Innovation et stratégies d’entreprise : pourquoi le Canada n’est pas à la hauteur

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I NNOVATION

ET STRATGIES D ' ENTREPRISE : POURQUOI LE C ANADA N ' EST PAS LA HAUTEURLe comit d'experts sur l'innovation dans les entreprises

Le savoir au service du public

I NNOVATI ON E T S T R AT GI E S DE NTR EPR ISE : P OURQUOI L E CANADA NE S T PAS LA H AU TEU R

Rapport du comit dexperts sur linnovation dans les entreprises

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Innovation et stratgies dentreprise

CONS E I L DE S ACAD M I ES C ANADI E NNE S 180, rue E l g i n, Ott a w a ( On t a r i o) C a n a da K 2 P 2 K 3

AVIS : Le projet sur lequel porte ce rapport a t entrepris avec lapprobation du conseil des gouverneurs du Conseil des acadmies canadiennes (CAC). Les membres du conseil des gouverneurs sont issus de la SRC : Les Acadmies des arts, des lettres et des sciences du Canada, de lAcadmie canadienne du gnie (ACG) et de lAcadmie canadienne des sciences de la sant (ACSS), ainsi que du grand public. Les membres du comit dexperts responsable du rapport ont t choisis par le CAC en raison de leurs comptences spciques et en vue dobtenir un quilibre des points de vue. Ce rapport a t prpar pour le gouvernement du Canada en rponse une demande soumise par le ministre de lIndustrie. Les opinions, rsultats et conclusions prsents dans cette publication sont ceux de leurs auteurs, savoir du comit dexperts sur linnovation dans les entreprises. Catalogage avant publication de Bibliothque et Archives CanadaInnovation et stratgies dentreprise : pourquoi le Canada nest pas la hauteur / le Comit dexperts sur linnovation dans les entreprises au Canada. Publ. aussi en anglais sous le titre : Innovation and business strategy. Comprend des rfrences bibliographiques. Monographie lectronique en format PDF. Publ. aussi en version imprime. ISBN 978-1-926558-16-5 1. Entreprises Innovations Canada. 2. Innovations Aspect conomique Canada. 3. Productivit Canada. 4. Comptitivit (conomie) Canada. I. Conseil des acadmies canadiennes. Comit dexperts sur linnovation dans les entreprises au Canada HD45.I6614 2009a 338.0640971 C2009-902177-3

Avis de non-responsabilit : Les donnes et informations tires du rseau Internet qui gurent dans le prsent rapport taient correctes, notre connaissance, la date de publication du rapport. En raison de la nature dynamique du rseau, les ressources qui sont disponibles en accs gratuit et public peuvent, par la suite, faire lobjet de restrictions daccs ou exiger des frais et les endroits o se trouvent les lments dinformation peuvent changer lorsque les menus et les pages daccueil des sites font lobjet de modications. Bien que le Conseil mette tout en uvre pour assurer lexactitude du contenu du rapport, une liste derrata sera afche dans le site web www.sciencepourlepublic.ca 2009 Conseil des acadmies canadiennes Imprim Ottawa, Canada Aot 2009

Cette valuation a t rendue possible grce au soutien du gouvernement du Canada.

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Conseil des acadmies canadiennesLE S AVOI R AU S E R V I C E DU P U B L I C

Le Conseil des acadmies canadiennes (CAC) est un organisme dont la principale mission est de fournir des valuations indpendantes et spcialises des donnes scientiques qui sont pertinentes lgard des questions dintrt public. Lexpression donnes scientiques est interprter, ici, au sens large comme comprenant les sciences naturelles, les sciences humaines, les sciences de la sant, le gnie et les lettres. Les valuations du CAC sont effectues par des comits dexperts qualis, dont les membres sont slectionns au Canada et ltranger. Le CAC est un organisme indpendant du gouvernement, mais disposant dune subvention de lancement de 30 millions de dollars pour 10 ans, accorde en 2005 par le gouvernement du Canada. Il effectue des tudes sur des sujets proposs par le gouvernement et effectuera galement, terme, des tudes sur des sujets proposs par des organismes non gouvernementaux et des entreprises du secteur priv. Le CAC est gr par un conseil des gouverneurs compos de 12 membres, dont la majorit est nomme directement ou indirectement par les trois acadmies membres du CAC, savoir la SRC : Les Acadmies des arts, des lettres et des sciences du Canada, lAcadmie canadienne du gnie (ACG) et lAcadmie canadienne des sciences de la sant (ACSS). Le comit consultatif scientique du CAC, compos de 16 minents reprsentants de la communaut scientique, offre ses recommandations au conseil des gouverneurs quant au choix des sujets valuer, aux modalits des valuations, la slection des comits dexperts et lexamen par les pairs. Voici les trois acadmies membres fondatrices du Conseil des acadmies canadiennes : La SRC : Les Acadmies des arts, des lettres et des sciences du Canada est le principal organisme national de scientiques, chercheurs et artistes distingus du Canada. La SRC regroupe environ 1 800 membres, hommes et femmes de toutes les rgions du pays, qui sont choisis par leurs pairs en raison de leurs ralisations exceptionnelles dans le domaine des sciences naturelles et des sciences humaines ou dans celui des arts et des lettres. La SRC est un organisme de bienfaisance qui a t constitu par une loi du Parlement en 1883. LAcadmie canadienne du gnie (ACG) compte parmi ses membres bon nombre des ingnieurs les plus accomplis du pays, qui se sont consacrs lapplication des principes des sciences et du gnie au service des intrts du pays et de ses entreprises. LACG est un organisme indpendant, autonome et but non lucratif fond en 1987 pour servir la nation dans le domaine du gnie. Les quelque 390 membres de lACG reprsentent lensemble des disciplines du gnie et viennent des secteurs industriel, gouvernemental et ducatif.

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LAcadmie canadienne des sciences de la sant (ACSS) englobe tous les secteurs des sciences de la sant, y compris les disciplines mdicales et les sciences paramdicales, depuis les sciences fondamentales jusquaux sciences sociales, en passant par les recherches sur la sant de la population. Les quelque 300 membres de lACSS sont reconnus pour leur rle de chef de le, leur crativit, les comptences qui les distinguent, leur engagement faire progresser la recherche dans le domaine des sciences de la sant et les contributions importantes quils ont apportes la socit canadienne, tout au long de leur vie, sur le plan de la sant.

www.sciencepourlepublic.ca

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Publications du Conseil des acadmies canadiennes :Les rapports suivants sont accessibles sur le site Web du Conseil des acadmies canadiennes (www.sciencepourlepublic.ca) :

Ltat de la science et de la technologie au Canada La transmission du virus de la grippe et la contribution de lquipement de protection respiratoire individuelle valuation des donnes disponibles Petit et diffrent : perspective scientique sur les ds rglementaires du monde nanomtrique La production dnergie partir des hydrates de gaz Potentiel et ds pour le Canada Vision pour lInitiative canadienne de recherche dans lArctique valuation des possibilits Innovation et stratgies dentreprise : pourquoi le Canada nest pas la hauteur La gestion durable des eaux souterraines au Canada Meilleure recherche = Meilleur management

Les rapports suivants font lobjet, lheure actuelle, de dlibrations de comits dexperts :

Approches dvaluation du risque de la sant des animaux valuation des tests intgrs pour les pesticides

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Le comit dexperts sur linnovation dans les entreprisesRobert Brown (prsident) C.M.O.Q., prsident du conseil et prsident-directeur gnral, CAE inc. (Montral, Qubec) Savvas Chamberlain (MACG), prsident et fondateur, DALSA Corporation (Waterloo, Ontario) Marcel Ct, associ fondateur, SECOR inc. (Montral, Qubec) Natalie Dakers, prsidente-directrice gnrale, Centre pour la recherche et le dveloppement des mdicaments, Universit de la Colombie-Britannique (Vancouver, Colombie-Britannique) Meric Gertler (MSRC), doyen par intrim de lenseignement et de la recherche de cycle suprieur la Facult des arts et des sciences; professeur, Dpartement de gographie et Programme de planication; codirecteur, Programme sur la mondialisation et les systmes dinnovation rgionale, Universit de Toronto (Toronto, Ontario) Bronwyn Hall, professeur dconomie de la technologie et de linnovation, Universit de Maastricht (Maastricht, Pays-Bas); professeur de lcole dtudes suprieures, Universit de Californie Berkeley (Berkeley, Californie) Andr Marcheterre, administrateur de la socit et ancien prsident du conseil et prsident-directeur gnral, Merck Frosst Canada lte (Lorraine, Qubec) Arthur May O.C., prsident mrite; Fonds dinnovation de lAtlantique prsident du comit consultatif, Universit Memorial (St Johns, T.-N.-L.) Brian McFadden, prsident du conseil et prsident-directeur gnral, Prestige Telecom (Baie-dUrf, Qubec) Walter Mlynaryk, vice-prsident la direction, Kruger inc. (Montral, Qubec) David Pecaut, associ principal et directeur gnral, Boston Consulting Group (Toronto, Ontario) Jim Roche, administrateur de la socit et ancien prsident du conseil et prsident-directeur gnral, CMC Microsystmes (Ottawa, Ontario) Charles Ruigrok, ancien prsident-directeur gnral, Syncrude Canada lte (Calgary, Alberta)

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Andrew Sharpe, directeur administratif, Centre dtude des niveaux de vie (Ottawa, Ontario) Jim Stanford, conomiste, Travailleurs canadiens de lautomobile (TCA) (Toronto, Ontario) Guthrie Stewart, ancien associ, fonds dactions, EdgeStone Capital Partners (Montral, Qubec) Alexandre Taillefer, cofondateur, Stingray Digital Group inc. (Montral, Qubec) John Thompson, prsident du conseil, Groupe nancier Banque TD (Toronto, Ontario)

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RemerciementsCe projet a t initi en rponse une demande manant du ministre de lIndustrie du Canada, qui a sollicit le Conseil des acadmies canadiennes pour quil fasse appel des experts du secteur priv et du monde universitaire en vue dapprofondir sa comprhension de lcosystme de linnovation au Canada et des forces sousjacentes dans les dcisions que prennent les entreprises dadopter linnovation en tant que stratgie dentreprise pour faire face la concurrence. Cette demande a conduit le CAC runir un comit dexperts sur linnovation dans les entreprises. Au cours de ses dlibrations, ce comit dexperts a fait appel de nombreuses personnes et organisations, qui lui ont fourni des conseils et des informations trs utiles. Nous adressons des remerciements tout particuliers au Centre dtude des niveaux de vie (CNV) et Statistique Canada, pour leur aide et le temps quils ont bien voulu consacrer aux demandes du comit dexperts, tout au long de ses dlibrations. Les diverses bases de donnes et publications de lOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE) se sont galement avres extrmement utiles dans le cadre du travail danalyse du comit dexperts. Le comit dexperts a fait appel plusieurs personnes, qui ont t runies au sein de sous-groupes du comit, pour connatre leur point de vue et leur exprience concernant les secteurs examins dans les tudes de cas. Dautres ont fourni des commentaires et des suggestions dans le cadre dun appel tous lanc par le biais du site Web du CAC. Ces contributions sont soulignes lannexe IV .

