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BIMESTRIEL - CENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME - N˚ ISSN 0996-9624 Maires à tout faire Maires à tout faire N E W S D ' I L L N E W S D ' I L L MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE JANVIER 2008 - N°92 - 3 EUROS MAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALE JANVIER 2008 - N°92 - 3 EUROS En Alsace, 314 communes ont moins de 500 habitants. Plongée dans le quotidien de leurs premiers magistrats à deux mois des élections municipales. En Alsace, 314 communes ont moins de 500 habitants. Plongée dans le quotidien de leurs premiers magistrats à deux mois des élections municipales.

JANVIER 2008 - N°92 - 3 EUROS Maires à tout faire

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NEWS D'ILLNEWS D'ILLMAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALEJANVIER 2008 - N°92 - 3 EUROSMAGAZINE D’INFORMATION RÉGIONALEJANVIER 2008 - N°92 - 3 EUROS

En Alsace, 314 communes ont moins de 500 habitants. Plongée dans le quotidiende leurs premiers magistrats à deux moisdes élections municipales.

En Alsace, 314 communes ont moinsde 500 habitants. Plongée dans le quotidiende leurs premiers magistrats à deux mois des élections municipales.

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2 - JANVIER 2008 - n°92 - NEWS D’ILL

SOMMAIRE

NEWS D'ILLCENTRE UNIVERSITAIRE D’ENSEIGNEMENT DU JOURNALISME

UNIVERSITÉ ROBERT SCHUMAN

11, rue du Maréchal JuinBP 1367043 StrasbourgTél : 03 88 14 45 34Fax : 03 88 14 45 35Courriel : [email protected] : cuej.u-strasbg.fr et mcsinfo.u-strasbg.frDIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Alain ChanelENCADREMENT : Alain Chanel, José-Alain Fralon, Christian Losson, Christian MassolRÉDACTEUR EN CHEF : Tiphaine ReynaudRESPONSABLE ICONOGRAPHIQUE : Louise FessardRÉALISATION : Manon Aubel, Roman Bernard, Loup Besmond de Senneville, Marion Bonnet,Sarah Brock, Pierre Demoux, Louise Fessard, Arthur Frayer, Guillemette Jolain, Dave Kou-liche, Pierre-Louis Lensel, Guilhem Martin Saint Léon, Fabien Mollon, Mathilde Morandi,Victor Nicolas, Solina Prak, Tiphaine Reynaud, Maria WimmerILLUSTRATION DE UNE : Grégoire Pierre ([email protected])INFOGRAPHIES : Fabien MollonIMPRESSION : Realgraphic, Belfort

Ma vie quotidiennede « chef » de village

La politique du porte-à-porteA Rorschwihr, les élus ne s’entendent plus

Au tribunal pour des réverbèresDialogue de sourds

« VRP » de l’intercommunalitéAvec la Com’com, « les impôts décollent »

Un petit rien les sépareLa renaissance de Bosselshausen

Ça surfe à Magstatt-le-HautPetite commune cherche grosse subvention

Auf Wiedersehen, Bürgermeister Et au milieu passe une frontière

Le club des CinqUne écharpe et des quilles

Les Marianne de Madeleine

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FaxoLa recherche, les filières, des invités, la vie des campus, le sport, les expositions,

toutes les facs d’Alsace sont dans Faxo, un magazine préparé par les étudiants du CUEJ. Podcast à télécharger sur www.radiofrance.fr .

Chaque semaine, l’actualité des universités en Alsacetéléchargeable sur le site de France Bleu Alsace

Parmi la centaine de communes que nous avons visitées, les 28 recenséesici font l’objet d’un éclairage particulier dans ce numéro.1. Kesseldorf2. Fort-Louis3. Issenhausen4. Bosselshausen5. Landersheim6. Flexbourg7. Rorschwihr8. Heidolsheim9. Aubure10. Wasserbourg11. Wildenstein12. Biltzheim13. Niederentzen14. Oberentzen

15. Geishouse16. Goldbach-Altenbach17. Sickert18. Bretten19. Bellemagny20. Eteimbes21. Saint-Cosme22. Bréchaumont23. Magstatt-le-Haut24. Brinckheim25. Stetten26. Lucelle27. Kiffis28. Tegernau

LÉGENDE

PAGES 4-5

Parité : l’Alsace à la traîneLes Diss, maire de père en fils

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JEAN-PAUL ILTIS, YvetteEhlinger ou Gérard Janus,ces noms ne vous disentpeut-être rien. Pourtant,comme Fabienne Kel-ler ou Jean-Marie

Bockel, ils sont les premiersmagistrats de leur commune.Des communes de moins de500 habitants certes – on encompte 314 en Alsace –, maisqu’il faut administrer, nuit etjour, au plus près des citoyens,seul ou presque. Pour un salaire,pardon, une indemnité symbo-lique.Dans l’ombre des élusnationaux ou desmétropoles, sou-vent ignorés desstatistiqueset desétudess o -

c i o l o -giques, ilsr ep résen ten tpourtant le premier– et souvent le seul –rouage de la République deproximité. Spécificité française,ces villages parfois minuscules,avec leur clocher et leur mairieface à face, image d’Epinal de la« France éternelle », ne sont paspour autant figés dans le passé.Câblage Internet haut débit, wifi,réseau d’assainissement d’eau à lapointe du progrès et de l’écologie :ils développent des solutions inno-vantes pour pallier leur manque deressources et investir à moindrecoût.

Face à l’isolement, les maires seregroupent. Communautés decommunes, pays, associationsponctuelles prennent le pas surles vieux découpages administra-tifs. Les frontières nationales

s’évanouissent aussi pour autori-ser, par exemple, les projetstransfrontaliers entre villagessuisses et français. Une évolu-tion fédératrice nécessaire, en-

core loin de l’exemple alle-mand, tout proche, où les trèspetites communes disparais-

sent en fusionnant. Majoritairement des hommes,

quinquagénaires ou plus, actifscomme retraités, tous ces mairestémoignent d’une expérience sin-gulière. Il y a les « pros », mairesà tout faire, qui entretiennent lescimetières, initient d’importantsprojets d’équipements et écou-

tent patiemment les do-léances. Moins dispo-

nibles, nombreuxsont ceux qui, en-

s e i g n a n t s ,a g r i c u l -

teurs ouchefs

d ’en -t r e p r i s e ,

mènent unedouble vie. Maires à

mi-temps, ils ne pourraient rienfaire sans leur secrétaire de mai-rie, véritable cheville ouvrièred’une municipalité. Enfin, il y ales déçus, découragés par les

procès à répétitions, l’inflationlégislative ou les bisbilles picro-cholines. Pour eux, l’aventures’arrêtera en mars. Là où ellecontinuera ou commencera pourd’autres.

TIPHAINE REYNAUD

DANS L’OMBRE

NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 3

8 recensées

h

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Ma vie quotidienne de « chef » de village

Il est celui qui détient les clés du destincommunal, qui se consacre, de jourcomme de nuit, au bien-être de ses admi-nistrés, souvent au détriment de sa vie fa-miliale. A quelques semaines de la fin deleur mandat, les maires se confient et re-

viennent sur leur parcours, leurs attentes etleurs espoirs déçus.

A Goldbach-Altenbach, « un score digned’une république bananière »Chef de site pétrolier à Bâle, Marcel Girardveille depuis 15 ans sur la tranquillité des252 habitants de Goldbach-Altenbach, unpetit village des Vosges. Grandes mous-taches et yeux pétillants, ce maire de 55 ansjouit d’une belle popularité. Aux munici-pales de 2001, il a réalisé le meilleur suf-frage des onze conseillers munici-paux : « 92,7%, un score digne d’unerépublique bananière ! »100 kilomètres de trajet aller-retour quoti-dien et des journées de douze à quinzeheures : Marcel Girard est responsable, ausein de la société Satram Huile, des stocksde carburants de l’Etat suisse. Au déjeuner,il lui arrive de discuter « mairie » avec lePDG de la division énergie de Bolloré, maired’une petite commune bretonne. Les dimanches d’été, il met « des cerises entonneau » en prévision de la visite du sous-préfet qui « veut distiller » sur l’alambiccommunal. Le reste de la semaine, il traiteles affaires municipales depuis son bureaude Bâle. « Ma secrétaire de mairie peut mejoindre par mail 24 heures sur 24. Je com-munique beaucoup par Internet. Si un mairea une bonne secrétaire, c’est un bonmaire ! »Présent à la mairie pour ses quatre heures depermanence hebdomadaires, Marcel Girard amanqué pour la première fois un conseilmuncipal en octobre 2007, à cause d’un dé-placement professionnel. En cas de pro-blème, ses administrés savent qu’ils peuventsonner à la porte de sa maison bleue, à côtédu Dorfhüss, la nouvelle maison communale.

A Wasserbourg, « j’ai l’impression d’êtreun larbin »Assis derrière la grande table du conseil mu-nicipal de Wasserbourg, Jean-Paul Iltis, 65ans, soupire. Maire depuis 1989, il affichesa lassitude : « Je ne sais pas pourquoi jesuis encore là. Quand je viens à la mairie,c’est avec la peur au ventre. » Pourtant, sacommune, il la connaît bien et il ne manquaitpas d’enthousiasme lorsqu’il a pris ses fonc-tions. « Je voulais servir mon village en réa-lisant des projets qui me tenaient à cœur.J’ai fait ce pour quoi on m’a élu mais à pré-sent je n’ai plus l’impression de pouvoiravancer. »Aujourd’hui, il compte les jours qui le sépa-rent de la fin de son mandat. « Ce sera unsoulagement et même une libération. »Le manque d’écoute et de reconnaissancedes autres échelons administratifs, les res-ponsabilités grandissantes et les nombreusesplaintes des administrés : voilà ce que nesupporte plus Jean-Paul Iltis. « Tout cela de-vient pesant, insiste-t-il. Dans une petitecommune, le maire est censé tout connaîtreet tout faire. C’est de pire en pire. J’ai sou-vent l’impression d’être un larbin. La fonc-

tion de maire est devenue très ingrate. » Re-traité depuis 1999, il regrette aussi que sa viefamiliale pâtisse de sa fonction électorale.« Chaque jour, je consacre plusieurs heuresà la commune, explique-t-il. Mais cela nesuffit pas, les gens nous croient à leur dispo-sition. Quelqu’un est même venu rouspéterchez moi le soir de la Saint-Etienne, alorsque je dînais en famille. Et tout ça pour unehistoire de permis de construire ! » Son suc-cesseur ? « Je me fous de savoir qui ce sera.Tout ce qui compte pour moi, c’est que je se-rai enfin tranquille... »

A Issenhausen, « ils chuchotentdans mon dos »Georges Roth, lui aussi, voulait couler uneretraite heureuse. Depuis 2001, il est lemaire d’Issenhausen, une commune de 95âmes coincée entre la plaine d’Alsace et lecontrefort vosgien. Originaire de Haguenau,il a vécu 30 ans à Strasbourg, avant deprendre sa retraite et de venir s’installer dansle village. Une dizaine d’années après sonarrivée, le constat est amer : « Dans le vil-lage, je ne suis pas aimé. Je l’ai ressenti dèsla troisième année de mon mandat. Les genssont hypocrites. Ils chuchotent dans mondos. » Issenhausen est habité par quelquesfamilles présentes depuis plusieurs généra-tions. Difficile donc, pour Georges Roth, dese faire entendre. Jamais vraiment intégré

dans la commune, il vendra sa maison enmars 2008, juste après les élections aux-quelles il ne se représentera pas.

