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DÉPARTEMENT D'HISTOIRE ET DE SCIENCES PûLmQUE Faculté des lettres et sciences humaines Université de Sherbrooke LE TRAVNL R~MUNÉRÉ DES ENFANTS A SHERBROOKE EN 1901 : UN ASPECT IMPORTANT DE L'ÉCONOMIE FAMILIALE Par JULIEN BRÉARD r- \TT3 Bachelier ès lettres (histoire) de I'üniversité de Montréal MEMOIRE PRÉSEIUTÉ pour obtenir LA MA~TRISE ÈS ARTS (HISTOIRE) Sherbrooke Mars 2000

JULIEN BRÉARD r-nlc-bnc.ca/obj/s4/f2/dsk2/ftp01/MQ61720.pdfJ'ai plusieurs personnes à remercier pour ce travail; je ne sais pas vraiment par qui commencer, parce que tous ont conmbuk

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DÉPARTEMENT D'HISTOIRE ET DE SCIENCES PûLmQUE

Faculté des lettres et sciences humaines

Université de Sherbrooke

LE TRAVNL R~MUNÉRÉ DES ENFANTS A SHERBROOKE EN 1901 :

UN ASPECT IMPORTANT DE L'ÉCONOMIE FAMILIALE

Par

JULIEN BRÉARD

r- \TT3 Bachelier ès lettres (histoire)

de I'üniversité de Montréal

MEMOIRE PRÉSEIUTÉ

pour obtenir

LA MA~TRISE ÈS ARTS (HISTOIRE)

Sherbrooke

Mars 2000

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A l'instar du reste du Québec, la ville de Sherbrooke connaît, au tournant du 20e

siècle, une période de prospérité économique. Les manufactures fonctionnent a plein

régime, le secteur de la construction se porte bien, bref le travail ne manque pas.

Toutefois, ce plein emploi ne signifie pas une éradication complète de la pauvreté. Dans

un des quartiers ouvriers de la ville, le quartier sud, c'est plus du quart des familles qui

ne peuvent subvenir à leun besoins essentiels ayant comme seul revenu, celui de leur

chef.

Pour parvenir à survivre quotidiennement, les rnem bres d'une mBme famille se

doivent de s'organiser. Plusieurs stratégies financières sont mises de l'avant : s'occuper

d'un jardin, élever des animaux, prendre des pensionnaires, faire travailler l'épouse,

etc. Le travail des enfants, jeunes et moins jeunes, en est une autre. Dans bien des

cas, ces derniers sont retirés relativement tôt de l'école, panois à 12 ans, pour aller

gagner quelques sous. C'est une situation que l'on retrouve principalement dans les

familles où le chef a une occupation de travailleur semi-spécialisé ou de non spécialisé.

Elle touche autant les garçons que les filles.

Ces enfants travaillent principalement dans le secteur des textiles, une industrie

très répandue dans la ville. Toutefois, après l'âge de 15 ans, les garçons ont la

possibilité de faire un métier tel que machiniste, charpentier ou mouleur, tandis que les

filles sont confinées, lorsqu'elles ne se marient pas, au secteur du textile avec des

emplois de tisseuse ou de modiste. Ceci ayant pour effet que les garçons ont des

salaires beaucoup plus elevés que ceux des filles. Par conséquent, la contribution

financière de ces dernières à l'économie familiale est beaucoup moindre.

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L'apport monetaire des enfants au revenu total de la famille peut parfois faire

toute la diffërence entre une pauvreté relative et la misère. Grâce aux salaires de leurs

enfants, plusieurs familles du quartier sud de Sherbrooke réussissent a élever leur

revenu total à un niveau plus acceptable. Dans certains cas, des familles réussissent

même à « s'enrichir n grâce au travail juvénile.

Cette étude s'insère dans la production historiographique qui démontre que les

familles ouvrières de l'époque ne se wntentent pas de subir impassibles les contraintes

socio-économiques causées par I'industnalisation et l'urbanisation mais que, au

contraire, elles réagissent devant ces difficultés de façon à s'en sortir le mieux possible.

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J'ai plusieurs personnes à remercier pour ce travail; je ne sais pas vraiment par qui commencer,

parce que tous ont conmbuk à leur façon à m'encourager. Tout d'abord, un énorme <Merci» à mes

parents, pour leur soutien financier, mais surtout pour leur soutien moral et leur patience à mon égard.

Ce sont eux qui m'ont appris à être persév6rante et qui, malgr6 tout, m'ont toujours fait confiance. J'ai

pris beaucoup de temps pour finalement finir, mais j'y suis arrivée! Ensuite, <Merci» à Jean-François

d'être à mes côtés et de m'avoir remonté le moral quand il le fallait. <Merci» aussi à ma «ganp de fous

du restaurant où je aavaiile, surtout à Andrk-Jean, Lucie, Annabelle et Isabelle. Merci à Pierre, pour

m'avoir aidée au niveau de l'informatique, domaine plutôt chinois pour moi et à: Jean-Marc, pour

l'imprimerie,

À M. Southam, mon directeur, je dois égaiement dire un énorme cMerci» pour m'avoir dirigée,

malgr6 tout le temps que j'ai mis à rédiger ma thèse et le peu de temps que je vous laissais pour me lue.

Vos conseils et vos suggestions ont de beaucoup e ~ c h i mon texte. Par quelques mots, vous trouviez la

façon de rendre le texte plus compr6bensible. M. Laperrière, je vous remercie d'avoir bien voulu êire

mon lecteur et des conseils que vous m'avez apportés. Je dois aussi mentionner la gentillesse des

personnes que j'ai appelées ou rencontrées pour Ieur poser des questions sur leurs souvenirs de l'OTJ,

dors <dderci» à Desève Cormier, à Antonio Pinard, LI Ivan BeauLieu et B M e r Fortin.

Je remercie également les personnes ressources dans les diffdrents centres d'Archives, dont

Manon, du Service juridique de la Viile, le personnel des Archives de la Société d'histoire et celui des

Archives de I'Archevêchk. Aussi, <Merci» au personnel de la bibliothèque de l'Université de

Sherbrooke, qui rdpond à mes questions depuis le début du baccalauréat.

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................................................................. TABLE DES TABLEAUX. .vi

............................................ INTRODUCTION .................... ... .-..*........* -1

Présentation du sujet ............................................................................................... 1 .................................................................................................... Historiographie.. -3

......................................................................................... Problématique.. ........ ... .8 ........................................................... Sources .......... .... ...... ......... .... .9

.................................................................................................... Méthodologie.. -1 O

CHAPITRE 1

1.1 <<Le Parks and

LA PROMOTION D'AcTIVITÉS RÉC&ATIVES

POUR LES JEUNES ....................................................... -13

Playgrounds Movernenb aux États-unis et au Canada anglais, 1 880- 1930~. .................................................................................. .13

......... ............................. 1.2 Les activités des jeunes en général ... 1 7

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. 1.2.1 soutisme ........................ .... ........................................................... 17 1.2.2 J.E.C ................................................................................................ 19 1.2.3 colonies de vacances ....................................................................... 20 1 .2.4 oeuvres de loisir à Montréal .......................................................... - 2 1

..................................... 1 -3 La fondation de la première OTJ à Québec. 1929 23

1 -4 L'organisation de 1' OTJ ............................................................................ -24

1.4.1 plan local .......................................................................................... 25 1 .4.2 plan diocésain .......... .... ...... .. .......................................................... 26 1.4.3 plan provincial .................................................................................. 27

CHAPITRE II LES ORIGINES DE L'OTJ À SHERBROOKE. LE

CONTRÔLE ADMINISTRATIF. LES FINANCES ... 30

........... ...... 2.1 Les parcs et les loisirs pour jeunes à Sherbrooke avant I'OTJ ,. 31

2.2 Les origines de 1'OTJ à Sherbrooke et le partage des responsabilités avec . * ............................................................................. les services mumcipaux -33

. . . . ....................................................................... 2.2.1 premières inltiatwes -34 ...................................... 2.2.2 rôle des autorités municipales ........... ,.. 36

2.3 L'organisation de 1'OTJ : rôle des principaux acteurs ............................... 38

2.3.1 direction de I'OTJ et des colonies de vacances de Sherbrooke ........ 39 A . .......... ...........................................*.........*........ 2.3.2 aumonters .. -42

2.3.3 moniteurs ....................... ... ............................................................ -43 2.3.4 parents ............... ... ...... ... ............................................................ 44

2.4 Le financement ........................................................................................... 46

. . 2.4.1 octrois municipaux ........................................................................... 46 ............................................ .......... ................. 2.4.2 levées de fonds .. ........ 48 . . 2.4.3 contributions parentales .................................................................. S O

2.4.4 dons divers ...................................................................................... -50

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* CHAPITRE III LES ACTIVITES ............................................................. 54

. . . 3.1 Le lieu et le temps des activites ................................................................. 54

3.1.1 un ou plusieurs parcs? .................................................................... -54 3.1.2 des activités dans chaque paroisse? ............. .. .............................. 58

.............................. ............. 3.1.3 tous les jours? .................................. ., .. 59 3.1.4 durant quels mois? .... ,. .......................... ... ....................................... -60

3.2 La fréquentation de 1' OTJ .......................................................................... 61

3.2.1 âge des jeunes ................ .... ......................................................... 62 3.2.2 sexe des jeunes .......................................... -3 3 .2.3 taux de fréquentation ... ................................................................... 64

. . 3.3 Les activit6s ......... .. ................................................................................... 69

3.3.1 journée typique ........... .. .................................................................. 70 3 .3.2 thèmes hebdomadaires .................................................................... -72 3.3.3 activités d'ouverture et de clôture ............ ... ................................ 74 3.3.4 ligues de baseball ............................................................................ -77

............................................................................... 3.3.5 ligues de hockey 79 . . . 3.3.6 activltes offertes à l'année ........................................... .. ................... 80

CHAPITRE IV LA ~ÉCULARISATION DES LOISIRS ....................... 85

4.1 Le déclin du contrôle clérical ..................................................................... 85

............................................. 4.1.1 manque d'autonomie financière? ...... .. 86 .......................................................................... 4.1.2 désintérêt des gens? 87

.................................. 4.1.3 étatisation et personnel clérical vieillissant? A 8

. . L'Eglise. 1'Etat et la municipalisation ........................................................ 91

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4.2.1 contrôle des loisirs par le gouvernement et les municipalités ........ -92 4.2.2 projet de compromis entre la confessionnalit6 et le

A . . ........................................................................... controle municipal -95 ...................... ..................................... 4.2.3 conflit Église.État .... -96

.......................................................... 4.3 Les suites de l70TJ ..................... .. -98

................ .......... 4.3.1 170TJ est-elle disparue? ....,..... ..... -98 ............................ 4.3.2 qu'arrive-t-il des loisirs estivaux des jeunes? .... 101

4.3.3 quels sont les loisirs d'été aujourd'hui? ......................................... 102

......................................................................................................... CONCLUSION 107

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 1 4

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TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 Population de Sherbrooke par dkennie : 1 93 1 . 196 2 .................................. 31

.............................. Tableau 2 Octrois de la ville de Sherbrooke à I'OTJ : 1944-1950 47

Tableau 3 Montants alloués aux différents parcs dans le budget de la Ville : 1946 ...... 57

Tableau 4 Fréquentation de 1'OTJ sherbrookoise : 1945- 1952 .................................... 65

Tableau 5 Nombre d'élèves inscrits à l'école primaire. Sherbrooke : 1945- 1953... .. ..66

Tableau 6 Fréquentation de 1'OTJ au parc Jacques-Cartier : 1959-1 96 1 ..................... 68

........................................................ Tableau 7 Sections de la ligue de baseball : 1958 78

Tableau 8 Présences aux activités du &entre de 1'OTJ» : 1960- 196 1 ........................ 82

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INTRODUCTION

Les loisirs sont une réalité présente et incrustée dans le quotidien de chacun de nous.

