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P our nombre d’intellectuels du Nord de la Méditerranée, le modèle européen présente ce que l’histoire, l’intelligence et la raison peu- vent concevoir de mieux et d’exception- nel. Cette vision n’est pas de nature à favoriser la compréhension de l’Autre car l’erreur est de laisser croire que ce modèle a été, en totalité, généré par les Européens au sens étroit du terme. La Méditerranée a été le ciment de l’Europe dont la civilisation et le modèle ont pour contributeurs les Grecs, les Romains mais aussi les Arabes. Ensemble, ils ont façonné la démocratie, imaginé le monothéisme, valorisé la rai- son, promu l’émancipation et la liberté individuelle devenues depuis des valeurs universelles. Et les révolutions actuelles dans les pays arabes laissent surgir l’aspiration à partager les mêmes valeurs au Nord et au Sud. UNE PREMIÈRE VAGUE EN EUROPE, qui a débuté dans les années 1980 et qui se poursuit, a per- mis d’élargir le périmètre de la démocratie. Après avoir chassé les dictatures au Portugal, en Espagne et en Grèce ; après avoir contribué à faire tomber le com- munisme et intégré les pays d’Europe centrale et orientale ; après avoir accompagné la modernisation de la Turquie dans la perspective de son adhé- sion, l’Union européenne a inté- gré la Slovénie, bientôt la Croatie et accepté les candidatures de la Macédoine, du Monténégro, de l’Alba- nie et de la Serbie. Un effort politique et financier sans pareil ! Ainsi se dessine un grand ensemble intégré de 500 à 600 millions d’habitants (avec la Tur- quie) avec des pays associés comme la Norvège et la Suisse. C O N S T R U I R E L A M É D I T E R R A N É E 16 ~ MARS 2011 UNE DEUXIÈME VAGUE DÉLARGISSEMENT de la démocratie atteint la rive sud de la Méditerranée. Cette deuxième vague a touché d’abord la Tunisie et l’Égypte. Elle va avoir ses effets positifs sur l’en- semble des pays de la rive sud de la Méditerranée et au-delà en Afrique sub- saharienne. À terme, plus rien ne sera plus comme avant : les libertés indivi- duelles s’élargiront et les gouvernants devront tenir compte des aspirations légitimes de leurs populations. Mais ces révolutions au Sud interpellent les pays du Nord pour de profonds change- ments : plus de solidarité, plus de par- tage de la valeur ajoutée, plus de mobi- lité, plus de prise en considération du temps long. Une vraie convergence des civilisations pourrait se mettre à l’œuvre entre les pays du Sud et du Nord de la Méditerranée. A lors que ces convergences vont être lentes, des questions à court terme imposeront des réponses précises et ambitieuses. Supposons que le futur pouvoir légitime de la jeune République de Tunisie issu des urnes se tourne vers l’Europe et dépose sa can- didature à l’adhésion. Cela questionne- rait les fondements de la construction européenne : culturels, méditerranéens et historiques ou simplement géogra- phiques ? Cette interpellation forte de l’Europe devrait l’amener à une double évolution refondatrice : d’abord la créa- tion d’une avant-garde et d’un cycle d’in- tégration communautaire avec la mise en commun de la diplomatie, de la défense et des politiques économiques, autour du couple franco-allemand élargi à ceux qui le souhaitent, ensuite la for- mulation d’une offre conséquente et à l’élaboration d’un nouveau statut de membre associé à l’UE, comme le sont la Norvège et la Suisse. Être membre asso- L’Europe hier, la Méditerranée aujourd’hui et, demain, l’Afrique … Jean-Louis Guigou Délégué général d’Ipemed IPEMED NEWS ~ Mars 2011 1 cié de l’UE, ce serait reconnaître une communauté de destin et de valeurs, un ancrage définitif et historique beaucoup plus attractif que ne le sont la zone de libre-échange proposée en 1995 à Bar- celone, ou le voisinage ou même le sta- tut avancé proposé au Maroc. Q uoiqu’il en soit, l’UE doit faire une offre politique à la hauteur des révolutions engagées par les pays arabes. Ce faisant, elle créerait sur son flanc sud des dragons économiques et démocratiques qui tireraient sa croissance et la sortiraient de son engourdissement, voire de son déclin ! Sans réponse audacieuse, ces pays sud- méditerranéens, profiteraient de la mondialisation en passant des accords privilégiés et différenciés avec les États- Unis, la Chine, mais aussi les puis- sances émergentes. Dans un troisième scénario, certains de ces pays s’instal- leraient dans l’instabilité, générant insécurité et foyers extrémistes aux portes de l’Europe. SI LEUROPE PRIVILÉGIE le statu quo, si elle ne bouge pas sur l’islam et continue à manipuler les peurs de ses popula- tions, si elle refuse la mise en place de préférences collectives, si elle n’agit pas sur le conflit israélo-palestinien pour imposer une paix juste et durable basée sur les résolutions du Conseil de sécu- rité des Nations unies, si elle renie ses propres valeurs, si elle a peur de l’Étran- ger et si elle refuse le redéploiement de son appareil de production au Sud, alors nous n’aurons aucune chance de construire la région méditerranéenne et constituer plus tard l’axe Europe- Méditerranée-Afrique. Mais si l’Europe impulse sa vision à long terme du monde multipolaire, tout peut rapide- ment évoluer. n Radhi Meddeb Président d’Ipemed LUE DOIT FAIRE UNE OFFRE POLITIQUE À LA HAUTEUR DES RÉVO - LUTIONS ENGAGÉES. ELLE CRÉERAIT AINSI DES « DRAGONS » ÉCONOMIQUES ET DÉMOCRA - TIQUES QUI TIRERAIENT SA CROIS - SANCE ET LA SORTIRAIENT DE SON ENGOUR - DISSEMENT.

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Ipemed News est une Lettre d’information mensuelle qui traite de l’actualité économique méditerranéenne, de l’actualité d’Ipemed et de ses partenaires.

