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Séance TF43. Affirmer son identité │ leproflhg.wordpress.com 1 Introduction : dans quel contexte la négritude est-elle apparue ? Extrait de Tintin au Congo , du dessinateur belge Hergé, 1931 : Déclaration d’Hergé en 1975 : « Pour le Congo, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : « Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là ! », etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique » ( Tintin et moi, entretiens aves Hergé, 1975)

Introduction : dans quel contexte la négritude est-elle ... · Il reçoit son instruction au lycée Victor-S hœl he de Fo t-de-France, où Aimé Césai e enseigne à l’épo ue

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Séance TF43. Affirmer son identité │ leproflhg.wordpress.com 1

Introduction : dans quel contexte la négritude est-elle apparue ?

Extrait de Tintin au Congo , du dessinateur belge Hergé, 1931 :

Déclaration d’Hergé en 1975 : « Pour le Congo, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : « Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là ! », etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique » (Tintin et moi, entretiens aves Hergé, 1975)

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I. Qu’est-ce que la « négritude » ?

Doc 1. « Aimé Césaire, patriarche de la négritude », un article paru suite à la mort d’Aimé Césaire en 2008 :

Père du célèbre concept de négritude - la conscience d'être noir -, le Martiniquais Aimé

Césaire, décédé jeudi à 94 ans, a consacré sa longue vie à la poésie et à la politique.

Solidaire du monde noir et de sa révolte contre le colonisateur, il se disait

« fondamentalement poète, mais poète engagé » et « nègre, nègre, depuis le fond du

ciel immémorial ».

Né à Basse-Pointe le 25 juin 1913, ce fils surdoué d'un inspecteur des impôts est

encouragé aux études par les professeurs du lycée Schoelcher de Fort-de-France. A

Louis-le-Grand, à Paris, il rencontre Léopold Sédar Senghor, le futur président

sénégalais. Il rejoint Normale sup et lance, en 1932, la revue L'Etudiant noir où, pour la

première fois, des écrivains noirs réfutent les modèles littéraires traditionnels.

En 1939, il fait une entrée fracassante en poésie avec Cahier d'un retour au pays natal, employant, encore une

première, le terme de « négritude ». C'est, dit-il, « la conscience d'être noir, simple reconnaissance d'un fait qui

implique acceptation, prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture ». Senghor a assuré que

c'est Césaire qui a inventé ce mot mais ce dernier préférait parler de « création collective ».

« Aimé Césaire, patriarche de la négritude », La Dépêche, 17/04/2008

Doc 2. Extrait du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire : Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la

police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue1, la

suffisance, la muflerie2, des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment

l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme3, en chicote et l’homme indigène

en instrument de production. À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.

J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-

dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées,

de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités

supprimées.

On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer. Moi, je

parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de

creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs

habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment

la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.

Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950

1. Morgue : mépris / 2. Muflerie : grossièreté / 3. Chiourme : ensemble des condamnés aux travaux forcés

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Questions :

1. Remplissez le tableau suivant à l’aide du document 1 :

2. A partir du document 2, remplissez le tableau suivant :

3. Sur votre cahier, répondez à la question suivante : par quels procédés d’écriture (pronoms utilisés, figures de style, champs lexicaux …) Aimé Césaire dénonce-t-il la colonisation dans cet extrait du Discours sur le colonialisme ? (Cinq procédés attendus)

Pour chaque procédé identifié, vous devrez : - Nommer le procédé identifié, - Prouver l’utilisation de ce procédé par l’auteur à l’aide d’une citation entre guillemets, - Interpréter ce procédé, c’est-à-dire expliquer quel est l’effet produit,

4. Dans un texte de cinq à dix lignes, expliquez avec vos propres mots ce qu’est le concept de la « négritude », en expliquant qui en est à l’origine, dans quel contexte il est apparu, et ce pour quoi il se bat.

Auteur du texte :

Titre du texte :

Date de publication et contexte politique :

Genre du texte (roman, poésie, théâtre, discours, lettre, article de presse, …) :

Thème abordé :

Thèse défendue par le texte :

Nom de l’inventeur du concept de négritude : Un homme originaire de :

Nom d’un ami qu’il rencontre dans cette ville Ville dans laquelle il fait ses études :

Nom et date de création de la revue qu’il fonde avec cet ami :

Nom et date de publication de sa 1ère œuvre :

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II. La poésie, arme de la négritude :

Léon-Gontran Damas est un écrivain, poète et homme politique français, né le 28 mars 1912 en Guyane et décédé le 22 janvier 1978 aux Etats-Unis. Damas était métis blanc, amérindien, noir. Il est cofondateur du mouvement de la négritude avec Césaire et Senghor. En 1937, il publie Pigments, recueil de poèmes où il se révolte avec violence contre l’éducation créole qu’il voit comme une acculturation imposée. Un de ses grands thèmes est la honte de l’assimilation. Engagé dans la politique, il fut député de Guyane.

