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C ontribution à l'évalua J. Cardinet « Du point de vue sommatif, l'école doit rendre compte des diverses acquisitions de l'élève, au lieu de le comparer aux autres ». ESPACE DES PROPOSITIONS D'ÉVALUATION Les propositions actuelles d'évaluation en sports collectifs s'ordonnent selon deux pers- pectives opposées (Laroche. Pion. 1995) : analytiques par le découpage du jeu en diffé- rents secteurs (jeu avec ballon, jeu sans la balle....). voire le découpage de la conduite du joueur selon ses composantes (mobilité, atti- tude de j e u … ) ou holistiques par la mesure de l'efficience globale du joueur à l'aide d'in- dices numériques. La première approche guidée par la recherche de l'exhaustivité aboutit à un morcellement de la conduite du joueur et une déclinaison for- melle de niveaux de réalisation dans chacune des dimensions, déclinaison généralement plus proche du jugement que de l'identifi- cation de paliers d'apprentissage. L'absence d'indicateurs simples et concrets et la multi- plicité des dimensions à observer conduisent à des outils dont on peut douter de la fonction- nalité. La seconde approche, globalisante, cherchant à préserver les effets des actions, vise « à éva- luer un niveau mettant en jeu l'ensemble des compétences attendues » (Gréhaigne. Roche. 1993) considérant qu'il ne s'agit pas de « déterminer les acquis ponctuels des candi- dats par rapport à des objectifs intermédiaires de formation ». Ceci nous semble recevable dans un idéal didactique, mais : - l'hétérogénéité actuelle de niveau au sein des classes impose de reconnaître les diffé- rentes compétences avant de procéder à l'éva- luation de leur intégration par le biais de l'éva- luation de l'efficience motrice, - à indice égal on peut trouver des profils stra- tégiques différents, donc des compétences dif- férentes n'ayant pas forcément la même valeur (volume de jeu à l'avant ou à l'arrière de l'espace de jeu effectif, jeu direct ou indi- rect, création de déséquilibre par duel ou mobilisation-fixation d'adversaire ou appel de balle en rupture....). - l'utilisation des indices dans des niveaux d'opposition non identifiés peut conduire à des résultats peu valides (par exemple la capa- cité de conservation de balle révèle des niveaux de maîtrise différents selon qu'elle s'exerce face à une défense de zone ou de type homme à homme). Il nous semble donc nécessaire en amont de cette forme d'évaluation d'expliciter les com- pétences attendues et de nous doter des moyens d'en faire la sommation. Dans cette perspective nous ne faisons pas de proposi- tions pour l'évaluation certificative, mais le lecteur pourra considérer que ce qui est pro- posé ici renvoie à la « maîtrise de l'exécution » du baccalauréat ou 1'« évalua- tion motrice complémentaire » au brevet des collèges. Nous ferons donc dans cet article deux propo- sitions : l'une relative aux données qu'il nous semble important de recueillir en matière d'évaluation dans les sports collectifs en s'ap- puyant sur la structure fonctionnelle du jeu. l'autre relative aux modalités de recueil et de traitement de ces données. LES SPORTS COLLECTIFS COMME JEUX DE RÔLES La centration sur les actions du joueur formu- lées en ternies de tâche stratégique à accom- plir est impulsée au début des années 70 par les analyses de F. Mahlo sur L'acte tactique eu jeu. La définition d'« intentions tactiques » chez C. Bayer (1983) ou la création d'une « langue de jeu » par R. Mérand (1990) pro- cèdent de ce type d'analyse. C'est à partir de ce type d'approche que nous nous proposons d'identifier des niveaux de maîtrise en sports collectifs à espaces interpénétrés en nous fon- dant sur la notion de rôle (1). Un rôle consiste en l'ensemble des actions qui sont attendues de la part d'un joueur. Comme l'habileté ces actions sont finalisées à l'iden- tique, la diversité de leurs modalités d'exécu- tion provenant de la nécessité d'adapter les moyens selon les conditions environnemen- tales. On pourrait parler de niveau d'habileté stratégique. Les rôles sont distincts des statuts (porteur, non porteur, gardien ...). établis par la règle de jeu ou une convention collective, qui définissent les droits de chacun ou des postes qui renvoient à une répartition des sec- teurs d'intervention. « Ce concept ne définit donc pas des individus mais des classes d'action motrice, propriété compatible avec le fait qu'un même rôle peut être tenu simultanément par plusieurs joueurs et que la même personne peut successivement endosser plusieurs rôles. (...) (il) renvoie à une classe de conduites motrices regroupant des actions jugées équivalentes au point de vue stratégique. Ainsi les multiples façons dont un joueur passera la balle à un parte- naire (...) seront-elles regroupées dans le même sous-rôle » (Parlebas, 1981). Le rôle est donc identifié à partir des effets pro- duits - effets qui révèlent l'intentionnalité. la signification des actions - sur l'environnement. Ici il s'agit des modifications opérées sur le sys- tème Attaque/Défense dont la dynamique est le trajet du ballon - finalisé par l'atteinte de la cible via l'espace de marque -. modifications dont l'enjeu est la recherche d'un déséquilibre en faveur de l'une de ses composantes : ce sys- tème présente des caractéristiques spatiales (gain de terrain/espace de marque, jeu dans l'axe but-but, jeu dans ou à la périphérie de l'es- pace de jeu effectif, etc..) et temporelles (prise d'avance, mise en crise de temps des défen- seurs, ou recherche de gain de temps pour soi, de diminution de la pression temporelle). 16 Revue EP.S n°266 Juillet-Août 1997 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Contribution à l'évalua J. Cardinet