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Page 1: IPEMED NEWS

Pour nombre d’intellectuels duNord de la Méditerranée, lemodèle européen présente ce que

l’histoire, l’intelligence et la raison peu-vent concevoir de mieux et d’exception-nel. Cette vision n’est pas de nature àfavoriser la compréhension de l’Autrecar l’erreur est de laisser croire que cemodèle a été, en totalité, généré par lesEuropéens au sens étroit du terme. LaMéditerranée a été le ciment de l’Europedont la civilisation et le modèle ont pourcontributeurs les Grecs, les Romainsmais aussi les Arabes. Ensemble, ils ont

façonné la démocratie, imaginéle monothéisme, valorisé la rai-son, promu l’émancipation et laliberté individuelle devenuesdepuis des valeurs universelles.Et les révolutions actuelles dansles pays arabes laissent surgirl’aspiration à partager les mêmesvaleurs au Nord et au Sud.

UNE PREMIÈRE VAGUE EN EUROPE,qui a débuté dans les années1980 et qui se poursuit, a per-mis d’élargir le périmètre de ladémocratie. Après avoir chasséles dictatures au Portugal, enEspagne et en Grèce ; après avoircontribué à faire tomber le com-munisme et intégré les paysd’Europe centrale et orientale ;après avoir accompagné lamodernisation de la Turquiedans la perspective de son adhé-sion, l’Union européenne a inté-gré la Slovénie, bientôt la Croatieet accepté les candidatures de la

Macédoine, du Monténégro, de l’Alba-nie et de la Serbie. Un effort politiqueet financier sans pareil ! Ainsi se dessineun grand ensemble intégré de 500 à600millions d’habitants (avec la Tur-quie) avec des pays associés comme laNorvège et la Suisse.

C O N S T R U I R E L A M É D I T E R R A N É E16

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UNE DEUXIÈME VAGUE D’ÉLARGISSEMENTde la démocratie atteint la rive sud dela Méditerranée. Cette deuxième vaguea touché d’abord la Tunisie et l’Égypte.Elle va avoir ses effets positifs sur l’en-semble des pays de la rive sud de laMéditerranée et au-delà en Afrique sub-saharienne. À terme, plus rien ne seraplus comme avant : les libertés indivi-duelles s’élargiront et les gouvernantsdevront tenir compte des aspirationslégitimes de leurs populations. Mais cesrévolutions au Sud interpellent les paysdu Nord pour de profonds change-ments : plus de solidarité, plus de par-tage de la valeur ajoutée, plus de mobi-lité, plus de prise en considération dutemps long. Une vraie convergence descivilisations pourrait se mettre à l’œuvreentre les pays du Sud et du Nord de laMéditerranée.

Alors que ces convergences vontêtre lentes, des questions à courtterme imposeront des réponses

précises et ambitieuses. Supposons quele futur pouvoir légitime de la jeuneRépublique de Tunisie issu des urnesse tourne vers l’Europe et dépose sa can-didature à l’adhésion. Cela questionne-rait les fondements de la constructioneuropé enne : culturels, méditerranéenset historiques ou simplement géogra-phiques ? Cette interpellation forte del’Europe devrait l’amener à une doubleévolution refondatrice : d’abord la créa-tion d’une avant-garde et d’un cycle d’in-tégration communautaire avec la miseen commun de la diplomatie, de ladéfense et des politiques économiques,autour du couple franco-allemand élargià ceux qui le souhaitent, ensuite la for-mulation d’une offre conséquente et àl’élaboration d’un nouveau statut demembre associé à l’UE, comme le sont laNorvège et la Suisse. Être membre asso-

L’Europe hier, la Méditerranéeaujourd’hui et, demain, l’Afrique…

Jean-Louis GuigouDélégué général d’Ipemed

IPEMED NEWS~Mars 2011 1

cié de l’UE, ce serait reconnaître unecommunauté de destin et de valeurs, unancrage définitif et historique beaucoupplus attractif que ne le sont la zone delibre-échange proposée en 1995 à Bar-celone, ou le voisinage ou même le sta-tut avancé proposé au Maroc.

Quoiqu’il en soit, l’UE doit faireune offre politique à la hauteurdes révolutions engagées par les

pays arabes. Ce faisant, elle créerait surson flanc sud des dragons économiqueset démocratiques qui tireraient sacroissance et la sortiraient de sonengourdissement, voire de son déclin !Sans réponse audacieuse, ces pays sud-méditerranéens, profiteraient de lamondialisation en passant des accordsprivilégiés et différenciés avec les États-Unis, la Chine, mais aussi les puis-sances émergentes. Dans un troisièmescénario, certains de ces pays s’instal-leraient dans l’instabilité, générantinsécurité et foyers extrémistes auxportes de l’Europe.

SI L’EUROPE PRIVILÉGIE le statu quo, sielle ne bouge pas sur l’islam et continueà manipuler les peurs de ses popula-tions, si elle refuse la mise en place depréférences collectives, si elle n’agit passur le conflit israélo-palestinien pourimposer une paix juste et durable baséesur les résolutions du Conseil de sécu-rité des Nations unies, si elle renie sespropres valeurs, si elle a peur de l’Étran-ger et si elle refuse le redéploiement deson appareil de production au Sud, alorsnous n’aurons aucune chance deconstruire la région méditerranéenneet constituer plus tard l’axe Europe-Méditerranée-Afrique. Mais si l’Europeimpulse sa vision à long terme dumonde multipolaire, tout peut rapide-ment évoluer. n

Radhi MeddebPrésident d’Ipemed

L’UE DOIT

FAIRE UNE

OFFRE

POLITIQUE À

LA HAUTEUR

DES RÉVO - LUTIONSENGAGÉES.ELLE

CRÉERAIT

AINSI DES

« DRAGONS»ÉCONOMIQUES

ET DÉMOCRA -TIQUES QUI

TIRERAIENT

SA CROIS -SANCE ET LA

SORTIRAIENT

DE SON

ENGOUR -DISSEMENT.