Pour cet homme, les loisirs correspondent à une partie de tennis ou de hockey; pour tel autre,

ce sera prendre une bière en jouant au biiiarà avec ses amis; pour son voisin, la lecture

d'ouvrages de science-fiction et l'écoute de films du même genre apportent satisfaction dans

ses temps libres. Tous, nous consacrons du temps aux loisirs, si différents soient-ils d'une

personne à une autre et d'un groupe d'âge à un autre. Les loisirs semblent essentiels pour

nous sortir du train-train quotidien.

Le but des loisirs n'a pas toujours été la simple détente. Avant la Révolution

tranquille au Québec, sous le contrôle clérical et des élites locales, le loisir était surtout

éducatif et se devait d'offrir un encadrement asécurisant~ pour que les gens ne s'adonnent pas

aux «mauvais» loisirs. ~ ' É ~ l i s e catholique favorisait les loisirs, mais elle souhaitait que

ceux-ci soient en bout de ligne éducatifs et à l'abri de toute mauvaise influence.

~ ' É ~ l i s e pouvait compter sur l'école durant l'année scolaire pour inculquer les

doctrines chrétiennes aux jeunes enfants et aux adolescents. Puisqu'il n'y avait pas d'école

durant l'été, il fallait créer une forme de loisir offrant un cadre sain, du point de vue moral,

pour les jeunes. Les membres du clergé et la population en général n'aimaient pas que les

enfants traînent dans les mes. C'est donc en 1929 que la première Oeuvre des Terrains de

Jeux (OTJ) vit le jour, au parc Victoria, à Québec, sous l'égide de l'abbé Arthur Ferland. À

Sherbrooke, c'est la même année que les citoyens sherbrookois organisent des loisirs estivaux

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pour leurs jeunes, considérés comme les prémices de I'OTJ, bien que ce ne soit que q~elques

années plus tard que l'organisation de l'Oeuvre des Terrains de Jeux s'implantera

Selon le sociologue Michel Bellefleur, l'Oeuvre des Terrains de Jeux aurait été créée

afin d'encadrer et d'occuper les enfants durant i7été. Elle a été conçue <<essentieiiemenr

comme [oeuvre cléricale] d'encadrement mord et religieux d'une part, comme type d'oeuvre

d'éducation catholique complémentaire à l'école d'autre part .» De plus, <<son assise

première était la paroisse comme unité d'appartenance à la collectivité chrétienne et ceci ne

sera pas remis en cause jusqu'à la Révolution tranquille.»'

L'Église soutient que i'OTJ est un lieu de loisir estival essentiel et prie les parents d'y

envoyer leurs enfants, pour les garder dans le droit chemin. Selon elle, <an seul but [I']

anime: faire plus de bien aux enfants en augmentant le rendement de 1'0euvre>>; l'Église

veut amener ceux-ci à se confier à elle et à se soumettre à la tutelle cléricale- Par exemple,

nous lisons dans le Rapport sur l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances

de 1943 que M. l'abbé Alexandre Letendre, «en plus de dire son mot au ralliement de l'après-

midi, causait avec un petit groupe ou bien encore écoutait les confidences d'un enfant qui

vidait son âme dans la sienne»3. Les aumôniers de section, dans ce même rapport de 1943,

suggèrent de contrôler les jeunes Sherbrookois, en les forçant, en quelque sorte, à se présenter

à 1'OTJ: «Si l'on songe que le nombre de garçons inscrits aux écoles est de 2,221 et que la

-- --- - --

I M. BELLEFLEUR, église et le loisir au Québec avant la Révolution nuquille, Québec, Presses de l'université du Québec, 1986, p. 56. 2 ~ r ~ h i v e s de l'Archevêché de Sherbrooke (AAS), Rapport sur l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, feuilie d'introduction au rapport. 31&iii., p. 1 1.

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plus forte assistance au Parc Jacques-Cartier fut de 642, on voit tout de suite qu'il y aurait un

contrôle à exercer%

Les ecclésiastiques sensibilisent les parents à ne pas laisser leurs enfants traîner dans

ies rues- Ainsi, on écrit cians le Messager de Saint-Michei, en 1936:

Le temps des vacances est une charge pour les parents. Comment donner à leurs enfants une récréation saine et honnête, comment occuper les enfants durant dix longues semaines? Aussi, pour les enfants quel problème de passer ces jours de congé dans les rues ou dans les cours.'

L'Église prend à coeur ses oeuvres et ne tarit pas d'éloges quant au bien qu'elles apportent

aux jeunes.

L'histoire de l'Oeuvre des Terrains de Jeux s'inscrit dans deux courants : l'histoire

des loisirs et l'histoire religieuse. Commençons d'abord par l'histoire des loisirs, champ

d'étude en développement au Québec, auquel on s'intéresse depuis une vingtaine d'années,

comme en font foi la création du Département des sciences du loisir et des communications

sociales de l'Université du Québec à Trois-Rivières et la revue Loisir et Société/ Society and

Leisure, traitant de tout ce qui touche aux loisirs.

Aux États-unis, une revue consacrée au loisir, Park and Recreation, nous apprend

que les Américains possèdent, dès 1906, leur association de loisirs pour les jeunes, le

4~bid., p.18. 'LQ Messager & Saint-Michel, 9 aoGt 1936, p. 4.

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PIayground Association of America, devenu en 1926 le NRA (National Recreation

Association), puis finalement le NRPA (National Recreation and Park Association), en

196s6. Une auteure fhiniste, Suzanne M. Spencer-Wood, a démontré que le qlayground

movemenb américain, inspiré d'une innovation européenne, le aand gardens, s'est implanté

à Boston en 1885, grâce à l'initiative des femmes ciu Massachussetts Emergency and h'ygiene

Association. Selon elle, cette innovation a fait grimper le nombre de ccplaygrounds~ et a servi

de modèle pour les terrains de jeux dans les grandes villes américaines7. Dominick Cavallo,

un autre Américain, y va de théories psychologiques et sociologiques dans une étude du q lay

movemenb. Il écrit que dans l'esprit & leurs fondateurs, les terrains de jeux municipaux

supervisés adéquatement <cwould insulate youngsters from pervasive city vices, act as a

deterrent against juvenile crime, and provide adolescents with the supervision and moral

purpose missing from their lives8>>.

Un autre ouvrage américain, de Clarence Rainwater, traite de l'histoire du «play

movemenb mais dans son évolution à travers sept périodes -ou étapes- bien distinctes. Ces

sept stades sont, en ordre chronoIogique, le aand garden~ (1885-1895), le anode1

playgrounb (1 895- lgOO), le asmal1 park» (1900- 1905)' le aecreation center~ (1905-1 9 12),

le a ivic art and welfare~ (1 9 12- 19 ls), le aneighborhood organizationn (1 9 15- 19 18) et le

6 ~ . E. HARTSOE, nThe Birth of NRPAI, Park and Rccreution, Supplemeni for July 1998, p. 17-21. 's- M. SPENCER-WOOD, vTum of the Century Women's Organizations. Urban Design, and the Ongin of the Ameriçan Playground Movemenb, Landscape Journal, Madison, 1994, vol. 13, no 2, p. 130. 'D. C A V W O , Muscles ans Morals. Organized Pkzygrowidr and Urban Reform, 1880-1920, Phiiadelphia, University of Pennsylvania Press, 198 1, p. 17.

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<<community senrice» (depuis 19 18): Cette chronologie est influencée par le fait que l'auteur

a écrit son texte en 1922.

Au Canada, une importante thèse de doctorat de Susan Evelyn MarWiarn étudie le

développement des parcs et des terrains de jeux (<playgrounds>>) dans ies provinces cies

Prairies. Cette auteure s'est intéressée tout particulièrement à deux mouvements qui auraient

contribué à ce développement, soit la réfonne urbaine et la promotion des municipalités

(e iv ic boosterism~). Elle se pose trois questions : qui sont les défenseurs des parcs et des

terrains de jeux, quels règlements ont été adoptés par les municipalités et quelles initiatives

ont été prises pour développer ces parcs et terrains de jeux1'.

En France, les mouvements de jeunesse semblent surtout se limiter au scoutisme, à

1'Associaton catholique de la jeunesse française (A.C.J.F) et à l'Union chrétienne de jeunes

gens (U.C.J.G.) Ceux-ci, ainsi que d'autres mouvements spécialisés tels que la J.O.C., la

J.E.C. et la J.A.c.~ *, ront joué un rôle capital pour les générations du deuxième tiers du siècle

-en gros, les années 1930-1960», ont assuré, entre autres, «la transmission aux jeunes

générations de la foi chrétienne>> et «ont satisfait l'aspiration des adolescents à s'affirmer

différents et autonomes, à inventer un «style» et développer une sociabilité originale.'2>>

9 ~ . E. RANWATER, The Play Movement in the United States. A Srudy of Community Recreation. Chicago, The University of Chicago Press, 1922, p. 45. ''S.E. MARIMAM, The Development of Parks and Pùzygroundr in Sdected C a ~ d i a n Prairie Ciries: 1880- 1930, Alberta, University of Edmonton, 1988, p. 1. "~eunesse ouvrière catholique, Jeunesse étudiante catholique et Jeunesse agricole catholique. "G. CHOLW, B. COMTE ci V. FEROLDI, Jeunesses *rLtiennes au XXe siècle, Paris, Les Éditions Ouvrières, coll. Ég1ises/~ocic?t6s, 1991, p. 157.

