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L ’intelligence économique, dans la conception française, est plu- rielle : fondée sur la maîtrise de l’information stratégique et de la connaissance, elle est à la fois une démarche utile aux entreprises et aux organisations et une politique publique à vocation stratégique. Lorsque les champs de force de la mondialisation gouvernent le déve- loppement, deux dynamiques s’impo- sent pour entrer dans «le grand aff- rontement des échanges». Premièrement, l’accès aux marchés du monde par les entreprises trouve sa performance dans une extrême localisation des activités économiques. Les territoires dotés d’un avantage concurrentiel sont organisés en réseaux d’excellence (clusters, districts) comme autant d’appuis et de ressources localisés pour les entreprises (informations, financement, laboratoires, centres techniques, pôles de com- pétitivité…). Deuxièmement, l’Etat, les administrations, les entreprises, les développeurs, les réseaux économiques, sociaux et culturels sont sommés de comprendre les dynamiques de leur environnement, de connaître, d’analyser «pour anticiper et mieux agir». L’intelligence économique, poli- tique nationale, guide les politiques de rattrapage économique, de remise à niveau, de recherche de raccourcis technologiques, voire finalement de recherche d’un «autre mode de développement». La nouvelle politique d’intelligence territoriale La volonté de la France « d’entrer en stratégie » et donc de se doter de capacités et d’organisations lui per- mettant, en connaissance de cause, d’anticiper les concurrences et de préparer les coopérations nécessaires à la réalisation de ses projets de développement, s’exprime particu- lièrement dans la récente déclinaison territoriale de la politique d’intelli- gence économique. Cette nouvelle politique d’intelligence territoriale est pilotée par le ministère de l’Intérieur s’appuyant sur les préfets de région. Comment cela se traduit-il? Pour chaque territoire, par l’élaboration d’une stratégie de déve- loppement économique durable et la mise en place d’un système d’intelli- gence territorial pour l’accompagner et évaluer sa performance éco- nomique, sociale et culturelle. Cela nécessite de mobiliser d’abord les capacités de veille stratégique et d’intelligence pour interpréter la com- plexité du contexte et de ses dynamiques, de déployer ensuite une stratégie de sécurité économique, fondée sur l’identification du périmètre des actifs clés de chaque région et de leur protection, de promouvoir enfin le territoire, ses actifs à travers des stratégies d’influence. Objectifs et gouvernance de la nouvelle politique Les objectifs de la politique d’inte- lligence économique que déploie l’Etat sont les suivants : -Développer des projets créateurs d’emploi et de richesses ; -Anticiper les mutations économiques, notamment les évolutions de marché, les ruptures et les risques sur les actifs industriels et les savoir faire clés ; -Promouvoir l’attractivité des terri- toires ; -Animer les réseaux de développement économique et social des territoires. Un dispositif de gouvernance est mis en place pour piloter le schéma stratégique d’intelligence territorial qui, dans chaque région comprend un volet «compétitivité»,c’est-à-dire une étude du contexte économique et technologique, un diagnostic du dispositif territorial d’appui au développement économique et technologique des PME, un plan d’action, ainsi qu’un volet sécurité économique : identification et protection des PME stratégiques, appui aux entreprises en matière de protection de leurs savoir faire et de sécurité de leur systèmes d’information, engager des actions entre secteur public et privé sur ce sujet. Les enjeux de la politique d’intelligence territoriale A bien regarder se mettre en place cette politique, quatre enjeux se distinguent, sur lesquels les décideurs et les entreprises devront être vigilants. 1. Le premier enjeu est celui des capacités de diagnostic permanent. Pour cela, l’Etat, la Région avec les réseaux d’appui économique et tech- nologique et les entreprises, devront se doter de compétences de pilotage stratégique et d’outils de diagnostics et d’alerte en temps réel. 2. Le second concerne la mise en place de coopérations et de stratégies interrégionales. Il est essentiel que des coopérations transrégionales se met- tent en place au moins pour partager les diagnostics et les alertes. Ces coopérations ont également tout leur sens à l’échelle européenne. 3. Le troisième enjeu pour l’intelligence territoriale consiste dans l’intégration progressive des dyna- miques de la gouvernance sociale sur les territoires et associant la société civile par la concertation, à la définition de la stratégie de développement. 