Page 2: IPEMED NEWS

ÉNERGIE .BP va investir en Égyptel La compagnie britanniquede recherche, d’extraction, deraffinage et de vente de pétrole,British Petroleum, va mettreen place un projet de gaznaturel en Égypte avecdes investisse ments de prèsde 11 milliards de dollars.Le président de la société,Robert Dudley, a précisé quece projet permettra la créationde 5 000 emplois sur cinq ans.

Il a ajouté quela grande partiede ces investis se -ments serontréalisés dansla région dela Méditerranéeoccidentale.Le responsablea par ailleursrelevé qu’unepartie desinvestis sementsde la sociétéen Égypte seront

destinés au développementde petites et moyennesentreprises spécialisées dansle domaine du gaz naturel.

FORMATION .Tanger Med inaugureson Institut de formation

l L’Institut de formationaux métiers de l’industrieautomobile (Ifmia) de TangerMed, destiné à la formationdes opérateurs, technicienset cadres de la nouvelle usinede l’alliance Renault-Nissan,a été inauguré le 22 mars dansle complexe industriel Renaultsitué dans la commune ruralede Melloussa. La créationde cet institut a nécessité uneenveloppe de 8 millions d’eurosapportés par l’État marocainavec le concours de l’Agencefrançaise de développement(afd). L’Institut a pour mission

w Robert Dudley,présidentde BritishPetroleum.

d’assurer des formations àl’embauche et des formationscontinues aux futurs employésde la nouvelle usine de Tangerainsi qu’à ceux des équipemen -tiers automobiles. Administrépar le groupe Renault dans lecadre d’un accord public-privé,l’Ifmia, qui doit entrer enservice en avril prochain, doitaccueillir, à terme, 250 sta -giaires. Trois autres institutssimilaires seront mis en serviceen 2012 à Casa blanca, dansla zone franche d’exportationde Tanger (tfz) et à Kénitra,pour un coût global de28 millions d’euros.

NUCLÉAIRE .Ankara ne renonce pas à son programmel Le président turc, AbdullahGül, a déclaré le 17 marsque la Turquie ne devait pasrenoncer à son projet deconstruction d’une premièrecentrale nucléaire, en dépitde l’accident nucléaire survenuau Japon, estimant que sonpays était déjà «en retard»par rapport à d’autres. Pourmémoire, Ankara et Moscouont conclu un accord en 2010pour construire un réacteurà Akkuyu, dans la provincede Mersin (Sud). De son côté,le ministre de l’Énergie, TanerYildiz, a indiqué que lesnégociations se poursuivaientavec le Japon pour la construc -tion d’une deuxième centralenucléaire à Sinop (Nord).Le gouvernement turc projettede construire trois centralesd’ici à cinq ans.

TOURISME .Les Émirats investissenten Algériel Deux conventions d’investis -sements pour un parc de loisirset un hôtel cinq étoiles d’unmontant de plus de 5 milliardsde dollars ont été signées finmars après quatre ans denégociations par des partenairesalgérien et émirati. Le projetdu parc Dounya, d’unesuperficie de 800 hectares auNord-Ouest d’Alger, coûtera

2 IPEMED NEWS~Mars 2011

C’est le montant desinvestissements directsétrangers (IDE) au Marocen 2010, selon la dernièreétude « Invest In Med»(mars 2011). Cela corres -pond au plus faible niveaudepuis 2005, où les IDEannoncés s’élevaient à1,6 milliard d’euros. Leprincipal pays d’origined’IDE au Maroc reste laFrance, avec en moyenne1 milliard d’euros par andepuis 2008. L’Espagnearrive deuxième(339 millions d’euros),suivie du Koweït(327 millions d’euros).

REPÈR

E 2,3milliards

France1 milliard

Espagne339 millions

Koweït327 millions

Autres

LESPROJETS

IDE au Maroc En euros,moyenne annuelle depuis 2008

w Dmitri Medvedev, présidentde la Fédération de Russie,et Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc.

environ 5,2 mil liards de dollarset devrait générer plus de8 750 emplois directs, selon sesconcepteurs. Le plan comporteun grand parc, des espacesverts, aires récréatives etinstallations éducatives, unhôpital, une école internatio -nale, des résidences, villas etlogements notamment. «Aprèsquatre années de négociations,nous allons réaliser le plusgrand projet d’investissementde la dernière décennie»,a indiqué le directeur généralde l’Agence nationale dedéveloppement de l’investis se -ment (Andi) algérienne,Abdelkrim Mansouri, l’un desdeux partenaires avec le groupeEmirates International Investis -sement Company (eiic).

AGRICULTURE .Tunisie : la Banquemondiale finance deuxprojets agricolesl La Banque mondiale vacontribuer au financementde deux nouveaux projetsagricoles en Tunisie. Le premier,d’un montant de 45 millionsd’euros durant la période 2011-2015, concerne la deuxièmetranche des travaux de gestiondes ressources naturelles danstrois gouvernorats (Jendouba,Kasserine et Médenine).Il permettra d’améliorer lesrevenus d’environ 733000habi -tants. Le deuxième portesur le développement, grâce àune enveloppe de 40 millionsd’euros, des zones forestièreset montagneuses du Nord-Estde la Tunisie. Son objectifest d’améliorer les conditionssocio-économiques deshabitants des régions deJendouba, du Kef et de Bizerte.

w Construction d’une maisonde l’Environ nement dans le futurparc Dounya, proche d’Alger.Au fond, la ville de Dely Brahim.

Page 3: IPEMED NEWS

L’IDÉE D’UNECONFÉRENCE

RÉGIONALE

QUI JETTE RAIT

LES BASES

D’UN PROCESSUS

PLUS AMBI TIEUX

QUE L’UPMET DONT

LE LANCEMENT

SE FERAIT

UNE FOIS

LA SITUATION

STABILISÉE

AU SUD DE

LA MÉDITER RA -NÉE COMMENCE

À ÉMERGER.

