16
À lire page 15 Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France Avril 2006 - Numéro 142 Compagnon du Devoir Dans ce numéro... LES ÂGES DE LA VIE - V REUSSIR AVEC SES ENFANTS « Toute facilité apparente, toute réussite, sont les fruits d’une rigueur intime. » Gérard Bauë - Chroniques I, III Y a-t-il plus grand bonheur pour des parents que de constater la réussite de leurs enfants ? Cette phrase si lointaine pour le jeune couple en construction, si nostalgique pour le couple désuni, si lourde de sens pour le couple accaparé par la vie et dé- semparé devant ses obligations, si chargée d’émotion mais aussi d’amertume pour le couple privé des joies de la naissance, si pesante de regrets pour le couple qui n’a pas su ou pas pu réussir avec ses enfants ou que la vie à un moment donné a éloi- gné de l’essentiel, si révoltante pour le couple orphelin ou pour celui qui a éloigné sa progéniture de la cellule familiale par des leurres éphémères aux conséquences durables, cette phrase, également si vraie pour tous les couples qui, à un moment donné, se regardent droit dans les yeux avec un peu de fierté et la sensation du devoir accompli, cette phrase ne peut laisser indifférent. Derrière sa banale apparence, se cachent en vérité des mots essentiels dont chacun a sa place, son sens et son poids. Enfants. Apparentés par le sang, l’alliance ou l’adoption, ils sont de leurs parents géné- ralement désirés, aimés, choyés au point parfois d’être privés de l’éducation familiale (celle qui construit). Si, très petits, ils sont appartenance de leurs seuls parents, très rapidement, obligations économico-profes- sionnelles et sociétales prenant le pas, ils sont partagés dans un premier temps avec une crèche ou une nourrice puis avec l’école. De longs moments intimes avec ceux qui les ont désirés, les enfants passent ainsi très rapidement à de brèves entrevues où, par compensation, leurs parents peuvent mal donner à force de trop vouloir donner. Les enfants, à ce moment déjà sous la respon- sabilité de plusieurs intervenants, voient parfois s’ajouter à ceux-ci les intervenants de la rue et, toujours, les intervenants im- posés par les écrans qui prennent de plus en plus de place dans leur espace éducatif. Ces enfants, que l’on ne quittait pas des yeux, peuvent ainsi devenir ceux que l’on ne voit plus, voire ceux que l’on ne comprend plus si, à un moment, il y a absence, démission, désintéressement ou rupture d’intérêt. Un architecte de génie Antoni Gaudi i Cornet Les âges de la vie - V. Réussir avec ses enfants par Normand la Clef des Cœurs ...................................................................................................... 1 Congrès de Métiers 2006................................................................................................................................................................................................................ 2 53 e Congrès des Compagnons passants Maçons du Devoir par La Patience de Briançon .................................................................................. 3 La semaine des métaux par Breton la Clef des Cœurs............................................................................................................................................................ 8 Un café bien cintré ! par Les apprentis chauffagistes ............................................................................................................................................................. 9 Une vocation de formateur par Bugey Cœur Fidèle ............................................................................................................................................................ 10 Courrier des lecteurs ..................................................................................................................................................................................................................... 12 Carnet du Tour de France ............................................................................................................................................................................................................. 12 Pâtissiers à Londres par Languedoc et Poitevin .................................................................................................................................................................... 13 Au plaisir de lire ................................................................................................................................................................................................................................ 14 Gaudi et le temple de la Sagrada Familia par Manceau ................................................................................................................................................. 15 S on œuvre la plus célèbre « La Sagrada Familia » inachevée de son vivant, et consacrée par l’Unesco « Patrimoine de l’humanité » depuis juin 2005, se termine. Manceau, jeune Aspirant Maçon, a travaillé sur ce chantier. Il nous raconte. Éditorial Normand la Clef des Cœurs À découvrir page 3 L’ Ascension 2005 fut pour les Compagnons passants Maçons du Devoir une date importante puisque, en ce jour, à Marseille, ils célébraient le jubilé de la reconnaissance de leur métier par l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir. Revenons sur le passé… Cinquante ans déjà ! Suite page 2

Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

À lire page 15

Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France

Avril 2006 - Numéro 142

Compagnon du Devoir

Dans ce numéro...

LES ÂGES DE LA VIE - VREUSSIR AVEC SES ENFANTS

« Toute facilité apparente, toute réussite, sont les fruits d’une rigueur intime. »Gérard Bauë - Chroniques I, III

Y a-t-il plus grand bonheur pour des parents que de constater la réussite de leurs enfants ?

Cette phrase si lointaine pour le jeune couple en construction, si nostalgique pour le couple désuni, si lourde de sens pour le couple accaparé par la vie et dé-semparé devant ses obligations, si chargée d’émotion mais aussi d’amertume pour le couple privé des joies de la naissance, si pesante de regrets pour le couple qui n’a pas su ou pas pu réussir avec ses enfants ou que la vie à un moment donné a éloi-gné de l’essentiel, si révoltante pour le couple orphelin ou pour celui qui a éloigné sa progéniture de la cellule familiale par des leurres éphémères aux conséquences durables, cette phrase, également si vraie pour tous les couples qui, à un moment donné, se regardent droit dans les yeux avec un peu de fierté et la sensation du devoir accompli, cette phrase ne peutlaisser indifférent.

Derrière sa banale apparence, se cachent en vérité des mots essentiels dont chacun a sa place, son sens et son poids.

Enfants. Apparentés par le sang, l’alliance ou l’adoption, ils sont de leurs parents géné-ralement désirés, aimés, choyés au point parfois d’être privés de l’éducation familiale (celle qui construit). Si, très petits, ils sont appartenance de leurs seuls parents, très rapidement, obligations économico-profes-sionnelles et sociétales prenant le pas, ils sont partagés dans un premier temps avec une crèche ou une nourrice puis avec l’école.

De longs moments intimes avec ceux qui les ont désirés, les enfants passent ainsi très rapidement à de brèves entrevues où, par compensation, leurs parents peuvent mal donner à force de trop vouloir donner. Les enfants, à ce moment déjà sous la respon-sabilité de plusieurs intervenants, voient parfois s’ajouter à ceux-ci les intervenants de la rue et, toujours, les intervenants im-posés par les écrans qui prennent de plus en plus de place dans leur espace éducatif. Ces enfants, que l’on ne quittait pas des yeux, peuvent ainsi devenir ceux que l’on ne voit plus, voire ceux que l’on ne comprend plus si, à un moment, il y a absence, démission, désintéressement ou rupture d’intérêt.

Un architecte de génieAntoni Gaudi i Cornet

Les âges de la vie - V. Réussir avec ses enfants par Normand la Clef des Cœurs ...................................................................................................... 1Congrès de Métiers 2006................................................................................................................................................................................................................ 253e Congrès des Compagnons passants Maçons du Devoir par La Patience de Briançon .................................................................................. 3La semaine des métaux par Breton la Clef des Cœurs ............................................................................................................................................................ 8Un café bien cintré ! par Les apprentis chauffagistes ............................................................................................................................................................. 9Une vocation de formateur par Bugey Cœur Fidèle ............................................................................................................................................................ 10Courrier des lecteurs ..................................................................................................................................................................................................................... 12Carnet du Tour de France ............................................................................................................................................................................................................. 12Pâtissiers à Londres par Languedoc et Poitevin .................................................................................................................................................................... 13Au plaisir de lire ................................................................................................................................................................................................................................ 14Gaudi et le temple de la Sagrada Familia par Manceau ................................................................................................................................................. 15

S on œuvre la plus célèbre « La Sagrada Familia » inachevée de son vivant, et consacrée par l’Unesco « Patrimoine de l’humanité » depuis juin 2005, se termine. Manceau, jeune Aspirant Maçon, a

travaillé sur ce chantier. Il nous raconte.

ÉditorialNormand la Clef des Cœurs

À découvrir page 3

L’ Ascension 2005 fut pour les Compagnons passants Maçons du Devoir une date importante puisque, en ce jour, à Marseille, ils célébraient le jubilé de la reconnaissance de leur métier par l’Association ouvrière des Compagnons du

Devoir. Revenons sur le passé…

Cinquante ans déjà !

Suite page 2

Page 2: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

2

De ce constat, apparaît l’ importance du maître mot amour dans la relation parents-enfants. Ce sentiment se doit de demeurer tout au long de la vie entre ces deux protagonistes, au point de forger des liens forts et indissociables, à l’image de l’indispensable remorque utilisée par les bateaux d’assistance et de secours pour accompagner le navire au port ou lui venir en aide lorsque la mer est démontée. Mais, à la différence de cette remorque navale, un véritable lien d’amour entre parents et enfants est capable d’ inverser son action d’origine, les enfants, devenus adultes, apportant à leur tour aide à leurs parents lorsque ceux-ci, fatigués par la vie et les ans, ressentent le besoin d’être accompagnés. Dans la vieillesse de vos parents, souvenez-vous de votre enfance, nous dit Ravignan.

Réussite. De quelle réussite parlent les parents lorsqu’ils évoquent leurs enfants ?

Si, généralement, s’agissant d’une compétence ou d’une aptitude dans un domaine particulier : sport, étude, musique, métier…, c’est avec beaucoup de simplicité mais aussi de fierté que les parents évoquent la réussite de leur progéniture, force est de constater qu’il n’en est pas de même pour la réussite de leurs enfants dans la globalité de leurs façons d’être et de faire, qui, rarement évoquée, l’est toujours de façon plus mesurée.

Cette réserve me semble raisonnable car le temps doit avoir fait son œuvre : quelques épreuves franchies, une personnalité acquise, des situations professionnelles et familiales stabilisées...

Il faut du temps pour tout cela, et de plus en plus, puisque la société post-moderne continue d’éloigner les éléments nécessaires à la sta-bilité de l’être humain alors que ce dernier a besoin de repères et de sécurité.

Si réussir dans la vie peut être un leitmotiv pour de nombreux humains dont naturellement les jeunes, réussir sa vie doit être le but recherché pour tous les parents en quête de bonheur pour leurs enfants.

Ainsi, des parents pourront évoquer le mot « réussite » lorsqu’ils auront constaté que leurs enfants sont devenus capables et dignes de construire leur famille, au travers d’éléments qui leur ont été transmis et qu’ils ont fait leurs, d’envisager leur lendemain avec sérénité, avec courage et que, empreints de confiance et d’optimisme, ils sont prêts à affronter les vicissitudes que la vie leur réserve. Parents. Difficile métier, pour lequel il n’existe aucune école, aucun manuel rempli de formules toutes faites et adaptées au cas qui nous intéresse au moment où nous en avons besoin… quelle chance !

C’est en se référant à ses propres parents, à sa propre éducation, que le couple apprend son métier de parents en grandissant avec ses enfants. C’est un moment de construction où alternent instinct, doutes, erreurs

et réussites. C’est une longue période pendant laquelle les évidences de la veille peuvent devenir obsolètes le lendemain ! Personne ne peut clamer avec certitude ce qu’il est bon de faire avec les enfants tant qu’il n’a lui-même été mis en véritable situation. Ceux qui ont tenté de le faire l’ont appris à leurs dépens. Ce sont là tout le charme et la complexité de la race humaine, amplifiés par le fait que l’enfant est en construction et les parents en apprentissage…

Difficile métier, mais passionnant métier. Etant entendu que lesenfants sont de perpétuels observateurs, l’essentiel n’est-il pas pour des parents de donner avec amour des repères transmis dans l’évidence par une attitude constante et une manière d’être et de faire, puis, parce que la confiance réciproque a toujours été de mise, d’être ceux que leurs enfants pendant longtemps sauront consulter en priorité avant d’être eux-mêmes assurés. Pour nous mettre encore un peu plus dans le doute, Boris Cyrulnik dans « Les nourritures affectives » nous dit : Un enfant n’a jamais les parents dont il rêve. Seuls les enfants sans parents ont des parents de rêve.

Bonheur. Le bonheur, souvent, se construit au détriment dequelqu’un, et ce n’est plus le bonheur. Le vrai bonheur est de mettre son bonheur dans le bonheur d’un autre. Jacques de Bourbon-Busset (extrait de « Tu ne mourras pas »).

Il s’agit bien de cela concernant la relation parents-enfants, même si trop nombreux sont les parents obligés de se priver parfois pour permettre à leurs enfants de vivre ou de devenir quelqu’un. Cette situation ne peut s’ installer dans la longévité. Chacun, parents et enfants, a le droit au bonheur et, mieux encore, au bonheur partagé, ce bonheur partagé qui donne la force indispensable lorsque vient le moment de partager aussi les malheurs, éléments incontournables d’une vie.

Mais, en vérité, y a-t-il plus beau moment de bonheur que de voir ses propres enfants, à leur tour, devenir parents ? Manifester son bonheur est un devoir ; être ouvertement heureux donne aux autres la preuve que le bonheur est possible. Albert Jacquard.

