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Insuffisance valvulaire non post-thrombotique du système veineux profond des membres inférieurs Non post-thrombotic valvular insufficiency of the lower limb deep venous system M. Perrin (Chirurgien vasculaire, ancien interne, ancien chef de clinique des Universités, ancien assistant des hôpitaux de Lyon) a , J .-L. Gillet (Médecin vasculaire) b a 26, chemin de Décines, 69680 Chassieu, France b 51 bis, avenue Tixier, 38300 Bourgoin-Jallieu, France MOTS CLÉS Chirurgie veineuse ; Échodoppler ; Insuffisance veineuse profonde ; Insuffisance veineuse primitive ; Maladie veineuse chronique ; Reflux veineux ; Valve veineuse ; Valvuloplastie KEYWORDS Venous surgery; Echo-Doppler; Deep venous insufficiency; Idiopathic venous insufficiency; Chronic venous disease; Venous reflux; Venous valve; Valvuloplasty Résumé Bien que connu depuis de nombreuses décades, le reflux veineux profond non post-thrombotique est souvent mal identifié en tant que mécanisme physiopathologique responsable dans la maladie veineuse chronique. C’est l’insuffisance veineuse profonde primitive qui représente de loin l’étiologie la plus fréquente dans les reflux veineux non post-thrombotiques. L’insuffisance veineuse superficielle primitive, c’est-à-dire les vari- ces essentielles, est associée à une insuffisance veineuse profonde primitive dans environ 15 % des cas et cette dernière peut être responsable de récidive après leur traitement. Dans les formes sévères d’insuffisance veineuse profonde primitive, la chirurgie repré- sentée essentiellement par la valvuloplastie doit être discutée en cas d’échec du traitement conservateur. Elle ne doit être entreprise qu’après la réalisation d’investiga- tions complémentaires : échodoppler, mesure dynamique de la pression veineuse et phlébographie. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Despite the fact that non post-thrombotic deep venous reflux is known for a long time, this syndrome is rarely identified as the pathophysiological mechanism responsible for chronic venous disease. The most frequent aetiology is the idiopathic deep venous insufficiency. In about 15% of the cases, superficial venous insufficiency, i.e., essential varicosities, is associated with an idiopathic deep venous insufficiency which may be responsible for varix recurrence despite treatment. In case of severe idiopathic deep venous insufficiency, surgery, in particular valvuloplasty, should be considered after conservative treatment failure. The procedure must be undertaken only after comple- mentary investigations such as echo-Doppler, dynamic assessment of venous pressure, and phlebography have been performed. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Gillet). EMC-Podologie Kinésithérapie 1 (2004) 199–206 www.elsevier.com/locate/emck © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.emck.2004.05.002

Insuffisance valvulaire non post-thrombotique du système veineux profond des membres inférieurs

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Insuffisance valvulaire non post-thrombotiquedu système veineux profonddes membres inférieurs

Non post-thrombotic valvular insufficiencyof the lower limb deep venous system

M. Perrin (Chirurgien vasculaire, ancien interne, ancien chef de cliniquedes Universités, ancien assistant des hôpitaux de Lyon) a,J .-L. Gillet (Médecin vasculaire) b

a 26, chemin de Décines, 69680 Chassieu, Franceb 51 bis, avenue Tixier, 38300 Bourgoin-Jallieu, France

MOTS CLÉSChirurgie veineuse ;Échodoppler ;Insuffisance veineuseprofonde ;Insuffisance veineuseprimitive ;Maladie veineusechronique ;Reflux veineux ;Valve veineuse ;Valvuloplastie

KEYWORDSVenous surgery;Echo-Doppler;Deep venousinsufficiency;Idiopathic venousinsufficiency;Chronic venousdisease;Venous reflux;Venous valve;Valvuloplasty

