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Revue du rhumatisme 79 (2012) 541–544 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original Involution thymique incomplète dans la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde Marine Meunier a , Ramin Bazeli b , Antoine Feydy b , Jean-Luc Drape b , André Kahan a , Yannick Allanore a,,c a Service de rhumatologie A, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France b Service de radiologie B, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France c Inserm U 1016 hôpital Cochin, université Paris Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France info article Historique de l’article : Accepté le 30 janvier 2012 Disponible sur Internet le 7 mai 2012 Mots clés : Sclérodermie systémique Thymus Involution thymique incomplète Polyarthrite rhumatoïde Maladie auto-immune résumé Objectifs. – Le thymus joue un rôle crucial dans l’homéostasie du système immunitaire. Des anoma- lies du thymus ont été rapportées dans de nombreuses maladies auto-immunes mais les données sur la sclérodermie systémique (ScS) et la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont rares. Le but de cette étude était d’évaluer la prévalence et la corrélation entre l’involution radiologique incomplète du thymus chez les patients porteurs de sclérodermie systémique et de polyarthrite rhumatoïde comparés à un groupe témoin d’affections non auto-immunes. Méthode. – Tous les patients étaient âgés d’au moins 40 ans : 96 ScS (âge moyen 59 ans, 80 % de femmes) et 65 PR (âge moyen 57 ans, 88 % de femmes) et ont été comparés à 32 sujets témoins (âge moyen 63 ans, 62 % de femmes). Des tomodensitométries pulmonaires étaient disponibles pour tous les sujets. Dans le but de cette étude, une involution complète du thymus a été définie par l’absence de thymus résiduel ou d’une épaisseur de la glande de moins de 7 mm sur le petit axe de la coupe axiale. Nous avons défini l’involution incomplète du thymus comme un tissu thymique résiduel de plus de 7 mm d’épaisseur. Résultats. – La fréquence de l’involution thymique incomplète est significativement plus importante dans la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde (respectivement 15 % et 14 %) que dans le groupe témoin (0 % ; p <0,05). L’involution thymique incomplète est associée à un syndrome restrictif pulmonaire dans la sclérodermie systémique et à une biothérapie ainsi que l’absence d’anticorps antinucléaires dans la polyarthrite rhumatoïde. Conclusion. – Nos résultats montrent que deux maladies auto-immunes, la sclérodermie systémique et polyarthrite rhumatoïde, sont associées à une involution thymique incomplète. © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction Le thymus est un organe lymphatique central responsable de nombreuses fonctions immunologiques incluant la production de cellules T fonctionnelles matures et de l’induction de la tolérance du soi [1]. Le besoin pour le thymus de générer un apport continu de cellules T décroît en avanc ¸ ant dans l’âge, mais le thymus continu à se comporter comme le site de la différenciation et de la maturation des cellules T durant toute la vie. Le thymus grandit, atteignant son poids maximum absolu à la puberté, puis l’involution thymique commence avec l’infiltration graisseuse de la glande. Des études DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.016. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Allanore). radiologiques précédentes reproductibles [2,4] décrivant une invo- lution graisseuse progressive avec l’âge ont montré que, après l’âge de 40 ans, l’involution graisseuse totale du thymus était obser- vée chez plus de la moitié des sujets étudiés alors que les autres sujets avaient un tissu thymique résiduel mais toujours avec une épaisseur sur le petit axe de moins de 7 mm [3]. Les anomalies thymiques incluant les thymomes et les hyperplasies thymiques sont connues comme associées à des conditions pathologiques variées, incluant les maladies auto-immunes [5]. La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune du tissu conjonc- tif caractérisée par des lésions microvasculaires de la peau et une fibrose généralisée aboutissant à des lésions organiques affectant surtout les poumons, le cœur, les reins et à une inflammation du tractus gastro-intestinal, ainsi qu’une réponse altérée des cellules T, une production d’anticorps et une dysfonction microvasculaire et des fibroblastes, aboutissant finalement à la surproduction de collagène et une fibrose [7]. Plus de 90 % des patients ont des anti- corps antinucléaires, et des anticorps spécifiques de la maladie ont 1169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2012.03.003

Involution thymique incomplète dans la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde

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arine Meuniera, Ramin Bazelib, Antoine Feydyb, Jean-Luc Drapeb, André Kahana, Yannick Allanorea,∗,c

