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À lire page 15 Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France Mai 2006 - Numéro 143 Compagnon du Devoir Dans ce numéro... PREMIÈRES EMBAUCHES PREMIERS CONTRATS PREMIÈRES ANGOISSES A l’heure où les jeunes en recherche d’un lendemain mal préparé descendent dans la rue pour s’exprimer, avec véhémence, contre un texte qui semble ne pas corres- pondre à l’idée qu’ils se font du monde du travail, il nous paraît nécessaire que les Compagnons du Devoir s’expriment, eux qui, chaque année, permettent à de nombreux jeunes d’intégrer le monde du travail et, ainsi, formaliser leur premier contrat d’embauche. Dans cette situation complexifiée, il y a lieu de considérer sept composantes : le jeune, principal acteur ; les adultes, parents ou intervenants à un moment dans la construction du jeune ; les mé- dias ; l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée ; l’économie de marché ; la loi ; et, enfin, la politique. LE JEUNE Concernant le jeune ou plutôt les jeunes, il y a lieu de différencier les situations des uns et des autres, avec pourtant ce qui devrait être un seul et même objectif pour tous : « vivre de son activité profes- sionnelle », pouvant par ce biais s’assurer les besoins matériels vitaux, s’épanouir, faire vivre sa famille, faire des projets et les concrétiser, mais aussi se donner les moyens de faire face à des imprévus tels que les problèmes de santé, les aléas liés à l’emploi… L’approche est évidemment différente selon qu’il s’agit d’un jeune des banlieues en marge des repères de notre société mais en phase avec ceux de sa société, d’un jeune fréquentant l’amphi de l’université de manière épisodique et depuis trop longtemps, d’un jeune qui par détermi- nation a choisi la voie de l’apprentissage ou bien encore du jeune élève brillant ca- pable de fréquenter les écoles nationales ou internationales. De même, la fille ou le fils issus d’une famille aisée, celle ou celui nés au sein d’une famille modeste ou bien encore la fille ou le fils d’immigrés, quand bien même ils seraient de la deuxième géné- ration, ne sont malheureusement pas considérés de la même façon. Il en est également ainsi, bien que cette différence soit moins significative qu’au milieu du Une maison forte à ne Une maison forte à ne pas manquer pas manquer Premières embauches – premiers contrats – premières angoisses, par Normand la clef des Cœurs .......................................................... 1 Une belle promesse, par Les Compagnons Serruriers du Devoir ....................................................................................................................................... 4 Visite au musée du Compagnonnage de Tours par Guillaume Frey .............................................................................................................................5 La fin d’un Tour, le début d’un autre par Frédéric le Beaujolaiss ..................................................................................................................................... 6 Carnet du Tour de France ..............................................................................................................................................................................................................11 La Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière................................................................................................................................................................... 12 La gamme des bleus, par Henri le Provençal .......................................................................................................................................................................... 13 Une année en Hollande, par Picard........................................................................................................................................................................................... 14 Le château de Boisy et les châteaux environnants par Jean le Savoyard................................................................................................................ 15 L ieu de naissance de la mère de saint François de Salles, le château de Boisy nous interpelle par son aspect massif bien loin de la magnificence qu’offrent les châteaux de la Loire. Sa visite est l’occasion pour notre Savoyard de remonter le temps et de nous faire côtoyer celui qui voua sa vie aux pauvres.. Éditorial Normand la Clef des Cœurs À découvrir page 4 P ascal le Normand remercie aujourd’hui trois Compagnons Serruriers du Devoir qui pendant les cinquante dernières années ont consacré leur vie au Compagnonnage et aux jeunes, montrant ainsi qu’il n’est pas de plus noble tâche que de transmettre aux jeunes ce que l’on a reçu des Anciens. L’engagement, la raison d’être de toute une vie Suite page 2

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À lire page 15

Journal de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France

Mai 2006 - Numéro 143

Compagnon du Devoir

Dans ce numéro...

PREMIÈRES EMBAUCHES

PREMIERS CONTRATS

PREMIÈRES ANGOISSES

A l’heure où les jeunes en recherche d’un lendemain mal préparé descendent dans la rue pour s’exprimer, avec véhémence, contre un texte qui semble ne pas corres-pondre à l’ idée qu’ils se font du monde du travail, il nous paraît nécessaire que les Compagnons du Devoir s’expriment, eux qui, chaque année, permettent à de nombreux jeunes d’intégrer le monde du travail et, ainsi, formaliser leur premier contrat d’embauche.

Dans cette situation complexifiée, il y a lieu de considérer sept composantes : le jeune, principal acteur ; les adultes, parents ou intervenants à un moment dans la construction du jeune ; les mé-dias ; l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée ; l’économie de marché ; la loi ; et, enfin, la politique.

LE JEUNE

Concernant le jeune ou plutôt les jeunes, il y a lieu de différencier les situations des uns et des autres, avec pourtant ce qui devrait être un seul et même objectif pour tous : « vivre de son activité profes-sionnelle », pouvant par ce biais s’assurer les besoins matériels vitaux, s’épanouir, faire vivre sa famille, faire des projets et les concrétiser, mais aussi se donner les moyens de faire face à des imprévus tels que les problèmes de santé, les aléas liés à l’emploi…

L’approche est évidemment différente selon qu’il s’agit d’un jeune des banlieues en marge des repères de notre société mais en phase avec ceux de sa société, d’un jeune fréquentant l’amphi de l’université de manière épisodique et depuis trop longtemps, d’un jeune qui par détermi-nation a choisi la voie de l’apprentissage ou bien encore du jeune élève brillant ca-pable de fréquenter les écoles nationales ou internationales.

De même, la fille ou le fils issus d’une famille aisée, celle ou celui nés au sein d’une famille modeste ou bien encore la fille ou le fils d’ immigrés, quand bien même ils seraient de la deuxième géné-ration, ne sont malheureusement pas considérés de la même façon. Il en est également ainsi, bien que cette différence soit moins significative qu’au milieu du

Une maison forte à ne Une maison forte à ne pas manquerpas manquer

Premières embauches – premiers contrats – premières angoisses, par Normand la clef des Cœurs .......................................................... 1Une belle promesse, par Les Compagnons Serruriers du Devoir ....................................................................................................................................... 4Visite au musée du Compagnonnage de Tours par Guillaume Frey .............................................................................................................................5La fin d’un Tour, le début d’un autre par Frédéric le Beaujolaiss ..................................................................................................................................... 6Carnet du Tour de France ..............................................................................................................................................................................................................11La Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière ................................................................................................................................................................... 12La gamme des bleus, par Henri le Provençal .......................................................................................................................................................................... 13Une année en Hollande, par Picard ........................................................................................................................................................................................... 14Le château de Boisy et les châteaux environnants par Jean le Savoyard ................................................................................................................ 15

L ieu de naissance de la mère de saint François de Salles, le château de Boisy nous interpelle par son aspect massif bien loin de la magnifi cence qu’off rent les châteaux de la Loire.

Sa visite est l’occasion pour notre Savoyard de remonter le temps et de nous faire côtoyer celui qui voua sa vie aux pauvres..

ÉditorialNormand la Clef des Cœurs

À découvrir page 4

P ascal le Normand remercie aujourd’hui trois Compagnons Serruriers du Devoir qui pendant les cinquante dernières années

ont consacré leur vie au Compagnonnage et aux jeunes, montrant ainsi qu’il n’est pas de plus noble tâche que de transmettre aux jeunes ce que l’on a reçu des Anciens.

L’engagement, la raison d’être de toute une vie

Suite page 2

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siècle dernier, du jeune issu du monde rural par rapport à celui venant de la petite ville de province, de la grande ville ou des cités.

Cette différenciation apporte la preuve qu’ il y a de grandes disparités entre chaque jeune et que chacun doit être pris en compte selon sa propre histoire.

Cet état de fait doit nous amener à marquer un temps de réflexion personnelle sur le premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en date du 26 août 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».

L’approche du monde du travail de ces « adultes en devenir » est évidemment elle aussi différente. Cela va de la hâte de rejoindre ce monde inconnu, de réaliser et de se réaliser, puis de recevoir une rémunération et, par là même, toucher du doigt l’autonomie ; Cela va de la peur, voire du refus, d’entrer dans ce monde hostile -ou de l’idée que l’on s’en fait, avec pour conséquence retarder sans cesse l’échéance en allant d’examens en examens, de diplômes en diplômes, voire de concours en concours ; Cela va du seul désir d’entrer dans une administration afin de bénéficier de la sécurité de l’emploi et d’un plan de carrière prévisible et pré-tracé ; Cela va, au gré du hasard, d’aller de petits boulots en petits jobs et ainsi subir ou rebondir ; Cela va de vivre en marge du monde du travail et des codes réglementés en fréquentant les milieux répréhensibles ou en pratiquant les jeux de hasard ; Cela va enfin, après une formation adaptée et un accompagnement dans l’emploi, de se réaliser et prendre ainsi son destin en mains puis être heureux dans une vie professionnelle équilibrée.

Les mauvais choix étant souvent le résultat d’une observation faite au niveau familial, d’un constat sur l’environnement proche, d’une influence médiatique parcellaire et trop souvent orientée, d’un effet de masse profitant à quelques-uns et négligeant la spécificité de chacun ou, encore, de la déception engendrée par l’approche des adultes voire de leur surdité face aux attentes de la jeunesse.

Cette jeunesse qui, depuis son plus jeune âge, entend le poids du chômage, de la précarité, de l’insécurité et des nouvelles maladies de la fin du siècle dernier ne peut être rassurée par les insuffi-sances de ses aînés, leurs manques et leur légèreté à penser sur le long terme. Ces aînés capables, en toute conscience, de continuer à dégrader la planète et leur environnement ne peuvent être crédibles quand ils se prétendent être les garants de l’avenir de cette même jeunesse.

Oui, bien sûr, cette jeunesse a le droit d’être inquiète lorsqu’elle constate que tel ou tel adulte, bien que armé d’un contrat de travail à durée indéterminée, est néanmoins incapable d’assumer la caution ou le loyer prohibitif demandé par tel ou tel bailleur peu scrupuleux. Oui, bien sûr, cette jeunesse peut être soucieuse de son avenir lorsqu’elle constate que de nombreuses banques ne veulent prendre aucun risque la concernant, lui interdisant ainsi l’accès à des achats souvent nécessaires.

Il y a un âge pour chaque chose et nous ne sommes plus à cette époque où un jeune prodige de vingt-et-un ans devenait général d’Empire. La vie était si courte alors que tout était urgent, même de mourir…dans la gloire !

La jeunesse d’aujourd’hui doit entendre que la facilité de vie, affichée par ses pairs, voire par ses aînés, ne sera évidemment plus la même pour elle. Que les appeaux d’un monde où le travail serait marginal, la liberté croissante et l’aisance de vie commune sur ce vieux continent ne sont que pures utopies. Elle doit intégrer que les valeurs fondamentales et universelles devront la guider. Elle doit imaginer une formation faite dans l’évidence conjuguant apprentissage, expériences, remises en cause de soi afin de savoir rebondir et ainsi faire face aux écueils de la vie puisqu’il y en aura. Elle ne peut imaginer en entrant dans ce monde du travail la monotonie de toute une carrière au nom de la sécurité de l’emploi. Elle doit en conjuguant sa fougue, son dynamisme, son ambition, son savoir, ses expériences faites d’erreurs et de réussites, devenir celle ou celui que l’on recherchera pour sa pertinence, sa créativité, sa connaissance, sa façon d’être et de faire. Le monde de demain aura besoin de femmes et d’hommes de cette trempe. Elle doit enfin vivre ce moment de construction et ne pas se sédentariser trop tôt afin de ne pas connaître prématurément les affres des premiers regrets.

LES ADULTES

Concernant les adultes, parents ou intervenants à un moment donné dans la construction du jeune, nous ne reviendrons pas sur les différentes composantes du panel de notre société, celle-là même qui a engendré la jeunesse dont nous venons de faire état.

Ces adultes, tout au moins ceux dont les enfants sont aujourd’hui en capacité de quitter les rangs universitaires afin de rejoindre l’entreprise, ont connu, pour un grand nombre d’entre eux, la semaine de 40 heures, la nécessaire productivité liée à la période d’après-guerre, mais aussi ce fameux « mai 68 » et ses slogans, la remise en cause de l’autorité de l’Etat, le premier choc pétrolier et ses premières incidences sur le pouvoir d’achat, le harcèlement croissant et omniprésent des spots publicitaires ayant pour consé-quence l’éternelle insatisfaction de ne pouvoir s’offrir ce qui est vanté, la mondialisation, l’abaissement de l’âge de la retraite, le glissement du temps libre prenant rapidement le pas sur le temps du travail et, enfin, l’accès à tout, tout de suite, notamment par les nouveaux moyens de communication.

Si l’on peut se féliciter de ces nombreuses avancées, tout cela, et sans que l’on s’en aperçoive, a modifié considérablement quelques repères, dont certains vieux de plusieurs siècles !

Tout parent, depuis la nuit des temps, souhaite à ses enfants un meilleur avenir que ce qu’il a connu et se réjouit toujours de leur réussite. Néanmoins, si nous aimons nos enfants, nous devons préparer l’avenir et raisonner en fonction des nouvelles données, notamment sur le plan mondial, et ne plus considérer comme définitivement acquis ce qui l’était à un moment donné quand bien même cela toucherait les avantages personnels. Même si certains considèrent cela comme un recul social, il convient plutôt de parler d’adaptation à une réalité. Ces réformes concerneront vraisemblablement l’âge de la retraite qui, progressivement, devra reculer, les différentes formes de contrats de travail pour lesquels un jour il sera nécessaire d’apporter une solution adaptée aux exigences du moment si l’on ne veut pas dans l’avenir ressembler à un pays en voie de développement.