« A Stetten, je suis maire. A Sierentz, jesuis secrétaire de mairie »Pascal Turry est à la fois maire de Stetten etsecrétaire de mairie à Sierentz. « Secrétairede mairie, c'est mon métier tandis que mafonction, c'est maire », explique-t-il. Mêmes'il y a des similitudes, les deux tâches n'ontpas grand chose en commun : « D'un côté, jesuis maire d'un village de 300 personnes, etde l'autre, je dirige une équipe de trente em-ployés municipaux pour gérer une ville de3000 habitants. » Sa fonction de maire luidemande beaucoup de présence sur le ter-rain : « Je me suis déjà déplacé un dimancheaprès-midi pour des nuisances sonores », ra-conte-t-il. En tant que secrétaire de mairie,au contraire, il chapeaute les différents ser-vices sociaux, financiers, d'urbanisme, etc.,un véritable travail de bureau.Après des journées de dix heures, ce père dedeux enfants consacre en partie ses soirées àsa municipalité. « Je gagne beaucoup detemps grâce à mon poste de secrétaire demairie, car je sais comment remplir des do-cuments administratifs. » Autre avantage : ils'inspire de ce qui marche à Sierentz pour sacommune. Pascal Turry est entré commeconseiller à la mairie de Sierentz en 1983, à

630 eurosde « salaire »

mensuel

Le mairede chaque communefrançaise

touche uneindemnitémensuelle

dont le montant varie selonle nombre

d’administrés.Dans

les villages de moins de

500 habitants,le premier élu

reçoit ainsi632,85 euros

par moismaximum,

contre une indemnité

de 5397,83euros pour

ses pairsà la tête

des communesde plus de

100 000habitants.

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Administrer une petite commune, c’est d’abord jongler entre travail, mandat et vie personnelle. Certains s’y épanouissent, d’autres jetteront l’éponge en mars.

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De gauche à droite et de haut en bas : Geneviève Foltzer,dans le salon de la mairie de Wildenstein sous la neige;Guy Callegher, maire de Kesseldorf, sous les portaits desanciens présidents de la République; Marcel Girardprépare l’alambic communal de Goldbach-Altenbachpour rendre service au sous-préfet; Jean-Paul Iltis, lui,n’attend qu’une chose : la fin de son mandat à la tête duvillage de Wasserbourg.

l'âge de 21 ans. Trois ans plus tard, il devientdirecteur général des services d'une com-mune voisine, puis revient à Sierentz en1988, où il accède au poste de secrétaire demairie. A l'entendre, c'est presque par hasardqu'il est élu à la tête de Stetten en2001 : « On m'avait proposé de devenirconseiller municipal en 1995. Je me suis dit :pourquoi ne pas passer le cap ? » A 45 ans,le plus jeune maire de la communauté decommunes du pays de Sierentz sera candidataux municipales de 2008. Et n'exclut pas dedevenir maire d'une plus grosse communedans le futur.

A Flexbourg, « ne pas être Alsacienneest un avantage »En mars, Elisabeth Vierling achèvera sonpremier mandat aux commandes de Flex-bourg. Cette ancienne prof de biologie, Pari-sienne d’origine, s’est installée au villagepour suivre son mari. « Ne pas être Alsa-cienne est un avantage : je n’ai ni clan, ni ti-raillement, explique-t-elle. Je n’ai pasd’amis d’enfance pour qui je prendraisparti. » Et pourtant, il lui a fallu devenir Al-sacienne. Etudier l’histoire du village. Sadernière grande action : l’édition d’un livretsur l’église du village.Et puis il faut faire siennes les spécificités dela région. « Je ne parle pas l’alsacien, maiscela ne me pose aucun problème. Sauf

quand je vais rendre visite aux deuxdoyennes du village. Mais prenez le 11 no-vembre, par exemple. A Paris, on rédige undiscours qui doit être lu par tous les mairesde France. Mais c’est sans tenir compte del’Alsace ! » Et de rappeler que les Alsaciensmorts pendant la Première Guerre mondialesont tombés du côté allemand.

A Wildenstein, « il faut être assistantesociale, agent d’entretien... »Après vingt-quatre ans et quatre mandats àla tête de Wildenstein, la chose publique n’aaujourd’hui plus beaucoup de secret pourGeneviève Foltzer. « Quand j’ai commencé,je ne savais même pas ce qu’était la gestioncommunale. » Elle est arrivée en plein hiver1979 dans ce village de la vallée de la Thurpour suivre son mari forestier et seule sonabsence d’accent trahit aujourd’hui ses ori-gines savoyardes. En 1983, lorsque le précé-dent maire décide de ne pas se représenter,aucun des 211 villageois ne veut le rempla-cer. « Je n’en avais pas particulièrement en-vie, mais j’ai été tellement démarchée quej’ai fini par accepter », glisse-t-elle avec unpetit sourire timide. Alors enceinte, elle estélue – « J’ai été maire et mère dans la mêmesemaine » – et se retrouve confrontée à cettenouvelle tâche, seule, puisque « l’ancien se-crétaire de mairie a arrêté en mêmetemps ».

Son « sacerdoce » peut alors commencer.« J’ai découvert le goût des nuits blanches,réveillée parce qu’il neige ou pour un coupde frein trop brusque dans la descente ducol, quand il faut aller constater une sortiede route. J’ai aussi appris à être assistantesociale, agent d’entretien... » GenevièveFoltzer n’a pas d’emploi, « pas le temps ».Conséquence : sa mairie est l’une des seulesà être ouverte du lundi au vendredi, de13h30 à 16h30. Une petite dizaine de per-sonnes passent chaque après-midi, « parfoisplus quand il pleut et qu’ils ont besoin deparler ». De tout, de rien, du prochain tour-noi de belote, de la chasse ou du temps qu’ilfait.Pour l’aider, elle peut compter sur lesconseillers municipaux, qui s’impliquentdans les travaux de la commune, et sur lesappels aux habitants pour des journées detravaux collectifs. Souvent courtisée pour lesélections régionales, elle a toujours déclinél’offre, afin « d’être toujours présente dansla commune ». Mais le dévouement et lapassion ne suffisent pas éternellement, et ellene briguera pas de cinquième mandat,« pour pouvoir faire ce que je n’ai pas pufaire pendant 25 ans. » Ce que sa longue ex-périence lui a appris ? « A relativiser tous lespetits soucis, les querelles. A être philo-sophe. »

A Kesseldorf, « le village natalde ma femme »Guy Callegher, 72 ans, est arrivé à Kessel-dorf pour une histoire de cœur. « Je suisvenu m’installer ici dans les années 1960car c’était le village natal de ma femme », sesouvient-il. Un village qu’il a fait sien, aupoint d’en devenir le premier magistrat unjour de mars 1977. « Je suis Mosellan, né demère italienne, avec une formation detailleur de pierre. J’ai fini à Kesseldorf, tra-vaillant à Rastatt en Allemagne dans l’ar-mée française. » Il briguera son sixièmemandat au printemps.

A Heidolsheim, « le village stagnait, il fallait que ça bouge »« Faire venir les jeunes pour que le villageavance », c’est la devise d’Alex Jehl, nou-veau maire de Heidolsheim, un village de450 habitants situé en bordure de nationale,entre Marckolsheim et l’Allemagne. Assissur un petit bureau, ce moustachu aux che-veux courts est fier de son bilan : sa com-mune a gagné presque cent habitants depuis1999. Alex Jehl a débuté son combat pouraccéder à la mairie en 1989. Il avait alors 27ans. « Le village stagnait, explique-t-il.80% des conseillers étaient en place depuis1983. Il fallait que ça bouge. » Son espritrebelle énerve ses adversaires : « J’étais labête noire. » Il est pourtant élu conseillermunicipal. Sur un tract distribué à la population, AlexJehl promeut son projet : créer un bulletincommunal, abaisser les taxes, bâtir une salleassociative et une nouvelle école, actuelle-ment en construction. En 2001, il parvientenfin à réaliser son but : il est élu maire. Ilcrée un site Internet intitulé « Fan de Hei-dolsheim », sur lequel il apparaît avec sesadjoints, à côté du slogan : « des genscomme vous et moi ».

TEXTE :LOUP

BESMOND DESENNEVILLE,

LOUISEFESSARD,ARTHURFRAYER,

GUILLEMETTEJOLAIN,

PIERRE-LOUISLENSEL, VICTOR

NICOLAS, TIPHAINE

REYNAUD,MARIA

WIMMER

NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 5

e de « chef » de villagendat et vie personnelle. Certains s’y épanouissent, d’autres jetteront l’éponge en mars.

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ENCLAVÉE au milieu d’une forêtde conifères, à quelques enca-blures du château du Haut-Koenig-sbourg, Thannenkirch rencontredes soucis avec ses reverbères.Pascal Bosshardt, 50 ans, à la tête

de cette commune touristique de 449 ha-bitants, se retrouve devant le juge à lasuite d’une plainte déposée par un habi-tant, très critique sur l'allure et la couleurbordeaux des nouveaux lampadaires ins-tallés devant chez lui.

Au tribunal pour des réverbèresDepuis les lois de décentralisation de 1982, les maires sont confrontés à une législation de plus en plus contraignante. Certains, écœurés, ne se représenteront pas. D’autres se résignent.