Service de rhumatologie A, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, FranceService de radiologie B, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, FranceInserm U 1016 hôpital Cochin, université Paris Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 30 janvier 2012isponible sur Internet le 7 mai 2012

ots clés :clérodermie systémiquehymusnvolution thymique incomplèteolyarthrite rhumatoïdealadie auto-immune

r é s u m é

Objectifs. – Le thymus joue un rôle crucial dans l’homéostasie du système immunitaire. Des anoma-lies du thymus ont été rapportées dans de nombreuses maladies auto-immunes mais les données surla sclérodermie systémique (ScS) et la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont rares. Le but de cette étudeétait d’évaluer la prévalence et la corrélation entre l’involution radiologique incomplète du thymus chezles patients porteurs de sclérodermie systémique et de polyarthrite rhumatoïde comparés à un groupetémoin d’affections non auto-immunes.Méthode. – Tous les patients étaient âgés d’au moins 40 ans : 96 ScS (âge moyen 59 ans, 80 % de femmes)et 65 PR (âge moyen 57 ans, 88 % de femmes) et ont été comparés à 32 sujets témoins (âge moyen 63 ans,62 % de femmes). Des tomodensitométries pulmonaires étaient disponibles pour tous les sujets. Dans lebut de cette étude, une involution complète du thymus a été définie par l’absence de thymus résiduelou d’une épaisseur de la glande de moins de 7 mm sur le petit axe de la coupe axiale. Nous avons définil’involution incomplète du thymus comme un tissu thymique résiduel de plus de 7 mm d’épaisseur.Résultats. – La fréquence de l’involution thymique incomplète est significativement plus importante dans

la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde (respectivement 15 % et 14 %) que dans le groupetémoin (0 % ; p <0,05). L’involution thymique incomplète est associée à un syndrome restrictif pulmonairedans la sclérodermie systémique et à une biothérapie ainsi que l’absence d’anticorps antinucléaires dansla polyarthrite rhumatoïde.Conclusion. – Nos résultats montrent que deux maladies auto-immunes, la sclérodermie systémique etpolyarthrite rhumatoïde, sont associées à une involution thymique incomplète.

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© 2012 Société Fr

. Introduction

Le thymus est un organe lymphatique central responsable deombreuses fonctions immunologiques incluant la production deellules T fonctionnelles matures et de l’induction de la toléranceu soi [1]. Le besoin pour le thymus de générer un apport continu deellules T décroît en avancant dans l’âge, mais le thymus continu àe comporter comme le site de la différenciation et de la maturation

es cellules T durant toute la vie. Le thymus grandit, atteignant sonoids maximum absolu à la puberté, puis l’involution thymiqueommence avec l’infiltration graisseuse de la glande. Des études

DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.016.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (Y. Allanore).

169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsoi:10.1016/j.rhum.2012.03.003

se de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

radiologiques précédentes reproductibles [2,4] décrivant une invo-lution graisseuse progressive avec l’âge ont montré que, après l’âgede 40 ans, l’involution graisseuse totale du thymus était obser-vée chez plus de la moitié des sujets étudiés alors que les autressujets avaient un tissu thymique résiduel mais toujours avec uneépaisseur sur le petit axe de moins de 7 mm [3]. Les anomaliesthymiques incluant les thymomes et les hyperplasies thymiquessont connues comme associées à des conditions pathologiquesvariées, incluant les maladies auto-immunes [5]. La sclérodermiesystémique (ScS) est une maladie auto-immune du tissu conjonc-tif caractérisée par des lésions microvasculaires de la peau et unefibrose généralisée aboutissant à des lésions organiques affectantsurtout les poumons, le cœur, les reins et à une inflammation dutractus gastro-intestinal, ainsi qu’une réponse altérée des cellules

T, une production d’anticorps et une dysfonction microvasculaireet des fibroblastes, aboutissant finalement à la surproduction decollagène et une fibrose [7]. Plus de 90 % des patients ont des anti-corps antinucléaires, et des anticorps spécifiques de la maladie ont

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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42 M. Meunier et al. / Revue du

té identifiés, en particulier des anticorps anti-centromère et anti-opoisomérase I [6,8].