Résumé Bien que connu depuis de nombreuses décades, le reflux veineux profond nonpost-thrombotique est souvent mal identifié en tant que mécanisme physiopathologiqueresponsable dans la maladie veineuse chronique. C’est l’insuffisance veineuse profondeprimitive qui représente de loin l’étiologie la plus fréquente dans les reflux veineux nonpost-thrombotiques. L’insuffisance veineuse superficielle primitive, c’est-à-dire les vari-ces essentielles, est associée à une insuffisance veineuse profonde primitive dans environ15 % des cas et cette dernière peut être responsable de récidive après leur traitement.Dans les formes sévères d’insuffisance veineuse profonde primitive, la chirurgie repré-sentée essentiellement par la valvuloplastie doit être discutée en cas d’échec dutraitement conservateur. Elle ne doit être entreprise qu’après la réalisation d’investiga-tions complémentaires : échodoppler, mesure dynamique de la pression veineuse etphlébographie.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Abstract Despite the fact that non post-thrombotic deep venous reflux is known for a longtime, this syndrome is rarely identified as the pathophysiological mechanism responsiblefor chronic venous disease. The most frequent aetiology is the idiopathic deep venousinsufficiency. In about 15% of the cases, superficial venous insufficiency, i.e., essentialvaricosities, is associated with an idiopathic deep venous insufficiency which may beresponsible for varix recurrence despite treatment. In case of severe idiopathic deepvenous insufficiency, surgery, in particular valvuloplasty, should be considered afterconservative treatment failure. The procedure must be undertaken only after comple-mentary investigations such as echo-Doppler, dynamic assessment of venous pressure,and phlebography have been performed.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Gillet).

EMC-Podologie Kinésithérapie 1 (2004) 199–206

www.elsevier.com/locate/emck

© 2004 Publié par Elsevier SAS.doi: 10.1016/j.emck.2004.05.002

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Introduction, historique

L’insuffisance valvulaire primitive des veines pro-fondes (IVPP) des membres inférieurs est une entitébien particulière au sein de la maladie veineusechronique (MVC).3,9,11,31

Elle a été soupçonnée dès 1948 par Bauer.5

Il l’avait identifiée chez des patients qui présen-taient un ulcère veineux et un reflux dans les veinesprofondes des membres inférieurs sur les phlébo-graphies, en l’absence de tout élément évoquantune thrombose veineuse profonde antécédente.Vingt-sept ans plus tard, Kistner15 réalisait la pre-mière réparation valvulaire et donnait une descrip-tion précise des lésions anatomiques reposant surses constatations peropératoires.

Épidémiologie

Sa prévalence est diversement appréciée selon lesauteurs. Browse7 met en doute son existence ; ellerésulterait essentiellement de la répercussionproximale d’une thrombose veineuse profonde(TVP) distale. Kistner16 en fait une affection primi-tive distincte que Raju37 considère comme fré-quente. Sa recherche systématique se justifie car lamise en évidence d’une IVPP peut faire discuter unethérapeutique spécifique.On estime qu’une IVPP est retrouvée chez 15 %

des patients présentant des varices.31

Étiologie et anatomopathologie

Chez le sujet normal en orthodynamisme, les deuxbords libres de la valvule s’accolent lors de la phasediastolique empêchant le reflux (Fig. 1).L’aplasie ou l’hypoplasie des valves est une pa-

thologie congénitale héréditaire à caractère auto-somique dominant.35 Elle est exceptionnelle.

Dans l’immense majorité des cas d’IVPP, la valveincompétente n’est pas de type atrésique, et l’onobserve deux types d’anomalies :

• la lésion la plus souvent identifiée est repré-sentée par un excès de longueur du bord librede chaque valvule (Fig. 2A). Lorsqu’une pres-sion est appliquée sur la face supérieure de lavalve, il se produit un véritable prolapsus del’appareil valvulaire. La remise en tension chi-rurgicale des bords libres supprime son dys-fonctionnement ;

• plus rarement, l’incontinence valvulaire peutêtre due à une dilatation de l’anneau valvu-laire par élargissement des commissures(Fig. 2B). La réduction du diamètre de la veinepar manchonnage peut alors corriger l’anoma-lie. À noter que ce type de lésion est plusfréquent dans l’insuffisance veineuse superfi-cielle primitive, c’est-à-dire les varices primi-tives.Ces différents aspects peuvent être identifiés en

angioscopie.14

La paroi veineuse peut être macroscopiquementd’aspect normal, mais elle est le plus souvent amin-cie.On ne sait pas si ces différentes anomalies sont

congénitales ou acquises. Il en résulte qu’à la rubri-que E de la classification CEAP, l’IVPP est réperto-riée comme une étiologie primitive, soit Ep.

