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Jeunialissime Magazine 2015

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Le Jeunialissime Magazine 2015 est un condensé des différents débats tenus avec les jeunes LGBTI et quelques événements notables survenu en 2015

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out progrès commence par un ques onnement. Les qui, quoi, comment, pourquoi sont nécessaires si l’on veut prendre le contrôle et donner un sens à sa vie.

2015 a été une année de remise en ques on, où nous nous sommes interrogés de plusieurs manières sur les ques ons de droits, de protec on contre l’homophobie, après avoir été hantés par un député intolérant, après avoir perdu un grand ac viste.

Mais au-delà du ques onnement, il nous fallait renforcer nos capacités et nous ouvrir aux autres pour mieux faire passer notre message de tolérance et d’accepta on de la diff érence.

Nous espérons que ce magazine Jeunialissime 2015 perme ra à nos lecteurs de réaliser, grâce aux diff érents ar cles, que la communauté LGBTI de la République Démocra que du Congo existe et aspire juste à avoir accès à ses droits, autant que tout autre citoyen du pays.

Patou IZAIPrésident Jeunialissime 2015

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des hommes mariés ayant été a rapés en train de faire l’amour avec d’autres hommes. C’est un acte qui porte a einte aux droits humains, à la vie privée d’un individu. Mais qui les défendra? Car malgré le vide juridique au pays sur la ques on, quand un homosexuel est a rapé, il subit un lynchage public, une humilia on. Et le soir, ladite scène sera montrée à la télé, sous les moqueries et insultes des téléspectateurs.

Quelles dispositions ? Il a été évoqué que les pédés et lesbiennes sont eux-mêmes à l’origine de certains comportements homophobes.

« Notre sexualité n’est pas marquée sur nos cartes d’électeurs. Soyons justes humains. Aucun hétéro ne crie sur tous les toits son orienta on sexuelle. » François

Certains intervenants ont donc émis comme opinion que les pépés et lesbiennes aiment trop se donner en spectacle, suscitant ainsi une gêne chez les hétéros. Des tapages parfois qui font oublier à la société qu’ils par cipent aussi à l’économie na onale; travaillant dans des banques, au sein de l’Administra on Publique, dans des sta ons-service, dans des hôtels, dans des hôpitaux, dans l’art culinaire,… dans la poli que. Il est important de doter à chacun la capacité à répondre, sans violence aucune, aux a aques homophobes verbales. Des sugges ons de séminaires allant dans ce sens ont été formulées. Une éduca on de la communauté LGBTI de Kinshasa et de toute la jeunesse kinoise sur les droits de l’homme est donc plus qu’une nécessité. L’avenir de la RD Congo étant entre ses mains, la jeunesse kinoise possède donc en elle le pouvoir de bâ r un monde meilleur, respectueux de la diff érence.

L Le slogan «Mariage pour tous» en France avait rouvert en Afrique une brèche sur le débat au sujet de l’homosexualité. Si bien que les comportements homophobes

devenaient de plus en plus palpables. Mais déjà Amnesty Interna onal me ait en évidence l’accroissement des agressions et autres formes de crimes que subissent les homosexuels dans un rapport publié en juin 2013. A l’heure où 38 pays africains sur 54 pénalisent l’homosexualité, la communauté LGBTI de Kinshasa se sent très menacée. D’autre part, vu le vide juridique sur la ques on en République Démocra que du Congo, ce e communauté est en même temps un peu rassurée. Mais pour combien de temps encore? Car déjà certains acteurs poli ques comptent bien s’en prendre à eux. Et en a endant de pouvoir répondre à ce e ques on, que doit-elle faire pour lu er contre l’homophobie ?

Manifestation de l’homophobie Contrairement au Cameroun ou à notre voisin l’Ouganda, l’homophobie ne se manifeste pas par la violence ni par les assassinats. Elle est plus visible dans du chantage, à travers des insultes. Mais certains jeunes homosexuels ont même fi ni par être chassés du toit familial pour cause d’homosexualité. Le constat est aussi fait que les jeunes sont plus ouverts sur la ques on d’orienta on sexuelle. Cela n’empêche qu’un travail acharné doit être aba u. Car la plupart d’entre eux sont ancrés dans la religion. Kinshasa est si marquée par une présence astronomique des églises que les jeunes homosexuels sont s gma sés, parfois par eux-mêmes suite à ce duel foi-sexualité. Une chaîne de la place prend plaisir à exposer des hommes mariés aux yeux de tous,

au risque de passer à côté de l’opportunité. » Marcel

Place du préservatif dans un couple Il a été évoqué, surtout pour des couples, que le refus du port du préserva f est souvent lié à la confi ance. Ne pas recourir à une sexualité protégée avec son compagnon signifi erait qu’on lui fait confi ance. Le contraire voudrait tout simplement dire qu’on doute de lui. Or il n’existe aucun indicateur de mérite de confi ance marqué sur le visage des êtres humains. Le ressen ment de l’autre, parce que vous préconisez des rapports protégés, passerait-il avant la santé ? Cet aspect de la ques on avait suscité beaucoup d’avis controversés.

