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Le Messager de Saint-Antoine DÉCEMBRE 2013 3 ientôt, si ce n’est déjà fait, on définira notre société québécoise comme une société laïque. Les fêtes catholiques ne seront plus une référen- ce pour l’ensemble de notre société. Toutefois, même si l’on a oublié l’origine et le sens de ces fêtes, on tient quand même aux congés qui leur sont rattachés. Ainsi, plusieurs catholiques ne fêtent plus Noël, mais tiennent au « congé des fêtes ». Quelles fêtes? Alors qu’au Québec, nous vivions dans un certain calme social en cohabitant pacifiquement avec d’autres cultures et d’autres religions, ce projet de Charte des valeurs québécoises proposé par notre gouvernement a eu pour conséquence de semer la discorde et de soulever des passions qui font naître des divisions. Tout l’automne, nous avons été témoins de plusieurs manifestations discor- dantes et parfois violentes. Depuis toujours les chrétiens ont cherché à définir leur manière d’être et de vivre en société. Et la situation actuel- le nous pose de nouveau cette question : comment vivre dans une société dont la majorité des citoyens ne partage pas notre foi chrétienne? Ces signes extérieurs, ostentatoires ou non, manifestent-ils que nous sommes catholiques? Quelle est notre réaction face aux accusations et préjugés envers notre Église et surtout envers le Christ que nous aimons? Comment intervenir face à cette tendance de fausser l’interprétation de notre histoire culturelle, religieuse et sociale? Que faire devant cette ignorance qui se généralise? Je comprends qu’il soit difficile pour bien des gens de reconnaître que notre Dieu se soit incarné dans le monde. Il n’est pas donné à tous de croire que Jésus soit Fils de Dieu venu nous manifester le vrai visage du Dieu Père de tendresse et de miséricorde. Pourtant, l’évangéliste Jean affirme : « Celui qui croit que Jésus est Fils de Dieu obtient la vie éternelle ». (Jn 3,36) Il appartient à chacun et chacune de faire ses choix. Dès les premières heures du christianisme, la question du vivre évangéliquement avec différentes cultures et reli- gions a été posée. Un écrit de la fin du deuxième siècle, la Lettre à Diognète, témoigne de la présence pacifique des chrétiens dans le monde. En voici quelques extraits : Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte par l’imagination ou les rêveries d’esprits inquiets; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine d’origine humaine. Ils se conforment aux usages locaux pour les vête- ments, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre… Ils s’ac- quittent de tous leurs devoirs de citoyen… Ils aiment tout le monde… ils font le bien… Ce que nous vivons socialement et en Église ne serait-il pas l’occasion de retrouver l’essentiel de notre foi? En ce sens, la parole de l’apôtre Paul stimule notre espérance : « Rien ne pourra nous séparer de l’Amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus, notre Seigneur. » Joyeux et saint Noël d’espérance. Billet d’ambiance Frère France Salesse, capucin [email protected] B

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Le Messager de Saint-Antoine DÉCEMBRE 20133

ientôt, si ce n’est déjà fait, on définira notre société québécoise comme une société laïque.Les fêtes catholiques ne seront plus une référen-

ce pour l’ensemble de notre société. Toutefois, même si l’ona oublié l’origine et le sens de ces fêtes, on tient quandmême aux congés qui leur sont rattachés. Ainsi, plusieurs catholiques ne fêtent plus Noël, mais tiennent au« congé des fêtes ». Quelles fêtes?

Alors qu’au Québec, nous vivions dans un certain calmesocial en cohabitant pacifiquement avec d’autres cultureset d’autres religions, ce projet de Charte des valeursquébécoises proposé par notre gouvernement a eu pourconséquence de semer la discorde et de soulever des passions qui font naître des divisions. Tout l’automne, nousavons été témoins de plusieurs manifestations discor-dantes et parfois violentes.

Depuis toujours les chrétiens ont cherché à définir leurmanière d’être et de vivre en société. Et la situation actuel-le nous pose de nouveau cette question : comment vivredans une société dont la majorité des citoyens ne partage pas notre foi chrétienne?