Robert Brown, prsident Comit dexperts sur linnovation dans les entreprises

Personnel responsable du projet au Conseil des acadmies canadiennesDirection du programme : Peter Nicholson, prsident Marie-Nolle Ip, directrice de programme Renata Osika, directrice de programme Christina Stachulak, directrice de programme Collaborateurs : Lisa Lambert, associe de recherche Tracey McKinlay, associe de recherche Wendy Shen, adjointe aux programmes Michelle Dugas, adjointe aux programmes Joseph Rowsell, stagiaire en conomie Bruce Kirby, expert-conseil Bruce Little, expert-conseil Clare Walker, experte-conseil

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Examen du rapportCe rapport a t examin, ltat dbauche, par les personnes nommes ci-dessous, choisies par le Conseil des acadmies canadiennes en raison de la diversit de leurs points de vue, de leurs domaines de spcialisation et de leur association aux secteurs de la recherche, de lindustrie, des politiques publiques et des organisations non gouvernementales. Ces experts ont valu lobjectivit et la qualit du rapport. Leurs soumissions qui demeureront condentielles ont t prises en compte par le comit dexperts et la plupart de leurs suggestions ont t ajoutes au rapport. Nous ne leur avons pas demand dapprouver les conclusions du rapport et elles nen ont pas vu la version dnitive avant sa publication. Le comit dexperts et le CAC acceptent lentire responsabilit du contenu dnitif de ce rapport. Nous souhaitons donc remercier les personnes suivantes, qui ont bien voulu examiner le rapport : Doug Barber, O.C. (MACG), distingu professeur en rsidence, Universit McMaster (Hamilton, Ontario) Marcel Boyer, professeur de Bell Canada en conomie industrielle, Universit de Montral, CIRANO (Montral, Qubec) David Dolphin, O.C. (MSRC), professeur mrite, Dpartement de chimie, Universit de la Colombie-Britannique (Vancouver, Colombie-Britannique) Fred Gault, membre invit, Centre de recherches pour le dveloppement international (Ottawa, Ontario) Elhanan Helpman, directeur des tudes suprieures, Dpartement dconomie, Universit Harvard (Cambridge, Massachusetts) Warren Jestin, premier vice-prsident et conomiste en chef, Banque Scotia (Toronto, Ontario) John Mann (MACG), prsident du conseil dadministration, AUTO 21 (Amherstburg, Ontario) Roger Martin, doyen, cole de gestion Joseph L. Rotman, Universit de Toronto (Toronto, Ontario) Donald McFetridge, professeur, Dpartement dconomie, Universit Carleton (Ottawa, Ontario)

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Pierre Mohnen, professeur, Dpartement dconomie quantitative, Universit de Maastricht (Maastricht, Pays-Bas) Rein Peterson, professeur mrite, Entrepreneuriat et entreprises familiales, cole de gestion Ted Rogers, Universit Ryerson (Toronto, Ontario) Richard Rmillard, directeur excutif, Association canadienne du capital de risque et dinvestissement (Ottawa, Ontario) Gilles Rhaume, vice-prsident aux politiques publiques, Conference Board du Canada (Ottawa, Ontario) Andrei Sulzenko, expert-conseil en politiques publiques (Ottawa, Ontario) Val Traversy, directeur gnral (retrait), Secteur de lindustrie, Bureau de la concurrence, Industrie Canada (Clam Bay, Nouvelle-cosse) La procdure dexamen du rapport a t contrle, au nom du conseil des gouverneurs et du comit consultatif scientique du CAC, par M. Tom Brzustowski. M. Brzustowski est professeur du Groupe nancier Banque Royale en commercialisation de linnovation lcole de gestion Telfer de lUniversit dOttawa. Son rle tait de sassurer que le comit dexperts tienne compte de faon entire et quitable des soumissions de toutes les personnes ayant examin le rapport. Le conseil des gouverneurs du CAC nautorise la publication du rapport dun comit dexperts que lorsque la personne responsable du contrle de lexamen du rapport conrme que celui-ci satisfait bien aux exigences du CAC. Le CAC remercie M. Brzustowski de son zle dans son travail de contrle de lexamen du rapport.

Peter J. Nicholson, prsident Conseil des acadmies canadiennes

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Table des matiresPRFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 RSUM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 CHAPITRE 1 Introduction et mandat du comit dexperts . . . . . . . . . . . . . . . .15 CHAPITRE 2 La nature et limportance de linnovation . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 CHAPITRE 3 Les performances des entreprises canadiennes au chapitre de linnovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51 CHAPITRE 4 Linnovation en tant que stratgie dentreprise . . . . . . . . . . . . . .93 CHAPITRE 5 Caractristiques structurelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .101 CHAPITRE 6 Le rle de la concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .127 CHAPITRE 7 Climat pour les nouvelles entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .139 CHAPITRE 8 Linuence des politiques publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .171 CHAPITRE 9 Ambition des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .195 CHAPITRE 10 tudes de cas : linnovation selon des perspectives sectorielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .205 CHAPITRE 11 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .241 BIBLIOGRAPHIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .245 ANNEXE I La nouvelle thorie de la croissance (endogne) . . . . . . . . . . . . . .262 ANNEXE II Analyse causale de la croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .266 ANNEXE III Lanalyse sectorielle de lintensit de la R&D . . . . . . . . . . . . . . .270 ANNEXE IV Les individus et organismes consults . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .282

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PrfaceLe comit dexperts sur linnovation dans les entreprises sest runi pour la premire fois en novembre 2007, une priode o lindice de la Bourse de Toronto (TSX) approchait 14 000, le prix du baril de ptrole se situait prs de 100 dollars, la valeur du dollar canadien tait suprieure celle du dollar amricain, la croissance conomique tait forte et le taux de chmage, son niveau le plus faible depuis plusieurs dcennies. Mais derrire ces indices conomiques la hausse, qui ne cessaient alors de faire les manchettes des journaux, se cachaient des tendances proccupantes plus long terme, dont la faible croissance de la productivit au Canada. Cela faisait plus de deux dcennies, en effet, que la production horaire des entreprises canadiennes tait la baisse par rapport celle des tats-Unis; cette tendance stait accentue de faon importante depuis lan 2000. Linvestissement dans les technologies de pointe en particulier en ce qui a trait linformatique et la communication tait nettement en retard non seulement par rapport celui des tats-Unis, mais galement celui de bon nombre des pays avancs auxquels se compare le Canada. Le taux de dpenses des entreprises en recherche et dveloppement par rapport la taille de lconomie tait en baisse de 20 % par rapport au point culminant atteint en 2001, la n de la priode du boum des technologies. Cest dans un tel contexte, qui envoyait des signaux contradictoires trs positifs en surface, mais plus proccupants sur le fond que le gouvernement du Canada a demand au Conseil des acadmies canadiennes de runir un comit dexperts issus de diffrents horizons pour valuer les performances des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation. Ce rapport prsente lanalyse du comit dexperts ainsi que ses rsultats. Il sagit dun diagnostic plutt que de recommandations destines alimenter lorientation des politiques publiques, bien que le rapport propose un corpus de faits et dopinions de spcialistes pouvant savrer pertinents pour les politiques publiques. Pendant que le comit dexperts effectuait son travail, la n 2008 et au dbut 2009, le monde a radicalement chang. Comme on ne connat pas encore aujourdhui lampleur de cette crise conomique mondiale, ce nest quavec le temps que la porte de lanalyse du comit dexperts se rvlera dans toute sa clart. Le comit dexperts na donc pas cherch accorder cette crise une place importante dans son diagnostic sur linnovation dans les entreprises canadiennes. De toute vidence, il faut adopter une perspective plus long terme en la matire. Les symptmes du retard dans linnovation des entreprises canadiennes remontent il y a trs longtemps. Le comit dexperts sest donc concentr avant tout sur les phnomnes sinscrivant dans le temps, stalant sur plusieurs dcennies et couvrant plusieurs cycles conomiques, avec les hauts et les bas qui les caractrisent.

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Les rsultats du travail du comit restent donc pertinents en dpit du grave choc provoqu par la crise conomique mondiale actuelle. Alors que les divers ordres de gouvernements canadiens continuent dadopter des mesures court terme visant attnuer la crise, il peut savrer utile de disposer dun solide diagnostic sur les causes sous-jacentes des performances globalement faibles des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation, en vue de concevoir ces mesures de sorte quelles renforcent galement lconomie du pays long terme.

