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Communication Introduction de la se ´ ance solennelle comme ´ morant les 170 ans des Annales Me ´dico-Psychologiques. Le lithium hier, aujourd’hui, demain Lithium: Yesterday, today, tomorrow Marc Masson Clinique du chaˆteau de Garches, 11 bis, rue de la Porte-Jaune, 92130 Garches, France Madame la Pre ´sidente, Monsieur le Secre ´taire perpe ´tuel, Mesdames et Messieurs les Acade ´miciens, Chers Colle `gues, Chers Amis, Comme ´ morer les 170 ans des Annales Me ´ dico-Psychologiques [5], c’est rendre hommage a ` leur fondateur et premier re ´ dacteur en chef, Jules Baillarger. 1. Quel autre lieu que l’acade ´ mie nationale de Me ´ decine aurait pu e ˆtre plus approprie ´ pour cela ? Baillarger a a ` peine 40 ans quand il devient membre de cette institution alors toute re ´ cente et qu’il a l’honneur de pre ´ sider pendant l’anne ´e 1878. L’acade ´ mie fut aussi le the ´a ˆtre d’un « drame en trois actes », pour reprendre les mots du Professeur Pierre Pichot [8], qui opposa Jean-Pierre Falret a ` Baillarger dans une querelle au sujet de la paternite ´ du concept clinique que nous appelons aujourd’hui maladie maniaco-de ´ pressive ou trouble bipolaire. Emil Kraepelin Annales Me ´ dico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx Adresse e-mail : [email protected] I N F O A R T I C L E Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Au Professeur Marc–Louis Bourgeois, mon maı ˆtre, un des meilleurs connaisseurs des troubles bipolaires et de leur traitement de re ´fe ´ rence, le lithium. Mots cle ´s : Historique Hommage Sel de lithium Keywords: History Homage Lithium citrate R E ´ S U M E ´ Choisir l’acade ´ mie de Me ´ decine a ` Paris pour ce ´ le ´ brer les 170 ans des Annales Me ´dico-Psychologiques s’imposait, car c’est dans cette enceinte que Baillarger et Falret se sont oppose ´s sur la paternite ´ du concept clinique que nous appelons aujourd’hui le trouble bipolaire. Le the ` me du « Lithium, hier, aujourd’hui, demain » traverse plus de 150 ans de publication des Annales Me ´dico-Psychologiques, de son utilisation malheureuse dans la folie goutteuse aux premiers travaux franc ¸ais du de ´ but des anne ´es 1950 qui ont montre ´ l’efficacite ´ des sels de lithium dans le traitement de la maladie maniaco-de ´ pressive. Remis en lumie ` re aujourd’hui par les travaux neuroscientifiques (imagerie ce ´re ´ brale, biologie mole ´ culaire et pharmacoge ´ ne ´ tique), le lithium retrouve une actualite ´ the ´ rapeutique dans la prise en charge des patients qui souffrent de troubles bipolaires. Les aspects pratiques de la mise en place du traitement, de la surveillance et de son utilisation dans les situations particulie ` res (adolescence, grossesse, sujet a ˆge ´) sont ici pre ´ sente ´s par les diffe ´ rents orateurs de cette se ´ ance solennelle. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. A B S T R A C T The choice of celebrating the Annales Me ´dico-Psychologiques journal’s 170-year anniversary at the Academy of Medicine in Paris was an obvious one, particularly since it was in this building where Baillarger and Falret first contested each other over who first coined the clinical concept we now call the bipolar disorder. The theme of « Lithium, yesterday, today, tomorrow » has passed through more than 150 years of publication in our fine journal, from its unfortunate use in gouty madness to the first French inroads made during the early 1950s revealing the effectiveness of lithium salts in the treatment of manic-depressive illnesses. With the onset of modern neuroscience (brain imaging, molecular biology and pharmaco-genetics), lithium has lived a certain renaissance in the medical community with respect to the treatment of patients with bipolar disorders. The practical aspects of the implementation of the treatment, its monitoring and its use in specific situations (adolescence, pregnancy, elderly) are presented here by various speakers during this formal meeting. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. G Model AMEPSY-1807; No. of Pages 3 Pour citer cet article : Masson M. Introduction de la se ´ ance solennelle comme ´ morant les 170 ans des Annales Me ´dico-Psychologiques. Le lithium hier, aujourd’hui, demain. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 0003-4487/$ see front matter ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006

