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Introduction à la microéconomie Première année de DEUG Economie-Gestion D. Delgay-Troïse, J.-M. Josselin, E. Malin, Y. Rocaboy et Y. Shi Remarque préliminaire Ce Cours-TD vise à introduire quelques uns des principaux concepts de la microéconomie. Il n’a pas vocation à les développer dans le détail mais à montrer leur intérêt pour l’analyse économique. La méthode consiste à développer ces concepts soit au travers d’exemples concrets de la vie économique, soit par le biais d’illustrations, mais sans jamais utiliser un quelconque formalisme mathématique. Dans ce cadre de travail, la pédagogie se veut volontairement interactive. Votre participation est donc nécessaire au bon déroulement de ces sessions. A ce titre, vous recevrez une note de contrôle continu comptant pour 25% de la note finale du premier semestre en microéconomie. Thème des sessions et documents à l’appui du cours Thèmes Documents 1 La microéconomie: méthodologie et hypothèses 2 Les concepts d’offre et de demande 1. La demande et l’offre de places de stationnement en centre- ville 3 L’équilibre du marché 2. La réalité du papier 3. Blé tendre, pomme de terre, porc: coûts de production en baisse entre 1990 et 1996 4.Offre et demande d’ovules humains 4-5 Le surplus du consommateur 5. Billet? L’offre rencontre la demande sur le trottoir 4 Définitions et interprétations 6. Le contrôle des loyers à New York 5 Applications 6 La notion d’élasticité 7. Les fumeurs face aux récentes hausses du prix du tabac 8. Pour ceux qui touchent le droit de péage, le prix importe 7-8 Le marché de concurrence pure et parfaite 9. Fixer le prix d’un produit: les principes de base de la fixation des prix entre concurrence et monopole 7 L’entreprise et ses coûts 8 Les comportements de l’entreprise 9 Contrôle continu 10 Le monopole 10. Microsoft et loi antitrust les années 90 11. Procès Microsoft : la déposition de l'économiste Schmalensee 11 L’oligopole 12 Révisions

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Introduction à la microéconomie

Première année de DEUG Economie-Gestion

D. Delgay-Troïse, J.-M. Josselin, E. Malin, Y. Rocaboy et Y. Shi

Remarque préliminaire

Ce Cours-TD vise à introduire quelques uns des principaux concepts de la microéconomie. Il n’a

pas vocation à les développer dans le détail mais à montrer leur intérêt pour l’analyse économique.

La méthode consiste à développer ces concepts soit au travers d’exemples concrets de la vie

économique, soit par le biais d’illustrations, mais sans jamais utiliser un quelconque formalisme

mathématique.

Dans ce cadre de travail, la pédagogie se veut volontairement interactive. Votre participation est

donc nécessaire au bon déroulement de ces sessions. A ce titre, vous recevrez une note de contrôle

continu comptant pour 25% de la note finale du premier semestre en microéconomie.

Thème des sessions et documents à l’appui du cours

Thèmes Documents

1 La microéconomie�: méthodologieet hypothèses

2 Les concepts d’offre et dedemande

1. La demande et l’offre de places de stationnement en centre-ville

3 L’équilibre du marché 2. La réalité du papier

3. Blé tendre, pomme de terre, porc�: coûts de production enbaisse entre 1990 et 19964.Offre et demande d’ovules humains

4-5 Le surplus du consommateur 5. Billet�? L’offre rencontre la demande sur le trottoir

4 Définitions et interprétations 6. Le contrôle des loyers à New York

5 Applications

6 La notion d’élasticité 7. Les fumeurs face aux récentes hausses du prix du tabac

8. Pour ceux qui touchent le droit de péage, le prix importe

7-8 Le marché de concurrence pure etparfaite

9. Fixer le prix d’un produit�: les principes de base de la fixationdes prix entre concurrence et monopole

7 L’entreprise et ses coûts

8 Les comportements de l’entreprise

9 Contrôle continu

10 Le monopole 10. Microsoft et loi antitrust les années 90

11. Procès Microsoft : la déposition de l'économisteSchmalensee

11 L’oligopole

12 Révisions

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La demande et l'offre de places de stationnement en

centre-ville

Sans un contrôle renforcé des autorités locales, les prix en vigueur pour le stationnement en

centre-ville dépendront de la demande et de l'offre d'espaces de stationnement. Naturellement. les

mesures prises par les pouvoirs publics telles que les taxes, les investissements dans les moyens de

transports publics et les réglementations concernant l'usage des sols peuvent affecter la demande et

l'offre

Une demande induite

La demande de places de stationnement est un exemple de ce que les économistes nomment une

"demande induite". Le stationnement n'est pas une fin en soi : il permet aux personnes d'accéder aux

endroits où elles désirent se rendre pour faire leurs achats, pratiquer leurs loisirs ou travailler. La

demande d'installations de stationnement situées en centre-ville dépend ainsi du nombre de

personnes désirant se rendre dans ce quartier pour l'une des raisons citées. Le nombre total de

personnes voulant se rendre en centre-ville dépend à son tour de sa capacité d'attraction par rapport

aux autres quartiers commerçants, de loisir ou d'affaires ; il dépend également de la proportion de

personnes choisissant de se déplacer en automobile plutôt qu'en transport en commun, en bicyclette

ou à pied. Parce que davantage de personnes voudront se rendre - que ce soit en voiture ou par

d'autres moyens de transport - dans les centres exerçant une grande attraction, ces quartiers très

demandés seront forcément confrontés à une demande accrue de places de stationnement. La

demande accrue de possibilités de stationnement aura pour conséquence, en l'absence d'une

augmentation de l'offre, un prix du stationnement plus élevé que dans les quartiers moins attractifs.

Un prix élevé pour le stationnement indique simplement que le centre-ville réussit à offrir un

environnement suffisamment attrayant pour que les gens acceptent de payer un prix plus élevé afin

de pouvoir y stationner, même s'il existe des emplacements de stationnement gratuits ailleurs.

Le nombre total de personnes travaillant ou étant de passage dans le centre-ville dépend de

l’attrait que celui-ci exerce. Par contre. la proportion de personnes choisissant d'utiliser l'automobile

est déterminée par la disponibilité, le prix et la qualité des autres moyens de transport desservant le

centre-ville, ainsi que par les coûts associés à l'utilisation de la voiture pour y aller, stationnement

inclus. Si les transports publics desservant le quartier du centre-ville sont présents en grande

quantité, s'ils sont de bonne qualité et que leur prix est raisonnable, les gens percevront les

transports en commun comme une solution de substitution viable à l'automobile pour se rendre dans

ce quartier, et réduiront de ce fait leur demande en places de stationnement. Pour les quartiers

exerçant une grande attraction sur la population, des transports publics de bonne qualité permettent

à un plus grand nombre de personnes d'y venir sans pour autant voir le prix du stationnement

monter de manière vertigineuse à cause d'une demande accrue.

Outre le prix et la qualité des transports publics, d'autres coûts associés à l'utilisation d'une

voiture affectent la demande de places de stationnement. Si, par exemple, les voies menant au

centre-ville sont fortement encombrées, occasionnant ainsi aux personnes utilisant leur voiture une

perte de temps et de l'exaspération, ou bien s'il faut s'acquitter d'un droit de passage pour y pénétrer,

certaines personnes peuvent opter pour les transports en commun, tandis que d'autres préféreront

tout simplement aller ailleurs. Dans les deux cas, la demande de places de stationnement situées

dans le centre-ville sera moins grande à cause des coûts élevés associés à l'utilisation de

l'automobile.

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Une offre contrainte par la nature même des centres-villes

L'offre d'espaces de stationnement en centre-ville dépend fondamentalement du coût de la

création, de l'entretien et du fonctionnement des parcs de stationnement dans la ville. L'un des coûts

les plus élevés est le prix que doivent payer les propriétaires de parcs de stationnement pour

l'acquisition du terrain. Si dans le centre-ville l'espace est très recherché afin d'y construire des

immeubles résidentiels ou commerciaux, les pourvoyeurs d'emplacements de stationnement devront

payer un prix élevé pour les terrains sur lesquels ils souhaitent construire leurs parcs de

stationnement. Lorsque le prix des terrains situés en centre-ville monte, les propriétaires le parcs de

stationnement peuvent construire des garages à plusieurs étages pour augmenter le nombre de

places sur une même parcelle de terrain. Ils peuvent utiliser des employés pour aller garer les

voitures à des endroits plus éloignés où le prix du terrain sera moins élevé. Cependant, si ces

mesures compensent partiellement l'impact dû au prix élevé du terrain, elles ne pallient pas

parfaitement l'absence de terrain à bas prix. Plus le quartier du centre-ville est considéré comme

attractif. plus il devient onéreux d'y fournir des emplacements de stationnement.

Les impôts et les restrictions portant sur l'aménagement des sols affectent également l'offre de

stationnement. Les autorités municipales utilisent les droits dc stationnement à la fois pour

engendrer des recettes et pour réduire l'encombrement de la circulation. En levant des droits sur le

stationnement, les municipalités augmentent le coût de l'offre d'espaces supplémentaires de

stationnement, réduisant ainsi de manière effective l'offre de places de stationnement. Outre le

prélèvement de droits de stationnement, les autorités municipales réglementent l'usage des sols dans

le centre-ville, limitant souvent par ce moyen l'offre de places de stationnement. La réglementation

sur l'aménagement des sols dans ces quartiers est souvent très stricte, en partie parce que la forte

densité de concentration urbaine augmente la probabilité de voir l'activité d'une personne affecter

négativement celle d'autres personnes.