Ces signes extérieurs, ostentatoires ou non, manifestent-ils que nous sommes catholiques? Quelleest notre réaction face aux accusations et préjugésenvers notre Église et surtout envers le Christ que nousaimons? Comment intervenir face à cette tendance defausser l’interprétation de notre histoire culturelle, religieuse et sociale? Que faire devant cette ignorancequi se généralise?

Je comprends qu’il soit difficile pour bien des gens dereconnaître que notre Dieu se soit incarné dans le monde.Il n’est pas donné à tous de croire que Jésus soit Fils deDieu venu nous manifester le vrai visage du Dieu Pèrede tendresse et de miséricorde. Pourtant, l’évangélisteJean affirme : « Celui qui croit que Jésus est Fils de Dieu

obtient la vie éternelle ». (Jn 3,36) Il appartient à chacun etchacune de faire ses choix.

Dès les premières heures du christianisme, la question duvivre évangéliquement avec différentes cultures et reli-gions a été posée. Un écrit de la fin du deuxième siècle, laLettre à Diognète, témoigne de la présence pacifique deschrétiens dans le monde. En voici quelques extraits :

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes nipar le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leursoient propres, ils n’emploient pas quelque dialecteextraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte parl’imagination ou les rêveries d’esprits inquiets; ilsne se font pas, comme tant d’autres, les championsd’une doctrine d’origine humaine.

Ils se conforment aux usages locaux pour les vête-ments, la nourriture et le reste de l’existence, tout enmanifestant les lois extraordinaires et vraimentparadoxales de leur manière de vivre… Ils s’ac-quittent de tous leurs devoirs de citoyen…

Ils aiment tout le monde… ils font le bien…

Ce que nous vivons socialement et en Église ne serait-il pasl’occasion de retrouver l’essentiel de notre foi? En ce sens,la parole de l’apôtre Paul stimule notre espérance : « Rien ne pourra nous séparer del’Amour de Dieu manifesté dans leChrist Jésus, notre Seigneur. »

Joyeux et saint Noël d’espérance.

Billet d’ambiance

Frère France Salesse, [email protected]

B

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Le Messager de Saint-AntoineDÉCEMBRE 2013 4

Cette année, l’Avent commence le 1er décembre. Onsait que cette période en est une de joie, d’intériorité,d’attente et de préparations fébriles à la fête de Noël.Je ne crois pas exagérer si je dis qu’en ce temps del’Avent, l’Église vit ces mêmes sentiments et cesmêmes émotions que la Vierge Marie enceinte pouvaitressentir. Et bien sûr, il en est de même pour toutes lesmamans qui attendent un enfant. D’autant plus quel’enfant que l’Église attend, celui qu’elle veut présenterau monde, est ce « Prince de la Paix », espéré etannoncé par les prophètes, le Christ Jésus.

Puisque l’Avent est un moment fort d’intériorité, j’au-rais une suggestion à faire : Celle de réciter mille AveMaria, non pas le jour même du 24 décembre, maispendant tout le temps de l’Avent. Et pourquoi pas?Dans cette période de l’Avent, il y a quatre dimanches,et vingt jours de semaine. Donc, ce que nous pour-rions faire, ce serait de réciter un chapelet par jourpendant vingt jours, ce qui donne mille Ave Maria.

Rappelons-nous que cette prière simple et acces-sible à tous, celle du « Je vous salue Marie » est inspirée de l’évangile de saint Luc. Elle reprend deuxsalutations adressées à Marie. D’abord, celle de

l’Ange Gabriel qui venait du ciel lui annoncer qu’elleportera le Fils de Dieu : « Réjouis-toi comblée degrâce, le Seigneur est avec toi », puis, l’autre saluta-tion, celle d’Élisabeth elle-même enceinte, quiaccueille Marie venue lui rendre visite afin de l’aiderjusqu’à ce qu’elle mette au monde son fils Jean-Baptiste. Et Élisabeth s’écria d’une voix forte en voyantMarie : « Bénie es-tu entre les femmes, et béni lefruit de ton sein! Et comment m’est-il donné quevienne à moi la Mère de mon Seigneur?