Introduction de la séance solennelle commémorant les 170ans des Annales Médico-Psychologiques. Le lithium hier, aujourd’hui, demain

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Annales Medico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx

G Model

AMEPSY-1807; No. of Pages 3

Communication

Introduction de la seance solennelle commemorant les 170 ans desAnnales Medico-Psychologiques. Le lithium hier, aujourd’hui, demain

Lithium: Yesterday, today, tomorrow

Marc Masson

Clinique du chateau de Garches, 11 bis, rue de la Porte-Jaune, 92130 Garches, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Disponible sur Internet le xxx

Au Professeur Marc–Louis Bourgeois, mon

maıtre, un des meilleurs connaisseurs des

troubles bipolaires et de leur traitement de

reference, le lithium.

Mots cles :

Historique

Hommage

Sel de lithium

Keywords:

History

Homage

Lithium citrate

R E S U M E

Choisir l’academie de Medecine a Paris pour celebrer les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques

s’imposait, car c’est dans cette enceinte que Baillarger et Falret se sont opposes sur la paternite du

concept clinique que nous appelons aujourd’hui le trouble bipolaire. Le theme du « Lithium, hier,

aujourd’hui, demain » traverse plus de 150 ans de publication des Annales Medico-Psychologiques, de son

utilisation malheureuse dans la folie goutteuse aux premiers travaux francais du debut des annees

1950 qui ont montre l’efficacite des sels de lithium dans le traitement de la maladie maniaco-depressive.

Remis en lumiere aujourd’hui par les travaux neuroscientifiques (imagerie cerebrale, biologie

moleculaire et pharmacogenetique), le lithium retrouve une actualite therapeutique dans la prise en

charge des patients qui souffrent de troubles bipolaires. Les aspects pratiques de la mise en place du

traitement, de la surveillance et de son utilisation dans les situations particulieres (adolescence,

grossesse, sujet age) sont ici presentes par les differents orateurs de cette seance solennelle.

� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

The choice of celebrating the Annales Medico-Psychologiques journal’s 170-year anniversary at the

Academy of Medicine in Paris was an obvious one, particularly since it was in this building where

Baillarger and Falret first contested each other over who first coined the clinical concept we now call the

bipolar disorder. The theme of « Lithium, yesterday, today, tomorrow » has passed through more than

150 years of publication in our fine journal, from its unfortunate use in gouty madness to the first French

inroads made during the early 1950s revealing the effectiveness of lithium salts in the treatment of

manic-depressive illnesses. With the onset of modern neuroscience (brain imaging, molecular biology

and pharmaco-genetics), lithium has lived a certain renaissance in the medical community with respect

to the treatment of patients with bipolar disorders. The practical aspects of the implementation of the

treatment, its monitoring and its use in specific situations (adolescence, pregnancy, elderly) are

presented here by various speakers during this formal meeting.

� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Madame la Presidente, Monsieur le Secretaire perpetuel, Mesdames et

Messieurs les Academiciens, Chers Collegues, Chers Amis,

Commemorer les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques[5], c’est rendre hommage a leur fondateur et premier redacteur enchef, Jules Baillarger.

Adresse e-mail : [email protected]

Pour citer cet article : Masson M. Introduction de la seance solennellelithium hier, aujourd’hui, demain. Ann Med Psychol (Paris) (2014),

0003-4487/$ – see front matter � 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006

1. Quel autre lieu que l’academie nationale de Medecine auraitpu etre plus approprie pour cela ?

Baillarger a a peine 40 ans quand il devient membre de cetteinstitution alors toute recente et qu’il a l’honneur de presiderpendant l’annee 1878.

L’academie fut aussi le theatre d’un « drame en trois actes »,pour reprendre les mots du Professeur Pierre Pichot [8], qui opposaJean-Pierre Falret a Baillarger dans une querelle au sujet de lapaternite du concept clinique que nous appelons aujourd’huimaladie maniaco-depressive ou trouble bipolaire. Emil Kraepelin

commemorant les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques. Lehttp://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006

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reconnaıtra lui-meme dans son fameux traite que c’est bienBaillarger et Falret qui « ont ete les premiers a nous familiariseravec cette maladie » [4].