Physiopathologie

L’IVPP se traduit essentiellement par un reflux dansle réseau veineux profond, dont l’ampleur est va-Figure 1 Valve normale.

Figure 2 Deux types de valve incontinente. Dans les deux cas,les bords libres des deux valvules ne sont plus en contact et neferment pas la lumière lors de la diastole musculaire.A. Valve incontinente par excès de longueur du bord libre desdeux valvules.B. Valve incontinente en raison de la dilatation de l’anneauvalvulaire.

200 M. Perrin, J.-L. Gillet

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riable et fonction du nombre de valves incontinen-tes. Il convient de noter que les deux systèmes duréseau veineux profond sous-inguinal, l’axefémoro-poplitéo-jambier et l’axe fémoral profond,sont souvent conjointement affectés, dans 44 % descas.2 Comme l’insuffisance veineuse superficielle(IVS), l’IVPP a un caractère évolutif, car l’inconti-nence d’une valve provoque à la longue l’inconti-nence des valves sous-jacentes. L’extension de cereflux est appréciée par phlébographie descen-dante18 (Tableau 1). Dans la série d’Almgren1,2, surles 126 membres inventoriés par phlébographiedescendante, le nombre et le pourcentage des re-flux s’établissent : grade 1 : 6 (4 %), grade 2 : 53(42 %), grade 3 : 44 (35 %), grade 4 : 23 (18 %).L’extension de ce reflux est un facteur de gravité.L’IVS et l’insuffisance des perforantes (IPe) sont

fréquemment associées à l’IVPP. Almgren1, sur unesérie de 296 membres qui présentaient des variceset chez qui un syndrome post-thrombotique avaitété exclu, a identifié une IVPP dans 21 % des caschez les malades dont les varices n’avaient pas ététraitées, et dans 43 % des cas chez les malades quiavaient récidivé leurs varices après traitement chi-rurgical.Cette association IVS + IVPP + IPe aggrave l’élé-

ment physiopathologique essentiel, l’augmentationde la pression veineuse en orthostatisme, dont onconnaît à long terme le retentissement sur la micro-circulation et les tissus. Au plan étiopathogénique,Raju37 a développé une hypothèse intéressante(Fig. 3). Si celle-ci n’a pas été confirmée par desétudes de suivi, il est fréquent d’identifier chez lesmalades une ou plusieurs valve(s) proximale(s) detype IVPP, alors qu’en distalité les lésions de typepost-thrombotique sont caractéristiques.23,34

Clinique

Il n’existe pas de tableau clinique spécifique carac-téristique de l’IVPP.3,31 Les symptômes et les signescliniques sont proches de ceux rencontrés dansl’insuffisance veineuse profonde secondaire post-thrombotique.32

Cependant, l’attention du clinicien doit être at-tirée par la sévérité d’un tableau clinique chez unsujet jeune, ou par une récidive variqueuse pré-coce après un traitement des varices (cfFig. 9).13,19,33

Nous soulignons l’importance de l’appréciationde la mobilité de la cheville4,27, qui permet unepremière sélection des patients susceptibles debénéficier de la chirurgie.La classification CEAP29,36, complétée des trois

scores de sévérité38, est fréquemment utilisée pourclasser et quantifier la MVC.29

Investigations complémentaires

Différentes investigations

DescriptionLes investigations complémentaires explorant laMVC ont été décrites dans le fascicule consacré ausyndrome post-thrombotique.32 Nous ne les repre-nons donc pas ici en détail. Rappelons que le dop-pler continu fait partie de nos jours de l’examenclinique.

Échodoppler veineux pulsé et couleurL’échodoppler veineux (EDV) pulsé et couleur estdevenu l’examen de référence pour la pathologieveineuse. Il fournit des informations anatomiqueset fonctionnelles en identifiant les reflux au niveaudes troncs veineux profonds, superficiels et desveines perforantes (Fig. 4, 5).

