait

échoué tous les cours auxquelles elle était inscrite. Elle a donc interrompu ses études pendant

deux ans pour travailler dans une épicerie, alors qu’elle se sentait démotivée et n’avait aucune

idée de ce qu’elle voulait faire dans la vie. Elle a ensuite complété un diplôme d’études

professionnelles en secrétariat, mais a constaté à l’issue de ses études qu’elle ne voulait pas faire

du travail de bureau. Acela a donc fait un retour au cégep en commercialisation de la mode, mais

semble incertaine de son choix. Elle a d’ailleurs hésité jusqu’à la rentrée. Elle ne connaît pas bien

son programme ni ses débouchés et anticipe que les trois années nécessaires à l’obtention de son

diplôme ne soient très longues et difficiles. Acela semble avoir de la difficulté à choisir une voie

qui lui convienne. Elle s’en remet beaucoup aux recommandations d’une conseillère

d’orientation. Ses résultats scolaires plutôt faibles limitent ses choix et ses aspirations puisqu’elle

ne peut pas être admise dans plusieurs programmes. Elle n’a d’ailleurs jamais même envisagé la

possibilité d’étudier à l’université. Elle explore différentes avenues tout en se donnant la

possibilité de les abandonner. Ses parents lui laissent beaucoup de latitude quant à ses choix

d’orientation scolaire et professionnelle. Sa mère semble avoir une influence considérable sur elle

et lui a suggéré d’en profiter pour continuer ses études pendant qu’elle vit encore chez ses

parents. Elle l’encourage toutefois à terminer ce qu’elle entreprend, parce qu’elle a tendance à

abandonner. Quant à son père, il aimerait qu’elle trouve du travail en secrétariat parce que selon

lui, les conditions de travail dans ce domaine sont bonnes. En somme, Acela dit qu’ils sont

contents qu’elle « fasse quelque chose », qu’elle retourne à l’école après avoir travaillé au salaire

minimum. Acela semble ambivalente parce qu’elle exprime à la fois une forte volonté de

persévérer et de réussir pour accéder à une carrière qu’elle aimerait et rendre ses parents fiers

d’elle, tout en doutant de sa capacité de mener à bien ce projet ambitieux.

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Alicia

Alicia est née à Cuba. Elle est arrivée à Montréal à l’âge de deux ans avec sa mère et sa sœur

aînée, pour rejoindre leur père qui y travaillait depuis un an. Même si ses parents n’ont pas fait

d’études postsecondaires, ils avaient une situation économique assez favorable dans leur pays

d’origine. Ils y travaillaient dans l’industrie du tourisme. Ils ont malgré tout saisi une occasion

d’immigrer au Canada : une touriste montréalaise avait apprécié le travail de son père et lui a

proposé de le soutenir dans ses démarches migratoires vers le Canada. Même s’il était très

difficile pour eux de quitter leur pays et leur famille, ils ont saisi cette occasion pour offrir une

meilleure vie à leurs enfants et fuir un régime oppressif. Les premiers temps à Montréal furent

difficiles pour toute la famille. Son père, arrivée le premier, ne parlait ni le français ni l’anglais.

Alicia raconte qu’il se faisait donc exploiter au travail puisqu’il ne comprenait rien. Pour sa mère,

l’arrivée à Montréal fut un véritable choc puisqu’elle était déchirée de quitter sa famille, ne

parlait pas le français ni l’anglais et avait de la difficulté à s’adapter au climat. Elle a donc pris

des cours de francisation pendant que ses filles fréquentaient la garderie en français. Le père

d’Alicia l’incitait à apprendre le français afin qu’elle soit en mesure de soutenir leurs enfants à

l’école. Ses deux parents travaillent maintenant dans un magasin à grande surface et gagnent

relativement bien leur vie. Ils ont quitté l’île de Montréal où ils ont vécu dans les premiers temps

de leur migration, pour emménager dans une maison en banlieue. Ils n’appréciaient pas le

quartier défavorisé dans lequel ils vivaient à Montréal et considéraient que ce n’était pas un bon

milieu pour élever leur famille.

Alicia est très proche de ses parents. Elle leur voue une grande admiration et se sent infiniment

redevable envers les nombreux efforts et sacrifices qu’ils ont faits pour leurs trois enfants. Même

si elle a toujours eu un encadrement beaucoup plus strict que la plupart de ses amis québécois,

Alicia adhère pleinement aux valeurs éducatives de ses parents. D’ailleurs, pour eux, l’éducation

est très importante. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour soutenir leurs enfants vers la réussite et les

encouragent à se dépasser, d’autant qu’Alicia et sa soeur ont cheminé dans un programme sport-

études au secondaire où les exigences étaient accrues. Par ailleurs, même si Alicia a eu des

difficultés dans les matières de base au primaire et au secondaire, elle a toujours pu compter sur

ses parents, en particulier sa mère, pour lui offrir le soutien et l’encadrement nécessaires pour

surmonter ses difficultés. Elle a aussi bénéficié du support d’une orthopédagogue au primaire.

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Ainsi, malgré ses difficultés scolaires, Alicia dit qu’elle a toujours aimé l’école et eu un rapport

très positif avec le personnel scolaire. Pour l’avenir, elle a de nombreux projets. À l’instar de ses

parents qui ont toujours travaillé fort, Alicia est prête à mettre les bouchées doubles pour

atteindre ses objectifs. Tout en poursuivant de manière intensive son entrainement dans un sport

qu’elle pratique depuis plusieurs années, puisqu’elle ambitionne de participer aux jeux

olympiques, elle étudie au cégep francophone X. Elle n’a pas été admise dans le programme de

son choix, mais a entamé ses études en arts, fait ses cours de base et compte bien y être admise

l’an prochain. Après ses études collégiales, elle souhaite étudier à l’université en enseignement.

Ses parents l’encouragent à poursuivre ses ambitions et assument donc toutes ses dépenses,

incluant son appartement situé à Montréal près de son centre d’entrainement, afin qu’elle n’ait

pas à travailler. Pour son futur, elle aimerait développer sa propre compagnie de vêtements de

sport, tout en menant une carrière d’enseignante afin de s’assurer un revenu.

Flavia

Flavia est née au Québec de parents originaires du Pérou. Elle est la deuxième d’une famille de

trois enfants. Ses parents ont migré au Québec dans l’espoir d’améliorer leur condition

économique. Même s’ils venaient de familles assez bien nanties et maitrisaient l’anglais, les

débuts à Montréal ont été plutôt difficiles pour eux. Son père est arrivé le premier pour rejoindre

son frère qui vivait déjà à Montréal. Ingénieur dans son pays, il a subi une déqualification

professionnelle et a donc décidé d’acquérir un restaurant. Sa mère est venue le rejoindre dans

l’année qui a suivi avec la sœur aînée de Flavia, qui avait deux ans. Ils vivaient dans un petit

appartement en piteux état et sa mère ne s’y sentait pas bien. Ses parents ont ensuite vendu leur

restaurant, en ont acheté un autre avec la famille élargie et travaillent maintenant tous deux en

milieu hospitalier. Ils gagent assez bien leur vie et habitent maintenant dans une maison dans le

nord de l’île. Ils ont déménagé à plusieurs reprises depuis leur arrivée à Montréal, ce qui a

impliqué un changement d’école en 6è année du primaire pour Flavia. Ce changement semble

avoir été quelque peu perturbant pour elle : elle dit que le milieu était plus difficile et elle a

commencé à avoir des difficultés scolaires. Ainsi, même si elle a connu une expérience scolaire

assez positive dans l’ensemble et entretenu de bonnes relations avec ses enseignants, Flavia a

connu des difficultés dans les matières de base. Elle dit qu’elle était aussi parfois distraite et

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énervée. Au cégep, elle aurait aimé entreprendre une technique policière, mais ses résultats

étaient insuffisants. Elle a donc entamé une formation technique. Au moment de l’entretien, elle

avait abandonné un cours donc prévoyait réaliser ses études sur plus de trois ans. À l’issue de sa

technique, Flavia prévoit travailler pour une entreprise à Montréal ou aux États-Unis. Elle n’est

pas fermée à l’idée d’aller à l’université, mais cela ne semble pas une priorité pour elle, d’autant

qu’elle devrait travailler pour financer ses études et ne voit pas comment elle pourrait concilier

ces deux occupations. Ses parents l’ont toujours encouragée à étudier fort pour réussir et

l’invitaient à persévérer jusqu’à l’université, mais lui ont toutefois laissé beaucoup de latitude

dans ses choix. À l’issue du secondaire, ils lui ont suggéré de faire une technique en soins

infirmiers ou un baccalauréat pour enseigner l’éducation physique puisqu’elle est sportive, mais

n’ont pas eu de difficulté à accepter son choix. Flavia dit qu’ils ont des ambitions plus élevées

pour son frère puisqu’il a de bonnes notes. Ils souhaitent qu’il devienne médecin.

Eduardo

Né à Montréal de parents originaires du Guatemala, Eduardo est l’aîné d’une famille de deux

enfants. Voulant fuir un conflit politique dans son pays, son père a été accueilli au Québec en tant

que réfugié. Quant à sa mère, même si elle a été déchirée de devoir quitter sa famille, elle est

venue le rejoindre quelque temps après. Ses deux parents ne parlaient que l’espagnol à leur

arrivée au Québec. Son père a appris le français par lui-même et sa mère a pris des cours de

francisation. Malgré leur accent, ils maitrisent maintenant bien le français. Dans les premiers

temps de leur migration à Montréal, ils ont tous deux travaillé dans une manufacture. Ils ont

ensuite complété une formation professionnelle et travaillent maintenant dans leur domaine

respectif. Ils vivent modestement dans un quartier marqué par une forte diversité ethnoculturelle.

L’entrée à la maternelle n’a pas été facile pour Eduardo. Étant resté à la maison avec sa mère

dans les premières années de sa vie, il ne parlait pas le français. Il était donc très solitaire, avait

d’importantes difficultés à communiquer et faisait des crises parfois violentes. Il a été évalué par

une équipe de professionnels (orthophoniste, éducatrice spécialisée et travailleuse sociale) qui

soupçonnaient qu’il soit autiste. Après évaluation, ils ont plutôt conclu qu’il avait un trouble

d’attention et de langage. Il a donc fait sa première et sa deuxième année dans un programme

particulier pour les dysphasiques. Il y a fait d’importants progrès et a pu intégrer une classe

régulière à partir de la troisième année, dans son école de quartier. Il a toutefois fréquenté sa

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première école en quatrième année « par nostalgie », mais est ensuite retourné à son école de

quartier pour terminer son primaire. Eduardo a très bien réussi au primaire et dit qu’il excellait en

comparaison à plusieurs autres élèves de son école où une majorité était issue de l’immigration.

Au secondaire, ses parents ne voulaient pas qu’il fréquente une polyvalente parce qu’ils

considéraient que ce n’était pas un bon milieu pour lui, mais ils n’avaient pas les moyens de

payer pour une école privée. Il a donc cheminé dans un programme enrichi d’une école publique

considérée comme l’une des meilleures de la province selon le palmarès de la revue l’Actualité. Il

n’a éprouvé aucune difficulté à réussir l’examen d’admission et la transition primaire-secondaire

n’a pas été difficile pour lui, parce qu’il avait déjà développé de bonnes stratégies d’étude. Il a

donc évolué dans ce milieu où la plupart des élèves avaient des aspirations élevées et d’excellents

résultats scolaires. Eduardo dit que ses parents ont toujours été présents pour le soutenir dans son

cheminement scolaire et l’aider lorsqu’il éprouvait des difficultés. Son père, qu’il qualifie

d’intellectuel même s’il n’a pas fait d’études supérieures, est une source d’inspiration pour lui. Il

a toujours aimé lire et a une importante bibliothèque à la maison. Eduardo semble entretenir une

bonne relation avec ses parents. Il n’a jamais eu de difficulté à respecter leurs règles. Il semble

d’ailleurs particulièrement responsable et discipliné pour réussir à l’école. Eduardo étudie

maintenant au Cégep X dans un programme technique. Même s’il avait un parcours de réussite au

secondaire et donc une cote R qui lui aurait permis d’envisager des études universitaires dans un

programme contingenté comme la plupart de ses amis, il a plutôt opté pour la formation

technique. Quant est venu le moment de choisir un programme d’études au collégial, ses parents

lui ont laissé le libre choix, mais l’ont clairement informé qu’ils ne financeraient pas ses études

s’il choisissait d’aller à l’université et ne l’encourageaient pas à contracter un prêt étudiant. Ils

souhaitaient plutôt qu’il poursuive ses études à la formation professionnelle ou technique afin

d’accéder au marché de l’emploi plus rapidement. Il a donc choisi une formation technique où le

taux de placement et le revenu sont excellents afin de s’assurer une sécurité d’emploi et un bon

revenu. À l’issue de ses études collégiales, il souhaite décrocher un emploi dans son domaine et

économiser en vue de poursuivre des études universitaires en littérature. Eduardo est très attaché

au Québec et à la langue française. Il se sent québécois et pour le futur, il souhaite travailler et

vivre à Montréal.