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En ce qui concerne le Que'bec, différents auteurs se sont intéressés à l'histoire des

loisirs. Il y a tout d'abord Michel Bellefleur. Dans son essai socio-historique tout récent

(1997)' évolution du loisir au Québec, le lecteur découvre les différents Loisirs queôécois

depuis le début du siècle jusqu'à nos jours. L'auteur cherche à savoir par qui les loisirs

étaient conuôiés et leur but; ii s'y concentre dans une perspective sociale, politique et

économique, Du même auteur, il y a aussi l'article chisir et pouvoir clérical au Québec,

1930-19& (dans Loisir et SociéW Society and Leisure, printemps 1983) et le livre L 'Église

et le loisir au Québec avant la Révolution tranquille (1986), traitant tous deux de l'histoire

des loisirs, mais touchant en quelque sorte à l'histoire religieuse puisque Bellefleur

s'intéresse tout particulièrement au rôle joué par l'Église avant les années 1960, dans le

domaine des loisirs, tels l'OTJ, le scoutisme, la JEC (jeunesse étudiante catholique) et

certaines autres organisations.

L'ouvrage de Pierre Gagnon, Le loisir et la municipalité. L'heure des choix (1996)'

couvre la période post-1960. L'auteur y explique le passage du contrôle clérical à celui de

l'État ainsi que ce qui se passe suite à la municipalisation du loisir. Dans son Loisir et

culture a u Québec (1982), Roger Levasseur démontre les différents pouvoirs (ou cultures)

ayant eu emprise sur le loisir, dont le clergé de 1929 à 1960 et la <<culture professionneIle», de

1960 à 1976. Davantage historiographique, l'article de Gilles Pronovost intituté <<Le

développement de la pensée scientifique en matière de loisir, au Québec : catégories

d'analyses et modèles de société» démontre que la <<pensée scientifique en matière de loisir

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n'est pas le f i t du hasard, mais constitue le résultat des changements sociaux et historiques

connus par le ~uébec. '~»

Sur les loisirs des jeunes en général, il y a un article de Pierre Savard, paru dans les

Cahiers des Dix en 1983, <&'impIantation du scoutisme au Canada français». Cet article

relate comment le scoutisme est apparu au Québec, l'adaptation dont il a fait l'objet pour

passer des d3oys Scouts» anglais aux jeunes scouts canadiens-français. Le scoutisme est

d'ailleurs apparu avant 1'OTJ; il fut moins présent panai les classes populaires mais instauré

sensiblement pour les mêmes raisons : comme «correctif à l'éducation scolaire» et comme

aéponse au moins partielle au manque de structures de loisirs d'été pour les jeunes14>>.

Il est intéressant de constater dans cet article que le scoutisme a été endossé par

l'Église catholique, tout comme l'OTT. Nous devons d'ailleurs accorder à l'Église une

grande place dans notre mémoire, d'où la nécessité de toucher à l'histoire religieuse. Dans ce

domaine, l'ouvrage de Jean Hamelin et de Nicole Gagnon, Histoire du catholicisme au

Québec (1984) est incontournable. On y apprend beaucoup sur le rôle de l'Église dans la

société québécoise pendant la période qui nous intéresse (1 930-1960), l'influence qu'elle

exerçait sur les gens et la dualité Église-État dans certains domaines. Tel que mentionné plus

haut, ~ ' É ~ l i s e et le loisir avant la Révolution tranquille de Michel Bellefleur servira

également dans ce volet de l'histoire des loisin concernant l'influence de l'Église.

1 3 ~ . PRONOVOST, «Le développement de la pensée scientifique en matière de loisir, au Québec : catégories d'analyses et modèles de société», Loisir et Socidté/Society and Leisure, vol. VI, no 1, printemps 1983, p. 121 à 139. I4p. SAVARD, d'implantation du scoutisme au Canada français», Cahiers des Dix, 43,1983, p. 122.

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Notre objectif est d'observer dans quelle mesure l'histoire de l'Oeuvre des Terrains de

Jeux sherbrookoise est- révélatrice de transformations fondamentales de la société locale.

Dans cette perspective, ies questions suivantes paraissent importantes: Tout a' abord, dans ie

cas de Sherbrooke, quelles sont les circonstances entourant la fondation de I'OTJ? Nous

chercherons à savoir qui sont les pionniers, les fondateurs de 1'OTJ sherbrookoise et

comment eue fut mise sur pied.

Est-ce que église occupe une place prédominante, comme le suggère Michel

Bellefleur pour l'ensemble du Québec ou est-ce que le contrôle est partagé avec d'autres

acteurs, tels que la municipalité et les élites séculières? Lorsque nous entendons parler de

l'Église avant la Révolution tranquille, il nous semble que son contrôle s'étendait à toutes les

sphères de la société et qu'elle dirigeait la conduite de tous et chacun. Nous voulons donc

examiner jusqu'à quel point l'Église s'ingérait dans les loisirs sherbrookois et nous tâcherons

de déterminer si elle était le seul agent dans l'organisation de I'OTJ.

Est-ce que les activités organisées par I'OTJ témoignent d'objectifs particuliers au

niveau de la formation morale, civique et religieuse des jeunes? En ce sens, nous

observerons si les activités pratiquées avaient un fort caractère religieux, si le message qui

s'en dégageait se résumait à être un bon chrétien doté des valeurs catholiques des Canadiens

français de l'époque.

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Durant la trentaine d'années d'existence de 170TJ, peut-on observer des changements

d'orientation? Par exemple, relativement à la question précédente, s'il s'avère positif que

l'Église voulait transmettre une formation morale, civique et religieuse aux jeunes, est-ce que

ce fonctionnement perdure jusqu'à la fin de lYOTJ? Nous voulons savoir si I'OTJ des années

i950-i96û est ia même que ceiIe des années i930. En d'autres mots, nous examinerons son

évolution.

Finalement, les circonstances de la municipalisation des activités de loisirs pour les

jeunes, dans les années 1960, témoignent-elles davantage de rupture ou de continuité? Le

mot OTJ demeure dans notre vocabulaire, encore aujourd'hui, or il est certain qu'il est

demeuré présent au moment de la municipalisation. Mais comment se fait-il qu'il est encore

utilisé aujourd'hui pour définir les loisirs municipaux?

SOURCES

Nous utilisons deux types de sources. Le premier type est composé du fonds

d'archives principal, celui de L'Oeuvre des Terrains de Jeux, no 1 . - 0 - 1 , consulté au centre

d'archives de l'Archevêché de Sherbrooke, composé de cinq dossiers et de feuilles non-

classées, à la suite des dossiers. Il s'y trouve des rapports sur les activités de l'OTJ, des

lettres adressées à l'évêque en fonction concernant des invitations, des requêtes, des réunions,

des remerciements pour des dons. Nous avons aussi pu examiner des bulletins sur 1'OTJ

(événements spéciaux, projets, remerciements, ...) et un dépliant demandant l'aide financière

aux gens en expliquant tout le bien que l'Oeuvre apportait à tous.

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Faisant également partie de ce premier groupe, il y a Ie fonds d'archives de la Ville de

Sherbrooke, consulté au Service juridique. Nous y avons surtout trouvé les octrois accordés à

l'Oeuvre des Terrains de Jeux et à différents parcs de Sherbrooke, ainsi que certaines

requêtes adressées à la Commission des Parcs quant à l'achat d'appareils de récréation

(balançoires, glissades,. , . ), à l'établissement de nouveaux parcs et à des travaux de

rénovation.

Le deuxième type de sources se compose d'articles du Messager Saint-Michel et de

La Tnbune, tous deux de Sherbrooke, inventoriés dans le fichier-classeur 29 <bis i rs

Sherbrooke», au service d'archives de la Société d'histoire de Sherbrooke. À cet endroit,

nous avons également eu accès à des cassettes d'entrevues orales avec d'anciens moniteurs

de 1'OTJ et une ancienne otéjiste, réalisées en mai et juin 1985, dans le cadre d'un projet

d'histoire orale sur les loisirs à Sherbrooke, de 1900 à 1950.

Nous incluons aussi le livre de Gérard Dion, L'Oeuvre des Terrains de Jeux de

Que'bec (1943) dans nos sources puisqu'ïl a été écrit dans les années qui nous intéressent et

qu'il disserte de ce qu'est I'OTJ et la manière dont elle fonctionne.

Comment nous y prendrons-nous pour traiter les sources? Le fonds de l'Oeuvre des

Terrains de Jeux est chronologique, donc pas de problème de ce côté. En effet, les cinq

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dossiers contiennent des sources traitant respectivement des années 1929- 1938, 1938- 2 947,

1948-1957, 1953- 1957 et 1958-1963. Les feuiUes non-classées à la fin concernent les années

ultérieures. Aux archives de la Ville de Sherbrooke, nous n'avons trouvé que les octrois

accordés à I'OTJ durant les années 1940-1950 et les quelques chifies que nous avons notés

pa-lent ii'eüx-mêmes. Les casseries &out& à la Sociétk d'hisîoire nous aident à saisir

comment est appame 1'OTJ à Sherbrooke et les activités qui s'y déroulaient. Nous avons

rencontré quelques personnes impliquées dans le mouvement, qui nous ont parlé des

souvenirs qu'ils en gardaient : M. Desève Cormier, qui fut assistant-aumônier en 1949 et

devint le premier directeur-permanent, M. Ivan Beaulieu, moniteur dans les années 1950 et

impliqué par la suite dans l'organisation ainsi que M. Antonio Pinard, responsable de la

municipalisation de I'OTJ en 1962. Nous avons eu un entretien téléphonique avec M. Carrier

Fortin, d'abord secrétaire et ensuite président de l'Oeuvre dans les années 1940 et début

1950, mais ce dernier n'avait pas beaucoup de souvenirs et nous a dirigés vers l'abbé

Connier. Il a cependant pu répondre à quelques questions concernant entre autres les

campagnes de souscription.

