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10 ième Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, pp. 85-93 Intégration de l’ergonomie dans le processus de conception des commandes de sièges d’automobiles LEBOIS David*; MILLET Dominique*; BAUDU Samuel** * ENSAM Laboratoire Conception de Produits et Innovation ** FAURECIA Recherche et Développement RESUME Pour concevoir mieux et plus rapidement des commandes manuelles de sièges d’automobiles adaptées à la population utilisatrice, l’équipementier Faurecia souhaite intégrer l’ergonomie au sein de son processus de conception. Les données fournies par la littérature sur les commandes manuelles de siège étant assez pauvres, la première étape consiste à créer de la connaissance sur ce domaine. Le transfert de ces connaissances aux concepteurs passe ensuite par l’élaboration et la mise à disposition d’outils et par leurs accompagnements. Les préconisations sur la manœuvrabilité (limite d’effort recommandée, zone d’accessibilité,…) sont une des voies possibles d’intégration de l’ergonomie des commandes au sein du processus de conception. MOTS CLES siège, automobile, réglage, commande manuelle, ergonomie, effort, conception, outil. 1. INTRODUCTION Pour mettre sur le marché des produits qui répondent aux attentes de plus en plus exigeantes des utilisateurs (en terme de confort, de facilité d’utilisation…), l’équipementier automobile Faurecia, leader européen dans le domaine du siège d’automobile, a souhaité intégrer l’ergonomie au sein de son processus de conception. Les constructeurs et équipementiers cherchent désormais à se différencier en offrant plus et mieux, en termes de qualité et de fonctionnalité sans modifier de façon trop importante le coût et en augmentant la simplicité d’utilisation. Les commandes de siège d’automobile étant devenues un critère dans l’appréciation d’un véhicule, les concepteurs cherchent aussi bien de l’aide sur les commandes de réglages «classiques» (réglage longitudinal, de l’inclinaison du dossier…), sur lesquelles finalement peu de données sont actuellement disponibles, que sur les commandes plus innovantes qui apparaissent aujourd’hui. Pour exemple, la venue sur le marché automobile des monospaces, s’est accompagnée de nouvelles fonctionnalités (siège en tablette, plancher plat, …). A celles-ci correspondent autant de commandes permettant la mise en œuvre des réglages, et donc autant de nouvelles difficultés potentielles pour les utilisateurs. Pour répondre plus vite et mieux à ces problèmes liés à l’ergonomie des commandes, l'entreprise a donc engagé depuis quelques années une recherche dans ce domaine.

Intégration de l’ergonomie dans le processus de ... · Les commandes de siège d’automobile étant devenues un critère dans l’appréciation d’un véhicule, les ... de façon

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10ième Séminaire CONFERE, 3-4 Juillet 2003, Belfort – France, pp. 85-93

Intégration de l’ergonomiedans le processus de conception

des commandes de sièges d’automobiles

LEBOIS David*!; MILLET Dominique*!; BAUDU Samuel**!* ENSAM Laboratoire Conception de Produits et Innovation

** FAURECIA Recherche et Développement

RESUMEPour concevoir mieux et plus rapidement des commandes manuelles de sièges d’automobiles adaptéesà la population utilisatrice, l’équipementier Faurecia souhaite intégrer l’ergonomie au sein de sonprocessus de conception.Les données fournies par la littérature sur les commandes manuelles de siège étant assez pauvres, lapremière étape consiste à créer de la connaissance sur ce domaine. Le transfert de ces connaissancesaux concepteurs passe ensuite par l’élaboration et la mise à disposition d’outils et par leursaccompagnements. Les préconisations sur la manœuvrabilité (limite d’effort recommandée, zoned’accessibilité,…) sont une des voies possibles d’intégration de l’ergonomie des commandes au seindu processus de conception.

MOTS CLES!siège, automobile, réglage, commande manuelle, ergonomie, effort, conception, outil.

1. INTRODUCTIONPour mettre sur le marché des produits qui répondent aux attentes de plus en plus exigeantes des

utilisateurs (en terme de confort, de facilité d’utilisation…), l’équipementier automobile Faurecia,leader européen dans le domaine du siège d’automobile, a souhaité intégrer l’ergonomie au sein de sonprocessus de conception. Les constructeurs et équipementiers cherchent désormais à se différencier enoffrant plus et mieux, en termes de qualité et de fonctionnalité sans modifier de façon trop importantele coût et en augmentant la simplicité d’utilisation.