PléthysmographieLes méthodes pléthysmographiques évaluent lesvariations de volume du membre inférieur et doncle volume du compartiment veineux.La photopléthysmographie (PPG)39 fournit des

renseignements chiffrés et relativement reproduc-

Tableau 1 Classification des reflux selon Kistner18.

Grade 0 Absence de reflux au-delà de la confluence desveines fémorales (superficielle) et profonde

Grade 1 Reflux au-delà de la première valve de la veinefémorale (superficielle) n’atteignant pas la moitiéinférieure de la cuisse

Grade 2 Reflux jusqu’au genou (valve poplitée continente)Grade 3 Reflux au-dessous du genou (valve poplitée incon-

tinente)Grade 4 Reflux intéressant tout le réseau veineux sous-

inguinal (veines fémorales, poplitée, jambièresjusqu’à la cheville)

Figure 3 Hypothèse physiopathologique selon Raju37 établissantune relation de cause à effet entre l’insuffisance valvulaireprofonde primitive et la survenue d’une thrombose veineuseprofonde.

201Insuffisance valvulaire non post-thrombotique du système veineux profond des membres inférieurs

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tibles sur le fonctionnement de la pompe veinomus-culaire du mollet et sur les reflux veineux profondset superficiels. La pose des garrots permet d’esti-mer dans une certaine mesure la responsabilitérespective des différents réseaux veineux.La pléthysmographie à air (APG)26 permet de

mieux distinguer les anomalies liées au reflux ou audysfonctionnement de la pompe du mollet. L’indexde remplissage (VFI) est calculé lors du passage dela position « décubitus, membre surélevé à 45 ° » àla position « debout sans appui » du membre étu-dié.

PhlébographiesLes phlébographies ascendantes, mais plus encorela phlébographie descendante fémorale1,2,18, per-mettent d’évaluer les reflux selon la classificationde Kistner (Tableau 1). Elles fournissent égalementdes renseignements anatomiques (Fig. 6, 7, 8, 9).Cependant, ces phlébographies ne doivent être en-treprises que si un geste chirurgical est envisagé.

Mesures de pressionLes mesures de pression veineuse sont indispensa-bles avant un geste chirurgical. On mesure la pres-

Figure 4 Échodoppler veineux (EDV) couleur dans une insuffi-sance valvulaire profonde primitive (IVPP) : reflux dans uneveine fémorale (superficielle).

Figure 5 Échodoppler veineux (EDV) couleur avec doppler pulsédans une insuffisance valvulaire profonde primitive (IVPP) :reflux de plus de 2 secondes dans une veine poplitée.

Figure 6 Phlébographie fémorale bilatérale avec Valsalva chezune jeune fille de 18 ans : agénésie valvulaire des veinessuperficielles et profondes.A. Aucune valve n’est identifiée.B. Reflux grade 4 de Kistner.18

Figure 7 Phlébographie fémorale avec Valsalva : insuffisancevalvulaire profonde primitive. Aspect morphologique normal duréseau veineux profond. Les valves bien identifiées sont incon-tinentes ; reflux grade 4 de Kistner.18

202 M. Perrin, J.-L. Gillet

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sion veineuse ambulatoire en mettant en place unecanule dans une veine dorsale du pied.

Renseignements fournisLes reflux sont localisés et authentifiés grâce àl’EDV et à la phlébographie descendante (Ta-bleau 1), mais la corrélation des résultats fournispar ces deux examens n’est pas satisfaisante.25

Leur retentissement sur la fonction veineuse estchiffré globalement par la pléthysmographie et lapression veineuse sanglante ambulatoire.L’EDV et la phlébographie permettent d’étudier

les parois veineuses et les valvules.Nous ne disposons pas encore de test prédictif

décisif pour apprécier la souffrance tissulaire, dontl’analyse clinique demeure le principal moyend’évaluation.

Organigramme décisionnel

Nous vous invitons à vous reporter au Tableau 5 et àla Figure 10 du fascicule du Traité d’angéiologie« Syndrome post-thrombotique ».32

En effet, les gestions de ces deux affectionsétiologiques de l’IVC sont proches, seules les indi-cations opératoires et le type de chirurgie répara-trice diffèrent.Les bilans de niveau 1 (clinique) et de niveau 2

(non invasif) sont réalisables par tout angiologuecompétent en IVC. Le bilan de niveau 3 (invasif) estréservé aux cas où une option chirurgicale est envi-sagée.