L'encombrement de la circulation est un exemple classique : le choix d'un individu de se

déplacer en voiture aura une influence sur le degré d'encombrement routier subi par tous les autres

automobilistes. Ainsi, les autorités municipales limitent parfois la construction d'emplacements de

stationnement parce qu'elles souhaitent réduire l'encombrement de la circulation, ou simplement

parce qu'elles considèrent la présence d'emplacements de stationnement à certains endroits comme

économiquement ou esthétiquement incompatible avec d'autres activités se trouvant à proximité

immédiate. Prises ensemble, les mesures des autorités locales - taxes et réglementation de

l'aménagement des sols - agissent souvent en faisant baisser l'offre de places de stationnement. Une

réduction de l'offre de places de stationnement non accompagnée d'une baisse de la demande fera

augmenter le prix du stationnement. Cependant, le prix du stationnement en vigueur sur le marché

résulte à la fois de l'offre et de la demande de places de stationnement.

L'objectif fondamental des mesures concernant le stationnement est de rendre le centre-ville

aussi attractif que possible. Le problème tient au fait que lorsque ce quartier devient un endroit très

en vue, la demande d'espaces de stationnement augmente en même temps que le coût de l'offre

d'espaces de stationnement. Reflétant le caractère attractif grandissant des endroits situés dans le

centre-ville, le prix des terrains augmente, de même que le besoin de repenser des mesures - telles

que le stationnement payant et les restrictions portant sur l'aménagement des sols - qui agissent

aussi sur l'encombrement de la circulation. C'est pourquoi, pour choisir la politique de

stationnement et de transport public la plus adaptée au centre-ville, il faut non seulement

comprendre la manière dont les politiques menées affectent la demande et l'offre de stationnement,

mais également la façon dont la demande et l'offre de stationnement influent sur le degré

d'attraction du centre-ville aux yeux des entreprises et des consommateurs.

Source : Extrait de l'article de R. Voith, The downtown parking syndrome, repris dans Problèmes économiques n° 2574

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La réalité du papier

Il suffit de regarder son kiosque à journaux ou le stock de sacs en papier du supermarché pourréaliser que l'économie mondiale est en pleine reprise: la demande de papier est telle que les prixs'envolent.

Tous les types de papier sont concernés : les mouchoirs en papier, le papier à écrire, le papierjournal, même le carton d'emballage - tous ont vu leur prix augmenter de 25 à 40 % par rapport audébut 1994, et l'on annonce de nouvelles hausses d'ici l'été prochain.

“Il paraît qu'il en sera ainsi pendant un an et demi”, annonce Edward Rosenbloom, Président deEmpire Paper Co, gros distributeur de papier sur la région de Boston.

Les clients des supermarchés doivent réclamer des sacs en papier, s'ils ne veulent pas des sacsplastiques proposés. Les bureaux essayent de réduire la quantité de photocopies effectuées. Lesimprimeurs font l'impossible pour éviter une consommation excessive. Et les journaux réduisent lataille de leurs articles et augmentent leurs prix de vente pour faire face à l'augmentation de leurscoûts de papier.

Évidemment, les fabricants de papier sont aux anges, après plusieurs années de récession.D'après Virgil Horton, de l'Association Américaine pour la Forêt et le Papier, l'industrie papetièren'a connu que trois années bénéficiaires au cours des quatorze derniers exercices.

Cette reprise intervient après une récession de cinq ans, considérée comme l'une des plusdésastreuses de l'histoire de cette industrie, pourtant habituée aux variations cycliques. EnAmérique, en Europe et en Asie, la réduction des dépenses de publicité a fortement pesé surl'épaisseur des journaux et des magazines, et la baisse des ventes dans le monde entier a pesé sur lademande d'emballages.

Et les papetiers, dans la foulée du boom des années 1980, étaient en train de construire denouvelles capacités de production pour faire face à la demande attendue. D'après Horton, cinqénormes machines à fabriquer du papier journal furent lancées aux États-Unis en 90 et 91, pour uninvestissement de l'ordre de 2 milliards de dollars ; ces machines augmentaient de 9,5 % laproduction de papier. Et il en était de même au Canada, qui avec les États-Unis produit les troisquarts de l'offre mondiale de papier journal.

Pour payer les factures de ces nouvelles machines, les papetiers ont commencé à les utiliseravant même de savoir que faire des modèles plus anciens. La production de papier fut telle que lesprix s'effondrèrent. Tout au moins jusqu'à la reprise mondiale de l'année dernière.

Maintenant que les anciennes machines ont été débranchées et que la demande ne cesse decroître, les prix du papier atteignent des sommets. Selon la revue professionnelle Pulpe et Papier, leprix moyen de la tonne de papier journal est passé de 445 dollars à fin 93 à 515 dollars au mois dedécembre. Une étude différente du New York Times faisait état d'un prix de 552 dollars en janvier,puis de 600 dollars début mars et finalement de 675 dollars le premier mai.

Source�: JERRY ACKERMAN, The Boston Globe, mardi 21 mars 1995.

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Source : INSE

E, série “prix de vente de l’industrie et des services aux entreprises”, pâte à papier, papiers et cartons.

Prix

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INSEE PREMIERE, N° 612 - OCTOBRE 1998

Blé tendre, pomme de terre, porc :coûts de production en baisse

entre 1990 et 1996Thierry de Corlieu, SCEES, ministère de l’Agriculture et de la Pêche,

et Pascale Pollet, division Agriculture, Insee

Le blé tendre, la pomme de terre et leporc illustrent trois réalités de l’agri-culture française : une production

végétale, le blé, largement subventionnéepar la Politique agricole commune (PAC),une autre soumise à la loi de l’offre et de lademande et une production animale, horsPAC elle aussi. Dans ces trois cas, les coûtsde production ont baissé entre 1990 et 1996.Pour le blé et le porc, la baisse des coûtsprovient en grande partie d’une meilleuremaîtrise des dépenses ; pour la pomme deterre, elle est surtout due à l’augmentationdes rendements.Si la baisse des coûts est commune auxtrois productions, en revanche les reve-nus ont évolué différemment : augmenta-tion continue et sensible pour le blétendre, fluctuations importantes selon lesannées pour le porc et la pomme de terre.Les prix de ces deux derniers produitssont fixés par le marché et, selon les an-nées, varient fortement. À l’inverse, leprix du blé tendre est régulé par des mé-canismes relevant de la PAC.

Les prix des produits agricoles ne cessentde baisser, en francs constants. Les agricul-teurs sont contraints de maîtriser leurs coûtsde production pour maintenir leurs revenuset leurs exploitations. Pour certains, l’exer-cice est facilité par les dispositions de la Po-litique agricole commune, notamment par leversement de subventions. Pour d’autres, lacontrainte est plus forte, puisqu’ils ne béné-ficient pas d’aides particulières soutenantleurs productions. Aussi, la mesure descoûts de production dans l’agriculture est-elle au cœur des débats européens sur laréforme de l’actuelle Politique agricole com-

mune (PAC) et de la nouvelle loi d’orienta-tion agricole en France. Les trois produitsétudiés ici présentent trois réalités différentesde l’agriculture française : le blé tendre, pro-duction végétale largement subventionnéepar la PAC ; la pomme de terre, autre produc-tion végétale, qui ne fait pas partie des « pro-duits PAC » ; le porc, production animale dontla structure des coûts de production est trèsdifférente des productions végétales et quin’est pas concerné par la PAC.Pour chacun de ces produits, le coût de pro-duction unitaire en termes réels a continuéà baisser entre 1990 et 1996 (les mots enitalique sont définis dans le Pour compren-dre ces résultats). La réforme de la PAC n’apas eu d’effet négatif sur la maîtrise descoûts de production. En revanche, les reve-nus bruts, qui comprennent la rémunérationdu travail, ont varié différemment.

Le blé tendre : une chute importantedes prix à la production...

Entre 1990-92 et 1993-96, les prix à la pro-duction, au quintal, du blé tendre ont enmoyenne baissé de presque 30 % en termesréels (graphique 1). Les agriculteurs, face àcette chute importante des prix, ont diminuéleurs coûts de production d’environ 18 %. La

➀ Blé tendre : coût total et prix de production

Sources : RICA et modèle sur les coûts de production

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réforme de la PAC, intervenue en1993, n’a donc pas interrompu labaisse des coûts : celle-ci a été sim-plement un peu moins forte que pen-dant les années quatre-vingt.Les rendements ont peu progressé surla période à l’exception de 1996. Laréduction du coût unitaire est donc es-sentiellement venue d’une plus grandemaîtrise des charges. Fait nouveaupar rapport à la période des annéesquatre-vingt, la baisse du coût fixe adavantage contribué à la réduction ducoût total (tableau 1). Les impôts ettaxes ont été divisés par quatre, avecle démantèlement des taxes de cores-ponsabilité (cf. encadré). En termesréels, la réforme de la PAC a ainsi per-mis de réduire le coût fixe de 8 francsau quintal entre 1990 et 1996, la part

des impôts et taxes étant passée de13 % en 1990 à 3 % en 1996. Les im-pôts fonciers ont eux aussi été sensi-blement allégés. Par ailleurs, lescharges d’amortissements ont dimi-nué sur la période, l’investissements’étant essoufflé au début des annéesquatre-vingt-dix. Cela a donc pour ef-fet de réduire l’endettement et lescharges financières qui en découlent.Les coûts variables ont continué debaisser eux aussi mais moins vite quependant les années quatre-vingt.Cette baisse a été pour l’essentiel im-putable aux dépenses en engrais (ta-bleau 1). La réduction des dépensesd’engrais (-32 % en valeur entre 1990-92 et 1993-96) est venue en grandepartie de la réduction des quantitésmais aussi d’une diminution des prix(-7 % entre les mêmes périodes - gra-phique 2). Le coup de frein sur lesachats d’engrais a été particulière-ment fort en 1993, en raison des incer-titudes sur les revenus futurs, liées àla mise en place de la réforme de laPAC. De plus, phénomène assez ré-cent, les dépenses en produits phyto-sanitaires ont diminué d’environ 12 %sur la période, alors que les prix cor-respondants n’ont baissé que de 6 %.Les producteurs ont donc poursuivileurs efforts de rationalisation dansl’utilisation des divers intrants.