En ce qui concerne les articles de journaux, ceux du Messager Saint-Michel étaient

peu nombreux; nous les avons donc tous recueillis. Par contre, ceux de La Tribune

s'élevaient approximativement à 900; nous avons dû limiter notre recherche. Bien qu'il eût

été enrichissant de tous les lire, nous n'avons conservé que ceux concernant des thèmes à

approfondir, des thèmes sur lesquels notre connaissance n'était pas assez complète, par

exemple les campagnes de souscription et mode de financement, les présences, les initiatives

entreprises quant à de nouvelles activités, le sexe des otéjistes et leur âge.

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Nous aurions aussi pu traiter les colonies de vacances, mais nous avons choisi de nous

concentrer seulement sur 1' Oeuvre des Terrains de Jeux. Cependant, précisons ici que

l'Oeuvre s'est appelée pendant un certain temps l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des

Coloïîies de Vacmces, p ü r ensuite devenir 1'Oeirwie des Teïïâins de Jeux eî de6 Loisirs de

Sherbrooke. Nous glisserons toutefois un mot sur les colonies de vacances au premier

chapitre, puisqu'il est important de savoir que c'était un loisir offert à la jeune population

sherbrookoise.

Nous allons donc nous diriger vers le premier chapitre, en espérant que les pages qui

suivent apporteront un nouvel éclairage sur l'histoire encore méconnue de ce loisir.

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CHAPITRE 1

LA PROMOTION D'AcTIVITÉS RÉCRÉATIVES POUR LES JEUNES

Dans un premier temps, il nous faut situer l'Oeuvre des Terrains de Jeux par rapport à

ce qui existe comme 10i3k5 p i r !es jeiiacs à L7ext6rie~ du Q u é k , mais aussi par rapprr à

ce qu'il y a en sol québécois, hormis 170TJ. Pour cette raison, nous diviserons ce chapitre en

quatre points. Nous commencerons par le «Parks and Playground Movements aux États-

Unis, qui a débuté bien avant la fondation de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et par les loisirs

des jeunes au Canada anglais. Ensuite, nous examinerons les activités des jeunes en général,

par le biais du scoutisme, de la J.E.C. (jeunesse étudiante catholique), des colonies de

vacances et des oeuvres de loisirs de Montréal. Troisièmement, nous traiterons de la

fondation de la première Oeuvre des Terrains de Jeux, à Québec. Finalement, nous

dresserons un portrait de I'organisation de 170TJ à l'échelle quékoise.

1.1 Le aParks and PIayground Movemenb aux États-unis et au Canada anglais, lûûû- 1930

Aux États-unis, les Américains s'intéressent aux loisirs des jeunes dès la fin du XIXe

siècle. Plusieurs auteurs affirment que l'intérêt pour ce phénomène provient des «sand

gardens» implantés pour les jeunes enfants, à Boston, en 1885, dirigés par le Massachussetts

Emergency and Hygiene ~ssociation'. Suite à ces asand gardens»,

subsequent adjustments made provision for youths and adults, respectively, while the initial forms of each have been altered by more recent changes, especially in

'C.E. RAINWATER, The Play Muvernent in the United Stares. A Study of Comrnrtnity Recreation, Chicago, The University of Chicago Press, 1922, p. 44. .

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the last decade [donc dans les années lglOf, in both the structure and the concept of the function of the «play rnovemenb2.

Parallèlement aux < a n d gardenw, il y a aussi les civacation schools~, qui sont

apparues à Boston, également en 1885 et qui étaient < d e fmt significant attempt to organize

the leisure time of the urban À New York, la «Outdoor Recreation Leaguen a joué

un rûle essentiel dans le @layground Movemenb en persuadant Ia Ville de devenir

propriétaire des terrains de jeux. Ainsi, entre 19û0 et 1915, la ville de New York y investit

plus de 17 millions de dollars. «With the league's lobbying mission successfully completed

[,..], [it] was disbanded in 1910, leaving the field to the recently organized Playground

Association of Amenca and to the city's Bureau of recreation%

Ainsi, les États-unis bénéficient, dès le début de ce siècle, d'une organisation

nationale consacrée aux loisirs. Il s'agit du Playground Association of Amerka, établi en

1906. «It was created by a small group of citizen activists that was concerned with promoting

healthy play oppominities for children growing up in America's urban environ ment^.^» Le

père du «Playgound Movements est un certain Joseph Lee, de Boston. il fut impliqué dans

les terrains de jeux dès le début, c'est-à-dire dans les années 1880. Lee était convaincu des

bénéfices du jeu organisé, c'est pourquoi &e became the chief promoter of a bill in the

21bid,p. 11. 'D. CAVALLO, Muscles a d Morals. Organized Phygromds and Urban Refom, 1880-1920, Philadelphia, University of Pemsylvania Press, p. 24. 4 Ibid., p. 29. *CE. HARTSOE, eThe Birth of NRPA>>, Park and Recreatiun, Supplement for July 1998, p. 18.

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Massachussetts state legislahm requiring towns and cibes with populations of more than

10.000 citizens to establish playgrounds%

Le Playground Association of America changera de nom en 2906, pour devenir le

Playground and Recreation Association of America (PRAA). En 1926, on réorganise le

PRAA et il devient le National Recreation Association (MU), jusqu'en 1965, où on ajoute

au sigle la lettre c9n, pour le National Recreation and Park Association. Les États-UNS sont

donc bien &pipés, monétairement et corporativement, quant à l'organisation de terrains de

jeux. Par exemple, en 1963, le budget du NRA est de 924 O$ et l'association possède un

siège social à New York. «In addition to its New York headquarters, the association

maintained an office in Washington, D.C., and featured eight regional offices throughout the

country?»

Donc, dès le début du XXe siècle, nos voisins du sud ont déjà un système de terrains

de jeux organises, sous contrôle municipal. Les associations se succèdent, sous différents

titres, mais elles ont toujours la même préoccupation, celle d'assurer des loisirs sans danger

et profitables aux jeunes. Étudions maintenant ce qui se passe au Canada anglais.

Seion Bruce Curtis, les terrains de jeux, dans l'Ontario du XIXe siècle, se Iidtaient

aux cours de récréation durant Ies heures d'école. Nous retenons toutefois que même s'il

n'est pas question des mêmes terrains de jeux que ceux dont notre mémoire fait l'objet, ces

?. FLICKINGER, <Citizen Involvement is no less Important Today~. Park Md Recreation, Supplement for fuly 1998, p. 25. 'C.E. HARTSOE, op. cit., p. 19.

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qlaygrounds were intended to serve in educatiomd t h e o p et <<the school and its

playground were a means of separating the children fiom the vicious cornpanions and evil

example of the Street or 1ane8.»

Si la société canadienne-française est retardataire en matière de loisirs organisés par

rapport aux États-~nis, elle l'est aussi si on la compare aux anglophones de Montréal. En

1901, d a communauté anglophone s'était déjà dotée à titre privé d'une organisation nommée

Parks and Playgroundw et elie ccutilisait des moniteurs d'activités physiques [...] formés à

l'Universit6 McOiiI dès 19 1 I 9».

On peut observer au Canada anglais à peu près les mêmes préoccupations qu'aux

États-unis dans la façon dont un intérêt pour la santé physique et morale des enfants mène à

la création des qlaygroundss. Dans Ies discours tenus à l'époque, Susan Evelyn Markharn

relate ces phrases qui revenaient souvent : «[...] parks and playgrounds wouid irnprove ali

conditions in the city - fiom the physical and mental health of individuals, to the social

welfare of groups, to the physical and economic well-king of the citylO.» Un peu comme

aux États-unis, où les femmes du Massassuchetts Emergency and Hygiene Association

s'occupaient des jeunes, c'est «the National Council of Women of Canada, the group most

-- - --

*B. CURTIS, the Playground in Nineteenth-Century Ontario : Theory and Practicea, Material Hirrory Bulletin, Ottawa, Fail 1985, no 22, p. 21-22. M. BELLEFLEUR, ~ * É ~ i i r c et le loisir au Queuebec avant h Révolution tranquille, Québec. Presses de

l'université du Québec, 1986, p.55-56. "S.E. MARKHAM, The Development of Park and Playgrouh in Seiected C a d i a n Prairie Cixies: 1880- 1930, Alberta, University of Edmonton, 1988, p. 29.

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active in the promotion of organized, s u p e ~ s e d playgroundsl'» qui a offert un grand support

à la promotion des terrains de jeux.

1.2 Les activités des jeunes en général

Observons maintenant quelles activités étaient offertes ou disponibles pour les jeunes

Québécois, à part I'OTJ. Nous diviserons notre coup d'oeil en quatre activités bien précises,

soit le scoutisme, la LEC, les colonies de vacances et les oeuvres de loisir à Montréal.

1.2.1 Le scoutisme

Au Québec, «c'est à Montréal, à partir de 1926, que le scoutisme va se développer de

façon marquée12». S'il a été adapté au milieu québécois, le scoutisme est d'origine anglaise,

créé par Robert Baden-Powell, en 1907. C'est dans une île du sud de l'Angleterre que celui-

ci «organise un camp expérimental formé d'une vingtaine de jeunes désoeuvrés» et qu'il leur

<<apprend à s'improviser explorateurs, défkicheurs, enquêteurs, secouristes, bâtisseurs de

cabanes [...]13» À ces activités, il joint une morale «qui donne un sens non seulement à leurs

ébats ludiques mais également à leur vie tout entière.14» Le mouvement scout se popularise

alors partout dans le monde parce qu'il <&pond parfaitement aux aspirations de la jeunesse

de tous les pays et de tous les temps : le goût de l'aventure et la fascination pour les exploits

1 I Ibid., p. 30. 12p. SAVARD, Cimplantation du scoutisme au Canada daançais>~. Cahiers des Dix, 43, 1983. p. 220. 13~.-p. sUÈS, Le scourisrne, France, Presses universitaires de France, coll. u Que sais-je? B. no 254 A 1996. p. 10. 14rbid., p. 1 1.