Être Compagnon, c’est aussi et souvent l’occasion d’être heureux de constater la réussite de ceux que nous accueillons, au point de pren-dre du plaisir à les voir eux aussi accompagner leurs enfants et à les regarder eux aussi accueillir et accompagner d’autres jeunes désireux de grandir par le Tour de France. C’est bien là toute la grandeur de la transmission, celle voulue par les Compagnons du Devoir, à utiliser sans modération tant pour ses propres enfants que pour ceux qui rejoignent le Compagnonnage.

Michel Guisembert

Normand la Clef des Cœurs

Premier Conseiller

EDITORIAL SUITE

Congrès de Métiers 2006

Boulangers Pâtissiers Lyon 7 et 8 mai

Charpentiers Nancy 21 et 22 avril

Charrons Carrossiers Toulouse 29-30 avril et 1er mai

Chaudronniers Strasbourg 25-26 et 27 mai

Couvreurs Rodez 25-26 et 27 mai

Famille du Cuir Angoulême 25-26 et 27 mai

Forgerons, Maréchaux-Ferrants,Mécaniciens et Electriciens Tours 25-26 et 27 mai

Maçons Toulouse 25-26 et 27 mai

Menuisiers Ebénistes Trégueux 25-26 et 27 mai

Plâtriers et Peintres Marseille 25-26 et 27 mai

Plombiers Nancy 28-29 et 30 avril

Serruriers Métalliers Périgueux 25-26 et 27 mai

Tailleurs de Pierre Vers Pont du Gard 25-26 et 27 mai

À tous les membres de l’Association ouvrière (itinérants et sédentaires)

La présente est pour m’adresser aux amoureux de la « Petite Reine ».

Comme vous le savez sans doute, le Tour de France fait étape dans le Bassin Rennais et notamment à Saint-Grégoire-Rennes, le samedi 8 juillet. Etape contre la montre individuelle (lors de celle-ci, se jouera l’épilogue de cette compétition).

En tant que résident de cette commune, je me propose de vous accueillir en mettant à votre disposition mes locaux professionnels.

Compte tenu de l’importance de cette manifestation, il est nécessaire d’arriver le vendredi 7 dans l’après-midi.

Prière de me prévenir au plus tard avant le 10 juin.

G. Bataillé

PS. • Eff ectif limité à 150, bus possible jusqu’au site.• Pour ceux qui sont intéressés, mes coordonnées sont à

récupérer auprès de la Maison de Rennes.

Avis

Page 3: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

compagnonnage et jubilé

3

En ce jour de l’Ascension 2005, se déroule pour les Compagnons passants Maçons du Devoir le 53e congrès de leur corps de métier, congrès aujourd’hui particulier puisque, au cours de cette journée, vont être évoqués et fêtés à la fois le jubilé de la reconnaissance des Compagnons Maçons du Devoir et celui de deux Compagnons qui participèrent activement à cette reconnaissance.

En 1958, 1968, 1979 et 1995, les Compagnons Maçons se réunissent en congrès à Saint-Barnabé, étape de la Sainte-Baume. En 2002, c’est la ville d’Auxerre qui les accueille. Ils rendent à cette occasion hommage à leur premier Compagnon Maçon, reçu à l’Ascension 1952 par les Honnêtes Compagnons passants Tailleurs de Pierre du Devoir.

La Persévérance de Châteaudun est son nom. Ce Compagnon aura la lourde tâche de rassembler, d’unir, de fraterniser un groupe d’hommes, jeunes maçons, désireux de devenir « métier » de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir.

La Persévérance de Châteaudun porte à ce moment sur ses épaules la réussite ou l’échec d’un métier désireux d’entrer dans la famille compagnonnique. Pour y parvenir, il s’entoure de jeunes Aspirants, les guide, les passionne pour le métier et pour le Tour de France. Sa force de caractère, sa conviction d’aboutir feront qu’il réussira à entraîner derrière lui une équipe d’Aspirants qui marquera le destin de notre métier et de l’Association.

C’est l’époque de la construction des Maisons de Compagnons. Les maçons y contribuent largement, démontrant ainsi la fi délité de leur métier au Tour de France. Devant cette mobilisation, les Compagnons Tailleurs de Pierre déposent devant les Assises nationales du Compagnonnage une reconnaissance du métier de maçon. Tel est le règlement.

La demande des Compagnons Tailleurs de Pierre est inscrite à l’ordre du jour des 17e Assises nationales du Compagnonnage du Devoir qui se tiendront à Marseille les 28 et 29 mai 1955.

Notre Compagnon sait que, devant les métiers, il va encore devoir s’expliquer, se justifi er. La partie n’est pas gagnée d’avance. Les interventions se succèdent. Enfi n, les Assises se prononcent et votent la reconnaissance offi cielle du métier de maçon. Les Compagnons passants Maçons du Devoir deviennent dès lors « métier » de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France.

L’engagement de La Persévérance de Châteaudun ne s’arrêtera pas à cette belle journée de mai 1955 sur le sol de Provence. Il se poursuivra jusqu’en 1976, date de son décès, et sera accompagné plus de vingt ans par le Compagnon Jean Bernard, La Fidélité d’Argenteuil, dont l’aide précieuse sur beaucoup de sujets marquera notre métier.

Aujourd’hui, cinquante années ont passé et tes enfants, La Persévérance, te montrent par leurs actions qu’ils te sont restés fi dèles. Voilà pourquoi notre métier tient congrès à Marseille en 2005, en présence de plus de quatre cents Compagnons, Aspirants, apprentis entourés des nombreuses épouses et amies venues participer à cette rencontre un peu particulière.

Ascension 2005 - Marseille

53e Congrès des Compagnons

passants Maçons du Devoir

La Patience de Briançon

La Persévérance de Châteaudun est son nom. Ce Compagnon aura la lourde tâche de rassembler, d’unir, de fraterniserun groupe d’hommes, jeunes maçons, désireux de devenir« métier » de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir.

Le temps du souvenir

Page 4: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

4

Ils nous ont prouvé (les maçons) l’honnêteté de leurs sentiments et nous sommes sûrs que la fi délité sera à l’épreuve de tous les temps. En un mot, toutes nos vertus compagnonniques existent chez les Compagnons Maçons et c’est ainsi qu’au nom des Cayennes des Honnêtes Compagnons passants Tailleurs de Pierre du Devoir, nous vous demandons l’admission des Compagnons Maçons au sein de notre Association.

Après la traditionnelle photo de congrès, les Compagnons Maçons se retrouvent pour fêter leur jubilé. Une plaquette a été éditée pour l’occasion afin de commémorer cet événement et surtout de transmettre à tous, jeunes et moins jeunes, la mémoire de ces cinquante années d’histoire. La Fermeté de Fontaine-les-Coteaux, accompagné d’un groupe de Compagnons, a parfaitement su mettre en page ces grands moments appréciés de tous. Qu’ils en soient tous aujourd’hui remerciés.

Mais revenons à notre jubilé. La soirée du vendredi est réservée à la cérémonie fraternelle. La Prudence de Nantes, notre rôleur, en est le maître de cérémonie. Après nous avoir fait part du déroulement de cette fraternelle manifestation, il nous explique le sens profond de ce jubilé, l’accompagnement de nos parrains, pour certains très proches des maçons et pour d’autres plus empreints de la réserve coutumière présente dans notre institution. Ce mélange d’attitudes fait que le Compagnonnage avance sans dévier de sa longue route.

Les épouses de trois Compagnons disparus, La Persévérance de Châteaudun, La Fidélité de Cologne, La Loyauté de Denée, sont avec nous. Leur présence témoigne s’il le fallait de l’attachement qu’elles portent aux Compagnons. Nous ne pouvons que leur dire merci. La jeunesse a besoin de ces moments forts et faits d’exemples. L’engagement dans la vie compagnonnique pour l’homme de métier peut paraître naturel mais reconnaissons à nos épouses le rôle d’ambassadrices discrètes du Compagnonnage car nous avons aussi besoin de leur engagement.

Le moment est maintenant venu pour le Compagnon Mahé, La Sagesse de Lamballe, représentant les Compagnons passants Tailleurs de Pierre du Devoir, de nous lire le rapport présenté par le Compagnon Larrède, La Franchise de Bordeaux, en l’année 1955, duquel nous retiendrons ces quelques extraits :

■ « Aux Assises de 1950, il nous a été demandé d’étudier la constitution et l’ incorporation des Compagnons Maçons au sein de notre Association ouvrière. Cette Corporation n’est pas nouvelle, ni née de l’évolution de la technique. »

■ « Nous voulons que le Compagnon Maçon soit ce qu’était jadis et qu’est encore le maçon tailleur de pierre, il faut qu’il soit le bras droit du maître de l’œuvre, qu’ il juge d’un premier coup d’œil l’ensemble de l’ouvrage, qu’il fasse avec aisance les tracés, parfois bizarres qu’exigent les constructions modernes. »

■ « C’est pourquoi, sur le plan tailleurs de pierre et maçons, nous rejoignons Raymond le Poitevin dans la deuxième alternative de son article « Question vitale » de Compagnonnage de mars 1955 énonçant ‘’élargir la base des métiers existant dans le Compagnonnage, prendre en tutelle les métiers adoptés compagnonalement, les nourrir de notre tradition puis les émanciper en multipliant ainsi les possibilités de recrutement, donc de choix et de sélection et par conséquent en élevant le niveau général des hommes du Compagnonnage’’ ».

■ « Il a appr i s (La Persévérance de Châteaudun) aux jeunes que l’homme par son métier doit rester en contact avec la nature par les matériaux qu’il œuvre et par l’emploi de ses œuvres ; il doit rester en contact avec les hommes pour parler avec eux le langage de son esprit, de son cœur. »

■ « Il s nous ont prouvé ( les maçons) l’honnêteté de leurs sentiments et nous sommes sûrs que la fi délité sera à l’épreuve de tous les temps. En un mot, toutes nos vertus compagnonniques existent chez les Compagnons Maçons et c’est ainsi qu’au nom des Cayennes des Honnêtes Compagnons passants Tailleurs de Pierre du Devoir, nous vous demandons l’admission des Compagnons Maçons au sein de notre Association avec la certitude que les constructeurs de buildings modernes auront à cœur de ne pas ternir l’auréole des bâtisseurs de cathédrales. »

L’éloge rendu aux maçons par nos parrains, il appartenait aux Assises de se prononcer sur la proposition des Compagnons passants Tailleurs de Pierre de donner l’autonomie aux Compagnons Maçons. Après une longue discussion, la motion suivante était adoptée :

« Les Assises approuvent le rapport des CC Tailleurs de Pierre concernant la fin du mandat qui leur a été confi é en 1950, au sujet de l’adoption de la corporation des maçons. Ce rapport conclut à cette adoption qui est confi rmée par les Assises. Les C.C. Tailleurs de Pierre demandent qu’un délai d’un an leur soit imparti pour mettre au point, avec les intéressés, toutes les modalités qui incorporeront la corporation des maçons dans le Compagnonnage

du Devoir et que, au début des Assises 1956, la question soit abordée en priorité pour qu’ils puissent y participer eff ectivement. »

Le Compagnon Mahé, La Sagesse de Lamballe, qui nous a donné lecture de ce texte rappelle que cette motion a été votée à l’unanimité par tous les délégués des 17e Assises nationales.

L’assemblée présente aujourd’hui écoute ensuite avec attention la lecture d’un extrait émanant du rapport moral du Premier Conseiller, le Compagnon Jean Bernard, pour les 17e Assises nationales de Marseille. Nous en reproduisons ci-après un passage :

Jubilé de la reconnaissance des Compagnonspassants Maçons du Devoir

Michel LaurenceauLa Persévérance de Châteaudun

André DelibesLa Fidélité de Cologne

Page 5: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

5

« L’adoption de nouveaux métiers nous fait pénétrer dans un champ d’action nouveau dont il est malaisé de reconnaître clairement les répercussions pour le Compagnonnage : il est grand, mais il est périlleux de se prolonger et ceci, qui est une épreuve, montrera si oui ou non, nous possédons, ainsi que Raoul Dautry l’ écrivit en 1950 ‘’ une parcelle de ce génie qui, bien souvent, et peut-être sans discontinuer, a sauvé notre humanité qui sait renaître sous les formes les plus diverses et les plus adaptées…’’ »

Puis l’activité de notre corporation depuis cinquante ans est rappelée brièvement par La Patience de Briançon. Notre métier, dit-il, guidé par nos pères spirituels, La Persévérance de Châteaudun et La Fidélité de Cologne, s’est construit un cheminement, une ligne de conduite où chacun doit se retrouver. Pour mémoire, en voici le rappel :

■ la mise en place de nos cours réactualisés à plusieurs reprises,

■ la création du rituel de Réception de maçon, travail de longue haleine,

■ la mise en page de l’Encyclopédie des Métiers « Maçon – Tailleur de Pierre »,

■ la formation continue, l’ouverture de notre CFA,■ l’engagement dans la vie associative.