Les commandes de siège d’automobile étant devenues un critère dans l’appréciation d’unvéhicule, les concepteurs cherchent aussi bien de l’aide sur les commandes de réglages «!classiques!»(réglage longitudinal, de l’inclinaison du dossier…), sur lesquelles finalement peu de données sontactuellement disponibles, que sur les commandes plus innovantes qui apparaissent aujourd’hui. Pourexemple, la venue sur le marché automobile des monospaces, s’est accompagnée de nouvellesfonctionnalités (siège en tablette, plancher plat, …). A celles-ci correspondent autant de commandespermettant la mise en œuvre des réglages, et donc autant de nouvelles difficultés potentielles pour lesutilisateurs.

Pour répondre plus vite et mieux à ces problèmes liés à l’ergonomie des commandes, l'entreprise adonc engagé depuis quelques années une recherche dans ce domaine.

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2. LA PROBLEMATIQUE DE LA CONCEPTION DES COMMANDES MANUELLES DESIEGE D’UNE AUTOMOBILE

2.1 Le siège d’automobileLes sièges, qui prennent une place centrale dans une automobile, n’ont pas échappé à la

sophistication et à la diversification du produit automobile. Ils se différencient de manière significativepar leurs formes extérieures, leurs aspects, leurs matériaux, leurs textures, leurs couleurs.

La course au confort justifie des recherches dans de multiples domaines tels que l’acoustique, lathermique, la mécanique vibratoire et l’ergonomie des commandes.

La figure 1 présente les différents domaines pris en compte lors de la conception du siège parFaurecia.

Figure 1!: domaines du pôle Confort

Pour répondre aux besoins, désirs et problèmes de chacun, les sièges se sont enrichis defonctions nouvelles complétant les traditionnels réglages posturaux. Les réglages vont permettre decerner le problème du confort en apportant un certain nombre de mobilité au siège. Ils vont permettreaux conducteurs de se positionner dans l’habitacle, de façon à pouvoir atteindre les différents organesde commande du poste de conduite, tout en respectant des critères de moindre inconfort.

Historiquement, le premiers réglage à être apparu a été le réglage longitudinal, réalisé au moyende glissières, et peu après l'inclinaison de dossier, grâce à des articulations. Pour compléter cesréglages de bases, sont ensuite arrivés sur le marché des réglages du siège en hauteur, puis desréglages d’angle d’assise, des réglages d’appui tête en inclinaison et en hauteur, des réglageslombaires, des maintiens latéraux…

Pour expliquer cette complexification du produit siège, il faut rappeler que le siège est unproduit de grande série. «!Pour des raisons économiques évidentes, et malgré de possibles jeuxd’options, un même produit sera destiné à de multiples utilisateurs. Ces utilisateurs ont inévitablementdes caractéristiques morphologiques, physiques et intellectuelles très différentes, et ferontvraisemblablement des usages différents de leur automobile. Le problème majeur est alors deconcevoir un produit unique qui satisfasse les attentes plurielles de la clientèle.!» [JUD 93].

Toutes ces commandes peuvent être classées selon différents critères!: selon le type de réglage(manuel, électrique), le mécanisme (continu, discontinu, …), la fonction (inclinaison dossier, rehausse,…), selon la forme de la commande (levier, molette, …). De manière générale, on peut dire qu’ilexiste différents types de commandes pour chaque fonction. Cette diversité est due à la volonté qu’ontles constructeurs de se démarquer, ainsi qu’aux contraintes technico-économiques (gamme devéhicules).

2.2 Contexte scientifiquePlusieurs sources d’informations (normes, ouvrages d’ergonomie, …) nous ont permis d’élargir

nos connaissances sur l’ergonomie des commandes et d’identifier les domaines à approfondir.La plupart des normes qui apportent des éléments sur les commandes manuelles ne permettent pas

de répondre aux caractéristiques particulières que requiert la conception des commandes de réglage de

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siège d’automobile et ne peuvent donc pas être utilisées telles quelles. En effet, la plupart des normesconcernent les conditions de travail et la conception des machines.