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RsumCe rapport porte sur les facteurs fondamentaux qui inuencent le comportement des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation. Linnovation revt une grande importance parce quelle est, directement ou indirectement, le principal moteur de croissance de la productivit de la main-duvre (cest--dire de laugmentation de la production par heure de travail effectue) et la principale source de prosprit de la nation. Le comit dexperts a donc considr linnovation comme tant un processus conomique plutt quune activit relevant principalement des sciences et du gnie. Son thme est le lien entre la stratgie des entreprises et les activits innovantes. Le rapport porte principalement sur le long terme, cest--dire sur une priode englobant plusieurs cycles de hauts et de bas de la conjoncture conomique. Les rsultats de ce rapport restent donc pertinents en dpit du choc conomique qui secoue la plante lheure actuelle. Comme le demandait le gouvernement, il offre avant tout un diagnostic et non des recommandations visant faonner la politique publique, mme sil fournit un corpus de faits et dopinions judicieuses pouvant clairer celle-ci.D FI NI TI ON DE LINNOVAT I ON

Linnovation consiste en des faons nouvelles ou meilleures de faire des choses ayant une valeur quelconque. Elle ne se limite pas quaux produits, mais englobe galement lamlioration des procds, comme la chane de montage et les nouveaux modles dentreprise, comme le commerce lectronique. Les inventions ne deviennent des innovations quune fois celles-ci mises en uvre de faon pertinente. Les innovations radicales, comme la machine vapeur et le transistor, crent des marchs entirement nouveaux. Ce qui est beaucoup plus rpandu, ce sont les formes progressives dinnovation dans des marchs tablis, dans lesquels les biens et les services sont amliors de faon continue. Cest ce processus damlioration continue qui est lorigine de la majeure partie de la croissance de la productivit de la main-duvre. Mme si les stratgies et les politiques adaptes aux innovations crant de nouveaux marchs sont gnralement assez diffrentes de celles qui sont adaptes aux marchs tablis, elles sont complmentaires parce que les nouveaux marchs qui connaissent la russite, comme le march des tlphones intelligents daujourdhui, sont des marchs qui nissent par devenir, terme, des marchs tablis.I NNOVATI ON E T P R ODU C T I V I T

Le Canada est aux prises avec un grave problme de croissance de la productivit. Depuis 1984, la productivit relative de la main-duvre dans le secteur priv au Canada a chut de 90 % par rapport aux tats-Unis, environ 76 %, en 2007. Au cours de la priode allant de 1985 2006, la croissance moyenne de la productivit de la main-duvre au Canada se situait au 15e rang sur 18 pays comparables au sein de lOrganisation de coopration et de dveloppement conomique (OCDE).

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Les analyses long terme de Statistique Canada et de lOCDE montrent que la faible croissance relative de la productivit au Canada est principalement due la faible croissance de la productivit multifactorielle (PM). (En un mot, la PM rete lefcacit de la combinaison de deux lments : la main-duvre et le capital dans lconomie.) La faiblesse du Canada nest pas attribuable aux dciences de sa mainduvre. Elle nest pas non plus, pour lessentiel, le reet de linsufsance des dpenses dinvestissement, mme si les investissements des entreprises dans les technologies de linformation et de la communication (TIC) sont particulirement faibles et que le manque dinvestissements dans lquipement et les logiciels de pointe peut galement freiner la croissance de la PM. Le taux de croissance de la PM sur des priodes sufsamment longues est principalement le reet de la contribution de linnovation au sein mme des entreprises la croissance de la productivit de la main-duvre y compris lamlioration de lorganisation du travail et des modles dentreprise, lefcacit de lincorporation des nouvelles technologies, la rentabilit de la recherche et dveloppement (R&D) et dans les amliorations qui sappuient sur les observations judicieuses des entrepreneurs. La faiblesse de la croissance de la productivit multifactorielle au Canada indique que le retard du pays dans la croissance de la productivit est en grande partie attribuable au faible niveau dinnovation au sein des entreprises.AUTRE S I NDI CATE U RS DI NNOVAT I ON

La faiblesse du Canada sur le plan de linnovation se peroit galement, et de faon plus conventionnellement admise, dans le retard persistant des investissements en R&D et, plus rcemment, dans les TIC, mme si ces indicateurs savrent tre des outils de mesure de linnovation nettement moins complets que ne lest le taux de croissance long terme de la PM. Recherche et dveloppement Depuis leffondrement du secteur des technologies, en 2001, les dpenses des entreprises en R&D au Canada sont gnralement demeures au mme niveau, si on tient compte de lination. Si on les exprime en pourcentage du produit intrieur brut (PIB), les dpenses des entreprises en R&D ont chut de 20 % entre 2001 et 2007 et se sont constamment situes en de de la moyenne de lOCDE. Lcart entre le Canada et les tats-Unis en ce qui a trait aux investissements des entreprises en R&D a diminu de faon importante entre le milieu des annes 1980 et le sommet du boum des technologies, en 2001, mais a recommenc se prononcer depuis. Les facteurs les plus importants de cette tendance long terme ont t les suivants : (i) la forte rduction de la part du secteur manufacturier dans lcart entre le Canada et les tats-Unis, ce qui signie que le Canada a ralis certains progrs sur le plan de linnovation dans le secteur manufacturier; (ii) lcart plus prononc au chapitre de la R&D des services commerciaux (notamment dans la vente en gros et le commerce de dtail), qui a contrebalanc la diminution de cet cart dans le secteur manufacturier. Cette importante tendance de la production et

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de lemploi migrer vers le secteur des services, de mme que celle de la mise en uvre des TIC dans ce secteur ont volu plus rapidement aux tats-Unis quau Canada. Machinerie et matriel Les investissements dans la machinerie et le matriel sont une des principales manires de susciter, au moyen de linnovation, une croissance de la productivit, parce que de tels investissements donnent corps aux innovations antrieures des producteurs des biens dquipement, y compris les logiciels. Les investissements en machinerie et matriel sont galement une source de changements innovateurs dans les procds et dans lorganisation du travail, permettant de proter pleinement du nouveau capital que reprsentent ces investissements. (Cest la croissance de la PM qui mesure, sur le plan statistique, lamlioration de la productivit dcoulant de tels changements.) Les investissements annuels des entreprises canadiennes dans la machinerie et le matriel (en pourcentage du PIB) ne sont pas en retard par rapport ceux des entreprises amricaines, comme cela a pu tre le cas pour la R&D, mme si un certain cart est apparu depuis le dbut des annes 1990. Lcart dans les investissements dans la machinerie et le matriel est principalement d la faiblesse persistante des investissements dans les TIC au Canada. Le niveau moyen des investissements dans les TIC par travailleur au Canada ne se situe qu environ 60 % de celui des tats-Unis. Il sagit dune grave dcience, tant donn que la production et lapplication des TIC sont les principaux moteurs de linnovation et de la croissance de la productivit qui en dcoule, tant aux tats-Unis que dans plusieurs autres pays.RLE CE NT R AL DE L A S T R AT GI E DENTR EPR ISE

Ce sont les stratgies des entreprises qui alimentent les comportements innovants. En dernire analyse, expliquer les performances du Canada sur le plan de linnovation revient expliquer les arguments lappui des choix stratgiques des entreprises canadiennes. Si linnovation est bonne pour les affaires, pourquoi les entreprises canadiennes ne sont-elles pas plus nombreuses miser sur linnovation pour consolider leur comptitivit? Pour rpondre cette question, il faut donc changer de point de vue; plutt que de se tourner vers les activits dinnovation cest--dire des sources dinnovation comme la R&D et linvestissement dans la machinerie et le matriel , il convient de se tourner vers les facteurs qui peuvent inuer sur les choix dorientation stratgique des entreprises. Ce recadrage du casse-tte que reprsente linnovation est la contribution la plus importante de lanalyse de notre comit dexperts voir le schma ci-dessous.

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Innovation et stratgies dentreprise

Facteurs qui influencent Le choix de linnovation comme stratgie dentreprise qui alimente Les facteurs dinnovation qui dbouchent sur Les produits des activits innovantes mesurs laide du Cadre danalyse causale de la croissance qui analyse

Caractristiques Intensit de la structurelles concurrence

Climat pour les nouvelles entreprises

Politiques publiques

Ambition de lentreprise

L'INNOVATION EN TANT QUE STRATGIE DENTREPRISE?

Dpenses dinvestissement

Recherche et dveloppement

Catalyseurs externes

Capital humain

Nouveaux produits et services offerts

Amlioration continue

Nouveaux marchs et marchs largis

Approfondissement du capital

+

Croissance de la PM

+

Capacits de la main-duvre

Croissance de la productivit de la main-duvre Augmentation du niveau de vie

Les rsultats des activits innovantes

Plan logique du processus dinnovation dans les entreprises FACTEURS QUI INFLUENCENT SUR LE CHOIX DADOPTER UNE STRATGIE AXE SUR LINNOVATION

Les principaux facteurs qui inuencent sur la dcision que prennent les entreprises dinnover se rsument ainsi : (i) les caractristiques particulires du secteur dont relve lentreprise; (ii) la situation sur le plan de la concurrence; (iii) le contexte dans lequel oprent les nouvelles entreprises; (iv) les politiques publiques qui stimulent ou qui freinent linnovation; (v) lambition de lentreprise (par exemple, lentrepreneuriat agressif et les activits axes sur la croissance). Limportance relative de ces facteurs varie dun secteur lautre ainsi quau l du cycle de vie de chaque entreprise. Les facteurs ci-dessus sont eux-mmes models par certains attributs qui caractrisent de longue date lconomie canadienne, notamment les deux suivants : Le Canada est en amont de nombreuses industries nord-amricaines. Ce positionnement dcoule du fait que le Canada, riche en ressources naturelles, a un pass bien

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garni dexploitation de ces ressources et de fournisseur de matires premires adoptant des technologies labores ailleurs. La situation du Canada en amont de plusieurs chanes de valeur intgres lchelle du continent limite les contacts du pays avec les clients en bout de chane lesquels sont une importante source de motivation encourageant les entreprises innover et dtermine la nature de l ambition des entreprises dans de nombreux secteurs. Le march intrieur du Canada est relativement petit et fragment sur le plan gographique. Les retombes potentielles que peuvent offrir les marchs de petite taille sont moins intressantes pour les entreprises qui assument le risque associ linnovation. Par ailleurs, ces marchs ont tendance attirer moins de concurrents, de sorte quil existe moins de facteurs incitant les entreprises innover pour survivre. Cela dit, la russite de pays comme la Finlande et la Sude sur le plan de linnovation dmontre que le dsavantage que constitue un march intrieur de petite taille peut tre compens en mettant laccent sur les activits dexportation exigeant un niveau lev dinnovation.