« Demander à son copain (ou à sa copine) d’avoir des rapports sexuels protégés, c’est comme dénoncer ses propres infi délités ou même accuser sournoisement l’autre d’un poten el dérapage. Et cela pourrait cons tuer une véritable source de tension au sein du couple. Alors par peur de perdre l’autre, l’on se contente des rapports non protégés. » Natacha

Pour une part des jeunes LGBTI, le préserva f a certainement sa place au sein d’un couple. Mais tout dépend des bases jetées au début de la rela on. Car exiger l’usage d’un préserva f alors que vous l’avez toujours fait sans, éveillerait une certaine méfi ance. Si vous êtes conscient(e) d’avoir dérapé, mieux vaudrait en parler ouvertement. L’un d’entre eux affi rme croire que la capote peut être u lisé dans un couple, mais au début de la rela on. « Je m’en servirais au début d’une rela on. Mais avec le temps, quand l’amour et la confi ance auront fait leurs preuves, pourquoi ne pas oublier l’usage du préserva f ensuite ? » Ngandu

L’infl uence religieuse Au-delà de la peur des préjugés de son

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D’ D’après une étude menée en 2010, le nombre de nouvelles infec ons sexuellement transmissibles était resté stable entre 2003 et 2008 chez les homosexuels - alors qu’il avait reculé chez les hétéros. De nombreux eff orts ont donc été accomplis ces dernières années en ma ère de préven on dans la communauté LGBTI à travers le monde. A Kinshasa, capitale de la République Démocra que du Congo, la communauté homosexuelle aurait de plus en plus horreur de ce caoutchouc, le PRÉSERVATIF ! Quelles sont les raisons qui les font se rétracter? Y aurait-il une solu on alterna ve qui les aurait séduits? Leur considéra on du Sida et des autres IST aurait-elle changée? La majorité des jeunes sont pour le port du préserva f. Mais cela ne s’énonce que dans la théorie. Car en pra que, surtout en couple, il leur devient compliqué d’y recourir. Les jeunes sans engagements amoureux ne sont pas en reste. Ils affi rment que, malgré les dangers dont ils sont conscients, le port du préserva f n’est pas toujours évident pour plusieurs raisons.

Question plaisir Pour les jeunes LGBTI de Kinshasa, le fait est que la raison qui revient le plus est liée à la sensa on, au plaisir éprouvé pendant l’acte. Ils déclarent que le coït au naturel, c’est-à-dire sans le préserva f, est ne ement meilleur qu’avec. On a beau faire la campagne des préserva fs fi ns pour en camoufl er la gêne, ils insistent sur la diff érence. Certains ont jus fi é ce e impression de diff érence par une infl uence psychologique.

« Poso-poso e lekaka nango kaka. Je demeure d’une part conscient des risques auxquels le manque de protec on m’expose; mais de l’autre je veux du plaisir, du vrai. » Carlos

« Il n’est pas toujours simple de recourir au préserva f. Lorsque j’ai l’occasion de me retrouver face à un plat trop bon, je n’ai pas forcément le temps de me soucier de la capote,

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partenaire, d’autres barrières psychologiques à l’usage du préserva f ont été énoncés. Etant dans une société à majorité chré enne, nos croyances infl uent ac vement sur nos comportements, même sexuels. La sexualité est déjà considérée comme un sujet tabou. Par implica on, l’éduca on sexuelle n’est pas conséquente. Et ceux qui osent en parler laissent leurs convic ons religieuses conduire leurs enseignements, profi tant ainsi de l’ignorance de certains jeunes. Les propos des leaders religieux alimentent la phobie et la honte du préserva f. Parmi eux, fi gurent ceux qui associent le port du préserva f au pêché.

« Mon pasteur nous a une fois dit que c’était un péché d’u liser le préserva f. Simplement parce que la semence est des née à la procréa on. Il a fait le lien avec le fi ls de Noé qui s’était masturbé, jetant à terre sa semence. » Carlos

Résolutions prises Le préserva f n’a pas été décrit comme seul moyen effi cace de se protéger. L’abs nence et la masturba on fi gurent aussi sur la liste. Mais le deuxième, proposé par nombre de par cipants à ceux qui ne sont pas en couple, n’est pas une protec on réaliste quand on sait que les jeunes sont sexuellement très ac fs.

« C’est plutôt quand on n’est pas en couple qu’on

n’a pas de raison de s’abstenir. » Stan

Il est possible d’avoir une sexualité épanouie sans préserva f tout en contournant les maladies. Certains par cipants ont préconisé la masturba on mutuelle.

« Le virus du SIDA et autres IST se contractent du mélange sperme-sang et sang-sang. Au contact de l’air, le virus est automa quement neutralisé. Ce qui fait que, même si l’on est blessé à la main, l’on peut reme re la main sur son propre sexe après avoir masturbé l’autre jusqu’à l’éjacula on. Donc la masturba on collec ve serait un des moyens de protec on pour les gays kinois. » Dr. Ngandu

Puis, il a été appelé à briser les clichés selon lesquels il n’y a une sexualité épanouie que lorsqu’il y a pénétra on. Car il n’est pas important de vouloir copier le modèle hétéro. La fella on, ajoutée à la masturba on mutuelle, fait par e des pra ques sexuelles amplement sa sfaisantes et sures au sein de plusieurs couples, ce e fois LGBTI et hétéro. Ce thème a permis d’ouvrir des perspec ves d’encourager les jeunes au dépistage volontaire. Cela leur perme rait de se protéger et aussi de protéger les autres, cessant ainsi d’être un danger tant pour eux-mêmes que pour leur entourage.

« Les lesbiennes viriles étant plus remarquables, elles peuvent occasionner mon coming out» Gaston

Il est connu que les gays parlent de mecs et les lesbiennes de meufs. Cela n’est qu’un de nombreux exemples de divergence des centres d’intérêts. La plupart de gays ne sont pas fans de football, contrairement à la majorité des lesbiennes. Il existe autant de points de dissemblances qui jus fi ent les rela ons mi gées entre les deux sous-communautés. C’est un peu à l’image des homos face aux hétéros. Il a aussi été révélé que les lesbiennes (le plus souvent viriles) considèrent les gays comme du « gâchis ». Certaines d’entre elles ne supportent pas la compagnie des pédés, surtout eff éminés, car elles regre ent de voir ceux-ci renoncer à la virilité à laquelle elles aspirent. Puis, elles réclament tellement le respect des hommes que même les gays ne sont pas exemptés. Certains gays ont dit très mal percevoir qu’un mec les regarde ou les prenne de haut. Ils voient cela comme se féminiser devant un mec. Mais ils supportent mieux l’autorité d’une lesbienne. Etrange, mais c’est leur réalité intérieure. François par exemple jus fi e sa cohabita on avec les lesbiennes en évoquant cet aspect.