C’est peu dire que le Printemps arabe a révéléde manière cruelle l’immobilisme del’Union pour la Méditerranée (upm). Après

un démarrage tonitruant en juillet 2008, cette ins-titution promise à prendre le relais du processus deBarcelone a été victime de plusieurs accidents deroute. À la fois otage des rivalités diplomatiqueseuropéennes (notamment entre la France et l’Alle-magne) mais aussi du conflit israélo-arabe, l’upmn’a enregistré que de maigres succès avec, entreautre, le renforcement du Plan solaire méditerra-néen et la création d’un secrétariat général. Ce der-nier a toutefois peiné à se faire entendre faute debudget conséquent et de soutien dans les chancel-leries européennes (lire ci-dessous). Alors que lemonde arabe est engagé dans un processus de trans-formation historique, la question est de savoir sil’upm est à la hauteur de l’enjeu. Premier constat,personne ne défend le statu quo. À Paris, le gouver-nement reconnaît que la dimension politique durapprochement euro-méditerranéen ne peut plusêtre ignorée. Pour nombre d’experts, l’upm ne peutplus se contenter de n’être qu’une union de projetséconomiques, ce qui était une manière plus oumoins habile d’éviter de se confronter sur le planpolitique aux dictatures du Sud de la Méditerranée.«L’upm dans sa vision ‘apolitique’ a vécu», relève ainsiBeligh Nabli, directeur de recherche à l’Iris à Paris.De même, cette Union ne pourra ignorer le rôle dessociétés civiles et ne pas intégrer les ong dans sesmécanismes de décision et de concertation.

NÉCESSITÉ Dès sa nomination au ministère françaisdes Affaires étrangères, Alain Juppé, ancien mem-bre du Comité de parrainage politique d’Ipemed, aestimé utile «la refondation de l’upm» tout en insis-tant sur le fait que cette instance est une «idée plusnécessaire que jamais». Une position qui a trouvé unécho favorable en Espagne, en Italie et même enGrande-Bretagne, les gouvernements de ces trois

pays jugeant urgente la relance de l’upm de façon àaccompagner les mouvements de démocratisationau Sud de la Méditerranée. À l’inverse, l’Allemagnea opposé un silence qui témoigne de sa réticence àengager trop vite une réforme de l’upm. Pour Berlin,il semble important d’attendre de voir sur quoi vadéboucher le «Printemps arabe». Au Sud de la Médi-terranée, les préoccupations des dirigeants sont ail-leurs. En Tunisie comme en Égypte, le premier souciest d’empêcher que les difficultés économiques nefassent déraper la transition démocratique. Unobjectif auquel l’upm ne peut répondre en l’étatactuel, contrairement à l’Union européenne. Dansd’autres capitales du Sud de la Méditerranée, l’ur-gence est à désamorcer les contestations montanteset, là aussi, l’upm n’est guère utile.

LÉGITIMATION DÉMOCRATIQUE Du coup, émerge l’idéed’une conférence régionale qui jetterait les basesd’un processus plus ambitieux que l’upm et dont lelancement se ferait une fois la situation stabilisée auSud de la Méditerranée. Il s’agirait d’un Barceloneter ou d’une upm bis dont les compétences seraientrenforcées avec notamment la création d’une Banqueméditerranéenne pour le financement de projets etd’un forum régional pour les questions de démocra-tie, de coopération et de sécurité. Mais quelle quesoit la solution retenue, le succès de la refondationde l’upm passe par son appropriation par les peupleset par sa légitimation démocratique. «Après l’échecdu processus de Barcelone, puis celui de l’upm, les peuplesde la Méditerranée ne supporteront pas un troisièmeéchec», relève Michel Vauzelle, président de la régionProvence-Alpes-Côte d’Azur. Ce dernier plaide pourla mise en place «d’une communauté de destin écono-mique, sociale et humaine» entre les deux rives de laMéditerranée. Une manière de rappeler que l’on nepeut bâtir une union en se limitant aux seuls aspectssécuritaires et d’immigration. n

Akram Belkaïd, journaliste

FOCUS SUR L’UPM L’UPM dans l’expectative

IPEMED NEWS~Mars 2011 3

EN BREF .Un secrétaire généralpar intériml Début mars, la coprésidencefranco-égyptienne de l’Unionpour la Méditerranée a investil’Italien Lino Cardarelli en tantque secrétaire général par intérimde l’upm. Le 4 mars, l’Assembléeparlementaire de l’upm a entériné

ce choix quitourne donc unenouvelle pagedans l’histoirede cette insti -

tution après la démissiondu Jordanien Ahmad Masa’deh,le 26 janvier 2011. Lino Cardarellioccupait déjà le poste de sgadjoint en charge du financementdes projets et du développementéconomique, c’est-à-dire le cœurde l’upm. « Je veux faire dusecrétariat général une vraie‘success-story’ qui servira nospeuples des deux rives dela Méditerranée. Nous allonscontinuer notre mission avecenthousiasme et le voyage qu’adébuté Ahmad Masa’deh malgréun environnement difficile»,a déclaré le nouveau secrétairegénéral par intérim.

L’AP-UpM soutient lestransitions démocratiques l Réunis à Rome les 3 et 4 mars,les parlementaires des paysdu pourtour méditerranéen ontexprimé leur soutien aux mouve -ments de mobilisation en faveurde la transition démocra tiquedans la région. Pour mémoire,l’Assemblée parlementairede l’Union pour la Méditerranée(ap-upm) réunit quelque 280députés issus de tous les paysmembres de l’Union pour laMéditerranée. Pour cetteinstance, «les pays du Sud de laMéditerranée ont connu deschangements inimaginables qui

ont créél’incertitudeet une crisegrave dans larégion, maisaussi une

occasion pour remodeler leprocessus initié par l’Union pourla Méditerranée». De son côté,la députée française Tokia Saïfi,qui préside la commissionpolitique de l’ap-upm, a estiméque l’Assemblée parlementairede l’Union pour la Méditerranéeest le seul «organe capable d’agirdans ces circonstances difficiles». w Lino Cardarelli

w Tokia Saïfi

w Selon AlainJuppé, ministredes Affairesétrangères,la refondationde l’UPM est«plus nécessaireque jamais».