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie inflamma-oire, auto-immune caractérisée par une synovite persistante, unenflammation systémique et la production d’anticorps. Une poly-rthrite active et incontrôlée provoque des dégâts articulaires etne invalidité, diminue la qualité de vie et conduit à plusieursomplications. La PR résulte de l’interaction complexe de nom-reux mécanismes agissant à la fois en parallèle et de faconéquentielle au sein de l’articulation atteinte. L’événement initialst probablement l’activation antigène dépendante des cellules T10]. Cette activation déclenche de multiples effets, comprenant’activation de cellules pro-inflammatoires additionnelles, la sécré-ion de cytokines et de protéases et la production d’auto-anticorps.ette cascade a pour résultat l’organisation de la synoviale, en elle-ême, en un tissu invasif capable de dégrader le cartilage et l’os

9,11]. Plusieurs études ont suggéré l’association potentielle entrees altérations du thymus et certaines maladies rhumatismales à

édiation immunologique ainsi que l’association à des modifica-ions radiologiques thymiques telles qu’une involution thymiquencomplète, une hyperplasie thymique ou un thymome [12]. Deuxtudes récentes basées sur la tomodensitométrie suggèrent quees anomalies radiologiques thymiques peuvent survenir dans laclérodermie systémique. Dans une étude comparant 34 ScS avec4 sujets témoins sains, Ferri et al. [13] rapportent des thymusnormalement développés ou nodulaires chez des patients por-eurs d’une ScS. Dans une autre étude, Oksel et al. [14] observentne involution thymique incomplète chez 63 patients ayant unecS contre 45 patients témoins assortis à l’âge, bien que la taille duhymus résiduel n’était pas estimée précisément et que les corré-ations cliniques n’étaient pas déterminées. À notre connaissance,ucune donnée concernant l’évolution du thymus chez les patientsyant une PR n’a été publiée.

Le but de cette étude était d’évaluer la fréquence des caractéris-iques de l’involution thymique incomplète par tomodensitométrieulmonaire dans deux maladies auto-immunes, la ScS et la PR, ete rechercher des associations potentielles entre l’involution thy-ique incomplète et le sous-ensemble spécifique des patients.

. Méthodes

Dans cette étude observationnelle rétrospective, 161 patientsgés de 40 ans ou plus furent inclus entre 2006 et 2009. Ces patientsomprenaient 96 ScS et 65 PR. Tous ont eu une tomodensitomé-rie pulmonaire pendant le suivi habituel de leur maladie. Les61 patients furent comparés à 32 patients témoins sans mala-ies auto-immunes ayant eu un angioscanner pulmonaire normal,ratiqué pour suspicion d’embolie pulmonaire dans le servicees urgences de l’hôpital universitaire Cochin. Tous les patients

nclus porteurs de ScS furent répartis selon la classification décritear LeRoy et al. [15]. Une évaluation clinique, biologique, pul-onaire et cardiaque fut effectuée. Des renseignements détaillés

urent collectés concernant le sexe, la sclérose cutanée, la duréee l’affection (date du premier symptôme non Raynaud), les mala-ies auto-immunes associées (thyroïdite de Hashimoto, syndromee Gougerot-Sjögren, cirrhose biliaire primitive, polymyosite et

upus érythémateux disséminé), la présence d’ulcérations digitales,a recherche d’anticorps antinucléaires (AAN), anti-centromèresAAC) et anticorps anti-topoisomérase I, la présence d’une fibroseulmonaire en tomodensitométrie, la mesure de la capacité vitaleorcée (CVF ; un syndrome restrictif est défini par une CVF infé-

ieure à 75 % de la valeur normale) et une hypertension artérielleulmonaire confirmée par cathétérisme des cavités cardiaquesroites. Les traitements médicamenteux, et particulièrement lesorticoïdes et le methotrexate, furent notés. Les patients ayant une

atisme 79 (2012) 541–544

PR remplissaient les critères de l’American College of Rheumato-logy 1987 [16]. L’âge, le sexe, la durée d’évolution, les maladiesauto-immunes associées (thyroïdite de Hashismoto, syndrome deGougerot-Sjögren, cirrhose biliaire primitive, polymyosite et lupusérythémateux disséminé), l’évaluation de l’activité de la maladieincluant le DAS- 28, les traitements (biothérapie, corticoïdes ettraitements de fond), la recherche d’anticorps antinucléaires, fac-teur rhumatoïde et antipeptide citrulliné furent notés. Les donnéespatients furent collectées au moment de la tomodensitométrie.Le consentement du patient informé de la participation à uneétude, approuvé par le comité d’éthique locale, fut obtenu.Toutesles tomodensitométries pulmonaires furent pratiquées par scannerspiralé à haute résolution (Siemens®). Les examens furent prati-qués en fin d’inspiration, du sommet à la base pulmonaire, sansinjection de produit de contraste chez les patients ayant une ScS etune PR, et avec injection de produit de contraste dans le groupetémoin. Nous avons utilisé une épaisseur de coupe de 1 mm etun intervalle intercoupe de 10 mm. Les images étaient revues encoupes axiales en fenêtre médiastinale.