Par exemple, la norme NF X 35-104 «!postures et dimensions pour l’homme au travail surmachines et appareils!» définit des zones d’accessibilité d’un opérateur sur son poste de travail. Lesdonnées fournies sont difficilement transposables à un siège d’automobile et à son habitacle (lesactivités, postures et contraintes environnementales ne sont pas les mêmes). De la même façon, lanorme NF X 35-106 «!limites des forces recommandées pour l’utilisation des machines!» donne des«!méthodes de calcul et des limites recommandées qui visent à réduire les risques pour la santé del’opérateur!». Or un occupant de siège de voiture ne veut pas être à la limite de ses forces mais dansune zone de confort de manipulation.

Les informations fournies par les ouvrages d’ergonomie sur les commandes sont trèsnombreuses et très variées. Mais celles-ci sont ici bien trop «!générales!» et ne concernent pasdirectement les commandes de sièges d’automobile, mais plutôt les commandes de poste de travail.Ainsi, Grandjean (1983), Mc Cormick & Sanders (1983), Woodson & Conover (1978) et Woodson(1981) présentent généralement une classification des commandes, selon par exemple le degré deprécision, de rapidité ou de force devant être développée. Des données sur le codage (disposition,structure, matière, couleur…) sont également proposées.

La plupart des études menées par les chercheurs des différents laboratoires sur les sièges desvéhicules ont pour objectifs d’en améliorer le confort. Ainsi, des domaines comme les vibrations oubien le rôle des réglages posturaux et leurs influences sur le confort ont été bien étudiés par Corlette(1999), Donati & Patel (1999), Perkiö-Makela & Riihimäki (1997). En revanche, des données sur lescommandes manuelles mêmes des sièges d’automobiles sont rares. Björing, Johanson & Hägg (1999),Mc Gorry (2001), qui traitent de l’ergonomie des outils manuels, peuvent toutefois nous apporter desinformations qui pourraient être utiles pour l’ergonomie des commandes (surface de préhension,adhérence, force de préhension…). Les méthodes utilisées par Forsmann & col. (2002) nousapporteront des indices sur la façon dont nous allons nous même pouvoir progresser sur laconnaissance de l’ergonomie des commandes manuelles.

3. LA «!CONCEPTION ERGONOMIQUE!» DES COMMANDESPour identifier les paramètres importants à prendre en compte lors de la conception et l’évaluation

des commandes, nous avons décomposé l’ergonomie des commandes manuelles en 2 macro critères!:le codage et la manœuvrabilité.

3.1 La manœuvrabilité des commandes manuellesLe schéma qui suit propose une décomposition en macro critères de l’ergonomie des

commandes (schéma inspiré des travaux de N. SIMON [SIM 02]).

Figure!2 : les critères de l’ergonomie des commandes

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Les premiers travaux au sein de Faurecia ont porté sur la notion de codage. SIMON N. en2002 [SIM 02] a mis en place une série de test (description des commandes par un panel de sujets,mime de manipulation, tests d’usages, questionnaires,…) dont l’objectif était d’apporter des élémentssur l’usage et l’identification des commandes.

Grâce aux résultats de ces tests, les concepteurs de l’entreprise ont pu être sensibilisés àl’ergonomie des commandes manuelles. Ces derniers ont pu, au travers de cette sensibilisation, avoirune vision des représentations des utilisateurs. L’étude réalisée s’est focalisée sur des problèmes delocalisation, d’identification des fonctions associées aux commandes, de compréhension de lamanœuvre des commandes... Cette première phase de recherche a montré que le codage de lacommande (forme, couleur, localisation, pictogramme, sensation tactile…) devait être réalisé enrespect des schèmes sociaux d’utilisation [RAB 95], des notions de cohérence et des stratégiesd’actions des utilisateurs.

Mais, une fois que la commande est clairement identifiée, elle doit aussi permettre unemanipulation aisée, ce qui se traduit notamment par des efforts jugés acceptables par les utilisateurs.Après avoir obtenu des données sur le codage des commandes, des informations sur «!lamanœuvrabilité des commandes!» doivent être fournies aux concepteurs. Sous ce terme sontregroupées différentes notions comme les efforts de manœuvre, les angles et amplitudes demouvements, les surfaces de préhension…. Les efforts qui vont devoir être développés sontdirectement liés à la surface de contact avec la main, à la forme de la commande, à son niveaud’adhérence, ainsi qu’à la position de l’utilisateur par rapport à la commande et le déplacement decelle-ci au cours de la manipulation.