En ce temps d’Avent, reprenons l’invitation de l’abbéElzéar DeLamarre : « Dites et redites : Je vous salueMarie. L’Amour n’a qu’un mot et en le disant tou-jours il ne se répète jamais. »

Que la Mère du bel Amour nousaccompagne en cet Avent!

Frère Michel Gagné, recteur

Message du Père recteur

Quand j’étais enfant, je me souviens que ma grand-mère maternel-le m’avait dit que la journée du 24 décembre, dernière journée del’Avent, il lui arrivait, quand elle était jeune fille, de réciter mille

Ave, des « Je vous salue Marie ». C’était, parait-il, une tradition. Je n’aipas vérifié d’où venait cette pratique. Mais ce dont je me souviens, c’estque dans ma tête d’enfant, j’étais très impressionné. Imaginez! 1000 Ave,c'est-à-dire 20 chapelets dans une seule journée. Et cela, pour préparerson cœur à la fête du lendemain, fête de Noël!

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Le Messager de Saint-AntoineDÉCEMBRE 2013

Depuis Noël 2012, unchant, ritournelle têtue,atteint ma conscience.

Il joue sans permission, sorte demélodie en boucle. Même en pleincœur d’été, il s’est imposé. Une ren-gaine? Non, un appel urgent! « Quelest l’Enfant qui est né ce soir? »Pourquoi ce chant s’est-il incrusté enmoi jusqu’à ce Noël 2013?

Est-ce pour l’avoir entendu chanter,au début de décembre 2012, par ungroupe d’étudiants(es) en médecinede l’Université Laval dans une rési-dence de retraités(es) où ma sœur etmoi accompagnions notre frère?C’était, pour vrai, un émouvant clind’œil du Bon Dieu. J’ai admiré cesjeunes hommes et femmes venusallumer le cœur de personnesclouées à leur fauteuil roulant,accompagnées de généreux bé né -voles. Je pense que ces jeunes n’au-raient pas mis plus de soin à se produire dans un grand théâtre!J’aimerais me faire soigner un jourpar un ou une de ces jeunes!

Peu de temps après ce moment béni,nous avons vu à l’écran le massacrepurement gratuit d’enfants inno-cents. Pendant plusieurs jours, cesscènes nous ont chamboulés, fati-

gués. Même ce « grand enfant »,sûrement blessé profondément, quia supprimé les petits avant de sesupprimer lui-même! C’était commela fin abrupte de plusieurs mondes!Chaque enfant n’est-il pas un peupleen devenir, la fine fleur de notreespérance?

Quel enfant naît encore aujourd’hui« inconnu des gens de la terre »,mais « tout joyeux comme un feudans le noir ? » Je réalise que je mesuis posé cette question presquechaque jour de l’année, tant d’en-fants innocents, petits et grandsmeurent! Quel est l’enfant né aujour-d’hui « pour changer la nuit » dequelqu’un ou de quelqu’une « enlumière ? » Quel est l’enfant néaujourd’hui « que des pauvres veulent bien recevoir ? » Quel enfantnaît, aujourd’hui qui mendiera long-temps, de nos soins, de notre ten-dresse, de nos amours? Quel enfantnaît aujourd’hui pour être, demain,père ou mère de nos descendants,porteur, porteuse de nos enjeuxsociaux et politiques, de nos par-cours artistiques et spirituels…? Cetenfant qui naît à chaque instantn’est-il pas « notre » avenir à tous, àtoutes…

Heureux les hommes, les femmesqui croient en tout enfant qui naîtsans attendre de voir ce qu’il devien-dra! Heureuses les personnes,veilleuses fidèles, qui, comme lesbergers de la nuit de Noël, quittentleurs occupations pour aller vers cequi demande à naître tout près!Heureux les cœurs, heureuses lesmaisons qui ont une « chambre deréserve », un couvert de plus pourcelui qui naît encore, petit, démuni!