« Du point de vue sommatif, l'école doit rendre compte des diverses acquisitions de l'élève, au lieu de le comparer aux autres ».

ESPACE DES PROPOSITIONS D'ÉVALUATION Les propositions actuelles d'évaluation en sports collectifs s'ordonnent selon deux pers­pectives opposées (Laroche. Pion. 1995) : analytiques par le découpage du jeu en diffé­rents secteurs (jeu avec ballon, jeu sans la balle....). voire le découpage de la conduite du joueur selon ses composantes (mobilité, atti­tude de j e u … ) ou holistiques par la mesure de l'efficience globale du joueur à l'aide d'in­dices numériques. La première approche guidée par la recherche de l'exhaustivité aboutit à un morcellement de la conduite du joueur et une déclinaison for­melle de niveaux de réalisation dans chacune des dimensions, déclinaison généralement plus proche du jugement que de l'identifi­cation de paliers d'apprentissage. L'absence d'indicateurs simples et concrets et la multi­plicité des dimensions à observer conduisent à des outils dont on peut douter de la fonction­nalité. La seconde approche, globalisante, cherchant à préserver les effets des actions, vise « à éva­luer un niveau mettant en jeu l'ensemble des compétences attendues » (Gréhaigne. Roche. 1993) considérant qu'il ne s'agit pas de « déterminer les acquis ponctuels des candi­dats par rapport à des objectifs intermédiaires de formation ». Ceci nous semble recevable dans un idéal didactique, mais : - l'hétérogénéité actuelle de niveau au sein des classes impose de reconnaître les diffé­rentes compétences avant de procéder à l'éva­luation de leur intégration par le biais de l'éva­luation de l'efficience motrice, - à indice égal on peut trouver des profils stra­tégiques différents, donc des compétences dif­férentes n'ayant pas forcément la même valeur (volume de jeu à l'avant ou à l'arrière

de l'espace de jeu effectif, jeu direct ou indi­rect, création de déséquilibre par duel ou mobilisation-fixation d'adversaire ou appel de balle en rupture....). - l'utilisation des indices dans des niveaux d'opposition non identifiés peut conduire à des résultats peu valides (par exemple la capa­cité de conservation de balle révèle des niveaux de maîtrise différents selon qu'elle s'exerce face à une défense de zone ou de type homme à homme). Il nous semble donc nécessaire en amont de cette forme d'évaluation d'expliciter les com­pétences attendues et de nous doter des moyens d'en faire la sommation. Dans cette perspective nous ne faisons pas de proposi­tions pour l'évaluation certificative, mais le lecteur pourra considérer que ce qui est pro­posé ici renvoie à la « maîtrise de l'exécution » du baccalauréat ou 1'« évalua­tion motrice complémentaire » au brevet des collèges. Nous ferons donc dans cet article deux propo­sitions : l'une relative aux données qu'il nous semble important de recueillir en matière d'évaluation dans les sports collectifs en s'ap-puyant sur la structure fonctionnelle du jeu. l'autre relative aux modalités de recueil et de traitement de ces données.