Aussi, si nous aimons nos enfants ou ceux auxquels, à un moment donné, nous avons apporté connaissance, aide, soutien mais aussi confiance, nous devons, qui que nous soyons, enseignants, voisins, amis, parents, employeurs, par mesure d’honnêteté, les aider à relever le défi qui les attend et à assumer l’héritage que nous leur laisserons.

LES MÉDIAS

Notre société est aujourd’hui largement informée du fait que l’information arrive chez nous simplement en manipulant tantôt la télécommande du téléviseur, tantôt la souris de l’ordinateur. Les plus courageux ou les mieux avertis d’entre nous passent chez leur marchand de journaux pour y acheter les quotidiens, hebdo-madaires ou mensuels correspondant soit aux journaux locaux soit à ceux répondant au mieux à leurs convictions politiques ou idéologiques.

La jeunesse se contente souvent et au mieux de l’ information télévisuelle, voire d’une concentration d’informations au travers d’un journal de 6 minutes. Les habitués de la route sont certaine-ment les plus assidus à s’informer au moyen de leur radio. Or, il est courant de constater, même si de nombreux journalistes s’en défendent, que l’ information reçue est évidemment tronquée, voire parfois orientée. Prenons le cas très récent des exactions commises dans certains quartiers de banlieue. Les images présen-tées étaient si précises et si violentes que de nombreuses personnes de province vivaient ce moment comme si Paris était à feu et à sang et que dire de l’étranger qui voyait notre pays en situation de guerre civile !

Qui et combien d’entre nous ont réellement vécu ces moments ? Bien sûr, tout ce qui était présenté était réel et vraiment violent et cela n’est pas acceptable, mais en tout état de cause l’échelle des évènements n’était pas la bonne au regard de la réalité. La télévision a un effet de loupe et nous avons pris l’habitude, voire acquis la facilité de juger le monde et les hommes au travers de cette loupe. Cela est dangereux. N’est pas ici mis en cause le grand professionnalisme des journalistes qui font ce métier avec passion dans un temps donné mais l’obligation de résultat liée à l’audimat afin de voir ensuite ingurgiter par le téléspectateur les spots publicitaires destinés à augmenter la consommation et les recettes de la chaîne.

Il est important de croiser nos sources d’information et de préserver son champ d’opinions personnelles mais aussi d’habituer la jeunesse à ne jamais tomber dans la seule prise en compte de l’idée de l’autre ou des autres, quand bien même seraient-ils des professionnels de l’information.

L’opinion publique a besoin d’optimisme et de moments d’espoir. Ainsi, il serait tellement bien que les colonnes des journaux, les reportages télévisuels ou les enregistrements divers donnent un peu plus de place à toute cette jeunesse majoritaire qui a foi en la vie, multiplie les expériences, se construit autour de véritables projets et envisage l’avenir avec sérénité ! Cela modifierait la vision

EDITORIAL SUITE

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de nombreuses personnes en qui l’on a petit à petit mis le doute sur de nombreux sujets liés à la jeunesse, cela leur redonnerait l’espoir et la confiance dont chacun a besoin et dont le pays a besoin.

L’ENTREPRISE

L’entreprise est avant tout une œuvre sociale puisqu’elle permet de mettre en rapport des clients avec des fournisseurs mais aussi les femmes et les hommes de l’entreprise entre eux et avec d’autres entreprises, le tout au sujet d’un produit et harmonisé par l’esprit de l’entreprise.

Si l’entreprise est convoitée par celle ou celui en recherche d’emploi, elle peut aussi devenir détestée si elle ne respecte pas les règles nécessaires à la bonne harmonie. L’entreprise a par le fait beaucoup de devoirs : obligations réglementaires par rapport au code du Travail et aux règlements intérieurs ; obligations de résultats tant au niveau de la conformité des produits au regard des commandes qu’au niveau des résultats financiers ; obligations de s’inscrire dans l’économie de marché.

Elle doit participer activement au complément de formation de ses collaborateurs mais aussi à l’accueil de nouveaux, voire à celui de jeunes salariés, afin de pérenniser le métier de l’entreprise, voire préserver ce métier. Il lui est demandé en permanence de prendre des risques. Cela va d’un emprunt pour lequel il est nécessaire d’apporter des garanties auprès du banquier, donc des garanties sur un avenir nécessairement méconnu ; cela va d’une embauche au travers d’un contrat formalisé pour une période indéterminée alors qu’aucun marché, sauf en ce qui concerne les emplois d’Etat, n’est pour une période indéterminée ; cela va de la signature d’un marché pour lequel l’erreur d’appréciation ou d’estimation peut être fatale pour l’entreprise ou les entreprises concurrentes ; cela va aussi de la non-remise en cause des produits, des méthodes ou des habitudes ; cela va enfin de la non-préparation de la transmission de l’entreprise, ce qui peut avoir pour conséquence de perdre le savoir et les hommes.

Mais l’entreprise c’est aussi parfois le lieu de la réalisation de bénéfices considérables, sans partage voire sans participation, celui de méfaits engendrés par l’activité de l’entreprise.

De nombreux efforts sont faits dans de nombreuses entreprises pour apprendre aux dirigeants les méthodes adaptées à l’amé-lioration des rapports humains. Il reste beaucoup à faire. Rien n’est plus gratifiant pour un salarié que d’être reconnu dans l’entreprise pour ce qu’il est et pour ce qu’il fait, à quelque poste que ce soit, dans la micro-entreprise ou dans la multinationale. Les gratifications salariales ne suffisent pas à endiguer un man-que de reconnaissance qui, généralement, mène rapidement au découragement, à la démotivation et à la perte de l’esprit d’entreprise, voire à l’esprit d’entreprendre. Or, rien ni personne n’est plus motivé qu’un être humain à qui l’on reconnaît son esprit d’entreprendre et de créer.

L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ

L’époque de l’artisan de la petite bourgade seul capable de réaliser pour un particulier un ouvrage ou une réparation sans trouver de concurrence à plusieurs heures de marche est bien révolue. Sauf cas extrêmement rares, toute entreprise, tout service est lié à une tarification formulée ou non et, dans tous les cas, à une concurrence dont le seul décideur est le client.

En l’occurrence, chacun est tour à tour client ou fournisseur. En tant que client, que ce soit pour l’achat de sa voiture, de ses chaussures, du panier hebdomadaire de la ménagère ou d’un voyage à l’étran-ger, chacun s’applique à acheter au meilleur rapport qualité-prix, n’hésitant pas à faire jouer la concurrence et, à vrai dire, sans trop se préoccuper ni des conditions dans lesquelles l’achat à été élaboré ni du lieu de production. C’est ainsi que, du commerce de proximité, nous sommes passés aux hypermarchés, du fabricant local à la firme mondiale, de l’artisan identifié à l’enfant-esclave et du producteur du village à l’élevage en batterie.

C’est bien le client, en l’occurrence chacun de nous, qui a conduit à cette économie de marché et à cette mondialisation irréversible dans laquelle chacun semble trouver un intérêt : le client, pour acheter plus de produits avec la même quantité d’argent, voire à faire des achats auxquels il ne pourrait accéder sans cette concur-rence effrénée ; le fournisseur, voire l’intermédiaire, qui n’hésitera pas à rechercher le sous- traitant capable de lui réaliser le produit sur lequel, sans risque, il gagnera de l’argent. Et de sous-traitant en sous-traitant d’établir la chaîne d’exploitation humaine.

Fort heureusement, à ce jour, de nombreux marchés ne sont pas encore mondialisés. Pour ceux qui le sont, cela nécessite ingénio-sité, créativité, savoir-faire, compétence mais aussi intelligence et conviction, afin de faire face et ainsi préserver l’emploi.

Chacun, dans ce contexte, a un rôle à jouer en se posant régulièrement la question : « Qui sont les femmes et les hommes qui ont élaboré le produit que je suis en train d’acheter ? » Si la réponse convient à ses convictions et à ses capacités financières, alors l’achat sera judicieux.

LA LOI

Un pays qui sans cesse légifère, ajoute des textes aux textes, est vraisemblablement un pays en difficulté, voire un pays en panne de dialogue social.

Comment comprendre que, pendant des siècles, il fut possible de vivre et de s’entendre sans à ce point faire référence à la loi, cette loi que nul ne doit ignorer et qui sera l’élément déterminant du jugement en cas de désaccord ? Serions-nous devenus procéduriers au point de ne plus savoir se comprendre sans se référer à un texte tellement précis qu’il se doit de traiter toutes les spécificités et, si tel n’est pas le cas, d’attendre que les hommes de loi en cassation apportent par jurisprudence interposée le texte qui manquait ? Ou, tout simplement, à l’ instar des Etats-Unis d’Amérique, serions-nous tombés sous le charme des professionnels de la loi au point de ne plus rien savoir faire sans se faire accompagner de son avocat ?

Oui, bien sûr, les lois sont nécessaires pour fixer le cadre et repérer les hors-la-loi mais ne devrait-on pas laisser un peu plus de place au bon sens, à la bonne foi et à l’ intelligence et ainsi privilégier des rapports plus humains et moins rigides que ces textes de plus en plus volumineux dans lesquels, en cherchant bien, chacun peut se trouver en dehors !

Dans le sujet qui nous intéresse, la loi, une fois gravée dans la pierre législative, ne permet pas l’expérimentation. Or, l’humain a besoin, une fois la réf lexion menée, de mesurer les incidences positives et négatives de son éventuelle décision et, pour ce faire, d’un espace permettant l’essai en fixant préalablement les seuils de satisfaction autorisant ensuite de légiférer.

LA POLITIQUE

Chacun s’accordera à dire que la politique n’est pas l’affaire des Compagnons et il n’est pas courant de l’évoquer dans ses lignes. Si chacun a les droits et les devoirs de ses convictions, fruits de son expérience, il n’appartient pas à l’Institution d’en faire état et encore moins de faire du prosélytisme.

Néanmoins s’agissant du devenir des jeunes, il nous paraît nécessaire d’ inciter les hommes politiques dans leur ensemble à miser sur le long terme en assemblant leurs forces et leurs différences afin de privilégier les intérêts généraux et, ainsi, donner quelques espoirs à cette belle jeunesse un peu déstabilisée par des intérêts partisans. S’agissant du chômage et de l’avenir des jeunes, sujet ô combien sensible, la concertation semble de mise avant toute décision avec pour seul objectif, celui de réussir ensemble. Il est nécessaire d’être nombreux à porter un projet de cette envergure, il est nécessaire d’agir en mobilisant tous ceux qui ont un rôle à jouer.

En ce qui nous concerne, nous continuerons à accompagner les jeunes dans l’emploi et notamment dans les premières embauches. C’est la seule façon d’apporter le climat de confiance entre le jeune empli de doutes face à ses capacités à intégrer cette entreprise inconnue et l’entreprise qui ne connaît pas le jeune mais connaît les Compagnons du Devoir et sait que nous suivrons l’évolution du jeune dans l’entreprise.

De même, nous continuerons et intensifierons les possibilités de faire vivre de nombreuses expériences à cette jeunesse pour qui la priorité doit rester la formation de l’homme dans son entier basée sur le voyage. Le temps du contrat à durée indéterminée n’est pas d’actualité pour celui-ci. Nous l’encourageons à poursuivre son voyage, et par lui l’acquisition et l’accumulation d’expériences qui lui serviront un jour, proche ou lointain. Et, s’il devait exister une prime, nous serions favorables à ce qu’elle soit versée au jeune qui, après une période à déterminer, prend l’initiative de changer d’entreprise pour accroître ses compétences. Nous continuerons de l’encourager à être mobile dans sa tête et dans ses actes afin de vivre pleinement ses acquis et être libre et recherché. Voilà notre mission.

Michel GuisembertNormand la Clef des CœursPremier Conseiller.

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métiers et techniques

I l y a un demi-siècle, en janvier 1956, une poignée de Compagnons Serruriers du Devoir venus de toute la France recevait

sept jeunes Compagnons Serruriers du Devoir. A cette époque nos Anciens étaient peu nombreux, aussi fondaient-ils de grands espoirs pour notre corps de métier avec ces nouveaux Compagnons. Ils ont eu raison car, cinquante années plus tard, six de ces Compagnons sont encore actifs au sein de notre métier et de l’Association ouvrière. C’est assez rare - et cela se doit d’être souligné - qu’une telle proportion de Compagnons n’ait jamais oublié son engagement dans le Compagnonnage.

Le 7 janvier 2006, les Compagnons Serruriers du Devoir de Paris étaient réunis au domaine de Coubertin pour leur traditionnel repas des spécialités, repas organisé par les Itinérants qui leur font déguster à cette occasion les mets et les vins de leurs régions. C’était le moment de rendre un hommage particulier à trois de ces sept Compagnons, tous trois de la Chambre de Paris.

A cette occasion, le Compagnon Girondeau, Pascal le Normand, savait en quelques mots retracer leur parcours, compagnonnique et professionnel. Il s’adressait d’abord au Compagnon Nozeran, puis au Compagnon Gougeon et enfi n au Compagnon Brossard. Ecoutons-le.

Compagnon Nozeran, André l’Albigeois

Tu n’étais pas bien vieux lorsque, à l’issue de ton apprentissage, tu enfourchais ta bicyclette pour faire ton Tour de France.

Albi, Lyon, ce n’est pas bien loin, mais tu n’avais pas sur ton vélo les trois plateaux à l’avant et les neuf pignons à l’arrière, passons sur le carbone… de toute façon, tu préférais l’acier.

En un coup de pédales, le mistral dans le dos, te voici face au vieux port, la « Bonne Mère » pour t’arrêter. Cette première étape n’est pas des plus simples.