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sportifs, d'une part, la générosité spontank et l'incoercible soif d'absolu chez beaucoup,

d'autre part15»

L'implantation du scoutisme canadien-français est en partie due à Lionel Groulx qui,

ayant obsew6 de jeunes scouts anglo-protestants durant ses vacances, fut emballé par ce

mouvement. iiûès son retour en ville, il fait part de son enthousiasme à ses collègues de la

ligue d'Action française. Le groupe confie l'étude du mouvement au jésuite Adélard

gré.'% Ce dernier effectue des recherches et observe les Boys Scouts. Suite à cela, il écrit

à GrouIx qu'il daut encourager la création d'un scoutisme bien à nous qui n'aura rien à faire

avec le scoutisme officiel, d'origine et d'esprit anglo-protestant [et qui] n'empruntera même

qu'à bon escient au scoutisme catholique de rance.''^

Le scoutisme devient très prisé dans les années 1940, mais sa croissance demeure

<<relativement lente si on la compare aux mouvements d'Action catholique ou aux

groupements aux structures plus lâches comme l'Oeuvre des Terrains de ~eux.l'» À cause

des activités tels les camps ou les excursions de plusieurs jours, le scoutisme fut plus

populaire chez les classes sociales monétairement aisées; ce ne sont donc pas tous les jeunes

qui ont eu la chance de s'y adonner. Quelles étaient alors les autres activités qui s'offraient à

eux?

ls Ibid, p. 12. '9. SAVARD, op. cit., p. 221. "lbid., p. 224. l8 Ibid., p. 243.

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1-2.2 La J.E.C.

La Jeunesse étudiante catholique (J.E.C.) est un mouvement spécialisé d'action

catholique qui avait pour but «des activités de loisir, de découverte du monde et de sociabilité

propres aux adolescent^'^». La naissance au Que- du mouvement de la J.E.C. remonte à

1935. Les jécistes sont de <deunes gens de collège préoccupés à la fois de vie intérieure et

d'action sur le milieu pour le transformer dans le sens des valeurs catholiques du temps.20»

La J.E.C. touche à une clientèle plus âgée, par contre, que celle de 1'OTJ.

Ce mouvement fut très populaire : 2000 membres en 1936,4000 en 1938 et 90 000 en

1944, au Québec seulement? Ii y eut cependant une rivalité entre les jécistes et les scouts;

ils se disputaient la clientèle potentielle à un mouvement ou à l'autre. Des stéréotypes

qualifiaient les adeptes des deux mouvements : les scouts paraissaient des hommes d'action

et Les jécistes, des hommes de pensée, des inteIJectuels".

Jusqu'en 1960, la J.E.C. joua un grand rôle chez les jeunes adolescents; entre autres,

«elle [invital les jeunes chrétiens à l'initiative et à l'invention, [assura] la promotion de

dirigeants responsables [et entraina] aux disciplines de la formation et de l'action

co~ectives .23 »

1 9 ~ . CHOLVY. B. COMTE et V. FEROLDI, Jeunesses chrétiennes au XXe siècle, Paris, Les Éditions Ouvri&res, COL figlises/~ociétes, 1991, p. 51. 9. SAVARD, op. cir., p. 254. 2 1 ~ . SAVARD, loc. cit. ?bid, p. 255. "O. CHOLVY. B. COMTE et V. FEROLDI, op. ci?.. p. 157.

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1.2.3 Les colonies de vacances

Les colonies de vacances sont des camps d'été permettant aux jeunes de passer du

temps hors de chez eux, avec d'autres jeunes du même âge, à s'amuser et à développer

certaines habiletés. En France, dès le de%ut du XXe siècle, la FFACE (Fédération française

des associations chrétiennes étudiantes) favorise les activités de plein air pour la jeunesse. La

fédération lance «deux ans avant la naissance du scoutisme [soit en 19051, l'idée de

l'organisation de camps de vacances pour lycéens et adolescents chrétiens.%

À Sherbrooke, les colonies de vacances dateraient, d'après une source orale, de 1'936.

C'était à St-Philippe-sur-le-Lac, au petit lac Magog, «qu'ils amenaient les enfants là, pour

deux semaines, à toutes les deux semaines, ils changeaient de goupeu». Il est surprenant de

constater que selon Léo Cadorette, responsable des débuts de I'OTJ à Sherbrooke, pour ces

deux semaines, les enfants ne défrayaient rien. «Le comité qu'on avait formé, qui payait ces

choses-là, avec les octrois et les dons, tout était payé, la nourriture, tout, tout, Ils

donnaient d'abord priorité aux enfants pauvres, mais tous les enfants étaient invités à y

participer.

Les responsables habituaient les enfants à jouer au volleybd, au soccer, au baseball;

on s'y baignait. Chaque dimanche, un prêtre venait dire la messe et quelquefois, s'il y en

%. CHOLVY, Mouvements de jeunesse. Chrétiens et Juiji : Sociabilité juvénile donr un cadre européen, 1799-1968, Paris, Éditions du Cerf, 1985, p. 141. 2 5 ~ o ~ i & 6 d'histoiye de Sherbrooke (SHS). cassette AS 1 A, entrevue avec Léo Cadorette. "SHS, cassette AS 1 A, entrevue avec U o Cadorette.

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avait un de passage durant la semaine, il faisait une messe spéciale pour les enfants.

Toujours selon U o Cadorette, ces camps ont été très populaires et d'après ce qu'il s'en

rappelle, ils auraient duré quatre à cinq ans.

1 -2.4 Les oeuvres de loisir à Montréal

Les oeuvres de loisir à Montréal ressemblaient beaucoup à ce que sera 170TJ; elles

ont été mises sur pied sous l'oeil attentif de l'Église. Nous parlerons surtout des 4nitiatives

créées dans la paroisse [Immaculée-Conception] en matière de loisirs cléricaux2'». Dans son

mémoire de maîtrise, Jean-Christian Aubry parle d'une salle d'amusement pour les jeunes

gens, 05 les jeunes se réunissaient les soirs de semaine; cette salle fut «fondée dans le but de

sauver les jeunes qui se perdent en masse, qui manquent souvent de sérieux et de

Les terrains de jeux à Montréal existent depuis 19 13, mais relevaient à ce moment

d'un organisme anglophone, Le docteur Gadbois prit la direction du nouveau service des

récréations publiques en 1915, offrant ainsi des jeux aux enfants tels «des balançoires, des

bascules, des glissades, des bacs de sable, des échelles,[...]29» dans différents parcs de

Montréal. L'Oeuvre des Terrains de Jeux s'est implantée dans certaines paroisses de cette

ville, mais tardivement en comparaison avec les viiles de Québec ou de Sherbrooke. À

Montréal. c'étaient les Jésuites qui s'occupaient des loisirs, avant que 1'OTJ ne s'implante.

"J.-C. AUBRY, Pratiques religieuses et vic paroissiale en milieu urbain ou XXe siècle- ui paroisse IrmnacuIée- Conception & Montré4 1910-1940, Memoire en histoire (MA) , Université de Montréal, 1998, p.74. =fiid., p. 76. %id., p. 82.

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En effet, en 1927, ceux-ci ont créé l'Oeuvre des vacances, qui se transformera en 1944 en

l'Oeuvre des terrains de jeux de Montréal (OTIM). I1 est intéressant de constater que les

raisons de la mise sur pied de cette organisation sont bien similaires aux raisons qui ont

amené I'OTJ à se former. En effet, l'oeuvre des vacances, qui se déroulait au parc

Lafontaine et qui attirait vraisemblablement des enfants de plusieurs paroisses, fut créée

«dans le but de prévenir les dangers moraux que courent les enfants et diminuer les ennuis et

les responsabilités des mères, en foumissant aux garçons de 10 à 15 ans les moyens de passer

agréablement leurs loisirs30.»

Nous apprenons donc qu'à Montréal, avant I'OTJ, les enfants avaient quelques

terrains de jeux sur lesquels ils pouvaient s'amuser; les enfants et adolescents de 10 à 15 ans

ont pu profiter de l'Oeuvre des vacances des Jésuites. Nous ne nous attarderons pas plus

longuement sur ce sujet, mais nous conseillons de lire le mémoire de Jean-Christian Aubry à

ce sujet, qui décrit très bien cette période et les activités qui y sont ranachées.

Les jeunes des années 1930-1960 avaient le choix entre diverses activités. À côté des

activités encadrées par l'Église telles que le scoutisme, la J.EC, les colonies de vacances et

les terrains de jeux, il y avait les cinémas, les spectacles de musique en plein air, les quilles et

même les salies de danse, quoique celles-ci visaient surtout un public plus âgé, c'est-à-dire

les adolescents de 16-18 ans. LR but de l'Oeuvre des Terrains de Jeux était de faire en sorte

que les jeunes soient bien entourés, par des moniteurs organisant des jeux toutes les journées

de la période estivale. De cette façon, l'Église pouvait lutter contre la nouvelle culture de

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masse (la société de consommation et les industries du loisir, dont les spectacles de cabaret,

les tavernes,. . .") et contre les dangers moraux de l'oisiveté.

1.3 La fondation de la première OT J à Québec, 1929

L'été, au d&ut du siècle, les enfants sont laissés à eux-mêmes. À Québec, ville

populeuse, ides rues étroites, la circulation intense, les exemples que les enfants ont trop

souvent sous les yeux constituent pour eux une occasion de beaucoup de dangers tant pour

leur corps que pour leur âme?'>> En comparant ces propos avec ceux relevés aux États-unis,

nous remarquons que les craintes des parents et des dirigeants sont les mêmes puisque chez

nos voisins du sud, ce sont les mêmes raisons qui ont mené à la création des qlaygrounds».

C'est l'abbé Arthur Ferland qui, en 1929, lance l'Oeuvre, à Québec, en créant le

premier temain de jeux au parc Victoria. Sous direction ecclésiastique, c'est la «ville [qui]

fournit les installations» et c'est &OTJ [qui] les administre et organise des loisirs [...]

orientés vers la formation physique, intellectuelle et morale des enfants.33» À Québec, les

OTJ sont bien organisées et très populaires. Cependant, jusqu'en 1944, des OTJ

demeurèrent des oeuvres locales dont le niveau de développement restait tributaire de

l'intérêt pour le loisir du clergé paroissial et du dynamisme des Iaics catholiques qui y

oeuvraient .34m

'' R. LEVASSEUQ Loisir et culture au Québec. Québec, Les Éditions du Boréal Express, 1982, p. 62. '%. DION, L'Oeuvre des Terrains de Jeux de Québec, Québec, Les Éditions du Cap Diamant, 1943, p. 10. 3 3 ~ . HAMELIN, Hirroire du catholicirme québécois, vol. 3. Lc XXe si2clz. tom 2, de 1940 à nos jours, Moniréai, Bor6ai Express, 1984, p. 69-70. %M. BET.LEFLEUR, ~ ' É ~ l i s e et le loisir ..., p. 58.