« Je me sens plus à l’aise avec des lesbiennes qu’avec des gays. Je supporte beaucoup mieux l’autorité d’une lélé que celle de mon égal gay. » François

Par-dessus tout, gays et lesbiennes aspirent à devenir parents un jour. Cet intérêt commun pourrait faire par e des éléments qui les me ent sur le même diapason. Ils préconisent la procréa on entre eux car au moins ils par raient sur des bases saines sans cacho erie. Recourir à la procréa on avec un(e) hétéro les contraindrait à user de mensonge et de con nuer avec ce jeu de cache-cache pour camoufl er leur orienta on sexuelle. Ils sont tous d’accord sur la ques on. Quant à la garde partagée, c’est une autre paire de manches.

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L Lorsqu’on parle de la communauté homosexuelle, les lesbiennes de Kinshasa ne se retrouvent pas. Elles entendent par là que seuls les gays sont représentés. Pourtant ils sont tous unis dans le même combat, dans la défense des intérêts qui leur sont communs. Malgré le sen ment d’exclusion suscité dans le chef des lesbiennes par le terme « homosexuel » empêche-t-il les deux sous-communautés d’entretenir de bonnes rela ons ou non ? Si elles peuvent cohabiter sans problème, jusqu’où peut s’étendre ce e entente? Bref, gays et lesbiennes font-ils bon ménage ? Pour passer inaperçues dans la société majoritairement hétérosexuelle, les personnes LGBTI de Kinshasa ont aussi besoin de couverture. Kozinda (se noyer) ou Kolata mabende (se masculiniser pour les gays, se féminiser pour les lesbiennes) sont deux des expressions kinoises souvent u liser pour se fondre dans la masse et se faire passer pour un€ hétérosexuel(le) ; le plus souvent pour les gays ayant des cs féminins visibles ou pour les lesbiennes aux apparences viriles. Ce camoufl age marche très bien lorsque gays et lesbiennes se couvrent mutuellement en se faisant passer pour pe t ami et pe te amie.

« Nous servons souvent de couverture aux gays. Je peux facilement me présenter comme sa copine auprès de ses amis frères pour faire taire les soupçons. Et lui fera pareil auprès des miens. Nous nous rendons service. » Fanny Toujours par souci de l’art du camoufl age, certains gays kinois évitent de fréquenter des lesbiennes viriles d’apparence ; et les lesbiennes quant à elles évitent des gays eff éminés. Il ne s’agit cependant pas d’an pathie ni d’aversion. C’est une ques on de sécurité, comme ont pu le déclarer certains gays et lesbiennes ; déclara ons illustrées par les propos de Gaston.

« Quand je vois un mec raffi né, bien soigné, parfumé jusqu’à sen r à 100

Km à la ronde, ça fait c dans ma tête… Il est de la famille, celui-là! Puis les

pédés adorent la couleur orange et la couleur rose. Vu que ce sont des couleurs

associées aux femmes, facilement on peut dire d’un tel garçon qu’il est gay ou

du moins qu’il en a les tendances. » François

Le style ves mentaire aurait donc aussi un impact important sur la détermina on de l’orienta on sexuelle d’un individu. Les goûts spor fs et les centres d’intérêts ne sont pas en reste. Les gays ne sont généralement pas fans de sport, par culièrement de football. Tout se base sur des stéréotypes. Ils adorent faire du shopping, adorent la coiff ure, la mode,... Les fi lles qui adorent le football, surtout si leur apparence physique rappelle celle d’un mec, sont facilement prises pour lesbiennes.

Art exclusif aux homos ? Savoir qui est hétéro, gay ou lesbienne préoccupe certainement les hétérosexuels aussi. Et si nos parents et amis, reconnus hétéros, possédaient aussi la capacité à détecter les pédés et les lesbiennes ? En fonc on des stéréotypes gays, tout le monde s’est accordé que les hétéros reconnaissent facilement les gays et lesbiennes. Certains parents voient déjà en leurs enfants, dès leur tendre enfance, la « semence » de l’homosexualité, avant que les concernés n’en prennent conscience eux-mêmes. Ces parents ne sont pas homos pour autant. Donc la no on d’exclusivité se dissipe.

Et fi nalement ? L’art de détecter l’orienta on sexuelle d’un individu, le gaydar ou pédomètre, prend en compte plusieurs paramètres. Si l’on ne doit se baser que sur eux, cet art cesse d’être exclusif aux gays. Car fi nalement, n’importe qui pourrait détecter un gay ou une lesbienne. Mais si l’on doit se fi er qu’à ces éléments basés surtout sur l’apparence physique, le code ves mentaire, le gestuel et le ton de la voie – pour ne citer que ceux-là -, le gaydar peut en venir à se planter. Si les homosexuels ne se conforment pas aux stéréotypes gays cités plus haut, ils pourraient bien se fondre dans la masse.

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B Ba ndoki ba yebanaka bango na bango... Ce qui signifi e que les sorciers se reconnaissent entre eux. Comparaison n’est pas raison, mais cet adage souvent u lisé à Kinshasa s’applique aussi sur les personnes LGBTI. Grâce à un mécanisme de reconnaissance mutuelle, appelé gaydar ou « pédomètre » à Kinshasa, les gays et lesbiennes se reconnaissent entre eux. Qu’est-ce que c’est qu’un gaydar ou pédomètre? Est-ce juste un mythe? Comment fonc onne-t-il ? Quelle en est vraiment l’u lité? Les personnes LGBTI sont-elles les seules à en posséder?