Découragé… Pas du tout. Comme Jacques Tati, demi-tour énergique et direction Strasbourg ; le vent glacial dans les oreilles, puis le vent d’Ouest dans le nez pour rejoindre Nantes, et Paris, dernière étape en tant qu’Itinérant ; c’est là que tu réalises ton travail de Réception, un entourage de porte à l’échelle 1/10e.

Tu s ou h a i t e s t e d on n e r d av a nt a g e au Compagnonnage en prenant la gâche de prévôt à Bordeaux. Terminant cette gâche, tu pratiques ton métier en tant que chef d’atelier dans l’entreprise Gougeon. Dans le même temps, tu deviens trésorier

des Compagnons Serruriers sur la Province de Paris et tu le demeures pendant de nombreuses années. Sachons nous souvenir, la belle écriture sur notre rituel de Réception, c’est la tienne.

Albigeois, tu es un mystère à toi seul. Tu te serais fait appeler André le Berrichon ou le Bourguignon, personne ne s’y serait opposé, tellement tu roules… avec une dextérité déconcertante, les rrr… Pourtant, c’est sous le nom de André l’Albigeois que tu es reçu Compagnon. Un mystère aussi cette discrétion naturelle mais surtout ta fi délité au Compagnonnage. Tu fais partie de l ’équipe d’accompagnement d’Epône, c’est dire ton ouverture d’esprit dans ce Compagnonnage qui évolue. Cela fait de toi un homme jeune.

Compagnon Gougeon, Bernard l’Angevin

Ah ! Bernard. Lorsque tu es parmi nous, tant l’écho de ton verbe légèrement « Parigot » que ton retard aux réunions nous rassurent. Cela signifi e que tu es en bonne santé.

Toi aussi, parti d’Angers à bicyclette, bravant les intempéries, tu rejoins les villes de Lyon, Marseille, Strasbourg et Bordeaux.

Bernard, nous nous sommes laissé dire que chaque fois que tu changeais de ville en vélo, tu passais par l’Anjou pour y saluer ta famille (intervention d’un Compagnon dans l’assemblée : « Non, ce n’est pas vrai, c’était pour voir sa ”poulette” »). Peu importe, tu te sédentarises à Paris ou tu crées ton entreprise et y accueille de nombreux jeunes Itinérants. Tu les tritures un peu, tu les formes, tu leur transmets ta passion. Ton fi ls n’échappera pas à la règle et sera lui aussi reçu Compagnon Serrurier du Devoir.

Compagnon Brossard, Raphaël le Poitevin

Quant à toi, Raphaël le Poitevin, c’est unapprentissage en maréchalerie qui te permet un premier contact avec le fer. C’est à Tours que tu fais connaissance avec les Compagnons.

Tu visites les villes de Strasbourg, Bordeaux et Paris. Tu participes au premier Concours International des Métiers, en 1955 à Madrid, où tu remportes le premier prix en Forge.

Tu forges la porte d’entrée de notre Maison d’Angers-la-Baumette Il t’aurait été aisé de faire ton travail de Réception au pied de l’enclume, mais tu choisis de réaliser une maquette en charpente métallique.

Au début des années 60, tu deviens responsable de la serrurerie aux Ateliers

Une belle promesseLes Compagnons Serruriers du Devoir

A cette époque nos Anciens étaient peu nombreux, aussi fondaient-ils de grands espoirs pour notre corps de métier avec ces nouveaux Compagnons

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L’ une des spécifi cités de la ville de Tours est son musée du Compagnonnage, situé tout près de la Maison des Compagnons du

Devoir, rue Littré.

Le musée du Compagnonnage a ouvert ses portes à Pâques 1968 mais un autre musée compagnonnique fut créé bien avant, en 1911, par les Compagnons de l'Alliance Compagnonnique tourangelle. Ce premier musée compagnonnique était plutôt réservé aux Compagnons et avait été aménagé dans l’ancienne mairie de Tours, avec le musée des Beaux-Arts, le Muséum et la Bibliothèque. Il fut transféré en 1922 dans les locaux de l’ancien archevêché de Tours, près de la cathédrale.

C’est après Paris et les Compagnons du Tour de France, une exposition réussie au Musée National des Arts et Traditions Populaires, que les deux commissaires de l’exposition Georges-Henri Rivière et Roger Lecotté (tous deux ethnologues) eurent l’idée de mettre sur pied un projet de musée public. C'est ce musée public, agrandi en 1975, qui existe encore aujourd'hui.

Ce musée voit le jour grâce à Jean Royer (député-maire de Tours à cette époque), à Roger Lecotté, aux représentants des trois sociétés compagnonniques d'aujourd'hui et à ceux de l'Alliance Compagnonnique tourangelle. Roger Lecotté est nommé conservateur du musée et le restera pendant vingt-trois années avant de laisser son titre à Laurent Bastard, toujours en place.

Après un entretien avec Monsieur Bastard, je suis allé visiter ce fameux musée installé dans les dépendances de l’ancienne abbaye Saint-Julien. Pour accéder au musée proprement dit, l’on doit d’abord traverser une boutique vendant toutes sortes d'objets en relation avec le Compagnonnage (cela va des livres aux fi gurines représentant les diff érents

métiers), puis emprunter une courte passerelle d'où l'on peut admirer l’une des façades de l’église Saint-Julien (XIIe-XIIIe siècles) qui se trouve tout près.

L’on accède alors à une petite pièce rassemblant des documents et objets authentiques accompagnés d'ex-plications et illustrant l'histoire du Compagnonnage. Le tout est agrémenté de quelques imposants chefs-d'œuvre annonçant par leur présence une très belle visite. Puis l'on entre dans une immense et magni-fi que salle divisée en cellules (nous sommes dans une ancienne abbaye), chacune d’elles présentant un métier. Au fi l de la visite, l’on fait connaissance avec les institutions compagnonniques, le Tour de France, les fêtes, etc. Il y a même une cellule mon-trant des pièces que des Compagnons ont faites pendant leur temps de loisir et qui ne correspondent pas forcément à leur métier.

Les métiers sont illustrés par des chefs-d’œuvre, des travaux d'Adoption et de Réception, des outils et par les Couleurs et cannes leur correspondant. Des objets insolites sont présentés, tel un marteau portant sur son manche l’empreinte creusée par l’usure de la main de son propriétaire.

C'est un beau musée contenant une grande diversité d'objets mis en valeur par les vitrines et les jeux de lumière. Mais, comme me l'a souligné Monsieur Bastard : « Les visiteurs apprécient particulièrement les œuvres où sont associés la diffi culté technique, le caractère insolite et l’esthétique. Des pièces techniquement parfaites mais peu attractives ne seront pas forcément exposées, faute de pouvoir s’intégrer harmonieusement avec les autres. »

Malgré cela, ce musée est à la fois complet et authentique.

Guillaume FreyMécanicien stagiaire

Visite au musée du Compagnonnage de Tours

Guillaume Frey

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métiers et techniques

Saint-Jacques, à Coubertin. Dès 1964, tu prends en main la destinée de notre métier en tant que chargé d’études. Tu seras le véritable leader de notre corporation, notamment en refondant et en mettant en œuvre la progression de nos cours. Puis, tu es délégué des serruriers au Collège des Métiers jusqu’en 1972.

Tu crées ensuite ta propre entreprise à Rambouillet, toujours avec le profond désir de servir ton métier.

Après avoir retracé le parcours de nos Anciens, Pascal le Normand concluait ainsi son intervention :

Tous les Compagnons de la Province de Paris, de la France entière, du monde, les jeunes ici présents, vous remercient tous trois pour votre fi délité au Compagnonnage durant ces cinquante années écoulées, pour votre engagement. Ce mot fait aujourd’hui un peu peur mais, pourtant, vous êtes les preuves vivantes que l’engagement ne fait pas mourir, bien au contraire. Grâce à lui, vous avez transmis votre savoir pendant un demi-siècle. D’ailleurs, ne pas le faire aurait été du gâchis et nous aurait de plus privés de vous avoir près de nous.

Vos épouses et enfants ne sont pas oubliés. Nous les remercions. Eux qui sans aucun doute se sont sentis quelquefois un peu abandonnés lorsque vous partiez le soir voir les jeunes Itinérants dans nos Maisons de Compagnons. Nous aurons également une pensée pour ces autres Compagnons reçus à vos côtés en janvier 1956 et, en premier lieu, pour le Compagnon Lammech, Georges le Tourangeau, parti trop tôt en 1981 à la suite d’un accident du travail. Egalement, pour deux des Compagnons de la Chambre de Nîmes : Le Compagnon Beaugé, Georges le Guépin, et le Compagnon Souriou, Jean le Guépin, tous deux actifs en notre Maison de Nîmes. Enfi n pour le Compagnon Bonnet, Armand le Marchois, qui est l’un des piliers de notre Maison de Pau.

Que ces sept Compagnons demeurent un exemple de fi délité et d’engagement pour nos jeunes Itinérants, apprentis, stagiaires, Aspirants et Compagnons.

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métiers et techniques

A près dix années passées au sein de notre Association,

je décide de prendre une année sabbatique, voir autre chose, prendre le temps de me poser pour mieux repartir, avec de nouvelles idées, des réponses aux dif férentes questions que je me pose, bref en profi ter pendant que je n’ai rien de précis à l’horizon.

Un Tour du Monde, un bien grand mot en vérité. On va dire plus simplement un Tour du Pacifi que. Afi n de mieux vous faire comprendre mon désir, voici un bref aperçu de mon parcours avant ce grand départ. Une première expérience en Hollande en tant qu’Aspirant, un passage à Tours avec déjà l’envie de partir, la gâche de maître de stage à Marseille pendant deux années très enrichissantes pendant lesquelles, outre les relations avec les parents, les entreprises, les fournisseurs, les échanges entre les Maisons de Marseille et de l’Argentière-la-Bessée, les sorties, chez les Anciens ou les intervenants…, j’ai assumé la responsabilité des jeunes avec l’aide des Anciens.

Puis je suis allé vivre dans une petite résidence, en colocation. Un peu « l’auberge espagnole », une petite communauté de jeunes de nationalités diff érentes, animée de soirées barbecue l’été, de soirées Beaujolais nouveau ou crêpes… de sorties organisées dans la région. Le projet de partir m’habitait toujours, peut-être exacerbé par la fréquentation de mes colocataires, l’envie de connaître d’autres pays aussi. J’envisageais de rejoindre une entreprise internationale qui m’enverrait à l’étranger mais, dans ce cas, aurais-je le temps de visiter et de connaître les habitants des pays dans lesquels je séjournerais ? C’est alors que cherchant sur Internet, j’ai trouvé le billet « tour du monde » proposé par Star Alliance.

Mes objectifs étant de changer de continent, d’apprendre l’anglais, de faire des activités de plein air, la Nouvelle-Zélande me parut le pays idéal pour commencer ce « Tour du Monde ». M’y rendre me permettait à la fois de visiter cette contrée mais aussi l’Australie aussi vaste que l’Europe. Ce « Tour du Monde » me permettait aussi de faire une escale à Singapour, grande puissance économique malgré sa taille, de faire connaissance avec la Malaisie, pays en voie de développement, de séjourner quelque temps dans la jungle, de découvrir les îles paradisiaques, le Japon, de visiter la partie ouest des Etats-Unis, et de terminer mon périple par Londres. C’est tout ceci que je vais dans les lignes qui suivent vous proposer. Je commencerai par vous parler de la

Nouvelle-Zélande puisque ce fut le début de mon périple puis, ensemble, nous visiterons les diff érents pays que je viens de vous énumérer.

La Nouvelle-Zélande

Je ne vous présenterai pas l’historique de ce pays car la lecture assidue de notre Journal vous l’a fait découvrir à plusieurs reprises. Je vous parlerai simplement de mon expérience. Je me suis envolé pour Auckland le 21 août. Vingt heures d’avion et j’atterrissais dans cette ville où j’allais rester quatre mois. Noël arrivant, je décidais d’acheter une voiture et de partir à la découverte des deux îles qui forment ce pays. Le tour des îles fut animé de soirées dans les backpakers, également de nombreuses randonnées et autres activités sportives, bien évidemment aussi de visites aux Pays et Coteries séjournant dans cette contrée. Il me faudra sept semaines pour rejoindre Christchurch dans l’île du Sud où je resterai quatre mois. J’ai durant mon séjour dans cette ville bien sympathisé avec mes collègues, j’ai également participé à des randonnées organisées par l’université, pris en soirée des cours de dessin à main levée au collège ; J’ai aussi beaucoup joué au basket, pris des cours de rock’n roll, fréquenté la bibliothèque. Et j’ai connu Tomo, jeune femme japonaise et John Kiwi pour un échange linguistique.

Au fait, savez-vous ce qu’est un backpaker ? C’est un endroit pour voyageur en quête d’aventure, à petit

budget. On y partage le coin cuisine, le coin télé avec bibliothèque, le dortoir ou la chambre. L’ambiance y est conviviale et les frontières tombent. On y lie des amitiés, on se raconte nos expériences, on se livre un peu puis l’on repart seul ou à plusieurs pour chacun suivre sa destinée.

Mon séjour en Nouvelle-Zélande m’a également permis de connaître l’Alliance Française. Pour ceux qui ne connaissent pas cet organisme, que j’ai découvert par hasard sur le forum des FROGS, site des Français en Nouvelle-Zélande, je dirai qu’il représente la culture française partout dans le monde. C’est à la fois un point de chute pour les Français expatriés, et une salle de classe pour l ’étranger désireux d’apprendre le français et connaître la culture française. On y trouve une bibliothèque avec livres, musique et vidéos français, des journaux, l’on y passe parfois des fi lms français et des expositions y sont organisées. L’on peut y déjeuner et c’est à l’occasion d’un repas que j’ai pu faire la connaissance de Kiwis qui m’ont donné de bons plans pour la découverte de la ville et du pays. Ce n’est pas négligeable.