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L'OTJ du parc Victoria a d'abord voulu amuser les jeunes avec «deux chaises, une

corde à danser, un gant, une balle et un bâton3% pour ensuite, en 1942, avoir autant de jeux

mécaniques tels balançoires à chaînes, à bascule et en bois, bains de pieds, piscines,

glissoires, trapèzes, jeux de ballon au panier, et d'accessoires tels des balles, ballons, cordes à

danser, drapeaux, pelles, gants, bâtons, é~hasses'~. L'OTJ de Que% organisait également, à

partir de cette époque, des excursions éducatives (au Jardin Zoologique, à l'île d'Orléans,...),

possédait une modeste bibliothèque, présentait des après-midi et des soirées d'amateurs.

Même si le Québec francophone fut retardataire en matière de loisirs organisés pour

les jeunes, il rattrape son retard à partir des années 1930 grâce à l'abbé Arthur Ferland,

fondateur de l'Oeuvre des Terrains de Jeux. L'OTJ, quoique lente à se popularîser à

l'ensemble de la province37, f d t par attirer beaucoup d'enfants. L'Oeuvre des Terrains de

Jeux du parc Victoria devint un modèle à suivre pour les autres OTJ du Québec. En effet,

bien que chaque OTJ fonctionne indépendamment les unes des autres, jusqu'en 1947~~' elles

ont toutes tiré profit des premieres expériences tentées dans la vilk de Québec.

1.4 L'organisation de KYI"

Comment fonctionnait I'OTJ? Y avait-il une hiérarchie proprement dite à l'intérieur

de ce mouvement? Au départ, I'OTJ était-un «groupement formel d'Action Catholique

3 S ~ . DION, op. cit., p. 29. " zbid, p. 34-35. 37 *La croissance du mouvement des OTJ prit un essor plus rapide au début des années 1940~. M. BELLEFLEUR, ~'Église et le laisir. .. , p. 62. " ~ n 1947, l'abbé M e d Leblond &nt le premier traite organisationnel complet concernant les terrains de jeux, qui deviendra un classique en la matière et qui sera utilisé à la grandeur du Québec», M. BEI.T,EFI.ET, lise et le loisir. .., p. 62.

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poursuivant la christianisation des milieux de loisirs."9» Mais tout comme la J.E.C., l'Oeuvre

des Terrains de Jeux a besoin de structures. À l'intérieur de L'Oeuvre, nous examinerons

l'organisation à trois pdiers: le plan local, le plan diocésain et le plan provincial.

1.4.1 Le plan local

Sur le plan local, le clergé s'occupait de l'Oeuvre, s'entourant de laïcs dévoués pour

l'appuyer. «De l'État ou des pouvoirs publics, [il] n'attendait que des législations ou

réglementations réprimant les abus [...] et des services ou subsides pour l'appuyer dans ses

oeuvres.'% Le clergé veut conserver la mainmise sur les loisirs, il ne veut pas qu'un pouvoir

temporel s'en charge. Par contre, des investissements à consentir dépassent les ressources

financières de l'Église4'». Si impliquée soit-elle dans le déroulement et l'organisation des

loisirs estivaux, l'Église n'a pas assez d'argent pour faire vivre son oeuvre. Elle en vient à

rechercher cane collaboration avec les municipalités et les gouvernements analogue à celle

qui prévaut dans le bien-être et dans l'éducation42.»

La ville de Québec demeure un bon exemple pour expliquer l'organisation locale d'un

terrain de jeu : il y a le directeur ecclésiastique (ou aumônier de terrain). Celui-ci est présent

sur le terrain et s u p e ~ s e tout ce qui s'y passe, «[il] a la responsabilité spirituelle et

Ensuite, relevant de celui-ci, il y a le directeur technique et son homologue

féminin. Ces derniers ont la responsabilite des enfants, forment les gardiens, choisissent les

3 9 ~ . DION, op. cite, p. 59. W. BELLEFLEUR, ~'Eglise et le loisir ..., p. 57. 4 1 ~ . HAMELIN, op. ci?., p. 70. 42nu, p. 70-71. 4 3 ~ . DION, op. cit., p. 64.

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chefs et sous-chefs, étabLissent les <<grandes lignes du programme de la saison». Viennent

ensuite le chef et les sous-chefs, l'équivalent du moniteur que l'on connaît. C'est le chef qui

choisit les gardiens. Ces derniers sont des enfants des terrains de jeux, qui occupent diverses

fonctions telles que d a distribution des jeux dans la réserve, l'organisation des bains, la

surveillance des cabines de la piscine, des équipes de balle, des jeux mécaniques, des jeux

organisés, etc."»

En fait, sur le plan local, l'Église maintient le contrôle sur les terrains de jeux par

I'OTJ, en ayant un aumônier sur chaque terrain, avec le moins de rapports possibles avec les

autorités municipales, pour conserver son emprise. L'OTJ locale relève de la paroisse.

1 A.2 Le plan diocésain

Il est plus difficile de cerner l'organisation de I'OTJ sur le plan diocésain. D'une

certaine façon, l'évêque du diocèse est le directeur général» de l'Oeuvre des Terrains de

Jeux. C'est un peu lui qui rattache les dsérentes OTJ du même diocèse entre elles. Prenons

le cas de Québec : l'organisation est hiérarchique; <<elle a en tête l'Évêque qui nomme un

aumônier f 'kral , des aumôniers de terrains [...}, des directeurs-techniques ou directrices-

techniques [. . .] et enfin des chefs, sous-chefs et gardiens [. . J4*». Les fédérations diocésaines

des OTJ ont pour «mandat de regrouper et de dispenser des services aux OTJ lo~aIes .~~u

afiicr. p. 63-71. 45 fiid, p. 61. W. BELLEFLEUR, L.'Égke et le loisir ..., p. 64.

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À Sherbrooke, cependant, il faut préciser que le plan diocésain avait moins

d'importance puisqu'il n'y avait pas une OTJ par paroisse, mais plutôt une OTJ centrale, au

parc Jacques-Cartier pour l'ensemble des paroisses de la ville. Les faérations diocésaines

sont apparues en même temps que la Confédération otéjiste provinciale (C.O.P.), en 1946, ce

qui nous amène à parler tout de suite du plan provincial.

1.4.3 Le plan provincial

La Confédération otéjiste provinciale (C.O.P.) a vu le jour en 1946. En fédérant les

OTJ en une organisation provinciale, l'Église réagissait à l'arrivée imminente du nouveau

ministère de la Jeunesse, «duquel relèveraient les loisirs4'». En étant incorporé, cet

organisme pouvait continuer à contrôler les loisirs, de façon mieux organisée, mais toujours

avec le pouvoir spirituel bien présent.

De sa fondation en 1946, jusqu'au début des années 1960, la C.O.P. est essentiellement une organisation confessionnelle catholique et canadienne- française. Ses membres majeurs, les fédérations diocésaines [...], sont reliés aux évêchés, non seulement par un aumônier ou directeur ecclésiastique mais aussi par une structure laïque catholique, en ce sens que les conseils d'administration desdites fédérations doivent rendre compte de leurs opérations et activités soit à un Conseil diocésain des Oeuvres [...] soit à un Comité diocésain d'Action catholique [...] qui dépendent directement de leur évêque respecd8.

En résumé, à partir de 1946, l'organisation de I'OTJ a comme unité de base I'OTJ de

paroisse; celle-ci dépend d'un organisation diocésaine, la fédération diocésaine des OTJ, et

cette dernière fait partie à son tour de la Confédération otéjiste provinciale. dusqu'à la fin

-

4 7 ~ . HAMELIN, op. cit-, p. 70-7 1. &M. BELLEFLEUR, ~ ' É ~ l r ~ e et le loisir ..., p. 64.

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des années cinquante les oeuvres de l'Église. des OTJ locales à la [C.O.P.], constituent le

loisir organisé typiquement queôécois de

L'Oeuvre des Terrains de Jeux s'est donc dotée d'un système lui permettant de

contrdler les loisirs, de «devenir l'interlocuteur et l'agent d'intervention de l'État québécois

en matière de loisir, et obtenir ainsi les subventions nécessaires pour accomplir sa

Faisons un bref retour sur ce chapitre : nous avons vu que le Québec francophone

avait pris du retard en matière d'organisation de loisir puisque les États-unis avaient, depuis

les années 1880, le «Parks and Playgrounds Movemenb, loisirs organisés bien dirigés par les

municipalités et incorporés dès 1906 en une association, le PRA (Playground Association of

America) qui deviendra en 1965 le NRPA (National Recreation and Park Association).

Quelque peu retardataire aussi sur les provinces des Prairies et sur les anglophones du

Québec.

Pour combler le manque de structures au niveau des loisirs organisés, l'abbé Arthur

Ferland fonda la première OTJ à Québec, en 1929. Celle-ci était le parfait remède aux

problèmes des jeunes qui traînaient dans la nie ou qui se baignaient sans surveillance. Suite

logique de l'école, 170TJ amusait les enfants de 4 à 18 ans, tout en leur inculquant les valeurs

morales, patriotiques et chrétiennes.

4 ?R. LEVASSEUR, op. cit.. p. 68. MIbid, p. 68.

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Finalement, I'OTJ s'est organisée sur différents plans (local, diocésain, provincial), se

fédérant en Confédération otéjiste provinciale, afin de pouvoir mieux gérer ses oeuvres et

obtenir des subventions, tout en conservant son autonomie d'action, du moins jusqu'à la fin

des années 1950. Nous verrons plus loin, dans le dernier chapitre, ce qui se déroulera après

1960. Pour l'instant, examinons les débuts de L'OTJ à Sherbrooke-

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CHAPITRE II

LES ORIGINES DE L'OTJ A SEIERBROOgE, LE CONTRÔLE ADMINISTRATIF,

LES FINANCES

Dans le présent chapitre, nous examinerons les <dondements» de 1'OTJ à Sherbrooke.

Nous voulons savoir comment I'OTJ est apparue dans cette ville, de queue façon elle était

gérée et financée. Pour ce faire, nous commencerons par déterminer ce qu'il y avait à

Sherbrooke, en matière de loisirs, avant I'OTJ; par la suite, nous exposerons les origines de

I'OTJ sherbrookoise et te partage des responsabilités entre l'Église et la municipalité. Dans

les deux derniers points, nous traiterons du rôle des principaux acteurs administratifs et du

financement. Nous serons alors en mesure de comprendre le fonctionnement technique de

I'OTJ, durant les années 1929-1962.