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Mila

Mila est née au Québec de parents originaires du Chili. Elle est la deuxième d’une famille de trois

enfants, tous nés au Canada. Dans son pays d’origine, le père de Mila avait commencé une

formation professionnelle, mais ne l’a jamais complétée. Quant à sa mère, elle a fait des études

équivalentes à une technique, mais son diplôme n’a pas été reconnu au Canada. Ses parents ont

quitté le Chili pour s’installer en Argentine au début des années 70. C’est là qu’ils se sont connus

et mariés. Quelques années plus tard, ils ont fui ce pays suite à un coup d’État. Ils ont été

accueillis en banlieue de Regina, en Saskatchewan, en tant que réfugiés politiques. Ils ne

parlaient ni l’anglais ni le français à leur arrivée au Canada, mais ont pu compter sur le soutien

d’une petite communauté chilienne pour s’établir dans les premiers temps de leur migration. Sa

mère a pris des cours d’anglais et occupé une série de petits emplois à Regina, tandis que son

père a travaillé dans une industrie. Après deux ans en Saskatchewan, ils ont choisi de s’établir à

Montréal parce qu’ils souhaitaient vivre dans une plus grande ville. Un ami chilien y avait un

contact et leur avait parlé en bien de Montréal, ce qui les a convaincus d’y emménager. À leur

arrivée, ils se sont installés dans un quartier marqué par la diversité ethnoculturelle et ont pris des

cours de francisation. Son père a trouvé du travail dans le milieu de la construction et sa mère a

occupé une série de petits boulots pour ensuite décrocher un emploi dans une entreprise

d’alimentation où elle travaille toujours. Durant les premiers temps de leur installation à

Montréal, ils ont vécu dans une situation de grande précarité économique, ne pouvant pas

toujours manger à leur faim. Leur réseau à Montréal est constitué principalement de compatriotes

chiliens ou latino-américains et de sa grand-mère, qui vit avec eux. C’est d’ailleurs avec elle que

Mila a passé sa petite enfance, ce qui lui a permis d’apprendre l’espagnol. Avant sa rentrée à

l’école, ses parents ont fait des efforts pour lui parler en français afin qu’elle l’apprenne,

puisqu’elle n’avait appris que l’espagnol. Elle et sa famille ont vécu dans un quartier défavorisé

au sud de l’île, où elle est née, pour emménager trois ans plus tard, dans une maison dans un autre

quartier du sud de l’île, où elle a commencé sa scolarisation primaire. Elle a changé d’école en

cours de primaire parce que son école était en sureffectif, pour faire ses trois dernières années

d’études. Elle a eu une expérience très positive au primaire. Elle avait de bonnes relations avec

ses enseignants et avait de la facilité à se faire des amis. Elle n’aimait toutefois pas les

mathématiques et a eu quelques difficultés en français écrit. Ses parents ont fait tout ce qui leur

était possible pour la soutenir, mais la maîtrise du français écrit est un défi important pour eux

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aussi. Au secondaire, elle a fait les examens pour être admise dans une école privée offrant le

Programme d’éducation internationale, mais ne les a pas réussis. Mila a mentionné que ses

parents disposaient de peu d’informations pour choisir son école, puisqu’ils ne côtoyaient que

très peu les parents de ses amis. Elle a fréquenté une école publique de son quartier, très

multiethnique et qui n’avait pas une bonne réputation. Elle a toutefois cheminé tout au long du

secondaire dans un programme enrichi. Elle dit qu’elle était une bonne élève, avec des résultats

dans la moyenne. Après le secondaire, elle a étudié au cégep en sciences humaines. Elle a adoré

son expérience dans ce programme qui lui ressemblait vraiment, et qui lui a permis de vivre un

stage en Équateur. Elle a ensuite entamé un baccalauréat en anthropologie. Elle y a étudié

pendant deux ans pour constater que ce n’était pas tout à fait pour elle. Elle a abandonné ses

études, mais l’Université lui a tout de même décerné un certificat en reconnaissance des crédits

qu’elle avait obtenus. Elle a ensuite fait un retour au cégep dans un programme technique où elle

se sent maintenant très heureuse. Elle adore son programme, s’y est fait plusieurs amis et

apprécie sa riche expérience pratique. À l’issue de ses études, elle souhaite décrocher un emploi

dans le milieu communautaire pour acquérir de l’expérience. Elle n’est pas fermée à l’idée de

retourner sur les bancs de l’université, mais n’en fait pas une priorité. Elle a plutôt hâte de voler

de ses propres ailes en travaillant et quittant le foyer familial. Ses parents lui ont toujours laissé

une assez grande liberté dans ses choix : tant qu’elle continuait d’aller à l’école, ils étaient

satisfaits. Mila mentionne que puisqu’ils n’ont pas fait de longues études, ils sont déjà très fiers et

satisfaits qu’elle ait terminé son secondaire et qu’elle poursuive des études postsecondaires. Sa

mère a toutefois douté de son choix d’aller à l’université dans un programme qui, à ses yeux, lui

permettrait difficilement de décrocher un emploi. Elle aurait préféré qu’elle étudie en médecine

ou en droit afin de gagner beaucoup d’argent. De même, lorsqu’elle a choisi de retourner au

cégep, sa mère lui disait qu’elle allait perdre son temps et son potentiel. Elle avait de la difficulté

à reconnaître la valeur d’une formation technique en comparaison aux études universitaires. Mila

a un attachement très fort pour Montréal, s’y sent bien et souhaite y travailler en français.

Ces portraits de chacun des participants à notre étude révèlent à la fois la diversité de leurs profils

et de leurs expériences, mais aussi un certain nombre de caractéristiques communes. Si l’on tente

de les regrouper selon leur expérience de scolarisation, trois sous-groupes semblent émerger

parmi l’ensemble des étudiants : un premier groupe ayant une carrière scolaire particulièrement

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difficile ; un deuxième groupe dont la carrière pourrait être qualifiée d’intermédiaire et enfin, un

troisième groupe, ayant une carrière de réussite (Voir le tableau ci-dessous).

Groupes d’étudiants selon leur expérience de scolarisation

1. Carrière difficile 2. Carrière intermédiaire 3. Carrière de réussite

• Victor ;

• Guillermo ;

• Acela.

• Flavia ;

• Miguel ;

• Alicia ;

• Eduardo ;

• Mila.

• Matéo ;

• Sofia ;

• Julia.

Dans le chapitre suivant, nous tenterons de mettre en relief les éléments dans le profil familial de

ces étudiants qui ont pu constituer des ressources et des contraintes dans leur carrière scolaire.

Nous tenterons de regrouper les éléments communs à chacun de ces trois sous-groupes pour

mieux identifier les éléments favorables - ou non - à la réussite scolaire, dans le profil familial

des participants à notre étude.

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CHAPITRE 3 – RÉSULTATS

Nous avons présenté dans la section précédente le profil détaillé de chacun des participants à

notre étude. À partir de ces portraits, nous tenterons maintenant de répondre à notre question de

recherche en mettant en relief les éléments dans le profil familial de ces étudiants qui constituent

des ressources ou des contraintes dans leur carrière scolaire.

1. Des ressources et des contraintes au sein de la famille

1.1. Un soutien variable selon le vécu migratoire Dans les cas étudiés, les conditions et l’ancienneté de la migration des parents immigrants

semblent avoir influencé de façon considérable le soutien qu’ils ont été en mesure d’offrir à leurs

enfants tout au long de leur parcours scolaire, mais en particulier dans les premiers temps de leur

migration.

Une majorité de parents de notre corpus (8/11) ont fui des pays ravagés par des conflits, de

l’instabilité politique et économique, des régimes politiques oppressifs, de l’insécurité ou de la

violence. C’est dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux et pour leurs enfants qu’ils ont migré

au Québec, en dépit des nombreux obstacles pour y arriver. Plusieurs parents avaient un statut de

réfugié à leur arrivée au Québec et ont vécu dans des conditions très précaires dans les premiers

temps de leur migration. Aucun ne parlait le français et plusieurs ne maîtrisaient pas l’anglais.

Plusieurs ont subi une déqualification professionnelle. Ils ont donc occupé des emplois souvent

précaires, sans lien avec leurs compétences, afin de subvenir aux besoins de leur famille. Leurs

réseaux de soutien au Québec étaient pour la plupart, très restreints ou limités à leurs

compatriotes, ce qui contribuait à rendre leur intégration socioéconomique difficile.

L’ancienneté de la migration des parents a également un impact sur le type de soutien qu’ils sont

en mesure d’offrir à leurs enfants dans leur cheminement scolaire. Si les enfants sont nés à

l’étranger, sont arrivés au Québec en même temps que leurs parents et ont commencé l’école au

cours des premières années - particulièrement difficiles - de l’établissement dans la société

d’accueil, ils ont bénéficié d’un soutien souvent plus limité de leurs parents, ceux-ci étant très

accaparés par les nombreux défis de l’intégration (francisation, recherche d’emploi,

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familiarisation avec la société d’accueil et ses institutions, etc.). En revanche, lorsque la

migration des parents est plus ancienne, ces derniers sont mieux intégrés et ont davantage de

ressources à leur disposition pour accompagner leurs enfants dans leur parcours scolaire. Ils ont

une meilleure maîtrise de la langue, ce qui leur permet de communiquer plus aisément avec le

milieu scolaire et d’offrir du soutien à leurs enfants dans leurs travaux. S’ils ont décroché un

emploi satisfaisant, ils ont des ressources économiques leur permettant d’avoir une certaine

qualité de vie et une stabilité. Ils sont aussi plus à même d’avoir développé des réseaux de soutien

au sein de leur milieu de travail, auprès des parents des amis de leurs enfants, des voisins, etc.

L’ancienneté de la migration permet aussi une familiarisation avec les institutions, dont l’école.

L’exemple de Julia est assez éloquent à cet égard. Ses parents ont migré dans des conditions

particulièrement favorables à leur intégration et étaient bien établis au Québec lorsqu’ils ont eu

leurs enfants. Ils avaient fait des études à l’Université Concordia et ont décroché de bons emplois.

Ils ont encadré leur fille de manière assez stricte et l’ont toujours soutenue dans ses études. Ils

allaient chercher un support externe lorsqu’ils étaient confrontés à leurs limites. Par exemple, au

primaire, il était difficile pour eux de l’aider dans ses travaux en français, étant anglophones. Ils

ont donc embauché un tuteur pour lui donner des cours en dehors des heures de classe. Leur

situation économique aisée leur permettait de prendre des moyens pour favoriser la réussite de

leurs enfants.

À l’inverse, les conditions de la migration des parents de Victor n’ont pas du tout été favorables.