Caractristiques structurelles de lindustrie

Les rpercussions des facteurs structurels en particulier de la composition sectorielle de lconomie et du contrle tranger sur les choix stratgiques des entreprises se manifestent le plus clairement dans lanalyse de lcart entre le Canada et les tats-Unis touchant les dpenses en R&D et les investissements dans les TIC (interprts comme tant des indicateurs de laccent qui est mis sur linnovation dans la stratgie des entreprises). Composition sectorielle Lanalyse secteur par secteur de lcart global entre les tatsUnis et le Canada en R&D montre que le niveau de dpenses en R&D des entreprises dans les mmes secteurs est gnralement infrieur au Canada quaux tats-Unis et explique mieux cet cart (mme si cette part varie dune anne lautre) que la composition sectorielle de lconomie canadienne cest--dire le poids plus lev dans lconomie canadienne des industries axes sur les ressources et des autres sphres dactivit, o les dpenses en R&D sont intrinsquement faibles. Les industries axes sur les ressources investissent beaucoup mme si cela se fait de faon indirecte dans linnovation telle quelle se manifeste sous forme de matriel de pointe. Lincapacit tonnante dans laquelle se trouve le Canada de produire des chefs de le mondiaux spcialiss en exportation dans le domaine de la machinerie et du matriel de pointe pour le secteur des ressources est un indicateur particulirement reprsentatif des dciences du pays en matire dinnovation. Contrle tranger Le fait que plusieurs grandes entreprises canadiennes soient diriges par des socits trangres explique en partie la faiblesse de lintensit de la R&D. Il explique, par exemple, le niveau trs faible de la R&D au Canada dans lindustrie automobile et celle des produits chimiques. Cela rete la tendance traditionnelle quont les grandes multinationales effectuer la majeure partie de leurs activits

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innovantes proximit de leur sige social. Il y a cependant une tendance, lheure actuelle, rpartir les activits innovantes un peu partout sur la plante de faon proter des cots moindres et des comptences spciales de certaines rgions et se rapprocher des endroits o sont concentrs un nombre important de clients de lentreprise. Le contrle tranger nentrane donc pas automatiquement une faiblesse des activits en R&D au Canada. De fait, les liales dentreprises trangres dans plusieurs secteurs comme lindustrie pharmaceutique et linformatique ont apport une contribution importante la R&D au Canada. De surcrot, si les installations canadiennes contrles par des entreprises trangres nexistaient pas, il ny a aucune garantie que le Canada aurait un ensemble dentreprises canadiennes sy substituant et, le cas chant, que celles-ci sadonneraient la R&D. Le fait que le Canada ne soit pas parvenu crer un grand nombre de multinationales innovantes dont le sige social se situe au Canada a jou un rle cl dans la faiblesse globale du pays en matire de R&D. Structure et investissements dans les TIC Les tudes empiriques semblent indiquer que les caractristiques structurelles de la composition sectorielle de lconomie et de la taille des entreprises nexpliquent quenviron 20 % de lcart entre les tats-Unis et le Canada en matire dinvestissements dans les TIC. Il faudra faire des tudes supplmentaires pour mettre en vidence de faon dnitive les autres facteurs expliquant cet cart, qui laisse perplexe. Pour le moment, le taux relativement faible dadoption des TIC concorde avec lide que les entreprises canadiennes, dans lensemble (mais avec certaines exceptions notables), ne sont pas des chefs de le dans le domaine de la technologie et quils ont tendance suivre plutt qu mener.Intensit de la concurrence

La plupart du temps, la concurrence favorise linnovation. Dans les secteurs canadiens qui sont sufsamment exposs au commerce international (que ce soit parce quils sont exportateurs ou parce quils font face une concurrence sans contraintes dimportations), il ne semble pas y avoir dcart important sur le plan de linnovation, mme si bon nombre des industries canadiennes axes sur lexportation sont soit des industries spcialises dans des domaines en amont de la chane de valeur, soit des industries qui dpendent des pratiques dentreprises contrles ltranger en matire de technologie et dinnovation. La taille relativement petite du march intrieur canadien lequel est encore davantage circonscrit par la fragmentation gographique a tendance limiter la fois lintensit de la concurrence et la rentabilit des innovations dans les secteurs intrieurs de lconomie, ce qui souligne limportance de renforcer la prsence du Canada dans les marchs mondiaux lexportation pour les biens et les services ncessitant une innovation de grande intensit. Il faut innover pour pouvoir passer dune stratgie axe sur lconomie intrieure une stratgie de croissance lchelle mondiale. Linverse est aussi vrai : pour pouvoir faire dimportants investissements en innovation, les entreprises canadiennes doivent gnralement sattaquer aux

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marchs lchelle mondiale. Sauf exception, les entreprises canadiennes nont pas russi, jusqu prsent, saisir avec agressivit les possibilits que leur offre la mondialisation. Il sagit dune dcience illustre par le nombre relativement faible de multinationales dont le sige social se situe au Canada et dont les activits sont axes sur linnovation.Climat pour les nouvelles entreprises

En dpit de lexistence de quelques ples dynamiques comme celui de Waterloo et ceux qui existent dans les grandes villes canadiennes le Canada doit consentir faire de plus grands efforts pour crer les conditions favorables pour que les nombreuses nouvelles entreprises du pays deviennent viables et axes sur la croissance tout en conservant un pied--terre au Canada. Les trois conditions essentielles suivantes dterminent la qualit de lenvironnement qui existe au Canada pour venir en aide de telles entreprises. Financer les nouvelles entreprises Il est essentiel de se doter dune communaut dynamique d anges nanciers qui permette aux entreprises de franchir ce que certains appellent la valle de la mort , qui fait la distinction entre les ides prometteuses et les exploitations commerciales durables. (Les anges nanciers sont des entrepreneurs qui ont atteint un certain niveau de russite et qui deviennent eux-mmes des investisseurs dtenant la fois les ressources nancires et lexprience ncessaires pour aider une nouvelle gnration dinnovateurs et jouer auprs deux le rle de mentors.) Le peu de donnes dont on dispose sur les sources informelles dinvestissement au Canada semblent indiquer que ces sources sont beaucoup moins vastes, toutes proportions gardes, que les sources comparables aux tatsUnis. (Le Canada a produit un certain nombre danges nanciers ayant russi dans les TIC, mais relativement peu dans le secteur des sciences de la vie.) Le capital de risque (CR) est le stade de nancement qui succde celui des anges nanciers, une fois que les bases du projet ont t jetes et quil faut obtenir des investissements plus importants pour accrotre la production commerciale. La faiblesse relative des performances de lindustrie du CR au Canada est lie au fait que cette industrie est relativement jeune et quelle na pas encore acquis sufsamment dexprience pour pouvoir slectionner et conseiller les meilleurs candidats potentiels pour les investissements en CR. Il est galement noter que plusieurs problmes relatifs aux activits de CR des fonds dinvestissement de travailleurs bnciant davantages scaux (en particulier lextrieur du Qubec) ont inu les mesures incitatives et la performance dans lindustrie du CR. Sil nexiste pas de solution facile ou rapide aux problmes de lindustrie du CR du Canada, la performance accrue de cette industrie passe par lacquisition dune plus grande maturit, qui ne viendra quavec lexprience de la concurrence. Les responsables des politiques publiques sont en mesure dexercer une inuence positive sur la disponibilit du nancement en CR, en particulier au tout premier stade et galement au stade crucial ultrieur des premiers efforts dexpansion et de croissance du march de lentreprise (grce au CR).

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Exploiter commercialement la recherche universitaire Le Canada afche un taux lev dans le domaine des activits de recherche universitaires et fait partie des meilleurs pays de lOCDE cet gard, mais lexploitation commerciale de la recherche universitaire a t, jusqu prsent, dcevante. Les principales causes sont les suivantes : (i) labsence dentreprises commerciales rceptrices au Canada, dans la mesure o relativement peu dentreprises tablies dans ce pays attachent une importance quelconque linnovation fonde sur la recherche (ce qui leur permettrait de travailler de concert avec les universits); (ii) la faiblesse relative du nancement pour les nouvelles entreprises au Canada, la fois au stade initial (avec les anges nanciers) et aux stades ultrieurs (avec les investisseurs en CR); (iii) les diffrences intrinsques entre les sources de motivation, les valeurs professionnelles dans le milieu universitaire et celles de lentreprise, ce qui nest pas un problme propre au Canada. Il serait possible damliorer la situation en tablissant de meilleures infrastructures permettant de mettre en vidence et dutiliser les savoirs ayant un potentiel dexploitation commerciale mesure quils mergent de la recherche universitaire. Dans de nombreux cas, il faudra pour cela des partenariats bien conus entre les universits et les entreprises du secteur priv ou les laboratoires gouvernementaux. Soutenir les ples dentreprises innovantes Les liens troits entre personnes et avec les fournisseurs qui existent dans certains ples gographiques de concentration dentreprises favorisent linnovation et crent des cosystmes locaux axs sur linnovation. Les politiques publiques conues en vue de crer de toutes pices de tels ples nont pas encore connu beaucoup de succs, que ce soit au Canada ou ailleurs, mme si les leons quil serait possible de tirer dinitiatives comme MaRS Toronto faciliteraient llaboration de politiques favorables de tels ples. Lexistence pralable de certains avantages et un fort catalyseur dans la rgion semblent tre des lments cls. Lexemple de Waterloo illustre bien ce phnomne et montre que le dveloppement des ples exige probablement la fois beaucoup de temps pour parvenir un certain niveau de maturit et la convergence de plusieurs caractristiques favorables propres la rgion en question.Contexte des politiques publiques

En gnral, le Canada a offert un milieu progressivement plus favorable linnovation au sein des entreprises, du moins pour ce qui est des facteurs sur lesquels les politiques publiques ont une inuence directe (par exemple, des politiques scales et montaires prudentes, une tendance la rduction des taux dimposition et un soutien la recherche universitaire). Le problme de linnovation dans les entreprises persiste nanmoins, de sorte quil reste encore beaucoup faire. Capital humain Il est clair quil est ncessaire de poursuivre le dveloppement des ressources humaines pour que linnovation soit couronne de succs. En rgle gnrale, cest un domaine dans lequel le Canada est relativement bon. Plus prcisment, lengagement dtermin du gouvernement fdral depuis la