Page 4: IPEMED NEWS

Échanges: le think tank Care propose un corridor commercial

Les révolutions arabes ne sont peut-être pasl’unique évolution notable au Sud de la Médi-terranée. Depuis la fin 2010, les observateurs

notent ainsi un frémissement dans les relationsalgéro-marocaines marquées par des tensions récur-rentes en raison de la question de l’avenir du Saharaoccidental. Début mars, l’Algérie a ainsi annoncéson intention d’approvisionner le Maroc en gaznaturel à partir du gisement de Hassi R’mel. L’an-nonce a été faite par le ministre de l’Énergie et desMines, Youcef Yousfi, lors d’une visite, dans cetterégion du Sud algérien effectuée en compagnie deson homologue marocaine Amina Benkhadra,ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’En-vironnement. «C’est un pas important en direction dela création d’un véritable partenariat énergétique», jugeun haut responsable algérien qui confie que «d’au-tres projets sont à l’étude». De fait, l’énergie est peut-être l’un des rares domaines où les deux pays voisinsont mis en place une coopération durable, cette der-nière remontant au début des années 1970. Pourmémoire, Alger et Rabat ont déjà annoncé qu’ilssouhaitaient mettre en place un marché maghrébin

ALGÉRIE-MAROC Partenariat énergétique en vue

de l’électricité en vue de son intégration au marchéeuropéen. Bien entendu, les échanges d’électricitéentre les deux pays restent infimes puisque l’inter-connexion électrique entre eux ne concerne qu’1%des capacités. «Mais elle a le mérite d’exister et ellefournira le socle pour d’autres projets», relève-t-on auministère algérien de l’Énergie. De fait, une inter-connexion de 400 kV relie déjà l’Algérie au Marocet des exportations se font déjà en direction de cedernier. De plus, Youcef Yousfi a ajouté que la coo-pération énergétique algéro-marocaine se traduiraaussi par la conclusion prochaine d’un partenariatentre Sonelgaz et le bureau national de l’électricitéet gaz du Maroc.

ALLER PLUS LOIN Mais il reste aux deux pays à allerplus loin. Esquissé dès le début des années 1970,envisagé après la création de l’Union du Maghrebarabe en 1989, le rapprochement entre les deuxchampions nationaux Sonatrach (pétrole et gaz algé-riens) et l’Office chérifien des phosphates (ocp)reste un vœu pieu. Très présente dans les publica-tions à propos des deux pays mais aussi très envogue à Washington, l’idée de ce rapprochementrepose sur une combinaison de l’énergie algérienneet des phosphates marocains. Le principe est simple.L’Algérie dispose de gaz naturel en abondance maisaussi de souffre et d’ammoniac. Le Maroc, quant àlui, possède plus de 40% des réserves mondialesde phosphates mais il lui manque l’énergie pour lestransformer en engrais. On le devine, la coopérationentre Sonatrach et l’ocp coule de source. Reste à

DÉBUT MARS,L’ALGÉRIEA ANNONCÉ

SON INTENTION

D’APPROVI -SIONNER LE

MAROC EN GAZ

NATUREL

À PARTIR DU

GISEMENT DE

HASSI R’MEL.UN PAS VERS

UNE VÉRITABLE

COOPÉRATION

ÉNERGÉTIQUE

QUI A DÉMARRÉ

AU DÉBUT DES

ANNÉES 1970.

l L’un des points épineux dansles relations algéro-marocainesconcerne la fermeture de lafrontière terrestre entre les deuxpays depuis 1994. Cette situationfait obstacle aux échangescommerciaux et pénaliseéconomiquement les régionsfrontalières notamment celled’Oujda. Décidé à faire despropositions constructives, leCercle d’action et de réflexionautour de l’entreprise (Care), unthink tank algérien, propose des’inspirer de certains exemplesdans le monde en mettant enplace un corridor commercialentre les deux pays. Unesolution transitoire en attendantque Rabat et Alger ne règlent

tous les problèmes quiempêchent une ouverture totalede la frontière. L’un desexemples à suivre cité par Careest celui de la Chine et del’Inde. Ces deux pays, qui sesont déjà affrontés militaire -ment et restent rivaux surle plan économique,ont décidé de favori -ser le nearshoring,c’est-à-dire le fait dedélocaliser une activitééconomique, mais dansune autre région du mêmepays ou dans un paysproche et cela contraire -ment à l’offshoring.«Ce corridor économiquepourrait-être constitué

d’un point de passage maritimeet d’un point de passageterrestre à travers lequel seulesles marchandises et les convoishumanitaires seraient autorisésà passer», relève Slim Othmani,

pdg de l’entreprise algériennenca Rouiba. Conscient dessusceptibilités régionales, celuiqui est aussi membre fondateuret vice-président de Carepropose la mise en place d’unobservatoire du corridor aveccomme principaux gestion -naires le Maroc et l’Algérie(à travers leurs ministèresdu commerce respectifs) etles trois autres pays de l’uma(Libye, Mauritanie et Tunisie)en tant qu’observateurs.«L’idée, facile à mettre enœuvre, libèrera les énergies etfacilitera les flux Nord-Sud(Maghreb-Europe) et Sud-Sud(intermaghrébins)», conclutSlim Othmani.

GROSPLAN

Youcef Yousfi,ministre algériende l’Énergie etdes Mines, et

son homologuemarocaine, Amina

Benkhadra.