Traitement

Traitement médical

ObjectifsLes objectifs du traitement médical sont de stabi-liser ou de prévenir l’aggravation de la symptoma-tologie spécifique à la MVC liée à l’IVPP, en luttantcontre l’augmentation de la pression veineuse se-condaire aux reflux veineux.

Méthodes

CompressionLe traitement repose sur la compression, élastiqueou inélastique, dégressive de la cheville à la racinede la cuisse.32

Autres méthodesLa marche avec le port d’une compression élasti-que, les cures déclives, la pressothérapie pneuma-tique ou au mercure, le drainage lymphatique ma-nuel, la kinésithérapie, la correction des troubles

Figure 9 Phlébographie fémorale avec Valsalva chez un patient qui présente une récidive variqueuse majeure après crossectomie etéveinage tronculaire de la grande et de la petite veine saphène et phlébectomie des collatérales. L’insuffisance valvulaire profondeprimitive est à l’origine de la récidive : le reflux massif a dilaté les perforantes. Devenues incontinentes, elles dilatent à leur tour lesveines superficielles.

Figure 8 Phlébographie fémorale avec Valsalva : insuffisancevalvulaire profonde primitive. La valvule proximale de la veinefémorale (ex-veine fémorale superficielle) est incontinente. Sonaspect morphologique suggère qu’une valvuloplastie permettrade restaurer sa fonction.

203Insuffisance valvulaire non post-thrombotique du système veineux profond des membres inférieurs

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de statique du pied et la crénothérapie ne diffèrentguère des méthodes proposées pour le syndromepost-thrombotique.32

Il en est de même du respect des règles hygiéno-diététiques, de la place des traitements médica-menteux et de celle de la sclérothérapie.Nous insistons sur la nécessité d’une surveillance

régulière chez ces patients, pouvant décompenserrapidement une MVC jusqu’alors bien contrôlée.

RésultatsLa littérature ne fournit pas d’information précisesur les résultats du traitement médical de l’IVPP,les travaux publiés évaluant les patients traitéschirurgicalement. Nous ne disposons de résultatsque pour la forme la plus sévère de l’IVC : l’ul-cère.21 Différents travaux10,20,22 ont montré l’effi-cacité de la compression élastique dans la prise encharge d’un ulcère, l’observance à cette compres-sion déterminant la récidive de l’ulcère.

Traitement chirurgical

Méthodes

Insuffisance veineuse profondeLa technique de base est la réparation valvulaire ouvalvuloplastie.8 Elle se propose de reconstituer unappareil valvulaire fonctionnel. Deux types de val-vuloplasties sont utilisés : la valvuloplastie interne,qui nécessite une phlébotomie, et la valvuloplastieexterne sans phlébotomie. Si des éléments plaidenten faveur d’une réparation valvulaire à l’étagepoplité, celle-ci est le plus souvent réalisée à laterminaison de la veine fémorale (ex-veine fémo-rale superficielle).

Transferts valvulairesLa transposition ou la transplantation de même quele manchonnage, les néovalves, la plicature de laveine fémorale pathologique constituent d’autresméthodes dont nous reparlerons au paragraphe desrésultats et des indications.

Insuffisance veineuse superficielleet des perforantesLes méthodes utilisées ne diffèrent pas de cellesqui sont utilisées dans le traitement de l’IVS ou del’IPe non associée à l’IVPP.

Résultats

Insuffisance veineuse superficielleLorsque IVS et IVPP sont associées, les résultats dutraitement isolé de l’IVS sont diversement appré-ciés dans la littérature. Pour certains, la situationclinique et le reflux dans le réseau veineux profondsont améliorés28,41, pour d’autres cette chirurgieisolée est peu efficace à long terme dans les insuf-

fisances veineuses chroniques sévères.40 À l’in-verse, on a une réponse précise sur l’intérêt d’asso-cier à la chirurgie de l’IVS une chirurgie de l’IVPP ence qui concerne le résultat à long terme sur lesvarices primitives, car nous disposons de deux étu-des prospectives randomisées.6,19 Toutes deux dé-montrent que les patients qui ont bénéficié d’unechirurgie de l’IVPP associée à celle des varices ontun meilleur résultat.