Victor et sa mère n’avaient pas de statut légal au Canada et ont même été déportés, ce qui a

entrainé une interruption de deux ans dans son parcours scolaire. Vivant dans la clandestinité

durant leurs premières années au Québec, l’insécurité vécue par sa mère a eu des retombées

directes sur le parcours scolaire de son fils : elle ne voulait pas qu’il socialise avec les autres

élèves de crainte que ces derniers les dénoncent, elle le changeait d’école à chaque année pour

fuir les contrôles administratifs, ce qui impliquait pour lui une réadaptation à chaque fois. Elle

était très isolée et ne pouvait bénéficier des mesures de soutien telles que la francisation. La

barrière de la langue pour sa mère a eu des conséquences importantes pour Victor : sa mère ne

comprenait pas les communications provenant de l’école et n’était pas en mesure de le soutenir

dans son apprentissage du français ni dans ses travaux scolaires.

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De même, les premiers temps de la migration n’ont pas été faciles pour les parents de Miguel, qui

ont fui le Salvador, alors dévasté sur le plan socioéconomique suite à une guerre civile, pour

vivre aux États-Unis dans la clandestinité pendant 5 ans, avant de migrer au Québec. À leur

arrivée, ils ne savaient même pas que le français était la langue de la majorité et que leurs enfants

allaient devoir être scolarisés dans cette langue. Ils devaient recommencer à zéro : apprendre une

troisième langue, chercher du travail après une déqualification, développer un réseau social, etc.

Ne parlant pas le français, ils n’ont pas pu soutenir leur fils dans l’apprentissage de cette langue.

Il ne parlait donc pas le français à son entrée en maternelle.

1.2. Les compétences linguistiques Les parents de tous les participants à l’étude ne maîtrisaient pas le français à leur arrivée au

Québec. Certains ne savaient même pas que le français est la langue de la majorité et que leurs

enfants allaient devoir être scolarisés dans cette langue. La plupart étant hispanophones, ils ont

appris le français soit via la francisation ou par eux-mêmes dans leur milieu de travail, dans les

premiers temps de leur migration. Presque tous les étudiants du corpus ont mentionné avoir

éprouvé des difficultés en français à un moment ou à un autre de leur parcours scolaire,

difficultés qui, pour plusieurs, ont perduré jusqu’au secondaire et au cégep. Avant d’entamer leur

scolarité, plusieurs participants ont grandi en parlant exclusivement l’espagnol à la maison. Ils

ont donc eu à apprendre le français dans leurs premières années à l’école, ce qui a été vécu plus

ou moins difficilement. Certains ont dit qu’ils avaient du mal à se faire des amis, se sentaient

isolés et incompris. Pour Eduardo qui était resté à la maison avec sa mère dans les premières

années de sa vie, l’entrée à l’école a été difficile parce qu’il avait de la difficulté à communiquer,

s’isolait et faisait des crises. Le personnel scolaire a même soupçonné l’autisme. On lui a

finalement diagnostiqué des difficultés langagières : « […] moi, justement, le problème qui m’est

arrivé quand j’étais petit, c’est que j’avais juste la télé puis le monde extérieur au fond pour

apprendre le français et ça m’a coûté cher. Ça m’a coûté des difficultés de langage. J’ai dû

justement être en classe de langage […] » (Eduardo). En revanche, ceux qui ont pu fréquenter un

milieu de garde francophone avant leur entrée à l’école ont vécu cette transition de manière plus

aisée.

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Plusieurs ont souligné que même si leurs parents étaient heureux qu’ils puissent apprendre le

français à l’école et valorisaient cet apprentissage, il était difficile pour eux de les soutenir, en

particulier à l’écrit, ce qui a pu avoir une influence sur leur propre maîtrise du français et sur leur

réussite : « […] c’est surtout au niveau de l’écriture que ça, que mes parents, même encore

maintenant, ils font beaucoup de fautes à l’écrit […]. Quand j’étais petite, ils faisaient du mieux

qu’ils pouvaient. Mais même encore maintenant, au niveau de l’écriture, j’ai de la difficulté. »

(Mila).

Pour d’autres, la non-maîtrise du français de leurs parents dans les premières années de leur

migration limitait ou entravait les communications avec le milieu scolaire. Le cas le plus marqué

est celui de Victor qui a mentionné que les lacunes en français de sa mère ont clairement affecté

son parcours scolaire. Il a manqué plusieurs semaines de classe en première année, après les

vacances de Noël, parce que sa mère ne savait pas qu’il devait retourner à l’école : « Victor : - […] j’ai perdu une grande partie, tout le mois de janvier. En février, ils ont réussi à trouver ma mère. Ils lui ont dit : « L’école est pas finie. Qu’est-ce qui arrive avec… ? » Intervieweuse : -Mais ta mère, elle savait pas que l’école était pas finie ? V : - Non, elle se demandait pas. Elle se disait : « Les vacances, ça dure longtemps. C’est pas normal. » Mais, ils ont réussi à communiquer avec, pis tu vois, ma mère avait de la difficulté à parler français, donc même si on lui expliquait, elle comprenait pas vraiment. I : - Ça a affecté ton parcours. V - Donc, j’ai redoublé… I : -Ton primaire. V : - Mon primaire, la première parce que j’ai manqué une grande période, pis tu vois, mon français n’était pas si bon non plus. » (Victor).

Par ailleurs, il est intéressant de noter que les trois parents qui ont fait des études universitaires au

Québec (le père de Sofia et les parents de Julia) maîtrisaient l’anglais à leur arrivée à Montréal.

Les parcours scolaire de Sofia et de Julia sont clairement favorables sur le plan de la réussite. Y

a-t-il un lien à établir entre la maîtrise de l’anglais des parents et la réussite scolaire de leurs

enfants ? Notre étude ne peut l’attester. Toutefois, il semble que les parents des étudiants de notre

corpus qui maitrisaient l’anglais à leur arrivée à Montréal ont eu une intégration relativement plus

facile que celle des autres parents hispanophones. Ils ont étudié à l’université en anglais et ont pu

décrocher un diplôme reconnu, ce qui est un atout considérable pour leur intégration

socioéconomique en comparaison aux autres parents.

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1.3. La scolarisation et la qualification La plupart des parents des étudiants du corpus ont un niveau de scolarisation assez faible (Voir

tableau ci-dessous). Deux n’ont pas terminé leurs études secondaires. Deux ont l’équivalent3 d’un

diplôme d’études secondaires complété dans leur pays d’origine. Un père avait commencé une

formation professionnelle dans son pays d’origine, mais ne l’a pas terminée. Deux ont complété

l’équivalent d’une formation professionnelle dans leur pays, mais ont subi une déqualification

professionnelle au Québec. Cinq parents ont fait un retour aux études au Québec, pour compléter

une formation professionnelle. Une mère a l’équivalent d’une formation technique dans son pays,

mais a été déqualifiée au Québec. Un père a fait une formation technique au Québec. Quatre

parents ont fait des études universitaires dans leur pays d’origine, mais ont également été

déqualifiés. Enfin, trois parents sont diplômés d’une université montréalaise.

Niveau de scolarisation des parents des participants à l’étude

Étudiant Père Mère

Julia − Universitaire au Qc − Universitaire au Qc Sofia − Universitaire au Qc − Professionnel en Iran.

− Retour aux études au Qc : formation professionnelle

Matéo − Universitaire en Argentine − Universitaire en Argentine Mila − Professionnel non complété au

Chili − Selon étudiante, formation

équivalente à une technique au Chili : déqualifiée

Eduardo − Secondaire au Guatemala − Professionnel au Québec

− Secondaire au Guatemala − Professionnel au Qc

Alicia − Professionnel à Cuba : déqualifié

− Secondaire à Cuba

Miguel − Technique au Québec − Pas reçu d’éducation dans son pays parce que conditions difficiles

Flavia − Universitaire au Pérou, mais déqualifié au Qc.

− Travaille dans un hôpital : étudiant croit qu’il est infirmier.

− Préposée ou auxiliaire dans un hôpital : niveau d’études non précisé.

3Nous sommesconscientesqu’il est trèsdifficiled’établirdeséquivalencesentre lesniveauxde formationd’unpaysàl’autre.Nousnousenremettonsdoncauxréponsesdesétudiantsducorpus.Or, il fautconsidérercesinformationsavecunecertaineréservepuisquecesréponsessemblaientsouventflouesouincertainespourlesétudiants.Deplus,pourdesquestionsdedésirabilitésociale,certainsontpossiblementsurévalué leniveaude formationde leursparentsdans leurpaysd’origine.

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Acela − Secondaire non complété − Professionnel au Salvador : déqualifiée.

Guillermo − N/A : Père inconnu − Professionnel au Salvador : déqualifiée.

− Retour aux études : formation professionnelle.

Victor − Secondaire − Diplôme en soins de santé au Pérou (équivalent baccalauréat selon l’étudiant) : déqualifiée.

Trois étudiants de notre corpus dont les parents ont fait des études universitaires (Julia, Sofia et

Matéo) ont des parcours scolaires qui se démarquent des autres. Ils ont très bien réussi tant au

primaire qu’au secondaire. Deux d’entre eux ont fréquenté des programmes enrichis au

secondaire (Julia et Matéo) et les trois étudient dans un cégep anglophone dans une optique

stratégique. Le fait d’étudier en anglais est pour eux un atout qui élargira l’éventail des

possibilités dans l’avenir. Les trois ont des aspirations très élevées et sont déterminés à

poursuivre des études universitaires. Ils ont d’ailleurs tous les trois choisi des programmes pré-

universitaires au collégial et deux d’entre eux envisagent de poursuivre leurs études au deuxième

cycle.

Ces aspirations semblent liées à l’encadrement et au soutien offerts par leurs parents qui

accordent une grande valeur à l’éducation. Les parents de Julia et Sofia ont des aspirations très

élevées pour leur fille. Lorsqu’on demande à Sofia quel est le discours de ses parents au sujet de

son éducation, elle relate les propos de son père qui souhaite qu’elle suive sa trace : « I want you

to be like me and I want you to go to university and get an education. » (propos de son père

relatés par Sofia). Quant à sa mère, elle veut ce qu’il y a de mieux pour elle : « I want you to get

an education but not just any education. I want you to get a good education and I want you to get

a really good job. » (propos de sa mère relatés par Sofia). Sofia a aussi mentionné que sa mère

l’encourageait à poursuivre des études jusqu’au doctorat. Quant à Julia, ses parents l’ont toujours

soutenue dans son parcours scolaire. Dès la maternelle, ils ont embauché un tuteur privé pour

l’aider à améliorer son français. Ils avaient des exigences élevées au sujet de ses résultats

scolaires. Julia a mentionné qu’elle était punie si elle revenait à la maison avec une mauvaise

note. Sa mère semble assez impliquée également dans ses choix au cégep. Elle est allée à des

soirées d’information offertes par différents collèges pour l’accompagner dans son choix de

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programme et d’établissement. Ses parents veulent ce qu’il y a de mieux pour elle et

l’encouragent à étudier à l’université en anglais. Ils ont d’ailleurs économisé de l’argent depuis

qu’elle est toute jeune pour payer ses études. Matéo a mentionné que l’éducation est importante

pour ses parents. Ils ne « l’ont pas particulièrement poussé », mais lui ont toujours dit de

continuer puisqu’il réussissait très bien. Il dit que depuis qu’il est tout jeune « I was like : OK. I

have to study something that’s gonna be interesting, that I’m gonna like and that’s gonna make

me able to live a good life. » (Matéo). Ses parents lui ont offert leur soutien lorsqu’est venu le

moment de choisir un programme au cégep. Lorsqu’il parle de ses projets d’études, il a des

aspirations élevées et est très déterminé à réussir. Il a choisi d’étudier en sciences de la nature au

cégep pour « s’ouvrir toutes les portes ».