QUAND Yvette Ehlinger sesouvient de cette journéede 2000 qui a vu sa maison

détruite par les flammes, leslarmes lui montent aux yeux.La maire de Geishouse, com-mune de près de 500 habitantssituée sur les contreforts de lavallée de la Thur, a saisi cetteoccasion pour exercer de pleindroit sa mission de sécuritépublique.

Composer avec les conflits.Elle recrute l’adjudant MichelArnold, pompier professionnel,en tant que chef de corps. Dansla foulée, elle fait voter l’agran-dissement de la caserne etl’achat d’un nouveau camion

d’intervention. « Les mairesn’ont pas forcément consciencede l’importance d’avoir despompiers dans un petit village.Moi, je le sais, et je peux m’ap-puyer sur quelqu’un decompétent », affirme-t-elle.A Geishouse, tout le mondese connaît, et amis ou pa-rents n’habitent jamais àplus de quelques centainesde mètres. Une proximitéet une intimité parfois dif-ficiles à gérer pour l’élue,qui doit sans cesse compo-ser avec les conflits. Le mairerechigne parfois à jouer le jugede paix. « Au début, c’est diffi-cile d’être seule devant quel-

qu’un qui est en colère. Maismaintenant, je suis habituée et jesuis carrée, même si c’est moncousin ou mon tonton. » Quandla situation dégénère, ou devient

trop complexe, elle « lesenvoie au tribunal de

Thann ».Une constante remise en

question. Parmi les obliga-tions méconnues du maire, lapose du bracelet d’identifica-tion mortuaire est l’une desplus éprouvantes. Yvette Ehlin-ger se souvient de la mort de

son père. « J’ai d’abord réagien tant que maire. J’ai fait mondevoir et ensuite seulement j’aipu pleurer. »

« Est-ce que j’ai bien fait de les marier... »« Couteaux suisses » de la République, les élus sont à la fois pompiers, juges de paixet médiateurs. A Geishouse, Yvette Ehlinger a appris à concilier ces différentes fonctions.

Les lois et les règlements sont les mêmes pour toutle territoire national. Il y a cependant quelques ex-ceptions en Alsace-Moselle en raison du droit local.« Par exemple, explique René Danesi, maire deTagsdorf et président de l’association des maires duHaut-Rhin, si un conseiller municipal n’assiste pasà cinq conseils sans excuse, cela peut lui coûter saplace. » La procédure est simple : après constata-tion des absences, le maire peut exclure l’élu fautifpar courrier.Dans ce cas, le conseiller renvoyé n’est pas forcé-ment remplacé. « Tant que le conseil municipalcompte au moins six membres, il n’y a aucun pro-blème légal », précise André Deneuville, maired’Appenwihr. Or, le plus souvent, les conseils mu-nicipaux des petites communes comptent onze élus.Si le conseil décide le remplacement, il doit choisirle nouveau conseiller parmi les personnes présentessur les listes mais non élues lors des élections mu-nicipales précédentes. S’il n’y avait qu’une liste etque tout le monde a été élu, un nouveau suffragepeut être organisé.

PIERRE-LOUIS LENSEL

Cinq absences, et c’est l’exclusion

Le riverain, un agent immobilier, reprocheà la municipalité de ne pas avoir eu l'avalpourtant indispensable des Monumentshistoriques pour ces travaux, qui concer-nent un « site classé ». « Même la Direc-tion départementale de l’équipement,pourtant maître d'œuvre du chantier, nesavait pas qu'il fallait obtenir cette autori-sation ! », se défend Pascal Bosshardt.Il a été mis en examen le 12 juin pour in-fraction au code de l'urbanisme. Bien quele parquet ait requis un non-lieu, le maire,écœuré, ne briguera pas un second mandat.

Des dizaines de lois chaque année. Duvignoble au Ried, de l’Alsace bossue à lavallée de Munster, ils sont des dizaines,comme Pascal Bosshardt, à être confron-tés à un cadre juridique de plus en pluscomplexe. Des histoires de procès que lesmaires vous racontent avec passion. Unpeu comme si le ciel leur tombait sur latête. Depuis 1982 et les lois de décentrali-sation, les édiles sont confrontés à de plusen plus de responsabilités. Législation eu-ropéenne, lois nationales, décrets, règle-ments : autant de textes qu’ils doiventconnaître en détail.Pour réduire le risque d’être mis en cause,les maires multiplient les arrêtés munici-paux. A Issenhausen, village de 95 âmessitué dans le Kochersberg, Georges Rothest actuellement en procès pour avoir dé-cidé de couper des arbres qui gênaient lavisibilité aux abords d’un carrefour. Unemesure déplaisante pour la propriétairedesdits arbres, qui a porté plainte. « Ils’agit d’une disposition de sécurité pu-blique, se défend le maire. S’il y a un ac-cident, cela retombera sur la commune. »Pour s’informer des nouvelles réglemen-tations, les élus épluchent journaux offi-ciels et bulletins en tous genres. « Ce quipèse le plus, aujourd'hui, ce sont les rè-glements », explique Alice Morel, mairede Bellefosse, un village des Hautes-

Vosges de 135 habitants. « Les normeschangent sans cesse. Jusqu’à il y a cinqans, il existait des modalités spécifiquespour l’assainissement individuel. Aujour-d’hui, ça a changé et il faut mettre tout levillage aux normes. Dans ce cas, on a jus-qu’au 31 décembre 2012. »Face à cette avalanche de décrets, certainsmaires craignent l’immobilisme. « Quandles projets risquent de stagner, je les faisquand même avancer. Puis je régulariseaprès coup. Quitte à être à la limite de la

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NEWS D’ILL - n°92 - JANVIER 2008 - 7

CE mercredi après-midi, ils sont cinq adolescentsde 14 et 15 ans, à discuter dans le froid, sousl’abribus qui longe la route. Ils ne mâchent pas

leurs mots à l’encontre de leur maire, un hommedont ils ne connaissent même pas le nom. « On ne levoit jamais ! Il ne fait rien pour nous. »A Biltzheim, pas de bar, et très peu de buspour Colmar. L’abri en béton est le seul lieu oùils peuvent se réunir. Assise sur un casque demoto, Mélanie s’insurge : « On nous a enlevéles bancs de l’arrêt de bus, et on a nulle partailleurs où aller. » « On préfèrerait peut-êtrenous voir rester chez nous devant la télé ? »,suggère Arnaud.A quelques dizaines de mètres de là, la mai-rie. Juste en face, la maison du maire. GilbertVonau, 58 ans, se veut ouvert au dialogue. Il re-connaît un certain malaise avec la quinzained’adolescents de ce village de 334 habitants :« C’est un vrai sujet de préoccupation. La se-maine dernière, mon adjoint est allé les voir, et ças’est mal passé. » Rendez-vous a tout de mêmeété pris entre les élus et les jeunes, pour discuterde leurs revendications. « Même si on ne répon-dra toujours qu’à un dixième de leursattentes… », concède Gilbert Vonau.

Incompréhension des adolescents. La ques-tion d’un foyer n’est plus à l’ordre du jour. « J’enavais moi-même créé un quand j’étais adjoint,mais j’ai dû le fermer en 1998. Le billard avait étésaccagé et le plafond du local était rempli detrous. Ma préoccupation, c'est qu’un local ne de-

vienne pas un lieu de débauche. S’il y a un pro-blème, c’est ma responsabilité qui est engagée. »De quoi nourrir l’incompréhension des adoles-cents. « Ils ont détruit le terrain de basket pour yconstruire une maison. On a fait une pétition pour

avoir un skate-park, mais au lieu de ça, lamairie a installé une aire de jeux pour en-

fants où on n’a même pas le droit d’aller.Et les seules activités ici, c’est du genre pé-

tanque… », soupire Harold, une bouteille decoca vide à la main.

Un mal-vivre qui ne dure pas. Pourtant, lemaire de Biltzheim a en tête une série de pro-jets. Il pense à « un local informel, sous formede cabane construite par les jeunes eux-mêmes,à condition que cela soit un espace ouvert et ac-

cessible à tous ». La commune a déjà acquis un terrain qui pour-

rait accueillir cet aménagement. Plus ambitieux,un projet de « terrain de loisirs » partagé avec levillage voisin, Niederentzen, est aussi envisagé.Mutualiser les moyens permettrait de voir plusgrand, en construisant par exemple le skate-parktant désiré.Face à ce qu’il nomme « le mal-vivre de l’adoles-cence », Gilbert Vonau se sent impuissant. Mais ilsait que cela ne dure pas : « L’autre jour, un jeunede 22 ans, qui a acheté un terrain sur Biltzheim,m’a avoué : “Qu’est-ce qu’on était con à cet âge-là !” »

MANON AUBELFABIEN MOLLON

A Biltzheim, les relations entre le premier élu de la commune et les jeunes sont un éternel malentendu.

Dialogue de sourds

légalité », tranche Pierre Lutman, mairede Fessenheim-le-Bas. Les administrésdeviennent, eux aussi, de plus en plus exi-geants. « Les citoyens demandent aumaire d'appliquer les textes, toujours plusnombreux, explique Jean Muckensturm, ledirecteur juridique du conseil général duBas-Rhin. Par exemple, avec la médiati-sation de la loi sur les chiens dangereux,les administrés demandent au maire d’as-surer leur sécurité. »

2500 requêtes chaque année. Les ad-ministrés n’hésitent plus à aller devant lestribunaux. A Riedwihr, au nord-est de Col-mar, Bertrand Dirninger se bat pour queles 382 habitants du village profitent de lasonnerie des cloches de l’église. Un rive-rain les a jugées trop assourdissantes et aporté plainte contre la commune, avec lesoutien d’une association de lutte contre lebruit. Une réaction que le maire ne com-prend pas : « Chaque heure est annoncéepar les cloches de cette église, c’est unusage immémorial. Je ne comprends pasqu’on fasse intervenir une associationmulhousienne. Nous sommes très attachésà nos traditions. »Les procès s’accumulent, et la solitudepèse dans la charge des élus. « Depuis queje suis maire, j’ai été devant le tribunal ad-ministratif à trois reprises, explique AndréDeneuville, maire d’Appenwihr. En 1995,j’étais un jeune maire, je ne savais rien etje me suis formé seul. Pendant ces procès,je n’ai reçu aucun soutien. J’ai dû me tour-ner vers mon assurance pour avoir un avo-cat. »Environ 2500 requêtes arrivent chaque an-née sur le bureau des sous-préfets alsa-ciens, qui conseillent les élus dans leurs dé-marches juridiques. Parmi elles, beaucoupviennent des petites communes, qui ne sontpas dotées de services spécialisés.