... mais de substantiels gainsde revenu entre 1990 et 1996

Le produit unitaire, valeur du quintalde blé perçu par le producteur, a dimi-nué d’environ 29 % entre les mêmespériodes. En dépit de ce recul, le reve-nu brut au quintal a doublé, enmoyenne, entre les deux périodes,grâce en grande partie aux subven-tions accordées sous forme d’aides di-rectes à partir de 1993. Celles-ci ontplus que compensé la baisse des prix.

En effet, le cours des céréales et no-tamment du blé tendre est resté à unniveau plus élevé que celui qui avaitservi de base au calcul des aides di-rectes (graphique 1).Au niveau individuel, la dispersiondes coûts totaux au quintal n’a pas va-rié au cours de la période. En revan-che, la distribution des revenus brutsau quintal se modifie à partir de 1994 :les revenus les plus faibles ont crûplus vivement que les revenus les plusélevés, entre 1993 et 1994, ce quis’accompagne d’un resserrement desrevenus dès 1994 (tableau 2). Lessubventions, qui ont pris la formed’une prime à l’hectare, indépendantedu niveau de production, bénéficientdavantage, en valeur relative, aux plusfaibles revenus, ce qui entraîne uneréduction des disparités. En outre, lesentreprises les moins performantesont eu tendance à disparaître, la con-centration des exploitations s’étant ac-célérée avec la réforme de la PAC.

La pomme de terre soumiseà la loi du marché

La pomme de terre est cultivée par desproducteurs de blé tendre, pour unepart importante de sa production.En moyenne, le niveau du coût total auquintal a baissé, en termes réels, entre1990 et 1996 : 72 francs le quintal en1990 contre 55 francs en 1996 (graphi-que 3). Il faut cependant distinguer lesannées 1990 à 1993 pendant lesquellesce coût a baissé en termes réels d’envi-ron 30 % en quatre ans, des années sui-vantes où il a augmenté modérément(+ 5 % de 1994 à 1996).En 1993, le coût unitaire total a atteintun niveau particulièrement faible,sous l’effet combiné d’une augmenta-

La Politique agricole commune

Dans le cadre de la Politique agricole commune, un système fut mis en place dans lecourant des années quatre-vingt pour contenir les excédents de production céréaliers,fondé sur l’application d’une taxe de coresponsabilité. Le taux de cette taxe fut fixé à3 % du prix d’intervention pour le blé tendre. Les prix à la production restaient alorsgarantis et soutenus. À la fin de cette décennie, ce système fut modifié par la créationd’une taxe de coresponsabilité supplémentaire applicable en cas de dépassement des« Quantités Maximales Garanties ». À partir de 1992 pour les oléagineux, puis de 1993pour les céréales, le mécanisme de soutien des prix a été largement remplacé par unsystème d’aides directes à la production, conditionné par la mise en jachère d’uncertain pourcentage de terres cultivables (Surfaces en Céréales et OléoProtéagineux),mesures liées à la réforme de la PAC.

➊ Contribution des composantes ducoût total à une baisse de 10 francs

Blé tendre1 Pomme deterre2

Semences 0,10 2,50 Engrais 2,80 2,00 Phytosanitaires 0,90 0,10 Carburant 0,30 0,20 Coût variable 4,10 4,80

Coût foncier3 0,50 1,00 Amortissement 2,00 2,60 Autres dépenses4 3,40 1,60 Coût fixe 5,90 5,20

Coût total 10,00 10,00

1. Les contributions sont calculées entre la moyenne desannées d’avant la réforme de la PAC (1990-1992) et celledes années qui l’ont suivie (1993-1996).2. Les contributions sont calculées entre les années deplus fort écart de coût, 1990 pour le point haut et 1993 pourle point bas.3. Le coût foncier comprend les fermages payés, les im-pôts fonciers et les intérêts payés au titre de l’achat deterres.4. Ce poste est défini dans Pour comprendre ces résultats.Lecture : dix francs de baisse du coût total pour le blétendre recouvrent une baisse de 4,10 francs du coût varia-ble dont 2,80 francs d’engrais. La contribution de l’ensem-ble des coûts unitaires fixes est, elle, de 5,90 francs dont2 francs au titre des amortissements en matériel.Sources : RICA et modèle sur les coûts de production

Sources : RICA, modèle sur les coûts de production, IPAMPA

➁ Coût et prix des engrais pour le blé et la pomme de terre

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tion des rendements, d’environ 20 %,et d’une contraction des dépenses.Les producteurs ont en effet réduitdrastiquement leurs dépenses enplants (-40 %) et en engrais (-60 %) :ces deux postes du coût variable ontcontribué pour près de la moitié à ladiminution du coût de production entre1990 et 1993 (tableau 1).Comme pour le blé, la tendance est àla moindre consommation d’engrais,les agriculteurs ayant mené depuis1993 un effort important pour rationa-liser son utilisation. Cette consomma-tion a tout de même un peu augmentéaprès la forte baisse de 1993, en res-tant bien en deçà du niveau de 1990.L’évolution des dépenses en engraisdemeure légèrement dépendante decelle du prix des engrais (graphique 2).En revanche, le recours aux produitsphytosanitaires apparaît lié avant toutaux aléas climatiques. Les produitsphytosanitaires constituent une partimportante dans le coût variable de la

pomme de terre, comme du blé ten-dre : ils arrivent après les plants pourles pommes de terre, et avant les en-grais pour le blé tendre.Les charges fixes ont diminué elles aus-si. Notamment, les amortissements enmatériel ont reculé de plus de 45 % sur lapériode, en raison de la faiblesse de l’in-vestissement des années précédentes.À la différence du blé, le marché de lapomme de terre est directement sou-mis à la loi de l’offre et de la demande :ceci implique souvent de fortes varia-tions de prix et de revenus d’une an-née sur l’autre. Les récoltes abondantesde pommes de terre sont synonymes derevenus faibles, le prix ayant tendanceà baisser plus que proportionnellementdans le cas d’une offre importante.Pour ce qui concerne les coûts, leurdispersion varie elle aussi selon lesannées et la quantité récoltée. Elleaugmente les années de bonnes récol-tes : les coûts les plus faibles baissent(de plus de 20 % entre 1991 et 1992 etentre 1995 et 1996) et les coûts lesplus élevés augmentent (environ 4 %entre 1991 et 1992 et 30 % entre 1995et 1996). En revanche, la dispersiondes revenus bruts se resserre les an-nées de bonnes récoltes, où le niveaudes prix est bas, et s’étend à nouveaules années où les prix remontent.Ces évolutions divergentes entrecoûts et revenus s’expliquent par lanature hétérogène du produit : lespommes de terre primeurs ont descoûts de production supérieurs auxpommes de terre de conservation, el-les-mêmes plus coûteuses que lespommes de terre industrielles. En casde récolte abondante, les variétéshaut de gamme deviennent relative-

ment plus coûteuses, la part du coûtvariable y étant plus importante quedans les autres productions. Dans lemême temps, les prix des variétés dehaut de gamme baissent relativementplus que les variétés de bas degamme, ce qui explique le resserre-ment des revenus, au moment où cesderniers sont faibles.

Bonnes et mauvaises annéespour le porc

Entre 1990 et 1996, les producteurs deporc ont connu deux bonnes années,1992 et 1996, et, comme actuelle-ment, deux mauvaises années, 1993et 1994. En 1993 et 1994, les prix à laproduction ont baissé en raison d’unesurproduction en Europe ; ils ont aug-menté en 1992, pour cause de ralen-tissement de la production, et en 1996,la crise de la « vache folle » ayant pro-fité aux autres viandes (graphique 4).Le coût total a baissé de façon signifi-cative en 1993 et 1994, puis a aug-menté légèrement en 1996. Entre ledébut de la période (1990-92) et la fin(1994-96), il aura baissé de 19 % pours’établir la dernière année à moins de680 francs par porc engraissé.Maîtriser le coût de l’alimentation desporcs est une préoccupation cons-tante de l’éleveur : ce coût constitue laprincipale charge de sa production. En1996, il représentait plus de 85 % ducoût variable et plus de 57 % du coûttotal. Les évolutions du coût total re-produisent donc assez fidèlement cel-les du coût en alimentation, liélui-même aux fluctuations du prix desaliments pour porcs. Le coût de l’ali-mentation animale a diminué d’environ

➋ Dispersion des coûts de production unitaires pour les différents produitset du revenu brut au quintal pour le blé