LES SPORTS COLLECTIFS COMME JEUX DE RÔLES La centration sur les actions du joueur formu­lées en ternies de tâche stratégique à accom­plir est impulsée au début des années 70 par les analyses de F. Mahlo sur L'acte tactique eu jeu. La définition d'« intentions tactiques » chez C. Bayer (1983) ou la création d'une « langue de jeu » par R. Mérand (1990) pro­cèdent de ce type d'analyse. C'est à partir de ce type d'approche que nous nous proposons d'identifier des niveaux de maîtrise en sports

collectifs à espaces interpénétrés en nous fon­dant sur la notion de rôle (1). Un rôle consiste en l'ensemble des actions qui sont attendues de la part d'un joueur. Comme l'habileté ces actions sont finalisées à l'iden­tique, la diversité de leurs modalités d'exécu­tion provenant de la nécessité d'adapter les moyens selon les conditions environnemen­tales. On pourrait parler de niveau d'habileté stratégique. Les rôles sont distincts des statuts (porteur, non porteur, gardien ...). établis par la règle de jeu ou une convention collective, qui définissent les droits de chacun ou des postes qui renvoient à une répartition des sec­teurs d'intervention. « Ce concept ne définit donc pas des individus mais des classes d'action motrice, propriété compatible avec le fait qu'un même rôle peut être tenu simultanément par plusieurs joueurs et que la même personne peut successivement endosser plusieurs rôles. (...) (il) renvoie à une classe de conduites motrices regroupant des actions jugées équivalentes au point de vue stratégique. Ainsi les multiples façons dont un joueur passera la balle à un parte­naire (...) seront-elles regroupées dans le même sous-rôle » (Parlebas, 1981). Le rôle est donc identifié à partir des effets pro­duits - effets qui révèlent l'intentionnalité. la signification des actions - sur l'environnement. Ici il s'agit des modifications opérées sur le sys­tème Attaque/Défense dont la dynamique est le trajet du ballon - finalisé par l'atteinte de la cible via l'espace de marque -. modifications dont l'enjeu est la recherche d'un déséquilibre en faveur de l'une de ses composantes : ce sys­tème présente des caractéristiques spatiales (gain de terrain/espace de marque, jeu dans l'axe but-but, jeu dans ou à la périphérie de l'es­pace de jeu effectif, etc..) et temporelles (prise d'avance, mise en crise de temps des défen­seurs, ou recherche de gain de temps pour soi, de diminution de la pression temporelle).

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TION DES COMPÉTENCES PAR M. AUBERT

Le rôle précise ce qu'il y a à faire, les effets à obtenir sans imposer les moyens qui en sports collectifs dépendent du contexte et des res­sources individuelles. En cela il évite la pers­pective formelle d'une centration sur des actions motrices déeontextualisées telle que le dribble, la passe tout en les intégrant dans une visée fonctionnelle (Marsenach. 1991). Le tableau de rôles proposé ne vise pas à l'ex­haustivité mais constitue quelques exemples d'opérationnalisation de cette approche. En effet, il est toujours possible de segmenter un rôle en sous-rôles précisant plus les condi­tions de réalisation mais équivalents à un niveau stratégique global (tirer au but par exemple). Le problème de la segmentation dépend alors du degré de précision auquel on veut parvenir dans l'identification des niveaux de jeu atteints : plus on globalise plus cela suppose des sauts qualitatifs importants pour les élèves, de plus la globalisation encourt tou­jours le risque de considérer comme équiva­lentes des choses qui ne le sont pas. Dans le rôle de « Gagne-terrain » on peut distinguer le « Pousse-ballon » qui fait avancer la balle jus­qu'à la ligne d'affrontement sans pour autant faire bouger celle-ci. de celui qui fait reculer cette ligne d'affrontement par le couloir de jeu direct (jeu pénétrant) ou de celui qui le fait par la périphérie (jeu de contournement). De même dans le rôle de « Tireur » au handball ou au basket on pourrait distinguer les tireurs de près (forte pression temporelle, faibles contraintes spatiales, risques faibles mais exi­gences de réussite élevées) des tireurs de loin (pression temporelle plus faible, contraintes spatiales importantes, risques élevés mais exi­gences de réussite moindres, du moins en milieu scolaire) ce qui représente des degrés de difficultés et de maîtrise de l'exécution dif­férents.

POUR UNE EVALUATION HIÉRARCHISÉE ET DIFFÉRENCIÉE Les propositions d'évaluation présentent sou­vent les caractéristiques suivantes : - elles appliquent à tous les mêmes critères par souci d'équité, ce qui suppose que tous aient reçus le même enseignement, donc qu'il n'y ait pas eu de différenciation pédagogique (au plan des contenus) ou que l'on en fasse fi. Dans le cas d'une différenciation de l'ensei­gnement, l'unicité de l'évaluation se fait soit au profit, soit au détriment de certains élèves. L'évaluation semble se faire comme si les élèves, leurs acquis, leur niveau nous étaient