Cinquante années bien remplies pour une seule cause « retransmettre et servir en regardant toujours devant comme l’ont fait nos Anciens ».

Notre rôleur, La Prudence de Nantes, invite maintenant La Constance de Provins, futur délégué, à venir nous parler des perspectives et projets de notre

métier pour les années à venir et en profi te pour remercier le Compagnon Majoli pour sa mission, depuis l’an 2000, de délégué national de notre corporation, mission qui se termine cette année.

Voici maintenant rappelés nos projets :

■ la réactualisation de nos problèmes de formation. Elle se met en place et va durer quelques années. Ce savoir qu’il faut transmettre à nos jeunes itinérants fait partie de notre engagement de Compagnon ; aussi nous comptons sur chacun, présent dans les conseils de métier, pour aboutir,

■ nous devons poursuivre aussi les efforts de recrutement de jeunes stagiaires et apprentis maçons. Cette action, indispensable pour la vie de notre métier, sera la pérennité de notre corporation. Sans jeunes, nous n’existerons plus,

■ dans les actions en cours, la fi n de la rédaction de l’Encyclopédie des Métiers de la Taille de Pierre et de la Maçonnerie, prévue pour 2007. Elle doit servir pour les cours de nos itinérants et être une référence pour le métier,

■ nous poursuivrons également les stages de formation continue en gardant la qualité des contenus et en les adaptant pour que nos jeunes puissent y participer. Ces stages sont le complément de leur formation,

■ notre exposition « Maçon pour bâtir l’avenir » qui voyage depuis 2001 fera encore trois villes et s’arrêtera à Paris, fi n 2006. Nous profi terons des contacts établis avec des partenaires de la profession pour poursuivre sur la création d’un Institut de la Maçonnerie. Il doit être complémentaire aux organismes existants et servir le métier et les entreprises.

Nous aurons d’autres missions à accomplir parmi lesquelles le parrainage d’une future corporation chez les Compagnons du Devoir, cel le des jardiniers paysagistes ; l’ouverture sur le monde car aujourd’hui le voyage prend une autre dimension ; la continuation de notre participation à l’AOCDTF et la prise de responsabilités ; enfi n permettre à des jeunes, fi lles ou garçons, de devenir des femmes et des hommes dignes et responsables à travers un métier, un enseignement et le voyage. De faire tout simplement du Compagnonnage.

Pour clore cette partie du congrès consacrée au jubilé de la reconnaissance des Compagnons passants Maçons du Devoir, le Compagnon Mahé, tailleur de pierre, remercie les maçons pour le travail accompli aux côtés de son métier et invite à encore plus de collaboration entre nos deux métiers.

Ce remerciement est suivi par un mot de bienvenue en ouverture de congrès du Compagnon Drouet, Alain l’Angevin, Provincial de Marseille, au cours duquel il nous fait part de l’activité de sa province couvrant la totalité de la région Provence, Alpes, Côte d’Azur, du pays Niçois jusqu’au Haut-Briançonnais. Nombreux sont présents ce soir, que ce soient les métiers ou les Compagnons actifs. Notre Provincial nous invite à continuer plus fortement l’action entreprise par notre métier.

Le Compagnon Guisembert, Normand la Clef des Cœurs, Premier Conseiller de notre Association, est des nôtres pour cette soirée de jubilé et est invité à mettre fi n à cette cérémonie de reconnaissance des C.P.M.D.D.

Le rôleur remercie les intervenants et l’assemblée pour son écoute et, souriant, annonce que la soirée n’est pas pour autant terminée et qu’aujourd’hui, notre corporation profi te des cinquante ans de notre reconnaissance des C.P.M.D.D. pour honorer deux Compagnons Maçons reçus tous deux par nos frères Tailleurs de Pierre le 15 mai 1955 à Paris pour la fête de l’Ascension. Il s’agit des Compagnons Simon Journoud, La Franchise de Lyon, et Henri Sorin, La Fermeté de Couëron.

En cet instant, nos deux Anciens ont le visage grave. Que de souvenirs. Les applaudissements, la joie de l’assemblée ramènent leur sourire. Pour cet hommage que nous voulons leur rendre, le Compagnon Christian Truff y, La Sérénité d’Isigny, de la Cayenne de Lyon, évoque le parcours compagnonnique, familial et professionnel de La Franchise de Lyon. Ecoutons-le :

La Franchise de Lyon, cela fait cinquante ans que vous avez été reçu Compagnon passant Maçon du Devoir, en même temps que La Fermeté de Couëron.

Simon, vous êtes né le 13 octobre 1930 à Lyon (2e) au sein d’une famille de cultivateurs. Vous avez grandi avec vos sept frères et sœurs dans ces années de guerre où la vie n’était pas toujours facile. Très tôt, il vous a fallu trouver du travail et abandonner les bancs de l’école pour apporter une contribution à la vie familiale. La photographie, puis le textile furent vos premiers contacts avec la vie professionnelle. Un esprit d’indépendance et de créativité vous a poussé à venir sur les chantiers pour construire et choisir ce beau métier de bâtisseur.

C’est en 1951 que vous rencontrez le Compagnonnage par l’ intermédiaire d’un Compagnon Menuisier. À Nantes, vous participez au tout début de la construction du siège, quai Malakoff , en 1952 (9 octobre). La corporation des maçons se résume en tout et pour tout à trois Aspirants. L’ambiance de la construction des sièges vous plaît et c’est la rencontre avec le Compagnon Laurenceau, La Persévérance de Châteaudun, qui déclenche votre vocation pour le Compagnonnage.

Vous êtes adopté à Strasbourg durant l ’ hiver 1953/1954 puis vous repassez par Lyon, ville mère.

La vie d’itinérant à cette époque ne se résume pas à faire sa journée. Le soir, après le repas, toutes les corporations participent aux travaux du siège ; il faut démolir, évacuer, construire, peindre, en deux mots œuvrer pour les générations futures et dessiner la carte des maisons du Tour de France. Ensuite, vous partez en éclaireur à Caen, une épopée, puis vous descendez à Bordeaux et remontez à Paris pour y être reçu Compagnon passant Maçon du Devoir en même temps que le Compagnon Sorin en 1955, pour la fête de l’Ascension. Vous continuez votre voyage par le Val de Loire en passant à Tours et l’été 1956 vous rentrez à Lyon, votre province natale. A Saint-Laurent d’Agny, à deux pas de Messimy, Anne-Marie, dite Marinette, vous attend. Elle vous a repéré dès l’âge de 17 ans « comme un garçon qui n’est pas mal du tout ». Ce ne sera que sept ans plus tard que vous l’épouserez, l’ayant bien sûr fréquentée en douce !

Très vite, vous passez à l’action en achetant d’abord une maison qu’il faut bien sûr restaurer puis vous vous installez à votre compte avec votre beau-frère. La naissance de votre fi ls aîné, Dominique, ne vous empêche pas de rentrer comme jeune conseiller municipal à la mairie et de ne plus la lâcher pendant presque trente-six ans à la grande joie de Marinette qui sait si bien vous remplacer pendant toutes ces réunions ou manifestations. Trois autres enfants viennent compléter cette petite famille : François, Régine et Blandine.

En parallèle, vous développez votre entreprise car le métier vous tient à cœur. Il faut acheter du matériel, embaucher, former des équipes. Marinette vous rappelle souvent à l’ordre pour établir les factures et assurer les fi ns de mois. Elle s’occupe de votre comptabilité et excelle dans les relations commerciales.

La vie avec le personnel est toujours mouvementée, il faut fréquemment chercher des hommes, les fi déliser et vous arrivez souvent à vos fi ns, sans cassures, par le raisonnement et le contact humain.

Chez les Compagnons, vous devenez secrétaire de province à Lyon et le restez douze années durant lesquelles vous assurez avec minutie l ’accompagnement d’un jeune Provincial, le Compagnon Sage. Vous n’êtes pas toujours d’accord

avec certaines orientations prises par le Conseil et vous le faites savoir mais vous respectez toujours la primauté de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir, rassembleuse des métiers.

Voyant grandir l’Association ouvrière, vous ressentez la nostalgie d’un Compagnonnage simple, avec moins de monde, plus familial où l’on peut encore discuter avec tous les corps d’ état autour d’un bon casse-croûte. Cela ne vous empêche pas de moderniser l’outil de formation et de parrainer l’achat et la création des Ateliers Sidoine Apollinaire, de tenir bon en ayant confi ance dans les années les plus tourmentées de la trésorerie de la province de Lyon. Vous gardez une grande admiration pour le fondateur qu’est le Compagnon Jean Bernard, pour sa grande culture et son attachement aux valeurs du Compagnonnage qu’il a su sauvegarder.

Vous citez souvent aussi la mémoire du Compagnon Delibes trop tôt disparu et toutes ces contradictions et ces déchirements qui ont engendré notre Compagnonnage d ’aujourd’ hui. Pour vous, l’essentiel reste dans le fait que le Compagnonnage persiste à rendre les hommes libres, qu’il continue à pousser le monde ouvrier vers le haut et qu’il reste avant tout un don de soi dans le bénévolat et une ouverture profonde envers cette jeunesse que vous aimez. Pour cette jeunesse qui est là aujourd’hui et qui écoute cet éloge, vous incarnez le vrai sens du Compagnon, vous êtes une courroie de transmission entre les générations. Parfait artisan en son métier, vous vous êtes ouvert à la société. Même dans les moments où cela allait mal, vous avez persisté et vous avez gagné.

Après avoir préparé votre retraite et su prévoir l’avenir, enfin disponible, vous pouvez un peu plus vous consacrer à la vie de la maison, c’est un juste retour pour votre épouse et votre fi lle Blandine qui ont toutes les deux besoin de votre santé et de votre énergie.

Pour tous les itinérants qui sont passés à Lyon, c’est un chaleureux souvenir d’avoir rencontré le Compagnon Simon Journoud, d’avoir dans les oreilles sa voix rocailleuse et son image de Dieu le Père ou de Grand Rabbin avec sa barbe blanche et son chapeau noir. On aime monter à Messimy vous rencontrer avec Marinette, sentant bien que vous fonctionnez de la même façon et que vous

Cinquante ans de Compagnonnage

Page 6: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

6

continuez malgré la nécessité de la vie à nourrir en vous une dette d’attention et d’amour que vous n’arriverez jamais à combler.

Merci à vous Coterie, merci à Marinette et à vos enfants pour toute cette disponibilité simple et naturelle dépensée tout au long de votre vie riche et ouverte aux autres.

Le parcours de notre Ancien est applaudi, ses yeux s’embuent. Merci Lyonnais.

C’est maintenant au tour du Compagnon Luis Bues, La Fraternité d’Embrun, de la Cayenne de Marseille, de remercier, la gorge serrée et dans un même esprit, La Fermeté de Couëron.

La Fermeté de Couëron, il y a quarante-cinq ans, tu m’accueillais comme stagiaire dans cette belle ville de Marseille. Aujourd’hui, il m’est demandé de retracer en quelques lignes ton parcours professionnel et compagnonnique.

En 1949, tu débutes un apprentissage aux Forges de Basse-Indre comme maçon fumiste. A ton retour de l’armée, cherchant de l’embauche, tu viens sur le chantier de la future maison des Compagnons de Nantes. Là, tu rencontres une jeune équipe d’Aspirants. Il y a Cathelineau, Delibes, Sudre, puis Journoud. C’est pour toi le début d’une grande aventure qui va marquer toute ta vie.

Tu quittes Nantes pour Lyon où tu es adopté en 1953. Puis Strasbourg où tu rencontres le Compagnon Laurenceau, La Persévérance de Châteaudun, qui est le Premier Compagnon passant Maçon du Devoir, reçu en mai 1952. Tu passes par Marseille, Nice, Bordeaux, Toulouse et Paris où tu es reçu Compagnon le 15 mai 1955 sous le nom de La Fermeté de Couëron. Puis retour à Marseille pour te sédentariser et fonder une famille.

Ce beau nom de Fermeté, tu le mets en pratique puisque cinquante ans plus tard tu es toujours présent pour nous apporter ton savoir et ton exemple dans ce que doit être l’engagement. Tu seras reconnu Compagnon Fini en 1995, à Marseille.

Ton parcours professionnel débute par un apprentissage de maçon, puis dix années en tant qu’ouvrier, douze en tant que chef de chantier dans diverses entreprises : Socotram-Terrey, Rivollet et Les Travaux du Midi où tu occuperas plusieurs postes. Entré comme chef de chantier, tu deviendras conducteur de travaux sur chantier, responsable de sécurité pendant quelques années puis, retour au chantier, tu rejoins l ’usine de préfabrication d’Aubagne pour devenir responsable de fabrication. Enfin, après quarante-six ans de vie professionnelle bien remplie, tu prends une retraite bien méritée.