Défi nition du concept et mécanisme Le terme «gaydar» résulte de la contrac on de «gay» et de «radar». De ce fait, nous avons commencé par signifi er qu’un «radar» est un appareil qui émet et reçoit des ondes électromagné ques et permet de déterminer la situa on et la distance d’un objet dans l’espace (Microso Encarta 2009). Puis, le terme «gay» qui renvoie au mot homosexuel (incluant lesbienne). Par déduc on, le gaydar désigne la capacité de quelqu’un à deviner/déterminer l’orienta on sexuelle – pour les par cipants, l’homosexualité – d’une autre personne.

« Pédomètre nangai e kosaka te… Quand je vois un des nôtres, je sais reconnaître que aza mwana mama Maria. » Jeanny Mais sur quels éléments repose-t-il, cet art sub l de la détec on des préférences sexuelles ?

Stéréotypes gays ? Pour beaucoup de jeunes présents, les éléments indicateurs auxquels répond la sensibilité du pédomètre sont divers. L’apparence physique du sujet, ses manières, son langage corporel, ses gestuels et même sa voix, sont des signes qui ne trompent pas.

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Aujourd’hui, les persécu ons des personnes vulnérables sont devenues d’autant plus fréquentes sur le con nent africain que la nécessité de leur prêter la voix s’impose. Ceci dit, toutes formes de diff érence entrent en compte. Les normes établies par la société, clairement ou tacitement, ont des eff ets néfastes sur les condi ons de vie de ceux ou celles qui ne s’y conforment pas.

L’homme africain, par crainte ou par respect des ques ons qui dépassent son entendement, fait de ces dernières un tabou. Des ques ons sexuelles en cons tuent la grande par e. La liberté de religion ou de pensées n’est pas en reste.

Jeuniafrica donne la parole à la jeunesse kinoise pour parler de ces problèmes qui sont siens. C’est aussi une émission qui vise à changer le regard que les jeunes hétérosexuels ont sur leurs frères et sœurs LGBTI.

Emissions à écouter surh p://soundcloud.com/jeunialissime

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Depuis sa créa on en 2007, CRF s’est donné pour mission de développer et de soutenir des projets radio par les jeunes et pour les jeunes à travers le con nent africain.

Ils sont présents en Afrique du Sud, en Zambie, en Tanzanie, au Libéria et en République Démocra que du Congo. Plus de 60 communautés sont concernées, dans de grandes villes comme Monrovia, Kinshasa, mais aussi dans des villages très isolés, avec des infrastructures extrêmement basiques.

CRF travaille en priorité avec des radios locales, des ONG et des associa ons (entre autres Jeunialissime), dans des hôpitaux, des centres sociaux et avec des collégiens et lycéens. Ils vont jusqu’à travailler avec les enfants de rue de Kinshasa, appelés « Chégués ». Mais ils ont aussi formé et encadré une équipe de jeunialissime pour la produc on des numéros de l’émission Jeuniafrica de meilleure qualité, logés sur Soundcloud.com

* Photo de CRF

Amplifla voix des jeu

con nent a

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Avec leurs travaux, ils parviennent à faire comprendre aux partenaires que les jeunes sont les acteurs-clés de la radio du futur.

Pour en savoir plus, visiter leur siteh p://childrenradiofounda on.org/index.php

fier unes sur le africain

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L La communauté LGBTI de la République Démocra que du Congo se retrouve à nouveau sur le qui-vive. Après la loi de 2009 qui a été voté interdisant aux homosexuels d’adopter, il y a eu la proposi on de loi Yamapia de 2010, voilà maintenant que le député na onal Steve Mbikayi souhaite à son tour faire pénaliser l’homosexualité depuis le 13 Novembre 2013, es mant que face à l’absence de législa on contre l’homosexualité, il était u le de faire pression sur l’Assemblée Na onale. Le député a indiqué aux journalistes de KongoTimes en Décembre 2013 que : « Vu le vent qui souffl e dans le monde, puis étant donné que la plupart des pays africains interdisent l’homosexualité, et que chez nous il y avait un vide juridique criant. Comme qui dirait, qui ne dit mot, consent. Et pour protéger la jeunesse congolaise et notre popula on contre ces pra ques qui s’accompagnent souvent des maladies diverses, j’ai ini é une proposi on de loi après avoir consulté des groupes sociaux, groupes de pression, les églises, la jeunesse, les femmes, qui, tous, sont d’accord pour interdire ce e pra que dans notre pays». Son projet de loi dangereux, composé de 38 ar cles, a clairement pour objec f d’entraver les droits humains des LGBTI du pays sans excep on. Les peines encourues prévoient de 3 à 15 ans de prison ferme, selon les cas, avec des amendes. Dont voici un aperçu :

- Comme re un acte homosexuel : 3 à 5 ans de prison + une amende de un million de francs congolais» (environ mille euros).- Choisir un sexe autre que celui dont la nature vous a doté : 3 à 12 ans de prison + une amende».- Mariage homosexuel contracté par

tromperie : 5 à 15 ans de prison + une amende.- Tout parent qui cède son enfant à un homosexuel ou un couple d’homosexuels : 5 à 10 ans de prison.- Tout parent qui soumet son enfant ou l’enfant sous sa garde à des pra ques homosexuelles : 5 à 10 ans de prison + une amende.- Toute personne qui exerce une quelconque autorité sur un mineur et qui l’aura donné en mariage avec une personne du même sexe que lui : 10 à 15 ans de prison + une amende.