Rapports interquartiles

Blé tendre Pomme de terre Porc

coût au quintal revenu au quintal coût au quintal coût par tête

1990 1,5 * 3,0 2,3 1991 1,5 8,6 3,3 2,2 1992 1,5 5,9 4,4 2,1 1993 1,6 5,7 3,2 1,9 1994 1,5 2,7 2,7 1,8 1995 1,5 3,0 2,7 1,7 1996 1,4 2,7 4,6 1,9

* Résultat non significatif car le dénominateur est négatif.Lecture : le rapport interquartile du coût au quintal pour le blé en 1990 était de 1,5. Cela signifie que si on exclut le quartdes exploitations dont les coûts unitaires sont les plus élevés et le quart des exploitations dont les coûts unitaires sont lesplus faibles, l’amplitude des coûts est de 50 % pour les exploitations restantes.Sources : RICA et modèle sur les coûts de production Sources : RICA et modèle sur les coûts de production

➂ Pomme de terre : coût total et prix de production

➃ Porc à l’engrais : coût total et prix de production

Sources : RICA et modèle sur les coûts de production

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21 % en termes réels entre 1990-92 et1994-96. Deux facteurs ont contribué àcette évolution : la baisse du prix desaliments (14 % sur cette période) con-sécutive à la réforme de la PAC, pourune part, la diminution des volumesd’aliments consommés par les animaux,grâce à l’amélioration continue destechniques, pour une autre part. En re-vanche, les frais vétérinaires ont aug-menté de 15 %. Sur les deux périodes,la diminution des autres charges est,elle aussi, significative (-19 %), la crisedes années 1993 et 1994 ayant con-traint les producteurs à faire des écono-mies : d’une part, sur les autresconsommations intermédiaires, d’autrepart sur l’entretien et les réparations ain-si que les amortissements, les investis-sements ayant été réduits comme dansla production végétale.Au niveau individuel, la dispersiondu coût total s’est resserrée entre1990 et 1996 : les coûts les plus éle-vés ont baissé en termes réels (-15 %entre 1990 et 1996), tandis que lescoûts les plus faibles ont faiblementaugmenté (moins de 2 %). Cette ten-dance provient surtout du coût varia-ble dont la dispersion se réduit tout aulong de la période, celle des coûtsfixes restant assez grande. Cela ren-voie probablement à une homogénéi-sation des techniques de production.Quant au revenu brut, la dispersion setasse les mauvaises années (en 1993et 1994, notamment) et elle s’accroîtles bonnes années (en 1992), quandles conditions du marché redevien-nent favorables aux producteurs.

Pour comprendreces résultats :

Présentation des donnéesLes données sont issues du Réseau d’infor-

mation comptable agricole (RICA).

Cette étude porte sur les exploitations pro-

ductrices, que ce soit à titre principal ou

complémentaire, de blé tendre, de pom-

mes de terre ou de porcs.

Le RICA fournit des données sur les char-

ges globales de chaque exploitation, se-

lon leur nature. Mais celles-ci ne sont pas

affectées aux différentes productions. Un

modèle économétrique a donc été utilisé

pour estimer les coûts par produit.

Définitions

Les coûts unitaires de production du blé,

de la pomme de terre et du porc recou-

vrent l’ensemble des coûts variables et

fixes nécessaires pour produire un quintal

de blé ou de pommes de terre ou un porc.

Ils ont été analysés, d’une part, sur l’en-

semble des exploitations productrices de

ces biens, d’autre part au niveau indivi-

duel de chaque exploitation.

Pour les productions végétales, le coût de

production est composé :

– du coût variable qui comprend les dépen-

ses en semences, engrais et amende-

ments, produits de protection des cultures

(phytosanitaires), et produits pétroliers

composés des carburants, lubrifiants et

combustibles.

– du coût fixe qui comprend :

- le coût foncier, composé des fermages payés,

des impôts fonciers et des intérêts des terres ;

- le poste « matériel » qui correspond à

l’amortissement du matériel sur bilan réévalué.

- le poste « autres dépenses » qui com-

prend tous les impôts, taxes et intérêts

payés hors foncier, les amortissements

des terres agricoles et des bâtiments, les

réparations du matériel et des bâtiments,

les frais d’assurances et tout un ensemble

de biens et services divers tels que les

travaux par tiers, les frais de voiture,

l’électricité, l’eau, les autres frais spécifi-

ques aux cultures et les autres frais géné-

raux.

Pour les productions animales, le contenu

du coût variable est différent de celui des

productions végétales : il se compose es-

sentiellement des dépenses en aliments

pour animaux et des frais de vétérinaire.

Les indices de prix et les niveaux de

coûts unitaires sont toujours indiqués en

termes réels c’est-à-dire déflatés par

l’évolution du prix du PIB dont l’année

prise en référence est 1996. Les niveaux

sont donc exprimés en valeur de 1996.

Le produit unitaire est le rapport entre la

production en valeur et la production en

quantités physiques (exprimée ici en quin-

taux). C’est la valeur d’un quintal de blé

telle qu’elle est perçue par les produc-

teurs.

Le revenu brut au quintal est la diffé-

rence entre le prix augmenté de la sub-

vention moyenne et le coût total au

quintal. Ce revenu unitaire comprend

donc la rémunération du travail salarié

et familial.

Pour l’étude de la dispersion (rapports

interquartiles), les revenus ou les coûts

les plus faibles (respectivement les plus

élevés) correspondent aux revenus ou

aux coûts du premier quartile (i.e. le

premier quart des revenus ou des coûts)

de la distribution (respectivement aux

revenus ou aux coûts du dernier quar-

tile).

Pour en savoir plus

« Quinze années de grandes cultures :baisse des prix et réduction des coûts »,Insee Première n° 473, juillet 1996.

« L’adaptation des exploitations degrande culture en France (Ile-de-Franceet Midi-Pyrénées) », INRA, Actes etCommunications n° 13, 1995.

« Une situation difficile pour les éleveursde porcs en 1993 et 1994 », AGRESTE,Cahiers n° 20, octobre 1996.

« On n’engraisse pas les cochons avecde l’eau claire : fabrication industrielle etfermière des aliments des animaux por-cins », AGRESTE, Cahiers n° 20, dé-cembre 1994.

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OFFRE ET DEMANDE D'OVULES HUMAINS

Récemment la pratique de jeunes femmes proposant leurs ovules à des femmes stériles aprovoqué un débat sur l'éthique d'une telle transaction, les marchés et l'engagement dugouvernement. Bien que les experts sur les problèmes de fertilité prétendent que les ovules ne sontpas achetés et vendus, les "donneuses" sont payées pour leur temps et les désagréments subis.Cependant, il n'y a jamais assez de donneuses d'ovule, aboutissant, pour certaines femmes, à uneattente de plus d'un an pour recevoir "un don".

Pour résoudre cette pénurie, en février une clinique du New Jersey (USA) a doublé le paiementaux donneuses d'ovules, offrant 5000 $. La clinique du Centre Médical de St Barnabas à Livingston(USA), prétend que la rémunération plus élevée augmentera l'offre, permettant ainsi de satisfairedes couples stériles cherchant à avoir des enfants. Les cliniques concurrentes, qui ont vu beaucoupde leurs clients passer à St Barnabas, ont répliqué en affirmant que cela peut être le début d'uneguerre de surenchères pour des ovules.

Pourquoi toute cette controverse ? Après tout, les donneurs de sperme et des personnes faisantdon du sang (particulièrement pour les types rares) sont depuis longtemps payés. Oui, mais cesdonneurs reçoivent typiquement seulement 100 $ et le don est facile et comporte peu de risquespour la santé. Les donneuses d'ovule, à l'opposé, subissent une procédure médicale lourde, longuequi peut parfois avoir des conséquences graves pour la santé. Les directives du Ministère de laSanté américain stipulent que ces donneuses d'ovules doivent être "indemnisées des dépensesdirectes et indirectes associées à leur participation, leur désagrément et temps et dans une certainemesure, pour le risque subi." Mais, les directives ajoutent aussi que "les compensations financièresne devraient pas être trop élevées pour ne pas induire une incitation excessive."

Est-ce que les ovules peuvent être considérés comme un don gratuit ou un cadeau ? Au Japon eten Angleterre, où les gouvernements interdisent la rémunération des donneuses d'ovules, il n'y aaucune donneuse disponible. Il n'est pas étonnant qu'un couple japonais ait récemment publié unepublicité dans plusieurs journaux américains offrant 10 000 $ pour un ovule provenant d'un donneurd'origine japonaise. Y aura-t-il en fin de compte une guerre de surenchère pour obtenir des ovules ?Le Docteur Joseph Schulman, directeur à l'Institut de Génétique à Fairfax (USA), pense que lejuste prix pour des ovules humains sera déterminé par "l'offre et demande," et que tant que cettetechnologie offre la meilleure chance pour des couples stériles d'avoir un bébé, ce marché existera.

Source: "Soaring Price of Donor Eggs Sets Off Debate," New York Times, 25 février 1998

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Billets ? L'offre rencontre la demande sur le trottoir

La course aux billets est une affaire rentable pour Kevin Thomas, qui n'est pas le moins du monde gêné. Ilse considère comme l'entrepreneur américain classique : ayant abandonné ses études assez jeune, il a développéune compétence, travaille sept soirs par semaine, gagne 40 000 dollars par an et a réussi à mettre de côté 75 000dollars à 26 ans, tout cela en proposant un service devant les théâtres et les stades de New York. Il n'a qu'unecritique à formuler : “J'ai été arrêté une trentaine de fois l'année dernière”, se plaignait-il récemment après avoirréalisé un profit de 280 dollars sur un match de base-ball. “On s'y fait - je donne un faux nom aux flics, je paiel'amende s'il le faut - mais tout cela me paraît injuste. En fait mon boulot est très proche de celui du trader quiachète le plus bas possible, pour revendre aussi cher que possible. Tant que les gens sont prêts à m'acheter mesbillets, où est le mal?”