PerforanteOn ne dispose pas d’études évaluant l’efficacité dela chirurgie des perforantes isolée dans l’IVPP carelle a le plus souvent été associée à une chirurgiede l’IVS.12,40

Insuffisance veineuse profondeLa chirurgie de l’IVPP a été le plus souvent associéeà la chirurgie de l’IVS et de l’IPe, mais il faut garderen mémoire que dans les séries publiées, la chirur-gie de l’IVPP n’a été entreprise dans la plupart descas qu’après échec du traitement conservateur del’IVS et/ou de l’Ipe.17,33 Si l’on réalise une méta-analyse, les valvuloplasties sont créditées au-delàde 5 ans de 70 % de bons résultats cliniques (ab-sence de récidive ulcéreuse) et hémodynamiques,avec une excellente corrélation entre ces deuxéléments.24

Les résultats des autres techniques sont difficilesà évaluer en raison du petit nombre de maladestraités ou de l’absence de suivi à long terme.

Indications thérapeutiques

Généralités

Les données actuelles ne permettent pas de formu-ler des recommandations de grade A ou B dans letraitement de l’IVPP. Il existe cependant un certainconsensus sur le traitement de cette affection.

Traitement médical

Le traitement médical est toujours proposé en pre-mière intention. Il ne diffère guère du traitementdécrit dans les syndromes post-thrombotiques.32

Le traitement compressif est cependant parfoismal supporté chez des patients jeunes et actifs, oubien ne parvient pas à contrôler l’évolution cliniquequi va en s’aggravant. Un traitement chirurgicaldoit alors être envisagé.17

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical de l’IVPP doit être envi-sagé dans différentes circonstances cliniques.

Chez les sujets jeunesChez les malades jeunes, actifs et symptomatiques,qui veulent se soustraire au port d’une compression

204 M. Perrin, J.-L. Gillet

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élastique permanente, la réalisation d’une valvulo-plastie peut être proposée en association avec lachirurgie de l’IVS et de l’IPe.

En cas de récidiveEn présence d’une récidive variqueuse après échecd’un traitement correct et complet de l’IVS et del’IPe, on identifie à l’EDV et la phlébographie des-cendante un reflux veineux profond de grade 3 ou4 et un reflux par de nombreuses perforantes incon-tinentes alimentant la récidive.30,31

On comprend en effet qu’après suppression duréseau veineux superficiel pathologique, le refluxveineux profond « force » les perforantes quin’étaient pas pathologiques initialement.

Aggravation sous traitementL’indication la plus fréquente demeure l’aggrava-tion sous traitement conservateur et après traite-ment correct et complet de l’IVS et de l’IPe, chezles patients classés C4-6 (hypodermite, ulcère).

Contre-indicationsIl faut cependant prendre en compte, outre lescontre-indications d’ordre général, les contre-indications liées à la présence d’une pompe muscu-laire inefficace (syndrome neurologique, atrophiemusculaire, blocage non corrigeable de l’articula-tion tibiotarsienne) ou l’existence d’une thrombo-philie majeure en raison du risque de thrombosepostopératoire.

TechniqueAu plan technique, la valvuloplastie est l’interven-tion de première intention, car les résultats fournispar les autres techniques sont moins satisfaisants.Lorsqu’une IVS et une IPe sont associées, ellesdoivent être également traitées.

Conclusion

L’IVPP est encore fréquemment méconnue chez lesmalades qui présentent une MVC, et plus particu-lièrement une insuffisance veineuse chronique sé-vère.Il est par ailleurs logique de penser que certaines

thromboses veineuses profondes sont induites parune IVPP.Si le traitement conservateur se révèle ineffi-

cace, le traitement chirurgical de l’IVPP, dans le-quel la valvuloplastie représente l’intervention dechoix paraît justifié dans les insuffisances veineuseschroniques sévères ou les récidives majeures aprèschirurgie des varices correctement exécutée.La chirurgie de l’IVPP ne doit être entreprise

qu’après un bilan complet, et réalisée par deséquipes ayant une expérience de cette chirurgie.

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