4 IPEMED NEWS~Mars 2011

Page 5: IPEMED NEWS

l Comment doper les échangescommerciaux entre l’Algérieet le Maroc et contribuer ainsià l’intégration économiquemaghrébine? Camille Sari,spécialiste des monnaies etde la finance internationaleet membre de ConfrontationsEurope, un think thankspécialisé sur les questionseuropéennes, avance une idéeoriginale dans un ouvrage à lirepour tous ceux qui s’intéressentà la construction maghrébine (1).Dans ce livre consacré à laconvergence économique, ilpropose la mise en place d’unemonnaie commune, à savoir ledinrham (contraction des motsdinar, la monnaie algérienneet le dirham, la monnaie maro -caine) qui cohabiterait avec les

devises nationales. Pour CamilleSari, le dinrham devrait «facili -ter les échanges de biens, deservices et de capitaux sans alté -rer le droit de battre la monnaiede chaque État», une précisionde taille quand on connaîtl’attention extrême des deuxpays pour leur souveraineté…Mais l’ouvrage ne se limite pasà évoquer cette seule pistemonétaire. En listant les oppor -tu nités économiques entre lesdeux pays et en plaidantnotamment pour une meilleurecoordination des politiqueséconomiques, l’expert estimeque le taux d’échange entrepays du Maghreb pourraitfacilement passer de 2 à 40% ! (1) «Algérie et Maroc, quelles convergences éco -nomiques», Editions Cabrera en partenariat avecGnôsis – éditions de France, 449 pages, 19,90€.

savoir si ce rapprochement peut précéder l’amélio-ration du climat politique entre les deux pays (et,pourquoi pas, y conduire) ou s’il en dépend. Lesexperts restent partagés. Certains estiment que rienne s’oppose à ce que Sonatrach et ocp discutentd’un partenariat tandis que d’autres insistent sur lecaractère stratégique de ces deux entreprises ce quiconditionne toute négociation entre elles à un feuvert politique. «Si les dirigeants algérien et marocainveulent s’engager dans la construction maghrébine, ilspeuvent donner leur aval à ces discussions en mettantde côté les autres dossiers épineux dont celui duSahara», relève un économiste maghrébin quicraint que la fenêtre d’opportunité ne finisse par serefermer.

D’autres spécialistes, partisans d’un rapprochemententre les deux pays, avancent une autre piste de par-tenariat. Ils relèvent que l’Algérie et le Maroc étu-dient séparément, et sans aucune concertation, lapossibilité de développer l’énergie nucléaire. Làaussi, l’idée de base est simple : Alger et Rabat s’en-tendraient pour construire une centrale communedans une zone frontalière. Cela permettrait unecoordination en matière de projets de nucléaire civil– à laquelle la Tunisie serait associée – et la créationd’un « facteur d’irréversibilité» en matière de stabilitéentre l’Algérie et le Maroc. Ce scénario peut semblerirréaliste mais à l’heure des grands bouleversementsarabes, rien ne dit qu’il ne verra jamais le jour…

Lyes Si Zoubir

w Hassi R’mel,dans le Saharaalgérien, est le plusgrand gise mentde gaz naturel ducontinent africain.

w Siège dela Sonatrach,le géant du pétroleet du gazalgériens, à Oran.

La monnaie commune, une pistepour l’intégration économique

l Avec l’énergie, l’eau est l’undes éléments de rapprochemententre l’Algérie et le Maroc.Le 18 mars, les deux pays ontsigné à Rabat un mémorandumde coopération dans le domainedes ressources en eau, dans lebut de promouvoir la coopéra -tion bilatérale. Cet accord,paraphé par Abdelmalek Sellal,ministre algérien des Ressourcesen eau et Amina Benkhadra,ministre marocaine de l’Énergie,des Mines, de l’Eau et del’Environnement prévoit le déve -loppement de la coopérationnotamment dans les domainesde l’irrigation, de l’hydraulique,de la gestion des barrages, du

transfert des eaux ainsi quedans le dessalement de l’eaude mer. Il prévoit, commepremière étape, la tenue, le18 avril prochain à Alger, d’uneréunion du comité bilatéraldes directeurs généraux desdeux ministères pour abordernotamment les domaines dela gestion de l’eau, l’assainis -sement et l’épuration des eauxainsi que le dessalementde l’eau de mer.

Signature d’un mémorandumde coopération dans le domainede l’eau

w AbdelmalekSellal,ministrealgérien desRessourcesen eau.

RESTE À SAVOIR

SI LE RAPPRO -CHE MENT ENTRE

SONATRACH

ET OCP PEUT

PRÉCÉDER

L’AMÉLIORA -TION DU CLIMAT

POLITIQUE

ENTRE LES

DEUX PAYS

OU S’IL EN

DÉPEND.

IPEMED NEWS~Mars 2011 5

Page 6: IPEMED NEWS

Nous, membres du Comité de parrainage poli-tique de l’Institut de prospective économiquedu monde méditerranéen (Ipemed), saluons

et soutenons la rupture historique qui vient de s’opé-rer en Tunisie, et l’extraordinaire courage de sonpeuple, jeunes, hommes et femmes !C’est un bouleversement majeur dont les effets sontd’ores et déjà ressentis dans tout le Sud et l’Est de

la Méditerranée à commencer par l’Égypte dont lepeuple revendique, lui aussi, le changement. Cesmouvements spontanés marquent une aspirationprofonde à la fin de la période post-coloniale et à lamodernité politique, économique et sociale. Avecce mur de la peur qui vient de tomber, la fierté despeuples est restaurée et de nouvelles perspectivess’ouvrent pour l’ensemble de l’espace euro-médi-terranéen.