En revanche, la plupart des autres étudiants du corpus semblent ne pas avoir bénéficié d’un tel

type de soutien ou d’encadrement de la part de leurs parents, qui, pour la plupart, ont un niveau

de scolarisation et de qualification plus faible. Nos données montrent que même s’ils valorisent

l’éducation et qu’ils souhaitent le mieux pour leurs enfants - quelques parents ont d’ailleurs

mentionné à leurs enfants qu’ils aimeraient qu’ils fassent des études les menant à une carrière

prestigieuse comme la médecine - ces parents ont souvent plus de difficultés à décoder les

rouages du système éducatif et ont donc moins de ressources pour accompagner leurs enfants

dans leur parcours scolaire. Ils sont moins présents aux moments de faire des choix, par exemple

lors de la transition secondaire-collégial, et laissent une grande marge de manœuvre à leurs

enfants. Ils expriment aussi des attentes moins élevées que les parents plus scolarisés. Ils s’en

remettent à leurs enfants pour faire des choix qui leur conviennent. De toute façon, pour la

plupart des participants, leurs résultats scolaires au secondaire ne leur permettent pas d’envisager

des études dans des programmes contingentés. Ils se retrouvent donc à l’issue de leur secondaire

à devoir faire des choix en fonction de leur bagage scolaire antérieur, souvent semé de difficultés.

La méconnaissance du système et de ses différents paliers restreint les aspirations et les

possibilités pour ces jeunes. Ils font le constat, souvent trop tard, qu’ils auraient dû s’investir

davantage au cours de leurs études secondaires pour pouvoir choisir le programme de leur choix

au collégial et éventuellement, à l’université.

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La majorité des étudiants interrogés ont mentionné que leurs parents leur laissaient beaucoup de

liberté dans leurs choix et étaient satisfaits tant qu’ils continuaient à étudier. Mila a mentionné

que ses parents étaient déjà très fiers qu’elle ait persévéré jusqu’au collégial, puisqu’elle est l’une

des premières de sa famille à compléter des études postsecondaires. Lorsqu’on lui demande si ses

parents l’ont influencée dans son choix de programme et de cégep, elle a dit que depuis qu’elle a

16 ans, elle « fait ses affaires toute seule ». Elle a aussi mentionné : « Non, mes parents tant que

t’es à l’école, c’est parfait ! Parce que eux, au secondaire, ma mère a un programme technique

[NDLR : complété au Chili], ils sont pas allés plus loin. Donc, eux, sont… Qu’on ait fini le

secondaire, ils sont contents. » (Mila). Lorsqu’on lui demande si ses parents ont déjà souhaité

qu’elle étudie dans une université anglophone, elle répond : « Non, je pense juste nous voir,

comme ma famille, je suis comme une des très rares qui sont allés à l’université, donc juste ça,

c’est déjà de quoi de wow pour eux. » (Mila).

On retrouve un discours semblable chez Guillermo. Lorsqu’on lui demande si sa mère lui mettait

de la pression pour qu’il étudie au cégep : « Moi, non. Moi, pour ma mère, tout ce qui était

important c’était que je fasse ce qu’il faut pour être bien plus tard. Pour elle, si c’est un DEP,

c’était ça, c’était parfait. » (Guillermo). Lorsqu’on lui demande si sa mère lui a recommandé un

cégep en particulier, il répond : « [...], parce qu’elle comprend pas beaucoup comment ça

fonctionne aussi fait qu’elle m’a fait confiance. Elle m’a dit : “ Tu t’y connais, je te fais

confiance. Si tu dis que c’est ça qui va t’amener là, c’est parfait pour moi.” ». (Guillermo). Il a

d’ailleurs semblé plutôt démuni lorsqu’est venu le moment de choisir un programme d’études au

cégep. Il a été admis dans un programme d’accueil, où il a fait deux sessions et ne savait pas du

tout quel programme il allait choisir. Il y est allé par élimination en feuilletant l’annuaire des

programmes. Il a fait un essai en sciences humaines en se disant qu’il pourrait changer de

programme, mais finalement, il a apprécié.

On retrouve la même latitude chez les parents d’Alicia. Lorsqu’on lui demande quelle influence

ont eue ses parents sur ses choix au cégep, elle répond : « Ça les a jamais dérangés. Mes parents,

ils m’ont laissée librement faire mon choix de cégep. C’est pas des parents comme : “Ah, là. Il

faut que tu étudies en médecine ! Il faut que tu sois avocate ! ” [...] Mais, non. Mes parents ils ont

jamais fait “Étudie dans un cégep anglais”. Ils m’ont dit : “ Dans quoi t’es le plus à l’aise ?” »

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(Alicia). Quant à Victor, ses parents n’ont eu aucune influence sur sa décision de faire des études

collégiales ni sur son choix d’établissement ou de programme : « Mes parents, non. Ils n’ont rien

dit quand je me suis inscrit au cégep. C’était par moi-même. J’avais consulté personne. »

(Victor). Même chose pour Acela : ses parents ne l’ont jamais encouragée à choisir un

programme ou un établissement en particulier. Lorsqu’on lui demande si ses parents lui avaient

exprimé certaines attentes par rapport à son avenir, elle répond : « Non. Mes parents m’ont

toujours dit : “en autant que t’aimes ce que tu fais et que ça t’amène de l’argent, c’est parfait.” ».

(Acela).

On observe par ailleurs dans le parcours scolaire d’Acela un manque d’information pour faire des

choix éclairés. Même s’ils l’encouragent à étudier, ses parents ne semblent pas avoir été en

mesure de la soutenir aux moments-clés dans son parcours. Par exemple, lorsqu’est venu le

moment de choisir un programme d’études au cégep, Acela s’en est remis aux conseils d’une

professionnelle de l’orientation qui lui a transmis l’information. Or, lorsqu’elle parle de son choix

de programme, elle semble confuse et incertaine. Lorsqu’on lui demande en quoi consiste son

programme en commercialisation de la mode, elle répond : « Ben, moi non plus je sais pas c’est quoi exactement, mais c’est côté comme… tu peux aller dans le côté marketing. Les cours c’est comme côté commerce, mais moi j’ai dit comme : tu peux aller en communication si tu veux, tu peux aller en journalisme. C’est sur, c’est mode, mais t’es pas obligé. Marketing, je sais pas trop exactement c’est quoi non plus, mais c’est ça, j’suis en train de voir. » (Acela)

Elle doute de sa capacité à persévérer parce qu’elle a un passé scolaire difficile, mais aussi parce

qu’elle est incertaine de sa décision. Elle semble avoir choisi un programme sans avoir la

conviction que c’est vraiment un bon choix: « J’me suis dit : j’vais me lancer ici pis aussi parce

que c’est à côté de chez nous, pis j’aime l’école ici, c’est une belle école en plus, pis genre, j’ai

hâte. Mais j’avoue que la première semaine… Là, ça va faire trois semaines. La première

semaine, j’hésitais encore, même la semaine avant j’hésitais. » (Acela).

En somme, la majorité des parents des participants à notre étude sont assez ouverts et souples

face aux projets et aux choix d’études de leurs enfants. Ils leur font pleinement confiance,

souvent parce qu’ils ne connaissent pas le système d’éducation ou le marché de l’emploi. N’ayant

pas fait d’études supérieures pour la plupart, ils semblent limités dans leur capacité à les

accompagner dans leurs choix.

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1.4. Les conditions socioéconomiques La majorité des étudiants de notre corpus vivent dans une famille dont les conditions

socioéconomiques semblent plutôt modestes, ce qui a pu influencer leur parcours scolaire.

Plusieurs étudiants ont mentionné par exemple, que même si leurs parents auraient aimé qu’ils

fréquentent une école privée au secondaire, ils n’en avaient pas les moyens. La majorité des

étudiants du corpus ont plutôt fréquenté les écoles de leur quartier, souvent très défavorisées et

regroupant une forte concentration d’élèves issus de l’immigration. Quelques-uns ont d’ailleurs

mentionné que le fait d’avoir fréquenté de telles écoles avait eu un impact négatif sur leur

parcours scolaire. C’est le cas de Guillermo qui a fréquenté une école secondaire qu’il décrit

comme étant « la pire de toutes » : « c’était une école qui accueillait beaucoup d’élèves qui avaient redoublé au primaire ou qui ont beaucoup de lacunes. Puis aussi le quartier. C’est un quartier très difficile. Y a beaucoup de parents monoparentaux, y a beaucoup de violence. Fait que c’est pas un quartier qui… Comment dire ?... qui aide les jeunes. Fait que ça explique beaucoup les difficultés à l’école, y a aussi beaucoup de délinquance là-bas. À mon école secondaire, y avait plein de choses comme ça qui se donnaient. Moi j’en ai côtoyé beaucoup, puis ça m’a beaucoup influencé malheureusement. J’ai un peu comme décroché de l’école pendant cette période là. » (Guillermo).

Le fait de baigner dans un milieu défavorisé sur le plan socioéconomique et de côtoyer des élèves

qui ont des difficultés scolaires a eu un impact également sur ses aspirations et projets d’études.

Parmi ses amis, plusieurs dévalorisaient les études et méconnaissaient le système : « Quand j’étais au secondaire normal, on dirait je sais pas, que je croyais pas à l’étude. Comme, parce qu’il y a plein de mes amis qui partaient en DEP [diplôme d’études professionnelles], puis ils se disaient que le DES [diplôme d’études secondaires] ça sert à rien, ça sert juste à rentrer au cégep. Puis moi, ça m’a comme rentré dans la tête, puis aussi quand je regardais les programmes au cégep, je trouvais pas quelque chose qui m’appelait, fait que je comprenais rien aussi comment ça fonctionnait. Fait que ça m’attirait pas. Je pensais juste faire un DEP… » (Guillermo).

Rappelons que Guillermo a vécu avec sa mère monoparentale et ses deux sœurs dans des

conditions socioéconomiques très précaires, puisqu’elle a subi une déqualification

professionnelle à son arrivée au Québec. Ils ont donc habité dans un quartier où le coût des

logements est probablement plus abordable, comme plusieurs autres participants d’ailleurs.

Dans le même esprit, un changement d’école pour Flavia, en 6è année, a semblé marquant dans

son parcours scolaire, notamment parce que le climat ne semblait pas favorable à sa réussite : « C’était un gros changement parce que c’était vraiment plus bas, t’sais […] je suis partie d’une école quand même vraiment toute hygiénique, toute beau, tout le monde était […] full respectueux, genre y’avaient des bonnes manières. À [Nouvelle école] c’était vraiment genre on aurait dit des petits gangsters. […] C’était quelque chose de nouveau. Y’avait toujours du monde qui se battait. » (Flavia).

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Ce changement d’école marque d’ailleurs le début de certaines difficultés scolaires chez elle :

« J’avais de la difficulté, ça je me rappelle. En sixième année ça commençait un peu en français

la difficulté [...] » (Flavia). Elle dit avoir ensuite fréquenté une école secondaire très

multiethnique et ayant la réputation d’être dangereuse, mais que ses parents ne le savaient pas. Ils

ont choisi cette école parce qu’elle était située près de leur demeure. Sans qu’elle ne le mentionne

explicitement, ses propos portent à croire que le fait de baigner dans ce milieu n’a pas favorisé sa

réussite, notamment parce qu’elle manquait de sérieux dans ses études : « […] secondaire…en secondaire 1, je me rappelle que j’ai beaucoup « fouarré », mais après en secondaire 2, j’avais des bonnes notes, secondaire 3 moyen, secondaire 4, les maths…les maths j’ai passé juste. Je pense que j’ai fait des cours d’été…ou c’était en 3, non en 4 j’ai passé et en 3 j’ai fait des cours d’été, ouais c’est ça. Pis on n’a pas besoin de maths de secondaire 5 pour avoir le diplôme donc…(rires). Ouais, j’étais heureuse. »

Le cas d’Acela est assez semblable. Elle a fréquenté une école secondaire qu’elle présente

comme « l’une des pires », mais qu’elle a fréquentée parce qu’elle était située près de chez elle.