En effet, le 31 janvier 1854, Jules Baillarger [6], ici meme a cettetribune, prononce une conference sur ce qu’il appelle « la folie adouble forme » illustree par six cas cliniques. Baillarger ydeveloppe l’idee que la manie et la depression forment une seuleet meme maladie et qu’il ne s’agit pas de dissocier en deux episodesdistincts : ce que nous appelons aujourd’hui la sequence evolutivedes troubles bipolaires. Quelques jours plus tard, Falret depose a labibliotheque de l’academie un exemplaire de son ouvrage toutjuste publie aux editions Bailliere qui rassemble ses leconscliniques donnees a la Salpetriere. Il y developpe notamment unchapitre sur « la folie circulaire », concept qu’il avait decrit trois ansplus tot, en 1851, dans un paragraphe d’une douzaine de lignespublie dans la Gazette des hopitaux.

Une vive polemique s’engage alors entre les deux hommes quine trouvera son epilogue que grace a l’œuvre pacificatrice dusecretaire general de la Societe Medico-Psychologique, AntoineRitti [9], qui publie en 1880, le premier traite (en francais) sur « lafolie a double forme, folie circulaire, delire a formes alternes ». Rittidedicace son ouvrage qui rassemble 80 observations cliniques ason maıtre Baillarger et l’ironie du sort a voulu que son traite futcouronne par l’academie de Medecine du prix Falret !

Il m’est venu a l’esprit que si Baillarger etait present aujourd’huidans cette belle salle des seances, il prendrait plaisir, apres avoirtraverse la salle des bustes (ou il jetterait probablement un regardsur le tableau, certes hagiographique mais non moins eloquent, quirepresente Pinel delivrant les alienes de Bicetre de leurs chaınes), aremonter la rue Bonaparte jusqu’a la Seine puis a longer les quais endirection de la Salpetriere. Apres avoir retrouve Notre-Dame, le quaide la Tournelle et les grilles du Jardin des Plantes, il emprunterait leboulevard de l’Hopital. Certes, le brouhaha des automobiles aremplace le fracas des sabots ferres des chevaux sur le pave parisien.

Mais arrive sous le pont du metro aerien, il serait tres heureuxde constater que la Societe Medico-Psychologique a fait eriger ensigne de reconnaissance une statue a Philippe Pinel, qui avait eu ledesir de creer les Annales Medico-Psychologiques et dont l’eleveEsquirol devint le maıtre de Baillarger.

Franchissant le portail d’honneur de l’hopital, il reconnaıtraitsans difficulte l’immuable architecture Grand Siecle de la facadeMazarin, les clochetons et le dome de la chapelle Saint-Louis. Sansdoute Baillarger serait-il touche de decouvrir a l’entree du parc, agauche de l’allee centrale, son buste, inaugure quatre ans apres samort, en 1894, par Antoine Ritti. Mais sa surprise la plus grande neserait-elle pas de constater, en entrant aujourd’hui dans le service depsychiatrie, le calme qui y regne, un calme saisissant qui contrastetant avec le vacarme, les cris et le desordre qui pouvaient regner dansles pavillons d’alienes avant l’ere de la pharmacotherapie ?

Sans doute, Baillarger pourrait-il faire siens ces propos duProfesseur Daniel Widlocher [14], l’un de ses successeurs, quiecrit : « A la fin des annees [mille neuf cent] cinquante, il fut evidentque les decouvertes concernant l’action de certaines moleculeschimiques sur les troubles mentaux constituaient un evenement.Nous disposions brusquement de molecules venant modifier enquelques jours ou en quelques semaines le mode de pensee d’ungrand nombre de malades. Des lors, la question etait posee desavoir comment l’action chimique d’une molecule sur la substanceneuronale peut modifier aussi profondement l’activite mentale. »

2. Le theme du « lithium hier, aujourd’hui, demain » n’est-ildonc pas approprie pour rendre hommage a Baillarger et pourcommemorer les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques ?