inconnus, comme si tout restait possible le jour de l'évaluation. Or l'enseignant connaît l'élève, l'a situé tout au long de son enseigne­ment par le biais de son activité d'évaluation formative. lui a proposé des situations d'ap­prentissage ciblées, il peut donc avant l'éva­luation terminale estimer le niveau de maîtrise auquel ce dernier travaille. Dans un enseigne­ment hiérarchisé en fonction des degrés de difficultés des apprentissages proposés, l'éva­luation terminale peut se présenter comme un moment de confirmation et de validation d'un niveau qu'élève et maître ont préalablement repéré (cf. tableau 1). Le contrôle en cours de formation peut être l'occasion d'alléger les procédures d'évalua­tion terminales au lieu de les complexifter, et de mieux adapter les modalités de cette éva­luation aux caractéristiques des élèves en pre­nant appui sur les informations relatives à leurs apprentissages récents, par le biais des situations d'apprentissage qui leur ont été pro­posées et dont ils ont prouvé ou non la maî­trise (cf. tableau 2).

DEUX MODALITÉS DE TRAITEMENT DES DONNÉES ® L'échelle de rôles, hiérarchise les rôles tant en fonction de leur degré de complexité (plan décisionnel) qu'en fonction de raisons didactiques. Ils renvoient donc à des étapes de l'enseignement ne recouvrant pas toujours les étapes de maîtrise des élèves : par exemple certains sont buteurs sans (pouvoir) être distri­buteurs ou passeurs décisifs. Un niveau ne peut être attribué que si l'élève a fait la preuve de la maîtrise des niveaux précédents. Le niveau atteint permet d'accéder à une plage de notes dont le plus bas niveau correspond à la maîtrise du rôle en situation d'apprentissage et les niveaux intermédiaires et supérieurs à la maîtrise de ce rôle en situation de jeu effectif

Tableau 1. Rôles et étapes de jeu

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en fonction de seuils préétablis. Cette approche permet de positionner aisément les élèves tout au long du cursus ainsi qu'au début et à la fin du cycle. @ L e p o r t e f e u i l l e d e c o m p é t e n c e s relève d'une autre stratégie d'évaluation qui consi­dère notamment pour l'évaluation de fin de cursus qu'il faut pouvoir faire la preuve de la multiplicité des compétences de sa polyva­lence et d'un engagement diversifié dans l'ac­tivité. Cette procédure permet entre autre d'évaluer les compétences offensives et les compétences défensives, l'élève peut aussi choisir son registre de compétences (cf. tableau 3). Toutefois dans ces deux approches à domi­nante qualitative, la mesure n'est pas écartée : elle occupe une place particulière permettant de fixer des seuils de performance (Guillaume. 1994) significatifs d'une maîtrise (par exemple 2 fois passeur décisif par match). Ensuite le choix est fait de plafonner cette mesure en considérant qu'au-delà d'un certain seuil, cette performance ne témoigne plus d'un degré de maîtrise scolaire mais met en jeu à nouveau les aptitudes, les effets de contexte, les aléas de la performance. Quelle est la différence d'acquisitions entre l'élève qui réalise 5 passes décisives et celui qui en réalise S. on identifie des conditions de réali­sation différentes ? Le plafonnement de la mesure évite le classe­ment, la hiérarchisation des élèves les uns par rapport aux autres mais lui substitue une caté­gorisation qui les situe par rapport à des niveaux d'exigences institutionnelles. 11 s'agit ici de faire la sommation des acquis de l'élève sans les pondérer par ce qui n'est pas totale­ment maîtrisé (les balles perdues par exemple) ; l'enjeu est plus de s'assurer que les élèves ont acquis des compétences que de mesurer leur productivité globale.

CONCLUSION L'analyse du jeu en terme de rôles, même si elle n'est pas nouvelle, nous semble propice à la définition et l'évaluation des compétences à acquérir par les élèves en sports collectifs, les travaux plus récents, la perspective cognitiviste (Bouthier. Temprado) nous permettant plutôt d'élucider les contenus d'enseignement. La notion de rôle nous semble propre à résoudre en sports collectifs la problématique de la pro­gressivité et celle de la transversalité. D'une part ces rôles se retrouvent dans les sports col­lectifs à espaces interpénétrés, et pour la plu­part dans le rugby, d'autre part ils présentent des niveaux d'élaboration de la conduite de degrés différents dans la mesure où ils impo­sent au plan décisionnel la mise en rapport d'un plus ou moins grand nombre d'éléments du jeu dans des conditions temporelles plus ou moins fortes et des réorganisations et un contrôle moteur plus ou moins important. Le rôle exprime bien une compétence (2) puisqu'il nécessite l'intégration, au sein d'un même acte, d'une attitude (prise de responsa­bilité devant le groupe), de connaissances (les indices perceptifs ou configuration de jeu et les alternatives de solutions qui s'y appli­quent) et de savoir-faire (les habiletés