Lorsqu’elle parle de son vécu scolaire au secondaire, elle regrette son manque de sérieux. Même

si sa mère croit que le fait d’avoir fréquenté cette école a nui à sa réussite, elle ne partage pas cet

avis : « Ben moi la seule chose que j’aime pas, ça a pas à voir avec l’école, c’est moi, c’est que

j’me suis pas forcée à l’école, j’m’en foutais. Fac, après j’me suis rattrapée, là j’me rattrape

maintenant. C’est vraiment juste plus ça, j’ai juste niaisé, j’me suis amusée et tout, mais je l’ai

pas pris au sérieux. » (Acela). Comme pour Flavia, même si elle ne le mentionne pas

explicitement, ses propos portent à croire que le fait d’avoir fréquenté un milieu considéré

difficile a pu nuire à sa réussite.

Quant à Victor, qui a fait une bonne partie de son secondaire dans des classes pour des élèves

ayant des troubles de comportement d’une école très défavorisée, le fait d’avoir côtoyé des élèves

délinquants a clairement eu une mauvaise influence sur lui : « J’étais avec des vieux, des jeunes, des ados plus vieux que moi, d’une année ou deux années. Puis eux, je trouvais que eux peut-être ils méritaient d’être là, parce que leur façon de se comporter et tout, mais pas moi. Pis là, vu que j’ai commencé à connaître ces gens, ils m’ont emmené dans un chemin plutôt mauvais, tu vois, que je n’aurais pas dû connaître. [...] Ils fumaient. Ma famille, personne fume, mais là eux ils m’ont commencé à fumer, et c’était direct la marijuana, tu vois, la cigarette j’ai jamais touché à ça, c’était direct la marijuana, là j’ai pas vraiment aimé ça pour de vrai, parce que c’était pas mon objectif. Mon objectif c’était réussir, ça a toujours été, depuis que je suis arrivé ici, en maternelle, moi j’ai dit à ma mère : “je vais finir par me rendre à l’université”. Puis ça a toujours été ça mon objectif. Fac là, j’ai essayé trop de me séparer d’eux, mais tu vois quand on est tous dans la même classe, on fait des activités de classe. On est toujours ensemble. » (Victor).

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Rappelons que le parcours de Victor est semé d’embuches et qu’un ensemble de facteurs ont fait

en sorte que son parcours scolaire fut particulièrement difficile. Toutefois, à l’instar de

Guillermo, le fait de vivre avec sa mère monoparentale, dans des conditions socioéconomiques

très précaires et de fréquenter des écoles défavorisées a influencé son parcours scolaire.

La précarité économique des parents a également un impact sur les projets d’études des

participants. Par exemple, Eduardo a modulé ses projets en fonction du soutien financier de ses

parents qui lui ont clairement dit qu’ils n’avaient pas les moyens de financer ses études s’il

souhaitait aller à l’université. Ils l’encourageaient plutôt à compléter des études collégiales

techniques pour accéder le plus rapidement possible au marché de l’emploi. Ainsi, même s’il

souhaite aller à l’université, Eduardo a entrepris des études techniques afin de décrocher un

emploi. Il mise sur cet emploi éventuel pour financer ses études universitaires. Or, on peut se

demander si ce désir d’étudier à l’université se maintiendra une fois qu’il aura commencé à

travailler et le cas échéant, s’il réussira à concilier les études universitaires avec son emploi

jusqu’à l’obtention de son diplôme.

Flavia, quant à elle, semble plutôt incertaine de pouvoir accéder à des études universitaires

puisqu’elle ne pourra compter sur ses parents pour payer ses études. Elle dit qu’elle devra

travailler et doute de sa capacité à concilier ces deux occupations. Dans la même optique

qu’Eduardo, elle voit ses études techniques comme un atout lui permettant de décrocher un

emploi et d’économiser un certain temps afin de payer d’éventuelles études universitaires : « Ben peut-être que je vais aller à l’université, ça c’est peut-être. Si j’y vais pas, peut-être que je prendrai une année sabbatique, t’sais quand t’économises beaucoup d’argent, aller à l’université, avoir mon diplôme, avoir déjà de l’argent de côté parce que sinon il va falloir que je travaille pendant que je vais à l’école et c’est dur travailler et…T’sais je vois ma sœur à tous les jours qu’elle travaille après elle va à l’école. » (Flavia).

Comme pour Eduardo, on peut se demander si cette interruption dans son parcours scolaire pour

travailler, une fois son diplôme technique obtenu, aura pour effet de diminuer sa motivation pour

des études universitaires.

En revanche, certains participants ne semblent avoir aucun doute quant à leur possibilité

d’accéder à l’université. C’est le cas de Julia dont les parents ont économisé pour ses études

postsecondaires depuis qu’elle est toute jeune. Leur situation économique aisée leur a également

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permis d’offrir à leur fille des conditions favorables à sa réussite même avant le début de sa

scolarisation. Elle a, par exemple, fréquenté une pré-maternelle en milieu privé avant son entrée

officielle à l’école. Ils ont également embauché un tuteur privé pour la soutenir dans son

apprentissage du français dans les premiers temps de sa scolarisation. Sans qu’elle ne le

mentionne explicitement, on peut présumer que ces investissements dans son éducation ont

favorisé sa réussite, et ce, dès les débuts de son parcours scolaire.

1.5. Le rapport à l’éducation Dans l’ensemble, les parents des participants à notre étude semblent accorder une grande valeur à

l’éducation et souhaiter que leurs enfants réussissent. Malgré les défis souvent nombreux

auxquels ils sont confrontés dans leur nouvelle société et la charge importante qui en découle, ils

font ce qu’ils peuvent, avec les ressources - souvent limitées - dont ils disposent pour soutenir

leurs enfants dans leur parcours scolaire. Le cas de Victor est assez éloquent à cet égard. Sa mère,

monoparentale, et vivant dans des conditions socioéconomiques très difficiles a malgré cela

embauché un tuteur privé pour soutenir son fils dans son apprentissage du français lors de son

retour au Québec, après deux années au Pérou où il n’avait pas fréquenté l’école. Dans le même

esprit, les parents de Mila ont fait l’effort de lui parler en français à la maison avant son entrée à

la maternelle afin de la préparer à son immersion française à l’école, même s’il n’était

probablement pas naturel pour eux de communiquer dans une langue seconde avec leur enfant à

la maison. Les propos d’Alicia témoignent également d’une grande valorisation de l’éducation au

sein de sa famille. Elle mentionne que dès leur arrivée au Québec, ses parents ont convenu que sa

mère investirait son temps et son énergie à l’apprentissage du français afin d’être en mesure de

soutenir leurs enfants à l’école. Elle dit d’ailleurs, que sa mère a travaillé beaucoup avec elle pour

l’aider à surmonter ses difficultés en français écrit au primaire, notamment en faisant des

exercices à la maison dans des cahiers que sa mère avait achetés pour elle. Elle souligne aussi à

plusieurs reprises à quel point ses parents se sont sacrifiés et investis pour qu’elle réussisse à

l’école dans son programme sport-études, qui était très exigeant pour elle. Ils ont toujours

valorisé les études et l’ont encouragée à travailler fort pour réussir. Certains participants parlent

des exigences élevées de leurs parents quant aux travaux à faire à la maison, ce qui témoigne

d’une volonté que leurs enfants s’investissent dans leurs études afin de réussir. C’est le cas de

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Flavia : « Ah mes parents […]. Au primaire, j’pense quand j’étais en deuxième année primaire,

ils m’obligeaient à apprendre toute la table de multiplications. Ils m’obligeaient vraiment tous les

jours pendant deux heures, ils me faisaient faire toute la table et tous les verbes. » (Flavia). Quant

aux parents d’Eduardo, puisqu’ils n’avaient pas les moyens de payer pour que leur fils fréquente

une école privée au secondaire, ils ont pris le temps de s’informer afin de choisir une école

publique ayant une bonne réputation. Ils ne voulaient pas qu’il fréquente une polyvalente : « Les polyvalentes ont mauvaise réputation selon mes parents et selon ce que j’ai pu constater, […]. Ben en fait, les polyvalents acceptent n’importe qui au fond. […] On ne voulait pas une école privée non plus. Parce que bon, money is power comme on dit. […] mais on voulait quand même une école qui permet d’avoir […] un bon avancement académique sans que ce soit trop cher. Alors le meilleur compromis était à [École X] qui avait une réputation. Puis selon les palmarès de l’Actualité, il y a plusieurs années, c’était considéré comme une des meilleures écoles de la province. » (Eduardo).

L’importance accordée par ces parents au choix de l’école de leur fils témoigne d’une grande

valorisation de l’éducation. Ils s’investissent pour choisir une école qui maximisera les chances

de réussite de leur enfant. En revanche, chez la plupart des parents, on sent une confiance dans le

système scolaire et une conception très positive des établissements d’enseignement québécois, en

particulier s’ils les comparent à ceux de leur pays d’origine. Pour la majorité, le critère de

proximité a été le premier considéré lorsqu’est venu le moment de choisir une école, même pour

les parents de Julia, qui valorisent beaucoup l’éducation, soutiennent leur fille dans son parcours

scolaire et souhaitent ce qu’il y a de mieux pour elle. Ces derniers ont choisi les écoles publiques

du quartier pour leur fille. Ils prenaient pour acquis que toutes les écoles au Canada offrent une

éducation de qualité si on les compare avec celles de leur pays d’origine et ne voyaient donc pas

l’intérêt de payer pour l’école privée.

1.6. Les relations parents-enfants Malgré les embûches souvent nombreuses dans leur cheminement scolaire, on perçoit dans le

discours des participants une forte volonté de réussir et de rendre leurs parents fiers d’eux. Le

lien, l’attachement à la famille est très fort et encourage les participants à persévérer malgré les

difficultés et les limites dans le soutien ou l’encadrement que leurs parents ont été en mesure de

leur offrir dans leur parcours scolaire. Les enfants sont conscients des grands défis que leurs

parents ont dû relever pour immigrer au Canada. Ils ont dû faire de nombreux sacrifices : quitter

leur pays, leur famille, leurs amis, leur emploi, leur statut socioéconomique, dans l’espoir d’offrir

une vie meilleure et élargir les possibilités pour leurs enfants. Ces derniers se sentent redevables.

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Malgré un nombre considérable de difficultés (linguistiques, scolaires, sociales, économiques,

etc.) ou de lacunes (soutien parental à l’école, réseau de soutien, manque de connaissance du

système, de ses exigences, etc.), ces étudiants font preuve d’une grande résilience et développent

des stratégies pour surmonter ces difficultés et ne pas décevoir leurs parents. Ils espèrent réussir

leurs projets d’études afin de décrocher un bon emploi et en quelque sorte, redonner à leurs

parents la fierté qu’ils ont peut-être perdue pour eux-mêmes, lors de la migration.

L’exemple d’Alicia est assez éloquent. Sa relation avec ses parents est fusionnelle. Elle se sent

infiniment redevable pour tout ce qu’ils ont fait pour elle : « parce que pour moi, mes parents ils se sont occupés de moi depuis que je suis née. Ils m’ont fait grandir, ils se sont sacrifiés pour moi, parce que c’est vraiment ça qu’ils ont fait. Mes parents, ils voyagent pas, ils font rien, parce que tout ce qu’ils ont c’est pour nous, ma sœur, mon frère et moi. Tout, tout, ils se sont sacrifiés pour nous. J’veux vraiment les gâter, j’veux les remercier pour tout ce qu’ils ont fait parce que quand ils seront plus là, je veux pas regretter pis faire : «J’aurais dû passer plus de temps avec mon père, j’aurais voulu...». Mes parents, moi, je les adore [...] » (Alicia).