Auckland, capitale de la voile. Ce séjour aurait pu être pour moi l’occasion de faire de l’agencement de bateau, malheureusement l’off re qui me fut proposée en ce sens concernait une date postérieure à mon départ. Dommage. Malgré cela, j’ai pu remarquer qu’il y avait dans ce pays de bonnes choses à apprendre au niveau techniques du métier mais il y a un manque en ce qui concerne l’esthétisme, la beauté n’est pas vraiment recherchée comme c’est

La fi n d’un Tour, le début d’un autre

Frédéric le Beaujolais

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Le Parc National de Taman Negara, la plus vieille forêt primaire du globe après l’Amazonie, sera ma prochaine étape. Elle date de 130 millions d’annéeset est composée d’arbres millénaires, des espèces rares, de grottes immenseset est peuplée de papillons, d’oiseaux, de tigres sauvages et d’éléphants…Les aborigènes Orang Asli y vivent.

le cas par exemple pour un menuisier français qui fabrique un escalier. Au niveau sécurité au travail, il y a également beaucoup à revoir ainsi qu’au niveau de l’étanchéité des maisons (menuiserie traditionnelle) qui sont de vrais frigos mais le gouvernement est prêt à revoir tout cela pour économiser l’énergie.

Enfin, l ’on peut également visiter d’anciennes exploitations de kauris (gros arbres), visites intéressantes qui pourraient à l’occasion faire l’objet d’un autre article dans notre journal.

L’Australie

Compte tenu de mon budget et de mon temps de séjour en Australie, seize jours, j’ai fait le choix de rester sur la côte Est et d’aller dans les terres, à une centaine de kilomètres de Sydney, à la découverte du Blue Mountains National Park. J’y arrivais à la fi n de l’automne, moment où les températures sont encore agréables.

La côte Est demeure beaucoup plus touristique et peuplée que la côte Ouest, beaucoup plus sauvage. A mon arrivée à Sydney, je retrouvais Tim, un correspondant qui allait me servir de guide pour la découverte de la ville : son opéra, célèbre par son design, son pont, le port et la traversée de la baie en Ferry, les vieux quartiers rock. Bref, une journée d’échange sur nos deux pays.

Le Blue Mountains National Park, lieu de détente pour les habitants de Sydney, est classé au Patrimoine de l’Humanité. Les paysages sauvages y sont de toute beauté : canyon, cascades, falaises. Voici mon périple : Bus de nuit pour Fraiser Island à 1 240 kilomètres au Nord de Sydney. Il faut savoir que les distances entre les pôles touristiques et les villes sont en général de 1 000 kilomètres. Arrivé à Fraiser Island, j’apprends que le backpacker organise une sortie en 4*4 pendant 3 jours. Je m’inscris pour y participer et je me retrouve avec neuf autres personnes pour la visite de diff érents sites dont le lac Mackenzie aux eaux couleur émeraude, la forêt tropicale, la faune aquatique où je découvre des raies, des tortues et où j’apprends tout ce qui concerne la migration des baleines vers le Nord. Malgré le tourisme, les Australiens ont su préserver leur environnement avec la pratique du recyclage et une tolérance zéro pour le non-respect de la faune (koalas, dingos).

Je fais également connaissance, grâce à mon backpacker, avec la ville moderne de Brisbanne, capitale de l’état de Queensland mais aussi avec Surfer-Paradise, capitale du surf où les tours immobilières montent comme des champignons. C’est une grande cité balnéaire à l’image de La Motte chez nous. Byron Bay, plus calme, plus en contact avec la nature, avec de belles vagues pour le surf, me plaît davantage.

A mon retour sur Sydney, je retrouve le Pays Rivault, Samuel l’Angevin, Compagnon Menuisier du Devoir, et Provençal, Compagnon Serrurier du Devoir, tous deux de retour de leur tour d’Australie en van. Ils me montrent ce qu’ils ont photographié pendant

les trois mois que dura leur expédition et me font également le récit de leurs expériences tout en me montrant les photographies de leur travail. Nous nous quittons à l’aéroport où je vais prendre l’avion pour Singapour.

Singapour

Après un voyage près du hublot et la chance d’avoir pu contempler l’immensité de l’Australie et les îles bordées de coraux de l’Indonésie ainsi que ses volcans, me voici à Singapour. Une île, un état, une ville ordonnée et propre comme une petite Suisse en Asie du Sud. Autrefois anglais, ce pays qui a acquis son indépendance en 1965 applique de nouvelles valeurs. Développement économique, sécurité, propreté, matérialisme le caractérisent. Singapour a su malgré la crise attirer et développer le tourisme, notamment en préservant les vieux quartiers de la ville malgré l’affl ue de buildings modernes. Tout cela est impressionnant pour l’Européen que je suis. La chaleur étouff ante et humide m’assaille dès la descente de l’avion et je ne resterai dans cette ville que trois jours pendant lesquels je visiterai les diff érents quartiers, chinois, arabe et indien, ainsi que bien sûr le quartier des aff aires. Au bout de ce temps, je prendrai le bus pour Malacca qui se trouve sur la côte Ouest de la Malaisie.

La Malaisie

A la traversée du détroit de Malacca, en arrivant en Malaisie, c’est à nouveau le dépaysement. La Malaisie est une péninsule dotée d’une chaîne montagneuse et forestière.

Les côtes malaises constituant un grand carrefour maritime entre la Chine et l’Inde, la Malaisie fut,

compte tenu de sa position sur la route des épices, colonisée d’abord par les Portugais, puis par les Hollandais et enfi n par les Anglais. Indépendante depuis 1955, elle connut jusqu’en 1997 une croissance phénoménale due au commerce du caoutchouc, de l’étain, du pétrole et de l’électronique. Aujourd’hui elle se relève peu à peu de la crise économique du Sud-Est asiatique et a dû abandonner l’idée de ses dirigeants qui voyaient en elle à l’horizon 2020 l’un des pays les plus modernes de ce continent.

Ce pays tourne à deux vitesses : la côte Ouest très économique et très riche où bon nombre des habitants sont originaires de Chine et la côte Est, typiquement malaise et musulmane. En réalité, la population compte 50 % de Malais, 30 % de Chinois, 10 % d’Indiens et 100 000 aborigènes. On y parle généralement deux à quatre langues, le mandarin, l’arabe, l’anglais et le chinois. Les Malais sont des gens honnêtes et accueillants et l’on se sent en sécurité dans ce pays où se pratique l’Islam le plus ouvert à la société moderne. Malacca, ville coloniale située sur le détroit est une ancienne cité portuaire. Lors de mon arrivée dans le backpaker, je fais la connaissance de deux anglaises et, sympathisant, nous décidons de visiter la ville ensemble. Jusque là rien d’extraordinaire si ce n’est que cette escapade va me donner l’occasion de découvrir la convivialité locale. En eff et, faisant le tour du marché, nous sommes accostés par un vieux Chinois qui, non content de nous off rir le thé, nous propose la visite des vieux quartiers et des temples bouddhistes de sa ville et nous donne de plus l’occasion de déguster certaines spécialités du pays dont l’omelette à l’huître que nous n’aurions sans doute jamais goûtée sans lui.

Le lendemain, je rejoins pour deux jours Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie et visite les tours jumelles Petronas, diff érents quartiers dont celui de Chinatown avec le grand marché du soir.

De Kuala Lumpur, je décide de partir en randonnée dans la jungle. En compagnie de Dave, un Anglais, et de Brice, un Kiwi, tous deux rencontrés dans le bus, je vais sillonner la forêt, les petits villages vivant de l’exploitation forestière et des récoles de durians, un fruit malais qui, dès qu’on l’ouvre, dégage une odeur nauséabonde.

Le Parc National de Taman Negara, la plus vieille forêt primaire du globe après l’Amazonie, sera ma prochaine étape. Elle date de 130 millions d’années et est composée d’arbres millénaires, des espèces rares, de grottes immenses et est peuplée de papillons, d’oiseaux, de tigres sauvages et d’éléphants… Les aborigènes Orang Asli y vivent. Une dizaine de familles de vingt à trente membres chacune. Ce sont des nomades qui chassent à l’aide de sarbacanes, récoltent le miel, s’adaptent à la forêt. Parfois les enfants sont scolarisés mais bon nombre de ces aborigènes souhaitent garder leur culture. Le gouvernement la leur fait perdre en leur off rant des embauches afi n qu’ils s’intègrent dans la société, ce qui a pour conséquence à la fois de les déraciner et de leur faire perdre leurs valeurs.

Trois jours dans la jungle, en compagnie de mes nouveaux compagnons et avec un guide, me

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permettent de remonter la rivière en pirogue à moteur. Quinze kilomètres au cœur de la forêt dense et nous nous arrêtons pour passer la nuit dans une grotte de la dimension d’une église. Au petit matin, nouveau départ à pied pour vingt-et-un kilomètres avec au fi l du temps petite pause le long de la rivière, baignade, saut de liane en liane, façon Tarzan. En fi n d’après-midi de ce deuxième jour, nous rejoignons l’observatoire où d’autres groupes sont arrivés. Bien sûr, durant la nuit, malgré le silence, on ne remarque rien alors que nous sommes là pour observer. Forcément, à force d’être dérangés, les animaux fuient.

Troisième jour, retour au village avec un point de vue sur la rivière et la jungle, puis départ pour Jerantut avec une attente jusqu’à quatre heures du matin pour le train qui nous mènera vers la côte Est. Pour meubler le temps, la soirée sera animée de parties de cartes entrecoupées de siestes. En arrivant à Kota Bharu, chacun de nous lutte comme il le peut contre le sommeil qui a commencé à s’installer. C’est que le train ne prévient pas de son arrivée en gare et ne s’arrête que très peu de temps, il faut donc faire attention de ne pas manquer la station. A destination, les chauff eurs de taxis nous attendent déjà sur le quai où, selon la coutume, commence la négociation sur le prix du parcours qui nous mènera jusqu’à l’embarcadère pour les îles Perhentian. Séquence Formule 1 : arrêt au stand pour l’essence et conduite agitée. Nous arrivons quand même sains et saufs et embarquons pour les îles.

Celles-ci sont classées Parc National. Elles sont recouvertes d’une jungle épaisse, entourée de plages d’une grande beauté et d’eau d’une étonnante clarté qui abrite une importante diversité d’espèces sous-marines. Bien que la construction des chalets soit en pleine expansion, le site est encore préservé du béton mais malheureusement pas des touristes qui y viennent en masse, au détriment de l’environnement.

Ces trois jours furent animés, pendant la journée, d’une sortie plongée libre sur plusieurs sites, à la découverte des tortues, des requins à pointe noire (sans danger), des côtes bordées de récifs de coraux où s’ébattent toutes sortes de poissons, tous plus hallucinants les uns que les autres (arc-en-ciel, poissons-lune, couleur f luo, tigrés …).

Accompagnés, nous avons également pu plonger avec boutei l les sur des sites fabuleux à dix-huit mètres de profondeur. L’eau y est d’une clarté impressionnante.

Trois jours magiques avant de redescendre seul sur Kuala Terrengganu pour découvrir le côté traditionnel des Malais avec la visite d’un musée.

De l ’autre côté du f leuve, le petit village préservé du modernisme Duyong, où se trouvent les fabriques de bateaux traditionnels en bois. C’est la rencontre durant la v isite avec Christoph Swoboda. Discutant ensem-ble d’un peu de tout, il me propose de lui donner un coup de mains pendant quel-que temps. Pourquoi pas ? J’ai le choix entre partir vers la Th aïlande pour cinq jours, y rejoindre une ville comme Bangkok, faire 1 600 kilo-mètres aller et retour, tout voir et ne rien voir, retomber dans les lieux touristiques avec visites de temples et détente sur la plage ou rester quatre jours ici, participer à la construction d’un bateau, prendre le temps de profi ter

et de connaître un peu plus les Malais. De plus, je suis installé dans un formidable backpaker sur les rives du fl euve, une sorte de minuscule village aux maisons en bois recouvertes de feuilles de palmier, sur pilotis ; on y accède par une passerelle, un rêve ! Réfl échissant bien, je pense que la dernière option est la meilleure.

Quelques mots sur la construction de ces bateaux en bois, cher Lecteur, et je poursuis avec vous mon voyage.

Les chantiers navals sont, en Malaisie, en voie de disparition et sur les quatre encore en activité, bon nombre des ouvriers sont des Anciens. La jeunesse ne se rend pas compte des valeurs qu’elle possède et préfère se laisser vivre au gré de la télévision, des jeux vidéos ou de la drogue. Pourtant, dans le village où se situait le chantier auquel je participais, beaucoup venaient nous voir travailler dont nombre de personnalités du gouvernement.

Une française tombée amoureuse du site et des bateaux a essayé de relancer la construction de ceux-ci mais il est très diffi cile de trouver des manœuvres même si la demande est forte. Elle a le projet de monter une école mais là encore tout n’est pas simple et elle se heurte au manque de fonds.

Christoph Swoboda, skipper allemand, essaie lui aussi de perpétuer et de relancer la construction navale. Après avoir fait le tour du monde avec Naga Pelangi I, il construit Naga Pelangi II, reproduction d’une jonque malaise de 21 mètres de long, qui permettra la navigation à travers les paysages captivants de la mer de Chine et des océans Indien et Pacifi que. La construction débutée au printemps 2004 devrait s’achever courant 2006.