La taille du thymus fut évaluée en mesurant son épaisseur, défi-nie par le petit axe sur la coupe axiale. Dans le but de notre étude,une involution complète du thymus fut définie par l’absence dethymus résiduel ou de tissu thymique résiduel mesurant moins de7 mm sur le petit axe de la coupe axiale. Inversement, l’involutionincomplète du thymus fut définie comme la présence de tissu thy-mique résiduel mesurant plus de 7 mm sur le petit axe de la coupeaxiale.

Ce critère fut défini en accord avec une étude précédente deFrancis et al. dans laquelle les analyses de la morphologie duthymus sur tomodensitométrie de 309 individus normaux mon-trèrent que aucun des adultes sains au-dessus de l’âge de 40 ansn’avait un thymus résiduel d’une épaisseur supérieure à 7 mm.Les patients ayant une masse ou un thymus nodulaire en tomo-densitométrie furent exclus de l’analyse pour empêcher l’inclusiond’individus porteurs de thymome. Pour tous les groupes et pourchaque patient, une double lecture par un radiologue senior spé-cialisé en radiologie thoracique et un rhumatologue fut effectuéeet les conclusions divergentes furent l’objet d’une discussion pourobtenir un consensus. Les données furent analysées par le logicielstatistique Medcalc®. Les données ont été exprimées sous forme demédiane et extrêmes pour les variables continues et sous forme denombre (pourcentage) pour les variables catégorielles à moins quecela ne soit spécifié autrement.

3. Résultats

Les caractéristiques de base des 96 patients porteurs de ScS etdes 65 patients porteurs de PR sont indiquées respectivement dansles Tableaux 1 et 2. Il n’y a pas de différence significative en cequi concerne l’âge entre les patients atteints de ScS et de PR et legroupe témoin (médiane 59 ans [extrêmes 40–87] médiane 57 ans[40–82] et 63 ans [42–90] respectivement p = 0,13). Des exemplesd’involution complète de thymus résiduel (Fig. 1A) et petit thy-mus résiduel inférieur à 7 mm d’épaisseur (Fig. 1B) et d’involutionincomplète du thymus (Fig. 1C) sont indiqués sur la Fig. 1. Seulun patient porteur d’une PR fut exclu en raison d’un thymus nodu-laire suggérant un thymome (Fig. 1D). La prévalence de l’involutionthymique incomplète fut de 15 % (14 patients/96) chez les patientsatteints de ScS et de 14 % (9 patients/65) chez les patients atteintsde PR. Aucun des patients dans le groupe témoin n’afficha uneinvolution thymique incomplète et il y eut une différence signi-

ficative entre les groupes ScS et PR et le groupe témoin (p < 0,05).De facon intéressante, la présence de tissu thymique résiduel suf-fisante pour être détectée en tomodensitométrie fut notée chez21 % de ScS, 26 % de PR et 19 % de témoin (p < 0,05). Par conséquent
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M. Meunier et al. / Revue du rhumatisme 79 (2012) 541–544 543

Tableau 1Caractéristiques des patients ayant une sclérodermie systémique (SSc).

Sclérodermie systémique Tous les patients (n = 96) Involution complète du thymus (n = 82) Involution incomplète du thymus (n = 14)