GUILLEMETTE JOLAINLOUP BESMOND DE SENNEVILLE

La fonction se révèle doncbeaucoup plus poignante quene le laisserait supposer la pu-blication des arrêtés munici-paux régissant l’heure de tontedes pelouses, le stationnementou les chiens en liberté. Et de-mande une constante remise enquestion. Les mariages sontpour Yvette Ehlinger un autresujet sensible, surtout quand cesont des jeunes qu’elle connaît.« Est-ce qu’ils vont rester en-semble ? Est-ce que j’ai bienfait de les marier ? » Elle s’ap-plique pourtant constamment àgarder la distance qui sied à safonction de maire.

LOUISE FESSARDTIPHAINE REYNAUD

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Tous les mercredis, des adolescents de Biltzheim se réunissent sous l’abribus, à quelques pas de la maison de Gilbert Vonau.

réverbères à une législation t pas. D’autres se résignent.

les marier... »ompiers, juges de paixer ces différentes fonctions.

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La politique du porte-à-porte

AU dernier recensementeffectué par la secrétairede mairie, Geishouse,dans les Vosges alsa-ciennes, dépassait les500 habitants. Un seuil

qui signifie normalement le pas-sage de onze à quinzeconseillers municipaux. Augrand soulagement du maire,Yvette Ehlinger, le nouveauchiffre ne sera pas pris encompte pour les élections muni-cipales de mars : « Trouver onzeconseillers municipaux, c’estdéjà difficile, alors quinze ! »Yvette Ehlinger, 50 ans, a faitses comptes : la moitié de sonéquipe ne se représente pas. Illui faut trouver cinq nouveauxcandidats. Elle a élaboré « uneliste de femmes et d’hommeschez qui on peut aller frapper. »Ce soir d'octobre, elle a juste-ment rendez-vous chez un can-didat potentiel et se prépare plusà convaincre qu’à argumenter.

Programme en deux mots.Les élections dans les petits vil-lages alsaciens se jouent en effetsur des relations personnellesplus que sur des sensibilités poli-tiques. Faire du porte-à-porte,respecter la proportion des diffé-rentes populations : voilà le lotde la tête de liste en campagne.D’autant plus que les pro-grammes sont rarement sujets àpolémiques. En 2001, l’essentieldu programme de Marcel Girard,élu de Goldbach-Altenbach, 252âmes, tenait en deuxmots : aménagement (d’unemaison communale) et rénova-tion (de l’extérieur de la mairieattaquée par un champignon, lamérule). Dans ces villages oùtout le monde connaît tout lemonde, les clivages traditionnels

de la politique nationale perdentde leur importance. « On ne rai-sonne pas en terme de gauche-droite », dit Roger Gaugler, pre-mier magistrat de Sickert, dansla vallée de la Doller. La plupartdes édiles, par frilosité ou pardésintérêt, refusent de se pro-noncer en faveur de telle ou telleformation politique.

« Entretenir le consensus. »« Cette volonté de ne pas s’im-pliquer relève de l’hypocrisie etdu manque de courage », estimeGuy Callegher, 72 ans, locatairede la mairie de Kesseldorf de-puis 30 ans. Longtemps déléguéRPR du canton de Wissem-bourg, il est encarté à l’UMP et

Les élus préfèrent passerleurs convictions poli-tiques sous silence pourprivilégier le consensus et les enjeux locaux.

A Rorschwihr, les élus ne s’entendent plus

Yvette Ehlinger ne digère tou-jours pas la fronde menée par« trois méchants qui [l’]embê-tent et qu’[elle a] repérés depuis1996. Ils sont systématiquementcontre ce que l’on fait. On vou-lait transformer une friche en

pâturage : ils ont créé un comitéde défense en allant jusqu’à direqu’ils aimaient y entendre lessangliers. » Des sujets qui fâchent ? « Jemets tout de suite un frein auxdiscussions car il ne faut pas ou-blier qu’on est là avant tout pourles gens du village », répond Lu-cien Richard, maire de Magny,village de 188 habitants prochede la Franche-Comté. Sonconseil municipal regroupe aussibien des sympathisants du Frontnational que de l’extrême-gauche. « Si on veut parler depolitique, on attend la fin duconseil. »

Séisme au sein du conseil.En revanche, à l’heure des par-rainages pour l’élection prési-dentielle, les maires des petitescommunes hésitent moins às’engager. Et pour cause : « Unesignature n’est pas un vote ! »,s’exclame Lucien Richard. Il estun des maires qui ne se priventpas de parrainer un candidat. En2001 et en 2007, sa signature estallée grossir le nombre des sou-tiens recueillis par Jean-MarieLe Pen. Un geste qu’il justifiepar un souci de pluralisme dé-mocratique : « Je ne suis pasd’extrême-droite, mais j’estimeque tous les candidats doiventêtre présents. » A Magny, « de-puis 20 ans, près de 80 % de lacommune vote Le Pen », affirmeLucien Richard, qui vise sa ré-élection en 2008. « C’est sûr quesi j’avais parrainé Arlette La-guiller, j’aurais eu droit àquelques remarques de la partde mes administrés. » Pour d’autres, le retour de mani-velle est beaucoup plus violent.A Wasserbourg, 473 habitants,dans le canton de Munster, l’an-nonce du parrainage de Jean-Paul Iltis en faveur de Jean-Ma-rie Le Pen a provoqué un séismeau sein du conseil municipal.« Trois conseillers se sont mis encolère », raconte cet élu, déçu dela politique et certain de ne passe représenter en mars. « L’und’eux a même quitté la réunionet démissionné sur le champ. »

MARION BONNETPIERRE DEMOUXLOUISE FESSARDDAVE KOULICHE

Ala tête de l’unique liste, Marie-LineKreyer a été élue maire de Rorschwihr,372 habitants, en 2001. Cette ensei-

gnante de 50 ans n’imaginait pas devoir com-poser avec une opposition.Pourtant, après deux ans de mandat, ses rela-tions avec les conseillers municipaux se sontpeu à peu envenimées. « Ils n’ont pas com-pris que le rôle du conseil municipal n’estpas de commander le maire. Pour eux, j’au-rais dû être le pantin qui exécute, mais je neme suis pas laissée faire », explique Marie-Line Kreyer. Objet de la discorde : la rénova-

tion de l’école, réalisée au cours des deuxderniers étés. « Nous avons été de moinsen moins conviés aux réunions de chan-tier, où le maire ne nous laissait pas nousexprimer. Elle est très autoritaire », af-firme Jean-Marie Eichholzer, membre duconseil municipal.La crise a atteint son apogée fin mars2007 lorsque sept conseillers ont refuséd’adopter le budget primitif. « C’étaitla seule manière d’arrêter le passageen force de madame le maire », assure leconseiller. Le sous-préfet de Ribeauvillé a

tenté d’apaiser les tensions en recevantchez lui Marie-Line Kreyer et ses

opposants, sans succès. Aucun voten’étant intervenu avant le 15 avril

2007, date légale butoir, le préfet duHaut-Rhin a saisi la chambre régionaledes comptes. Celle-ci a décidé du budget

courant de la commune fin mai.Découragée par « les conditions de travaildifficiles » qu’elle a connues au cours deson mandat, Marie-Line Kreyer ne se re-présentera pas en mars 2008.

GUILHEM MARTIN SAINT LÉON

ne s’en cache pas : « J’ai tou-jours été gaulliste et je n’ai ja-mais changé de cap, assène-t-il.Ceux qui se disent sans étiquettementent, ils tiennent avant tout àne pas prendre parti, à entrete-nir le consensus. » Est-il pour

autant plus facile de gérer unemunicipalité en gardant sa neu-tralité ? Sans camp politique éta-bli, il n’y a ni consigne de vote,ni solidarité partisane. « Dans nos petits villages, la ré-partition définie entre majoritéet opposition comme dans lesgrandes villes, n’existe pas »,explique Thierry Roy, élu en2001 à la tête de Bellemagny, àquelques kilomètres du Terri-toire de Belfort. Ce dernierajoute : « La majorité changesur chaque sujet. Il fautconvaincre tout le monde àchaque fois. » Quand plusieursélus se joignent pour former unedissidence affirmée, cela sepasse plutôt mal. A Geishouse,

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La chambre régionale des comptes a décidé du budget de la commune.

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Parité : l’Alsace à la traîne

ELLE n’avait pas le profilidéal pour être maire,d’autant plus dans unepetite commune d’Al-sace. Mais ElisabethVierling a su combattre

les préjugés. Ancien professeurde biochimie aujourd’hui retrai-tée, elle arrive à Flexbourg en1985. En 2001, elle devientmaire des 484 habitants de cepetit village viticole du Bas-Rhin, au pied des collines sous-vosgiennes.En Alsace, sur 904 communes,60 sont administrées par desfemmes (38 dans le Bas-Rhin,22 dans le Haut-Rhin), soit6,6% (10,9% à l’échelle natio-nale). « Je ne pensais pasqu’être maire serait plus diffi-cile que d’être prof. Il m’a fallu

cinq ans pour m’imposer. Dansl’Education nationale, il n’y apas de sexes, j’ai découvert lespréjugés avec ce métier, assureElisabeth Vierling. La sociétéfrançaise, et plus particulière-ment alsacienne, considère queles femmes ne sont pas compé-tentes. Les gens attendent tou-jours que l’on montre ce quel’on peut faire, ils ont un apriori négatif. »

Faire des choix. A Gold-bach-Altenbach, commune duHaut-Rhin de 252 habitants, surles 11 conseillers municipaux,une seule femme est élue. Lemaire, Marcel Girard, explique :« Leur temps est toujours pluscompté : le travail, en plus desenfants à garder, et du ménage à

faire ! Mais je dirais que la plu-part du temps, elles sont pluspragmatiques et ont plus d’en-durance. » Anne-MarieWies, 52 ans, maired’Eschwiller, est laseule femme élue à latête d’une commune enAlsace Bossue. Elle sesouvient avoir eu « desmoments difficiles aucours de ce mandat.Être maire, c’est un durcombat à mener ».Elisabeth Vierling estaujourd’hui fière des’être investie. « C’estun métier passionnant et usanten même temps. Il n’est pastoujours facile de concilier safonction avec sa vie defamille. » A la demande de son

ALandersheim, être maireest une affaire de famille.« Nous sommes des des-

cendants de bourgmestresdepuis la Révolution »,assure Jean-Marc Diss,qui, à tout juste 40 ans,achève son deuxième man-dat. Veste en velours, voixgrave, ce fils de maire nerougit pas d’avoir pris larelève paternelle. « Sil’héritage de mon pèreavait été un poids, j’auraisrefusé de lui succéder »,soutient-il. D’autant que c’estgrâce à ce dernier, XavierDiss, agriculteur, et maire de1959 à 1995, que la communea si fière allure. Ne s’était-il

mari, elle a renoncé à son posteà la Chambre de consommationd’Alsace. Elle ne regrette pas

ce choix et compte se re-présenter aux électionsmunicipales. « Ce quime plaît dans cette acti-vité, c’est de voir la pro-gression au cours d’unmandat : la mise enplace du regroupementscolaire, d’une salle in-formatique… » Elisa-beth Vierling n’a qu’unseul regret : le manquede reconnaissance.« C’est vrai que je m’at-

tendais à avoir plus de remer-ciements », dit-elle, un peu dé-çue. Malgré tout, l’élue a encoreplein de projets en tête.