Avant d'aborder ces dimensions, précisons qu'il y a les données démographiques du

contexte sherbrookois dont il faut tenir compte, c'est-à-dire l'augmentation de la population.

À ce sujet, voyons dans le tableau suivant la population de Sherbrooke par décennie (tableau

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Tableau 1

Po~ulaîion de Sherbrooke par déçennie : 193 1 - 196 1

I f opulation de Sherbrooke

i t

Source : Recensements du Canada

Ces chiffres dénotent un taux de croissance de 23% entre 1921 et 1931, de 24,3% de 1931 à

1941, de 40'5% de 1941 à 195 1 et de 24'1% de 1951 à 1961. La population de Sherbrooke

augmente donc considérablement. Comme il y a beaucoup plus d'enfants, il y a davantage

d'enfants à occuper durant les vacances estivales. Ce phénomène est sans doute entré en

ligne de compte en créant la nécessité d'organiser des loisirs à cette époque.

2.1 Les parcs et les loisirs pour jeunes P Sherbrooke, avant 1'OT J

Nous datons l'origine de l'Oeuvre des Terrains de Jeux à Sherbrooke à 1929. C'est

l ' a ~ é e où le père Thomas Côté et U o Cadorette ont commencé à organiser des loisirs pour

les jeunes. Même si ça ne s'appelait pas officiellement OTJ, ces premières initiatives ont

mené à la fondation, ou plutôt à l'apparition de l'Oeuvre quelques années plus tard.

Mcisons quand même que la date de fondation mere d'une source à l'autre. Par exemple,

selon un article de journal datant de 1936, 1'OTJ serait apparue à Sherbrooke, en 1932 :

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<iDepuis quatre ans, cette oeuvre fonctionne en notre ville1», ou encore, selon un dépliant

inséré dans notre fonds d'archives principal, 170TI serait <(au service de la population de

Sherbrooke depuis 1934~3

Néanmoins, qu'y avait4 avant 1929? @elles activités pratiqsraierit les jeums?

Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, il y avait le scoutisme, les groupements de

l'action catholique, les colonies de vacances.

Selon une source orale. Germaine Denault, née en 1913, il n'y avait pas beaucoup

d'activités- Elle se souvient du patin et de la traîne sauvage l'hiver; il y avait aussi le cinéma,

les concerts dans les parcs et les quilles. Il y avait le golf, mais comme elle venait d'une

famille de la classe ouvrière, ayant commencé à travailler à 13 ans [donc en 19263, <mous

autres, dit-elle, on ne pouvait pas se le permettre3». Il y avait donc des activités pour les

jeunes, avant l'OTJ, mais pas de loisirs organisés proprement dits, en particulier pour les

jeunes du milieu populaire.

R est intéressant de constater qu'il s'est développé un mouvement d'opinion à

Sherbrooke dans le courant des années 1920 en faveur de l'organisation de loisirs pour les

jeunes. Les gens craignaient les dangers pour les enfants de jouer dans la rue, sans

surveillance. Il était question d'une certaine délinquance juvénile. En 1923, un article de La

-

'Le Messager & Saint-Michel, 9 août 1936, p. 4. 2 ~ r ~ h i v e s de l'archevêché de Sherbrooke (AAS), Dépliant «Au service de la population de Sherbrooke depuis 1934~, 1959. 3 ~ ~ i é t é d'histoire de Sherbrooke (SHS), cassette AS 9 B. entrevue avec Germaine Denault.

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Tribune relate qu'avec les patinoires, durant l'hiver, les enfants ont déserté les rues et qu'il en

serait de même durant l'été si des terrains de jeux leur étaient proposés4. En 1924, dans le

même journal, on parle de «la nécessité d'établir prochainement des terrains de jeux dans la

ville de ~herbrooke~». Dans une lettre datée de 1929, da Ligue des Retraitants de

sherbrooke6 veut ouvrir des terrains de jeux, aüx prochaines vzicances, dans les quartiers

populeux du centre, de l'est et de l'ouest, pour y recevoir les enfants.'»

Plus tard, en 193 1, le titre d'un article est éloquent au sujet des motivations qui sous-

tendent ce mouvement d'opinion en faveur des terrains de jeux : &es terrains de jeux

réduiront le nombre de prisons chez nous8». L'article poursuit : en tant qu'«oeuvre

d'éducation primordiale», I'OTJ pe-ttra à l'enfant «de mieux faire face aux vagues d'idées

subversives qui envabissent le monde.fig En d'autres mots, les terrains de jeux sont une

défense B la fois contre la délinquance et contre le comxnunisme.

2.2 Les origines de 1'OTJ à Sherbrooke et le partage des responsabilitik avec les services municipaux

Avant 1929, il n'y avait pas vraiment de loisirs organisés pour les jeunes des milieux

populaires. Ce n'est donc qu'à partir de cette date que l'on s'intéresse concrètement à offrir à

ceux-ci deux journées par semaine, où ils pouvaient s'amuser tous ensemble, sous

4 La Tribune, 22 fkmer 1923, p. 3. 'LU Tribune, 11 fdvxier 1924, p. 3.

La Ligue des Retraitants est une retraite fermée, 2 laquelle participent des hommes laics, pour se ressourcer. 'AAS, lettre de Thomas Côté (I Mgr A.O. Gagnon, 5 juin 1929. *LU Tribune, I 1 mai 193 1, p. 3. grbicr, p. 3.

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surveillance adulte. Nous nous proposons dans cette partie de retracer les origines de 170TJ à

Sherbrooke, ainsi que d'examiner le partage des responsabilités entre cette organisation à

caractère privé et les seMces municipaux.

2.2.1 Premières initiatives

Léo Cadorette, <&acteur, metteur en pages et linotypiste au journal Le Messager

Saint-Michel» et le père Thomas Côté, directeur à la Villa ~aint-AI~honse~*, sont à l'origine

des «journées» du samedi et du mercredi. À partir de l'été 1929, le samedi, des camions

conduisaient les enfants au petit Lac Magog, pour s'y baigner et y jouer. Ces camions étaient

fournis gratuitement par des entrepreneurs de la ville, dont Mitchell Ltée, Codère Ltée,

Hector Lanctôt et Genest & ade eau". À ces noms, ajoutons ceux de John-S Bourque, Émile

Lévesque, Bourbeau & 07Bready, Thompsoo & Alix, tous des bienfaiteurs durant cette

péri~de'~. Suite à la popularité de cette (journée du samedi», les responsables ajoutèrent les

activités du mercredi, au manège militaire ou au parc Dufiesne, <<pour qu'ils oes enfants]

n'aient pas juste la rue pour jouer"».

En 1930, le père Côté dut partir pour l'Indochine. M. Cadorette s'est alors retrouvé

seul dans l'organisation de ces journées. <dl aborda donc M. l'Abbé Maurice Fortier, Vicaire

'OG. TREMBLAY, Notre-Dame du Perpétrrel-Secours de Sherbrooke, Sherbrooke, Éditions Paulinc, 1966, p. 324-326. "SHS, cassette AS 1 A, entrevue avec Léo Cadorette. 1 2 ~ . TREMBLAY, op. cit., p. 326-327. l3sI4s, cassette AS 1 A, entrevue avec Léo Cadorette.

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à la Cathédrale et le pria dc prendre la succession du Père L'abbé Fortier demanda à

l'abbé Origène Vel, c<cér6moniaire et secrétaire de S, Exc. Mgr A . 0 Gagnon*, de s'en

charger. À l'été de 193 1, L é o Cadorette et l'abbé Vel ont commencé à amener les enfants à la

ferme d'Edmond Goudreau, sur le chemin Sainte-Catherine. L'année suivante, 1' abbé Vel a

suggéré d'amener les enfants jouer au pied du pont à 2ock Forest. À panir de ce moment,

I'abbé Vel s'implique entièrement dans ce mouvement tandis que Léo Cadorette s'efface :

d e sentais qu'il [en parlmt de I'abbé Vel] aurait aimé mieux qu'on s'efface% Même si

c'est l'abbé Vel qui a donné au mouvement l'ampleur qu'il a éventuellement connu, il faut

comprendre que c'est en 1929 qu'a vraiment débuté 1'OTI à Sherbrooke. À partir de 1932, un

peu comme ce fut le cas pour la journée du samedi au petit Lac Magog, les enfants sont

transportés à Rock Forest, mais c'est maintenant par autobus que l'abbé Vel les y conduit.

Cependant, Ie pied du pont & Rock Forest était éloigné et ne s'est pas avéré vraiment

propice à la baignade : d é t a i t pas une grève merveilleuse, c'était assez pierreux.16» En

1936, l'Oeuvre des Terrairis de Jeux déménage au parc Jacques-Cartier, un endroit bien plus

pratique : <Zn ville, les autobus pouvaient conduire les enfants, c'était beaucoup plus facile

de s'organiser pour les avoir."»

14 G TREMBLAY, op. cit., p. 327. 15 SHS, cassette AS 1 A, entrevue avec Léo Cadorette. Le «on» doit faire référence à ceux qui s'occupaient du transport, puisque M. Cadorette ajoute : dl m'a dit qu'il s'occuperait du transport, alors il s'est acheté un vieil autobus. Et puis nous autres, on s'est retirés.» %HS, cassette AS 1 B. entrevue avec Georges-Henri Tremblay.

cassette AS 1 B, entrevue avec Georges-Henri Tremblay.

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En résumé, ce sont des initiatives autant laïques que religieuses qui sont à l'origine de

170TJ sherbrookoise. Si l'abbé Vel a contribué pour kaucoup à ce mouvement (<C'est nuil

qui mena I'OTJ à l'expansion prodigieuse que l'on sait1'»), beaucoup de gens <&fiment que

les fondateurs de I'OTJ sont le R.P. Côté et M. Léo ad or et te.'^^ C'est aussi grâce à l'appui

des milieux d'affaires que l'organisation de loisirs pour les jeunes a connu son coup d'envoi.

2.2.2 Rôle des autorités municipales

Pour faire face au problème de chômage généré par la crise économique des années

1930, la ville de Sherbrooke, comme beaucoup d'autres villes canadiennes, entreprend des

travaux d'urbanisme, subventionnés par les gouvernements supérieurs: «Redressement de

rues à travers toute la ville; consûuction de murs de soutènement et aménagement de parcs

publics et de terrains de spor?>>. Grâce à ces fonds, l'aménagement de parcs est possible.