C’est sur ce thème particulier de l’ergonomie des commandes que notre recherche estprincipalement axée. Comme nous l’avons vu précédemment, les données fournies par la littératuresur ce sujet (forme, taille de la commande, limite d’effort…) sont souvent difficilement transposablesaux commandes d’un siège d’automobile et à son habitacle (les activités, postures et contraintesenvironnementales ne sont pas les mêmes).

Bien entendu, lorsqu’un utilisateur évalue une commande, tous ces critères sont liés les uns auxautres et jouent sur la perception globale de cette dernière. Néanmoins, les travaux de recherche serontaxés principalement sur la manœuvrabilité des commandes, c’est à dire sur les problèmesd’accessibilité et de manipulation, la notion de codage ayant déjà été traitée.

3.2 L’évaluation subjective / objective des commandesLes concepteurs ont besoin d’aide pour concevoir des commandes dites «!ergonomiques!». Les

données manquantes actuellement sont des critères!» objectifs!» (données mesurables). En effet, lesseules données dont ils disposent aujourd’hui sont des données subjectives. Ces dernières sontobtenues notamment grâce à des grilles d’évaluation, où l’utilisateur juge différents critères quicaractérisent une commande (critères de compréhension, de localisation, d’accessibilité et demanipulation). Pour le critère «!effort de manœuvre!» par exemple, la commande est évaluée par lesujet par un degré de satisfaction. A chaque réponse correspond un indice, et l’ensemble des réponsesaux différents critères permettra ensuite d’affecter une «!note!» globale à la commande.

Ces données, purement subjectives, renseignent le concepteur sur la perception que l’utilisateura d’une commande d’un siège donné, mais ne lui apporte aucune information concrète pour concevoirde nouvelles commandes qui seraient mieux évaluées. Ce qu’il recherche, ce sont des donnéesmesurables!: un effort «!inadapté!» correspond à une force de combien de Newton par exemple!?Comment l'effort doit-il évoluer au cours du déplacement de la commande?

Les données fournies par les cahiers des charges sont trop insuffisantes et imprécises(généralement une fourchette de mesure). Même si le concepteur respecte cette fourchette, l’effortdemandé pourra être perçu comme trop important. Cette différence est du au fait que le concepteur neprend en compte que l’effort lié à la mécanique du siège. L’utilisateur, lui, a une perception globale dumécanisme. L’effort sera perçu différemment selon la forme de la commande, la surface depréhension, l’accessibilité de la commande….

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Ainsi, les concepteurs ne possèdent que peu de documents auxquels ils peuvent se référer lorsde la conception des commandes. Issues de l’observation, de questionnaire d’évaluation et de l’analysede situation réelle, les connaissances actuelles sur la manœuvrabilité des commandes manuelles nesont pas formulées en termes adaptés à la résolution des problèmes des concepteurs. Face à cetensemble de contraintes, les concepteurs souhaitent avoir des informations, des recommandations, leurpermettant de concevoir des commandes appropriées aux utilisateurs, qui soient par exemple,suffisamment faciles à manipuler. L’ergonomie des commandes est donc un sujet sur lequel lesconcepteurs recherchent de l’aide, puisqu’ils sont confrontés à des demandes trop abstraites enconception.

Après avoir agi sur leurs réflexes de conception en les sensibilisant aux problèmes d’usagesdes commandes, nos travaux apporteront notamment des préconisations sur la manœuvrabilité descommandes (limite d’effort recommandée, zone d’atteinte, …).

4. PRECONISATIONS SUR LA MANOEUVRABILITE DES COMMANDES MANUELLESDE SIEGES

Pour proposer des préconisations sur les efforts de manœuvre, il nous faut tout d’abordélaborer un outil d’évaluation, qui puisse nous permettre d’obtenir des données objectives. Pourréaliser les mesures physiques (force, angle, …), nous utilisons un système d’acquisition (CAPTIV®)qui permet la synchronisation de l’image (vidéo) et du signal (mesures des capteurs physiques).Connectés au système CAPTIV® via une télémétrie, permettant ainsi une grande liberté demouvement, les capteurs, installés sur le sujet, retransmettent leurs données en continu et en tempsréel. Ces données (valeurs capteurs + images associées) sont affichées sur un écran et enregistrées surun PC pour déterminer, a posteriori, lors d’une phase d’analyse des données enregistrées, les valeursdes pressions exercées en regard des situations et d’éventuels autres capteurs (exemples!: angles desarticulations du poignet, bras, doigt, …).