SOLINA PRAK

Moins de 7% des communes alsaciennes sont administrées par des femmes.Deux d’entre elles racontent les difficultés de leur parcours.

pas battu en 1967 pour que lesiège d’Adidas France s’im-plante sur le ban communal ?

Cette installation avaitpermis à Landersheim

d’autofinancer ses tra-vaux d’aménagement

grâce à la taxe profession-nelle.

Maire de père en filsdonc – le grand-père occupaitdéjà la fonction pendantl’entre-deux-guerres – lesDiss, se transmettent plus

qu’un titre : « Mon père m’alégué un savoir-faire », reven-dique Jean Marc Diss, le fils.« Il y a certaines choses innéeschez lui, des règles qu’ilconnaît », confirme Denise

Tanton, la secrétaire de mai-rie. Pris dans l’engrenage peuavant 28 ans, alors qu’il se-condait son frère aîné au se-crétariat de mairie, cet infor-maticien est soutenu dans satâche par sa famille. « S’il avraiment un problème, il vademander à son père », lanceAlain Pfister, 57 ans, villa-geois et ancien chauffeur depoids-lourd à la retraite.

Vers une fin de règne?Mais une ombre plane sur lasuccession des Diss. Candidatsans adversaire, Jean-MarcDiss est devenu maire par laforce des choses. « Personned’autre que lui ne voulait se

présenter aux dernières élec-tions municipales, c’est tropde travail, il faudrait être làtous les jours », rappelle AlainPfister, lui même ancienconseiller municipal. Jean-Marc Diss annonce pourtantque 2008 sera sa dernière élec-tion. « Trois mandats à la ri-gueur, mais après j’arrête »,répète ce dernier, actuellementcélibataire. La fin de la dynas-tie Diss est annoncée. A moinsque l'un des autres descen-dants refuse in extremis devoir l’écharpe tricolore s’en-voler de l’armoire familiale :quatre frères sont encore pré-sents dans le village.

MATHILDE MORANDI

Anne-Marie Wies, 52 ans, maire de la commune agricole d’Eschwiller, est la seule femme à avoir été élue en Alsace Bossue.

A Landersheim, les héritiers d’une lignée d’élus continuent à se passer le flambeau.Les Diss, maire de père en fils

« Les gensattendenttoujoursque l’on

montre ceque l’on

peut faire,ils ont

un a priorinégatif. »

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touche à l’éducation, surtoutdans la haute vallée où « il y aun déficit d’enfants pour gar-der ouverte une école danschaque commune, déplore-t-il. A Sickert, il n’y a plus quesept élèves alors que le seuilexigé est de neuf ». La solu-

tion : un RPI – re-groupement pédago-

gique intercommunal– entre huit communes

qui conserveront leurécole, chacune dévolue à

une seule classe. Le rai-sonnement est similairepour le sport et les activi-

tés culturelles : chaque vil-lage a sa propre salle, puis,

ceux qui veulent évoluer àplus haut niveau, sont orientésvers des structures intercom-munales moins nombreuses,mais plus importantes. « C’estune logique pyramidale », ré-sume Roger Gaugler.Autre domaine où le rassem-blement est particulièrementintéressant, le tourisme. Danscette région de montagne, deforêts et de lacs, la promotiontouristique, notamment àl’étranger, ne peut se limiter à

10 - JANVIER 2008 - n°92 - NEWS D’ILL

« VRP » de l’intercommunalitéments économiques ces der-nières décennies. « Dans lesannées 1960, 1970 et 1980, ona pris de plein fouet la crisedes usines textiles. Et une pe-tite commune ne peut pas touteseule pratiquer une politiqueindustrielle, sociale ou cultu-relle, alors qu’on le peut en-semble. Grâce à l’intercom-munalité, on s’est battupour redonner aux gens lesservices dont ils ont besoin. »

Internet haut débit. A l’actif de la mise en com-mun des moyens et descompétences, il cite notam-ment la création de la zone in-dustrielle du Pont d’Aspach,qui offre des perspectivesd’emplois aux habitants, laparticipation aux frais de fonc-tionnement du collège de Ma-sevaux. Ou encore, réalisationplus surprenante mais dont iln’est pas moins fier, laconnexion depuis 2000 detoute la vallée à l’Internet haut débit.La coopération entre petits vil-lages se montre également trèsprécieuse pour tout ce qui

MAIRE de Sickert,317 âmes, dans lavallée de la Doller,Roger Gaugler,sexagénaire tout enrondeurs, résume à

lui seul l’ensemble des ni-veaux de coopération existantsentre communes. Elu depuis1983 de son petit village, ilpréside également la commu-nauté de communes de la val-lée de la Doller et du Soultz-bach. Soit 17 communes et15 000 habitants, répartis lelong de la rivière qui s’écouledu Ballon d'Alsace. A cela, ilfaut ajouter son siège de pre-mier vice-président du PaysThur-Doller. Le Pays, der-nière-né des structures de re-groupement, créées à l’initia-tive de Dominique Voynet,alors ministre de l’Environne-ment, en 1999, peut rassem-bler plusieurs communautés decommunes, quatre dans le casprésent. Pour lui, la questionde l’intercommunalité ne sepose pas : « Un maire toutseul, ça ne peut plus exister. »Surtout dans sa région, qui aconnu de profonds bouleverse-

Roger Gaugler,maire

de Sickert et président de

la communautéde communesde la vallée de

la Doller etdu Soultzbach.

une seule vallée ou un seulbelvédère, tout aussi remar-quable soit-il. C’est au Paysque revient ce rôle d’ambassa-deur. Mais l’élu, pourtant di-thyrambique sur les résultatsobtenus par ces divers niveauxd’organisation, n’ignore pasqu’ils manquent encore de vi-sibilité pour les citoyens.

Cantons inutiles. Pour Ro-ger Gaugler, la faute incombeau « Meccano français, tropcompliqué. Il y a des entitésadministratives, comme lescantons, qui ne servent à rien,si ce n’est à élire un conseillergénéral ». La méconnaissancedes citoyens envers ces institu-tions devrait s’estomper avecl’habitude, car l’Alsace « sedéveloppe de plus en plus surla notion de pays. Avant, lesdécoupages administratifs sefaisaient de Paris, sans au-cune cohérence géographique.Aujourd’hui, ils se font sur lavolonté des gens de vivre en-semble ». Une évolution natu-relle pour ce « VRP » de l’in-tercommunalité.

TIPHAINE REYNAUD

Avec la Com’com, « les impôts décollent »DANS le sud de l’Alsace,

entre le Rhin et les col-lines du Sundgau, le pays

de Sierentz est un territoire deplaines et de villages, regrou-pés en une communauté de21 communes, « Com’com »,dans le jargon municipal. Pour ses habitants, l’intercom-munalité se matérialise entreautres par une taxe. Des dé-penses que certains édilescomme Jean-Georges Weber àBrinckheim, 300 habitants, netrouvent pas toujours justifiées.« Les impôts ont décollé dèsnotre adhésion à la Com’com’,alors qu’ils n’avaient pas

bougé depuis vingt ans, fustige-t-il. Tout le monde paie pour des services qui ne bénéficient qu’à un petitnombre, comme les classes deneige par exemple. »

Engagés pour vingt ans.« Beaucoup dans les petits vil-lages se plaignent que cer-taines dépenses sont de trop,mais il faut satisfaire tout lemonde !, rétorque Guy Picquet,président de la communauté decommunes du pays de Sierentz.L’intercommunalité se chargedes dépenses qui étaient aupa-ravant à la charge des com-

munes. » Les premiers magis-trats regrettent parfois quel’adhésion les prive de la res-ponsabilité de gérer seuls leursbudgets. Même s’ils ne sontpas satisfaits, ils ne peuvent àce jour plus envisager de quit-ter la communauté : ils se sontengagés financièrement pourplus de vingt ans.

Pas d’ouvrier municipal.Transports scolaires, balayageet gestion des déchets entreautres sont pris en charge parl’intercommunalité. Depuisjanvier 2002, date de créationde la communauté de com-

munes du pays de Sierentz,l’Etat lui verse les dotations defonctionnement des com-munes.

A Brinckheim, Jean-Georges Weber regrette queces fonds ne servent pas à em-baucher des ouvriers munici-paux. En leur absence, il s’oc-cupe de tout, ou presque : « Jerépare les fuites d’eau, changeles ampoules, tout ça pour éco-nomiser le salaire d’un ouvriercommunal », dit-il. Avant des’éclipser pour réparer uncompteur d’électricité.

SARAH BROCKVICTOR NICOLAS

A Sickert, Roger Gaugler loue la coopération entre les communes.

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Un petit rien les sépare

ON passe d’une com-mune à l’autre sanss’en apercevoir. Unesuccession de maisonscernées par les champs,avec pour seule fron-

tière un double panneau d’en-trée : « Ober » au recto, « Nie-der » au verso. « Depuis plus de500 ans, les deux communes onttoujours été accolées mais dis-tinctes », assure Jean-PierreWidmer, maire de Niederentzen.Son homologue du village ju-meau, René Mathias, lui sert uncafé. Assis autour d’une table dela mairie d’Oberentzen, les deuxhommes se connaissent bien.Même génération : une cinquan-taine d’années. Jeunes, ils fai-saient partie de la même équipede foot, et les casernes où ilsétaient pompiers étaient à deuxpas l’une de l’autre. Aujour-d’hui, ils se tutoient et passent lejour de l’An ensemble.