4. Le quatrième se situe au niv- eau de la politique de sécurité éco- nomique. Les décideurs territoriaux, économiques et politiques devront vei- ller en permanence à garantir deux équilibres : entre l’ouverture indis- pensable à la compétitivité et la protection ; entre les entreprises dites du périmètre stratégique et celles qui n’ont pas ce « label », afin d’éviter que s’établisse « une fracture compétitive » sur les territoires. L’issue, par rapport à ces quatre enjeux, se situe dans une modification de fond. Quitter le champ des politiques traditionnelles d’aide, et entrer dans l’univers de la coproduction de l’intelligence économique, associant les entreprises et les professions, les centres de ressources, les CCI et les consultants spécialisés, experts- comptables, avocats….., les admini- strations et les collectivités territoriales. L’expérience du réseau des Chambres de commerce et d’industrie En 2004, l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie a proposé en Assemblée générale des présidents des CCI et CRCI, la mise en place d’Organisation régionales d’intelligence stratégique (ORIS), aujour- d’hui intégrées dans le nouveau plan national d’intelligence économique d’ent- reprise des CCI, lancé en 2005. Organisations flexibles, elles s’entendent comme des systèmes d’information, d’alertes et d’analyse sur les dynamiques de marchés destinés à fournir aux entreprises, mais aussi aux «stratèges territoriaux», des informations pertinentes et opérationnelles, en temps réel. Les mots clé sont : diagnostic permanent, pilotage stra- tégique, groupes d’interprétation. L’apport du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables. Le réseau des 18 000 experts- comptables présents sur le territoire est le premier réseau de proximité des entreprises. Il a mis à leur disposition sur son site Internet, des bases docu- mentaires en ligne telles que : www.entrepriseevaluation.com, www.entrepriseprevention.com. Les outils inscrits sur ces bases permettent à tous les acteurs d’optimiser leurs choix et de sécuriser leurs positions et ils participent à leur pérennité. Conclusion Le savoir faire français en intelligence territoriale doit servir de vecteur au développement de partenariat entre territoires français et territoires de pays émergents. L’expérience déve- loppée par le professeur Henri Dou entre la France et l’Indonésie, à laquelle le réseau des CCI et l’AFDIE (Association française pour le développement de l’intelligence économique) sont associées est à ce titre exemplaire. Henri Dou a formé plusieurs étudiants indonésiens à la culture et aux pratiques françaises de la veille technologique et de l’intelligence économique. Ils constituent aujourd’hui une petite diaspora, travaillant sur les territoires indonésiens, dans les entre- prises, les universités ou les admi- nistrations nationales et internationales, autant d’interprètes et d’analystes qui entendent le modèle de développement français. Avec eux, Henri Dou et ses partenaires préparent le maillage d’entreprises de la région Provence- Alpes-Côte d’Azur et de PME indo- nésiennes sur des activités ciblées et basées sur des savoirs faire identifié et évalués. 164 ﻋﺪد/ ﻫـ1427 اﻷول رﺑﻴﻊ02 ﻟـ اﻟﻤﻮاﻓﻖ م2006 أﻓﺮﻳﻞ01 اﻟﺴﺒﺖ اﻟﺼﻼة ﻣﻮاﻗﻴﺖ وﻃﻨﻴﺔ إﺧﺒﺎرﻳﺔ ﻳﻮﻣﻴﺔ اﻟﻌﺸﺎء اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻌﺼﺮ اﻟﺰوال اﻟﻔﺠﺮ وﻫﺮان اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﻗﺴﻨﻄﻴﻨﺔ20:45 19:27 16:41 13:07 05:27 20:32 19:12 16:26 12:52 05:08 20:17 18:58 16:12 12:38 04:55 L’EXPERIENCE FRANÇAISE L’INTELLIGENCE TERRITORIALE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT LOCAL Philippe CLERC Directeur de l’intelligence économique, de l’innovation et des TIC de l’Assemblée des Chambres françaises de commerce et d’industrie ACFCI, Président de l’Association française pour le développement de l’intelligence économique. Agnès BRICARD Présidente d’honneur de l’Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France Fondatrice des Bases Documentaires en ligne. Membre du Conseil National de la création d’entreprise CNCE Notre journal a pris l’initiative de publier périodiquement, dans le but d’informer ses lecteurs, des articles, des points de vue, des travaux d’experts dans tous les domaines de l’information économique et sociale. Les rédacteurs nationaux et internationaux sollicités par notre journal expriment librement leurs opinions. Par cette initiative, nous entendons rester professionnels dans notre devoir d’informer nos lecteurs et plus largement nos concitoyens afin de favoriser l’échange des savoirs et la capitalisation des expériences profitables, selon nous, au plus grand nombre. Le premier article signé de Madame Agnès BRICARD et Monsieur Philippe CLERC ouvre cette rubrique, une sorte de fenêtre « sur le savoir » puisque ces personnalités parlent de l’intelligence économique, facteur de développement. CAPITALISATION ET ECHANGE DES SAVOIRS