En parallèle, tu t’occupes des jeunes itinérants et, bien que jeune marié, tous les soirs, tu montes à pied au siège pour donner les cours et participer à la vie de la Province. Tu te déplaces plusieurs fois l’an pour des réunions à Paris ou dans d’autres villes. Nous devons aujourd’hui remercier ton épouse qui a su comprendre ton engagement auprès de la jeunesse. Epouse de Compagnon, elle a su t’aider. Mère de famille, tu l’as souvent laissée seule pour rejoindre les Compagnons. Combien de fois avons-nous entendu Jackie te dire : « Oh ! mon Henri, tu te bouges un peu pour tous ces petits ». Merci Jackie de laisser La Fermeté de Couëron venir nous rappeler le droit chemin.

Tu es tour à tour maître de métier, maître de Cayenne à Lyon, puis Provincial à Marseille de 1988 à 1993 où tu mets en place la rénovation du siège et où tu mets également en place et signe avec Jean-Claude Gaudin, président du Conseil Régional, la première convention régionale de formation (CFA régional).

Tu t’occupes activement des parents d’ élèves avec tes enfants , tu es membre actif de la société sportive de ton quartier, conseiller de l ’enseignement technologique pendant douze années, administrateur de AREF-BTP, représentant syndical aux CCCA.

En 1954-1955, tu nous donnes « La chanson des Aspirants maçons », devenue quelques années plus tard le chant de notre Réception de Compagnon. Puis une chanson moins connue « Oh ! toi Coterie, écoute ».

Une fois ta gâche de Provincial terminée et en retraite, tu nous dis plusieurs fois : « Maintenant, laissez-moi tranquille, je ne veux plus m’occuper de rien ». Mais, comme l’a dit l’un de nos jeunes maçons dans sa lettre de postulant à l’Adoption : « Pour un Compagnon, retransmettre ne doit pas être un devoir, mais un besoin ». Ce besoin, Coterie, est profondément ancré en toi puisque tu es toujours présent dans la corporation et dans toutes les manifestations de la Province !

Coterie, nous devons te remercier toi et les Compagnons du début de la corporation pour votre engagement, votre persévérance et votre fi délité au métier. Si nous sommes aujourd’ hui réunis pour cet anniversaire, nous vous le devons. Que notre jeunesse présente en ce 53e congrès puisse vous prendre pour exemple et toujours former une corporation forte et soudée dans un esprit de fraternité, de solidarité et de confi ance en l’avenir de notre beau métier de maçon, tout en restant attachée à l’Association ouvrière qui a su nous accueillir et nous faire confi ance.

Coterie, en mon nom personnel et avec toute la corporation, je te remercie pour l’exemple et les conseils que tu as toujours su nous communiquer et que tu continueras encore longtemps à nous apporter. La Fermeté de Couëron, merci. Fraternellement à toi.

Nos deux Anciens se rapprochent en frères de Réception. Comme au premier jour, ils ont encore besoin l’un de l’autre. Le maître de cérémonie repend la parole pour demander à deux jeunes

Aspirants de venir off rir un souvenir à chacun de nos deux Anciens et les remercier par quelques mots au nom de la jeunesse du Tour de France.

Une magnifi que gourde peinte leur est off erte. Merci à la Cayenne de Paris d’avoir contribué à la mise en œuvre de ces présents. Deux chevalets off erts par nos jeunes menuisiers de Marseille sont dressés sur l’estrade, deux fresques sur pierre y sont installées et off ertes à nos deux Anciens. Elles ont été créées et peintes par le Compagnon Jean-Marc Barreau, L’humilité de Bollène, qui nous livre son imaginaire par ce beau travail et nous indique par les lignes qui suivent son cheminement pour ce travail.

La technique de la fresque utilisée pour cette réalisation l’a été suivant les règles très précises appliquées à celle-ci, depuis la fabrication du mortier, en passant par le dessin, avec le poncif, l’application des pigments au fur et à mesure, le lissage sur le mortier encore frais faisant revenir la calcite en surface qui fi xera les pigments et, enfi n, le ferrage qui suivant le mortier utilisé fermera défi nitivement la surface lui donnant un aspect satiné, poli ou marbré.

Pour le sujet, n’ayant aucune obligation, j’ai laissé faire mon inspiration, tout en suivant un cheminement compagnonnique. Souvent, nous trouvons la gourde en sujet central mais celle-ci était off erte indépendamment à nos deux Compagnons et Anciens ; aussi, j’ai choisi instinctivement la coquille Saint-Jacques que j’ai fait sortir de mon imaginaire sur le papier. Le reste a suivi, ne pouvant déroger à la tradition et au rituel compagnonnique.

Notons aussi que c’e st c inquante ans de Compagnonnage depuis la Réception jusqu’au Compagnon Fini que nous leur devons et qu’ils nous ont donnés en signe de fi délité au Devoir.

Le Rôleur invite maintenant La Franchise de Lyon et La Fermeté de Couëron à venir dire quelques mots. Madame Sorin et Madame Journoud sont assises au premier rang, ce jubilé est aussi le leur. Nos deux Coteries se passent mutuellement la parole pour nous lire le texte qu’ils ont préparé conjointement.

Nos deux Anciens se rapprochent en frères de Réception. Comme au premier jour, ils ont encore besoin l’un de l’autre.

Page 7: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

7

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,Notre Mère, Chers Compagnons,Chers Aspirants,

Nous sommes très touchés par l’honneur que vous nous faites aujourd’hui pour marquer le cinquantenaire de notre Réception. Merci à vous tous pour votre présence. Merci aux organisateurs.

Nous sommes conscients de la chance qui nous est donnée de fêter avec vous l’anniversaire d’une cérémonie qui marqua notre jeunesse. Déjà cinquante ans. Nous avons en ce jour une pensée pour les Compagnons Maçons qui n’ont pas eu ou qui n’auront pas la satisfaction de marquer cette date, la vie en ayant décidé autrement.

Nous évoquerons plus particulièrement nos aînés en Devoir. Le Compagnon Laurenceau, La Persévérance de Châteaudun et le Compagnon Delibes, La Fidélité de Cologne, dont les actions et les comportements furent déterminants pour la création de notre corporation au sein de l’Association ouvrière.

Si nous sommes là aujourd’hui, nous le devons à nos parents, lesquels nous ont enseigné la nécessité, l’utilité et la valeur du travail. Nous le devons aussi à notre rencontre avec le Compagnonnage grâce auquel nous avons appris, constaté et … vérifi é qu’un vrai métier manuel, exercé avec courage et compétence, rend l’homme libre. Ceci contrairement à une idée reçue trop répandue de nos jours.

Nous n’oublions pas la chance qui fut la nôtre : connaître et côtoyer (pas assez à notre gré) les Compagnons fondateurs de l’Association ouvrière. Cette poignée d’hommes généreux et dévoués qui, entraînée par le Compagnon Jean Bernard, entreprit une action paraissant à beaucoup insensée : « la rénovation du Compagnonnage ».

Notre pensée s’oriente aussi vers notre Mère Duguet et son époux, que nous appelions familièrement Le Magnin. Le dévouement de ce couple, au siège de Lyon, a profondément marqué notre génération.

Le Compagnon Jean Bernard a écrit : « Pour être fécond, le Compagnonnage comporte trois conditions inséparables : l ’engagement, le témoignage, la transmission. »

Suivant l’exemple de nos grands Anciens, nous avons tenté de suivre le chemin qu’ils avaient tracé. Notre

cheminement ne fut pas exempt de défaillances, de lassitudes, de doutes aussi. Mais comme il a été écrit : « Si celui qui doute pêche, celui qui ne doute jamais m’inquiète ! » Donc, à tout pêcheur, il sera fait miséri-corde. C’est ce que vous nous accordez aujourd’hui.

Ce chemin fut aussi pavé de joies et de satisfactions, notamment celles :- d’appartenir à la première équipe de Compagnons

Maçons,- de constater au fi l des années la prospérité de notre

corporation, tant sur le plan du nombre que sur celui de la qualité de la formation professionnelle,

- de voir les Compagnons Maçons tenir leur place au sein de l’Association ouvrière en assumant des responsabilités à tous les niveaux,

- de voir les jeunes Coteries participer aux concours internationaux et s’y comporter fréquemment avec brio.

Notre plus grande satisfaction est bien sûr de retrouver ces jeunes garçons que nous avons connus au sortir de l’adolescence et de constater qu’ ils sont devenus de bons professionnels et de bons serviteurs de la cité.

Si vous le permettez, nous voudrions nous adresser maintenant aux jeunes itinérants, plus spécialement aux Aspirants qui sont les Compagnons de demain. Nous souhaitons, les Coteries, que vous receviez notre message comme un message d’espoir.

Lorsque nous nous retournons pour regarder le chemin parcouru pendant ces cinquante années de Compagnonnage, nous constatons l’ évolution considérable dont nous avons été les témoins. Beaucoup de choses, de méthodes ont été bouleversées dans les métiers, dans la vie familiale, dans la vie de la cité. Il nous faut bien constater que nous avons néanmoins traversé ces bouleversements, même si parfois c’est à notre corps défendant. Nous nous sommes, heureux ou contraints, adaptés à un nouveau mode de vie. Sommes-nous pour autant plus heureux ? Le progrès est-il néfaste ?

Chacun répond à ces questions par l’affirmative ou la négative, en fonction de son tempérament, de son éducation, de sa place dans la société. Ce qui tend à démontrer que le progrès est neutre, c’est l’utilisation par les hommes pour le bien ou pour le mal de l’humanité qui fait la diff érence. Asservir l’homme ou le servir !

Actuellement où tout le monde s’interroge et plus particulièrement vous les jeunes sur ce que sera l’avenir, notre expérience de Compagnons nous permet de vous répondre : « L’avenir sera ce que vous, les jeunes, en ferez à titre individuel et à titre collectif ».

A titre individuel :■ en gardant votre conscience en éveil,■ en faisant des eff orts constants pour approfondir

votre métier, pour maîtriser les techniques nouvelles, en aimant ce métier et en lui restant fi dèle,

■ en participant activement à la transmission des connaissances,

■ en n’oubliant jamais, quelle que soit votre position sociale dans le futur, de garder une âme d’ouvrier.

La bonne volonté, le courage, la compétence sont toujours payants à terme. La chance ne vient pas toute seule, il faut aller à sa rencontre.

Sur le plan collectif :■ en apprenant à discerner ce qui est bon ou

néfaste,■ en restant vous-mêmes vis-à-vis des modes du

moment et des mouvements de foule, souvent excessive et versatile,

■ en étudiant et en respectant les traditions car, comme l’a écrit Ernest Renan : « Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un profond respect du passé ».

Cette période intensive de transformation de notre métier nous a permis de vérifi er que lorsqu’un métier comporte des hommes consciencieux, ayant une solide formation de base, ceux-ci participent à son évolution, à la richesse de son contenu et à sa pérennité.

Nous souhaitons à vous tous, jeunes Coteries qui faites votre Tour de France, d’être de ceux-là. Vous avez la confi ance des Anciens du Tour de France, vous aurez aussi leur aide si vous le souhaitez, si vous le désirez.

A vous, jeunes Compagnons reçus, nous vous demandons d’être fi dèles à l’engagement que vous avez pris lors de votre Réception et de vous souvenir de la devise des Compagnons du Devoir « Ni s’asservir – ni se servir – mais servir ».

Maintenant, nous nous tournons vers nos épouses pour les remercier publiquement de tout ce qu'elles ont fait pour nous pendant près de cinquante ans. Les sacrifices consentis, les aides apportées avec constance... Nous leur demandons d'oublier les longues soirées solitaires à la maison. Nous leur disons merci pour leur compréhension, leur soutien et aussi pour la bonne humeur et l’animation dispensées lors de nos réunions de Cayenne ou soirées corporatives.

Merci à vous tous, bonne soirée à chacun.

Deux Aspirants off rent à ce moment aux épouses de nos Anciens un bouquet de fl eurs. Nous pouvons ce soir les remercier, les embrasser pour avoir soutenu l’action des Compagnons du Devoir.

La Prudence de Nantes reprend la parole et annonce qu’une plaquette a été éditée sur le jubilé. Elle sera le témoin de cette cérémonie fraternelle que les Compagnons passants Maçons du Devoir ont eu le bonheur de vivre. Puis, avant de nous retrouver autour du verre de l’amitié, La Fraternité d’Embrun, le Compagnon Bues, nous chante « Les Aspirants maçons », chanson écrite par La Fermeté de Couëron.

Remercions maintenant tous ceux qui ont œuvré à la réussite de ce jubilé et de notre congrès. Merci à l’Association ouvrière, à tous les métiers qui ont contribué à l’épanouissement d’une corporation de bâtisseurs. Saluons fraternellement tous ceux qui, ce soir, nous regardent d’en haut.

Fraternellement à tous.