Les ar cles cités ci-dessus témoignent des amalgames dont fait preuve monsieur Mbikayi et de son manque de crédibilité sur les ques ons des droits humains. Il ne maîtrise pas ce qu’il qualifi e de «problème», car ce sont ses propos qui sont probléma ques. Il est dans une logique de s gma sa on, de préjugés et de discrimina on sans fondement aucun sinon le mépris et l’ignorance. Il ne fait par exemple aucune dis nc on entre l’homosexualité et la pédophilie, ce qui montre, entre autre, la malhonnêteté de sa démarche. Il parle de «maladies» qui accompagnent ces pra ques, alors même que c’est ce type de discours qui pousse à la clandes nité des LGBTI et les vulnérabilise face aux maladies. Sous prétexte de lu er en faveur des droits et de l’intérêt des mineurs, qui est une cause juste, il en profi te pour légi mer un discours excessif et insupportable des né à perpétuer les discrimina ons envers les homosexuels adultes et consentants qui souhaitent user de leurs libertés individuelles et publiques comme tous les citoyens du pays. Les sanc ons lorsqu’elles

sont nécessaires doivent être instaurées non pas pour une catégorie de la popula on mais pour l’ensemble de la communauté na onale. Ce projet de loi qui aurait dû être examiné au cours du premier trimestre 2014, n’a pas fi guré parmi les dossiers prioritaires et il est resté en veilleuse. Mécontent, Steve Mbikayi a donné une conférence le 20 Février 2014, au sein de la Faculté des Sciences Sociales de l’Université de Kinshasa. Et cinq jours après, le 25, il a organisé une rencontre avec les étudiants de l’Université Protestante du Congo, UPC en sigle. Leur déclarant que l’homosexualité est un danger contre la pérennisa on de l’espèce humaine et des valeurs africaines. Il a notamment salué, publiquement, la promulga on en l’Ouganda d’une loi renforçant la pénalisa on de l’homosexualité. Il est dommageable qu’un législateur prône la marginalisa on et l’exclusion de ses concitoyens, en raison de leur diff érence, quelle qu’elle soit et notamment au mo f de leur orienta on sexuelle ou leur iden té de genre, alors même qu’on est en droit d’a endre de lui qu’il œuvre à la protec on de tous. Pourtant, la Cons tu on Congolaise en son ar cle 51 s pule ce qui suit :

Par dans une pseudo mission messianique à mener afi n de protéger la culture africaine des an valeurs importées de l’occident, et devenu l’ini ateur et porte-parole du regroupement des par s poli ques de l’opposi on na onaliste dénommé la Nouvelle Classe Poli que et Sociale (NCPS), il a lancé une pé on visant à contraindre l’Assemblée Na onale à examiner son projet de loi. Il a rencontré les autorités religieuses pour gagner leur sou en et n’a pas hésité à organiser une marche pour dire «non au mariage pour tous et

à l’homosexualité» le jeudi 20 Août 2015 dans la commune de Ngiri-Ngiri. Dans ce contexte, il est important d’être clair et de rappeler que la RDC est un pays laïc, déclaré cons tu onnellement. Et même si le Député profi te de l’homophobie sociale et du discours discriminant envers l’homosexualité des Eglises classiques et de réveil pour rallier les masses populaires à sa cause, il est an cons tu onnel de baser les lois régissant notre pays laïc sur des convic ons religieuses. Monsieur Mbikayi n’est qu’un opportuniste, qui ne lu e pas pour la jeunesse congolaise ni pour la santé publique et donc pas pour l’intérêt du pays. Mais, on l’aura compris, il pense plutôt pouvoir accroître son accession à la députa on, en u lisant les homosexuels comme marche pied et comme boucs émissaires. Il veut faire parler de lui et gagner un électorat pour les prochaines élec ons, en surfant sur la vague homophobe qui traverse tout le con nent. Concrètement, en quoi les personnes LGBTI cons tuent-elles un problème ? Il est incapable de nous l’expliquer de façon claire et logique, car les LGBTI ne sont un problème pour personne. Les problèmes de la RDC nous les connaissons : L’accès à l’emploi, à la santé, à

l’éduca on, à l’énergie, à l’eau potable, la lu e contre la faim, contre la corrup on, contre les discrimina ons, la lu e en faveur d’une redistribu on plus juste de la richesse na onale, pour la fi n de la guerre à l’Est etc.… Voilà ce qui gangrène notre Na on et l’empêche de se développer et d’aller de l’avant. Pourquoi Monsieur Mbikayi persiste-t-il à détourner l’a en on des Congolais des vrais problèmes ? Lui qui parle, à tort,

de « pra ques importées de l’Occident », de « valeurs culturelles africaines », réalise-t-il qu’il ne connaît pas l’histoire de l’homosexualité en Afrique ni celle de son propre pays ? Ignore-t-il que l’homosexualité a toujours existé sur le con nent et en par culier en RDC bien avant l’arrivée des occidentaux, que tout cela a été documenté et qu’on peut avoir accès à ces informa ons en un clic sur internet ? A t-il oublié que la Bible sur laquelle il se base a diff érentes lectures et interpréta ons? Si on devait l’appliquer à la le re, personne

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« L’Etat a le devoir d’assurer et de promouvoir la coexistence pacifi que et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays. Il assure également la protec on et la promo on des groupes vulnérables et de toutes les minorités. Il veille à leur épanouissement. »

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ne pourrait suivre ses recommanda ons. Et surtout, la Bible est précisément pour le coup une importa on de l’Occident. Comment peut-on se faire le chancre de l’an impérialisme à ce point et se contredire totalement sur d’autres? On peut être an impérialiste sans pour autant inventer un ennemi intérieur qui serait l’homosexuel à bannir. Ses arguments sur l’importa on de l’homosexualité par les occidentaux ne fait que prouver son manque criant d’informa ons et d’éduca on. Comme nous le disions précédemment, les pra ques homosexuelles ont toujours existé en Afrique et approuvées dans diff érentes sociétés du con nent, avant l’arrivée des missionnaires. Des Azande au Sud-Ouest du Soudan et au Nord-Est de la RDC, ou chez les Nkundo (peuple de la région de Bikoro dans la province de l’Equateur), ou au Kasaï Oriental les hommes et les femmes pra quaient l’homosexualité et la dénommaient « Kitesha »… En passant par les Gangellas de l’Angola, ou chez les Bé au Cameroun avec leur rite nommé « Mévengu ». Ainsi, la liste des peuples africains autorisant les pra ques homosexuelles dans leur société est longue, très longue Le sociologue camerounais