Les capteurs de force, de part leurs dimensions, peuvent être intégrés directement sur unepersonne (extrémité de doigts, paume de main, …) ou sur une commande. Grâce à cette procéduresynchronisée, il est possible de relier dans le détail les mesures physiques (par exemple l’effort demanœuvre) à l’activité de manipulation de la commande. Avec ce système, quatre caméras vidéopeuvent enregistrer l’activité sous tous les angles. Les films réalisés nous permettent de décomposerles gestuelles et d’analyser les comportements (par exemple repérer les différentes configurationspossibles de préhensions des commandes), et peuvent servir par la suite comme support decommunication (pour sensibiliser les concepteurs par exemple). La figure 3 présente un exemple derelevé d’efforts, associé à l’enregistrement vidéo.

Figure 3!: traitement graphique et vidéo d’une campagne de mesure

Ces données (homme + produit) sont ensuite analysées et comparées avec les donnéespurement mécaniques du produit (mesure des couples, dimension des commandes, emplacement,…),l’objectif étant de rechercher des liens prédictifs entre ces différentes données.

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Les mesures physiques sont donc réalisées dans le but de comprendre et d’expliquer lejugement d’un utilisateur vis à vis de la manœuvrabilité. A terme, ces mesures permettront desélectionner les paramètres influençant la manœuvrabilité et de définir un outil et une méthoded’évaluation pour l’analyse de produits finis ou en cours de développement. Enfin, l’analyse desmesures réalisées nous permettra d’établir des recommandations sur la manœuvrabilité descommandes manuelles (figure 4).

Figure 4!: De l’analyse des produits aux préconisations ergonomiques

Ces recommandations seront ensuite intégrées à une check-list utilisée par les concepteurspour chaque nouveau projet, dès les premières phases de la conception des sièges.

5. CONCLUSIONPlusieurs études ont montré que l’intégration des aspects ergonomiques dans le processus de

développement des produits n’était pas un phénomène très répandu. Broberg [BRO 97] cite sixexplications proposées par Osterberg (1985)!: «!pauvre intérêt du marketing dans la production deproduit!»ergonomiques!», un temps de développement très serré, ressources financières limitées,manque de solutions techniques, manque de méthode et outils capables de supporter la production deproduits ergonomiques et insuffisance des compétences ergonomiques dans l’entreprise!».

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Les préconisations sont une des actions possibles d’intégration de l’ergonomie des commandes ausein du processus de conception. D’autres actions, proposées notamment par N. SIMON [SIM 02]permettent également de manière plus ou moins importante de tenir compte de l’ergonomie lors de laconception des commandes. Cet apport de connaissance peut être mis à disposition sous différentesformes!:

- des outils prédictifs intégrés à l’organisation de la conception (modèle biomécanique sur CAO,…)- un catalogue des différentes commandes permettant d’illustrer la diversité de ces dernières et qui

classerait les «!bonnes!» et «!mauvaises!» commandes (suivant plusieurs critères) afin d’orienterles choix de conception

- des analyses ergonomiques portant sur des produits de série (l’existant), sur des prototypes desproduits en cours de conception (projet) et sur des dispositifs expérimentaux. Ces analysespermettent bien souvent de détecter les problèmes de compréhension, de gestes et postures…

- constitution d’une équipe de spécialistes, formée à l’ergonomie des commandes, capables d’aiderles concepteurs sur ces problèmes…

Pour que toutes ces différentes informations puissent être bien utilisées et au bon moment, il estsouhaitable que l’ergonome accompagne et aide le concepteur à se servir des bons outils. L aconstitution d’un catalogue par exemple, peut être souhaitée pour enrichir les méthodes de conceptionet créer un référentiel, mais elle ne peut garantir seule de bons résultats. De même, chaquerecommandation est reliée à un contexte spécifique et peut par conséquent devenir trompeuse dans unautre contexte [MIN 00].

Plusieurs de ces actions sont actuellement en cours de réalisation, un aperçu de ces dernièresest présenté ci-dessous.