Les responsables de la ville de New York considèrent cette activité illégale et mènent la vie dure à cesrevendeurs qui font des profits sur le prix de vente des billets.

Pourtant les économistes ont tendance à voir les choses plutôt comme M. Thomas. Pour eux, la campagnemenée par l'Etat de New York est aussi ridicule que la vieille campagne conduite par les communistes contre“les profiteurs”. Les mesures restrictives imposées par la ville énervent le public, réduisent l'audience desévénements culturels et sportifs, font perdre du temps à la police, privent la ville de New York de dizaines demillions de dollars de recettes fiscales et font s'envoler le prix de tout un tas de billets.

“Politiquement, il est toujours intéressant de se poser en défenseur des pauvres en déclarant illégaux les prixélevés”, affirme William J. Baumol, directeur du Centre d'Économie Appliquée de l'Université de New York.“Je ne serais pas surpris de voir un jour les politiciens chercher à résoudre le problème du Sida en déclarantcelui-ci hors-la-loi. Cela ne ferait aucun mal, parce qu'il ne se passerait rien, mais quand vous interdisez certainstypes de prix, vous créez de réels problèmes.”

Baumol fut l'un des économistes qui proposa la vente de billets de théâtre du jour même à moitié prix, dansun kiosque de Times Square. Cette proposition fut jugée trop radicale par les propriétaires de théâtre en 1973.Pourtant cela a permis de faire venir une nouvelle clientèle au théâtre, avec des billets qui, sans cela, seraientrestés invendus. Voilà une parfaite illustration du principe selon lequel acheteurs et vendeurs bénéficient tousd'un prix d'équilibre.

Une autre illustration nous est donnée par les queues devant le Musée d'Art Moderne, dans lesquelles desgens attendent jusqu'à deux heures pour obtenir un billet d'entrée à l'exposition Matisse. Il existe pourtant unealternative : acheter son billet d'entrée à l'un de ces revendeurs qui fuient la police; au lieu de le payer 12,50dollars, on le paiera alors entre 20 et 50 dollars selon les cas. “Point n'est besoin d'accorder une valeurextraordinaire à son propre temps pour accepter de payer 10 ou 15 dollars afin d'éviter de passer deux heuresdebout dans la rue devant le Musée”, explique Richard H. Thaler, économiste de l'Université Cornell. “Certainsconsidèrent qu'il est plus juste d'obliger tout le monde à faire la queue, mais cela revient à obliger tout le mondeà entreprendre une activité totalement improductive, et cela constitue une discrimination en faveur de ceux quiont le plus de temps libre. La revente de billets offre une alternative à la queue, et je ne vois aucune raison del'interdire.”

Les responsables politiques font remarquer qu'en l'absence d'interdiction de cette revente sauvage, les prixdes billets seraient beaucoup trop élevés pour la plupart des gens. Pourtant, la Californie n'interdit pas cettepratique, et le prix des billets n'y est pas significativement plus élevé qu'ailleurs. Et même si les revendeursvoulaient pousser les prix au ciel, ils ne trouveraient pas grand monde pour payer 100 dollars un billet.

La légalisation de la revente sauvage ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde. M.Thomas par exemple craint que la concurrence ne l'oblige à fermer boutique. Après 16 ans de métier - il adébuté à 10 ans devant le Yankee Stadium - peut-être est-il de toutes façons temps de passer à autre chose?

Source : JOHN TIERNEY, New York Times, 26 décembre 1992.

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LE CONTROLE DES LOYERS À NEW YORK

Le 15 juin 1997, la loi sur le contrôle des loyers de l'État de New York a expiré. D'habitudeabordée tranquillement avec peu de débat, la discussion s'est intensifiée cette année tant lesRépublicains de l'état ont juré d'en finir. Bien que la loi, instituée pendant la crise du logement aprèsla Deuxième Guerre mondiale, s'applique d'un bout à l'autre de l'Etat, la plupart des propriétésconcernées sont à New York - touchant plus de 2,5 millions de personnes. Soixante-dix milleappartements sont sous le coup d'un contrôle strict de loyer et 900 000 sont "stabilisés", c'est-à-diresoumis à une réglementation des loyers encadrant les augmentations.

Le résultat final est que beaucoup de New-Yorkais ont pu vivre dans de grands, vieuxappartements pour très peu d'argent. Les partisans du contrôle des loyers soutiennent qu'il permet defournir un logement à un loyer accessible à ceux qui sont dans le besoin. Ils soutiennent égalementque si les loyers contrôlés venaient à disparaître, les prix de la location monteraient en flèche et quede nombreuses personnes seraient jetées à la rue. D'autant plus qu' il y aurait peu de motivationpour les propriétaires à construire des logements à faible loyer dans l'avenir.

Les opposants au contrôle estiment que : "la réglementation des loyers est une source de crisestructurelle parce que, en supprimant le retour sur investissement des propriétaires, il décourage laconstruction de nouvelles unités." Quelques statistiques appuient ces revendications. À raison de 8000 unités par an, la construction d'appartements à New York est au taux le plus bas depuis lesannées 1930. De plus, les contrôles de loyer découragent l'accession à la propriété : le tauxd'accession à la propriété à New York est de 28 %, soit moitié moins que le taux américain pour lesgrandes villes. Quand le revenu locatif est insuffisant pour entretenir les propriétés beaucoup depropriétaires les abandonnent, les remettant à la ville; New York reprend environ 10 000 unitéschaque année. Par ailleurs, parce que le plafond de revenu annuel pour bénéficier du contrôle deloyer est de 250 000 $, des personnes de revenus élevés comme l'actrice Mia Farrow, peuventcontinuer à payer une somme symbolique chaque mois pour un grand appartement bien situé.

Sources: "Big Scare in The Big Apple," Newsweek, 26 mai 1997, p.88; "Rent Crisis Nears Deadline, Spooks NewYorkers," The Anniston Star, 12 juin 1997.

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Extrait d' INSEE PREMIERE, N° 551 - OCTOBRE 1997

Les fumeurs face aux récenteshausses du prix du tabac

Marie Anguis, Division Synthèses des Biens et Services,Dominique Dubeaux, Département de l’Édition, Insee

Entre 1991 et 1996, le prix du paquetde cigarettes a été multiplié pardeux. Dans le même temps, la loi

Evin interdisait de fumer dans les locauxà usage collectif ainsi que toute publicitépour le tabac. Les fumeurs ont réagi endiminuant leur consommation et en privi-légiant les cigarettes moins chères et letabac en vrac. Si la proportion de fumeursa continué de diminuer chez les hommes,elle augmente toujours chez les femmes,sauf chez les cadres où elle diminue sen-siblement. Le lien étroit entre politiquetarifaire et baisse des quantités consom-mées est un phénomène observé dansl’ensemble des pays de l’Union euro-péenne depuis une dizaine d’années.

En 1996, en France, les fumeurs (8 millionsd’hommes et 5,5 millions de femmes) ontdépensé 72 milliards de francs pour leurbudget tabac (450 francs par mois et par fu-meur) et fumé au total 95 milliards de ciga-rettes (ou équivalent), soit 19 cigarettes parfumeur et par jour en moyenne.Depuis une vingtaine d’années, les campa-gnes contre le tabagisme se succèdent etinforment les Français des méfaits du ta-bac : “ prenez la vie à pleins poumons ”, “ nefumez pas, n’enfumez plus ”. Des mesuresgouvernementales ont été prises (loi Veil en1976 puis loi Evin en 1991) pour limiter laconsommation de tabac et protéger les non-fumeurs contre les risques du tabagismepassif. Il est désormais interdit de fumerdans les lieux "affectés à un usage collectif,notamment scolaire, et dans les moyens detransports collectifs, sauf dans les emplace-ments expressément réservés aux fu-meurs". De même, "toute propagande oupublicité, directe ou indirecte, en faveur dutabac ou des produits du tabac ainsi quetoute distribution gratuite sont interdites".Dans le même temps, une politique de

hausse de prix du tabac a été mise enplace : entre septembre 1991 et décembre1996, l’indice du prix du tabac a pratique-ment doublé (+ 96,5 % soit 74 points de plusque l’inflation). Sur la même période, laquantité de tabac vendue a baissé de 8,5 %.Cette relation inverse entre prix et consom-mation de tabac est conforme aux observa-tions sur le passé (graphique 1). Ainsi, labaisse continue du prix relatif (cf. Pour com-prendre ces résultats) du paquet de cigaret-tes de la fin des années soixante au milieudes années soixante-dix s’était accompa-gnée d’une augmentation de la consomma-tion, la quantité moyenne par personne de15 ans et plus, fumeur ou non, étant passéede 4,6 cigarettes par jour en 1968 à 5,9 en1975. Ensuite, jusqu’au début des annéesquatre-vingt-dix, le prix relatif du paquet decigarettes était resté stable. Dans le mêmetemps, la consommation stagnait autour de5,8 cigarettes par jour.

Le doublement du prix du paquet decigarettes a entraîné une baisse des

quantités fumées ...