Ce bateau est construit selon les techniques traditionnelles et, pour la coque, le bois utilisé est le chengal, bois mythique que l’on ne trouve qu’entre le 5e et le 8e parallèle sur la péninsule malaise. Il a pour particularité une grande fl exibilité après le sciage et une année de séchage lui donne une résistance supérieure à celle du chêne et une dureté comparable à celle du teck. De plus, les termites ne l’attaquent pas. Ce bois est devenu si rare qu’il est interdit à l’exportation. Les planches faites à partir de ce bois sont chauff ées pour la courbure, puis assemblées chant contre chant par des chevilles en bois de fer espacées de 5 centimètres et taillées en pointe. Dans le cas présent, il en faut une centaine qui devront être ajustées dans les trous, travail impressionnant ! Pour faire le joint entre deux planches, des bandes d’écorce de maleleuka sont utilisées. Cette écorce a

la particularité de gonfl er au contact de l’eau. Si ce travail vous intéresse, ne manquez pas de vous rendre sur le site www.naga-pelangi.de J’ai eu l’occasion ainsi que je vous l’ai dit plus haut de donner un coup de mains sur ce chantier pour le parquet et les bouchons servant à camoufl er les vis et j’ai grâce à cela côtoyer deux charpentiers malais et bien entendu Christoph avec lequel j’ai pu parler tour du monde, bateau, etc.

Cette expérience professionnelle, n’en doutons pas, me restera en mémoire, mais il est temps maintenant de remonter sur Kota Bahru qui se trouve à la frontière thaïlandaise.

Déjà la Th aïlande est présente par l’architecture des temples bouddhistes rencontrés.

Je redescends sur Singapour la nuit, par le bus, et à l’arrivée à la frontière, en début de matinée, l’effervescence ambiante me surprend. Ce sont des armées de voitures, de scooters, de piétons qui traversent la frontière pour aller travailler à Singapour. Je me promène une dernière fois dans Singapour avant de rejoindre l’aéroport et embarquer pour Tokyo.

Je peine un peu à comprendre les raisons pour lesquelles les Asiatiques ne se remettent jamais en question face à l’environnement. Les villes et les villages sont quelquefois de vrais dépotoirs. On trouve des décharges dans la jungle, derrière les habitations. Dans les villages on jette n’importe quoi en se disant que cela se recycle. A la réfl exion, cela fait peur lorsque l’on se dit que, dans le monde, on ne doit être que 5 à 10 % à voir les méfaits de la pollution. Nos sociétés mettent sur le marché un certain nombre de choses pour nous faciliter la vie, on va dire pour un temps, mais sans se poser la question des conséquences que tout cela peut avoir par la suite.

Un exemple frappant. Dans certaines î les particulièrement touristiques, des résidences furent construites à grande vitesse sans plan architectural précis. Parfois mal entretenues, non terminées, abandonnées, elles défigurent la côte sans que personne ne s’en préoccupe.

Le Japon

Le Japon est situé à 10 000 kilomètres de la France. Sa population est de 126 millions d’habitants avec une densité de 331 habitants/km2. Sa pointe Nord est à peu près sur le même parallèle que Lyon.

Arrivé à l’aéroport international de Narita qui se trouve à environ 60 kilomètres de Tokyo, je prends le train pour rejoindre cette ville et y pose mes bagages vers vingt-et-une heures, plus précisément dans le quartier de Shinjuku. Compte tenu de l’heure, j’héberge à l’hôtel Capsules. C’est une chaîne d’hôtels situés à proximité des gares, très pratiques pour le cas où on loupe le dernier métro après une bonne soirée. Un accueil, un casier pour poser ses aff aires, des vêtements de nuit fournis, un coin toilette, et un ensemble de capsules très confortables et de la taille d’une personne, équipées

Je peine un peu à comprendre les raisons pour lesquelles les Asiatiques ne se re-mettent jamais en question face à l’envi-ronnement. Les villes et les villages sont quelquefois de vrais dépotoirs.

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de télévision, radio-réveil. Il ne faut pas s’attendre à un bâtiment futuriste, comme dans les films fantastiques vus à la télévision.

J’ai eu un peu de diffi culté à trouver cet hôtel mais heureusement les Japonais ont l’habitude d’aider les touristes lorsqu’ils les voient le nez plongé dans leur plan guide. Parfois même, ils parlent anglais. Diffi cile là-bas de trouver quelque chose sans l’aide d’un bon guide.

Bien qu’habitée par trente millions de personnes, Tokyo n’est pas immense et l’on en fait vite le tour à moins d’être passionné par les grands magasins. C’est une ville qui, à cause des tremblements de terre et des bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale, a beaucoup perdu de son identité, de cette culture traditionnelle qui la caractérisait. Voici le descriptif de trois de ses quartiers. Le quartier Shinjuku a deux facettes, celle des aff aires avec au cœur la mairie de Tokyo, et celle de la nuit mais à cela il faut ajouter le parc avec ses étangs, ses iris et le sanctuaire Meiji, le plus célèbre du Japon (ce sanctuaire est comme son nom l’indique dédié à l’empereur Meiji 1852-1912). Ce quartier très commercial permet de voir les Japonais sous toutes leurs facettes : punk, reggae, gothic, rappeur.

Le quartier Ikebukuro, avec l’immeuble Sunchine d’où l’on peut admirer du soixantième étage la dimension de la ville et le mont Fuji.

Dans le quartier populaire d’Asakusa, « petit peupl », se trouve le temple Senso-Ji, très réputé car s’y déroulent les tournois de Sumo. Au moment où je me trouve à Tokyo, ce n’est pas la saison, je ne pourrai donc pas y assister. Dans ce quartier, le musée d’Edo rappelle l’histoire de la ville.

Je prends pour rejoindre Kyoto le bus de nuit, ceci afi n de gagner du temps mais aussi le prix d’un hébergement car il est vrai que le transport est excessivement cher pour se promener dans le pays.

Kyoto « ville gardienne des traditions ». C’est un Français qui sauva Kyoto des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Grâce à lui, l’âme du Japon fut épargnée. Jumelée avec Paris, cette ville est considérée comme « le musée du Japon ». Kyoto est entourée de collines et l’on trouve aux abords de la ville 1 650 temples, 400 sanctuaires et 60 jardins. J’en ai visités quelques-uns.

Malheureusement, le temps m’a manqué pour profi ter de cette magnifi que cité, plus calme et tranquille que Tokyo, « la ville

de fous » comme ils disent. Le premier jour, j’ai fait la visite en bus et à pied de la ville. Un peu lourd surtout que le temps n’était pas de la partie. Aussi, le second jour, j’ai pris le vélo pour profi ter pleinement des petites ruelles, des quartiers reculés avec les jardins, les champs de riz,

pour voir les habitants, pour m’éloigner un peu de la masse touristique.

En fi n d’après-midi de ce second jour, je me rends à Osaka située à quarante kilomètres. J’y retrouve à la gare Tomo (rappelez-vous, cours de français/anglais à Christchurch – Nouvelle-Zélande). Elle m’emmène chez ses parents, très accueillants, « un petit beaujolais en cadeau ». Ses parents ne parlent pas anglais, Tomo fait la traduction ou je me débrouille par déduction. Compte tenu de l’occasion, nous partons tous au restaurant. Au menu, fondue japonaise avec une bière et, bien sûr, saké (alcool de riz). Un bon moment d’échange avec au retour la surprise d’un petit feu d’artifi ce en compagnie de ses nièces. Ce soir-là, je me suis couché bien gai après que nous ayons terminé la bouteille de saké à trois (Tomo, son père et moi !).

Le lendemain, nous rejoignons Yocchi, une amie de Tomo. Nous visitons Osaka ensemble. C’est une ville moderne, très jeune. Dans l’après-midi, retour à Kyoto où nous nous rendons dans un collège pour aller voir l’orgue venu de France qu’il abrite. J’ai participé à sa fabrication à Strasbourg en 2001 et c’est pour moi un moment émouvant. Notre visite avait été annoncée et nous avons été très bien reçus grâce à l’entreprise de Strasbourg qui m’avait mis en contact avec Monsieur Tsuran responsable des orgues du collège et à Tomo qui

nous a permis d’arriver à l’heure à notre rendez-vous. Malheureusement, par manque de temps, je n’ai pas vu Monsieur Tsuran que je remercie à travers ces pages.

Puis, nous montons au temple de Kiyomizu perché sur la colline pour admirer le coucher de soleil, et nous assistons à un défi lé religieux. Beaucoup de temples au Japon sont actuellement en restauration. Pour terminer la soirée, promenade dans les vieux quartiers où l’on s’installe dans un drôle de restaurant de sushis. Le repas terminé, je fais mes adieux à Tomo et à son amie et je reprends le bus de nuit qui va me ramener à l’aéroport de Tokyo d’où je vais m’envoler pour Los Angeles

Je quitte le Japon avec l’idée d’y revenir un jour car mon séjour y fut beaucoup trop court. Il faut de deux à trois semaines minimum pour connaître ce pays. De plus, malgré ce que l’on peut penser, la vie n’y est pas si chère que cela, on y trouve des petits coins sympathiques et pas trop onéreux.

Pour apprécier ce pays comme tout autre pays d’ailleurs, il faut connaître une personne sur place et j’ai cette chance. Aujourd’hui, je vais m’intéresser un peu plus à cette culture qui, je le pense, est en train de perdre ses valeurs.

Un dernier mot sur mon hébergement en Asie avant de découvrir la culture américaine. Pendant mon périple asiatique, j’hébergeais généralement dans des auberges, en dortoir. Il ne fallait pas trop tenir compte de la propreté, ni du confort. Parfois j’avais plus de chance, dormant dans des chalets, je bénéfi ciais d’un ventilateur et d’une moustiquaire. Compte tenu du niveau de vie et afi n de profi ter de la cuisine du pays, je mangeais dans les restaurants de quartier ou au marché. J’ai ainsi goûter à certains fruits, le ramboutan, la noix de coco, à diff érents poissons et puis aux satay, sorte de brochettes de viande marinée dans une sauce à base d’épices et de cacahouètes, et bien sûr au riz sous toutes ses formes, spécialité chinoise et indienne. J’ai également eu la chance dans une auberge de vivre à la japonaise, c’est-à-dire que j’ai dormi comme eux, à même le sol, sur un petit matelas et mangé sur des tables basses.

Les Etats-Unis

Je ne vais pas vous décrire la géographie ou l’histoire de ce pays car je pense que tout le monde les connaît.

A l’arrivée de mon avion, je trouve les Pays Goudet, Dauphiné, et Galibert, Montauban, qui sont passés me chercher. Petit tour sur les freeways de Los Angeles (autoroutes) qui se croisent l’une l’autre et peuvent avoir jusqu’à dix voies, avant de rejoindre leur appartement dans Santa Monica. J’y retrouve un peu l’ambiance compagnonnique, quel plaisir ! Nous étions à Marseille ensemble. Rappel de bons souvenirs puis échange sur nos expériences, Nous regardons nos photos, les miennes à la fois professionnelles et touristiques et les leurs plus professionnelles,

San Francisco déploie les charmes du vieux conti-nent. Deux ponts immenses, le Golden Gate Bridge et l’Oakland Bay Bridge la relient à la terre ferme. Sa croissance est due à la découverte de mines d’or dans la Sierra Nevada, ce qui engendra un accroissement de population venue d’Europe.

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montrant les magnifiques travaux auxquels ils ont participé pour les beaux quartiers de Los Angeles. Ils travaillent en général le noyer et le chêne, fabriquent des portes intérieures ornées de sculptures avec des traverses formant des vagues mais aussi des commodes style Régence aux formes chantournées en plan.

Le soir venu, nous retrouvons d’autres Français pour nous rendre à Hollywood où les paparazzis attendent les stars à la sortie des boîtes de nuit et où tout le monde est au top. A voir, mais ce n’est pas pour moi ce type de soirées.

Le lendemain, je reprends la route pour San Francisco, située dans la baie éponyme. Ses 800 000 habitants et ses rues quadrillées ondulant au gré des collines -où les célèbres cable-cars n’hésitent pas à aller à l’assaut des rues les plus raides- font de cette ville la plus européenne des villes américaines. San Francisco déploie les charmes du vieux continent. Deux ponts immenses, le Golden Gate Bridge et l’Oakland Bay Bridge la relient à la terre ferme. Sa croissance est due à la découverte de mines d’or dans la Sierra Nevada, ce qui engendra un accroissement de population venue d’Europe.

Dans la soirée, je me promène dans Chinatown, les bars et les restaurants sont riches en décoration et bien animés, on y trouve toutes les spécialités culinaires de la planète. Après une nuit réparatrice, au petit matin, je prends le cable-car pour monter au sommet des rues que j’arpente ensuite. Maisons de bois, super vue sur le port et la baie, où le brouillard se dissipe peu à peu, me ravissent. Une fois sur les quais, j’observe les petits ateliers qui restaurent les voiliers et je visite un ancien voilier ainsi que le bateau faisant la liaison entre les baies. Puis je loue un vélo pour visiter la ville et mieux en profi ter. Traversée du Golden Gate Bridge sous la brume, je jouis quelque temps de la tranquillité des parcs situés de l’autre côté de la baie puis j’emprunte le ferry pour rentrer. Un regard sur la célèbre prison d’Alcatraz devant laquelle passe le ferry. La brume nous environne, franchissant comme une avalanche les collines qui bordent l’océan et envahissant d’un coup la baie.

Yosemite National Park. Etant donné mon moyen de locomotion -mes jambes- et la saison -le cœur du mois d’août, je décide de m’off rir la randonnée en van. Je prends donc la route en compagnie de douze autres voyageurs : Anglais, Belges, Suisses, Coréens. Quatre heures de transport puis l’on installe les tentes pour la nuit, cuisine à la fraîche, repos et petit-déjeuner puis arrivée dans la vallée du parc. Pour ce premier jour, magnifi ques gorges, falaises immenses, cascades puis petite randonnée à travers la forêt pour aller à la rencontre du séquoia. Retour sur Glacier Point, d’où l’on admire toute la vallée avec quatre cascades, le demi-dôme, et, pour conclure, descente de quatre heures, à pied, jusqu’à la vallée, ce qui nous laisse largement le temps d’admirer ce somptueux paysage et le soleil qui se couche peu à peu.