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deuxime moiti des annes 1990 envers la recherche universitaire a fait augmenter loffre de ressources humaines possdant des comptences de pointe et des capacits de recherche, faisant du Canada, toutes choses tant gales par ailleurs, un lieu plus attrayant pour linnovation en entreprise. Par contre, les gestionnaires dentreprises canadiennes nont pas, en gnral, un niveau de formation aussi lev que leurs homologues amricains. Ce retard fait que bon nombre de gestionnaires canadiens sont moins informs que leurs homologues amricains quant aux derniers dveloppements la ne pointe de la technologie et des nouvelles pratiques de gestion. Ils ont donc moins tendance privilgier des stratgies dentreprise mettant laccent sur linnovation. Mesures incitatives la R&D Le programme de la recherche scientique et dveloppement exprimental (RS&DE) est de loin linitiative qui offre le plus grand soutien nancier direct aux entreprises innovantes au Canada. En 2007, il reprsentait un montant total de dductions scales estim 4 milliards de dollars. Bien quil semble que ce crdit dimpt ait eu une incidence nette positive, bon nombre de chefs dentreprise estiment que ce programme pourrait tre amlior, par exemple, en largissant le caractre remboursable du crdit toutes les entreprises faisant de la R&D, au lieu de le limiter aux entreprises de petite taille. Si le montant total du soutien du gouvernement la R&D en entreprise (en combinant la fois les dductions scales et les subventions directes) est lgrement plus lev, en pourcentage du PIB, que celui des tats-Unis et du Royaume-Uni, il faut malgr tout noter que la balance penche fortement du ct des dductions scales pour stimuler la R&D au Canada, ce qui est propre ce pays. Bien que la plupart des pays aient augment le recours aux dductions scales dans leurs programmes de soutien la R&D, au cours des dernires annes, il faudrait faire un travail dvaluation supplmentaire pour en dterminer la bonne combinaison. Stratgies sectorielles Le secteur des TIC, parmi dautres (comme larospatiale), offre plusieurs exemples du rle de catalyseur que joue le gouvernement quand il sagit de permettre aux activits innovantes de prendre racine et de se dvelopper au point de crer des entreprises commercialement viables. Cette inuence, exerce ds les premiers stades du dveloppement dune entreprise, a pris de nombreuses formes : approvisionnement anticip (qui a conduit, par exemple, limportante prsence dIBM au Canada), partenariats commerciaux entre le gouvernement et le secteur priv en vue de raliser une mission dintrt national (cration de Telesat en 1969, par exemple) et soutien la recherche dans le cadre de subventions cibles aux universits et de la mise sur pied dinstallations et de programmes gouvernementaux sectoriels.Ambition des entreprises

Les entreprises canadiennes sont-elles assez solides pour faire face la concurrence sur les marchs internationaux? Est-ce quelles sont sufsamment agressives?

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Est-ce quelles sont prtes prendre des risques et capables dlargir leurs horizons au-del de lnorme march amricain, si facile daccs? Il est clair que les nombreux Canadiens ayant bti des entreprises qui connaissent la russite lchelle mondiale ont ce quil faut pour y parvenir. Mais la question est de savoir si le pays compte sufsamment dentrepreneurs de ce type pour assurer la prosprit long terme de lconomie dans son ensemble. Le point de vue du comit dexperts est qu lheure actuelle, ce nest pas le cas. Cela nest toutefois pas attribuable un quelconque manque inn de capacits chez les gens daffaires au Canada; autrement dit, ce nest pas dans les gnes que le problme se situe. Le secteur des entreprises au Canada dans son ensemble a t, jusqu prsent, un secteur rentable, en dpit de son rendement mdiocre sur le plan de linnovation. Les bnces des entreprises avant impt au Canada dpassent, en pourcentage du PIB, ceux des tats-Unis, et ce, presque chaque anne depuis 1961. Il est donc peu probable que le comportement des entreprises canadiennes change, tant que la situation nvoluera pas. Or, justement, la situation est en train de changer radicalement, non seulement en raison de la tourmente actuelle dans lconomie mondiale, mais aussi, plus fondamentalement et plus long terme, en raison dune nouvelle rpartition des activits conomiques lchelle mondiale, mesure que la Chine et dautres pays en mergence deviennent des participants part entire au commerce mondial. La dmographie de la communaut des entreprises au Canada est galement en pleine volution, mesure que les immigrants et la nouvelle gnration dentrepreneurs, qui ne sembarrassent pas des attitudes traditionnelles, tendent leur prsence. Par consquent, on peut sattendre ce que les entreprises canadiennes deviennent, lavenir, plus ambitieuses et plus innovantes, que ce soit par ncessit ou par envie.RELEVE R LE D FI DE LI NNOVAT I ON DANS LES ENTRE P RI S E S AU CANADA

Le Canada est aux prises avec un grave problme de croissance de la productivit. Les donnes statistiques montrent sans quivoque que le problme remonte il y a longtemps. Le comit dexperts estime, dune part, que les Canadiens devraient sinquiter du niveau de productivit dans notre conomie axe sur lexportation, parce que la concurrence venant de la Chine et dautres conomies en mergence sintensie. Cest une forte croissance de la productivit qui assure la comptitivit sur la scne internationale ainsi que laugmentation du niveau de vie. Le comit dexperts croit galement que les Canadiens devraient sinquiter des consquences long terme de la faiblesse persistante de la productivit dans lconomie intrieure, attribuable au vieillissement de la population et lintensication de la concurrence entre les conomies des pays avancs pour attirer les personnes dtenant les meilleures comptences et, en particulier, les entrepreneurs de talent.

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Comme le problme du Canada sur le plan de la productivit est en ralit un problme dinnovation en entreprise, le dbat sur les moyens quil faut adopter pour accrotre la productivit au Canada doit se concentrer sur les facteurs favorisant ou freinant ladoption de stratgies axes sur linnovation dans les entreprises. Il sagit dun d de taille, dans la mesure o les facteurs pertinents se combinent diffremment dun secteur lautre, ce qui exige une conception beaucoup plus gnrale de linnovation que le point de vue traditionnel ax sur la R&D, lequel, mme sil reste important, demeure trop restrictif. Il ny a pas de cause unique au problme de linnovation au Canada, ni de remde unique. Il faut donc que les politiques publiques encadrant linnovation reposent sur une comprhension approfondie des facteurs inuenant les dcideurs du milieu des affaires, secteur par secteur. Pour ce faire, il faut mener des consultations approfondies auprs des gens daffaires et poursuivre les tudes sur linnovation et dautres formes de micro-analyses portant sur le processus dinnovation. (Le prsent rapport fournit plusieurs exemples de difcults et de stratgies propres certaines industries touchant linnovation, dans le cadre de brves tudes de cas sur le secteur automobile, le secteur des sciences de la vie, le secteur bancaire et le secteur des TIC.) Au-del des facteurs propres chaque secteur ayant une incidence sur les stratgies dinnovation, il existe certains problmes rpandus que lanalyse du comit dexperts a mis en vidence et qui semblent souligner la ncessit dadopter des politiques publiques proactives : encourager les investissements dans la machinerie et le matriel, et dans les TIC en particulier (en ne concevant toutefois ces mesures incitatives qu la lumire dune meilleure comprhension des raisons qui expliquent pourquoi le Canada a t relativement lent, jusqu prsent, dans ladoption des TIC); renforcer les incitatifs qui poussent les entreprises adopter des stratgies axes sur linnovation en les exposant plus la concurrence et en encourageant les entreprises canadiennes axer davantage leurs activits sur lexportation, en particulier dans le domaine des biens et des services, qui se situe en amont dans la chane de valeur et, par ricochet, plus prs des utilisateurs en bout de chane; amliorer le contexte daccueil des nouvelles entreprises, de faon ce que les possibilits dcoulant de lexcellence de la recherche dans les universits canadiennes dbouchent sur la cration dentreprises qui soient viables et susceptibles de crotre, sachant que le plus important est doffrir le meilleur nancement qui soit ds les premires tapes de la cration de lentreprise et de sassurer que les entrepreneurs bncient du soutien de personnes exprimentes dans le cadre de programmes de mentorat;

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soutenir les domaines dans lesquels le Canada excelle et a un certain potentiel de croissance, laide de stratgies cibles, cohrentes et axes sur des secteurs spciques, comme cela a pu tre le cas par le pass, par exemple dans lindustrie automobile, larospatiale et lindustrie des TIC.

Les nombreuses russites dentreprises canadiennes sur le march mondial fortement comptitif que nous connaissons aujourdhui montrent quil ny a rien dinn ou dinvitable dans le caractre du pays qui empche les entreprises canadiennes dtre tout aussi innovatrices et productives que celles des autres nations. Le comit dexperts a men son analyse de linnovation dans les entreprises dans un contexte marqu par la plus grande crise conomique mondiale svir depuis plusieurs dcennies. Cela tant, le comit dexperts ne sest pas laiss distraire dune approche long terme, parce que les racines de linnovation au Canada sont profondes et protgent sa gerbe des variations cycliques du climat conomique. Ainsi, alors que les gouvernements du Canada continuent de prendre des mesures court terme pour attnuer les effets de la crise conomique actuelle, le diagnostic que fait le comit dexperts sur la nature et les causes sous-jacentes de la faiblesse des performances du Canada sur le plan de linnovation peut galement servir cibler ces mesures de faon ce quelles renforcent lconomie du pays long terme.

Chapitre 1 Introduction et mandat du comit dexperts

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Chapitre 1 Introduction et mandat du comit dexpertsLinnovation cest--dire lart de concevoir de nouvelles faons ou de meilleures faons de faire les choses auxquelles on accorde de la valeur est une manifestation de la crativit, cest--dire de cette capacit propre ltre humain de faire de ce quil imagine une ralit. Les progrs matriels de la socit, tels quils sont reprsents par la croissance de la production de biens et de services par habitant, dpendent de la production et de lexploitation systmatiques dinnovations. Pendant des millnaires, les progrs conomiques ont t extrmement lents et hsitants, parce que les perces taient souvent contrebalances par des pousses de croissance de la population, des guerres et des pidmies. Puis, pendant la deuxime moiti du XIXe sicle, en raison de la conjonction dvnements faisant toujours lobjet de dbats, la rvolution industrielle sest impose, dabord en Grande-Bretagne, pour ensuite enclencher un processus de croissance conomique soutenue sans prcdent dans lhistoire de lhumanit (voir la gure 1.1). Les innovations ainsi que les nouvelles formes politiques et institutionnelles de soutien linnovation se sont rpandues rapidement travers lEurope et lAmrique du Nord.PERSPECTIVE LONG TERME DE LA CROISSANCE CONOMIQUE 18202003.-U. 25 Canada

30 PIB rel par habitant en milliers de dollars amricains (valeur en 1990)

20 R.-U. 15

10 Japon 5 Chine Inde 0 1820 1870 1920 1970 2020

Sources des donnes : Conference Board et Groningen Growth and Development Centre, 2008; Maddison, 2008

Figure 1.1 Perspective long terme de la croissance conomiqueLes trajectoires long terme de la croissance conomique par habitant sont en corrlation troite pour les pays ayant des niveaux comparables de dveloppement.