Baillarger aurait sans doute pense que le sort et la vie de« Mademoiselle X », sa premiere patiente a partir de laquelle il dit

Pour citer cet article : Masson M. Introduction de la seance solennellelithium hier, aujourd’hui, demain. Ann Med Psychol (Paris) (2014),

avoir commence toutes ses recherches sur la « folie a doubleforme », auraient connu un tout autre cours si elle avait pu recevoirdes sels de lithium [4].

Baillarger en avait peut-etre entendu parler dans les leconscliniques de Charcot a la Salpetriere sur le traitement de la foliegoutteuse pour laquelle Charcot lui-meme recommandait le citratede lithium (qui pouvait, pensait-on alors, dissoudre les cristauxd’urate). En 1869, Baillarger avait peut-etre lu dans les Annales

Medico-Psychologiques la communication de Berthier devant laSociete Medico-Psychologique, dans laquelle il evoque l’histoire etles polemiques de l’epoque sur la pretendue origine cerebrale de lafolie goutteuse [7].

Mais il faut attendre 1949 pour voir l’acte de naissance de lapsychopharmacologie avec la publication de l’article de John Cade[1], dans le Medical Journal of Australia, sur l’efficacite du lithiumdans la manie. Cette publication consacre le lithium commepremier psychotrope de l’histoire de la psychiatrie moderne.

Quelques annees plus tard, en 1954, Pochard et Carrere [2]publient dans les Annales Medico-Psychologiques une serie de huitcas de manie guerie par le lithium. Il s’agit d’une des premierespublications europeennes qui est reprise par Mogens Schou [11]dans la bibliographie de son etude controlee contre placebo, danslaquelle il mentionne l’interet capital du dosage serique du lithiumgrace a son fameux spectrophotometre de Beckman.

C’est cette histoire de l’introduction du lithium en medecine eten psychiatrie que le Professeur German Berrios va nous exposerdans sa communication qui va ouvrir notre seance solennelle.

Thank you so much, dear Professor Berrios, for having accepted our

invitation to attend to this meeting. Your presence and contributions

underscore the strong European links between our psychiatric and

scientific communities. Tout comme la presence du ProfesseurWilliam Pitchot, president de la Societe royale de sante mentale deBelgique et du Professeur Thomas Schulze, de l’universiteallemande de Gottingen.

Dans un article publie en 2000 dans L’Encephale, Schou [10]deplore la marginalisation du lithium dans le traitement de lamaladie maniaco-depressive, sous la pression sans doute peuphilanthropique de certaines firmes pharmaceutiques. Cette thesede la marginalisation du lithium est egalement defendue par legrand pharmacologue americain Stephen Stahl [12]. En 2009, un denos societaires, le Docteur Perol [7], a egalement lors d’unecommunication au titre explicite pose cette question, devant laSociete Medico-Psychologique, en forme de cri : « Est-il raisonnableque les psychiatres francais privent les patients bipolaires dulithium ? »

Dans sa communication, le Professeur Bourgeois va nousretracer ainsi l’evolution de la prescription du lithium en Francedurant les 50 dernieres annees.

Des oiseaux de mauvais augures avaient predit et meme ecritque la prescription du lithium ne survivrait pas a Mogens Schoului-meme !

Mais l’on pourrait dire aujourd’hui du lithium ce que l’on disaitnaguere au sujet de nos souverains : « Le roi est mort, vive le roi ! »

C’est ce que developperont de maniere peut-etre moins lyrique,mais tout aussi convaincante, j’en suis sur, nos orateurs dans lepremier symposium preside par le Professeur Olie, modere par leProfesseur Chantal Henry et consacre aux indications actuelles dulithium.

Le Professeur William Pitchot va nous exposer les indicationscuratives et prophylactiques du lithium dans les troublesbipolaires, le Professeur Pierre-Michel Llorca fera ensuite unecritique de la place du lithium dans les recommandationsinternationales. Le Professeur Philippe Courtet evoquera, quant alui, l’interet du lithium dans la prevention du risque suicidaire et leDocteur Frederic Raffaitin exposera la place du lithium dans letraitement des depressions unipolaires resistantes. Enfin, la

commemorant les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques. Lehttp://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006

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galanterie eut exigee de lui laisser la premiere place, le DocteurAdeline Gaillard nous parlera de l’utilisation du lithium dans dessituations non psychiatriques. Cette communication permettra denous mettre en bouche pour le buffet de la pause dejeuner quisuivra mais elle servira aussi a introduire le symposium du debutd’apres-midi preside par le Professeur Allilaire et modere par leProfesseur Frank Bellivier sur l’actualite neuroscientifique dulithium.