Entre septembre 1991 et décembre 1996, letabac a subi neuf hausses successives (gra-phique 2). Ces augmentations, fortes et ré-pétées, ont découragé les fumeurs : laconsommation de cigarettes a baissé, passantde 5,8 cigarettes par jour et par personne de15 ans et plus à 5 cigarettes.

➀ Consommation de cigarettes et prix relatif du paquet

Sources : Seita, Insee

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L’étude approfondie de l’impact d’uneaugmentation du prix sur la consom-mation de tabac (cf. encadré) montreque la hausse de prix doit être forte etcontinue pour freiner notablement etdurablement la consommation. En ef-fet, après une hausse de 1 % du prixdu tabac, les achats baissent immé-diatement de 0,5 % (graphique 3).Cette brusque diminution est due pourune part au contrecoup des achatssouvent massifs effectués en anticipa-tion de l’augmentation. Aussi, très ra-pidement, les achats de tabacredémarrent et, au bout d’une périodede six mois à un an, la consommationde tabac n’est plus inférieure que de0,2 % à son niveau d’origine : lesstocks de tabac acheté d’avance sontépuisés et certains fumeurs, désireuxde stopper ou de diminuer leur con-sommation, ont échoué. Enfin, à longterme, la consommation de tabacbaisse de nouveau et se stabilise à0,3 % au-dessous du niveau d’origine.Cette nouvelle baisse vient de ce quel’augmentation de prix a dissuadé defuturs fumeurs éventuels.

... et un regain de faveur pourle tabac à rouler

Face à une augmentation de prix, sur-tout si elle est répétée, les consomma-teurs, plutôt que de réduire leurconsommation en quantité, peuvent li-miter son coût en privilégiant les pro-duits moins chers. Pour les fumeurs

dépendants, le tabac est un bien depremière nécessité. Ainsi, depuis1991, chaque augmentation de prix aentraîné une baisse de la consomma-tion de cigarettes au profit du tabac àrouler. Certes, l’attrait du tabac à rou-ler (4,8 % des quantités de tabac ven-dues en 1990, 7,4 % en 1996) necompense pas la désaffection pour lescigarettes : la quantité globale de ta-bac fumée a diminué de 8,5 % depuis1991. Cependant les achats de ciga-rettes ont baissé de 11,3 % alors quela consommation de tabac en vrac aaugmenté de 43 % (graphique 2).A l’inverse, la baisse tendancielle duprix relatif du tabac observée entre1970 et 1985 avait favorisé le déplace-ment de la consommation vers les ca-tégories de cigarettes moins nocivesmais également plus chères. Ainsi, lescigarettes avec filtre, qui représen-taient seulement un tiers de la con-sommation de cigarettes à la fin desannées soixante, en représentaient70 % en 1985 (86 % en 1996). Demême, la part des cigarettes blondesest passée de 8 % en 1981 à 50 % en1985 (74 % en 1996).

Une hausse qui bénéficie auxfabricants et à l’État

Le doublement du prix du tabac, mêmes’il a entraîné une baisse de la quanti-té fumée, s’est traduit par une trèsforte augmentation des dépenses desfumeurs : ils ont déboursé 72 milliards

de francs en 1996 contre 45 milliardsen 1991. Cela s’est donc traduit parune augmentation des profits pour lesfabricants et les débitants, mais aussipour l’État. En effet, le poids des taxessur les cigarettes a augmenté entre1992 et 1996, passant de 70 à 76 % deleur prix de vente, ce qui correspond à unehausse d’environ 25 % du prix des ciga-rettes, toutes choses égales par ailleurs.

Les “ élasticités-prix et revenu ” de la

consommation de tabac

L’élasticité de la consommation de tabacpar rapport à son prix et au revenu desménages a été estimée à l’aide d’un mo-dèle économétrique reliant la consomma-tion de tabac à cinq variables : laconsommation hors tabac des ménagesau prix de 1980, la consommation de ta-bac des ménages aux prix de 1980, lerevenu disponible brut des ménages, leprix relatif du tabac, le prix à la consom-mation hors tabac. Ce modèle a été esti-mé sur les données trimestrielles de lapériode 1976-1995. Il donne, pour deshorizons de plus en plus éloignés, l’effetsur la consommation de tabac d’unehausse initiale de 1 % de son prix (les prixdes autres produits étant maintenus à leurniveau sur toute la période) ou bien durevenu des consommateurs.

Selon ce modèle, une hausse de 1 % duprix du tabac induirait, au bout de troisans, une baisse médiane de 0,3 % de saconsommation (graphique 3).

De même, une hausse de 1% du revenudisponible brut des ménages entraîneraitsur le long terme une augmentation de0,3% de la consommation de tabac, aveccependant une incertitude plus grandeque dans le cadre d’une variation des prix.

Lecture : Une hausse de 1 % du prix du tabacinduit au bout de trois mois une baisse de saconsommation dont la valeur médiane est d’envi-ron 0,5 %. Cette baisse est comprise entre 0,35 %et 0,65 % avec une probabilité de 90 %.

➂ Élasticité-prix de la consommation de tabac

Lecture : Sur le graphique sont indiqués la date et le montant de la variation de prix du tabac. Ainsi, entre1991 et 1996, le tabac a subi neuf hausses successives, la première, de + 5,2 %, en septembre 1991.Sources : Seita, Insee

➁ Évolution de la consommation de tabac

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En 2000, les Français ont dépensé 88,7 milliards de francs pour

leur consommation de tabac

En janvier 1991, la loi Evin a prévu un certain nombre de dispositions contre le tabagisme. Des

actions d’information et de communication ont été mises en place. Parallèlement, les pouvoirs publics

ont mené une politique de prix dissuasive ; suite à des hausses à répétition, l’indice de prix du tabac a

doublé entre 1991 et 1999. Ces hausses ont entraîné une baisse de la consommation jusqu’en 1998.

Cela dit, chez les jeunes de 15-19 ans, la proportion de ceux qui fument quotidiennement n’a pas

diminué. Depuis 1998, les hausses de prix ont été plus modérées (+3% en 1998, +4,6% en 2000, contre

+8% en 1997).

La diminution de la consommation de tabac s’est interrompue en 1998 et en 1999. En 2000, on note

une nouvelle diminution de la consommation de 1,2%. Si les hausses de prix depuis 1991 ont entraîné

une diminution de la consommation, le poids de l’augmentation du prix en rapport à la diminution des

quantités est tel que l’on constate une très forte hausse des dépenses des fumeurs durant cette période.

En 2000, les ménages ont dépensé 88,7 milliards de francs pour leur consommation de tabac contre

46,6 milliards en1991 (montants en francs courants).

Source�: Le tabac : vingt ans d’usage et de consommation, INSEE PREMIERE, N° 808, OCTOBRE 2001

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Pour ceux qui touchent le droit de péage, le prix importe

Toutes les entreprises se posent la même question: quel est le prix de mon produit qui générera

le profit maximal?

La réponse n'est pas toujours évidente une augmentation de prix peut se traduire par une

diminution des ventes, certains consommateurs se tournant vers d'autres produits comparables ou

tout simplement s'en passant totalement. Pour chaque produit, cette sensibilité des consommateurs

est différente. L'idéal est donc d'arriver à déterminer pour chaque produit le meilleur compromis

entre marge bénéficiaire et volume des ventes.

En ce moment même, les propriétaires d'une nouvelle route reliant Leesburg à l'aéroport de

Washington tentent de trouver ce point magique. L'idée de départ était de faire payer 2 dollars pour

le trajet de 20 kilomètres entre la ville et l'aéroport, en espérant réaliser 34 000 trajets par jour, au

détriment des routes publiques encombrées, comme la Route 7. Mais après avoir investi 350

millions de dollars dans la réalisation de cette route, ses promoteurs se rendirent compte qu'à peine

le tiers des usagers attendus était prêt à payer 2 dollars pour gagner 20 minutes de bouchons.

Même après avoir réduit, les larmes aux yeux, le péage à 1 dollar, le trafic atteignait à peine les

chiffres escomptés. Et même si la route est toujours déficitaire, sa situation est meilleure qu'au

moment de l'ouverture.

Le chiffre d'affaires quotidien moyen est de 22 000 dollars, alors qu'il était de 14 875 dollars au

“prix spécial de démarrage” de 1,75 dollar. Et comme la circulation demeure fluide, même aux

heures de pointe, les propriétaires de la route peuvent encore réduire le tarif afin d'augmenter leurs

revenus.

Au printemps dernier, quand le prix a été baissé de 45 %, le volume a crû de 200 % sur les trois

mois qui ont suivi. Si le même ratio est vérifié, une baisse du péage de 25 % supplémentaires

devrait pousser le trafic quotidien vers le chiffre des 38 000 trajets et le chiffre d'affaires quotidien

pourrait atteindre 29 000 dollars.

Le problème, bien entendu, c'est que le même ratio ne s'applique pas à tous les niveaux de prix.

Voilà pourquoi les affaires sont si compliquées. Clifford Winston de Brookings Institution et John

Calfee de l'Institut Américain de l'Entreprise ont réfléchi au problème...L'année dernière, les

économistes ont réalisé une étude de marché dans le pays entier, auprès de 1 170 personnes

auxquelles il était demandé de choisir parmi divers compromis entre temps de trajet et coût du

péage.

La conclusion, c'est que les gens qui étaient très sensibles à leur temps de trajet avaient déjà pris

des mesures pour le réduire : utilisation des transports en commun, choix d'un domicile proche du

lieu de travail, choix d'un emploi à horaire différent, etc. En sens inverse, les gens qui faisaient de

longs trajets en voiture étaient moins gênés par les problèmes de bouchon, et n'étaient pas prêts à

payer plus de 20 % de leur salaire horaire pour gagner une heure de trajet.