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La gure 1.1 semble indiquer que lorsquune socit donne souvre aux changes conomiques rciproques avec les chefs de le technologiques, il sensuit un processus de rattrapage aliment par la diffusion dinnovations de pointe trs rapide dun point de vue historique (Abramovitz, 1986)1. La Chine avec lInde non loin derrire connat une priode de transition semblable celle quont connue les pays occidentaux et le Japon, au cours des 150 dernires annes. La question qui se pose est de savoir si les ressources de la plante et lenvironnement naturel sont en mesure de soutenir la trajectoire de croissance presque verticale que montre la gure 1.1, dans la mesure o cette croissance concerne dsormais plusieurs milliards dindividus qui ne sont encore quau pied de lchelle du dveloppement. Ce qui est certain, cest que ces conditions vont plus que jamais mettre lhumanit au d dutiliser ses capacits dinnovation et dadaptation. Linnovation revt une importance capitale pour la socit, parce quil sagit de lapproche utilise pour rsoudre les problmes et pour crer de nouvelles possibilits. Linnovation est ce qui nous a donn linsuline, le tlphone, le cinma, la puce lectronique et le centre commercial pour le meilleur et pour le pire. Cest aussi linnovation qui a conduit lamlioration continue des biens et des services, de mme que les moyens de production de ces biens et services. Linnovation revt une importance particulire pour les entreprises, non seulement parce que cest souvent elle qui est au cur de la russite des grandes entreprises titre dexemple, lentreprise Bombardier est ne la suite de linvention par son fondateur de la motoneige , mais aussi parce que la cration de nouveaux produits et lamlioration de lefcacit des procds constituent la principale manire pour les entreprises de renforcer leur comptitivit. Cest grce linnovation que les entreprises sont en mesure didentier des moyens leur permettant de renforcer la valeur des ressources existantes. Linnovation permet aux entreprises de crer des marchs entirement nouveaux, dlargir leur part dans les marchs existants, damliorer leur rentabilit, ou de raliser une combinaison de ces trois lments. Lorsque les gots des gens voluent ou que de nouvelles difcults se prsentent, les entreprises ont gnralement besoin dinnovation, ne serait-ce que pour survivre. Comme on le verra dans le prsent rapport, cest donc linnovation qui est le principal facteur de croissance de la productivit cest--dire le principal facteur daugmentation de la production de biens et de services par heure de travail. Comme lcrivait Paul Krugman (1990), laurat du prix Nobel dconomie en 2008, la productivit nest pas tout, mais long terme, elle est presque tout. La capacit qua1 Tout au long du XIXe sicle, la Grande Bretagne a t le chef de le technologique mondial dans la plupart des domaines conomiques importants. Au tournant du XXe sicle, les tats Unis avaient largement rattrap la Grande Bretagne. Si le Japon a depuis longtemps tabli une tradition de force technique dans certains domaines, il na vritablement pris son envol quaprs la Seconde Guerre mondiale, lorsquil a obtenu un accs accru au savoir-faire amricain et aux marchs occidentaux.

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un pays damliorer son niveau de vie au l du temps dpend presque entirement de sa capacit faire augmenter la production par travailleur (p. 9). Cest pourquoi linnovation directement ou indirectement, le principal moteur de la croissance de la productivit est la source la plus importante et la plus fondamentale de progrs et de prosprit conomique. Si on se tourne vers lavenir, on observe une convergence de tendances qui rendront linnovation plus indispensable que jamais : lintensication de la concurrence lchelle mondiale, en particulier avec lmergence extrmement rapide de la Chine, de lInde, du Brsil et de la Russie en tant que puissances conomiques, reprsente la fois de plus grands ds et de plus grandes possibilits pour le Canada; il est ncessaire dinnover pour laborer des mthodes de production exigeant moins de ressources et ayant des rpercussions mineures sur lenvironnement, an de poursuivre la croissance conomique et de veiller ce que ses retombes positives bncient aux parties du monde qui sont toujours en voie de dveloppement; le vieillissement de la population au Canada rend la croissance de la productivit imprative, dans la mesure o une importante proportion de la population en ge de travailler cessera daugmenter et se mettra ensuite diminuer; le fait que lon continue de voir merger de nouveaux dveloppements rvolutionnaires dans les technologies de linformation et de la communication, dans les sciences de la vie et dans la fabrication de matriaux de pointe offre dextraordinaires occasions de proter des retombes dcoulant du fruit de linnovation.

On ne peut donc que sinquiter face aux donnes indiquant que les entreprises canadiennes dans leur ensemble malgr des exceptions notables accusent un certain retard sur le plan de linnovation, non seulement par rapport aux tats-Unis, mais aussi bon nombre de nos partenaires de lOCDE parmi les pays avancs sur le plan conomique. titre dexemple, les dpenses des entreprises en recherche et dveloppement sont relativement faibles, de mme que linvestissement dans la machinerie et le matriel de pointe notamment dans le domaine des technologies de linformation et de la communication. (Ces lments, ainsi que de nombreux autres indicateurs, seront analyss ultrieurement dans ce rapport.) Voil deux dcennies que la croissance de la productivit de la main-duvre au Canada est en retard par rapport aux tats-Unis et de nombreux autres pays membres de lOCDE. Si on combine cet tat de fait dautres paramtres lis au comportement des entreprises en matire dinnovation, dans lesquels le Canada a galement tendance tre en retard, il y a lieu de croire que les performances des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation sont dcevantes.

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M ANDAT DU COM I T DEX P E RT S

La question quil importe de se poser est la suivante : Pourquoi? Si, selon les spcialistes et les responsables des politiques publiques, linnovation est bonne pour les entreprises, pourquoi les entreprises canadiennes dans leur ensemble y semblent-elles moins attaches quelles ne devraient ltre? Cette question est dautant plus intrigante que cela fait des dcennies quon la pose et que pourtant, la situation na gure chang. De plus, le Canada a essay dappliquer bon nombre des remdes recommands par les conomistes et les analystes des politiques en vue de favoriser linnovation et daccrotre la productivit, mme si cela na peut-tre pas toujours t fait avec la vigueur et la persvrance ncessaires (OCDE, 2003b, 2007c, 2008f). Les causes du dcit canadien en matire dinnovation sont donc sans aucun doute profondment ancres dans la nature mme de lconomie du pays, voire de la socit canadienne. Comme il pourrait tre possible dattnuer lincidence de certaines de ces causes en adoptant des politiques publiques plus appropries, il est important que les gouvernements disposent dun outil diagnostique rigoureux sur le mal qui ronge les entreprises canadiennes sur le plan de linnovation. Le ministre fdral de lIndustrie a donc demand au Conseil des acadmies canadiennes (CAC) de travailler en collaboration avec le secteur priv et les spcialistes universitaires an dapprofondir notre connaissance des possibilits et des obstacles en S et T auxquels sont confrontes les entreprises canadiennes. Cela aidera le gouvernement mieux soutenir un engagement accru du secteur priv canadien envers les S et T (Industrie Canada, 2007, p. 28). Plus prcisment, le mandat du CAC tait de rpondre aux questions suivantes : Comment valuer les performances des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation? Dans quelle mesure les entreprises canadiennes innovent-elles et que sait-on de leurs performances sur le plan de linnovation lchelle nationale, rgionale et par secteur? Pourquoi la demande des entreprises en matire de sources dinnovation (recherche et dveloppement, machinerie et matriel, travailleurs qualis, etc.) est-elle plus faible au Canada que dans bon nombre dautres pays de lOCDE? Quels sont les facteurs qui contribuent cette situation et quelle est limportance relative de ces diffrents facteurs?

En rponse ce mandat, le CAC a runi un comit dexperts issu du milieu des affaires, des syndicats et de la recherche, pour rpondre aux quatre questions prcdentes, en leur demandant de sinspirer de leur propre exprience dans de nombreux secteurs de lconomie et du riche corpus de travaux de recherche au Canada et ltranger sur la question. Le comit dexperts a pu sappuyer sur les soumissions crites quil a reues des individus et des organismes, la suite dun appel de commentaires afch dans le site Web du CAC, ainsi que sur un certain nombre de rencontres entre des sous-groupes du comit et des experts invits

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possdant des connaissances approfondies dans des secteurs spciques de lconomie (voir lannexe IV).P LAN DU RAP P ORT

En dpit des multiples travaux de recherche et commentaires publis au l des ans sur le comportement des entreprises canadiennes en matire dinnovation, celui-ci nest toujours pas tout fait compris. Lnigme de linnovation dans les entreprises a donc grand besoin dune analyse contemporaine et objective. Le but du prsent rapport est de fournir une telle analyse. Il ne sagit pas dune nouvelle tude. Par ailleurs, il privilgie une approche long terme et non pas base sur des facteurs lis des vnements prcis ou limportante crise conomique que traverse aujourdhui la plante. Le ministre fdral de lIndustrie na pas demand au comit dexperts de fournir des recommandations en matire de politiques publiques, mme si le diagnostic du comit dexperts sur les performances des entreprises sur le plan de linnovation est dune grande pertinence pour les politiques publiques. Lorsque les rsultats de lanalyse pouvaient revtir une importance en regard des politiques publiques, le comit dexperts a gnralement saisi loccasion dnoncer ceux-ci de faon explicite. Le rapport sorganise comme suit : Le chapitre 2 dnit le concept dinnovation tel quil est employ dans le rapport et prsente les donnes disponibles concernant lincidence de linnovation sur la croissance de la productivit au Canada, dans le contexte des performances conomiques du pays long terme. Le chapitre 3 fournit une description quantitative des activits dinnovation des entreprises canadiennes, en sappuyant principalement sur des statistiques de nations aux conomies avances comparables celles du Canada. Ces donnes constituent la base sur laquelle le comit dexperts appuie ses conclusions relativement aux performances des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation par rapport aux seuils de rfrence de la communaut internationale. Le chapitre 4 dnit, la lumire de ces donnes et de ces conclusions, le cadre de lanalyse du comit dexperts, en indiquant les principaux facteurs inuenant la dcision que prend chaque entreprise de mettre ou non laccent sur linnovation dans le cadre de sa stratgie dentreprise. Les activits dinnovation mesures traditionnellement et abordes au chapitre 3 (par exemple, la recherche et dveloppement, lembauche de personnes hautement qualies, les dpenses en matriel de pointe) sont en ralit les consquences des dcisions que prennent les entreprises dutiliser linnovation comme outil stratgique. Les facteurs les plus importants pouvant inuencer la dcision que prend chaque entreprise dadopter ou non une stratgie axe sur linnovation sont les suivants : (i) les caractristiques structurelles de lconomie canadienne