Car ce sont bien les publications scientifiques sur les proprietesneuroprotectrices et neurotrophiques de cet « ion magique », pourreprendre l’expression d’Allen Young [15] dans un editorial duBritish Journal of Psychiatry de 2011, qui sont venues dementir lespredictions de ces oiseaux de mauvais augures auxquels je faisaisallusion il y a quelques instants. Ce cation, troisieme element de laclassification periodique de Mendeleıev, a donc des proprietesexceptionnelles au niveau du systeme nerveux central. Il estinteressant de constater que de recents travaux de recherchefondamentale sont venus relancer et confirmer l’interet descliniciens pour ce metal alcalin, premier psychotrope de l’histoire,dont ne beneficie en France qu’un patient sur dix qui enreleveraient, selon les etudes de pharmaco-epidemiologie [13].

Dans sa communication, le Docteur Josselin Houenou, toutrecemment docteur es science, le meilleur specialiste francais del’imagerie cerebrale dans les troubles bipolaires, nous synthetiserales travaux d’imagerie cerebrale consacres au lithium. LeProfesseur Thomas Schulze nous presentera ensuite les tresinteressants resultats de ses travaux sur la pharmacogenetiquedu lithium qui viennent eclairer les constatations cliniques deSchou sur les bons et les mauvais repondeurs au lithium. Enfin, leProfesseur Frank Bellivier cloturera ce symposium en nousresumant avec brio les differents mecanismes d’action du lithiumnotamment au niveau de la transduction du signal intracellulaireet de l’inhibition de la Glycogene Synthetase Kinase 3 (GSK 3). Toutceci nous eclairera sans nul doute sur « l’action chimique [dulithium] sur la substance neuronale » pour reprendre les mots duProfesseur Widlocher.

Le deuxieme symposium de notre apres-midi sera preside par leProfesseur Loo qui a ete un des grands promoteurs de laprescription du lithium dans notre pays ; il sera modere, sansmoderation, par le Docteur Christian Gay qui en est un des chantresaujourd’hui. Dans un premier temps, le Docteur David Gourionnous parlera de l’initiation d’un traitement par le lithium (entre« crainte et tremblement » aurait dit peut-etre Kierkegaard) ! LeDocteur Antoine Del Cul evoquera l’importante question dutraitement de maintenance et des associations medicamenteuses.Le Docteur Marc Adida nous relatera les resultats de son brillanttravail de revue, publie dans le Lancet, sur les effets indesirables dulithium. Enfin, nos trois derniers orateurs nous parleront dessituations particulieres ; le Professeur David Cohen evoquera laprescription du lithium chez le sujet jeune ; le Docteur Anne-LaureSutter-Dallay abordera la delicate question du lithium et de lagrossesse, et enfin le Professeur Frederic Limosin traitera de laquestion de plus en plus actuelle de la prescription du lithium chezle sujet age.

Enfin, la conclusion de cette seance solennelle nous sera donneepar notre collegue, le Professeur Anne Fagot-Largeault, titulaire dela chaire de philosophie des sciences biologiques et medicales auCollege de France. Dans votre lecon inaugurale du 1er mars 2001 auCollege de France [3], Madame Fagot-Largeault, vous vous etesinscrite dans une longue tradition de medecins philosophes dontcertains ont particulierement marque le monde de la psychiatriecomme Pierre-Jean-Georges Cabanis, Karl Jaspers ou encoreGeorges Lanteri-Laura. Dans cette lecon, vous aviez ensuite

Pour citer cet article : Masson M. Introduction de la seance solennellelithium hier, aujourd’hui, demain. Ann Med Psychol (Paris) (2014),

souligne le fait qu’aborder les sciences du vivant par la medecinedonnait une perspective philosophique. L’action du lithium sur lasubstance neuronale bouleverse la vie emotionnelle, le comporte-ment et le mode de pensee de nos patients. Ainsi, aborder la sciencedu cerveau par la psychiatrie ouvre sans doute une perspectivephilosophique. C’est cette perspective que vous ne manquerez pasde mettre en lumiere dans votre conclusion avec le talent oratoireet intellectuel que nous vous connaissons, et je tenais d’ores et dejaa vous en remercier chaleureusement.