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  • Lintelligence conomique, dans la conception franaise, est plu-rielle : fonde sur la matrise de linformation stratgique et de la connaissance, elle est la fois une dmarche utile aux entreprises et aux organisations et une politique publique vocation stratgique.

    Lorsque les champs de force de la mondialisation gouvernent le dve-loppement, deux dynamiques simpo-sent pour entrer dans le grand aff-rontement des changes.

    Premirement, laccs aux marchs du monde par les entreprises trouve sa performance dans une extrme localisation des activits conomiques. Les territoires dots dun avantage concurrentiel sont organiss en rseaux dexcellence (clusters, districts) comme autant dappuis et de ressources localiss pour les entreprises (informations, financement, laboratoires, centres techniques, ples de com-ptitivit). Deuximement, lEtat, les administrations, les entreprises, les

    dveloppeurs, les rseaux conomiques, sociaux et culturels sont somms de comprendre les dynamiques de leur environnement, de connatre, danalyser pour anticiper et mieux agir.

    Lintelligence conomique, poli-tique nationale, guide les politiques de rattrapage conomique, de remise niveau, de recherche de raccourcis technologiques, voire finalement de recherche dun autre mode de dveloppement.

    La nouvelle politique dintelligence territoriale

    La volont de la France dentrer en stratgie et donc de se doter de capacits et dorganisations lui per-mettant, en connaissance de cause, danticiper les concurrences et de prparer les cooprations ncessaires la ralisation de ses projets de dveloppement, sexprime particu-lirement dans la rcente dclinaison territoriale de la politique dintelli-gence conomique.

    Cette nouvelle politique dintelligence territoriale est pilote par le ministre de lIntrieur sappuyant sur les prfets de rgion. Comment cela se traduit-il? Pour chaque territoire, par llaboration dune stratgie de dve-loppement conomique durable et la mise en place dun systme dintelli-gence territorial pour laccompagner et valuer sa performance co-nomique, sociale et culturelle. Cela ncessite de mobiliser dabord les capacits de veille stratgique et dintelligence pour interprter la com-plexit du contexte et de ses dynamiques, de dployer ensuite une stratgie de scurit conomique, fonde sur lidentification du primtre des actifs cls de chaque rgion et de leur protection, de promouvoir enfin le territoire, ses actifs travers des stratgies dinfluence.

    Objectifs et gouvernance de la nouvelle politique

    Les objectifs de la politique dinte-lligence conomique que dploie lEtat sont les suivants :-Dvelopper des projets crateurs demploi et de richesses ;-Anticiper les mutations conomiques, notamment les volutions de march, les ruptures et les risques sur les actifs industriels et les savoir faire cls ;-Promouvoir lattractivit des terri-toires ; -Animer les rseaux de dveloppement conomique et social des territoires.

    Un dispositif de gouvernance est mis en place pour piloter le schma stratgique dintelligence territorial qui,

    dans chaque rgion comprend un volet comptitivit,cest--dire une tude du contexte conomique et technologique, un diagnostic du dispositif territorial dappui au dveloppement conomique et technologique des PME, un plan daction, ainsi quun volet scurit conomique : identification et protection des PME stratgiques, appui aux entreprises en matire de protection de leurs savoir faire et de scurit de leur systmes dinformation, engager des actions entre secteur public et priv sur ce sujet.

    Les enjeux de la politique dintelligence territoriale

    A bien regarder se mettre en place cette politique, quatre enjeux se distinguent, sur lesquels les dcideurs et les entreprises devront tre vigilants.

    1. Le premier enjeu est celui des capacits de diagnostic permanent. Pour cela, lEtat, la Rgion avec les rseaux dappui conomique et tech-nologique et les entreprises, devront se doter de comptences de pilotage stratgique et doutils de diagnostics et dalerte en temps rel.

    2. Le second concerne la mise en place de cooprations et de stratgies interrgionales. Il est essentiel que des cooprations transrgionales se met-tent en place au moins pour partager les diagnostics et les alertes. Ces cooprations ont galement tout leur sens lchelle europenne.

    3. Le troisime enjeu pour lintelligence territoriale consiste dans lintgration progressive des dyna-miques de la gouvernance sociale sur les territoires et associant la socit civile par la concertation, la dfinition de la stratgie de dveloppement.