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(composition sectorielle, contrle tranger et taille des entreprises); (ii) la situation dans laquelle se trouvent les concurrents de lentreprise; (iii) les conditions favorisant ou freinant la cration et la croissance de nouvelles entreprises innovantes; (iv) les politiques publiques ayant une incidence considrable sur linnovation; (v) lambition de lentreprise (par exemple, dans quelle mesure le comportement des entreprises au Canada est fortement, ou non, ax sur la croissance). Ces facteurs ne sont pas indpendants les uns des autres. titre dexemple, si les entreprises nont pas assez dambition, cela peut tre le rsultat dune combinaison des autres facteurs. Les chapitres 5 9 examinent les diffrents facteurs ci-dessus, en sappuyant sur lexprience des membres du comit dexperts et sur les recherches universitaires, ainsi que sur des analyses de Statistique Canada, dIndustrie Canada et de lOCDE, entre autres sources. Le chapitre 10 prsente plusieurs brves tudes de cas sur des secteurs de lconomie canadienne : lautomobile, les sciences de la vie, lindustrie bancaire et les technologies de linformation et de la communication. Ces tudes de cas ont t choisies pour complter les informations globales et relativement abstraites prsentes dans le reste du rapport. Elles ne cherchent pas constituer des analyses exhaustives des secteurs concerns; elles sinspirent plutt de lexprience des membres du comit dexperts et dautres personnes consultes par le comit pour mettre en vidence des questions et des proccupations relatives linnovation qui sont propres chaque secteur. Ces tudes de cas apportent une dimension concrte au rapport et illustrent la grande diversit et la grande complexit de la problmatique de linnovation au Canada. Le chapitre 11 conclut le rapport en nonant les principales conclusions du comit.

Au rapport intgral vient se greffer une version abrge du rapport, qui dveloppe la fois largumentation et les principaux rsultats du travail du comit dexperts sous forme dun rsum complet. La version abrge est disponible sparment en vue dune diffusion plus grande et se trouve dans le site Web du Conseil des acadmies canadiennes (www.sciencepourlepublic.ca).

Chapitre 1 Introduction et mandat du comit dexperts

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Encadr 1 Points de vue sur les performances des entreprises canadiennes au chapitre de linnovationGouvernement du Canada Lchelle des efforts en R&D consentis par le secteur priv canadien est de loin infrieure celle de ses concurrents sur la scne internationale dans bon nombre des conomies avances. Une seule entreprise canadienne gure parmi les 100 meilleures entreprises du monde en R&D, ce qui situe le Canada au dernier rang dans le G7. Les entreprises canadiennes investissent galement moins que leurs homologues dautres pays dans la machinerie et le matriel de pointe, de sorte quelles gurent, l encore, au dernier rang dans le G7. Le faible taux dinvestissement des entreprises canadiennes dans les technologies de linformation et de la communication (TIC), lorsquon le compare aux tats-Unis, est tout particulirement proccupant (2007). Groupe Financier Banque TD Au cours de la dernire dcennie, on a observ une tendance la baisse dans lintensit des investissements du secteur priv au Canada par rapport aux autres pays de lOCDE et du G7 []. La croissance rapide des bnces des entreprises au cours des dernires annes na pas trouv son pendant dans une augmentation semblable des dpenses dinvestissement, de sorte que la machinerie et le matriel exprims en part du PIB sont la baisse et cela sest produit pendant une priode de consolidation rapide de la valeur du dollar canadien, qui a rduit le cot des investissements. Ce comportement prudent [] ne contribuera pas amliorer les rsultats pitoyables du Canada en matire de productivit. Le message est clair : le secteur priv doit, avec laide du secteur public, accorder plus de poids aux dpenses dinvestissement destines renforcer la productivit dans les annes venir (2007). Banque du Canada Il y a beaucoup dincertitude sur les causes profondes expliquant pourquoi le Canada nest pas parvenu, au cours de la dernire dcennie, suivre les traces des tats-Unis et engendrer un taux de croissance plus lev de la productivit tendancielle. Le Canada semble avoir moins prot des TIC et avoir connu peu dconomies defcience dans la production de services et de biens autres que les TIC []. Le retard persistant quaccuse le Canada en ce qui concerne les activits innovantes, ladoption des nouvelles technologies et les investissements dans le capital organisationnel semblent tre le reet non pas dune dcience dans les conditions de loffre mais dune faible demande en matire dinnovation, qui pourrait elle-mme dcouler dune absence de concurrence, du fait que ceux qui prennent des risques ne sont pas rcompenss []. En dpit des normes travaux de recherche sur la productivit raliss au cours de la dernire dcennie, il reste encore mieux comprendre bon nombre des questions dans le contexte canadien et [entre autres]

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explorer le rle potentiel des facteurs structurels dans la faible demande au Canada en matire dinnovation (2007). Conseil canadien des chefs dentreprise Les entreprises canadiennes ont, dans lensemble, trop tard investir dans la recherche et adopter des technologies de pointe []. Un trop grand nombre de dirigeants dentreprise comme de Canadiens dans tous les domaines de la socit se sont laisss emprisonner dans une culture de sufsance, dans un climat o lon semble penser que bien, cest sufsant (2008). Travailleurs canadiens de lautomobile Les entreprises de lindustrie manufacturire sont bien plus attaches que les autres la R&D et aux autres formes dinnovation. Le dclin rapide de lindustrie manufacturire au Canada sous-tend que les chiffres du Canada cet gard vont encore se dgrader et non samliorer dans les annes venir (2008). Groupe dtude sur les politiques en matire de concurrence Une bonne part de la faiblesse des performances du Canada en matire de productivit peut tre attribue aux performances relativement faibles des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation. Nous sommes mal classs dans presque tous les domaines lis linnovation : la cration du savoir, la transformation du savoir et lutilisation du savoir dans le cadre de son exploitation commerciale (2008). McKinsey & Company Une bonne part du dbat sur lconomie canadienne a port sur la productivit, considre comme le moyen dalimenter la comptitivit du pays sur la scne internationale. Si la productivit est importante, il nen reste pas moins que, daprs les recherches de la socit McKinsey & Company, linnovation se rvle tre encore plus importante pour alimenter la comptitivit du pays. Ces recherches montrent aussi que le Canada est en retard sur ses concurrents dans le monde pour ce qui est de sa capacit dinnover (2008).

Chapitre 2 La nature et limportance de linnovation

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Chapitre 2 La nature et limportance de linnovationCe chapitre dnit le concept dinnovation tel quil est utilis dans le prsent rapport. Il dnit ensuite le contexte de la discussion portant sur les performances des entreprises canadiennes sur le plan de linnovation, en examinant les performances conomiques du Canada long terme par rapport celles des tats-Unis et des autres pays ayant une conomie avance et, plus spciquement, en examinant lcart entre le Canada et les tats-Unis en ce qui a trait la croissance de la productivit. Le chapitre se termine par une valuation de limportance de la productivit multifactorielle en tant quindicateur principal de lincidence de linnovation sur lamlioration de la productivit.I NNOVATI ON R ADIC AL E OU I NNOVATION PR OGR ESSIV E

En termes simples et intuitifs, linnovation consiste en des faons nouvelles ou meilleures de faire des choses ayant de la valeur. Linnovation dans lconomie se manifeste de deux faons distinctes, mais complmentaires : linnovation radicale et linnovation progressive . Les innovations radicales, comme la machine vapeur, les aliments en conserve, lautomobile, la tlvision et le transistor, sont souvent des innovations relevant des sciences ou du gnie et qui crent des marchs entirement nouveaux, dans lesquels linnovation en question volue tout dabord de faon rapide et la vive concurrence entre les entreprises permet dliminer les produits inadapts et de conserver ceux qui conviennent2. Cette forme dinnovation suscite par linvention de nouveaux produits dont limportance varie considrablement, du hula-hoop la puce lectronique correspond lide que se font la plupart des gens de ce quest l innovation . Les bienfaits conomiques (sous la forme demplois et de croissance des revenus) qui dcoulent dune innovation radicale connaissent gnralement une grande et rapide diffusion au-del de lentreprise et de la rgion do mane linnovation en question. Si, par exemple, la puce lectronique et lordinateur personnel sont des produits ayant t mis au point par un petit noyau de socits aux tats-Unis (comme Apple, IBM et Intel), bon nombre des emplois de production que cette innovation a engendrs ont t rpartis ailleurs dans le monde. Qui plus est, les retombes des technologies de linformation et de la communication (TIC) qui en ont dcoul continuent de proter aux utilisateurs dans le monde entier. Il sagit l dun exemple spectaculaire du dversement de linnovation en gnral et des investissements dans la recherche et dveloppement (R&D), plus spciquement.2 De nombreuses innovations radicales se produisent galement dans dautres domaines, comme les arts (par exemple, limpressionnisme en peinture et le jazz et le rock and roll dans la musique moderne), les organisations (par exemple, la socit par actions responsabilit limite, la chane de montage, le grand magasin rayons multiples) et les politiques publiques (par exemple, lassurancechmage, le systme public de soins de sant). La plupart de ces innovations ont eu une grande incidence conomique ou culturelle.