Un contact permanent. S’ilsse voient régulièrement, c’estd’abord pour des raisons profes-sionnelles. « On travaille trèsétroitement ensemble dans lecadre du syndicat intercommu-nal scolaire, du syndicat mixtede l’Ill, de l’union des associa-tions foncières... », énumèreRené Mathias. De façon plus ex-clusive, Ober et Nieder ont aussien commun un comité de jume-lage avec D’Hanis, au Texas.L’été prochain, ils accueillerontune quarantaine d’Américainsde ce village fondé par des émi-grants alsaciens au XIXe siècle.

Au delà des rendez-vous de tra-vail, les deux maires sont encontact permanent, conscientsque l’attractivité d’une com-mune est intimement liée au dé-veloppement de l’autre. « Sides gens veulent s’installer àOberentzen et voir nos struc-tures, je leur parlerai aussi decelles de Nieder, pas vrai Jean-Pierre ?, lance René Mathias.Un sucre ou deux ?»

Les difficultés des petites. Laproximité des deux villages nesuffit pas à attirer les commerces.Après la boucherie, l’épicerie, le

coiffeur, c’est la boulangerie quia fermé cette année. « Onn’est pas mieux loti que despetites communes isolées,déplore le maire d’Ober. Maisce n’est pas qu’une questionde taille, c’est aussi une ques-tion de situation. » Jean-Pierre Widmer enchaîne :« L’échangeur autoroutierprévu sur la commune deNieder en 2008 va changerla donne. On a déjà des de-mandes d’installation de maga-sins. »Le maire de Niederentzen com-pare leur entente à celle d’un

couple : « A partir du momentoù on s’entend et où on es-

saye d’aller dans lemême sens, on gagne en

dynamisme. » Un couplequi fait cependant chambreà part : pas question de re-grouper les constructions

emblématiques des deux com-munes. « C’est vrai que çacoûterait moins cher en fonc-tionnement », reconnaît RenéMathias. Mais l’école et

l’église, demeurent l’âme dechaque village.

MANON AUBELFABIEN MOLLON

« Depuis plus de 500 ans, les deux communes ont toujours été accolées mais distinctes. »

René Mathias et Jean-Pierre Widmer, à la tête d’Oberentzenet Niederentzen, deux communes accolées, ne font rien l’un sans l’autre.

RENAÎTRE après un divorce, voilà lepari de la commune de Bosselshausen.Accolée pendant 33 ans à sa voisine,

Kirrwiller, que séparaient deux collines,une route, et trois kilomètres et demi deterres cultivées, Bosselshausen a repris saliberté. Porté à bout de bras par LaurenceJost, 41 ans, alors maire déléguée, leprojet de rupture avait fini par aboutiren janvier 2007.

Mariage arrangé. « Il n’y avaitjamais vraiment eu de projets encommun entre les deux villages »,justifie Laurence Jost, élue maire deBosselshausen en février 2007 aucours d’élections exceptionnelles.Cheveux courts, énergique et réa-liste, cette agrégée d’histoire évoquele « mariage arrangé » de ces villagesqui avaient accolé leurs noms sur le pa-pier en 1974. « Une salle des fêtes n’étaitjamais commune. Elle était toujours surle ban de l’une, et pas sur celui del’autre. Une partie de la population sesentait toujours lésée », confirme Anna-belle Hirlimann, 35 ans, secrétaire de

mairie partagée entre les deux com-munes. Village rural et agricole, Bossel-shausen n’aura partagé que le nom avecKirrwiller, village-rue d’essence plutôtouvrière. Une dissymétrie accentuée parla taille du village. Plus petite, Bossel-shausen était la parente pauvre de Kirr-

willer. « Aux réunions du conseil,seuls quatre membres venaient de

Bosselshausen. Ils n’obtenaient ja-mais la majorité », confirme t-elle.

Selon Michel Blondel, 63 ans, commis-saire chargé de se prononcer sur la sépa-ration, il était nécessaire que la rupture

soit consommée : « On ne peut pas le dé-crire mais ça se sentait. Les habitants nesouhaitaient pas poursuivre ensemble.Entre Bosselshausen et Kirrwiller, il y adeux mentalités différentes. »

Refaire sa vie. Dans l’élan de sa créa-tion, la commune retrouvée de Bosselshau-sen s’est dotée d’une équipe municipale quin’a pas tardé à investir les deux salles va-cantes de l’ancienne école. Rapidementrodé, le peloton commence à faire sespreuves. Mais n’a pas les moyens de se

payer un agent communal. « Au niveau desimpôts locaux, nous avons besoin de raclerles fonds de tiroirs », constate LaurenceJost. Râteaux à la main, écharpes au vent, lanouvelle équipe a décidé de se serrer lescoudes et veille ensemble à l’entretien duvillage. « S’il neige, je me charge de désen-combrer et de sabler les rues avec montracteur », explique Jean-George Berst, 41ans, deuxième adjoint et exploitant agri-cole.

Baptême politique. « On est en périodede sur-régime, mais c’est provisoire », seconsole Laurence Jost. Investie depuis plusd’un an dans la vie du village, cette ensei-gnante au collège et au lycée de Bouxwillera plutôt réussi son baptême politique.Franco-suisse élevée en Normandie, elle asu s’imposer par son travail et sa ténacité ets’est toujours placée au-dessus des que-relles de clans au sein du village. Ravied’avoir réussi à réunir autour d’une tabledes familles en froid depuis des généra-tions, elle sera candidate à sa réélection enmars 2008.

MATHILDE MORANDI

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La renaissance de BosselshausenIntégré à Kirrwiller durant 33 ans, le village s’est émancipé d’un « mariage arrangé ».

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DANS la mairie de Mag-statt-le-Haut, il ne faitpas plus chaud que de-hors. « C’est inutile demettre le chauffage sila secrétaire n’est là

que deux jours par semaine.Comme ça, on peut faire deséconomies », s’excuse le maireBernard Sutter, retraité de 72ans. Malgré son budget mo-deste, cet élu propose des ini-tiatives originales.

Sa commune de 286 habitantsn’est pas reliée au réseauqui donne accès auxfournisseurs habituelsd’internet haut débit. Pourrésoudre ce problème,conseillé par le pâtissier duvillage, il installe sur letoit de l’église un émet-teur wifi. Depuis 2005, la com-mune fournit internet surabonnement à 39 foyers, au

même titre qu’un fournis-seur comme Free, Aliceou Neuf.

« On ne voulait pas at-tendre l’initiative du Dépar-

tement pour permettre auxhabitants d’accéder à l’inter-

net haut débit », se souvientBernard Sutter. Le projet permet entre autres àdeux infographistes de tra-vailler depuis leur domicile.Le maire avoue tirer une cer-

taine fierté de son aménage-ment, surtout depuis que leconseil municipal de Rantz-willer est venu s’inspirer deson initiative. Cette ville depresque mille habitants attendtoujours l’ADSL.Autre choix singulier : la rhizo-sphère. Contrainte par la loi derénover son système d’assainis-sement d’eau, la commune aopté pour une solution écolo-gique d’épuration, fondée sur lefiltrage de l’eau par le sable.« Cela nous revient deux à troisfois moins cher que si nousavions contribué à la stationd’épuration intercommunale »,explique le maire, qui ne se re-vendique pourtant pas « Vert ».Grâce à ce système, sa com-mune gagne 60 centimes parlitre d’eau vendu. Selon Ber-nard Sutter, les habitants de lavoisine Magstatt-le-Basconvoitent le prix de l’eau deson homologue du Haut.

Pas d’éclairage à Noël. Surun budget total d’un milliond’euros pour 2007, une moitiéest consacrée au fonctionne-ment, l’autre à l’investisse-ment. Les ressources propresde la petite commune provien-nent en particulier de l’exploi-tation des forêts et de la ventede bois.

Pour faire des économies, lemaire a décidé de supprimerles éclairages de Noël. Cetteannée, les habitants du villagese contenteront d’un petit sapinprès de l’église.

VICTOR NICOLASSARAH BROCK

Ça surfe à Magstatt-le-Haut

L’émetteur wifi est installé sur le clocher de l’église de Magstatt-le-Haut, à la grande satisfaction de Bernard Sutter.

En installant le wifi et une rhizosphère, Bernard Sutter parie sur l’avenir.

Petite commune cherche grosse subvention

PERCHÉE à plus de 800mètres d’altitude, Aubureest la plus haute commune

d’Alsace, entre Ribeauvillé etFréland. Son maire, ClaudeHumbrecht, 55 ans, évoque déjàles chantiers phares de son pro-bable troisième mandat : laconstruction d’un foyer d’héber-gement pour handicapés, d’unatelier communal et d’unechaufferie au bois qui fournirade la chaleur à la mairie-école, lasalle polyvalente, l’église et lepériscolaire. « Les travaux débu-teront le 28 mars 2008 et il fau-dra que tout soit fini avant l’hi-ver suivant. » Coût des projets :près de 700 000 euros. A priorihors de prix pour Aubure, dé-pourvue d’industrie, où les deuxderniers agriculteurs permettentjuste d’entretenir les prés et dontle budget 2007 n’excède pas550 000 euros pour le fonction-nement et 150 000 euros pourl’investissement. Jadis ressource

25% » lors de la construction dela maison communale pour550 000 euros il y a cinq ans.Mais ce dont il est le plus fier,c’est du camion de pompiertout-terrain inauguré en no-vembre qui « n’a pas coûté unsou à la commune ». Il l’a ob-tenu du SDIS (service départe-mental d’incendie et de secours)avec l'aide du conseil général etde son président UMP CharlesButtner. Le véhicule était ré-formé au niveau du départe-ment, mais parfaitement aptepour le corps local. Un joli couppour Marcel Girard, ancienmembre du RPR qui « n’a pasrepris sa carte à l’UMP, plus as-sez gaulliste ». Pour lui, l’im-portant « n’est pas l’étiquettepolitique mais d'avoir des rela-tions pour être toujours aux pre-mières loges. Comme on dit :c'est celui qui est le plus près dufourneau qui se chauffe ».