    4. Le quatrime se situe au niv-eau de la politique de scurit co-nomique. Les dcideurs territoriaux, conomiques et politiques devront vei-ller en permanence garantir deux quilibres : entre louverture indis-pensable la comptitivit et la protection ; entre les entreprises dites du primtre stratgique et celles qui nont pas ce label , afin dviter que stablisse une fracture comptitive sur les territoires.

    Lissue, par rapport ces quatre enjeux, se situe dans une modification de fond. Quitter le champ des politiques traditionnelles daide, et entrer dans lunivers de la coproduction de lintelligence conomique, associant les entreprises et les professions, les centres de ressources, les CCI et les consultants spcialiss, experts-comptables, avocats.., les admini-strations et les collectivits territoriales.

    Lexprience du rseau des Chambres de commerce et dindustrie

    En 2004, lAssemble des Chambres Franaises de Commerce et dIndustrie a propos en Assemble gnrale des prsidents des CCI et CRCI, la mise en place dOrganisation rgionales dintelligence stratgique (ORIS), aujour-dhui intgres dans le nouveau plan national dintelligence conomique dent-reprise des CCI, lanc en 2005. Organisations flexibles, elles sentendent comme des systmes dinformation, dalertes et danalyse sur les dynamiques de marchs destins fournir aux entreprises, mais aussi aux stratges territoriaux, des informations pertinentes et oprationnelles, en temps rel. Les mots cl sont : diagnostic permanent, pilotage stra-tgique, groupes dinterprtation.

    Lapport du Conseil Suprieur de lOrdre des Experts-Comptables.

    Le rseau des 18 000 experts-comptables prsents sur le territoire est le premier rseau de proximit des entreprises. Il a mis leur disposition sur son site Internet, des bases docu-mentaires en ligne telles que : www.entrepriseevaluation.com, www.entrepriseprevention.com.

    Les outils inscrits sur ces bases permettent tous les acteurs doptimiser leurs choix et de scuriser leurs positions et ils participent leur prennit.

    Conclusion

    Le savoir faire franais en intelligence territoriale doit servir de vecteur au dveloppement de partenariat entre territoires franais et territoires de pays mergents. Lexprience dve-loppe par le professeur Henri Dou entre la France et lIndonsie, laquelle le rseau des CCI et lAFDIE (Association franaise pour le dveloppement de lintelligence conomique) sont associes est ce titre exemplaire. Henri Dou a form plusieurs tudiants indonsiens la culture et aux pratiques franaises de la veille technologique et de lintelligence conomique. Ils constituent aujourdhui une petite diaspora, travaillant sur les territoires indonsiens, dans les entre-prises, les universits ou les admi-nistrations nationales et internationales, autant dinterprtes et danalystes qui entendent le modle de dveloppement franais. Avec eux, Henri Dou et ses partenaires prparent le maillage dentreprises de la rgion Provence-Alpes-Cte dAzur et de PME indo-nsiennes sur des activits cibles et bases sur des savoirs faire identifi et valus.

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    LEXPERIENCE FRANAISE

    LINTELLIGENCE TERRITORIALE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT LOCAL

    Philippe CLERCDirecteur de lintelligence

    conomique, de linnovation et des TIC de lAssemble des Chambres franaises

    de commerce et dindustrie ACFCI,Prsident de lAssociation franaise

    pour le dveloppement de lintelligence conomique.

    Agns BRICARDPrsidente dhonneur de lOrdre des

    experts-comptables de Paris Ile-de-France

    Fondatrice des Bases Documentaires en ligne.

    Membre du Conseil National de la cration dentreprise CNCE

    Notre journal a pris linitiative de publier priodiquement, dans le but dinformer ses lecteurs, des articles, des points de vue, des travaux dexperts dans tous les domaines de linformation conomique et sociale. Les rdacteurs nationaux et internationaux sollicits par notre journal expriment librement leurs opinions. Par cette initiative, nous entendons rester professionnels dans notre devoir dinformer nos lecteurs et plus largement nos concitoyens afin de favoriser lchange des savoirs et la capitalisation des expriences profitables, selon nous, au plus grand nombre. Le premier article sign de Madame Agns BRICARD et Monsieur Philippe CLERC ouvre cette rubrique, une sorte de fentre sur le savoir puisque ces personnalits parlent de lintelligence conomique, facteur de dveloppement.

    CAPITALISATION ET ECHANGE DES SAVOIRS