Globalement, les conclusions de l'étude Winston/Calfee expliquent pourquoi le droit de péage

originel et les hypothèses de trafic de nos entrepreneurs étaient trop optimistes : de leur propre aveu,

seuls les gens qui gagnent au moins 20 dollars de l'heure (soit environ 60 000 dollars par an) sont

prêts à payer 2 dollars pour gagner 20 minutes.

Source : STEVEN PEARLSTEIN, Washington Post, 24 octobre 1996.

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Fixer le prix d'un produit : les principes de base de la fixation

des prix, entre la concurrence parfaite et le monopole.

En 1931. Pepsi-Cola s'est trouvé pour Ia seconde fois en douze ans en état de cessation de

paiements. Son président. Charles G. Guth, a méme tenté de vendre sa société à Coca-Cola. qui n'en

a pas voulu.

Pour réduire les coûts, Guth a acheté un stock important dc bouteilles de bière recyclées, d'une

contenance deux fois supérieure à celle des bouteilles alors utilisées par Pepsi et Coca-Cola. Pepsi a

commencé par vendre ces bouteilles 10 cents, c'est-à-dire deux fois plus cher que les bouteilles

normales, mais sans grand succès. Ensuite, Guth a eu l'idée de génie de proposer ses nouvelles

bouteilles au même prix que celles, deux fois plus petites, de Coca-Cola. Ses ventes se sont

envolées : dès 1934, Pepsi était tiré d'affaire et renouait peu de temps après avec des profits

confortables.

La stratégie de prix adoptée par Pepsi en 1931 a été manifestement déterminante pour l'avenir de

l'entreprise. Pour bien comprendre comment sont fixés les prix, il faut d'abord maîtriser les

mécanismes de l'offre et de la demande - lorsque le prix augmente, la demande diminue - et

analyser l'effet d'une augmentation de prix sur les quantités produites - en d'autres termes

l'élasticité-prix de la demande.

Nous commencerons par examiner les cas extrêmes de la détermination des prix dans un régime

de concurrence parfaite et dans une situation de monopole, et nous analyserons ensuite les cas de

Pepsi et de Coca-Cola.

La concurrence parfaite

Alfred Marshall, un célèbre économiste duXIXe siècle, s'est servi de l'exemple d'une halle aux

poissons pour illustrer la concurrence parfaite. Prenons le cas d'un poissonnier qui vend de la

morue. A quel prix va-t-il la vendre ?

Il va d'abord regarder autour de lui les prix pratiqués par ses nombreux concurrents. Il ne peut

pas fixer un prix supérieur : comme il s'agit du même poisson, peu inporte aux consommateurs à

quel vendeur ils s'adressent. En outre, dans une halle aux poissons, il leur est très facile dc comparer

les prix. Et si notre poissonnier fixe un prix supérieur à celui de ses concurrents, il ne vendra pas la

moindre morue.

Supposons maintenant qu'il décide d'un prix inférieur à celui de ses concurrents. Tous les clients

vont certainement venir chez lui. Cependant, si même à ce prix, il réalise encore un bénéfice, il en

ira de méme pour ses concurrents : ceux-ci réduiront alors leur prix dans les mêmes proportions

pour conserver leur clientèle. Ils pourront méme envisager de l'abaisser encore si cela leur permet

toujours de réaliser un bénéfice. tout en attirant de nouveaux clients.

Ce raisonnement, ainsi que la possibilité pour de nouveaux vendeurs d'entrer facilement sur le

marché s'il y a un profit à réaliser (ce qui exclut toute forme d'entente entre les poissonniers déjà

installés), garantit l'égalité entre le prix de vente demandé et le coût de mise sur le marché d'un

poisson supplémentaire, le coût marginal. Le poissonnier "subit" les prix puisqu'il doit aligner les

siens sur ceux de ses concurrents.

Le monopole

Une firme est en situation de monopole si elle détient l'exclusivité de la fourniture d'un produit

ou d'un service. Elle ne peut donc évidemment pas fixer ses prix en fonction d'entreprises rivales.

Quels sont alors ses critères de décision ?

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Une firme monopolistique avisée va analyser l'impact "différentiel" de ses décisions : en d'autres

termes, évaluer le revenu marginal correspondant à la vente d'une unité supplémentaire d'un produit

et les coûts liés à la vente de cette unité supplémentaire.

Si les coûts liés à la vente d'une unité supplémentaire de produit excèdent les revenus,

l'entreprise en situation dc monopole décidera de ne pas vendre cette unité supplémentaire. Elle

pourrait, selon la loi de l'offre et de la demande, augmenter le prix de son produit et ainsi en vendre

moins. A l'inverse, si les revenus générés par la vente d'une unité supplémentaire de produit sont

supérieurs aux coûts de vente de cette unité, la firme cherchera à vendre plus d'unités. Selon la loi

de l'offre et de la demande, elle peut vendre plus en réduisant ses prix.

Ainsi, en fixant correctement ses prix, la société en situation de monopole est en mesure de

vendre le nombre exact d'unités qui permet une égalisation parfaite des coûts de vente d'une unité

supplémentaire et des revenus dégagés par la vente de cette unité. Cette situation correspond. aux

termes du raisonnement ci-dessus, au seul prix optimal. Cependant. un autre facteur vient

compliquer la situation : les coùts de vente d'une unité supplémentaire de produit n'incluent aucun

élément de la rémunération du PDG ou des coûts de location des installations, qui doivent pourtant

être pris en charge, que l'unité supplémentaire soit vendue ou non. C'est ainsi qu'à long terme, si la

firme monopolistique ne parvient pas à couvrir ses frais généraux en fixant ses prix de manière

optimale. elle devra cesser son activité.

Le cas de Pepsi et Coca-Cola en 1931 est différent des deux scénarios évoqués ci-dessus, mais

quels enseignements pouvons-nous cependant tirer de l'analyse de ces cas extrêmes ?

Pepsi savait que le prix fixé par Coca-Cola pour les bouteilles standards était de 5 cents. En

appliquant ce même prix à ses propres bouteilles, d'une contenance deux fois supérieure, Pepsi a fait

le pari que Coca-Cola ne baisserait pas ses prix. Coca-Cola n'a pas jugé nécessaire de réduire ses

prix, considérant que son produit était différent de celui de Pepsi et parce qu'il ne craignait pas de

perdre beaucoup de clients.

Savoir si la hausse des revenus résultant d'un accroissement de la demande peut compenser la

baisse résultant d'une diminution du prix dépend de l'élasticité-prix de la demande.

L'élasticité-prix de la demande pour Pepsi dépend à la fois de la réaction de Coca-Cola face à la

baisse du prix et de la réaction des consommateurs. Comme nous l'avons vu ci-dessus. Pepsi a fait

l'hypothèse que Coca-Cola ne réduirait pas ses prix. Dans le contexte économique de la grande crise

de 1929, Pepsi tablait sur une forte élasticité de la demande : autrement dit, l'accroissement des

quantités vendues lié à la baisse du prix serait supérieur en pourcentage à la variation du prix, ce qui

lui permettrait de réaliser des profits.

Quelles autres considérations ont joué un rôle dans la décision de Pepsi ?

Pepsi aurait pu envisager un prix plus bas encore pour stimuler la demande puisqu’à 5 cents la

bouteille, le revenu supplémentaire tiré de la vente de chaque bouteille était encore supérieur au

coût additionnel de production d'une bouteille supplémentaire, Mais un prix inférieur aurait risqué

de déclencher une riposte de Coke. En définitive, la décision de faire payer la bouteille 5 cents, soit

le même prix que les bouteilles standards deux fois moins grandes, a été un coup de maître de la

part de Pepsi, les consommatcurs ayant immédiatement réalisé qu'ils pouvaient avoir plus de cola

pour un prix inférieur.

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MICROSOFT ET LOI ANTITRUST DANS les années 90

Depuis la promulgation de la Loi antitrust Sherman en 1890, le gouvernement a recherché pardivers moyens à empêcher la concentration du pouvoir économique. Le Ministère de la Justice,l'agence du gouvernement chargée de mettre en application les lois antitrust, peut interdire desfusions anti-concurrentielles entre des sociétés; il peut démanteler de grandes sociétés; ou legouvernement peut réglementer la tarification d'une société et sa politique de marketing pour limiterson pouvoir de marché. Pendant plus d'un siècle le gouvernement a traité avec des monopoles de laStandard Oil au début des années 1900 à AT&T dans les années 1980. Le géant du logicielMicrosoft est un défi principal pour la politique anti-monopole dans les années 1990.

Le secteur de haute technologie, une industrie de 700 milliards de $ dominée par Microsoft,représente 30 % de toute l'augmentation du produit intérieur brut depuis 1994. Microsoft, avec 25700 employés, 3,4 milliards de $ de bénéfice net en 1997, représente plus de 41 % des profits totauxdes dix plus grands fabricants de logiciel.

Clairement Microsoft est un acteur principal dans l'industrie informatique, qui est uncontributeur majeur à la prospérité économique actuelle. Le système d'exploitation de MicrosoftWindows étant utilisé par 80 % des ordinateurs, il est clair que Microsoft a un monopole sur lessystèmes d'exploitation.