Charles Gueboguo a réalisé d’excellentes études sur le sujet. Dans un pays en proie à la guerre depuis des décennies, nous n’avons pas besoin de loi qui divise les Congolais. Nous aspirons à l’unité dans le respect de tous. Steve Mbikayi vient semer la haine entre nous. Faut-il rappeler que les messages conduisant à la haine vont non seulement à l’encontre des valeurs africaines de tolérance, de paix et de solidarité mais aussi à l’encontre des valeurs cons tu onnelles qui sont spécifi ées dans l’ar cle 66 : « Tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimina on aucune et d’entretenir avec eux des rela ons qui perme ent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité na onale, le respect et la tolérance réciproques... » ? La communauté LGBTI de RDC restera soudée. Il nous appar ent d’agir afi n que ce projet de loi ne passe jamais. C’est dans ce e op que, que les associa ons LGBTI travaillent pour assurer un meilleur avenir à tous les Congolais sans dis nc on aucune. Nous reprenons à notre compte les paroles de Pablo Neruda, poète et écrivain chilien: «Ils pourront couper toutes les fl eurs, ils n’empêcheront pas la venue du printemps».

Pablo NerudaPoète et écrivain Chilien

Ils pourront couper toutes les fl eurs, ils n’empêcheront pas la venue du

printemps.

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J Je suis Chris an, jeune cadre congolais de 32 ans, vivant en Afrique du sud. J’aime les hommes, j’ai des rela ons avec certains et mes proches ne le savent pas. Je suis donc dans le placard comme on aime le dire. Ce qui m’arrive aujourd’hui va au-delà des réalités que j’avais espérés rencontrer dans ma vie et je ens à vous le partager. De temps en temps pour pouvoir calmer ma libido, je fréquente des saunas pour hommes où l’on rencontre des personnes disposées à assouvir le même besoin. On prend s’envoie en l’air et chacun reprend le chemin de sa vie de tous les jours normalement. Il y a environ deux ans, j’étais dans un sauna, ici dans ma ville, j’ai entendu parler le français et le lingala dans un groupe de quatre jeunes « beaux gosses » d’environ 25 à 40 ans. Cela a a ré mon a en on, je m’en suis rapproché, j’ai essayé de sympathiser avec eux en parlant directement en lingala. Ils ont été cool, ils se sont présentés en retour, nous avions parlé un pe t moment et chacun s’est orienté vers sa proie puis nous sommes séparés sans échanger nos contacts. Environ un an plus tard, des connaissances hétéros m’ont invité à une pe te fête d’anniversaire chez eux, j’ai bien répondu à l’invita on. Comme dans toutes nos fêtes congolaises, il faut prier avant de commencer la soirée, ils ont invité un gars que tout le monde appelait « pasteur » et là je me rends compte que c’est l’un des types que j’ai croisés ce jour-là au sauna. Je me suis simplement dit que c’est un surnom qu’on lui a donné comme on aime bien le faire avec les gens qui prient beaucoup. A un moment de la soirée, nous nous sommes retrouvés face à face, on a échangé gen ment et sans gêne quelques mots comme de vielles connaissances. La soirée s’est poursuivie normalement. Vers la fi n, tout le monde devant la porte prenait son véhicule pour rentrer, en groupe ou seul. Comme je n’avais pas de véhicule, pendant que je prenais mon téléphone pour appeler un taxi, le gars m’a demandé comment je rentrais chez moi, je lui ai répondu que j’étais en train d’appeler un taxi ; il m’a demandé quelle

était ma direc on, je lui ai dit que j’allais vers le centre-ville, il m’a proposé de m’emmener vu qu’il allait dans la même direc on. J’ai donc accepté. Une fois dans le véhicule, il a commencé à me poser des tas de ques ons sur la façon dont je menais ma vie, sur mes rencontres, ma profession, ma famille et même ma vie sexuelle. A un moment donné, il ralen t et me dit qu’il avait envie de m’embrasser – je dois avouer que je suis sous son charme depuis notre première rencontre, qu’en face d’une telle beauté, je me devais ne pas laisser passer ma chance et surtout que je n’avais pas de rela on à ce moment-là – il a parqué son véhicule à côté de la route, nous nous sommes embrassés langoureusement (toliani mbanga na ndenge ya mukié tssse, i elamusi ba posa misusu). Il m’a dit que ça ne pouvait pas s’arrêter là – hmmm – il m’a proposé de venir chez moi, je lui ai dit que ce n’était pas possible vu que j’habite avec mon jeune frère ; alors nous avions résolu d’aller dans un sauna. (Je vous informe que je maitrise par cœur le map des saunas dans ce e ville). On en a trouvé un tout proche, nous sommes entrés, nous nous sommes vite mis en tenue exigée et nous avons fi lé droit vers un box. Il s’est remis à m’embrasser, il a de très belles lèvres bien pulpeuses. Je l’ai laissé diriger le jeu. Nous avons passé un pe t moment des préliminaires comme la tradi on l’exige ; et au moment des choses coriaces, il prend une capote, me la donne et se met en posi on d’a ente. J’avoue qu’à aucun moment, je n’ai pu imaginer qu’il puisse être passif. C’était le comble de la surprise. Nous avions pris notre pied correctement. Ensuite, il m’a ramené chez moi, il m’a demandé mon numéro de phone juste avant de descendre et m’a fait un bip ; on venait d’échanger nos numéros de téléphone. On a gardé contact par Whatsapp, on s’allume de temps en temps mais sans plus. Quelques semaines plus tard, je me suis retrouvé autour d’un repas chez un autre ami congolais avec ses autres amis que je ne connaissais pas, nous parlions de l’épidémie des mariages... (A suivre)