GUILHEM MARTIN SAINT LÉON

importante de la commune, lavente de bois, une filière en crisedepuis la tempête de 1999, nerapporte qu’entre 10 000 et15 000 euros par an.Le faible potentiel fiscal d’Au-bure lui donne accès à des sub-ventions maximales ve-nant des collectivitéslocales : « Pour l’atelier,le Département couvre40% des dépenses et laRégion prend en charge20% du coût de la struc-ture en bois du bâtiment.J’ai aussi sollicité l’en-veloppe parlementaireauprès de mon député,mais là, rien n’estsûr… », explique ClaudeHumbrecht.

Le soutien des collectivités.Quant à la chaufferie au bois, unéquipement écologique, « je nesais pas qui paye quoi mais ellesera financée à hauteur de 60%

conjointement par l’Agence del’environnement et de la maî-trise de l’énergie (Ademe), leconseil général et le conseil ré-gional ». En revanche, la com-mune située dans un canton ru-ral éligible aux crédits

européens n’en bénéfi-ciera pas cette fois-là : «En 1999, quand nousavons aménagé l’ancienpresbytère en périsco-laire pour la garde desenfants, Bruxelles avaitpayé 20% des travauxcar il s’agissait d’un ser-vice à la population », sesouvient Claude Hum-brecht. Marcel Girard, son ho-mologue de Golbach-Altenbach, 252 habi-

tants, à 75 kilomètres au sudd’Aubure en suivant la route descrêtes, se rappelle égalementavoir profité d’une « forte aideeuropéenne, à hauteur de

Du conseil général à l’Union européenne, les sources de financement sont multiples.

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L’impor-tant ce

« n’est pasl’étiquettepolitique

maisd'avoir desrelationspour êtretoujours

aux premièresloges ».

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A l’étrangerAllemagne :Suivant les loisdu Land, leBürgermeisterest éludirectementpar leshabitants de lacommune oupar le conseilcommunal.Belgique :Le bourgmestre,équivalent dumaire français,est directementélu par lapopulation.États-Unis etCanadaanglophone:Le mayor estdésigné par leconseil pourun mandatrestreint, voirede façontournante.Il n’a qu’unefonctioncérémonialeet protocolaire.Québec :Le maire estéludistinctementdes conseillersmunicipaux.Une cohabita-tion estpossible entreun maire et unconseilmunicipalopposés.

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FIN octobre, la BadischeZeitung, quotidien de larégion, lance un défiaux huit maires de lacommunauté de com-munes « Kleines Wie-

sental » au milieu de la Forêt-Noire : bâtir en une soirée la« maison de l’unité ». Les huitédiles ont remporté le pari.Une fois la cabane en boisconstruite, ils y ont entonné lachanson traditionnelle : « Ja-mais on ne se séparera ».Derrière l’anecdote se joue lasouveraineté des huit petitsvillages de 200 à 600 habi-tants. En 1973, le Land deBade-Wurtemberg a lancé uneréforme visant à créer des en-tités d’au moins 8000 habi-tants. Du fait de leur topogra-

phie, les villages du « KleinesWiesental », comme toutes lespetites communes de mon-tagne, n’ont pas été concernéspar le regroupement.

La fusion en question. De-puis une trentaine d’années,ces communes de montagnesont endettées et subsistentgrâce aux subventions duLand. Ce dernier a décidé demettre fin à ses aides finan-cières en 2010. La solution laplus économique selon Ge-rhard Wagner, président du« Kleines Wiesental » et mairede son chef-lieu Tegernau de-puis 1994, serait de fusionnerles huit communes. Mais lamajorité de ses collègues s’yoppose. Pour les maires, l’en-

jeu est double, explique Ge-rhard Wagner : « Ils craignentde se faire reprocher par leursélecteurs de vouloirvendre leur commune.Pourtant, les habitantsde Tegernau m’ontconfirmé qu’ils préfè-rent payer moins d’im-pôts que garder à toutprix leur maire. »

Peu d’illusion. Larésistance au regroupe-ment probable tient àdes arguments pluségoïstes, suppose GerhardWagner : « L’un des mairesest retraité, l’autre est paysan.Pour eux, 700 euros de salairepar mois, c’est important. Ilsveulent avant tout continuer à

percevoir ces revenus. » Lejeune maire de Böllen, BrunoKiefer, est convaincu que le

sort de ses collègues du« Kleines Wiesental »décidera aussi du sien.Bien que son village neconnaisse pas de pro-blèmes financiers, il nese fait guère d’illu-sions : « A mon avis,dans 20 ans, Böllenn’aura plus demaire. » Sa communede 103 habitants, laplus petite du Land, se

situe à 13 kilomètres de Teger-nau, mais fait pour l’instanttoujours partie d’une autre in-tercommunalité.

SARAH BROCKMARIA WIMMER

Gerhard Wagner, maire de Tegernau, est pour un regroupement des petites communes.

Et au milieu passe une frontière...

LUCELLE. Ses 47 habitants, son an-cienne abbaye cistercienne, ses troisrestaurants et sa borne frontière, plan-

tée au beau milieu de la principalerue du village. Avec d’un côté Lu-celle, commune française, et del’autre... Lucelle, hameau suisse ap-partenant à la commune helvétique dePleignes, située sept kilomètres plusloin.Un trait tiré en 1815 sur la carte del’Europe lors de la signature duTraité de Vienne fait qu’aujourd’huil’accès principal menant à Lucelle-la-Française nécessite d’abord un crochetde quelques centaines de mètres par le ter-ritoire suisse.

« Collègues suisses ». Dans cette zone,la plus méridionale d’Alsace, les relationsinternationales sont forcément étroites,intérêts communs obligent : le ramassagedes poubelles est assuré par les servicesfrançais, l’entretien des routes se fait encollaboration...

Ce jour-là marque le début des travaux deréparations du réseau d’eau. « Nos canali-sations alimentent aussi les cinq maisons

du hameau suisse. Mais lesconduites qui vont en Suisse doi-

vent être changées car elles sont enmauvais état », explique Bernard

Fankhauser, agriculteur et pre-mier élu de Lucelle depuis 1982.

« C’est un dossier important. De-puis le mois de juin, on s’est vusune dizaine de fois avec le mairede Pleignes car pour pouvoir tra-vailler en Suisse, il nous faut une

convention spécifique. »Les Suisses n’étant pas membres del’Union européenne, les projetstransfrontaliers sont lourds à mon-ter. « Beaucoup de choses se règlentau niveau informel », tempère Jean-Luc Bringia, le maire de la communefrançaise de Kiffis, à quelques kilomètresde Lucelle.« On a les mêmes problèmes, alors quandl’un fait quelque chose, on va voir chez lui

et vice-versa. On se donne des coups demain. Pour notre réseau d’assainissementpar exemple, j’ai demandé un avis à mescollègues suisses », souligne-t-il.

Pointe d’admiration. Les caisses desvillages helvétiques sont en revanche da-

vantage remplies que celles de leursvoisins français du fait de taxescommunales plus élevées. « Mêmeun village de 50 habitants possèdeson propre réseau d’assainisse-ment, son bureau de poste... »,constate, légèrement envieux, Jean-Luc Bringia. Avant de noter : « Deleur côté, ils nous envient notre cul-ture du patriotisme. Chez nous, dèsqu’il y a une passation de graded’un pompier, cela fait venir leconseiller général, le conseiller ré-

gional, le député et on joue la Mar-seillaise ».L’honneur est sauf.

MARION BONNETPIERRE DEMOUX

Auf WiedersehenBürgermeister

En Allemagne, les petites communessont en voie de disparition.

A Lucelle, village suisse et alsacien, les élus tentent de mener à bien des projets communs.

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« Même un village

de 50 habitants

a sonpropreréseau

d’assainis-sement, sonbureau deposte... »

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l’utile à l’agréable », selon l’expressionde ce dernier, les réunions se déroulentsouvent autour d’un verre ou dans le res-taurant du coin.

Village gaulois. Cette communauté decommunes informelle prend parfois desairs de petit village gaulois qui se plaît àfaire un peu de résistance.A la dernière élection présidentielle, lesparrainages de ces cinq maires sont tousallés dans l’escarcelle d’ « Arlette »,comme ils l’appellent, la candidate deLutte ouvrière. « Le plus drôle c’est quenous ne nous sommes pas du tout concer-tés », précise Thierry Roy, le maire deBellemagny.Mêmes idées, mêmes combats. Ils évo-quent avec malice la bataille épique etvictorieuse, menée il y a quelques annéescontre l’installation d’un aérodrome àFontaine, dans le Territoire de Belfort. Etplus récemment, celle menée pour modi-fier le tracé du futur TGV. « On fait un pe-tit peu îlot de résistance, souligne JoëlWies. Mais grâce à cela, il arrive quel’on pèse sur les décisions de la commu-nauté de communes. »

MARION BONNETPIERRE DEMOUX

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Le club des Cinq Amis d’enfance et de terrains de foot, ils se retrouvent après les matchspour discuter de leurs communes.

BRETTEN, Eteimbes, Bellemagny,Saint-Cosme et Bréchaumont, cinqvillages voisins aux portes de laFranche-Comté, cinq maires, cinqamis qui se connaissent depuis l’en-fance, et surtout depuis le football.

Pendant de nombreuses années, ils ont uséleurs crampons sur le terrain de l’ASBréchaumont, tous en attaque. Depuis juin 2007, Joël Wies, la qua-rantaine dynamique, ancien milieu deterrain, a même pris la tête du club defoot en plus de celle de sa commune,Saint-Cosme. Son ancien coéquipier ethomologue de Bréchaumont, FrançoisElsaesser, est aujourd’hui avocat àMulhouse. Le premier élud’Eteimbes, Jean-Luc Fink, chapeau decow-boy vissé sur la tête, encadre au-jourd’hui une équipe de jeunes en plus deson travail chez Peugeot.

Mélange de genres. Son ancien cama-rade de classe, Christophe Poulet, aujour-d’hui maire de Bretten, continue de suivreles affaires du club, mais de loin. Le benja-min du groupe, Thierry Roy, élu de Belle-magny, a rejoint la bande grâce à son cou-sin, qui n’est autre que Christophe Poulet.Aujourd’hui, la passion du ballon rond les

rapproche toujours. Et les vieilles habi-tudes demeurent : « Au foot, on parlesouvent des affaires de la mairie. Etquand on se voit en mairie, il arriveaussi fréquemment que l’on parle dufoot », confie Joël Wies, maire depuis2001.