Âge, médiane (extrêmes) 59 (40–87) 59 (40–87) 47 (40–80) *Sexe, feminin, n (%) 77 (80) 67 (82) 10 (71)Durée de la maladie, années, médiane (extrêmes) 7 (0–49) 8 (0–49) 6 (0–24)SSc limitée/diffuse, n 62/38 65/35 64/36Ulcérations digitales 43 % 41 % 50 %Maladies auto-immunes associées (au moins une) 26 % 24 % 36 %Positivité des anticorps antinucléaires 89 % 89 % 86 %Positivité des anticorps anti-topoisomérase I 29 % 29 % 28 %Positivité des anticorps anti-centromère 22 % 24 % 7 %Fibrose pulmonaire en TDM HR 41 % 42 % 28 %FVC < 75 % de la valeur prédictive 21 % 24 % 0 % *Hypertension artérielle pulmonaire au cathétérisme 5 % 6 % 0 %Faible dose de prednisone 47 % 46 % 50 %Traitements de fond 33 % 29 % 57 % **Biothérapie 5 % 5 % 7 %

Involution thymique complète : absence de tissu thymique résiduel inférieure à 7 mmsupérieure à 7 mm d’épaisseur. CVF : l capacité vitale fonctionnelle ; SSc : sclérodermiesystémique. * p < 0,05 ; ** p < 0,10.

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ig. 1. TDM HR vue axiale en fenêtre médiastinale. A. Absence de tissu thymiqueésiduel. B. Petit thymus résiduel (épaisseur < 7 mm). C. Grand thymus résiduelépaisseur ≥ 7 mm). D. Thymus nodulaire résiduel.

a différence entre les patients PR et ScS, d’un côté, et témoin de’autre côté est liée uniquement aux « grands » tissus thymiquesésiduels ayant une épaisseur supérieure à 7 mm. Les patients ScSyant une involution thymique incomplète étaient plus jeunes que

es patients avec involution thymique complète (47 ans [39–81]ontre 50 ans [39–87] ; p = 0,002) et plus probablement ayant unebrose pulmonaire avec un syndrome restrictif (24 % contre 0 %,= 0,003). Il n’y avait pas de corrélation entre l’involution thymique

ableau 2aractéristiques des patients ayant une polyarthrite rhumatoïde.

Polyarthrite rhumatoïde Tous les patients (n = 65) Invo

Âge, médiane (extrêmes) 57 (40–82) 58 (4Sexe féminin, n (%) 57 (88) 49 (8Durée d’évolution, années, médiane (extrêmes) 13 (0–41) 13 (0DAS 28, médiane (extrêmes) 4 (1–9) 4 (1–Maladie auto-immune associée (au moins une) 26 % 25 %Positivité des anticorps antinucléaires 29 % 32 %Positivité pour le facteur rhumatoïde 81 % 80 %Positivité pour anticorps anti-CCP2 83 % 82 %Faible dose de prednisone 91 % 91 %Traitements de fond 79 % 80 %Biothérapie 68 % 62 %

nvolution thymique complète : absence de tissu thymique résiduel inférieur à 7 mm d’émm d’épaisseur. DAS 28 : disease activity score ; PR : polyarthrite rhumatoïde. * p < 0,05 ;

d’épaisseur. Involution incomplète du tissu du thymus : tissu thymique résiduelsystémique ; TDM HR : tomodensitométrie haute résolution ; SSc : sclérodermie

incomplète et d’autres maladies auto-immunes associées ou ladétection d’anticorps spécifiques de la ScS ou liées à l’âge. Chezles patients PR, l’involution thymique incomplète était plus fré-quemment associée à des traitements par biothérapie (100 % contre62 % ; p = 0,02) et à l’absence d’anticorps antinucléaires (0 % contre32 % ; p = 0,05) que l’involution thymique complète. En effet, aucundes patients PR ayant une involution thymique incomplète ne futpositif en détection des anticorps antinucléaires. Aucune associa-tion ne fut rencontrée entre l’involution thymique incomplète etles maladies auto-immunes associées à la PR.

4. Discussion

La principale découverte de cette étude est l’observation d’unefréquence accrue par rapport à un groupe témoin de l’involutionthymique incomplète dans deux maladies auto-immunes.