On sent que son travail acharné et sa volonté de se dépasser dans ses études et dans le sport visent

à plaire à ses parents, ses modèles, qui travaillent tant. Elle est même prête à mettre de côté ce qui

pourrait la faire déroger de ses objectifs, comme les relations amoureuses, par exemple : « Mais,

j’ai pas le temps pour ça. Pis, j’veux dire, mes parents, ils ont investi tellement dans ça[les études

et le judo]. Je pourrais pas faire : “Ah, maintenant j’ai un copain, j’arrête ça.” C’est pas être

reconnaissant envers le monde qui t’ont aidée, le monde qui ont cru en toi. » (Alicia). Le fait que

ses parents aient immigré et travaillé fort pour améliorer la vie de leur famille semble beaucoup

l’inspirer. Ils lui ont transmis le sens de l’effort et de la persévérance et elle souhaite léguer ces

valeurs à ses propres enfants plus tard : « Moi, je pense que les enfants immigrants qui ont vu leurs parents travailler pour ce qu’ils voulaient...[…] On a rien eu facile dans la vie. Moi, mes parents, je les ai vus depuis que je suis p’tite. Ils se tuent à travailler pour nous, […] donc c’est ça que je vais faire plus tard. Pis je vais inculquer ces valeurs-là à mes enfants, que c’est la famille, le travail, pis faut être persévérant. » (Alicia).

Elle a de fortes ambitions et souhaite obtenir les diplômes (collégial technique et de premier cycle

universitaire) qui lui permettront de mener deux carrières : designer de mode et enseignante. Elle

prend ses parents, qui ont toujours beaucoup travaillé, pour modèles: « Mes parents, moi, j’ai

toujours vu mon père avoir deux emplois à la fois. Pis c’est du monde travaillant, donc je suis

rendue comme ça. J’ai pas peur du travail. Tu me dis :“Trois jobs. Trois jobs.” Ça me dérange

pas, ça va juste rapporter plus. » (Alicia).

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Bien que de façon un peu moins marquée, d’autres participants s’inspirent du vécu de leurs

parents pour entrevoir leur avenir. Le courage dont ils ont fait preuve pour relever les défis de

l’immigration leur a été transmis et ils y puisent pour définir leurs propres projets ou persévérer

dans leurs études malgré les difficultés. Miguel, par exemple, s’inspire du courage de ses parents

pour entrevoir son avenir dans un autre pays : « Moi, je suis ouvert. Juste mes parents ils ont

passé à travers deux pays. Pourquoi pas moi ? Si ça a déjà été fait, ça peut être fait encore. »

(Miguel). À l’inverse, Guillermo se sent très reconnaissant envers sa mère pour tout ce qu’elle a

fait pour qu’ils puissent s’établir au Québec et ne se voit pas vivre ailleurs : « C’est un manque de

respect, t’sais elle a tellement travaillé pour venir ici. » (Guillermo). On sent d’ailleurs dans ses

propos qu’il a une relation très positive et respectueuse envers sa mère. Même s’il ne le

mentionne pas explicitement, elle semble l’avoir inspiré par son courage et sa détermination, elle

qui est arrivée seule à Montréal avec son fils, sans ressource, et qui a eu la force de faire un retour

aux études pour décrocher un diplôme professionnel. Quand il parle de ses propres projets ou de

ses motivations, on perçoit une grande proximité avec les projets de sa mère. Pour Acela qui a eu

un parcours scolaire plutôt difficile, la force de persévérer semble venir en bonne partie de ses

parents. Même si elle considère que trois années pour compléter une formation technique, c’est

long, elle veut le faire, entre autres, pour ses parents. Elle veut qu’ils soient fiers d’elle : « T’sais

j’veux ma carrière parce que j’le veux pour moi, mais j’le veux aussi pour mes parents, [...] fac en

ce moment j’suis super heureuse, j’pense j’ai fait le bon choix, j’ai vraiment hâte de finir par

exemple (rires), trois ans pour moi c’est trop! » (Acela). Même si ses parents n’ont pas

d’aspirations élevées ou bien précises pour elle, elle souhaite tout de même les rendre fiers : « [...] je veux mon diplôme, mon DEC, pi j’vais l’avoir dans trois ans. Moi j’suis motivée, je le voulais. Pis j’ai toujours dit à mes parents je l’veux, j’vais l’avoir fac je sais qui vont être fiers de moi. Pis je sais que mes parents étaient quand même fiers de moi quand j’ai fait le p’tit DEP [Diplôme d’études professionnelles], mais j’ai dit : “ j’veux plus, je sais que j’capable ”. » (Acela).

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2. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS

La majorité des familles de notre corpus ont vécu un processus migratoire particulièrement

difficile. Elles ont, pour la plupart, fui leur pays pour échapper à un climat d’insécurité

socioéconomique, d’instabilité politique et parfois même de violence. En s’installant au Québec,

elles souhaitaient vivre dans des conditions meilleures et élargir l’éventail des possibilités pour

leurs enfants. Toutes les familles du corpus ne maîtrisaient pas le français lors de leur arrivée à

Montréal, la majorité étant hispanophone. Le défi de l’apprentissage de la langue a donc été

important pour la plupart des parents et a eu des répercussions sur leur capacité de soutenir leurs

enfants dans leur parcours scolaire et de décoder les rouages du système éducatif. Seuls deux

parents, anglophones, ont vécu une intégration plus aisée puisqu’ils n’ont pas eu à apprendre une

nouvelle langue. Ils ont fait leurs études, vivent et travaillent exclusivement en anglais. Leur fille

a d’ailleurs un parcours de réussite.

Par ailleurs, la majorité des parents des participants ont un niveau de scolarisation et de

qualification plutôt faible. Même si quelques-uns avaient fait des études postsecondaires dans

leur pays d’origine, ils ont tous été déqualifiés au Québec. L’intégration socioéconomique a donc

représenté un défi important pour eux. Plusieurs ont vécu dans des conditions particulièrement

difficiles dans les premiers temps de leur installation au Québec. Ils se sont établis dans des

quartiers très défavorisés, ce qui a fait en sorte que leurs enfants ont fréquenté des écoles ayant

souvent mauvaise réputation. Certains étudiants ont d’ailleurs mentionné que le fait de vivre dans

un tel milieu avait eu un impact négatif sur leur carrière scolaire et sur leurs aspirations. En

revanche, trois étudiants qui ont une carrière scolaire de réussite et des aspirations élevées ont des

parents qui ont fait des études universitaires, dont 3 sur les 4 ont étudié à Montréal. Ces parents

semblaient mieux outillés pour soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire, notamment

lorsqu’est venu le moment de faire des choix pour les études postsecondaires et avaient des

aspirations très élevées pour eux. Pour la majorité des parents, il ressort globalement un rapport

très positif à l’éducation, une forte volonté que leurs enfants réussissent et un engagement dans ce

sens à la mesure des ressources dont ils disposent. Toutefois, il semble clair que la plupart des

familles de notre corpus se trouvent dans une situation plutôt défavorable puisqu’elles détiennent

un niveau de scolarisation et de qualification faible et vivent dans des conditions

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socioéconomiques précaires. Ces parents ne disposent que de ressources très limitées pour

soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire. Ils font malgré tout ce qu’ils peuvent, font

confiance au système éducatif et à leurs enfants à qui ils laissent beaucoup de liberté dans leurs

choix. Il ressort enfin que la relation des participants avec leurs parents est dans l’ensemble, très

positive. Les étudiants sont très conscients que leurs parents ont fait de nombreux sacrifices et ont

eu à relever d’énormes défis pour leur offrir des conditions de vie meilleures. Ils se sentent très

redevables envers eux et sont investis d’un fort désir de réussir, malgré les difficultés, pour qu’ils

soient fiers d’eux.

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CHAPITRE 4 – DISCUSSION Nous tenterons maintenant de situer nos résultats par rapport aux travaux publiées sur la question

qui nous intéresse, soit l’influence du profil familial des jeunes immigrants sur leur carrière

scolaire. Comme nous l’avons mentionné précédemment, très peu d’études se sont attardées

spécifiquement à la situation des familles immigrantes issues de l’Amérique latine. Nous

mettrons donc en relief les éléments saillants de notre recherche.

1. Un vécu migratoire souvent difficile

Plusieurs familles de notre corpus ont eu un parcours migratoire difficile (clandestinité, statut de

réfugié, etc.). Elles proviennent de régions défavorisées sur le plan socioéconomique, et c’est

bien souvent pour cela qu’elles ont quitté leur pays. Leurs ressources économiques, sociales,

linguistiques et culturelles étaient pour la plupart très limitées lorsqu’elles sont arrivées au

Canada. Leur intégration a donc été particulièrement exigeante. Elles ont eu à apprendre une

nouvelle langue, à s’adapter au climat, à trouver un emploi alors que plusieurs ne détenaient

qu’un faible niveau de scolarisation et de qualification. Ceux parmi les parents qui avaient fait

des études postsecondaires dans leur pays ont tous subi une déqualification professionnelle au

Québec. Plusieurs n’avaient que très peu de soutien. Ces familles ont dû rebâtir leurs réseaux, ce

qui n’est pas chose aisée lorsqu’on ne maîtrise pas la langue, qu’on ne connaît presque personne,

qu’on est sans emploi. Si leurs enfants ont eu à s’adapter à la vie scolaire dans les premières

années de la migration, le défi de l’intégration a été d’autant plus lourd pour toute la famille.

L’école a représenté une structure de plus à décoder pour les parents qui en avaient « plein les

bras » dans les premiers temps de leur migration. Ils étaient donc moins outillés et disponibles

pour soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire.

Nos résultats rejoignent donc les travaux de Kanouté et al. (2008) et de McAndrew (2015) qui

mentionnent que les conditions de départ du pays d’origine ont des répercussions importantes sur

la famille en général, et sur les enfants en particulier, puisque des circonstances migratoires

difficiles peuvent affecter la structure familiale et entraver l’exercice des compétences parentales

favorables à l’éducation. Nos données révèlent que le profil des familles originaires de

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l’Amérique latine est plutôt défavorable au regard des conditions migratoires, ce qui, comme

l’indique la recherche, peut avoir des conséquences sur la carrière scolaire des jeunes issus de

cette région. Or, les jeunes de notre corpus, sélectionnés notamment en tant qu’étudiants au

collégial, sont parmi les plus résilients par rapport à l’ensemble de leurs semblables, puisque

malgré les embuches souvent nombreuses dans leur parcours, ils ont persévéré jusqu’aux études

postsecondaires. En faisant écho aux résultats de Finnie et Mueller (2010) qui ont révélé qu’au

Canada, les jeunes immigrants issus de l’Amérique latine avaient des aspirations moins élevées

que les autres groupes d’immigrants et les Canadiens de naissance, nos résultats révèlent une

combinaison d’éléments qui ont permis aux participants à notre étude de surmonter les nombreux

obstacles découlant du vécu migratoire de leur famille et ainsi, de déjouer leur « destin scolaire »

défavorable.

2. Des défis découlant d’une faible maîtrise du français

Les résultats de notre recherche rejoignent ceux cités par McAndrew (2015) qui souligne les

désavantages découlant d’une faible maîtrise du français pour les familles immigrantes, entre

autres pour l’intégration et la compréhension de la nouvelle société et du système scolaire. Aucun

des parents de notre corpus ne maîtrisait le français lors de sa migration au Québec. Certains ont

même été étonnés de constater que cette langue est parlée par une majorité et que leurs enfants

allaient devoir fréquenter une école francophone. L’apprentissage du français a donc représenté

un défi important pour ces familles et a pu retarder leur intégration socioéconomique. Leur faible

maîtrise du français a influencé également leur capacité de soutenir leurs enfants dans leur

parcours scolaire, ce qui rejoint également les conclusions de McAndrew (2015). Plusieurs

participants ne maîtrisaient pas le français lors de leur entrée à la maternelle, puisqu’ils parlaient

toujours en espagnol à la maison. Certains, comme Eduardo ont vécu difficilement leurs

premières années à l’école. D’autres ont mentionné qu’il était difficile pour leurs parents de les

soutenir dans leurs travaux scolaires, en particulier en français écrit. Les communications avec le

milieu scolaire étaient aussi difficiles pour certains parents, qui ne comprenaient pas les

informations transmises par l’école. Cette difficulté a pu nuire considérablement à certains

comme Victor, qui a manqué une bonne partie de l’année parce que sa mère n’avait pas compris

qu’il devait retourner à l’école après le congé des Fêtes. En revanche, les parents du corpus qui

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maîtrisaient l’anglais ont semblé s’intégrer plus facilement à leur nouvelle société puisqu’ils

pouvaient vivre en anglais.