5.1 Elaboration d’un catalogue de «!bonnes!» et «!mauvaises!» commandesTous les mois, Faurecia analyse et évalue toutes les composantes d’un siège d'un véhicule de

série (matelassure, mécanisme, commandes,…). Des évaluations subjectives (questionnaires, testsd’utilisation) sur les commandes de réglages de siège sont notamment réalisées. Les informationsrecueillies nous ont permis de réaliser un benchmarking ergonomique.

Ainsi, pour chaque commande évaluée, nous avons réalisé une fiche!: cette dernière contientles photos du siège et de la commande, les résultats des évaluations du confort d’usage, lescommentaires. Les caractéristiques physiques (localisation de la commande par rapport au point H,dimension, efforts de manœuvre mesurés, …) sont également indiquées. Une partie est réservée pourles informations relatives à «!l’usage!» de la commande!: des photos illustrent les différentes façons(observées grâce à des analyses ergonomiques) avec lesquelles les sujets utilisent la commande(position de la main, des doigts, …). Ces fiches sont ensuite classées par famille de fonctions (dossier,rehausse, glissière, lombaire), et par famille de commandes (leviers, molettes,…) et rangées suivant la«!note obtenue!» .

Cette base de données permettra d’illustrer aux concepteurs ce qui est «!bon!» ou «!mauvais!»,et de guider leurs choix lors de la sélection du type de commande. Ce catalogue sert également àl’équipe d’ergonomes pour répondre à une demande particulière des concepteurs sur les commandesmanuelles. Pour exemple, ces derniers souhaitaient avoir des informations sur les commandes dedossier à mécanisme discontinu, notamment sur les différences qui peuvent exister entre les leviersverticaux et horizontaux. Les photos, les évaluations et les commentaires sur différentes commandesdu marché nous ont permis d’apporter des informations supplémentaires à celles que nous avonsobtenues par l’analyse ergonomique (test de simulation de différentes commandes).

Evidement, les caractéristiques des fiches évolueront, afin d'optimiser l'utilisation et augmenterleur pertinence par rapport aux besoins des concepteurs et des ergonomes.

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5.2 Analyse ergonomique des commandes d’un siègeDes analyses ergonomiques portant sur des produits de série (l’existant), sur des prototypes des

produits en cours de conception (projet) et sur des dispositifs expérimentaux permettent bien souventde détecter les principaux problèmes de compréhension, d’accessibilité et de manœuvrabilité quepeuvent poser certaines commandes.

Ainsi, par exemple, pour répondre à une demande d’un constructeur automobile qui souhaitaitune analyse critique d’une commande unique de réglage de banquette arrière (inclinaison, glissière etmise en plancher plat), les concepteurs ont fait appel aux spécialistes de l’ergonomie des commandesdu pôle confort. Pour répondre à cette attente, nous avons réalisé différents tests.

A partir d’une maquette du siège (à l’échelle 1), nous avons pu évaluer la capacité des sujets àatteindre la commande et à exercer les efforts de manœuvre. Cette analyse a été complétée par lesinformations fournies par un questionnaire réalisé pour cette étude. Les résultats obtenus ont étéformalisés et ensuite diffusés aux concepteurs.

L’analyse ergonomique est un outil très important, elle permet lorsque les prototypes sontréalisés suffisamment tôt dans le projet, de détecter les principales erreurs d’usage. Mais cesinformations ne suffisent pas, il faut compléter ces données par des recommandations qui vontpermettre au concepteur d’améliorer le produit.

Les premiers travaux réalisés par la cellule confort de Faurecia (évaluations subjectives, basede données sur les commandes, analyses expérimentales,…) ont permis, dans un premier temps de«!créer!» de la connaissance sur l’ergonomie des commandes. Toute cette connaissance doit êtreensuite transférée aux concepteurs!: une première étape a déjà été réalisée par une sensibilisation del’ensemble des acteurs sur la finalité d’usage du produit à concevoir. La prochaine étape est ladiffusion des différentes préconisations sur la manœuvrabilité aux concepteurs, pour que l’ergonomiedes commandes soit prise en compte pour chaque nouveau projet, dès les premières phases de laconception des sièges.

Pour compléter ces actions, les analyses ergonomiques sur des prototypes restentindispensables pour éviter les problèmes d’usage et valider les choix de conception.

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