Henri MajoliLa Patience de BriançonCompagnon passant Maçon du Devoir

Page 8: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

P our la troisième année consécutive, les Grands Ateliers de l ’Isle d’Abeau organisaient sur leur site une semaine

thématique consacrée aux « matériaux dans tous leurs états ». Ces manifestat ions, à la programmation annuelle, visent chaque fois à présenter un matériau de construction diff érent. Après avoir accueilli le béton en 2003, le bois et les fi bres végétales en 2004, les Grands Ateliers avaient en cette année 2005 ouvert leurs portes aux métaux, du 12 au 15 octobre.

Cette rencontre avait pour objectif de présenter le monde de la construction, non pas à travers des ouvrages ou des photographies mais à travers une approche physique et sensitive des matériaux.

Le programme de la semaine était constitué d’une part de conférences « architecture, design et sculpture » et d’autre part d’ateliers vivants permettant la manipulation des matériaux. Les conférences abordaient des thèmes tels que « Les métaux aujourd’hui et demain » faisant le point sur les nouveaux métaux et les nouveaux traitements ou encore « Les esthétiques du métal dans le design, la mode et l’art ».

Le grand hall, occupé dans sa totalité par les ateliers vivants des différents exposants, permettait d’aborder des thèmes aussi divers que « La fonderie », « Le lycée professionnel », « La forge », « Technal », « Tisser le métal et créer des objets » ou encore « Les Compagnons Serruriers et Couvreurs du Devoir ».

Coup d’œil sur les diff érents stands

La fonderieDeux fondeurs avaient fait le déplacement du sud de la France pour nous faire découvrir leur métier et leur méthode de travail. Ce fut l’occasion pour eux de solliciter des volontaires pour la réalisation d’œuvres en laiton ou en aluminium, sachant néanmoins que la matière la plus utilisée par ces hommes de métier est le bronze. Pour l’heure, les volontaires étaient invités à eff ectuer leur pièce de A à Z, c’est-à-dire qu’ils devaient concocter un moule en plâtre, puis un contre-moule en sable et enfi n couler leur pièce.

Le lycée professionnel Sur ce stand, une équipe regroupant enseignants et élèves présentait un logiciel de dessin de métallerie, avec pour exemple l’assemblage d’un portillon.

La forge D e u x C o m p a g n o n s Serruriers du Devoir fai-saient travailler le fer chaud à des visiteurs qui partici-paient ainsi à la réalisation d’une des volutes agrémen-tant les pointes de barreaux stylisés.

Technal Ce stand, spécialement aménagé par un commer-cial de Technal, permettait au visiteur de visualiser une grande partie du catalogue de cette entreprise, partant des chassis en passant par les garde-corps et les portes blindées.

Tisser le métal et créer des objetsCe stand tout à fait particulier était animé par une architecte d’intérieur et une designer qui nous présentaient des nappes en métal, tissées à la main ou à la machine, ainsi que des œuvres d’art réalisées en inox.

Les Pays et Coteries Serruriers et Couvreurs du DevoirCes deux corps de métiers rassemblés sur un seul stand exposaient d’une part de la menuiserie métallique et d’autre part des rampes d’escalier. Les matières premières avaient été fournies par Mannesman, Ugine, Arcelor, Outokumpu et Rheinzink et les postes à souder par SAF, entreprises que nous remercions à travers ces quelques lignes.

Sur le site, quatre itinérants serruriers réalisaient sous l’œil intéressé des visiteurs une porte en série Hermétic 50 ainsi qu’une fenêtre type Fine Line, laquelle devait agrémenter la maquette réalisée par les couvreurs. Une rampe droite et une rampe débillardée étaient également fabriquées. Pendant ce temps, de leurs côtés, les couvreurs réalisaient la maquette en joint-debout en utilisant tous les matériaux vendus dans le commerce : zinc, cuivre de diff érents aspects et titane.

Nous avions à cœur de faire participer les visiteurs et, pour ce faire, nous les avons incités à souder, cintrer et meuler. Ils ont pu ainsi constater que l’acier n’est pas aussi dur qu’on le dit et se sont mieux rendu compte de la diversité des pièces que l’on peut réaliser avec ce matériau.

Une partie de la maquette a d’ailleurs été assem-blée par des élèves architectes et des visiteurs.

A l’heure des bilans, nous pouvons dire que cette manifestation consacrée aux métaux a accueilli plus de 3 000 personnes, en grande majorité des élèves architectes toutes promotions confondues. Cette action, très appréciée de nous-mêmes et de l’ensemble des visiteurs, a permis un échange très enrichissant entre jeunes ouvriers et architectes.

« Pour les Coucous »Baptiste FournetBreton la Clef des CœursCompagnon Couvreur du Devoir

Breton la Clef des Cœurs

La semaine des métaux

métiers et découverte

A l’occasion d’une semaine de stage sur les éléments métalliques en couverture, nous avons eu la chance de participer à une exposition intitulée « Les métaux dans tous leurs états ». Celle-ci se déroulait à l’Isle d’Abeau, petite ville située aux alentours de Lyon, dans une structure appelée « Les Grands Ateliers », lieu conçu pour permettre aux architectes et à l’ingénierie du bâtiment d’expérimenter de nouvelles manières d’exploiter le bois, le béton et les diff érents matériaux.

De nombreux corps de métiers participaient à l’aventure, notamment des serruriers métalliers, des soudeurs, des forgerons, des fondeurs, des représentants en menuiserie métallique, des designers et des « coucous ». Toutes ces professions mettaient en avant le métal dans son utilisation quotidienne.

Dans ces locaux, nous avions préparé un grand toit avec un bardage et deux autres petites maquettes représentant deux toitures. Une fois les préparatifs installés, l’exposition pouvait commencer de plein pied, les visiteurs arrivant de diff érents endroits de France (Lyon, Saint-Etienne, Toulouse, Paris…). Dès le mercredi précédant l’ouverture de cette manifestation, de jeunes étudiants en architecture et en ingénierie se présentaient et se montraient très intéressés par notre projet.

Pour nous, le principe de cette rencontre était de faire manipuler aux visiteurs les diff érents métaux utilisés en couverture (aluminium, inox, zinc, cuivre et titane) à travers divers ateliers vivants dans lesquels ils pouvaient nous aider à bâtir le toit et le bardage ou tout simplement s’amuser à construire des objets en zinc, cuivre…

Tout au long de cette exposition, allaient se dérouler des conférences sur les métaux dans leurs diverses applications aussi bien au niveau de la construction que du design (sculpture métallique, meuble…). Les personnes présentes ont beaucoup apporté et les étudiants se sont intéressés à tous ces métaux et à leurs caractéristiques et évolutions dans le temps.

Ce fut une semaine intéressante pendant laquelle nous avons eu la chance de travailler le titane et d’être informés par les représentants de ce produit de la nature de ce métal particulier. Les étudiants nous ont présenté certains de leurs projets et nous avons pu ainsi échanger quelques idées sur ce qui nous sépare à la fois esthétiquement et techniquement lors d’une réalisation.

Alsacien

Réfl exion de couvreur

8

Page 9: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

compagnons et formation

9

Les apprentis chauff agistes

Un café bien cintré !

A ctuellement au C.F.A de Lyon, nous avons eu la chance dans le cadre de notre ensei-gnement de jeunes apprentis préparant le

CAP Chauff age de mener un projet de sa conception à sa réalisation. Il s’agissait de la construction d’un radiateur. Pour cela, nous avons plus que jamais travaillé en équipe, les participants étant au nombre de 21, formateurs compris. Voici les diff érentes éta-pes de cette réalisation.

Naissance du projet

Ce projet est né à la fi n de notre première année d’apprentissage sur la proposition et avec les encouragements du Compagnon Romain Lépine, Manceau Va de Bon Cœur, maître de stage, et de notre formatrice en dessin d’art, Sophie Rouchon.

Nous avons, dans un premier temps, été invités à réfl échir individuellement à un dessin original pour cette conception. « Création » et « Imagination » étaient les maître-mots ! Puis, nous avons réuni tous les croquis en vue de garder le meilleur. Confrontés à un décalage entre l’esthétisme et la réalité technique, nous avons dû abandonner un premier dessin, les contraintes techniques étant trop importantes pour nous ; il nous aurait été impossible de purger le radiateur. Après quelques hésitations, l’idée d’un radiateur sous la forme d’un grand gobelet sur lequel serait inscrit le mot « café » emporta l’adhésion de tous. Bien sûr, ce gobelet serait muni d’une touillette. Quoi de mieux en eff et que la simulation d’une boisson chaude pour accompagner la véritable machine à café puisque c’est en face de celle-ci qu’allait prendre place notre future réalisation.

Description du radiateur et procédés de réalisation

Le radiateur impressionne par sa grandeur : 1 m 80 x 1 m 20. Les matériaux utilisés sont l’acier, le cuivre et le laiton, ces deux derniers ayant été choisis simplement parce qu’ils constituent les matériaux de base du plombier chauff agiste.

Cette réalisation collective nous a permis d’appliquer des techniques jusqu’à ce jour inconnues de nous comme le cintrage au sable. Il s’agit d’un procédé manuel traditionnel qui consiste à donner une courbe aux tuyaux en les remplissant de sable (afi n de maintenir leur forme) et en appliquant le chalumeau à un endroit déterminé par avance. Cette technique, bien qu’elle se soit avérée diffi cile lors de la création

de certaines lettres alphabétiques, notamment le « e », présente néanmoins un avantage appréciable, celui de donner au plombier chauff agiste le pouvoir de choisir son rayon de cintrage.

Pour le cintrage des grands rayons, nous avons tra-vaillé l’acier, matériau plus dur et moins malléable que le cuivre et nécessitant d’être chauff é davantage. Nous avons également appris la soudure à l’étain, ce métal malléable et ductile n’ayant pas besoin d’être beaucoup chauff é permet un résultat plus esthétique et fragilise moins le cuivre.

Ce travail d’équipe fut mené sur deux jours de travail intensif et son aboutissement, à savoir la pose du radiateur, ne manqua pas, croyez-le, de nous donner une certaine satisfaction. Nous espérons que les visiteurs de la Maison de Lyon, désireux de goûter le café, sauront apprécier à sa juste valeur l’originalité de notre radiateur et ceci tant l’hiver que l’été.

Les apprentis chauff agistes1ère année de Lyon

Nous avons, dans un premier temps, été

invités à réfl échir individuellement à un

dessin original pour cette conception.

« Création » et « Imagination » étaient

les maître-mots ! Puis, nous avons réuni

tous les croquis en vue de garder le meilleur.

Page 10: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

Une vocationde formateur…

Bugey Cœur Fidèle

T out a commencé lorsque j’ai débarqué, un jour de septembre 1992, chez les Compagnons du

Devoir pour y effectuer mes deux années d’apprentissage. A partir de ce moment et pendant deux ans, j’allais être trimbalé, promené, formé et parfois malmené entre l’entreprise qui m’accueillait, la Maison des Compagnons de Gap et le siège Provincia l de Toulouse, l ieu où se tena ient mes stages de format ion d’apprenti.

Après avoir passé les six premiers mois dans une ambiance plutôt fracassante (n’étant jamais sorti de ma campagne, j’avais un mal fou à m’intégrer et à me remettre en question) je commençais enfin à savourer le contact avec les Pays et les Coteries. Il est vrai que notre Mère de Toulouse par son écoute « maternelle » n’était pas étrangère à cette intégration. Mais cette quiétude était remise en cause tous les mois et demi lorsque je retrouvais en stage les autres apprentis, chacun ayant ses petits problèmes et les ressassant à cette occasion.

Je ne sais ce qu’aurait été la suite -surtout du fait que notre maître de stage non exempt de quelques soucis avec la Cayenne faisait peser son mal-être sur ses apprentis- si, à la fin de notre première année d’apprentissage, nous n’avions changé de maître de stage.

L’arrivée du « nouveau » nous fit quelques soucis supplémentaires car il nous fallait en quelque sorte tout recommencer avec lui : apprendre à le connaître, appréhender sa sensibilité pour mieux le cerner puis répondre à ses attentes en termes de travail et de métier, tout un programme !

Mais alors que notre inquiétude était à son paroxysme, tout s’arrangea comme par magie. Ce qui fut formidable, c’est que nous n’avons pas eu besoin de faire « selon lui » car d’emblée ce fut lui qui fit « selon nous ». La donne s’était inversée. Il a très vite appris à nous connaître et a composé avec nous, en fonction de nos sensibilités, de nos caractères, de nos personnalités ; bref, il nous a apprivoisés, il nous a poussés, il a suscité notre intérêt pour le métier, le voyage, l’échange et le partage de la vie en communauté. En résumé, il nous a fait apprécier, puis aimer le Compagnonnage.