motrices de manipulation de la balle ou de transport du corps). Les rôles tenus par un joueur permettent d'éta­blir son niveau de contribution individuelle (les effets qu'il produit sur le système attaque/défense) à une performance collective (le résultat du match) elle-même située dans un niveau de performance (défini par exemple par la présence ou non dans le jeu de prati­quants scolaires ou fédéraux de niveau local, départemental ou académique/ régional). La recherche des indicateurs permettant l'identification des acquis doit se poursuivre, mais une autre piste pourrait se dessiner rela­tive à l'épreuve d'évaluation : si le match est considéré comme le seul lieu d'évaluation des compétences en sport collectif, on gagnerait peut-être à préciser la nature des problèmes qui doivent être résolus dans cette rencontre : affrontement d'un dispositif défensif particu­lier, gestion d'une avance au score ou d'un retard en fin de match, adaptation collective aux caractéristiques individuelles de l'adver­saire, gestion collective d'un surnombre-offensif ou défensif (blessure, exclusion) etc. Cette centration sur les stratégies collectives mobilisant des acquis individuels permettrait d'opérationnaliser plus complètement la dimension-coopération du groupe d'activités sports collectifs, en faisant passer les élèves d'une coopération en action à une coopération pour l'action, via l'élaboration d'un projet collectif d'antan.

M a r c A u b e r t Professeur d'EPS.

L.P. Métiers du Bâtiment. 71100 Chalon-sur-Saône.

(1) On peut se demander pourquoi étant alerté sur les bienfaits de la transversalité nous n'avons pas procédé plus tôt au ré-investissement de cette notion qui est un « classique » en volley-ball avec les rôles de réceplion-neur. passeur et attaquant ; toutefois nous avions déjà éprouvé le besoin de compléter cette trilogie pour pro­poser des rôles complémentaires et intermédiaires (M. Aubert. P. Auzeil. Quel volley-ball en EPS ?. in Didac­tique de l'EPS, n°1, CRDP Dijon. 1990). (2) « Une compétence (...) possède les caractéristiques suivantes : - la compétence s'exerce sur une situation d'intégra­tion, c'est-à-dire une situation complexe comprenant de l'information essentielle et de l'information parasite et mettant en jeu les apprentissages antérieurs ; - la compétence est une activité complexe nécessitant L'intégration et non la juxtaposition des savoirs, savoir-faire et savoir-être appris antérieurement et aboutissant à un produit évaluable qui les intègre ». DE KETELE in L'évaluateur et révolution, Paris. INRP, 1989.

Bibliographie C. Bayer, Handball, la formation du joueur, Paris, Vigot, 1983. J. Cardinet, Évaluer sans juger, Revue Française de Pédagogie, n° 88, juillet-aoùt-septembre 1989, 41-52. J.-F. Gréhaigne, J. Roche, Evaluation au baccalauréat, Revue EP.S n° 240, 1993. J.-L. Guillaumé, De l'évaluation à la notation, pour dépasser l'illusion gaussienne, Revue EP.S n° 250, 1994. J.-Y. Laroche, I. Pion, Des grilles comportementales aux indices chiffrés, Revue EP.S n° 252, 1995. J. Marsenach, Éducation physique et sportive, quel enseignement ? Paris, INRP, 1991. R. Mérand (dir.). Basket-ball : lancer ou circuler ?, Rencontres pédagogiques n° 28, Paris, INRP, 1990. P. Parlebas, Lexique commenté en science de l'action motrice, Paris, I.N.S.E.P., 1981.

Tableau 2. Un exemple d'évaluation différenciée en Terminale ВЕР

Conditions de jeu : Niveau 1 : 3 c 3,1/2 terrain en long (buts = Pleyel au mur), gardien-attaquant => pas de tir avant la ligne médiane, match de 6 mn. Niveau 2 : 5 c 5,1/2 terrain en long. 1 joueur-relanceur positionné à côté du but une balle en main qui peut être mise en jeu dès la perte du ballon, match de 6 mn. Niveau 3 : 4 c 4 + gardien, sur 1 but. terrain 15 m de large, match en 2 x 5 balles d'attaques consécutives (type « suisse »). Pour tous, évaluation sur 2 rencontres.

Tableau 3 . Évaluation en sports collectifs : deux modalités de traitement des données

Notation = 0.5 pt pour chaque prise de rôle, plafonnée à 5 pts maximum (10 prises de rôles à I issue des 2 séquences observées sauf : But = 1 pt. Interception = 1 pt. Déséquilibre offensif (Instigateur) = 1 pt.

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