« Solde », de Léon-Gontran Damas

J’ai l’impression d’être ridicule dans leurs souliers dans leurs smoking dans leur plastron dans leur faux-col dans leur monocle dans leur melon J’ai l’impression d’être ridicule avec mes orteils qui ne sont pas faits pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe J’ai l’impression d’être ridicule avec mon cou en cheminée d’usine avec ces maux de tête qui cessent chaque fois que je salue quelqu’un J’ai l’impression d’être ridicule dans leurs salons dans leurs manières

dans leurs courbettes dans leur multiple besoin de singeries J’ai l’impression d’être ridicule avec tout ce qu’ils racontent jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi un peu d’eau chaude et des gâteaux enrhumés J’ai l’impression d’être ridicule avec les théories qu’ils assaisonnent au goût de leurs besoins de leurs passions de leurs instincts ouverts la nuit en forme de paillasson J’ai l’impression d’être ridicule parmi eux complice parmi eux souteneur parmi eux égorgeur les mains effroyablement rouges du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

Léon-Gontran Damas, « Solde », Pigments, 1937

Questions : 1. Quel sentiment Léon-Gontran Damas exprime-t-il dans ce poème ? Par quel procédé d’écriture ce sentiment est-il renforcé ? 2. Pourquoi le poète éprouve-t-il ce sentiment ? 3. Quels sont les pronoms utilisés dans ce poème ? Quel est l’effet produit ? 4. « Avec mon cou en cheminée d’usine » : quelle est la figure de style employée ? Que signifie-t-elle ? 5. Comment comprenez-vous la dernière strophe ? Selon vous, pourquoi le dernier mot est-il orthographié en séparant chaque syllabe ? 6. Quel lien faîtes-vous entre le poème de Damas et la photo ci-contre ?

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III. La négritude et la mémoire de l’esclavage :

Doc 1. Extrait de Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon : Frantz Fanon est né à Fort-de-France en Martinique en 1925, et mort en 1961 aux

États-Unis. Il reçoit son instruction au lycée Victor-Schœlcher de Fort-de-France, où

Aimé Césaire enseigne à l’époque. Très impliqué dans la lutte pour l'indépendance

de l'Algérie, il milite pour une solidarité internationale entre tous les opprimés du

monde. Psychiatre et écrivain, il a cherché toute sa vie à analyser les conséquences

psychologiques de la colonisation à la fois sur le colon et sur le colonisé.

N’ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu’à venger les noirs du XVIIème siècle ? Dois-je sur cette terre me poser le problème de la vérité noire ? Dois-je me confiner dans la justification d’un angle facial ? Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure à une autre race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l’ancien maître. Je n’ai ni le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. Il n’y a pas de mission nègre ; il n’y a pas de fardeau blanc. […] Non, je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine au Blanc. Je n’ai pas le devoir de murmurer ma reconnaissance. Il y a ma vie prise au lasso de l’existence. Il y a ma liberté qui me renvoie à moi-même. […] Si le Blanc conteste mon humanité, je lui montrerai, en faisant peser sur sa vie tout mon poids d’homme, que je ne suis pas ce « y a bon banania » qu’il persiste à imaginer. Je me découvre un jour dans le monde un seul droit : celui d’exiger de l’autre un comportement humain. Un seul devoir. Celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix. (…) Je ne suis pas l’esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères. »

Frantz Fanon, Peau Noire, Masques blancs, 1952 Doc 2. Interview d’Aimé Césaire en 200 1 : Êtes-vous favorable à des réparations pour les peuples victimes du racisme ? Il est déjà très important que l'Europe en soit venue à admettre la réalité de la traite des nègres, ce trafic d'êtres humains qui constitue un crime. Mais je ne suis pas tellement pour la repentance ou les réparations. Il y a même, à mon avis, un danger à cette idée de réparations. Je ne voudrais pas qu'un beau jour l'Europe dise : « Eh bien, voilà le billet ou le chèque, et on n'en parle plus ! » Il n'y a pas de réparation possible pour quelque chose d'irréparable et qui n'est pas quantifiable. Reste que les Etats responsables de la traite des nègres doivent prendre conscience qu'il est de leur devoir d'aider les pays qu'ils ont ainsi contribué à plonger dans la misère. De là à vouloir tarifer ce crime contre l'humanité... L'Afrique garde-t-elle encore des séquelles de ce trafic d'esclaves des siècles précédents ? C'est évident. On a vidé un continent en déportant ses populations, ses forces vives. On l'a donc affaibli durablement. A l'heure actuelle, la plupart des habitants des Antilles sont les descendants de ceux qui ont subi la traite des nègres. Des peuples nouveaux sont nés mais, malgré tous les efforts qu'on a faits pour oublier, tout cela reste gravé au fin fond de notre mémoire. On ne peut pas oublier et il ne faut pas oublier. La réalité la plus profonde de l'homme, elle est là. Je sais que j'ai été déporté, je sais que j'ai été séparé de moi-même, je sais que j'ai été humilié.

L’Express, 13/09/2001