Quel est cet enfant, encore inconnu,qui, en chaque personne, demande ànaître en ce Noël 2013 pour changerla nuit de son entourage en lumière?Celui qui est né en pleine nuit destemps est toujours « Lumière dumonde ». Puisque son huile ne faitpas défaut, selon sa promesse, qu’ilmouche et remonte la mèche de noscœurs et nous serons, en lui, deslampes aux fenêtres de nos maisons!Sérieux Noël! Bonne année 2014!Paix et Joie aux fidèles lec-teurs et lectricesdu Messager.

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Sœur Rita Gagné, ursuline

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DÉCEMBRE 201325

Assis sur un tronc d'arbre dans le bois enoctobre, j'écoute les sons ambiants. Quelquesécureuils courent ici et là et des oiseaux cher-

chent leur nourriture dans les arbres avoisinants. Je tendsl'oreille au loin afin d'entendre ce qui pourrait faire bondirmon cœur. Je cherche une voix qui répondrait à monattente et à l'espoir de chasseur que je porte. Et mon esprits'envole dans le temps…

Mon esprit s'envole pour se retrouver dans les collines deJudée, près de Bethléem, il y a environ 2000 ans.Bethléem, une petite bourgade grouillante d'activités àcause d'un recensement de toute la terre ordonné parl'empereur romain.

Un tel brouhaha que les bergers, assis près du feu dans leschamps, entendent probablement. Ces hommes, ces « petits » du peuple juif, attendent comme tous leurs com-patriotes, la réalisation des promesses de Dieu. Promessede joie, de bonheur, de liberté et de paix. Pour toujours.

Et c'est dans la nuit que leur parvient la nouvelle de cetteréalisation. Cela quand des anges leur apparaissent pourleur annoncer une grande joie : « Aujourd'hui vous estné un Sauveur. »

Ils ont cru à cette annonce et sont allés voir ce que leSeigneur [nous] a fait connaître. Et ils ont découvert unpetit enfant qui au fil des ans s'est révélé le Fils de Dieu,le Sauveur promis. Les anges leur avaient annoncél'Incarnation du Fils de Dieu. Ils ont cru et sont partis à sarecherche.

Je reviens à moi, au son des pics bois qui semblent serépondent d'un arbre à l'autre. Et je me dis qu'aujourd'huiencore nous pouvons entendre des « anges » nous annon-cer la naissance du Fils de Dieu. Dans le brouhaha du quo-

tidien, nous devonsdécouvrir la ou les voixqui peuvent nous guider versdes lieux où Dieu se laissedécouvrir dans notre monde.Cela bien entendu en portant attention aux voix qui peu-vent sembler être celles que je cherche du plus profond demon cœur. Comme le vent dans la forêt qui fait craquerquelques branches d'arbres.

Cela attire l'attention, mais n'est pas la vraie chose nimême le véritable écho de la voix recherchée. Ce n'estqu'une illusion, un bruit qui peut séduire un temps etm'entrainer loin du véritable objet de la recherche. C'estsouvent le cas des « faux messies », des promesses qui nese réalisent jamais telles des chartes et lois qui dévient deleurs intentions premières. Peut-être aussi suis-je devenucraintif ou sarcastique en entendant les voix qui disentfaux?

C'est pour cela que nous devons nous demander, quelest le message que je perçois dans ce que j'entendsautour de moi? Est-ce un ange qui parle d'une pro-messe qui se réalise? Suis-je prêt à me mettre enmarche pour voir ce que le Seigneur a fait connaitre?

Plus encore, chers amis, est-ce que je suis moi-mêmepar ma vie, en acte et en paroles, unange qui annonce, qui offre Dieu àson entourage?

Que la Paix de Noël vous habite tout au long de l'année nouvelle!

Frère Sylvain Richer, capucin

Le Messager de Saint-Antoine