SORTIR DU SILENCE En Europe, comme ailleurs, lesilence ou l’indifférence sont intolérables. Il fautprendre l’exacte mesure de ce qui se passe au Sudde la Méditerranée. La paupérisation des popula-tions et la désespérance économique et socialecomme le refus du népotisme, de l’affairisme et dela prédation, qui ont affecté toutes les catégoriessociales, expliquent l’intensité du rejet des régimesen place. Mais il y a plus. Le manque de dignité etde libertés individuelles, le viol constant des droitsfondamentaux de la personne humaine et l’aspira-tion à l’État de droit, poussent les populations àprendre leur destin en main et à démontrer qu’au-cune dictature n’est éternelle.Il ne faut pas se leurrer. Le chemin vers des sys-tèmes politiques légitimes est semé d’embûches.C’est pourquoi l’Union européenne doit sortir deson silence et prendre d’urgence ses responsabili-tés. Il faut aider la Tunisie dès aujourd’hui, notam-ment dans le domaine économique pour éviter de

6 IPEMED NEWS~Mars 2011

Georges CormANCIEN MINISTREDES FINANCES, LIBAN

Kemal Dervis ANCIEN MINISTREDES AFFAIRESÉCONOMIQUES,TURQUIE

Iqbal Gharbi UNIVERSITAIRE, TUNISIE

Günter Gloser DÉPUTÉ AUBUNDESTAG,ALLEMAGNE

Élisabeth Guigou VICE-PRÉSIDENTEDE L’ASSEMBLÉENATIONALE, FRANCE

AbderrahmaneHadj Nacer ANCIEN GOUVER NEURDE LA BANQUED’ALGÉRIE

Le texte suivant est un appel lancé en janvierdernier par les membres du Comité de parrainagepolitique d’Ipemed. Il s’inscrit dans une réflexioncontinue à propos du rapprochement des deuxrives de la Méditerranée. Le document a été reprispar la presse de plusieurs pays notammenten France, en Algérie, en Tunisie et en Égypte.

TUNISIE, ÉGYPTE, MÉDITERRANÉE

L’Europe doit agir et vite!

COMITÉDEPARRAIN

AGEPOLITIQUE

Les treizesignatairesde l’appel.

Page 7: IPEMED NEWS

IPEMED NEWS~Mars 2011 7

faire déraper la transition qui s’engage. Desmesures concrètes peuvent être rapidement déci-dées. La Banque centrale européenne comme laBanque européenne d’investissement ont ainsi lapossibilité de proposer des mécanismes de soutienaux acteurs et institutions économiques tunisiens.Ce serait un signal clair adressé aux marchés finan-ciers et aux agences de notation dont certaines ontsalué le processus de démocratisation en dégradantla note souveraine de la Tunisie…

S’ENGAGER SUR LE PLAN POLITIQUE L’Europe doit aussis’engager sur le plan politique. Il ne s’agit pas pourelle de se focaliser uniquement sur l’organisationet le déroulement d’élections transparentes. Il fautaussi et surtout des mesures d’accompagnementet de soutien aux processus de transition. Dans lerespect de la souveraineté des États du Sud et sanspaternalisme, l’Europe doit dorénavant contribuerà la modernisation des paysages politiques et sou-tenir la mise en place de mécanismes de bonnegouvernance et de construction d’un champ poli-tique pluraliste. Ses leaders doivent multiplier lesdémonstrations pour signifier que ces populationset leurs chefs ne sont pas seuls dans les défis qu’ilsaffrontent. Mais ce n’est pas seulement l’affaire desgouvernements. En Europe, les parlements, les par-tis, les fondations politiques et les ong, sans oublierles collectivités locales, doivent aider à l’émergencede structures politiques et à l’organisation des socié-

tés civiles. Tout cela passe par la nécessité d’unenouvelle offre européenne à la mesure de l’enjeuet liée à la reconnaissance et au soutien de la tran-sition démocratique. Une offre qui doit notammentintégrer le développement de coopérations tech-niques, l’attribution plus systématique de boursesd’études pour les étudiants et les fonctionnaires duSud, ainsi qu’une plus grande souplesse dans l’octroi des visas.

ENJEU CRUCIALMais il faut aller plus loin. La démo-cratisation des rives sud et est de la Méditerranéeet au-delà de toute l’Afrique, est un enjeu stratégiquepour l’Union européenne toute entière. Il lui fautdonc admettre qu’il existe entre ces deux rives unsocle d’aspirations et de valeurs communes. Lespopulations du Sud ne cessent de réclamer leur droità l’État de droit et à l’alternance politique. L’Europedoit les entendre et accorder un soutien accru auxsociétés civiles qui, jour après jour, clament leur soifde changement et démontrent avec courage leurmaturité. De même, doit-elle prendre conscienceque la région euro-méditerranéenne a besoin d’unepolitique plus ambitieuse. Une intégration régionaleplus poussée entre les deux rives de la Méditerranéepermettrait à toute l’Europe et à l’Afrique de mieuxaffronter les défis de la globalisation.L’enjeu est crucial, les pistes sont nombreuses, c’estpourquoi nous pensons qu’il est urgent qu’unConseil européen exceptionnel soit réuni pour pren-dre la mesure de la situation au Sud de la Méditer-ranée et pour décider d’une politique de voisinageaussi ambitieuse et volontariste que celle quiconcerne les pays d’Europe de l’est. Il faut que ceConseil exceptionnel lance l’idée de politiques euro-méditerranéennes communes sur l’eau, l’énergieet la sécurité alimentaire. Un débat stratégique,auquel doit être nécessairement associée la Turquie,acteur clé de toute la région euro-méditerranéenne,sur une nouvelle approche de l’UE au Sud de laMéditerranée, démontrerait que les Européens sontà la hauteur des enjeux.En 1988, face au soulèvement de la population algé-rienne, nous n’avons pu mesurer la demande légi-time de justice, de liberté et d’alternance politique,vingt-deux ans plus tard faisons en sorte que nousne commettions pas les mêmes erreurs. Trop demorts ont montré le coût exorbitant des impassespolitiques et de la cécité internationale. L’Europedoit être au rendez-vous de ce chapitre de l’histoireméditerranéenne et mondiale que la révolution tuni-sienne est en train d’écrire. n

MouloudHamrouche ANCIEN PREMIERMINISTRE, ALGÉRIE

Denis MacShane DÉPUTÉ À LA CHAMBREDES COMMUNES,ROYAUME-UNI

Fathallah Oualalou ANCIEN MINISTREDES FINANCES, MAROC

Josep Piqué ANCIEN MINISTREDES AFFAIRESÉTRANGÈRES, ESPAGNE

Carmen RomeroLópez DÉPUTÉE EUROPÉENNE,ESPAGNE

Javier Solana ANCIEN HAUT REPRÉ SEN -TANT POUR LA POLITIQUEÉTRANGÈRE ET DESÉCURITÉ COMMUNEEN EUROPE, ESPAGNE

Hubert Védrine ANCIEN MINISTRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES,FRANCE

Réunion du Comitéde parrainagepolitique d’Ipemed.De gauche àdroite : GeorgesCorm, FathallahOualalou,AbderrahmaneHadj Nacer,Miguel AngelMoratinos, HubertVédrine, Jean-Louis Guigouet CarmenRomero-Lopez.