Grâce à lui et à d’autres Pays et Coteries, nous avons terminé notre apprentissage et les routes de notre beau Tour de France nous ont été ouvertes. Nous sommes part is dans de nombreuses directions. Nous nous sommes revus lors de réunions, d’Adoptions, de congrès et en bien d’autres occasions, toutes aussi propices les unes que les autres à l’échange et au partage. Puis, avec le temps, nous nous sommes éloignés les uns des

autres, certains ont arrêté pour diverses raisons et d’autres ont continué, et, peu à peu, nous nous sommes pour ainsi dire perdus de vue, nous avons suivi chacun notre voie.

Mais tout au long de mon Tour de France (qui d’ailleurs est passé par la Belgique…), jamais je n’ai oublié mon maître de stage. Ce Compagnon qui m’a appris les bases de mon métier et qui m’a « ouvert » les yeux sur cette vie en communauté au sein du Compagnonnage. Jamais non plus, je n’ai oublié tous ceux que j’ai côtoyés durant ces années, avec lesquels j’ai partagé, travaillé, rigolé, festoyé, chanté et même « gueulé » parfois… Et jamais je n’ai oublié ce Tour de France qui m’a également beaucoup appris tant au niveau professionnel, social que philosophique. Puis, au détour d’un chemin, la vie m’a réservé une surprise qui aujourd’hui encore me laisse pensif. Cela se passe au début de ma seconde année de Compagnon itinérant, lorsque je reviens dans la ville Rose.

Je retrouve en arrivant notre Mère, qui me reconnaît immédiatement. Nous discutons longuement et un raz-de-marée de souvenirs me submerge. En me promenant dans la maison, à

travers les couloirs, la salle à manger, les ateliers et les salles de cours, la nostalgie m’envahit et les larmes me montent aux yeux.

Nous sommes en l ’an 2000, c’est l ’été. J’ai eu récemment quelques problèmes de santé qui m’obligent à consulter un médecin. Son diagnostic est formel, je dois arrêter de pratiquer mon métier. Ce beau métier qui ne m’a jamais déçu, qui m’en a fait baver physiquement et moralement mais que j’aime tant, ce métier qui m’a tout donné. Je rentre à la maison des Compagnons complètement sonné. Le soir venu, les Pays et Coteries qui me connaissent tentent de me réconforter tant bien que mal.

Quelques semaines de réf lexion et je me dis que, décidément, non, je ne vais pas quitter mon métier. Il me faut pourtant trouver une solution. Aussi, étant dans la ville où eurent lieu mes stages d’apprentissage, je me mets à penser que je pourrais peut-être moi aussi enseigner le métier, comme l’a fait mon maître de stage. J’entreprends donc les démarches nécessaires auprès du Collège des Métiers qui accepte ma candidature et me voici, fraîchement débarqué, en septembre 2000, dans notre bonne ville de Paris. Au fond de moi je suis enchanté de pouvoir achever mon Tour de France par la capitale.

Rien n’est jamais simple et mes débuts en tant que maître de stage se révèlent difficiles. Le CFA de Paris se trouve … à Saint-Denis et l’atelier … à La Courneuve. Où suis-je tombé, je ne me doutais pas que les banlieues pouvaient être au premier abord

métiers et formateur

Ce qui fut formidable, c’est que nous n’avons pas eu besoin de faire « selon lui » car d’emblée ce fut lui qui fi t « selon nous ». La donne s’était inversée.

10

Page 11: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

11

aussi repoussantes et sordides. Tout ce béton, cette pollution, ce bruit et ces gens nonchalants, en manque d’humanité, pleins d’incivilité, et parfois même agressifs. Avec un tel environnement, je me demande en fin de compte si j’ai fait un choix judicieux en terminant par cette ville. L’avenir me le dira.

Le premier contact avec les apprentis est plutôt intéressant, ils viennent de divers horizons et ce melting-pot n’est pas pour me déplaire. Je partage leur vécu et le travail commence. Dans les débuts, je me remets souvent en question. Il faut que je les intéresse comme a su le faire avec moi mon maître d’apprentissage. Le contact avec mes apprentis est très enrichissant et plein d’enseignement. J’apprends sans cesse et le jeu en vaut la chandelle car ces jeunes qui arrivent d’horizons divers sont en manque de repères et sont même parfois issus de milieux familiaux complètement éclatés, voire pire encore.

Je leur enseigne le métier du mieux qu’il m’est permis et parallèlement je les aide à trouver des ja lons pour qu’ils puissent affronter la vie de tous les jours. Mais toute cette énergie –ce travail, cette patience, cette coopération avec les entreprises pour former des apprentis qui deviendront plus tard des hommes de métier et de futurs chefs d’entreprise– est épuisante. Il faut souvent que je me « ressource » à la campagne car la vie citadine n’est pas de tout repos et nous fait souvent douter (c’est malheureusement d’actualité avec la crise récente des jeunes dans les banlieues).

En fa it , ce métier de formateur est usant moralement contrairement aux métiers manuels qui sont usants physiquement. La matière première dans les métiers du bâtiment est faite de matériaux de toutes natures mais, dans la formation, la matière première est l’être humain. Il faut faire preuve de pédagogie face à des apprentis en grande difficulté pour qui il est légion de se retrouver en situation permanente d’échec et coutumier d’abandonner dès la première difficulté. Il faut leur faire prendre confiance en eux, ce qui n’est pas toujours facile, tout en sachant que, néanmoins, beaucoup arrêteront leur apprentissage. Bien que conscient de cela, ce sera, à chaque fois, pour moi la question de savoir si je n’aurais pas pu faire encore plus pour eux. Un constat d’échec personnel très fort s’installe dans ces moments-là, certainement parce que ce sont mes apprentis et que, malgré les difficultés et les réticences que je rencontre pour les former, je me suis attaché à eux.

Parmi les apprentis que je forme, à l ’issue de leur formation, certains, ne s’épanouissant pas pleinement dans la voie choisie, préfèrent poursuivre leur chemin dans un autre métier, d’autres veulent continuer à travailler dans la même entreprise mais sans plus de formation ni de responsabilités et puis il y a ceux qui partent sur le Tour de France pour tenter « l’expérience ». Mais, en ce qui me concerne, dès lors qu’un jeune après sa formation a un travail pour affronter la vie, j’ai le sentiment d’avoir accompli une œuvre. Une œuvre pour eux, pour les entreprises et pour le métier. J’ai, comme on pourrait le dire, « la fierté du devoir accompli ».

Cette expérience, loin d’être facile, dure deux ans jusqu’à ma sédentarisation.

Devenu jeune sédentaire, je rejoins ma campagne et je reprends contre l ’avis des médecins une activité dans une entreprise (Il paraît que le Tour de France trempe le caractère). Je passe successivement dans deux entreprises Gapençaises où, à mon grand désespoir, les patrons ne veulent pas former d’apprentis. Le travail dans cette région montagneuse est dur et les hivers sont rigoureux, je me contente de mon sort jusqu’au jour où je me persuade que le travail sur les chantiers n’est plus ma voie. Aussi, après réf lexion, je recherche un emploi de formateur dans un Centre de Formation

en Alternance. Cette recherche me prend une année entière, et après avoir contacté dix-sept CFA de France et de Navarre (autres que ceux des Compagnons), me voici recruté par un CFA auvergnat, juste à côté de Vichy. Une région peu connue sur le Tour de France car il n’y a là aucun point de passage pour les itinérants.

Me voici à nouveau en train de m’installer dans un nouvel endroit après dix années de voyage et deux années de sédentarisation. Je prends mes fonctions dans ce CFA en avril 2004, dans un contexte tout autre que celui du CFA de Saint-Denis. Nous ne sommes plus chez les Compagnons du Devoir et les mentalités sont différentes, la façon de travailler aussi. Les apprentis ne font qu’une semaine de stage toutes les trois semaines à raison de quinze heures d’enseignement professionnel par stage (pas facile de faire de la pratique, de la techno, du dessin et de la lecture de plan à chaque stage). Je me remets donc en question par rapport au fonctionnement de l ’établissement mais aussi par rapport aux apprentis qui ne sont

pas « cadrés » comme chez les Compagnons. J’ai beau être en Auvergne, les jeunes ici sont trop souvent en manque de repères, comme à Paris. Et malheureusement je me retrouve dans une région « plutôt pauvre » où les problèmes sont différents de ceux de la région parisienne mais bien présents. Le constat d’échec chez mes apprentis reste là encore trop élevé.

Consciente de mon implication pour mes jeunes, la direction du CFA me propose une formation pédagogique de cinq semaines en alternance pour former les apprentis selon une approche bien différente de celle que j’avais lorsque j’étais à Paris. Je participe donc à cette formation et là, quel changement. On me donne des méthodes de travail complètement nouvelles pour moi. Elles sont compliquées à mettre en œuvre et demandent beaucoup d’investissement personnel mais cela donne de bons résultats. Le taux de réussite au CAP de ces jeunes est à peu près égal à celui des apprentis que j’avais à Paris mais avec des abandons en cours de formation nettement moins fréquents. Leur motivation pour apprendre le métier est grande, sachant qu’ils n’ont pas forcément un Tour de France comme objectif. Je suis stupéfait comme… un apprenti.

Maintenant je suis ici depuis bientôt deux ans, je regarde un peu autour de moi et je me dis que même si les conditions de travail et les apprentis sont différents, ma motivation et mes objectifs restent les mêmes. Je continue de former de futurs professionnels. Certains ne vont pas plus loin, d’autres persévèrent et quelques-uns partent sur le Tour mais il faut avoir à l’esprit que cette jeunesse a grand besoin d’épanouissement, que ce soit à travers un métier, le sport, la musique, les arts ou bien d’autres choses. Quel bonheur de voir partir un jeune avec quelque chose dans les mains ! Cela lui permet de croquer la vie à pleines dents. Que ce jeune puisse s’assurer un avenir dans ce monde incertain me comble ! Et puis, quelle joie de revoir d’anciens apprentis et de partager avec eux des souvenirs en sachant qu’ils ont des projets d’avenir plein la tête. Je sais que certains de ceux que j’ai formés et qui sont sur le Tour devraient tailler dans quelque temps leur travail de Réception. D’autres ont des projets différents mais peu importe, tant qu’ils s’accomplissent pleinement dans la voie qu’ils ont choisie cela me

remplit de joie et, comme lorsqu’ils ont passé leur CAP, je leur dis à tous le célèbre mot du général Cambronne. Ils me comprendront…

Souvent, je pense à mon maître de stage et me dis que grâce à lui j’ai trouvé ma voie. Aussi, pour conclure, je me contenterai de souhaiter à tous les apprentis que j’ai réussi à former -et sans oublier les autres- d’être heureux dans la vie ainsi que dans la voie qu’ils ont choisi de suivre. J’espère continuer encore longtemps à former des jeunes de quelques horizons qu’ils soient à notre beau métier de charpentier et j’émets le vœu qu’un jour, comme tout à chacun le pense, l’élève dépasse le maître.

A mon maître de stageAux apprentis

Jérôme CarrazBugey Cœur FidèleCompagnon passant Charpentier du Devoir

Je leur enseigne le métier du mieux qu’il m’est permis et parallèlement je les aide à trouver des jalons pour qu’ils puissent aff ronter la vie de tous les jours. Mais toute cette énergie –ce travail, cette patience, cette coopéra-tion avec les entreprises pour former des apprentis qui deviendront plus tard des hommes de métier et de futurs chefs d’entreprise– est épuisante.

Page 12: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

12

Carnet du Tour de FranceADOPTIONS

Compagnon du Devoir se fait un plaisir de présenter au Tour de France les Aspirants adoptés à :

Cagnes-sur-mer, le 28 janvier 2006Julien Guillaume, dit Franc-Comtois, Menuisier,Mathieu Jaeger, dit Alsacien, Maçon.

Rennes, le 28 janvier 2006Fabien Airault, dit Angevin, Maçon,Romain Lejeune, Manceau, Charpentier,David Lopez, Angevin, Charpentier,Johann Navarian, Gâtinais, Charpentier.

Villaz, le 28 janvier 2006Vincent Charlut, dit Bourguignon, Chaudronnier,Yannick Josse, dit Ile-de-France, Menuisier,Jean-Philippe Seurin, dit Ile-de-France, Menuisier.

Albi, le 11 février 2006François Delree, dit Namurois, Menuisier,David Prud’homme, dit Lorrain, Menuisier.

Angers I, le 11 février 2006Philippe Porquet, dit Comtois, Boulanger,Balazs Szabo, dit Szabolcs, Maçon.

Nancy, le 11 février 2006Raphaël Bapst, dit Alsacien, Maçon,Pierre-Alexandre Barre, dit Champagne, Menuisier,François Monnier, dit Franc-Comtois, Serrurier,Steve Simone, dit Ardennais, Maçon.

Nantes, le 11 février 2006Alexandre Cuvelier, dit Flamand, Pâtissier,Jean-Charles Gestin, dit Breton, Ebéniste,Sylvain Massias, Bordelais, Plombier.