Il existe une corrélation entre l’involution incomplète du thy-mus chez les patients ScS et le fait d’être jeune avec une fibrosepulmonaire et un syndrome restrictif. Chez les patients PR, il existeune corrélation entre l’involution incomplète du thymus et le faitd’avoir un traitement par biothérapie et de ne pas avoir d’anticorpsantinucléaire. Les modifications radiologiques du thymus ont déjàété étudiées dans la ScS mais de telles modifications n’ont jamais étéexaminées dans la PR. Oksel et al. [14] ont étudié l’involution thy-mique sur tomodensitométrie pulmonaire chez 63 patients ayantune ScS comparés à 45 patients témoins sains âgés d’au moins

30 ans. Ils ont vérifié la présence ou l’absence de tissu thymiquerésiduel mais sans mesurer sa taille. La prévalence totale de tissuthymique résiduel était plus élevée chez les patients ayant uneScS que chez les patients témoins (19 % contre 4,4 %, p > 0,05). Ce

lution complète du thymus (n = 56) Involution incomplète du thymus (n = 9)

0–82) 53 (40–61) **7) 8 (89)–41) 17 (0–40)9) 5 (2–7)

33 %0 % *89 %89 %89 %67 %100 % *

paisseur. Involution incomplète du thymus : tissu thymique résiduel supérieure à** p < 0,10.

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44 M. Meunier et al. / Revue du

ésultat est en contradiction avec notre étude, mais la divergencest en relation avec les résultats obtenus dans le groupe témoin.ans notre étude, la prévalence de tissu thymique résiduel était

imilaire dans la ScC et le groupe témoin (22 % contre 19 %, p > 0,05).a faible proportion de sujets témoin ayant un thymus résiduel dans’étude d’Oksel et al. contraste avec nos résultats et ceux de pré-édentes études radiologiques [2,3]. Néanmoins, Oksel et al. ontrouvé une association entre l’involution thymique incomplète et’absence de fibrose pulmonaire. Dans une deuxième étude, Ferrit al. [13] ont évalué 34 patients ScS non sélectionnés et 34 sujetsémoin sains appariés, en tomodensitométrie. Une épaisseur duhymus de plus de 13 mm fut utilisée pour définir un thymus hyper-rophié. Ferri et al. ont trouvé un thymus hypertrophié dans 15 %es ScS et 0 % chez les témoins, ce qui est un accord avec nosésultats. Cela pose la question de la valeur seuil devant être uti-isée pour définir un thymus de taille anormale. Dans notre étude,ous avons choisi l’épaisseur de tissu thymique de 7 mm commealeur seuil en raison d’une étude précédente rapportant le faibleombre de cas de persistance de thymus après 40 ans qui n’avaient

amais une épaisseur du petit côté excédant 7 mm [3]. Nous avonsonstaté que l’involution incomplète du thymus est associée à unge moindre dans la sclérodermie et la PR. Cette association est enelation avec l’involution thymique physiologique qui commencel’adolescence et continue sur une longue période pendant l’âge

dulte. Contrairement à Ferri et al. [13], mais en accord avec Okselt al. [14], nous n’avons pas trouvé de lien entre les modifica-ions du thymus et la durée d’évolution de la ScS ou les anticorpspécifiques de la ScS. L’involution différentielle du thymus n’aamais été étudiée dans la PR bien que quelques cas cliniquesient suggéré une association entre thymome et PR [17,18]. Nosésultats montrent que l’involution clinique incomplète n’est pasnhabituelle chez les patients PR et est associée à l’administratione biothérapie, suggérant une association avec la sévérité de laaladie.Cette étude a plusieurs limites. Premièrement l’utilisation de

’angioscanner pulmonaire dans le groupe témoin et le scannerans les deux groupes de patients introduit un possible biais enelation avec l’absence de protocole de renforcement de contrasteans le groupe témoin. Les protocoles avec injection de produite contraste pourraient théoriquement introduire un artefact etendre difficile la détection de tissu thymique résiduel, particu-ièrement s’il est très petit. Deuxièmement, nous avons inclusniquement des PR et ScS dans lesquelles l’atteinte pulmonaire

été évaluée par tomodensitométrie pulmonaire et nos résul-

ats ne sont pas, par conséquent, représentatifs de la populationout-venant. Finalement, nous reconnaissons que les constatationsadiologiques peuvent ne pas refléter la fonction du thymus comme

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atisme 79 (2012) 541–544

on pourrait être en présence de tissu thymique ectopique déjàdécrit [2,4].

En conclusion, nous avons constaté que la prévalence del’involution thymique incomplète est plus importante dans la dansla ScS et la PR que dans le groupe témoin. La recherche d’unecorrélation suggère que l’involution thymique incomplète est liéeà la sévérité de la maladie, mais cette corrélation est différenteentre ScS et PR. En outre, de plus grandes études sont nécessairespour confirmer cette association et éclaircir la signification patho-logique de l’involution thymique incomplète dans les maladiesauto-immunes.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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