Du coup, les cinq élus préfèrentrégler entre eux les affaires de

leurs communes. Ils partagenttout : le même employé municipal,

l’école, située dans le villaged’Eteimbes et inaugurée il y a trois

ans, le matériel communal, leur expé-rience… sans oublier la traditionnellefête de la carpe frite, spécialité culi-naire de la région. Et les projets sont lé-gion : agrandissement de l’école à larentrée prochaine, construction d’unesalle des fêtes…« Nous nous voyons régulièrement. Onest bien ensemble, et quand on prenddes décisions, elles vont souvent dans lemême sens », estime Joël Wies. « C’estsûr que cela a facilité les choses de seconnaître avant, ajoute Christophe Pou-let dans un large sourire. On bossebeaucoup mais il y a aussi beaucoup detroisièmes mi-temps ! » Comme toutesles occasions sont bonnes de « lier

Une écharpe et des quillesPremier magistrat de Fort-Louis, Gérard Janus est un singulier sélectionneur national.

Gérard Janus et son Racing de Strasbourg ont remporté 14 fois le championnat national.

FORT-LOUIS, village forti-fié de 300 habitants, àproximité de Haguenau, est

sans doute la seule communed’Alsace à pouvoir s’enor-gueillir d’être administrée parun entraîneur national.Son maire, Gérard Janus, 54ans, solide gaillard de près dedeux mètres au crâne dégarni,est le sélectionneur del’équipe de France de quilles.A l’âge de 12 ans, il a fait sespremiers pas avec son frèreen ramassant les quillesde ses aînés, dans le clubde son village, Pfaffenhof-fen. Il commence la compé-tition à quatorze ans, pourintégrer quelques annéesplus tard l’équipe deFrance et en devenir lecapitaine. Il prend en-suite le poste de sélec-tionneur national et la têtedu Racing club de Strasbourgomnisports. En 2001, GérardJanus accède à la tête de sacommune.A la retraite, il était « plus dis-ponible » que ses colistiers.Au cours de son mandat, il aréussi à concilier ses fonctionspolitiques et sportives. « Il y a17 heures entre sept heures dumatin et minuit », dit-il pourexpliquer comment il arrive àpartager son temps entre leRacing et la mairie de Fort-Louis, éloignés de 50 kilo-

mètres. Le Racing l’amèneaussi à parcourir l’Europe. Ils’est récemment rendu à Bu-dapest, pour assister à la dé-faite des Strasbourgeois enhuitièmes de finale de laLigue des champions.

Apolitisme de rigueur.Gérard Janus a parrainé Jean-Marie Le Pen lors de la der-nière élection présidentielle,ce qui lui avait valu les re-

proches de certains deses pairs. Il explique

son acte non par uneadhésion aux thèses du

Front national mais par« une exigence démocra-tique ». « Il était au second

tour en 2002 avec six mil-lions de voix, explique-t-il.Il était donc normal qu’ilpuisse se présenter. Cela ad’ailleurs permis de voir

que contrairement à ce qu’ilprétendait, il ne représentaitplus 18% des électeurs. »Gérard Janus, qui se repré-sente en 2008, revendique sonapparente neutralité par l’im-portance de ses fonctionssportives. « Quel que soit levainqueur de la prochaineélection municipale à Stras-bourg, je devrais travailleravec lui pour le Racing. Je medois de rester neutre. »

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Les Marianne de MadeleineMadeleine Zinck, 85 ans, dont 50 comme secrétaire de mairiede Kesseldorf, revient sur l’histoire de son village.

Le jour où Madeleine Zinck achève sa carrière d’institutrice, en 1981, Guy Callegher, maire de Kesseldorf,lui remet « 3000 francs de disques ». Elle sera secrétaire de mairie jusqu’en 1994.

AU J O U R D ’ H U I , j econnais plus de mondeau cimetière que dansle village », sourit Ma-deleine Zinck, un riendésabusée. A 85 ans,

elle a passé plus de la moitié desa vie à la mairie de Kessel-dorf, 430 habitants, communedu canton de Seltz, aujourd’huicoincée entre l’autoroute me-nant à Lauterbourg et la forêtde Haguenau. Celle qui fut, 50ans durant, se-crétaire de mai-rie, est la mé-moire vive duvillage. Elle aconnu au coursde sa fonctiononze électionsmunicipales ,quatre mairesdifférents etautant de prési-dents de la Ré-publique. Tousles après-mi-dis, elle re-trouve sonamie Marthedans le salon de son petit pa-villon de la rue de Hatten. En-semble, elles n’en finissent pasde ressasser la mémoire endor-mie de Kesseldorf, cette com-mune de la région agricole dela plaine du Rhin, proche desrives de la Sauer.

Ecrivain public. Irrémé-diablement, l’évacuation deshabitants revient dans leurs ré-cits : « Le 1er septembre 1939,Bernard, l’appariteur, a an-noncé au son de sa cloche latriste nouvelle de l’évacua-tion, racontent-elles d’une

seule voix. L’après-midimême, nous sommes partisdans des voitures tirées pardes chevaux avec le peu debiens que nous pouvions em-porter, en laissant nos mai-sons ouvertes et les bêtes dansles étables. Quelques joursplus tard, des wagons à bes-tiaux nous ont emmenés enHaute-Vienne. »Un an plus tard, elle revientdans son village. Elle endurera

pendant quatrelongues annéesles privationsde l’Occupa-tion, avantd’accueillir enhéros les sol-dats français du3e bataillon du4e RTT, le 19mars 1945.« Sous un so-leil radieux »,se remémore-t-elle, des san-glots dans lavoix. A 23 ans,déjà institutrice

du village, elle devient logique-ment secrétaire de mairie avecpour tout équipement unevieille machine à écrire. Elleprend son poste auprès d’EmileGerbert, un sexagénaire autori-taire « qui impose souvent sonpoint de vue aux autres ». Tousdeux font face à une lourdetâche. Le village est à recons-truire. Les routes et les pontssont détruits, les maisonspillées. Il faut prendre son véloet s’armer de courage pour par-courir les 30 kilomètres qui sé-parent le petit bourg de Hague-nau.

Et nombre de documents admi-nistratifs sont manquants. Ma-deleine doit se rendre réguliè-rement à Strasbourg pour tenterde les retrouver. Certains sonten allemand, d’autres en fran-çais, une langue que ne maîtri-sent ni le maire, ni lesconseillers municipaux. La po-pulation encore moins.L’alsacien est roi. Dans lacour de récréation del’école, un système contraintles enfants à parler français.« Il y avait un jeton, se sou-vient-elle. Celui qui enten-dait un camarade parleralsacien lui passait le je-ton. A la fin de la récré,le dernier à écoper de lapatate chaude recevait unepunition : il restait le soirpour conjuguer des verbes. Au-jourd’hui, on fait l’inverse. Lesenfants sont encouragés à ap-prendre l’alsacien. » Pendant plusieurs années, Ma-deleine seule sera capable detraduire les documents. Elle estle lien unique entre la popula-tion du village et l’administra-tion française. A côté de sesdeux fonctions officielles, elledevient l’écrivain public deKesseldorf. Dès 19h, après ses heures deservice, elle accueille les villa-geois dans sa propre maison ettraduit, lit, rédige actes de nais-sance, de décès ou de mariage,parfois jusque tard dans la soi-rée. « Madeleine était toujoursjoignable et sûrement plus dé-rangée en dehors des heures detravail que lors des perma-nences », raconte le maire ac-tuel, qu’elle accompagnerapendant près de 20 ans. Il fau-

dra attendre 1975 pour qu’elletraduise son dernier document.Témoin privilégié de l’évolu-tion du village, la vieille dame,au fil des années, observe legoudronnage des rues, la réno-vation du clocher, l’arrivée delignes de bus desservant Ha-guenau et Wissembourg, lanouvelle école... Revers de lamédaille, elle assiste aussi à lafermeture des deux restaurantsde la commune, la disparitiondes petits commerces et l’arri-vée de l’autoroute à proximitédu village, avec son lot de nui-sances sonores.

« Pas de politique ». Made-leine a su traverser les époquesen se gardant de s’immiscerdans la vie politique de la cité.« Quand on est secrétaire demairie il faut s’abstenir de toutça, on ne fait pas de poli-tique », affirme l’ancienne ins-titutrice. Elle se souvient despériodes électorales. « Un mo-ment difficile à passer. J’auraisaimé avoir un passage souter-rain entre la mairie, l’école etma maison pour ne pas avoir àcroiser les gens dans les rues. »La vieille dame n’aime pasévoquer les querelles de per-sonnes. Pourtant son amieMarthe, fille de Joseph Kern, lemaire sortant en 1965, lui rap-pelle une anecdote survenuequatre décennies auparavant.

Joseph Kern brigueson second mandat et

Adolphe Schroeder,jeune conseiller municipal,

présente une deuxième listetout en lui donnant « sa pa-

role d’honneur » de ne paspostuler à la fonction demaire. Parole qu’il ne tiendrapas. Cette petite trahison res-tera le seul fait politique no-

table de l’histoire de la com-mune. Deux mandats plus tard,en 1977, Adolphe Schroedersera battu par Guy Callegher.Ce dernier est sans nul doute,pour Madeleine, celui qui a faitle plus pour la commune.L’homme est énergique et vo-lontaire, un brin directif. A sonactif, la construction de la sallepolyvalente dès son arrivée à lamairie, la réfection de la voie-rie, la mise en place d’un pre-mier système d’assainissementou encore la création du Sivom(syndicat intercommunal à vo-cations multiples) en 1980.« C’est le plus moderne. Il étaitle premier à parler couram-ment le francais. » En 1994, Madeleine a définiti-vement pris sa retraite et expé-dié sa vieille machine à écrire enAfrique, « pour une œuvre cari-tative ». En 50 ans, jamais ellen’aura touché un ordinateur.

ARTHUR FRAYERDAVE KOULICHE

Madeleine Zinck, novembre 2007.

1922Naissance àKesseldorf

1945 Devient institutrice du village et secrétaire demairie auprèsd’Emile Ger-bert

1959 Joseph KernremplaceEmile Gerbert

1965AdolpheSchroeder batJoseph Kern

1977 Guy Callegher entame sonpremier man-dat

1981 Prend sa retraite d’institutrice

1994 Quitte sonposte de secrétaire de mairie

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