LA BANQUE

CENTRALE

EUROPÉENNE

COMME

LA BANQUE

EUROPÉENNE

D’INVESTISSE -MENT PEUVENT

PROPOSER DES

MÉCANISMES

DE SOUTIEN AUX

ACTEURS ET

INSTITUTIONS

ÉCONOMIQUES

TUNISIENS.

Page 8: IPEMED NEWS

l’Autorité des marchés financiers).Le Comité de parrainage politiquea également enregistré l’arrivée deplusieurs nouveaux membresparmi lesquels Miguel Angel Mora-tinos (ancien ministre des Affairesétrangères, Espagne), Iqbal Gharbi(universitaire, Tunisie), Günter Glo-ser (député, Allemagne), DenisMcShane (député, Grande-Bre-tagne), Javier Solana (ancien hautreprésentant pour la politique étran-gère et de sécurité commune enEurope), Yadh Ben Achour (anciendoyen, membre de l’Institut dedroit international, Tunisie). Par ail-leurs, Aziz Milad a démissionné deses fonctions de vice-président duconseil de surveillance tandis qu’aété suspendue l’adhésion dugroupe tts en qualité de membrefondateur d’Ipemed.

MODIFICATIONS La composition duconseil d’administration est modi-fiée. Guillaume Mortelier a quittéle conseil d’administration et ses

Le conseil d’administration(ca) d’Ipemed, réuni sous laprésidence de Radhi Meddeb,

lundi 14 mars 2011, a approuvé plu-sieurs changements au sein desorganes de gouvernance d’Ipemed.Au sein du Comité de parrainagepolitique (cpp), il a entériné ladémission d’Élisabeth Guigou de lacoprésidence du Comité. Fortement

engagée dans leprocessus euro-méditerranéen,Madame Gui-gou reste mem-bre du cpp. Leca a aussi notéles démissionsd’Alain Juppé et

Jean-Pierre Jouyet du cpp. De fait,le statut de membre du Comité deparrainage politique – qui exige dene pas avoir de responsabilités poli-tiques officielles autres qu’électives– n’est pas compatible avec leursfonctions actuelles (ministre desAffaires étrangères et président de

8 IPEMED NEWS~Mars 2011

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jean-Louis Guigou RÉDACTEUR EN CHEF : Akram BelkaïdONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Lyes Si Zoubir, Véronique Stéphan PHOTOS : Larbi Tensaouti, Jean-Michel Rillon, d.r.RÉALISATION : Patricia Jezequel, Alain de Pommereau IMPRESSION : isi Print (sur papier certifié pefc)ABONNEMENTS ET CONTACT : [email protected] ISSN 2106-8410

lettre mensuelle d’information de l’institut de prospective économique du monde méditerranéen,une association dont le but est de rapprocher les deux rives de la méditerranée par l’économie

l Ipemed a enregistré les adhésions de troisentreprises, RTE, Sanofi-Aventis, Renault,approuvées à l’unanimité par le conseil

d’administration. Ces adhésions seront effectivesaprès versement par les dites entreprises deleur cotisation annuelle et la signature du

protocole d’adhésion. IpemedNews reviendradans une prochaine livraison sur ces adhésions.

Miguel AngelMoratinosANCIEN MINISTRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES,ESPAGNE

Iqbal Gharbi UNIVERSITAIRE, TUNISIE

Günter Gloser DÉPUTÉ AU BUNDESTAG,ALLEMAGNE

Denis MacShane DÉPUTÉ À LA CHAMBREDES COMMUNES,ROYAUME-UNI

Javier Solana ANCIEN HAUT REPRÉ SEN TANTPOUR LA POLITIQUEÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉCOMMUNE EN EUROPE,ESPAGNE

Radhi Meddeb,président duconseil d’adminis -tration d’Ipemed, a été nomméadministrateurde la Banquecentralede Tunisie.

DES NOUVEAUX PARTENAIRES

fonctions de trésorier. Âgé de trente-trois ans, polytechnicien (promo-tion 1998), il assurera à temps par-tiel la direction des études d’Ipemed.Toujours au sein du ca, Éric Dia-mantis a été nommé trésorier àtitre provisoire. De son côté, JacquesOuld Aoudia, membre du collègedes administrateurs experts, a éténommé secrétaire du ca en rempla-cement de Jemal Ould Mohamed.De même, il a été entériné la coop-tation de Zineb Abbad El Anda-loussi, gérante à la Banque Rot-schild, ainsi que celle de GillesBerhault, tous deux au titre du col-lège des administrateurs experts duca d’Ipemed. Enfin, le conseil d’administration acréé une commission ad hoc, co-présidée par Bettina Laville etAbderrahmane Hadj Nacer, pourréfléchir aux modalités de fonction-nement des différentes instancesde gouvernement de l’institut. Despréconisations seront présentéeslors du prochain ca.

RTE, legestionnairedu réseaupublic detransportd'électricitéfrançais,rejointIpemed.

Ils fontdésormais partie

du Comitéde parrainage

politique…

Gilles BerhaultPRÉSIDENT D’ACIDD

Zineb AbbadEl AndaloussiGÉRANTE À LABANQUE ROTSCHILD

ÉCHOS

DU CÔTÉ D’IPEMED.

Renouvellement dans les instancesde gouvernance

NOMIN

ATIO

N

Yadh Ben AchourANCIEN DOYEN, MEMBREDE L’INSTITUT DE DROITINTERNATIONAL, TUNISIE