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Il reste vrai, bien entendu, que le lieu dorigine de linnovation en question en tire des avantages importants comme la Silicon Valley a pu le faire, par exemple et devient souvent le point dancrage dun ple dentreprises innovantes, qui prend ensuite son propre essor. Linnovation progressive est cependant une forme dinnovation beaucoup plus rpandue. Il sagit dune forme dinnovation dans laquelle les biens et les services, ainsi que leurs moyens de production, de marketing et de distribution, font constamment lobjet Nouveau march March tabli volution rapide avec Innovation progressive damliorations3. Linnovation comptition entre concurrents progressive selon laquelle les dveloppements sont gnralement nouveaux pour lentreprise concerne ou parfois pour le secteur concern, mais non pour le monde dans son ensemble est ce qui nourrit la croissance de la productivit et la comptitivit des Temps entreprises dans les Eurka! marchs tablis. Comme ces marchs tablis reprsentent Figure 2.1 la plus grande partie de Cycle de vie de linnovation lactivit conomique, cest sous forme schmatique linnovation progressive qui Les innovations radicales crent de nouveaux marchs qui se est directement responsable dveloppent rapidement (souvent avec une comptition entre de la majeure partie de la concurrents), mais nissent par stablir et connatre une croiscroissance de la productivit sance lente dans le cadre dune innovation progressive, jusqu ce que le dclin commence, invitablement. de la main-duvre. Ces deux types dinnovation sont complmentaires, car linnovation progressive dans les marchs tablis constitue la phase de maturit de linnovation radicale, crant des marchs entirement nouveaux. Comme les gens, les produits ont un cycle de vie, et le parcours allant de la conception lexpiration suit une trajectoire en S ,3 Baumol (2002) soutient quune bonne partie des innovations dans les entreprises contemporaines sont le fait non pas dentrepreneurs individuels et inspirs, mais plutt dactivits routinires de lensemble des grandes entreprises axes sur la R&D et qui connaissent la russite. Nous nuvrons pas dans le domaine de linattendu, ni de limagination ni de la hardiesse sans limites, que daucuns pourraient considrer tre lessence mme de lentrepreneuriat. Au contraire, les notes de service, les structures rigides de matrise des cots et des procdures standardises sont la marque de fabrique des gestionnaires qualis. Ainsi, la R&D institutionnelle des grandes entreprises sest empare dune part importante du champ de linnovation et la transforme en une activit bureaucratise (p. 36).Taille du march conquis

Tableau 1 Les diffrents visages de linnovationINNOVATIONS EN SYSTME FERM -2PERCES TECHNIQUES Nouvelles composantes importantes dun systme p. ex., SAP, CATIA, batterie de voiture lectrique mergent souvent dun processus de collaboration entre inventeur et client exigeant -3GUERRES DARCHITECTURES Nouveaux systmes mis en place p. ex., systme dexploitation de Microsoft, Google, iPod La russite dpend de la vision, de la capacit de crer une coalition et des effets de rseau Le capital de risque joue souvent un rle cl dans les premires tapes du nancement des activits de visionnaires Dans 5 10 % de lconomie -5PRODUITS QUI REPOUSSENT LES LIMITES Dans 10 15 % de lconomie -6SUR-MESURE DE MASSE Guerre des marques et des systmes grce linnovation dans les systmes et dans leurs lments p. ex., Toyota, IKEA, Wal Mart, Microsoft Gestion de rseaux globaux dapprovisionnement Dans 15 % de lconomie Dans 20 25 % de lconomie PLATES-FORMES INNOVANTES

INNOVATIONS AUTONOMES -1EURKA!

INNOVATIONS CRANT DE NOUVEAUX MARCHS

Nouveaux produits proposs, parfois radicalement innovants, suscitant des mules et des concurrents

Nouveaux produits indpendants p. ex., un nouveau mdicament trs populaire

Chapitre 2 La nature et limportance de linnovation

R&D intense : de 20 35 % du chiffre daffaires

base scientique

Lutilisation de brevets pour carter les mules et laccent fort mis sur le dveloppement du march jouent des rles cruciaux

Se rencontrent dans environ 25 % de lconomie du milieu des affaires -4-

Dans 5 % de lconomie

INNOVATIONS DANS DES MARCHS EXISTANTS

PRODUITS NOUVEAUX ET AMLIORS

Amlioration de la valeur grce linnovation progressive dans les produits et les procds

Amliorations continue des produits et des procds p. ex., dans une bonne part du secteur manufacturier

R&D dintensit modre : de 4 6 % du chiffre daffaires

Accent mis constamment sur linnovation routinire

Clients importants qui amliorent leurs produits et leurs systmes et collaborent avec des experts et des fournisseurs p. ex., banques, lignes ariennes, systmes dutilit publique, dices des aroports

Se rencontrent dans environ 75 % de lconomie

Dans 35 40 % de lconomie

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Source : Tableau tir de Miller et Ct, 2008a

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selon laquelle la phase de dveloppement rapide est suivie on lespre, du moins dune longue priode de maturit croissante, mais dune croissance continue moins forte (voir la gure 2.1). La distinction entre ces deux types dinnovation est importante, parce que les politiques et les stratgies qui leur sont propres sont nettement diffrentes lune de lautre. titre dexemple, le style de gestion et le type de nancement ncessaires pour lancer une innovation destine crer un nouveau march et pour dvelopper cette innovation ne sont pas les mmes que ceux quil faut pour prosprer dans un march ayant atteint la maturit. Les politiques conues en vue dencourager chaque type dinnovation seront galement diffrentes. Lencadr 2 et le tableau 1 dcrivent une faon de caractriser la dynamique de linnovation dans les entreprises. Lencadr 4, la n du prsent chapitre, fournit des perspectives supplmentaires sur le rle cl de linnovation et comprend un rsum des nouvelles tendances dans lorganisation et la mondialisation de linnovation. Lannexe I fournit un aperu des modles modernes endognes de la croissance conomique confrant linnovation un rle de premier plan. Encadr 2 Dynamique de linnovation dans les entreprisesDans le cadre dune enqute denvergure mondiale auprs de 1000 entreprises, Miller et Ct (2008a, 2008b) ont mis en vidence deux types de marchs caractristiques de linnovation les nouveaux marchs et les marchs tablis , comme on la vu plus haut dans ce chapitre et trois catgories dinnovation se produisant dans chacun de ces deux types de marchs (voir le tableau 1). Lorsquon effectue un croisement entre les deux dimensions de ce tableau, on obtient six joutes dinnovation et, ainsi, six tendances particulires dans la dynamique concurrentielle. Nouveaux marchs contre marchs tablis Dans un nouveau march , on on trouve des courses linnovation o la concurrence est forte, mesure que le produit poursuit son volution rapide grce lamlioration de ses fonctionnalits et la rduction des cots. Les nouveaux marchs sont caractriss par 10 20 annes dinnovation intense, jusqu ce quils arrivent maturit et deviennent structurs, comme cela a pu tre le cas dans le march de lordinateur personnel, par exemple. Le BlackBerry est lheure actuelle un produit emblmatique, dnissant le march relativement nouveau du tlphone intelligent ou de l assistant numrique , dans lequel il y a une course de vitesse intense lchelle mondiale faisant intervenir le BlackBerry, liPhone et dautres appareils du mme type fabriqus par EricssonSony, Nokia, Samsung et quelques autres. Dans un nouveau march, tous les participants innovent. La question qui se pose pour les politiques publiques est de savoir comment tablir les conditions permettant aux entreprises locales de participer de tels marchs, car cette concurrence dnira les industries de demain.

Chapitre 2 La nature et limportance de linnovation

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Dans les marchs tablis, la dcision dinnover ou non relve dun choix entre plusieurs stratgies concurrentielles. Mme si tous les marchs sont caractriss par des amliorations constantes et des rductions de cots des produits, les entreprises peuvent dcider demboter le pas en matire dinnovation ou mme carrment de rester lcart et de faire face la concurrence par dautres moyens. Le choix dpendra souvent de lintensit de la concurrence dans le march concern ou des exigences des principaux clients de lentreprise. Ces conditions auront donc une grande inuence sur le degr dinnovation tel quil est voqu aux chapitres 4 10. Porter (1990), par exemple, met laccent sur le rle cl jou par certains clients particulirement exigeants quand il sagit de pousser une entreprise innover. Architecture du produit La deuxime srie de caractristiques concerne larchitecture du produit dnissant le march. La conception traditionnelle de linnovation est celle de linvention de la roue, cest--dire de linvention dun produit suprieur qui crase ses concurrents. Mais on constate quavec lomniprsence des technologies de linformation et de la communication, les nouveaux produits ont de plus en plus tendance faire partie de systmes soit de systmes ferms (un meilleur moteur racteur, par exemple, qui est insparable du reste de lavion), soit de systmes ouverts (un logiciel qui amliore les capacits de Windows, par exemple, ou les milliers de nouvelles applications conues pour les tlphones intelligents). Larchitecture du produit inuencera fortement la dynamique de la concurrence, en particulier du fait que lintgration des systmes exige une troite coopration entre les acteurs du march et renforce limportance de l cosystme dentreprises sur lequel sappuie une entreprise innovante. Les innovateurs entours dun cosystme riche sont des concurrents beaucoup plus forts dans cette joute de linnovation, parce quils ont gnralement un meilleur accs aux ressources nancires, technologiques et commerciales pertinentes (Porter, 1990). La contribution cl des ples dentreprises, comme le ple dentreprises des TIC Kitchener-Waterloo (voir chapitre 7) ou le ple dentreprises des jeux vido Montral, est la cration de milieux extrmement fertiles pour les entreprises innovantes. Ces cosystmes sur lesquels peuvent sappuyer les entreprises innovantes sont beaucoup plus importants dans les nouveaux marchs que dans les marchs tablis et mrs, parce que dans le cas de ces derniers, les innovateurs matrisent davantage la trajectoire de leur innovation et sappuient davantage sur leurs ressources internes ou sur un petit nombre de partenaires en qui ils ont conance. Si le Canada veut russir innover pour crer de nouveaux marchs, il faudra quil accorde une grande attention au dveloppement dcosystmes fertiles dans les secteurs de lconomie qui connaissent lmergence de nouveaux marchs.

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DFI NI TI ON DE LI NNOVAT I ON

des ns danalyse, lOCDE dnit linnovation dans les entreprises comme tant la [] mise en uvre dun produit (bien ou service) ou dun procd nouveau ou sensiblement amlior, dune nouvelle mthode de commercialisation ou dune nouvelle mthode organisationnelle dans les pratiques de lentreprise, lorganisation du lieu de travail ou les relations extrieures (OCDE, 2005, p. 46). Cette dnition a t adopte par les agences responsables des statistiques dans la plupart des pays de lOCDE et par bon nombre danalystes conomiques de par le monde, et soustend ce qui suit : Les innovations ne sont pas simplement des inventions, ni mme des prototypes concrets. Il faut quelles aient t mises en uvre de faon signicative, mme sil nexiste pas de seuil spcique exig pour dnir la russite commerciale. Il sensuit quil y a souve