La deuxième journée nous entraîne dans une randonnée de six heures à travers les immenses cascades. L’on admire au passage la plus haute falaise El Capitain (600 m), sur laquelle on aperçoit des alpinistes qui mettront six à sept jours avant

de parvenir à son sommet et qui dorment sur une nacelle dans le vide. La dernière nuit au parc sera bien arrosée.

De retour à San Francisco, je prends la route pour Las Vegas en bus de nuit.

Las Vegas, située dans le désert du Nevada, capitale mondiale du jeu, vit le jour et autant la nuit C’est un gigantesque parc d’attractions pour adultes avec ses shows, ses stars, ses jeux.

Après Las Vegas, je me dirige vers Flagstaff, en Arizona. C’est la ville la plus proche du célèbre Grand Canyon. J’y visite Sedonia Park, réputé pour ses couleurs qui attirent de nombreux artistes peintres.

Le lendemain, j’emprunte à nouveau un van et avec un groupe, nous nous rendons au Grand Canyon. Petite question. Comment à l’étranger repérer un Français ? C’est très simple, grâce aux sacs à dos de la marque Decathlon. C’est par ce biais que je fais connaissance d’un compatriote, il étudie la sociologie à New York et, toute la journée, nous allons avoir de grandes discussions sur la société, ses expériences et les miennes. Toujours par l’intermédiaire de Decathlon, je discute avec une Française. Je dirai plutôt une « malade du tourisme ». Elle veut tout voir, parle à la vitesse du métro. Dans quel intérêt ? Faire le maximum de photos… Je crois en ce qui me concerne que la beauté d’un voyage tient certes aux paysages mais aussi aux rencontres et au partage, car les photos, si belles soient-elles, ne demeurent que des photos.

En arrivant au Grand Canyon, nous fermions tous les yeux en nous tenant la main, dans l’attente de cet immense canyon. Diffi cile de dire comment c’était, j’en suis resté ébahi. Une véritable splendeur. De plus, le temps était nuageux avec quelques passages ensoleillées qui donnaient des luminosités diff érentes. On allait d’un point de vue à l’autre pour mieux admirer.

Après ma rencontre avec cette merveille de la nature, retour à Los Angeles par Las Vegas et retrouvailles avec mes deux Pays. Je loge dans leur appartement et me consacre à la découverte de la ville. Los Angeles : je pense qu’un grand nombre d’entre vous connaît cette ville par le cinéma Hollywoodien - Beverly

Hills. Deuxième ville des Etats-Unis avec quatorze millions d’habitants. Visite des quartiers huppés, et, descente de Charybde en Scylla, en arrivant dans les quartiers défavorisés où même les transports en commun sont ineffi caces. Pour terminer ma découverte de la ville, je visite Universal Studios, un parc avec attractions et shows mettant en scène des fi lms connus : Jurassic Park, Waterworld, la Momie, etc. Sans oublier un tour en petit train au milieu des studios et des décors de certains fi lms, dont le dernier « La guerre des mondes », impressionnante reproduction. Compréhension aussi de la magie du cinéma.

Je quitte Hollywood et ses trottoirs étoilés pour une dernière soirée avec

mes amis avant de prendre l’avion pour Londres le lendemain en fi n d’après-midi. Cette étape marquera la fi n de mon voyage.

Je conclurai mon expérience aux Etats-Unis en disant que, si c’était à refaire, je partirais avec des amis et louerais une voiture ou je prendrais un tour en bus « Spécial globe-trotters » car le train est trop onéreux et les réseaux ferroviaires pas vraiment à la pointe. Cela s’explique par la diminution par deux, voire par trois, en quarante ans de la fréquentation du train en faveur de l’avion que les Américains prennent aussi facilement que nous empruntons le TGV.

Les bus couvrent tout le pays et sont utilisés par quelques globe-trotters mais aussi par les Mexicains, les SDF, les sans-papiers, les drogués, les alcooliques… Sympa l’ambiance dans les gares routières où c’est la bétaillère. On y est traité comme des chiens, ce qui n’est pas très rassurant. Mais c’est à ce moment-là que l’on rétablit la vérité face à l’image faussée que l’on nous donne de cette grande puissance. Aux Etats-Unis, généralement les Américains sont dans les bureaux ou font du business. La plupart des travaux manuels, et c’est le cas dans l’entreprise où travaillent nos deux Pays, sont eff ectués par des Mexicains, d’autres étrangers et parfois même par des sans-papiers. La Californie compte énormément de Mexicains : un quart de sa population. J’ai l’impression qu’en France, nous allons vers cette même situation, sans doute à cause de la méconnaissance actuelle de certaines valeurs et cela fait peur.

Un dernier mot avant de rejoindre Londres. Les guides sont indispensables lors d’un voyage à l’étranger, quel que soit le pays dans lequel on se rend. Il existe je le rappelle sur Internet un site « Autour du Monde » qui aide vraiment à la préparation d’un voyage. Les forums aident également à prendre des contacts, à découvrir l’expérience des autres.

Londres et la France

J’arrive à Londres en début d’après-midi et c’est ensuite deux heures de trajet avant de rejoindre l’hôtel où je m’aff ale sur le lit. Dur, dur, la remise à l’heure européenne. Mon passage à Londres est beaucoup plus calme, visite de la ville où je n’étais jamais venu. Peut-être trop éloignée de la France, qui sait !

Enfin, après un an d’absence, retour dans ma région le Haut Beaujolais, près du Forez et du Brionnais. Sur le chemin du retour à la maison, mes parents m’invitent au restaurant pour y déguster un plat typiquement français et qui fait frémir les Anglais, des grenouilles. Les premiers jours de mon retour en France seront un plaisir mais peu à peu un manque m’habitera : l ’ambiance Backpaker. Une question me taraude aussi : « Vais-je repartir pour six mois en Amérique du Sud et au Canada ? » Un fait est certain, malgré mon attachement à la France et mon désir de la faire connaître et aimer, l’étranger me manque et je ne passerai certainement plus maintenant toutes mes

Je crois en ce qui me concerne que la beauté d’un voyage tient certes aux pay-sages mais aussi aux rencontres et au par-tage, car les photos, si belles soient-elles, ne demeurent que des photos

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Carnet du Tour de France

vacances en France. Diffi cile aussi de regarder les informations qui montrent une société pessimiste, morose, individualiste.

Dans mon village, j’ai rejoint le comité de jumelage afin de travailler mon anglais et pourquoi pas d’accueillir des étrangers et leur faire goûter notre belle région. En eff et, malgré mon désir de visiter d’autres contrées étrangères, Il me semble que je suis revenu encore plus motivé pour partager mon voyage et faire partager notre beau pays. Après avoir vécu dans des pays où il n’est pas toujours facile de vivre au quotidien, je me dis que l’on n’est pas si mal en France, que nous avons un patrimoine à préserver, des valeurs à sauvegarder et à faire partager à une jeunesse tentée de s’en éloigner en prise avec la société actuelle. Toutes ces réfl exions, je les dois à l’éducation que m’ont donnée mes parents mais aussi les Compagnons.C’est un fait que lorsque l’on part à l’étranger, l’on remarque d’autant plus toutes ces valeurs que le

Compagnonnage nous a enseignées. Combien de formations dans le monde permettent cela ? Cet apprentissage du métier et de la vie est unique : commencer apprenti, devenir Aspirant puis Compagnon, prendre une gâche et pouvoir apporter ainsi notre expérience aux plus jeunes sont autant de périodes que l’on ne peut oublier. Le partage, la retransmission, les Anciens qui sont là font de ce temps une parenthèse.

Il est vrai qu’ i l y a de bons et de mauvais Compagnons, de bons et de moins bons passages mais c’est bien ainsi car sans cela l’on deviendrait faible, nous n’aurions pas de remises en question, nous n’apprendrions pas à tourner la page. L’important étant de prendre le meilleur, d’être capable de faire des critiques positives, de savoir faire avancer les choses, d’apprendre à passer les barrières.L’esprit d’union et d’entraide qui lie les Compagnons donne à ceux-ci la volonté d’aller plus loin, de

s’engager, de découvrir et il y a tant de choses à découvrir de par le monde, tant de choses à apprendre des uns et des autres, un tel amour du métier à partager que je dirai pour conclure que la vie est belle à la condition de savoir avancer, de regarder le bon côté des choses, de savoir s’adapter en gardant ses valeurs, bref tout ce que le Compagnonnage nous enseigne.

Frédéric Bretton Frédéric le BeaujolaisCompagnon Menuisier du Devoir

ADOPTIONSCompagnon du Devoir se fait un plaisir de présenter au Tour de France les Aspirants adoptés à :

Lamothe-Landerron, le 28 janvier 2006Alexis Marpeau, Angevin, Charpentier.

Bruxelles, le 11 février 2006Julien Aubrun, dit Berry, Tapissier,Florian Josso, Breton, Charpentier,Elodie Lapras, dite Toulousaine, Tapissier.

Auxerre, le 18 février 2006Yan Rajalot, dit Toulousain, Maçon.

Brest, le 18 février 2006Mickaël Darson, Forézien, Couvreur,Vincent Denechere, dit Angevin, Maçon,Willy Prunier, dit Champagne, Maçon.

Epône, le 18 février 2006Vincent Razin, dit Angevin, Mécanicien.

Nîmes, le 18 février 2006Harmony Brandy, dit Ile-de-France, Menuisier,Carmelo Locicero, dit Namurois, Maçon,Olivier Revol, dit Forézien, Maçon,Mederic Saja, dit Ile-de-France, Métallier,Clément Segard, dit Provençal, Maçon,Guillaume Zigan, dit Ardéchois, Maçon.

Périgueux, le 18 février 2006Mathieu Bac, Ile-de-France, Plombier,Emilien Mathieu, Périgord, Couvreur.

Poitiers, le 18 février 2006Charles Hercé-Lemore, dit Manceau, Menuisier,Gaétan Garcia, dit Rouergue, Menuisier.

Saint-Egreve, le 18 février 2006Guillaume Durand, Bourguignon, Couvreur.

Reims, le 24 février 2006Thomas Déquin, Ile-de-France, Charpentier.

Bordeaux, le 25 février 2006Floriant Berje, Toulousain, Plombier,Adrien Bresolin, Montauban, Plombier,Brice Mauduit, dit Tourangeau, Menuisier,Guilhem Robin, Languedoc, Charpentier.

Cagnes-sur-Mer, le 25 février 2006Nicolas Adolf, dit Alsacien, Tailleur de Pierre,Benjamin Girod, Toulousain, Plombier,Pierre Leloup, dit Gâtinais, Ebéniste.

Dijon, le 25 février 2006Alexandre Ginola, dit Niçois, Maçon,Nicolas Kretz, Alsacien, Couvreur.

Cepoy, le 25 février 2006Dimitri Charitas, dit Beauceron, Maçon,Marc-Alexis Chotard, dit Poitevin, Maçon,Alexandre Coudurier, dit Tourangeau, Métallier,Cédric Suire, dit Rochelais, Métallier,Morand Viry, dit Vosgien, Maçon.

Rodez, le 25 février 2006Benoît Compan, dit Normand, Chaudronnier,Michaël Ruiz, dit Commingeois, Menuisier.

Saint-Etienne, le 25 février 2006Nicolas Bocquet, dit Artésien, Mécanicien-Outilleur,Clément Bonnet, dit Lyonnais, Serrurier,Benjamin Lami, dit Picard, Maçon,Pierre Marty, dit Rouergue, Ebéniste,Geoff rey Sanchez, dit Bourguignon, Menuisier.

Saumur, le 25 février 2006Kevin Brard, dit Angevin, Tailleur de Pierre,Dimitri Cantin, dit Angevin, Tailleur de Pierre,Benoit Metayer, dit Poitevin, Tailleur de Pierre.

Toulouse, le 25 février 2006Frédéric Chabert, Guyanais, Charpentier,Thibault Feldmann, Ile-de-France, Charpentier,Jonathan Hurpy, Manceau, Plâtrier,Hervé Lepourcelet, Bourguignon, Couvreur,David Pailler, dit Breton, Menuisier,Philippe Paris, Alsacien, Carrossier,Antoine Schmidlin, Forézien, Charpentier,Frédéric Zanon, Alsacien, Charpentier.

Nantes, le 4 mars 2006Christophe Deleu, Flamand, Carrossier,Erwan Fouré, dit Nantais, Chaudronnier,Manu Gallier, dit Manceau, Menuisier,Maxime Marie, Normand, Charpentier,Martin Rottier, Savoyard, Charpentier.

Nîmes, le 4 mars 2006Enguerrand Brunet, dit Togolais, Tailleur de Pierre,Mélanie Calvet, dite Rouergue, Paysagiste,Boris Corbion, dit Angevin, Tailleur de Pierre,Ramazan Dogan, Turc, Plombier,Cyril Noussan, dit Savoyard, Menuisier,Alexandre Teodora, dit Dauphiné, Paysagiste.

RÉCEPTIONSLa fête des Quatre Couronnés fut l’occasion pour la Province de Marseille de recevoir le 14 janvier 2006 les Honnêtes Compagnons passants Tailleurs de Pierre du Devoir Grégory Bucan, La Tempérance de Puget sur Argens, Grégoire Deleau, La Gaieté de Vannes et Killian Gac, La Tolérance de Plougerne.

La fête de Noël fut l’occasion pour le corps de métier des Compagnons passants Maçons du Devoir de recevoir, le 4 février 2006, à Tours, le Coterie Julien Monod, La Tolérance d’Unieux et, le 11 février 2006, à Marseille, le Coterie Alain Menestrello, La Constance d’Allauch et, à Paris, le Coterie Julien Charbonneau, La Persévérance de Dijon.