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L La communauté LGBTI avait été secouée par l’annonce du décès de Joël Gustave Nana NGONGANG, le 15 Octobre 2015. Il venait de succomber à une infec on pulmonaire. Joël était un jeune ac viste Camerounais. Un champion de la lu e contre l’homophobie. C’est en 1999 que sa carrière démarra en tant que défenseur des droits des personnes LGBTI. Ce fut au sein de l’associa on gay camerounaise AGALES. Il y avait travaillé pendant deux ans. Il fut le Directeur Exécu f et Fondateur d’AMSHeR (Africa Men for Sexual Health and Rights) de 2009 à 2014, où il a assuré le développement de la coali on en tant qu’une voix cri que de la communauté sur les droits humains, l’orienta on sexuelle et l’iden té du genre, mais aussi l’accès aux soins de santé liés au VIH pour les Hommes qui ont des rapports Sexuels avec d’autres Hommes (HSH) en Afrique. Il était engagé et impliqué dans de nombreuses ac vités en rapport avec les LGBTI. Au-delà des fron ères de son pays, le Cameroun, Joël avait fait de toute l’Afrique subsaharienne son champ d’ac on. Il devait même co-animer une conférence sur la ques on noire LGBTI en mai 2016. A l’heure de son décès, il était Directeur de PARIEDV, un cabinet d’études et de conseil sur les Droits Humains. Il était à compter parmi les militants Camerounais reconnus sur le plan interna onal. Ceux qui ont collaboré avec lui disent qu’ils se souviendront toujours de lui pour ses prises de décisions tenaces et courageuses sur l’importance d’avoir un visage et les voix des HDH et les LGBTI au-devant pour lu er contre

leur oppression. Ses engagements militants et professionnels cons tuaient et cons tueront une source d’inspira on inébranlable. Autant de qualités de lui qui imposaient du respect. Ses amis, eux, se souviendront à jamais de lui pour son légendaire sens de l’humour, pour la joie qu’il transme ait autour de lui, pour son hospitalité et surtout pour sa compassion. Jeunialissime fera de Joël un modèle.Que l’âme de ce leader africain repose en paix !

Jeunialissime : Régis Samba-Kounzi, un nom très africain et qui rappelle la royauté. Quelles sont les origines de ces noms ?

Régis Samba-Kounzi : Wow ! En fait, j’ai hérité ces noms de mes parents. C’est la composi on des noms de mon père et de ma mère. Mon père est originaire de l’ethnie Lari du Congo Brazza et ce nom est très populaire là-bas. Je ne connais pas sa signifi ca on. Kounzi est le nom de ma mère, elle l’a hérité d’un membre de sa famille maternelle cabindaise, et il veut dire « le pilier », celui qui porte la famille.

J : Wow ! Tu es bien informé sur tes origines et ta culture. As-tu longtemps vécu en Afrique ?

R.S.K : Je suis né à Brazzaville que j’ai qui é à l’âge de 6 ans, pour débuter ma scolarité en France, comme le souhaitait ma mère. Et, je suis revenu régulièrement à Kinshasa et à Brazzaville notamment pour les vacances… Il y a un moment où j’ai ressen le besoin de rester plus sur le sol africain, je me suis donc établi 5 ans entre les deux pays… Sans parler de mes voyages professionnels fréquents sur le con nent…

J : Tu dis avoir ressen le besoin de rester un peu plus sur le sol africain, alors qu’on constate que beaucoup de jeunes rêvent de déserter l’Afrique. Qu’est-ce qui te rend a aché à l’Afrique ? Que représente l’Afrique pour toi ?

R.S.K : Beaucoup de jeunes qui n’ont connu que leur pays ou que le con nent africain, aspirent à juste tre à voyager et voir d’autres horizons ; c’est le propre de la jeunesse de vouloir découvrir l’ailleurs… Et, on dit que les voyages forment la jeunesse. Dans le cas de nos jeunes, il s’ajoute une autre probléma que qui nécessite de par r. Je veux parler de la situa on socioéconomique diffi cile qui pousse à chercher les opportunités de travail, notamment, ailleurs.Personnellement, j’ai eu la chance de par r tôt,

et comme j’ai grandi dans un environnement qui m’a donné l’amour du pays et du con nent., nous n’avons jamais été dans une logique d’immigrer éternellement en France. Lorsque j’entreprends mes études d’agronomie, l’idée est déjà de travailler dans le domaine du développement agricole en Afrique. Je pensais déjà au Congo Kinshasa à l’époque, avant de m’orienter vers un autre secteur… Il était normal que je sois si a aché à vouloir être en Afrique, là où sont mes origines et une grande par e de ma famille.

J : L’Afrique est un con nent qui généralement réprime les homosexuels, les comportements homosexuels. J’ai vu que vous avez des projets qui infl uent directement sur ce e probléma que. Pourquoi agir dans un sens opposé à l’avis populaire et dans un sujet à problème ?Ne craignez-vous pas le rejet de ce e même famille dont tu parles, qui habite l’Afrique ?

R.S.K : Ahahah !! Pas par esprit de contradic on en tout cas ! Mais par convic on et pour

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défendre des valeurs de solidarité, de tolérance et d’amour. Pour défendre des droits humains fondamentaux, pour lu er contre l’exclusion, le rejet et la haine, pour l’intérêt général. Et, aussi, parce que je suis homosexuel et que je me sens directement concerné, et que j’ai envie de défendre mes droits. Et je veux les défendre sur un con nent que j’aime, dont on dit qu’il est homophobe alors que la vérité est qu’il y a eu un lavage de cerveau complètement hallucinant qui a plongé les sociétés africaines dans une amnésie totale, lui faisant oublier son passé et son histoire, et notamment celui de l’homosexualité qui a toujours bien été intégrée dans nos tradi ons. Je ne crains aucun rejet familial. Ceux qui en raison de mon orienta on sexuelle décident de rompre leur lien avec moi, sont libres de le faire comme je suis libre de vivre ma vie comme je l’entends à par r du moment où je ne fais aucun mal à personne.Personnellement, j’ai suffi samment cul vé mon amour-propre pour ne pas me faire déstabiliser par un quelconque chantage aff ec f, et je ne suis pas dépendant économiquement, ça donne beaucoup de liberté. Je sais que c’est très dur pour d’autres suite à des tas de raisons et qu’il n’est pas facile de prendre ce type de posi on.