3. Des conditions socioéconomiques défavorables

La plupart des étudiants de notre corpus vivent au sein de familles défavorisées sur le plan

socioéconomique, ce qui semble étroitement lié à leur vécu migratoire. Ayant quitté leur pays

dans des conditions souvent précaires, ils se sont retrouvés particulièrement démunis lors de leur

établissement au Québec, du moins dans les premiers temps, ce qui rejoint les résultats cités par

Boucheron et al. (2012) et McAndrew (2015). Plusieurs participants ont évoqué certaines

conséquences de ces conditions socioéconomiques difficiles sur leur parcours scolaire. Leurs

propos rejoignent des recherches citées par McAndrew (2015) qui mentionnent que les conditions

socioéconomiques difficiles de certaines familles immigrantes peuvent affecter le parcours

scolaire de leurs enfants parce qu’elles ont un accès plus limité aux ressources matérielles et

culturelles nécessaires à leur réussite. Plusieurs ont fréquenté des écoles défavorisées où le climat

n’était pas favorable à leur réussite et a restreint leurs aspirations scolaires. Certains ont

également mentionné que la situation économique précaire de leurs parents avait un effet sur

leurs projets scolaires et pouvait restreindre leurs aspirations pour les études universitaires. Leurs

parents n’étant pas en mesure de leur offrir un soutien pour financer de telles études, ils doutent

de leur capacité à y accéder. A contrario, d’autres étudiants dont les parents ont une situation

économique plus favorable – une minorité au sein de notre corpus - ne semblent avoir aucun

doute quant à leur possibilité d’accéder à des études universitaires. C’est le cas de Julia, dont les

parents ont économisé afin de financer ses études.

4. Un capital culturel faible qui limite les capacités des parents à soutenir leurs

enfants dans leur parcours scolaire

Le profil des familles de notre corpus, en ce qui a trait au capital culturel, se distingue de celui

décrit dans de nombreuses recherches qui révèlent la présence d’un capital culturel élevé chez

plusieurs familles immigrantes et soulignent diverses caractéristiques positives qui en découlent,

notamment au regard des choix scolaires et de la capacité d’accompagner les enfants dans leur

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parcours (McAndrew, 2015 ; Kanouté et al., 2008 ; Ben-Salah, 2011). La majorité des parents de

notre corpus étant peu scolarisés et qualifiés, ils détiennent un capital culturel plutôt faible, ce qui

a pu limiter leur capacité à soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire. Par exemple,

plusieurs participants ont révélé que leur famille manquait d’information scolaire et

professionnelle lorsqu’est venu le moment de faire des choix pour les études collégiales.

Plusieurs parents ne connaissent pas bien le système scolaire, ses différents paliers et les

débouchés du marché de l’emploi québécois. Ils s’en remettent donc à leur enfant pour accéder à

l’information nécessaire pour faire des choix éclairés. Plusieurs étudiants ont d’ailleurs

mentionné avoir fait leur choix de programme et de cégep seuls. Leurs parents leur ont fait

pleinement confiance et leur ont accordé une grande liberté. La plupart des parents de notre

corpus expriment également des attentes peu élevées en matière de scolarisation. Ils sont

satisfaits et fiers de leurs enfants dans la mesure où ils sont « encore » aux études. Une étudiante

a d’ailleurs mentionné que ces parents étaient très fiers qu’elle fasse des études supérieures

puisqu’elle est l’une des premières de sa famille à y arriver. Même si plusieurs parents rêvent

d’une carrière prestigieuse pour leurs enfants, ils sont ouverts aux choix de leurs enfants et leur

laissent la latitude de choisir un programme en fonction de leurs intérêts. Ces choix sont

également modulés en fonction des performances scolaires antérieures, qui, pour plusieurs

participants, représentaient des limites. La pression pour faire des études universitaires ne semble

pas très forte chez les participants à notre étude. Certains parents vont même jusqu’à décourager

leurs enfants d’aller à l’université puisqu’ils ont tendance à en surestimer les coûts et à en sous-

estimer les bénéfices.

En revanche, les étudiants du corpus dont les parents ont fait des études universitaires semblent

mieux pourvus en capital culturel, en particulier ceux ayant étudié au Québec. Ils sont beaucoup

plus impliqués dans les projets scolaires de leurs enfants, ils s’informent davantage, discutent

avec leurs enfants et ont des aspirations élevées pour eux, ce qui rejoint les résultats de recherche

recensés (McAndrew, 2015 ; Kanouté et al., 2008 ; Ben-Salah, 2011). De plus, ils semblent

mieux outillés pour soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire et lorsqu’ils rencontrent des

limites, ils mobilisent d’autres ressources pour y pallier.

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5. Le projet migratoire des parents qui pousse les étudiants à se dépasser

Le projet migratoire des parents de notre corpus est, pour la plupart, centré sur le rêve d’une

mobilité sociale pour leur famille. Ils valorisent l’éducation et souhaitent que leurs enfants

réussissent parce qu’ils sont conscients que cette réussite est une condition à la réalisation de ce

rêve, ce qui rejoint de nombreux travaux (Kanouté et al., 2008; Kanouté & Lafortune, 2010;

McAndrew, 2015; Vatz-Laaroussi et al., 2008). Plusieurs parents de notre corpus semblent avoir

eu difficilement accès à l’éducation dans leur pays d’origine et valorisent donc l’amélioration des

conditions de vie de leurs enfants via la scolarisation, ce qui rejoint des résultats cités par

McAndrew (2015). Les participants à notre étude sont bien conscients du projet migratoire de

leurs parents, mais aussi des nombreux sacrifices et investissements qu’ils ont faits pour qu’il se

réalise. Plusieurs ont clairement mentionné ne pas vouloir décevoir leurs parents. Ils veulent que

ces derniers soient fiers d’eux, et cette volonté les amène à se dépasser et à persévérer. C’est

peut-être là un facteur déterminant sur leur intention de persévérer. En dépit des limites de leurs

parents en matière de soutien dans leur parcours scolaire, ces derniers leur transmettent le désir

de réussir pour faire leur place dans leur société d’accueil et vivre dans de bonnes conditions.

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CONCLUSION

Notre étude révèle que le profil familial des étudiants immigrants issus de l’Amérique latine est

plutôt défavorable au regard de la réussite scolaire. Des conditions migratoires éprouvantes, des

difficultés linguistiques, des conditions socioéconomiques précaires et un faible capital culturel

sont des éléments de ce profil qui limitent la capacité de leurs parents à les soutenir au cours de

leur parcours scolaire et en particulier, lors de la transition vers les études postsecondaires. Ainsi,

la mise en lumière de ces obstacles présents chez plusieurs familles de notre corpus apporte

certaines pistes pour expliquer pourquoi les étudiants d’origine latino-américaine sont

désavantagés sur le plan de la persévérance et de la réussite à l’enseignement supérieur. Notre

étude a toutefois révélé certaines caractéristiques favorables dans le profil familial des étudiants

de notre corpus. D’abord, ces parents accordent une grande valeur à l’éducation et ont un fort

désir que leurs enfants réussissent. Ils entretiennent également des relations très positives avec

leurs enfants. Les étudiants de notre corpus ont été nombreux à exprimer leur ambition de rendre

leurs parents fiers d’eux, pour les remercier en quelque sorte, pour les nombreux sacrifices

découlant de leur migration. Ces caractéristiques ont possiblement contribué à ce que plusieurs

participants à notre étude déjouent leur « destin scolaire ». Rappelons que ces derniers – qui ont

tous persévéré jusqu’aux études collégiales - sont parmi les plus favorisés ou du moins, les plus

résilients au regard de la persévérance et de la réussite si on les compare à l’ensemble de leurs

compatriotes. En effet, comme l’ont révélé les études de Finnie et Mueller (2010) et de Kamanzi

et Murdoch (2011) les étudiants immigrants issus de l’Amérique latine ont, dans l’ensemble, des

aspirations moins élevées que tous les autres groupes d’immigrants et les Canadiens de naissance.

Ils sont donc peu nombreux à accéder à l’enseignement supérieur et à réussir.

1. Pistes d’intervention auprès de ces étudiants et de leur famille Favoriser l’égalité des chances de réussite des jeunes immigrants implique une mobilisation de

plusieurs acteurs. Si le soutien et l’accompagnement de la famille sont certes très importants pour

la réussite de ces jeunes, l’implication des intervenants des milieux d’éducation et de la

communauté peut être aussi déterminante lorsque la famille a moins de ressources ou vit des

difficultés découlant de sa migration. Kamanzi et al., (2007) rappellent que ce n’est pas

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uniquement le capital humain et social des élèves et leurs familles qui influence leur réussite

scolaire. Les intervenants des milieux d’éducation ont également la capacité de bonifier ce capital

et de le mobiliser au profit de la réussite. Le personnel scolaire, et tout particulièrement les

enseignants et les conseillers d’orientation, ont un rôle-clé à jouer pour favoriser la réussite des

élèves et étudiants issus de l’immigration et en particulier, ceux qui présentent des profils moins

favorables. Ces intervenants peuvent pallier certaines inégalités qui affectent particulièrement ces

jeunes en favorisant l’accès à l’information scolaire et professionnelle leur permettant de faire des

choix stratégiques en vue des études postsecondaires. Information qui peut s’avérer difficile à

obtenir ou à décoder pour leurs parents. Ces intervenants ont également tout intérêt à développer

des relations basées sur le respect et la confiance avec les familles de ces jeunes afin qu’elles se

sentent bienvenues à l’école et se familiarisent peu à peu avec cette institution. Nous réitérons les

recommandations formulées par Vatz Laaroussi, Kanouté et Rachédi (2008) qui suggèrent au

personnel des milieux scolaires de faire preuve d’ouverture face aux modalités de collaboration

des familles immigrantes avec l’école puisqu’une diversité de modèles de collaboration peut être

favorable à la réussite.

De même, une mobilisation de la communauté et, en particulier, des organismes communautaires

peut avoir des effets importants pour soutenir la réussite des jeunes immigrants, notamment dans

les milieux qui conjuguent immigration récente et défavorisation (Kanouté & Lafortune, 2011).

Ces organismes sont des espaces de construction-consolidation du lien social et d’amélioration

des conditions de vie des familles (Baillargeau, 2007; Panet-Raymond, Lamoureux, Lavoie, &

Mayer, 2008). Ils peuvent aider les familles immigrantes à apprivoiser l’expérience migratoire

(Kanouté et al., 2008; Vatz-Laaroussi et al., 2008) et à actualiser et bonifier leur capital social en

favorisant leur accès aux ressources et à l’information nécessaire à leur intégration

socioéconomique (Kanouté & Lafortune, 2011) et à la réussite scolaire de leurs enfants.

2. Limites et pistes de recherche

D’entrée de jeu, il importe de mentionner quelques limites découlant du fait d’avoir travaillé à

partir de données secondaires. Nous n’avons eu que peu de détails sur la situation économique

des étudiants et de leurs familles, tout comme sur le parcours scolaire des parents eux-mêmes.

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Nos données à cet égard se limitaient à ce que les étudiants en savaient ou voulaient en dire. Or,

en raison du biais de désirabilité sociale, les étudiants interrogés ont peut-être présenté de façon

optimiste leur situation économique familiale et le niveau de scolarité de leurs parents. Par

ailleurs, puisque nous n’avons pas mené nous-mêmes les entretiens, certains détails liés à la

communication non-verbale ont pu nous échapper lors de l’analyse. D’ailleurs, tant du côté de

certains intervieweurs que des participants, le fait de s’exprimer dans une langue seconde laisse

place à certaines erreurs en français ou à des messages parfois difficiles à saisir en dehors du

contexte de l’entretien lui-même. Nous avons donc été confrontées à certaines incompréhensions

lors de l’analyse des données.