Les actes de cette seance solennelle seront publies dans unnumero special des Annales Medico-Psychologiques. Je remercienotre ami, le Professeur Gin Malhi, considere comme un desmeilleurs specialistes internationaux du lithium, professeur depsychiatrie a Sydney et directeur de la John Cade Clinic, d’avoirredige un tres bel editorial pour ce volume anniversaire desAnnales.

Avant de vous souhaiter a tous et a chacun une tres bellejournee, je tenais a remercier a mon tour Monsieur le Secretaireperpetuel qui nous accueille dans cette belle institution qu’estl’academie nationale de Medecine, les membres du bureau et duconseil d’administration de la Societe Medico-Psychologique quiont soutenu ce projet de commemoration, les Professeurs Loo, Olieet allilaire, qui ont accepte de presider nos symposia, le ProfesseurChantal Henry, le Docteur Christian Gay et le Professeur FrankBellivier qui vont moderer les debats, et l’ensemble des orateursqui ont accepte d’emblee et avec beaucoup d’amitie de participer acette seance solennelle. Commemorer les 170 ans des Annales

Medico-Psychologiques, c’est aussi rendre hommage a la psychiatriefrancaise. Alors, bon anniversaire et bonne seance !

Declaration d’interets

L’auteur declare ne pas avoir de conflits d’interets en relationavec cet article.

References

[1] Cade J, Cade JFJ. Lithium salts in the treatment of psychotic excitement. Med JAust 1949;36:349–51.

[2] Carrere J, Melle P. Le citrate de lithium dans le traitement des syndromesd’excitation maniaque. Ann Med Psychol 1954;I(5):566–72.

[3] Fagot-Largeault A. Lecon inaugurale faite le jeudi 1er mars 2001. Chaire dephilosophie des sciences biologiques et medicales. College de France. http://www.college-de-france.fr.

[4] Kraepelin E. La folie maniaco-depressive.[Trad. Fr. Marc Geraud] Bordeaux:Mollat; 1997., 350 p.

[5] Masson M. 24 textes fondateurs de la psychiatrie introduits et commentes parla Societe medico-psychologique. Paris: Armand Colin; 2013, 380 p.

[6] Masson M, Del Cul A, Henry C, Gay C, Malhi G. Le lithium : le premierthymoregulateur. In: Bourgeois ML, Gay C, Henry C, Masson M, editors. Lestroubles bipolaires. Paris: Lavoisier Medecine Sciences; 2014. p. 432–51.

[7] Perol JY. Est-il raisonnable que les psychiatres francais privent les patientsbipolaires francais de lithium ? Ann Med Psychol 2009;167:814–5.

[8] Pichot P. The birth of bipolar disorder. Eur Psychiatry 1995;10:1–10.[9] Ritti A. Traite clinique de la folie a double forme : folie circulaire, delire a

formes alternes. Paris: Octave Doin; 1883, 393 p.[10] Schou M. Cinquante ans de traitement par le lithium. Encephale 2000;26:

1–26.[11] Schou M, Juel-Nielsen N, Stromgren E, Voldby H. The treatment of manic

psychoses by the administration of lithium salts. J Neurol Neurosurg Psychiatr1954;17:250–60.

[12] Stahl SM. Psychopharmacologie essentielle, 2e ed., Paris: Lavoisier, MedecineSciences; 2010, 1116 p.

[13] Verdoux H. Pharmaco-epidemiologie des traitements thymoregulateurs. In:Bourgeois ML, Gay C, Henry C, Masson M, editors. Les troubles bipolaires. Paris:Lavoisier Medecine Sciences; 2013.

[14] Widlocher D. Les psychotropes : une maniere de penser le psychisme ?. Paris:Les empecheurs de penser en rond; 1996, 51 p.

[15] Young AH. More good news about the magic ion: lithium may preventdementia. Br J Psychiatry 2011;198:336–7.

commemorant les 170 ans des Annales Medico-Psychologiques. Lehttp://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.02.006