Strasbourg, le 11 février 2006Aurélien André, dit Angoumois, Menuisier,Quentin Bahlinger, dit Vosgien, Boulanger,Guillaume Bayet, Namurois, couvreur,Quentin Broyez, Lorrain, Plombier.

RÉCEPTIONSLe corps de métier des Compagnons Serruriers du Devoir est heureux de faire part au Tour de France de la Réception à l’occasion de la fête de Noël : à Bordeaux, le 3 décembre 2005, des Pays Julien Castilla, Julien le Bordelais et Julien Gloriant, Julien le Tourangeau ; à Marseille, le 3 décembre 2005, des Pays Arnaud Beynet, Arnaud le Provençal et Axel Swistek, Axel le Flamand ; à Nantes, le 3 décembre 2005, des Pays Guillaume Baudry, Guillaume l’Ardennais et Olivier Nourry, Olivier l’Angevin ; et à Paris, le 28 janvier 2006, des Pays Vincent Judit, Vincent l’Alsacien, Maxence Moriceau, Maxence le Manceau et Nicolas Verdier, Nicolas le Nîmois.

Les Compagnons passants Plombiers du Devoir de la Province de Paris sont heureux de présenter au Tour de France les jeunes enfants du Père Soubise Mathieu Barbier, Languedoc la Clef des Cœurs, Nicolas Coindet, Nantais Va de Bon Cœur et Dimitri Vonin, Franc-Comtois Va de Bon Cœur, reçus pour la fête de l’Ascension, le 11 février 2005.

Les Compagnons Selliers, Tapissiers, Maroquiniers, Cordonniers-Bottiers du Devoir, assemblés en Cayenne du Tour de France, en Cayenne de Paris, ont donné Réception à deux honnêtes Aspirants de notre Famille du Cuir le samedi 18 février 2006. Nous les avons rangés sous le rite de Maître Jacques. Vous les reconnaîtrez sous les noms de Gerd Claes, Vlaming Va Sans Crainte, Tapissier, et Richard Mukiandi, Kinois la Tolérance, Maroquinier.

NAISSANCESSophie Lacampagne et Samuel Marquis, La Discipline de Corcelles-les-Monts, Compagnon Maçon du Devoir, sont heureux de faire part au Tour de France de la naissance de leur seconde fi lle Alice, le 16 janvier 2006. Léa, sa grande sœur, nous affi rme que le bébé aime déjà beaucoup les câlins…

Aurélia et moi-même, Jérôme Peycher, Jérôme le Bordelais, Compagnon Serrurier Métallier du Devoir, sommes heureux de vous annoncer la naissance de notre petit Thibault, le 7 février 2006, à 10 heures 50. La maman et l’enfant se portent à merveille et moi, je suis très heureux même si je dors un peu moins…

compagnonscarnet

Tu es entré chez les Compagnons à l’âge de seize ans. A l’époque, tu souhaitais devenir pompier professionnel, étant déjà volontaire, mais il n’existait pas d’apprentissage. L’inactivité du système scolaire te pesait, malgré ta facilité à apprendre.

Dès ta deuxième année d’apprentissage, tu es entré en Maison de Compagnons et tu as été Adopté.

Il me semble à travers nos conversations que tu as été attiré, fasciné, par la confi ance qui règne entre tous, par la possibilité d’exercer de vraies responsabilités, par la qualité des réfl exions menées.

Tu as mis, paradoxalement, plus de temps à découvrir et aimer ton métier. Sans doute, chez les couvreurs, profession qui devient rare, manque-t-on de formateurs et d’Aspirants. De plus, tu as mis du temps à te sentir capable de réussir, à croire en toi, à croire que l’on puisse croire en toi.

Tu as passé ta deuxième année de Tour de France en Ecosse où tes horizons de savoir et de rencontres se sont élargis, où tu as appris autant à te débrouiller, que les valeurs de partage et de solidarité. Tu y as découvert un métier bien mieux considéré qu’en France.

De retour chez nous, tu réintègres une Maison de Compagnons. Tu es content de retrouver des responsabilités : tu es Aspirant 3, tu encadres des jeunes en entreprise, tu organises leurs cours, tu es actif dans la gestion de la vie communautaire.

Tout naturellement, je pense, il t’est proposé de réfl échir à ta Réception. Tu es conscient de tout ce que les Compagnons t’ont apporté, de maturité, de professionnalisme, de solidarité et d’entraide, de tolérance et de connivence,

d’ouverture au monde et de connaissance de soi.

Mais surtout, tu n’en peux plus de te donner aux autres et au métier du matin au soir, six jours sur sept ; de n’avoir plus le temps de fl âner, de rêver, de rencontrer d’autres personnes, de nouer des relations amoureuses.

Tu voudrais devenir Compagnon, perpétuer ce partage, mais tu ne peux supporter d’envisager une année de plus en Maison.

Et, régulièrement, tu m’exprimes tes soucis, me demandant conseil.

Il m’est diffi cile de te répondre objectivement. Je serais en eff et si fi ère de dire « Mon fi ls est reçu Compagnon ». Au-delà du titre, c’est aussi la sécurité d’un métier bien confi rmé, c’est la reconnaissance de qualités d’Homme auxquelles j’adhère pleinement, c’est aussi l’espérance d’un avenir, pour toi riche de solidarité professionnelle et de transmission des savoirs.

A tout cela, tu m’opposes ton besoin d’être libre, tes besoins aff ectifs, ton désir de parcourir le monde.

Pour ce qui est de la liberté, je crois – et j’ai expérimenté à mon âge ! – que l’on ne peut se sentir libre que lorsque l’on se fi xe un objectif et que l’on accepte les contraintes qui y mènent. Il n’y a pas de liberté dans l’errance, il y en a beaucoup dans les diffi cultés vaincues.

Les besoins aff ectifs sont variables selon les individus. Je te crois bon, sensible et chaleureux, propice à souff rir lorsque, en face de toi, se trouvent des gens plus frustes ou plus rigides. Etre sensible peut aussi aider à mieux percevoir les autres, et n’en attendre pas plus qu’ils ne peuvent donner.

Je me demande aussi si, à vingt ans, l’on n’est pas davantage frustré d’émotions fortes, si l’on est vraiment capable de vivre de vraies relations, même à distance. Les amitiés bâties au cours de ton Tour me semblent fortes, même si elles ne te sont pas présentes. Tes liens avec ta famille demeurent très forts eux aussi, et nous ne cessons de penser à toi.

J’ai lu l’éditorial de janvier sur l’engagement, portant sur la diffi culté des Compagnons reçus à vivre cet engagement. Il existe chez les Compagnons de vraies réfl exions sur les diffi cultés d’aujourd’hui.

Le courant général nous porterait à piocher ce qui nous intéresse et à ne plus envisager l’ensemble.

Bien sûr que l’on peut connaître diffi cultés ou échecs ! Mais c’est en essayant que l’on se construit, pas en sautant partout.

Tu as toujours trouvé autour de toi – parfois pas assez vite à ton gré – des personnes qui t’ont aidé à approfondir ta réfl exion, à prendre du recul, à construire tes projets, en tenant compte de ce que tu es.

Les Compagnons t’ont ouvert la route du monde à travers un beau métier. Il y a des tâches à assumer pour que d’autres jeunes en profi tent.

A toi bien sûr de réfl échir à ton projet de vie. Mais dis-toi bien, malgré les discours ambiants, et quel que soit ce projet, que l’on ne choisit pas les détails de sa vie, mais que l’on peut au moins en choisir l’axe.

Une maman fi ère de son fi ls

courrier des lecteurs

Lettre ouverte à mon fi ls de 20 ans

Page 13: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

compagnonnage et étranger

13

Pâtissiersà Londres

Languedoc et Poitevin

L ondres est l’une des villes les plus dynamiques du monde. A la fois chargée

d’histoire et résolument tournée vers l’avenir, elle compte aujourd’hui près de dix millions d’habitants pour une superficie onze fois plus vaste que Paris intra-muros.

Ses grands parcs situés au cœur de la ville, tels Richmond, Hampstead ou Hyde Park -étendues vastes et rafraîchissantes- lui ont donné le surnom de « vil le verte ». Ils sont le poumon de la ville. Très mu lt ic u lt u re l le e t br a nchée , Londres se trouve au carrefour de toutes les modes et de toutes les inf luences. Pleine de contrastes, hétéroclite et cosmopolite, elle est aussi diversifi ée sur le plan culturel que gastronomique. De plus, par ses nombreux théâtres, cinémas, musées, restaurants, music-halls et autres pubs et boîtes, elle ne laisse aucune place à l’ennui.

L’une de ses particularités vient du fait que chaque quartier donne l’impression d’être un petit village à lui seul car toute une vie est organisée en son sein. Les piliers en sont les divers commerces, la station de métro, et bien évidemment le pub.

Mais Londres est aussi l ’une des villes du monde où le coût de la vie est le plus élevé… il suffi t d’acheter un ticket de métro pour s’en rendre compte ! Quant aux loyers, leur prix est prohibitif car la demande dépasse de loin l’off re. C’est l’une des raisons pour lesquelles les habitats sont très variés. De nombreux jeunes et moins jeunes vivent en « fl atmates », ce sont des appartements partagés. L’habitat en famille d’accueil est également très répandu. Et si l’on prend les extrêmes, les très riches possèdent leur hôtel particulier tandis que les plus pauvres investissent les squats… En fait, les diff érences sociales sont très marquées et d’autant plus fl agrantes que, mis à part quelques quartiers très riches ou très pauvres, les diff érentes classes de la société vivent côte à côte.

Nous sommes deux Aspirants Pâtissiers à avoir vécu une année de notre Tour de France dans cette ville magnifi que. Nous étions embauchés chez Maison Blanc, grande pâtisserie française.

Historique

En 1979, Raymond Blanc, précurseur et ambassadeur de la boulangerie pâtisserie française en Angleterre, installe avec sa femme Jenny son premier magasin à Oxford. Entre 1991 et 1998, l’entreprise ouvre neuf autres magasins répartis entre Londres et le reste de l’Angleterre.

En 1999, Lyndale Foods rachète Maison Blanc (Lyndale est une grosse entreprise anglaise de boulangerie qui possède environ 200 magasins répartis sur toute l’Angleterre) et, en 2000, c’est l’arrivée de Russel Maddock en tant que directeur général. En deux ans, trois nouveaux magasins Maison Blanc ouvriront leurs portes à Londres.

Actuellement, Maison Blanc regroupe seize magasins répartis dans Londres et à l’extérieur de la capitale. La moitié de la production est vendue en magasin, l’autre moitié étant destinée à une dizaine de gros clients permanents comme Starbucks Coff ee, Sodexho, l’aéroport d’Heathrow ainsi qu’à des grands hôtels et des grands magasins.

L’entreprise est également en partenariat avec Fusion training, organisme d’apprentissage de la langue anglaise permettant aux ouvriers de bénéfi cier de cours d’anglais deux heures par semaine, et avec l’Ecole de Boulangerie de Paris afi n de favoriser un échange franco-anglais.

Le site de production Avec autant de magasins et de clients, Maison Blanc dispose d’un gigantesque laboratoire divisé en plusieurs sections :

■ A l’étage : cantine, vestiaires et bureaux,■ Au rez-de-chaussée : laboratoire de pâtisserie,

réserve, fournil, local de nettoyage et local d’empaquetage.

Ces locaux sont équipés de matériel professionnel haut de gamme tels que des laminoirs électroniques, des fours rotatifs (pouvant cuire trente plaques de viennoiserie d’un coup), des pasteurisateurs (appareils utilisés pour la cuisson des crèmes).

Le personnel

■ 30 packers (personnes chargées de conditionner les produits fi nis pour les transporter),

■ 30 pâtissiers,■ 11 boulangers,■ 23 touriers (ouvriers spécialisés dans la fabrication

de la viennoiserie),■ 14 fourniers (ouvriers chargés de la cuisson) et salés

(ouvriers chargés de la fabrication des quiches et produits salés),

■ 23 chauff eurs pour les livraisons,■ 218 vendeuses pour les magasins,■ 37 employés de bureau.

Le personnel du laboratoire et du fournil se partage le travail en équipes de jour et de nuit. Le travail

Très multiculturelle et branchée, Londres se trouve au carrefour de toutes les modes et de toutes les infl uences.

Page 14: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

14

Plan du laboratoire.

de jour commence à 7 heures et se termine à 17 heures. Il consiste à produire les entremets, le pain, les tartes, la viennoiserie et les gâteaux de voyage. Le travail de nuit débute à 17 heures et fi nit à 2 heures et demie. Il consiste à préparer les pâtisseries et à cuire les produits de boulangerie qui seront livrés dans les magasins et chez les clients le lendemain.

Les livreurs commencent les livraisons à 2 heures.