Par ailleurs, bien que notre étude apporte certaines pistes éclairantes pour mieux comprendre

comment la socialisation familiale de jeunes immigrants issus de l’Amérique latine influence leur

carrière scolaire, nous demeurons très humbles au regard des résultats présentés. Il s’agit d’une

recherche exploratoire menée auprès d’un nombre restreint de participants, donc nous n’avons

pas la prétention de dresser un portrait « représentatif » du vécu de ce groupe de jeunes

immigrants, d’ailleurs ce n’était pas a priori l’objectif de cette recherche menée selon une

approche qualitative. Il s’agit plutôt d’un regard porté sur le vécu de quelques-un d’entre eux.

D’ailleurs, l’analyse des récits de nos participants a révélé la diversité des parcours migratoires et

scolaires de ces jeunes et leurs familles. Il faudrait donc se garder de généraliser nos conclusions

à l’ensemble des étudiants québécois issus de l’Amérique latine. Il serait plutôt intéressant que

d’autres recherches soient menées afin d’approfondir notre compréhension des inégalités qui

affectent particulièrement ce groupe.

Il serait d’ailleurs pertinent d’interroger des parents immigrants issus de l’Amérique latine sur

leurs parcours et projets migratoires, sur la transition scolaire entre leur pays d’origine et leur

pays d’accueil, sur leurs perceptions face au vécu socio-scolaire de leur enfant, sur leur

engagement dans la scolarité, sur leurs relations avec les écoles de leur enfant, sur leur perception

des relations écoles-familles immigrantes et enfin, sur leurs représentations de la réussite scolaire.

De même, il aurait été intéressant d’obtenir le point de vue d’enseignants ou d’autres intervenants

des milieux scolaires et communautaires appelés à interagir auprès de parents immigrants

originaires de l’Amérique latine au sujet de l’engagement et du soutien des ces derniers dans la

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scolarisation de leurs enfants et sur leurs relations avec ces parents. Considérant les limites du

présent essai, il n’a pas été possible de mener de tels entretiens, mais il serait particulièrement

intéressant de croiser les regards à la fois des étudiants, des parents et des intervenants pour

mieux répondre à notre question de recherche.

Il serait également intéressant de suivre ces étudiants dans leur parcours d’études collégiales, en

les interrogeant à différents moments, par exemple à mi-parcours et à l’issue de leurs études. Les

étudiants de notre corpus en sont pour la plupart, au début de leur parcours d’études collégiales.

Ils se trouvent donc à un moment de transition vers un ordre d’enseignement qui exige davantage

d’autonomie des étudiants. Contrairement aux ordres primaire et secondaire où l’on accompagne

les élèves de manière plus individualisée, et où de nombreux professionnels sont présents pour

soutenir les élèves en difficultés, le filet de soutien est plus perméable aux paliers supérieurs. Les

questions suivantes nous semblent porteuses : Quelles sont les principales embûches

rencontrées ? En quoi ces difficultés sont-elles semblables ou différentes de leurs homologues nés

de parents québécois ou issus de régions où les enfants réussissent mieux globalement ? En dépit

d’aspirations élevées qui les ont amenés jusqu’aux études collégiales – malgré des difficultés

pour plusieurs étudiants – jusqu’où persévéreront-ils ? La plupart des parents ayant été plutôt

limités dans le soutien qu’ils ont été en mesure d’offrir à leurs enfants au cours de leur scolarité

obligatoire, il serait intéressant de voir comment ils les accompagnent dans leur cheminement à

l’enseignement supérieur. Ce sont là quelques-unes des pistes de recherches à explorer pour

affiner notre compréhension du vécu socio-scolaire des jeunes immigrants issus de l’Amérique

latine.

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ANNEXES

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Annexe 1 : Guide d’entretien individuel Schéma d’entrevue – Cégépiens issus de l’immigration ayant fréquentéuneécoleprimaireetsecondairefrancophoneàMontréal

Grandsthèmespourlesquestionsdel’entrevue:1. L’expériencefamilialedurantl’enfanceetl’adolescence2. L’expériencedanslesécolesprimairesetsecondairesfrancophonesàMontréal3. L’expérienceducégepàMontréal4. L’identificationlinguistique,culturelleetterritoriale5. Laprojectiondesoidanslefutur

Miseencontexteàlireaurépondantendébutantl’entrevueAu cours de cette entrevue, vous serez amené à relater votre histoire de viepersonnelle, en lien avec vos expériences familiales et scolaires, vos choixd’orientationetvossentimentsd’appartenance.Il ne s’agit pas d’une liste de questions auxquelles on répond comme dans unsondage,maisplutôtdecertainesquestionsgénéralestouchantàquelquesthèmesspécifiquesàvotreparcoursindividuel.Ainsi, en cours de route, je vous demanderai de me raconter votre expériencepersonnellerelativeàcesquestionsgénéralesetvouslaisseraiévidemmentlibrederépondre à votre guise. N’hésitez donc pas à me raconter ce qui vous apparaîtintéressantetpertinentsansgêne.Enfin, je vous rappelle que, bien entendu, tous vos propos et tous lesrenseignements que vous me fournirez, de même que mes notes personnelles,serontpubliésdefaçonànepasvousidentifier.Néanmoins,sivousnevoussentezpasà l’aisedemecommuniquercertainsrenseignements,sentez-vous libredenepasrépondre.Noussommesmaintenantprêtsàcommencerl’entrevue!

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I–L’expériencefamilialedurantl’enfanceetl’adolescence1. Pourcommencer,j’aimeraisquevousmeparliezunpeudevotrefamille.

ü Membresdelafamilleü Langue(s)parlée(s)àlamaisonü Scolaritéetprofessiondesparentsdanslepaysd’origineü ProfessiondesparentsauQuébecü Trajectoire migratoire (pays d’origine des parents, raisons de la migration,

processusd’acculturationetd’intégration,etc.)ü Voyagesdanslepaysd’originedevosparents?

ü Pourquoicesvoyages?Attachementàcepaysd’origine?ü Réseauxsocialdelafamilleencontextemontréalaisü Rapportdesparentsetdelafratriefaceauxlangues(notammentfaceaufrançais

etàl’anglais)ü Rapport des parents et de la fratrie à la loi 101, à l’éducation et à l’école

francophonequébécoiseII–L’expériencedanslesécolesprimairesetsecondairesfrancophonesàMontréal2. Quelssouvenirsconservez-vousdevotrepassageàl’écoleprimaire?

ü École(s)fréquentée(s)etraisonsduchoixparlesparentsü Attitudefaceàl’école,l’enseignement,contenudescoursü Dossierscolaire(réussite,difficultés,etc.)ü Attitudesdesemployésscolairesfaceàladiversité(notammentlinguistique)

i. Avez-vousété témoinsouvictimesde conflits linguistiques, culturelsoureligieux? De traitements défavorables en lien avec la diversitélinguistique,culturelleetreligieuse?

ü Attitude du jeune face aux différents acteurs scolaires (enseignants, directeursd’école,etc.)

ü Rapports avec les pairs (langues parlées avec les pairs, interactions,catégorisationsintergroupes,expériencesdediscrimination,etc.)

ü Rapportsàlalanguefrançaiseetàlaloi101ü Sentimentsd’appartenance(linguistique,culturel,territorial,etc.)

3. Quelssouvenirsconservez-vousdevotrepassageàl’écolesecondaire?

ü École(s)fréquentée(s)etraisonsduchoixü Attitude face à l’école, l’enseignement et contenu des cours (histoire, cours de

langues,éthiqueetculturereligieuse,etc.)i. Question d’amorce : Y a-t-il des cours qui vous ont marqué au secondaire?

Pourquoi? ii. Que pensez-vous des cours d’histoire que vous avez suivis au secondaire?

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iii. Quelle est votre place dans cette histoire et face aux principaux groupes qui y sont présentés? (mentionner les trois groupes fondateurs si les répondants ne savent pas quoi répondre : francophones; anglophones, autochtones).

ü Dossierscolaire(réussite,difficultés,etc.)ü Attitudesdesenseignantsfaceàladiversitéü Attitudesdu jeune faceauxdifférentsacteursscolaires(enseignants,directeurs

d’école,conseillersd’orientation,etc.)ü Rapports avec les pairs (langues parlées avec les pairs, interactions,

catégorisations intergroupes, expériencesdediscrimination,discussionsautourdeschoixd’orientationaucégep,etc.)

ü Rapportsàlalanguefrançaiseetàlaloi101ü Sentimentsd’appartenance(linguistique,culturel,territorial,etc.)

III–L’expériencedupostsecondaireàMontréal4. Pouvez-vousmedécrirevotrecheminementscolaireaucégep?

ü Lapremièreinscription(date,année)ü Lesdifférentsprogrammesfréquentés

5. Qu’est-cequivousaamenéàchoisirvotreprogrammed’étudesactuel?

ü Pourlamatièreensoi?ü Pourlesdébouchésprofessionnels?ü Importanceounonduréseauderelationsdanslechoix?ü Influencedesparents,conseillersd’orientation,pairs,enseignants,directeurs

d’école,etc.ü Lerôledelalanguedanstoutça?

6. Pouvez-vousmedécrirecommentvousavezétéamenéàfairelechoixdececégep?

ü Influencedesparents,conseillersd’orientation,pairs,enseignants,directeursd’école,etc.

7. Quelssouvenirsconservez-vousdevotrepassageaucégep?

ü Expériencequotidienneducégepü Attitudefaceaucégep,l’enseignement,aucontenudescoursü Attitudefaceauxdifférentsacteursducégep(enseignants,directeurs,conseillers

d’orientation,etc.)ü Attitudes du personnel scolaire face à la diversité linguistique, culturelle et

religieuseü Rapports avec les pairs (langues parlées avec les pairs, interactions,

catégorisationsintergroupes,etc.)ü Intégration scolaire, socialeet linguistique (amis francophonesouanglophones

ou d’autres langues, origine ethnique des amis, évolution de l’intégration parrapportàl’arrivéeetaujourd’hui?).

ü Rapportàlalangueducégep:danslescours,aveclesamis,l’administration,etc.Évolutiondurapportàlalanguedel’arrivéeàaujourd’hui?

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ü Sentiments d’appartenance et rapports aux langues (linguistique, culturel,territorial,etc.)

IV–L’identificationlinguistique,culturelleetterritoriale8. Si je vous demande tout bonnement «Qui êtes-vous?», quelle réponse vous vient

spontanément?ü Importanceounondelalangue?ü Importanceounondelaculture?ü AttachementauCanada,àlaprovince(outerritoire),àlalocalité,etc.?ü Importancedediverséléments,telsl’âge,lesexe,laclassesociale,etc.?

V–Laprojectiondesoidanslefutur9. Qu’est-cequevousprévoyezfaireautermedevosétudescollégiales?

ü Étudesuniversitaires?Queltypedeprogramme?Dansquelleslangues?Dansquelleville,province,pays?

ü Profession/travail? Dans quelles langues idéalement? Dans quelle ville,province,paysidéalement?)

ü Mobilitégéographique

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Annexe 2 : Fiche sociodémographique du répondant Nom:Sexe:Âge:Langue(s)maternelle(s):Langue(s)d’usageauquotidien:Écolesetprogrammesfréquentésdelamaternellejusqu’aucégep:

ü Primaire:ü Secondaire:ü Cégep:

Étatcivil:

ü Mariéü Vivantenunionlibre(conjointdefait)ü Divorcéü Séparé,maistoujourslégalementmariéü Veufü Célibataire(jamaismarié)

Nombred’enfants:Revenuannuelbrut(avantimpôt):

ü Aucunrevenuü Entre1$et9999$ü Entre10000$et14999$ü Entre15000$et19999$ü Entre20000$et29999$ü Entre30000$et49999$ü 50000$etplusü Jepréfèrenepasrépondre

Informationsurlafamille: Père MèreLanguematernelle Paysd’origine Niveaudescolarité Occupationactuelle Occupationdanslepaysd’origine

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