J : Parlez-nous un peu du projet « Lolendo ».

R.S.K : La série photographique « Lolendo » est un projet ar s que et documentaire sur les minorités sexuelles et de genre en RDC. C’est un travail inédit qui vise à donner de la visibilité à la communauté à travers une galerie de portraits accompagnée de témoignages. Elle par cipe au plaidoyer mené par les ac vistes LGBTI du pays et il a l’ambi on de donner un écho sur leurs condi ons de vie à un niveau interna onal… à travers la presse et des exposi ons/débats.La culture est un moyen fort pour sensibiliser et interpeler l’opinion ; il faut pour cela u liser tous les médias à notre portée… Pour ce travail, c’est la photographie qui s’y prête.

J : C’était facile d’approcher ces jeunes et avoir des autorisa ons pour la photo ?

R.S.K : Non, ce n’est pas facile, rien n’est facile lorsque l’on traite le sujet de l’homosexualité

et ce où que l’on soir sur la planète. Le rejet, la s gma sa on et les discrimina ons sont tels que les gens ont peur à juste tre. C’est un travail de longue haleine, il faut obtenir la confi ance. Le fait d’être de la communauté me donne un avantage.Par ailleurs, j’ai une cohérence dans mon parcours militant depuis de très longues années qui me donne non seulement de la légi mité mais aussi de la crédibilité, et ça c’est très important. Sans le sou en du ssu associa f LGBTI, il aurait été diffi cile d’a eindre autant de monde… Même si les réseaux sociaux et internet aident beaucoup!A par r du moment où les gens se rendent compte que je suis dans une démarche militante, que les photos sont réalisées pour ceux qui le souhaitent de façon anonyme, de dos, an portant un masque, en étant camoufl é, en tout cas, comme les gens souhaitent apparaître, dans ce respect-là, il n’y a aucun problème. Je suis totalement transparent et j’ai développé avec tous les par cipants des liens amicaux qui font que je travaille dans un respect réciproque.

J : S’il y a un message à donner aux jeunes LGBTI et à la jeunesse congolaise en général, que leur direz-vous ?

R.S.K : Je leur dirai à tous, hétérosexuels et homosexuels confondus, que nous devrions tous lu er pour créer un climat de liberté d’expression sexuelle et d’iden té de genre divers pour tous les citoyens, afi n que chacun soit bien dans son iden té, cela par cipe à l’épanouissement de la société toute en ère. C’est pas parce qu’un hétérosexuel fréquente un homosexuel que celui-ci va devenir homosexuel, car les homosexuels fréquentent les hétérosexuels, ils ne changent pas d’orienta on pour autant… Les pra ques et croyances religieuses promeuvent et encouragent souvent clairement l’homophobie. De nombreux chré ens apprennent à l’église qu’être homo est un péché. Si la Bible enseigne que l’homosexualité est un péché, elle enseigne aussi d’aider et d’aimer les exploités et les opprimés, et elle demande que tout être humain soit traité justement. Ce qui veut dire, pour elle, que comme re un péché ne jus fi e qu’on soit exploité, opprimé, s gma sé,

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discriminé, insulté, humilié, assassiné. Tout bon croyant devrait donc s’opposer énergiquement à la maltraitance des homosexuels et exiger qu’ils et elles soient protégés. Les droits des homosexuels sont une ques on des droits humains et de vie privée des personnes. Il faut bien comprendre qu’il est essen el de déconstruire les représenta ons entourant l’homosexualité car elles n’ont aucun sens à part faire du mal à des êtres humains qui n’aspirent qu’à vivre en paix. Il faut cri quer les stéréotypes. Ce e a tude est nécessaire à l’éradica on de l’homophobie. Il faut déconstruire l’idée selon laquelle l’homosexualité est un génocide pour les familles, car de nombreux homosexuels sont des parents qui sont en capacité d’élever des enfants et de les aimer tout comme les hétérosexuels.

Il faut aussi, et c’est fondamental, prendre des mesures face à l’épidémie du SIDA dans les communautés et stopper sa transmission du virus par l’informa on et le dépistage. La RDC est un des pays les plus touchés au monde par ce e pandémie.

J : Merci Régis de nous avoir accordé cet entre en et on espère que nos lecteurs seront édifi és par vos propos. Merci énormément. C’était un honneur pour l’équipe de Jeunialissime Magazine.

R.S.K : Wow ! Merci merci merci à vous oooohhh ! Bravo pour votre travail que j’ai toujours apprécié et si modestement je peux vous soutenir, je le ferai avec plaisir ! Très bonne journée !

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...un con nent que j’aime, dont on dit qu’il est homophobe alors que la vérité est qu’il y a eu un lavage de cerveau complètement hallucinant qui a plongé les sociétés africaines dans une amnésie

totale, lui faisant oublier son passé et son histoire, et notamment celui de l’homosexualité qui a toujours

bien été intégrée dans nos tradi ons.

Régis Samba-KounziAc viste et photographe

Nos sincères remerciements sont adressés à :

- Children’s Radio Founda on (CRF),- Si Jeunesse Savait,

- Heartland Alliance,- AMSHER,

- GISHR,- MOLI,

- Mouvement Contre le Discours de Haine,- Maison Arc-En-Ciel de Luxembourg,

- Régis Samba-Kounzi,- Toute l’équipe de Jeunialissime

MERCI pour votre sou en tant moral que matériel,ainsi que pour des séances de renforcement des capacités.

Spécial remerciement à Children’s Radio Founda on (CRF)pour avoir fi nancé l’impression du présent numéro.

MERCI à nos lecteurs et correspondantsainsi qu’à toute la communauté LGBTI de Kinshasa et alliés.

direc [email protected]/jeunialissime

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