La production

La gamme des produits de Maison Blanc couvre 800 références. Trois pâtissiers se consacrent au développement des nouveaux produits. Chaque jour, les pâtissiers préparent 3 000 petits gâteaux individuels et 400 entremets grande taille. La nuit, 300 éclairs, 80 millefeuilles et 300 petits gâteaux individuels sont décorés par l’équipe de nuit. Une autre équipe de pâtissiers prépare les biscuits pour les montages d’entremets ainsi que les tartes.

Les boulangers produisent entre autres 10 000 croissants par jour.

Pour Noël, nous avons préparé 80 000 petits gâteaux « chocolat orange » individuels et 10 000 cakes au gingembre en plus du travail habituel.

Les postes de jour et de nuit sont totalement diff érents : l’un nous apprend le travail en grosse quantité tandis que l’autre nous apporte plus de compétences en matière de décor.

Les fournisseurs

La majorité des matières premières vient de France. Nous utilisons les chocolats « Cacao Barry », « PCB création », « Chocolaterie du Pecq ». Les besoins sont en moyenne de 70 tonnes de chocolat par an. La farine provient également de France.

Chaque jour, des fruits frais nécessaires à la fi nition des entremets et des petits gâteaux nous sont livrés :

fraises, groseilles, mangues, caramboles, physalis, etc. D’autres produits, comme le beurre, viennent de Hollande.

Pour conclure, nous dirons que Londres est une ville où il est agréable de vivre : il suffi t de changer de quartier pour avoir l’impression de voyager.

Une telle diversité en matière d’environnement ne se trouve nulle part ailleurs. L’expérience que nous avons vécue, dans un cadre autre que celui de nos Maisons du Tour de France, nous a permis de nous faire de nouvelles relations, de nous adapter à la vie « à l’anglaise », et de prendre conscience que la France nous manque lorsque l’on vit en dehors de ses frontières… surtout en matière d’alimentation !

Quoiqu’il en soit, nous conseillons à tous de vivre ce genre d’expérience au moins une fois sur son Tour de France.

Guillaume Gaujaldit LanguedocAspirant pâtissier

Henri Novati dit PoitevinAspirant pâtissier

Pour Noël, nous avons préparé 80 000 petits gâteaux « chocolat orange » individuelset 10 000 cakes au gingembre en plus du travail habituel.

Au plaisir de lire

Fragments d’histoire du CompagnonnageCycle de conférences 2004Musée du Compagnonnage de Tours

Cet ouvrage est disponible à la Librairie du Compagnonnage, 2 rue de Brosse, Paris 4e

Le septième recueil des Fragments d’histoire du Compagnonnage (cycle de conférences 2004) édité par le Musée du Compagnonnage de Tours, vient de paraître.

Ce cahier grand format (21 x 30) de 224 pages est, comme à l’habitude, richement illustré par des documents inédits.

Au sommaire figurent les conférences de : Laurent Bastard « Les tanneurs et corroyeurs » ; Jean-Marie

Moine « Couplets sur les métiers » ; Daniel Patoux « Les noms de Compagnons chez les Gavots entre 1759 et 1910 » : Jean Mopin « Maréchal-ferrant, un métier d’hier et d’aujourd’hui » ; René Lambert « Les couleurs du Compagnonnage » ; Jean Philippon « L’imagerie compagnonnique ou le pouvoir évocateur de l’image ».

Page 15: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

compagnons et culture

L a Sagrada Familia est sans conteste l’œuvre la plus célèbre de l’architecte catalan Antoni

Gaudi i Cornet, œuvre encore à ce jour inachevée.

L’ histoire du temple de la Sagrada Familia débute avec l ’ initiative d ’un promoteur Josep Maria Bocabel la i Verdaguer qui, très dévot et cultivé, souhaite édifier un temple dédié à la Sainte Famille. Pour ce faire, il acquiert en 1881 un terrain à Barcelone et confie la réalisation de son rêve à l’architecte Francesc de Paula del Villar i Lozano. La première pierre de l’édifice sera posée par l’évêque Morgades le jour de la Saint-Joseph 1882.

Mais un conflit éclate bientôt entre Villar et l’architecte Martorell qui, représentant l’assemblée de « L’Association Spirituelle des Dévots de Saint-Joseph » fondée par Bocabella, a des vues divergentes quant aux matériaux de construction des colonnes.

Villar démissionne en 1883 alors que la construction de la crypte est en cours et est remplacé, sur proposit ion de Martorell, par le jeune architecte catalan Antoni Gaudi i Cornet en novembre de la même année, lequel prend en charge les travaux. Dès lors, Gaudi va pouvoir exprimer son talent, notamment en 1890, date de l’achèvement de la construction de la crypte. C’est ainsi qu’après avoir ajouté un fossé autour de la crypte pour que cette dernière dispose de lumière directe et de ventilation naturelle, i l va, grâce à un don très important fait à l’église, modifier les plans de l’édifice remettant en question tout le projet et se proposant de construire un temple grandiose à la g loire de la Sagrada Familia.

L’intérieur de la cathédrale mesure 90 mètres de long sur 60 mètres de large, sept chapelles se trouvent dans l’abside ainsi que deux esca liers circulaires impressionnants ; un déambulatoire se développe autour du presbyterium (autel).

Trois faç ades ex t raord i na i res : l a première, celle de la Nativité, la seule exécutée du vivant de Gaudi, représente la naissance du Christ ; la seconde représente la Passion du Christ et la troisième sa Gloire. Cette dernière est actuellement en cours de construction. Les deux dernières façades, comme la première, ont été pensées par Gaudi mais il ne les vit jamais étant mort avant leur réalisation. Elles ont toutes les trois quatre clochers symbolisant les douze apôtres et atteignent 98 à 120 mètres de hauteur. Cinq autres tours, au centre, ont également été

prévues par Gaudi. Elles représentent les quatre Évangélistes entourant Jésus. Celle représentant le Christ atteindra 170 mètres de hauteur. Enfin, une autre tour située au-dessus de l’abside, de 120 mètres de haut, sera dédiée à Marie.

L’ intérieur de ce temple est exceptionnel et complètement novateur. Gaudi y souhaitait la représentation d’« une forêt » par des colonnes, supports des voûtes, en forme d’arbres ramifiés afin que la lumière, pénétrant à la fois par les

voûtes et par les vitraux stratégiquement placés, donne l’illusion d’avoir tracé son chemin à travers les feuilles des arbres. Ces voûtes sont elles aussi vraiment originales car elles sont couvertes d’un ensemble de paraboles et d’hyperboles de forme géométrique appréciées de l ’architecte. L’ensemble formé par les colonnes et les voûtes est appelé « système arborescent ».

La mosaïque dans le temple est fortement employée af in de donner couleur et v ie à

Gaudi et le templede la Sagrada Familia

Manceau

15

Page 16: Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de ...59c.free.fr/publication/journal/142avril06.pdf · C’est un moment de construction où alternent instinct,

16

l ’ouvrage. Elle est utilisée pour les hyperboles des voûtes auxquelles elle donne une couleur verte et un aspect scintillant grâce notamment à l ’emploi de plaques de verre contenant une feuille dorée. Sur les façades et sur les tours, l’on trouve des inscriptions bibliques en mosaïque et au sommet de chaque pinacle des coupes de fruits de toutes sortes et de toutes couleurs également revêtues de mosaïque. Gaudi débordait d’imagination, étudiait toutes les données dans leurs moindres détails et ne laissait rien au hasard tant au niveau de l’architecture que de la sculpture, de l’acoustique ou de l’éclairage et tout était empreint de symbolisme.

Entrent dans la construction de la Sagrada Familia essentiellement de la pierre, du fer, du béton et de la brique. De nos jours, beaucoup des éléments en béton sont préfabriqués par une entreprise extérieure. Néanmoins, le chantier est équipé d’une centrale à béton et nous bénéficions d’un ravitaillement en béton de diverses sortes selon l ’usage que nous devons en faire. Les ferrailles, excepté quelques ferraillages comme celui des piliers qui peuvent être réalisés en atelier, sont assemblées sur place. Il y a un gros travail de ferraillage sur ce chantier.

Les pierres dont nous nous servons, selon l’emploi que nous en faisons et l ’emplacement qui leur est réservé, sont de résistance différente. A l ’intérieur, pierres tendres et, à l ’extérieur et pour les piliers, pierres dures afin qu’elles puissent résister aux intempéries, aux contraintes et à l ’alliage avec le béton. A l ’extérieur, l ’on trouve du granit du Tarn mais en tout ce ne sont pas moins de seize variétés de pierre présentes sur le chantier et choisies en fonction de leur résistance, de leur aspect et de leur nature.

La durée de ce chant ier s’expl ique par la philosophie de « L’Association Spirituelle des Dévots de Saint-Joseph » et de ses membres. Selon eux, le financement du temple doit être uniquement fait d’aumônes et de dons. Vu la taille de l’ouvrage, il n’est donc pas étonnant qu’il y ait eu souvent un manque de moyens. Gaudi lui-même récoltait des dons pour son ouvrage.

Le premier clocher fut terminé en 1925 et Gaudi mourut en 1926, écrasé par un tramway, alors qu’il effectuait sa marche quotidienne songeant comme toujours à son chef-d’œuvre. Il était né en 1852.

E n 193 6 , s u r ve n a i t l a g u e r r e c i v i l e e n E s p a g ne . L e s R é volut ion n a i re s a l l a i e nt mettre le feu à l ’ édif ice le 20 jui l let de cette même année. La crypte fut très endommagée, les travaux interrompus. Les plans de Gaudi a insi que ses maquet tes en plâtre (échel le 1/10 e et 1/25e) a l la ient êt re dét ru its dans l ’ i ncend ie de son ate l ier. Heu reusement , des ouvriers travai l lant à la construction du temple récupérèrent les débris en plâtre et les cachèrent en les enterrant. Ce ne fut qu’en 1955 que les res tes des maquet tes f u rent déterrés et que le chantier repris.

Aujourd ’hui encore, des spécia listes tentent de reconstruire les maquettes endommagées. Aux dernières précisions, i l serait quest ion que le chantier soit couvert af in de pouvoir célébrer l ’Of f ice en 2008 mais les t ravaux extérieurs ne s’achèveront pas avant 2025.

Actuellement, l ’abside et la façade consacrée à l a G lo i re du C h r i s t s ont e n c ou r s d e construct ion a insi que la base des quatre tours célébrant les Évangélistes, le système arborescent et d ’autres tâches extér ieures comme les pinacles.

Ce chantier est ouvert au public, l ’entrée y est payante ainsi chaque v isiteur part icipe-t-i l pa r s on ob ole au f i na nc ement de la construction. La v isite du temple expiatoire de la Sagrada Familia permet de voir, hormis le cha nt ier en const r uc t ion, le musée où e s t r e p r é s e n t é , à l ’a i d e d e m a q u e t t e s , photog r aph ie s e t p l a n s , l e t emple à s e s dif férentes périodes de construct ion et tel qu’ i l sera lors de son achèvement. L’on peut aussi parcourir la v ie de l ’architecte et les œuv res qu’ i l a réa l isées . I l est éga lement pos s ib le , à t r avers u ne v it re , d ’obser ver l ’atel ier des modél istes où une équipe de spécia l istes t ravai l le à la restaurat ion des maquet te s or ig i ne l le s de G aud i , a f i n de s’assurer de la f idél ité à l ’œuvre init ia le.

J’ invite sincèrement chaque Pays et Coterie passant par Barcelone à faire connaissance avec l ’œuvre de Gaudi et à v isiter la Sagrada Fa mi l ia , monu ment consacré depuis ju in 2 0 0 5 « Pat r i moi ne d e l ’ hu m a n i t é » p a r l ’Unesco. En fait, une balade et une réf lexion dans l ’a ir de la nouvel le architecture, pour une cathédrale commencée au XIXe siècle et terminée au X XIe.

Damien Proustdit ManceauAspirant Maçon

L’intérieur de ce temple est exceptionnel et complètement novateur. Gaudi y souhaitait la représentation d’« une forêt » par des colonnes, supports des voûtes, en forme d’arbres ramifiés afin que la lumière, pénétrant à la fois par les voûtes et par les vitraux stratégiquement placés, donne l’illusion d’avoir tracé son chemin à travers les feuilles des arbres.

Journal mensuel de l’Association ouvrièredes Compagnons du Devoir du Tour de France

Reconnue d’utilité publiqueN°ISSN : 1240-1730

82, rue de l’Hôtel-de-Ville75180 Paris cedex 04

Téléphone : 01 44 78 22 50 Télécopie : 01 44 78 20 90

Site internet : www.compagnons-du-devoir.com

Michel GuisembertDirecteur de la publication

François BastienDirecteur de la rédaction

Copyright photosLes Compagnons du Devoir

Prix unitaire : 5 €

Abonnement annuel 2006Simple : 48,50 €Soutien : 100 €Étranger : 65 €

(chèque à l’ordre de Compagnon du Devoir)

Merci de penser à nous signaler tout changement d’adresse.

Impression :Graphi Imprimeur12450 La Primaube

Compagnon du Devoir