Le défi le plus récent de la société Microsoft aux lois antitrust est la tentative de la société degrouper Internet Explorer, son navigateur Internet, avec le système d'exploitation Windows. SelonNetscape et d'autres concurrents de Microsoft, proposer l'Explorer et d'autres logiciels d'applicationdans Windows qui est déjà un monopole, donne un avantage injuste à ces produits.

Le Ministère de la Justice voit cette pratique comme une violation d'un décret de consentementde 1995 dans lequel Microsoft s'engageait à ne pas grouper de logiciels indépendants avecWindows.

Avec Microsoft, le Ministère de la Justice fait face à un dilemme. D'une part, le pouvoir demarché de Microsoft peut aboutir aux abus monopolistiques, comme des prix plus hauts et desquantités limitées. D'autre part, comme le PDG de Microsoft Bill Gates le prétend, laréglementation du gouvernement étouffera l'innovation, qui, affecterait à son tour l'économieentière.

Les experts ont suggéré trois stratégies alternatives pour traiter avec Microsoft. D'abord, legouvernement pourrait ne rien faire. Les partisans de cette stratégie soutiennent qu'avoir un seulsystème d'exploitation pour des ordinateurs est commode (standard) et que la compétition entresystèmes d'exploitation et logiciels liés serait inefficace. Les forces du marché limiteraient lacapacité de Microsoft à profiter des consommateurs. Deuxièmement, le gouvernement pourraitréglementer la politique de marketing et de prix de Microsoft, c'est-à-dire, interdire des inclusionsde logiciel dans le système d'exploitation Windows. Finalement, le gouvernement pourrait diviserMicrosoft en deux sociétés distinctes pour créer une concurrence.

Sources: "What to Do About Microsoft," Business Week, 20 avril 1998. "U.S. Won't Block Windows 98 Software,"Wall Street Journal, 12 mars 1998. "We Have to Innovate," Newsweek, 9 mars 1998.

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Procès Microsoft : la déposition de l'économiste Schmalensee

Dans le cadre de la bataille juridique lancée par le ministère de la Justice américaine,

Microsoft est accusé de jouir d'un monopole en matière de système d'exploitation. Cette accusation

qui ne semble pas tellement étonnante est pourtant contestée par un des économistes américains les

plus connus R. Schmalensee. Quels sont ses arguments?

Par le passé, lorsqu'une entreprise alimentait à elle seule la totalité d'un marché, on parlait demonopole. Aujourd'hui, c'est devenu beaucoup moins simple. Un économiste du MIT(Massachusetts Institute of Technology, Boston), Richard Schmalensee, autorité reconnue dans ledomaine de l'économie industrielle, participe à la défense de Microsoft poursuivie par les autoritésaméricaines dans le cadre d'une action antitrust. Il affirme que, même dans le cas des logiciels pourPC, dont le marché est alimenté presque entièrement par Microsoft, cette société n'a pas lemonopole. C'est ce que l'entreprise elle-même soutient depuis longtemps, irritant fortement lesautres producteurs de logiciels, pour qui la domination de Microsoft en ce domaine est un faitd'expérience. Le raisonnement de M. Schmalensee peut sembler curieux, mais n'est pas dénué defondement.

Pourquoi Microsoft n'est pas un monopoleur?

Quand Schmalensee soutient que Microsoft n'est pas un monopoleur, il veut dire que la firme n'apas de pouvoir monopole ; il ne veut pas dire qu'elle échoue à ne pas exercer un pouvoir qu'elle a,mais bien qu'elle n'a pas ce pouvoir de monopoleur. Ni sa part de marché, ni ses énormes margesbénéficiaires, soutient-il, ne suffisent à montrer que l'entreprise fait ce que font les monopoles :maximiser ses profits en imposant un prix plus élevé que celui qui prévaudrait sur un marchéconcurrentiel. Plus précisément, Schmalensee a calculé ce que serait pour Microsoft le prix deWindows 98 qui maximiserait son bénéfice s’il y était vraiment en situation de monopole ; ce prixse situerait entre 900 et 2000 dollars.1 Puisque Microsoft est une entreprise qui vise à maximiser sesbénéfices et lorsqu'elle n'impose pas le prix de maximisation que pratiquerait un monopoleur, ellen'est donc pas, dit Schmalensee, en situation de monopole.

Devant un tel raisonnement, l'avocat du gouvernement a pu cacher son incrédulité : « cela a-t-ilun sens quelconque? Il n'est pas possible que 2000 dollars soit le prix qui maximise le bénéfice »,a-t-il objecté. “ Évidemment non”, répond Schmalensee, “car Microsoft est confrontée, dans le longterme, à une forte concurrence. C'est bien là ce qui importe.” Tout le reste mis à part, il est clair queMicrosoft sait choisir ses avocats et, en dehors de ces joutes dans le prétoire, le problème posé estintéressant.

Schmalensee a-t-il raison?

Admettons que le calcul de Schmalensee soit juste. Qu'est-ce qu'il prouve en réalité ? Delui-même (et son auteur le sait très bien) il ne prouve pas en fait que Microsoft n'a pas de pouvoir demonopole, ni même que, si il a ce pouvoir, l'entreprise a délibérément choisi de ne pas l'exercer,pour une raison quelconque. On peut aisément imaginer des circonstances dans lesquelles unmonopoleur déciderait de fixer un prix inférieur au prix théorique de maximisation de son bénéfice,soit parce qu'il veut élargir son marché (et ultérieurement relever ses prix), soit pour décourager denouveaux entrants sur ce marché (stratégie connue sous le nom de « fixation de prix limite » oulimit-pricing). Dans le premier cas, on accepte un bénéfice faible ou même une perte en échange

1 Le prix actuel de Windows 98 est de l'ordre de 110 dollars.

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d'une bonne rente de monopole ultérieurement ; dans le second, on peut accepter pour une longuedurée un prix situé entre le prix concurrentiel et le confortable prix de monopole, une rente étantnéanmoins perçue dans l'immédiat et dans l'avenir.

Dans le domaine de la vente des logiciels, vouloir accroître son marché (qui est le seul motifrationnel de la fixation de prix inférieurs aux prix de monopole) est peut être un choix judicieux, enraison du coût élevé du passage de Windows et de ses applications aux matériels de concurrentséventuels : les utilisateurs récents sont ainsi « captés ». Un autre motif semble également valable :mieux vaut, pour une courte période, encaisser moins qu'on ne le pourrait, qu'offrir à des candidats àla concurrence (sans parler des autorités et de leur réglementation) une cible encore plus tentante.

Une position réanalysée

Cela étant dit, il est exact que l'on a eu tendance à négliger certains points d'où pourrait venir laconcurrence face à Microsoft ; un observateur impartial doit donc reconnaître que le monopole del'entreprise n'est pas aussi fort que sa part de marché pourrait le laisser penser.

De nouveaux logiciels concurrents, non encore inventés, peuvent apparaître sur le marché. Maisle rival le plus évident et cependant le plus négligé est probablement Microsoft elle-même ; ce quifait paraître absurde un prix de 2000 dollars pour Windows 98, est que personne ne l'achètera à ceprix-là : chacun conservera son Windows 95.

Les logiciels ne se consomment pas dans l'instant et ne se dégradent pas à l'usage. C'esttotalement différent du cas d'un monopoleur qui par exemple, vend du courant électrique. Microsoftsait que ses ventes d'aujourd'hui sont nécessairement concurrentes des ventes qu'elle a faites l'anpassé et l'année précédente. Les logiciels déjà installés forment une base qui ne rapporte plusd'argent à Microsoft - sauf dans la mesure où elle favorise les autres produits de Microsoft parrapport à leurs rivaux ; l'entreprise reste néanmoins un acteur de premier plan sur le marché desnouveaux logiciels.

Dans sa déposition écrite, Schmalensee tient particulièrement à montrer que l'action du ministèrede la Justice contre Microsoft ne repose pas sur le point de savoir si l'entreprise est, ou non, unmonopole sur le marché des logiciels. Même, dit-il, si elle était un monopole, les faits montrentqu'elle n'a pas abusé de son pouvoir : elle n'a pas fait obstacle à la commercialisation par Netscapede Navigator, son logiciel de recherche sur le web ; elle n'a pas obligé America Online à utiliser depréférence le sien, Internet Explorer ; elle n'a pas agi comme un prédateur ; en sens inverse, lesconsommateurs ont bénéficié d'une technologie en constante amélioration et à des prix intéressants,etc.

Le tribunal acceptera-t-il ces arguments? Ce qui semble incontestable et c'est un point sur lequelSchmalensee ne s'attarde pas - est que, même si Microsoft est déclarée non coupable decomportement anti-concurrentiel, ses pratiques ont déjà été atténuées non seulement par le marché,mais aussi, directement et indirectement, par les autorités antitrust.

Une contre-épreuve utile à imaginer serait ceci : dans quelle mesure Microsoft se serait-ellegentiment prêtée à la concurrence si les services antitrust du ministère de la Justice n'avaient pasexisté? N'aurait-elle pas tenté d'exclure et de tuer Netscape ? N'aurait-elle pas acheté et absorbé unplus grand nombre de ses concurrents sur le marché des applications ? On peut raisonnablementpenser qu'il en eût été ainsi.

Si le ministère de la Justice perd l'action qu'il a intentée, cela ne signifie pas que sa fonction desurveillance a été inutile ou mal orientée. Quoi qu'elle puisse être par ailleurs, Microsoft est unmonstre qui veut maximiser ses bénéfices, et M. Schmalensee ne dit pas autre chose.

Source : “Big friendly giant.”, The Economist, 20 janvier 1999