MARIAGESEmilie Ferreux et Jérôme Maréchal, Franc-Comtois la Patience, Compagnon passant Charpentier du Devoir, ont la joie de faire part au Tour de France de leur mariage qui sera célébré le 5 août 2006, à 11 heures, en l’église de Boujailles (25).

NAISSANCESCatherine et François Mopin, Ile-de-France Cœur Sensible, Compagnon Mécanicien du Devoir, sont heureux de faire part au Tour de France, de l’arrivée dans leur foyer, en juin 2005, de Alexandra et de Wilna, deux petites perles nées dans les Grandes Antilles, en Haïti.

C’est avec quelques mois de retard que le Compagnon Rastello, Gilles le Provençal, Compagnon Menuisier du Devoir, et son épouse Valérie ont la joie de faire part au Tour de France de la naissance de leurs trois enfants « Jeanne, Mathilde et Aurélien », nés tous ensemble le 2 juillet 2005 à la maternité de la Conception de Marseille. Les voilà aujourd’hui la famille la plus heureuse et la plus comblée.

Christelle et Roland Leteau, La Patience de Fontenay le Comte, Compagnon Plâtrier du Devoir, sont heureux de faire part au Tour de France de la naissance de leur fi lle Victoire, le 22 février 2006 à Fontenay.

Maïwenn vous présente Tristan, né le 23 février 2006. Leurs parents Fabienne et Sébastien Nicolas, La Patience de Melesse, Compagnon passant Maçon du Devoir, sont très fi ers de leurs deux enfants.

compagnonscarnet

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métiers et techniques

C omme chaque année, la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière

organise des expositions, des conférences et des manifestations nationales et européennes. Voici un aperçu de son programme pour le second semestre 2006.

Expositions5 mai - 6 novembre 2006Le jardin potager médiéval (les saveurs de Saint Gall)Installé au cœur de la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière par les bons soins du Service des Espaces verts et les jardiniers de la ville de Troyes

15 novembre 2006 – 31 janvier 2007Les Grilles de l’Hôtel DieuHistoire de la restauration des grilles en fer forgé et relevé du serrurier Pierre Delphin – 1760

Les jeudis de MauroyIncontournables, les jeudis de Mauroy existent depuis janvier 2003 et proposent de découvrir un ouvrage, un métier, un outil, un patrimoine, avec le concours d’un intervenant spécialiste et passionné par le sujet à traiter.

Jeudi 1er juin 2006Le verre, des techniques multiplesPar Jean-François Lemaire, Artfusion

Jeudi 9 novembre 2006Le trésor de la cathédralePar Nicole Hany

Jeudi 7 décembre 2006Le chantier médiéval de GuédelonPar Florian Renucci

ManifestationsDans le cadre des manifestations nationales et européennes, la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière nous propose :

Dimanche 18 juin 2006La journée du patrimoine de paysL’eau dans le patrimoine(9e édition)

Samedi 16 et dimanche 17 septembre 2006Journées européennes du Patrimoine(23e édition)

Mais La Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière, c’est aussi une bibliothèque (35 000 ouvrages) consacrée aux métiers et aux hommes de métiers, à leurs connaissances et à leur savoir. C’est aussi et surtout une collection d’outils (plus de 10 000) répartis dans 61 vitrines, un hymne aux métiers dits « manuels ». C’est encore une annexe de la Librairie du Compagnonnage de Paris (plus de 1 000 références en vente – livres, objets souvenirs, vidéos, Cd-Rom…)

Renseignements pratiques

Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière

7, rue de la Trinité10 000 Troyes

e-mail : [email protected]

Tél : 03 25 73 28 26

Le musée et la librairie sont ouverts tous les jours, week-ends et jours fériés inclus, de 10 h à 18 h en journée continue. Pour la bibliothèque, il est indispen-sable de prendre rendez-vous (tél : 03 25 76 38 69)

Les conférences sont ouvertes à tout public mais en raison du nombre limité de places, il est judicieux de réserver au minimum une semaine à l’avance. Un droit d’entrée est à acquitter le soir de la conférence.

La Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière

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LE JARDIN MEDIEVAL

Initié l’an dernier avec l’exposition « Le jardin médiéval, métaphore du paradis », la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière nous off re cette année une deuxième édition, cette fois plus spécifi quement consacrée au jardin potager selon le plan idéal de l’hortus de l’abbaye de Saint-Gall.

Le plan de Saint-Gall ne livre pas de représentation précise d'un jardin, il se borne à situer et à donner la forme globale occupée par cet espace dans l'ensemble monastique. On y distingue toutefois plusieurs espaces spécialisés, tradition probablement héritée d'une organisation rationnelle des cultures décrite par le Romain et érudit Varron (116-27 av. J.-C.) pour la villa rustica. Au jardin du cloître s'ajoutent ainsi le petit enclos des plantes médicinales, herbularius, le verger du cimetière, viridarium, et enfi n le potager, hortus. Bien que de dimensions diff érentes, l'hortus et l'herbularius sont tous deux divisés en pièces régulières. Et ces parterres, délimités par de petits monticules de terre, sont bordés de passages ; il est probable que cette disposition était destinée à faciliter drainage et irrigation.

Le jardin potager est le plus vaste avec environ 200 m2 de superfi cie. Ses dix-huit plates-bandes rectangulaires alignées sur deux rangées sont bordées par la maison du jardinier et les diff érents poulaillers pourvoyeurs de fumure. On y cultive les herbes et les racines, c'est-à-dire les plantes dont on mange soit la partie aérienne, soit la partie souterraine : les salades et les légumes, l'oignon, le céleri, la laitue, le radis, le poireau, l'ail, le persil, le panais, ou encore la betterave.

2005LE JARDIN MEDIEVAL, METAPHORE DU PARADISD’hier à aujourd’hui…

Saint Bernard et les moines cisterciens du bord de l'Aube sont à l'origine d'une renaissance culturelle mais aussi économique dans le nord de la France. Le Comté de Troyes a donc été aux premières loges de découvertes pharmacologiques, chimiques voire alchimiques, mais aussi techniques. Une science du jardin que redécouvre le XXIe siècle naissant et qui est à la base d'une économie particulièrement fl orissante. Une économie qui est en première ligne quant au « développement durable ».

La Maison de l'Outil, en partenariat avec diff érentes instances*, par la création de ce jardin éphémère, a essayé l’an dernier de sensibiliser la ville pour que son initiative soit suivie et étendue à d'autres jardins de la cité. Cette exposition était également l’occasion pour elle d’accueillir le nouveau corps de métier de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir, les Compagnons Jardiniers Paysagistes du Devoir qui avaient très activement participé à l’installation du jardin.

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MosaïqueLa gamme des bleus

Henri le Provençal

métiers et techniques

B leu , cou leu r de l’équipe de France au Mondial 1998 ;

bleu, couleur du ciel de Provence qui transmet son éclat à la grande bleue qu’est notre Méditerranée. Bleu, couleur des tenues militaires pour les poilus de 14-18. Ce b l e u h o r i z o n q u e j ’a i redécouvert en mettant un peu d’ordre dans mon grenier. Empaquetés dans un vieux drap, l’ensemble des vêtements avec le casque, portés par mon père durant les combats sur le front de 1916 à 1918. Dans le casque, quelques papiers, son livret militaire, sa fourragère et sa croix de guerre, un carnet élimé où l’on peut lire quelques notes écrites dans les tranchées aux heures d’accalmie, sous la pluie, le vent, le froid et la neige. On y repère les combats, les noms de villages jusqu’à la bataille de Verdun.

Le casque, plus sombre, gris bleu, n’est pas le sien. C’est celui de son supérieur, un sous-offi cier qui avait insisté pour l’échanger car celui de mon père avait la marque d ’impact d ’une balle ! De quoi raconter en famille, avec pièce à conviction, ces mois de guerre vécus sous la mitraille et l’éclatement des obus.

J’ai replié le tout en pensant à ce que pourraient témoigner ces reliques si elles pouvaient parler. Méditation sur le passé, ce passé dont il ne restera bientôt plus de traces dans nos familles.

Ainsi donc la mosaïque de nos vies, de nos journées, s’estompe avec le temps comme s’estompe le vif de notre Couleur compagnonnique reçue le jour de notre Adoption.

J’ai longtemps apprécié ma première Couleur, remise par le Compagnon Jean Bernard, La Fidélité d’Argenteuil, qui présidait mon Adoption à Lyon en 1946. Lorsque je fus élu Provincial de Marseille, dans les années 80, arborer cette Couleur défraîchie, usée, si souvent pliée et dépliée, dont le tissu s’était peu à peu élimé, fripé, coupé, n’était pas concevable.

Mon épouse a eu beau renforcer l’ensemble en plaçant une fi ne doublure de soie bleue au verso, en recoupant les franges dorées effilochées et devenues couleur vieux bronze, les symboles eux

n’y paraissaient presque plus. Le bleu avait progressivement viré au vert pale puis à l’ivoire, pauvre tissu du temps de la guerre.

Je dus renoncer à utiliser m a C o u l e u r p o u r l e s cérémonies publiques. Un Provincial, que diable ! se doit de porter dignement sa Couleur, certes. Encore, faut-il qu’elle soit présentable au commun des mortels, aux non-initiés. Les autres, les Compagnons, devinent tout de suite l’âge de la Couleur et du Pays ou Coterie qui la porte ! Je profi tais donc d’une Adoption pour renouveler tissu et frappes mais c’est à regret que je dus abandonner ma Couleur d’origine. Elle m’accompagnera sans doute pour le dernier voyage.

Désormais, je prends grand soin de cette nouvelle Couleur que j’enroule autour d’un manchon cylindrique afin de lui éviter les plis durant son temps de rangement dans l’armoire. Sa couleur, bleu roi, les symboles bien apparents et les diverses frappes recueillies lors des cérémonies de Réception de Mères commencent à lui donner la valeur du temps mais el le ne remplacera jamais pour moi celle reçue à Vaise, des mains de notre rénovateur, au lendemain de la libération du pays.

J’ai pensé un instant la remettre pour participer aux Assises du soixantième anniversaire de notre Association, fêté à Lyon en 2001. Finalement, j’ai songé

que nul ne pourrait en comprendre le sens car le vécu d’un être se lit sur son visage et non sur un tissu qui ne compte en défi nitive que pour celui qui l’arbore.

Sans doute cela fait-il partie du secret de chaque être qui attribue de la valeur aux objets qui ont marqué sa vie. Le Compagnon Jean Bernard ne disait-il pas, en étalant sa Couleur sur la table de conférence pour en expliquer sa raison : « Elle résume toute mon existence ».

Henri LorenziHenri le ProvençalCompagnon Menuisier du Devoir

2006LE JARDIN POTAGER MEDIEVAL, LES SAVEURS DE SAINT-GALLDe l’hortus au potager…

Potager Le mot vient de « potage », qui désigne les aliments cuits en pots. Dans son sens ancien de légumes pour le pot, le potage a donné « potager », « potagère » pour nommer le cuisinier spécialisé dans ces préparations.

L'appellation olera (holera), olus, dont nous avons déjà parlé, sera utilisée jusqu'au IXe, voire Xe siècle, pour désigner les plantes dites potagères, non pas toutes celles du potager lui-même, mais celles qui cuisent au pot (on trouve aussi potherbes) et qui forment potages et sauces. Dès le XIe siècle, de nombreux vocables remplaceront le latin, comme ierbes, courtillage, ortillage, herbages, herbes, herbes potagères, verdures, racines, qui désigneront au fur et à mesure salades, plantes aromatiques et potagères. Notons que les légumes plutôt aigres ou âcres furent appelés aigrum (esgrum) : oignon, ail, cresson, raifort, échalote, poireau, navet, choux, etc. Le mot légume lui-même vient du latin legumen (de legere : cueillir), qui désignait nos actuelles légumineuses, ces plantes à gousse dont les graines sont comestibles, tels les lentilles, les pois chiches, les pois, les fèves, qui étaient les aliments de base de notre préhistoire. Ce legumen est devenu lesgum, legum ou léüm, et enfi n légume vers 1530.

A l'instar des autres jardins monastiques, le potager a évolué dans l'histoire, composé de végétaux autochtones ou recueillis depuis la nuit des temps et recomposé au gré du temps selon les infl uences, les climats et les modes, qui provoquent l'introduction de nouvelles plantes au jardin ou parfois, la perte d'intérêt ou l'abandon de certaines autres.

* Partenariat : La Ville de Troyes et les Services des Espaces Verts ; Le Jardin Botanique de Marnay-sur-Seine ;La Fondation Bettencourt-Schueller ;Jardiland ; Le Conseil Général de l’Aube ; Le Conseil Régional de Champagne-Ardenne.

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métiers et techniques

Une année en Hollande

Picard

T u l ip e s , mou l i n s , d i g ue s , éoliennes… Que vous évoquent ces mots si ce n’est la Hollande.

Couvreur de mon état, je suis parti travailler dans ce beau pays qui, bien que proche du nôtre, ne manque pas de nous dépayser.

La vie en Hollande est assez diff érente de celle que nous menons dans l’Hexagone, les Hollandais sont d’ailleurs beaucoup plus ouverts que nous ne le sommes. A titre d’exemples, je me contenterai de citer les coff ee shops ou le quartier rouge d’Amsterdam. La Hollande, ce sont bien sûr les champs de tulipes, les digues de protection qui empêchent l’envahissement des terres par la mer du Nord, ce sont aussi les éoliennes et les moulins mais c’est également un pays en plein développement architectural où il est fréquent d’innover et ce dans tous les domaines.

Seuls cinq cents kilomètres nous séparent mais c’est pourtant une expérience que je recommande à tous à la condition tout de même de connaître les bases de la langue anglaise. Pour l’heure, je vais vous conter la réalisation à laquelle j’ai participé.

Embauché par l ’entreprise Ridder qui travaille avec des Coteries depuis une dizaine d’années, j’ai participé à la construction d’un bâtiment destiné aux bureaux d’une entreprise de recyclage. Le chantier était situé à Nauerna, environ vingt kilomètres d’Amsterdam. Le but de ce travail était d’harmoniser l’architecture moderne des bâtiments avec la nature environnante. L’une des particularités du projet se trouvait dans la toiture, laquelle vient se perdre dans une digue. Une fois l’ouvrage terminé, l’on a l’impression que le bâtiment vient se fondre dans le terrain.

L’étanchéité de la toiture est garantie par une couche bitumée de quatre millimètres sur laquelle sont venus s’ajouter un isolant compressé de dix centimètres et une membrane synthétique afi n d’éviter toute infi ltration. Ces éléments en place, une feutrine a été placée sur la membrane afi n de la protéger. Cette feutrine servira également à maintenir la terre qui doit recouvrir sur dix centimètres cette toiture destinée à recevoir des végétaux.

Une autre innovation consistait en la réalisation d’un œuf en pénétration dans la verrière afi n de couper cette surface par trop régulière. L’architecte a opté pour la forme d’un œuf car ses courbes permettent un net contraste avec la verrière. Cet ouvrage doit accueillir la bibliothèque de l ’entreprise. La principale difficulté de cette seconde innovation se trouvait dans le traçage que l’on réalisa à l’aide d’un laser.

Après avoir déterminé le point de départ dans la partie inférieure de l ’ouvrage, nous avons utilisé une pige sur laquelle nous avions fait des repères à intervalles réguliers. Cette pige fut placée d’aplomb à côté de l’œuf et nous permit de caler notre laser afin de réaliser des traits de niveau (pureau).

Ensuite, nous avons procédé au traçage des verticales en divisant la ligne de pureau la plus longue, qui se situe au milieu de l 'œuf en vue horizontale, et nous avons relié nos divisions à notre point de départ toujours à l’aide du laser. Cette étape terminée, nous avons tracé tous les losanges afin de faciliter la prise des cotes et pouvoir contrôler la régularité du traçage.

L’ouvrage est recouvert de titane d’une épaisseur de 0,4 millimètre en provenance du Canada. Chaque losange a été façonné sur le chantier et ce sont au total huit cents losanges qui auront été assemblés. Cette réalisation aura nécessité approximativement 550 heures de travail.

L’entreprise Ridder que je tiens à remercier à travers ces lignes est l ’une des meilleures entreprises hollandaises de couverture. Elle est spécialisée dans tous les types de travaux sur couverture métallique. Elle permet aux Coteries qu’elle embauche de traiter des chantiers tels que celui dont je viens de vous parler mais aussi d’innover dans leur travail par l’approche de nouveaux systèmes de couverture et de bardage. Elle est prête à embaucher deux itinérants dès le mois de mai 2006, aussi je lance un appel à tous les Coteries ayant envie de travailler du métal pendant un an.

Alexandre BouquetPicardAspirant Couvreur

Une autre innovation consistait en la réalisation d’un œuf en pénétration dans la verrière afi n de couper cette surface par trop régulière.

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métiers et techniques

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Jean le Savoyard

Le château de Boisy et les châteaux environnants

D ans mon enfance, je suis passé indiff érent de nombreuses fois devant le château de Boisy. Celui-ci est situé

à quelques kilomètres du village qui m’a vu naître. Ce n’est pas une riche demeure, elle n’est en rien comparable aux châteaux de la Loire ! C’est plutôt ce qu’il est convenu d’appeler une maison forte. Ce château est situé sur un petit tertre face à la montagne du Parmelan, non loin de la vallée du torrent de la Filière qui descend de ce même Parmelan, et du plateau des Glières, haut lieu de la Résistance.

Ne reste du château, après les méfaits du conventionnel Albitte, que le logis principal, un lourd bâtiment en équerre. Deux tours et le mur d’enceinte ont été démolis sur son ordre lors de la Révolution française.

Cependant, malgré sa modestie, ce château est historiquement intéressant car c’est dans celui-ci que naquit Françoise de Sionnaz qui, à quatorze ans, épousa François de Sales lui apportant en dot le château de Boisy. A quinze ans, le 21 août 1567, Françoise mit au monde au château de Sales, près de Th orens en Haute-Savoie, celui qui allait devenir saint François de Sales, l’aîné d’une fratrie de dix enfants.

François de Sales, c’est le grand homme savoyard par excellence. C’est lui qui, par son action et ses prêches, ramena à la religion catholique les habitants du Chablais et d’une bonne partie du Genevois passés au protestantisme. Son style oratoire, fl euri et imagé, lui fi t soutenir habilement la controverse avec Th éodore de Bèze qui fut le grand disciple de Calvin et dont les prêches seraient à l’origine de la destruction des tours de la cathédrale d’Orléans. Au passage, n’oublions pas de mentionner que cet acte, à ce que l’on dit, serait fondateur du Compagnonnage des Charpentiers du Devoir de Liberté !

François de Sales est aussi l’auteur de deux ouvrages de théologie réputés : « Introduction à la vie dévote » et « Traité de l’amour de Dieu » qui font autorité dans l’Eglise catholique et grâce auxquels il fut fait docteur de l’Eglise.

Très attaché à sa chère Savoie, il refusa d’être le confesseur du roi Henri IV qui le lui avait demandé et lui écrivit à cet eff et, avec beaucoup d’humour, qu’il ne pouvait pas abandonner ses « aspres » montagnes et changer une vieille femme pour en prendre une plus jeune ! Ce qui dut probablement faire sourire le Vert-galant.

Ne pouvant rencontrer qu’un nombre restreint de personnes, François de Sales avait pour habitude d’écrire des lettres personnelles aux personnes qu’il ne pouvait voir directement. Désirant diff user ses idées, il fait alors appel à l’imprimerie pour éditer ses écrits, devenant ainsi le fondateur du premier journal catholique du monde. Sans doute est-ce pour cela ainsi que pour son style, rappelons-le fl euri et très imagé, que les écrivains et les journalistes le choisirent pour saint patron.

Avec Jeanne de Chantal, il fonda pour venir en aide aux familles pauvres une congrégation monastique religieuse féminine « l’Ordre de la Visitation ». En ces temps-là, il y avait fort à faire car la Savoie n’était pas un pays de cocagne, ni l’élevage ni le tourisme n’y avaient encore apporté leurs richesses.

Revenons au château. C’est une sévère bâtisse construite aux environs des XIIe et XIIIe siècles. On ne sait rien de précis sur la date de la construction. Les murs ont une épaisseur de plus de un mètre et sont faits d’une pierre locale de couleur grise appelée molasse et sont hourdés à la chaux. Aux dires des spécialistes, cette pierre semi-dure est d’origine gréseuse. Ces pierres sont, en partie, grossièrement

taillées et les murs sur trois niveaux sont percés de petites fenêtres toutes semblables. Les ébrasements de ces fenêtres, comme cela était l’usage à cette époque, sont pourvus de petites banquettes pour voir et surveiller plus commodément ce qui se passe à l’extérieur. On trouve de-ci, de-là, des archères. Il n’y a pas de décors, pas d’ornements. Simplement, l’encadrement de la modeste porte d’entrée possède un chanfrein et les linteaux des fenêtres sont ornés d’une pointe gothique.

L’intérieur de la demeure est composé de grandes pièces qui, par endroits, ont été subdivisées sur la hauteur. On y a aménagé deux appartements qui sont occupés par les copropriétaires du château car ce

François de Sales, c’est le grand homme savoyard par excellence. C’est lui qui, par son action et ses prêches, ramena à la religion catholique les habitants du Chablais et d’une bonne partie du Genevois passés au protestantisme.

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Journal mensuel de l’Association ouvrièredes Compagnons du Devoir du Tour de France

Reconnue d’utilité publiqueN°ISSN : 1240-1730

82, rue de l’Hôtel-de-Ville75180 Paris cedex 04

Téléphone : 01 44 78 22 50 Télécopie : 01 44 78 20 90

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Michel GuisembertDirecteur de la publication

François BastienDirecteur de la rédaction

Copyright photosLes Compagnons du Devoir

Prix unitaire : 5 €

Abonnement annuel 2006Simple : 48,50 €Soutien : 100 €Étranger : 65 €

(chèque à l’ordre de Compagnon du Devoir)

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Compagnon du Devoir

dernier fut vendu au moment de la Révolution française. Les descendants de ces acquéreurs l’habitent toujours.

Malheureusement, il ne subsiste pratiquement rien de la décoration de l’époque. Seulement un arc en plein-cintre qui comporte une date « 1635 », probablement inscrite lors d’un remaniement. La clef de voûte comportait un blason aux armes des Sionnaz mais il fut martelé lors de la Révolution. Par endroits, il reste des pans de plafond à la française avec des solives moulurées. C’est tout ce qu’il demeure de la décoration.

Cependant, pour les Compagnons du bâtiment, deux constructions présentent quelque intérêt : la charpente et l’escalier.

La charpente semble être un curieux mélange de charpentes latine et germanique. On y voit des poteaux qui soutiennent des arêtiers en reportant la charge de ceux-ci sur une sorte de sommier posé là à 45° sur deux murs pour la recevoir, faute d’avoir un mur au-dessous. L’ensemble est en chêne. Cependant, vu son bon état et comparativement à l’âge de la construction, il se peut que cette charpente soit plus récente que la construction du château. Evidemment, ce que je dis là est un peu jugement de béotien et je vois déjà quelques-uns de mes amis bois debout froncer les sourcils et dire « De quoi se mêle-t-il ce pot à colle Savoyard, est-il compétent pour en juger ? »

Habituellement, les escaliers de château sont en pierre. Eh bien ! là, surprise. Il est en bois. Probablement que la noblesse savoyarde, en ces temps de misère, n’avait pas les moyens de se payer un escalier en pierre. Celui dont il est question est réduit à sa plus simple expression. C’est une vis de Saint-Gilles, logée dans un avant-corps situé à l’angle du point de rencontre des deux corps de bâtiment et au droit de la porte d’entrée. Il est composé d’un

poteau central en chêne de section circulaire et d’un diamètre d’un pied (0,33 ml). Seules les trois premières marches sont en molasse. Les marches en bois sont sans contremarches, elles ont 3 pouces ½ , soit environ 65 mm d’épaisseur et sont passablement usagées. Elles sont assemblées par entailles dans le poteau central et engravées dans les murs de la cage d’escalier. Par endroits, et au pourtour de la cage d’escalier, un fer rond d’environ un pouce, posé sur des écuyers, sert de main courante. Diffi cile de faire plus simple et, surtout, plus économique.

Le château a été mutilé au moment de la Révolution et vendu à deux familles qui, comme je l’ai dit précédemment, se partagent son habitation en deux logements. Et j’ai eu la surprise, lors de ma visite du château, d’apprendre que l’un des propriétaires est le père d’un Compagnon Carrossier du Devoir et que ce dernier, le Compagnon Nicollin, est responsable de l’atelier de carrosserie du Compagnon Trouillet avec qui j’ai fait mon Tour de France ! Par ailleurs, j’ai bien connu le grand-père du Compagnon Nicollin. Dans mon enfance, il passait toutes les semaines dans les fermes pour vendre de la tomme, du gruyère et du Saint-Marcellin ! Décidément, le monde est petit.

La terre de Savoie n’est pas un pays de châteaux où les Compagnons des temps anciens laissèrent des traces de leur savoir-faire. Pratiquement, tous les châteaux de l’époque médiévale ont disparu, seuls quelques arases de murs et des moignons de donjons subsistent encore çà et là sur quelques tertres envahis par la forêt et la broussaille. Il ne reste guère que le château des ducs de Nemours à Annecy – propriété de la ville, il a été transformé en musée – et, à côté de Th onon-les-Bains, le château de Ripaille du duc Amédée VIII de Savoie, devenu pape sous le nom de Félix V en 1439, une époque troublée de l’église. Ce château est maintenant la propriété d’une riche famille d’industriels alsaciens qui l’ont fait restaurer et ouvert à la visite. Il sert à des manifestations

culturelles. Un autre château, le château de Clermont, bâti par le cardinal Regard, prince de l’Eglise à Rome à l’époque de la Renaissance, sert également aux manifestations culturelles du département. Enfi n, le château de Menthon où naquit saint Bernard est toujours dans la famille. Quant au château de Th orens où naquit saint François de Sales, il a été ravagé et détruit par les troupes du maréchal de Châtillon en 1630 et seule une chapelle construite à l’endroit de la chambre du Saint-évêque subsiste mais est pratiquement à l’abandon.

Néanmoins, la famille Roussy de Sales a souhaité reconstruire un château sur cette terre. Il est situé à quelques mètres en contrebas du précédent et contient des souvenirs de François de Sales. Il fut au XIXe siècle la villégiature de Camille Benso, comte de Cavour, ministre du roi de Piémont-Sardaigne Victor Emmanuel II. Cavour y travailla au texte établissant le traité de Turin qui devait être signé le 24 mars 1860 et consacrait le rattachement de la Savoie à la France. Apparenté par sa grand-mère à la famille de Sales, il était en ce lieu un peu chez lui et y a laissé quelques mobiliers et œuvres d’art. Aujourd’hui, ce château est toujours la propriété de la famille Roussy de Sales et se visite en saison d’été.

Jean DuretJean le SavoyardCompagnon Menuisier du Devoir

Revenons au château. C’est une sévère bâtisse construite aux environs des XIIe et XIIIe siècles. On ne sait rien de précis sur la date de la construction.

Château de Thorens - Tour ronde du XIIIe siècle. Crédit photo : Société d’histoire du pays de Filière.

Château de Boisy - Escalier Château de Boisy - Charpente