Trois nouveaux parcs sont créés pendant les années 1934-1936 : le parc Boudreau dans le

quartier Est, le parc Sainte-Jeanne-d'Arc dans la paroisse ouvrière du même nom et le parc

Jacques-Cartier, «sur un terrain de 393 629 pieds carrés, situé sur les rives de la rivière

Magog, vendu à la Ville le 5 janvier 1935 par Charles B. ~oward".» Des parcs existants -

Victoria, Racine, Pelletier, Dufresne, Ste-Thérèse- connaissent des améliorations à cette

même époque.

"G. TREMBLAY, op. cir., p. 327. '9~bid., p. 324. %. mTHIER, Les maires de Sherbrooke, 1852-1982, Sherbrooke, La Société d'histoire des Cantons de l'Est, 1983, p. 220. %id., p. 220-221.

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Nous n'avons pas îrouvé de preuves à ce sujet, mais notre hypothèse est que le projet

d'aménagement du parc Jacques-Cartier a été influencé par le besoin de créer un site propice

pour les activités d'une OTJ desservant l'ensemble de la ville. Le site du parc Jacques-

Cartier avait le grand avantage de disposer d'une plage sur la rivière Magog, en amont de

Sherbrooke.

Il est clair toutefois que le parc Jacques-Cartier fut fourni gratuitement par la Ville,

pour que puissent s'y dérouler les activités de 1'OTJ : <<Nous félicitons les autorités de la ville

de ce magnifique geste et de cet encouragement donné à À partir de ce moment,

la ville avait coutume de donner des octrois, qui seront discutés plus loin, au point 2.4.1,

servant à payer les moniteursu, et de fournir l'équipement de base (balanqoires, glissades, ...)

En ce qui concerne les moniteurs, U o Cadorette souligne qu'ils étaient souvent <<des jeunes,

des ecclésiastiques du Grand séminairez4>>.

La Commission des Parcs et immeubles approuvait l'emplacement du parc Jacques-

Cartier comme lieu de déroulement des activités de l'OTJ, <& condition toutefois que la ville

ne soit pas tenue responsable des accidents ou dommages qui pourront résulter de

I'ocnipation de la dite partie du parc."» Le parc était donc fourni mais ce qui s'y passait,

*Le Messager & Saint-Michel. 9 août 1936, p. 4. Selon Deseve Cormier, leur salaire n'était pas très blevé. Il se souvient de 8$ par semaine dans les années

1950, quoique dans les débuts, aucun salaire n'était versé; un pic-nic à la fin de l'été récompensait les moniteurs. '%Hs, casette AS 1 A, entrevue avec U o Cadorette. ?Fonds de la Ville de Sherbrooke, VI /00076, chemise aCommission des Parcs et Immeubles, 1934 à 1939», rapport no 15, 1935.

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durant les journées de I'OTJ, n'était pas sous la responsabilité civile des autorités

municipales. À partir de 1946, les archives de la ville de Sherbrooke dévoilent le budget

accordé aux différents parcs de la ville. Parmi ceux-ci, le parc Jacques-Cartier recevait à tout

coup le montant le plus élevé, ce qui s'explique facilement par le fait qu'il était le parc le plus

important Nous verrons plus loin, au tableau 3 (chapitre Xü), la ispartition du budget.

Toujours à travers les différents rapports des archives de la Ville de Sherbrooke, nous

avons pu voir que tout ce qui touchait à l'équipement de base passait par la Commission des

Parcs et ~écréation". Par exemple, pour l'installation de toilettes, de cabines de bains,

d'abreuvoirs, d'appareils de récréation ou de clôtures, 1'OTJ devait faire une demande à la

Commission et celle-ci l'étudiait. Ceci nous amène à conclure que la responsabilité des

autorités municipales était de fournir à 1'OTJ un environnement adéquat à la pratique des

activités, de veiller à effectuer les rénovations, réparations et achats requis. Mais sa

responsabilité n'englobait pas la prise en charge du bien-être des enfants, durant les heures

pendant lesquelles ils étaient sous la responsabilité de YOTJ et de ses moniteurs. Nous

pourrions résumer le rôle des autorités municipales comme supplétif, se limitant à la

fourniture de matériel et d'appui monétaire, mais néanmoins essentiel à la survie de l'Oeuvre.

2.3 L'organisation de I'OTJ : rôle des principaux acteurs

Les tâches à effectuer différaient selon que l'on soit, par exemple, administrateur,

aumônier ou moniteur. Chacun avait son rôle à jouer pour que I'OTJ soit fonctionnelle.

Nous voulons donc décrire, dans cette partie, le rôle des principaux acteurs. Plus

26La Commission des Parcs et Immeubles devient, en 1940, celle des Parcs et Récréation.

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fondamentalement, nous pouvons nous demander si Ie processus de prise de décision est

contrôlé davantage par les dirigeants laïcs, principaux bailleurs de fonds, par les

ecclésiastiques ou encore, si le pouvoir est partagé entre ces derniers- Nous présenterons

alors les tâches selon les quatre principales fonctions : la direction de I'OTJ, les aumôniers,

les moniteurs et les parents.

2.3.1 Direction de 1'OTJ et des colonies de vacances de Sherbrooke

L'OTJ et les colonies de vacances ont le même comité de direction, mais dans notre

mémoire, nous ne traitons que du premier. Selon les archives de la Ville de Sherbrooke,

l'Oeuvre a fait une demande d'incorporation le 8 avril 1943. La lettre dit que des gens

«désirent se former en société nationale de bienfaisance, à responsabilité limitée, sous Le nom

de L'Oeuvre des Terrains de Jeu [sic] et des Colonies de Vacances de Sherbrooke», avec

l'objectif de <<réunir les enfants, jeunes gens et jeunes filles dans un but de récréations et

d'amusements2'.» Il n'est pas mentionné que la demande ait été acceptée, mais nous

supposons que si, puisque la lettre se retrouve dans les archives de la Ville, sous

ciDéclarations d'associatioiis». De plus, la Gazette oficielle relate qu'un arrêté ministériel du

16 juin 1943 approuve les règlements de l'Oeuvre des Terrains de Jeux de sherbrooke2*.

L'OTJ se dote d'un comité protecteur ou fmancier. Dans le rapport de 1943, il est dit

que le directeur ecclésiastique est le plus haut placé, que tout comité lui est soumis : &es

comités laïcs, comités protecteurs, comités financiers ou autres, sont entièrement soumis au

27~onds de la Ville de Sherbrooke, VA00053, chemise «Déclarations d'association», 1943. La Gazcne oflcielle, 3 juillet 1943.

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directeur ecclésiastique. C'est ce dernier qui mène tout et tous s'en portent bien2'.»

Cependant, il semble qu'il travaille de très près avec le comité protecteur. En ce sens, le

directeur ecclésiastique est la tête de I'OTJ, mais pour ne pas avoir à se préoccuper des

questions monétaires, un comité est nommé, qu'on appelle protecteur ou financier. Selon

nous, ce comité protecteur est en fait le comité de direction Iaic de l'Oeuvre. Par exe~ple,

regardons l'exécutif de 1'OTJ pour l'année 1952 : l'aumônier est, bien sûr, un abbé. Par

contre, les postes de président, vice-président, secrétaire, trésorier et directeurs sont tous

occupés par des l g i c ~ ~ ~ . Ce cornit6 s'occupe de tout ce qui se rapporte au financement et à

1' orientation de 1' organisation.

Si nous jetons un coup d'oeil aux membres du comité de direction, on retrouve des

hommes de rang social élevé. Par exemple, en 1952, l'exécutif est composé de Carrier

Fortin, Léo Thibault, Eugène Lalonde, Pierre-E. Couture, Louis-F. Codère, Jean-M. Grégoire

et Paul Desmisseaux. Carrier Fortin, avocat de profession, fut aussi échevin en 1953,

secrétaire de la Faculté de Droit (à l'Université de Sherbrooke) en 1954, député du comté de

Sherbrooke en 1962 et Ministre du Travail en 1963. Léo Thibault et Eugène Lalonde ont

contribué à la fondation de la colonie de vacances à Saint-Philippe-sur-le-Lac. Louis-F.

Codère, «secrétaire à l'entreprise commerciale Codère Limitée», était très impliqué dans la

vie sociale sherbrookoise. dl est l'un des fondateurs de la Caisse Populaire Sociale de

~herbrooke~'». Paul Desmisseaux, avocat lui aussi, s'est impliqué à plusieurs niveaux :

US, Rapport sur l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, p. 1. M, Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, été 1952, p. 1.

3 1 ~ . TREMBLAY, op. ck, p. 272-273.

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sports, civisme, milice, activités culturelles, activités religieuses et domaine économique32.

Ce sont tous des gens instruits, impliqués au niveau social et citoyens respectables de

Sherbrooke qui sont membres du comité de direction de l90TJ-

La direction s'occupe de tenir des réunions, dont une assemblée annuelle où sont

présentés le rapport financier et celui des activités. Durant cette assemblée, les dirigeants

commencent aussi à <<tracer le programme de la prochaine saison», en tenant compte des

rapports qui «mentionnent plusieurs sujets La direction s'occupe

également des campagnes de souscription. De plus, c'est elle qui s'assure que les enfants

«bénéficient d'un service gratuit d'autobus [et] d'une distribution gratuite de demiards de

lait.% En résumé, la direction doccupe d'organisation, d'administration générale, [elle]

voit à l'administration financière et délibère sur toutes les questions mises à l'ordre du

j

Le rôle de la direction de 1'OTJ est donc très important. Bien que ce ne soit pas les

membres de la direction qui sont sur le terrain, ce sont eux qui font en sorte que l'Oeuvre des

Terrains de Jeux puisse se développer de façon harmonieuse chaque été. Notons I'ambiguïté

du rôle du directeur ecclésiastique; officiellement, c'est lui qui gère tout, du moins selon les

sources. Mais dans les faits, est-ce vraiment lui? Le comité de direction s'occupe de trouver

321bid., p. 283-285. 33AAS, Rapport de I'Oeuvre des Terrains de Jeux. été 1952, p. 9. %a Tribune, 9 août 1947, p. 3. 35h Tribune, IO juin 1944, p. 5.

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les fonds nécessaires, de transporter les enfants, de former les moniteurs. Nous croyons que

le rôle du directeur ecclésiastique semble important parce que c'est le représentant de

l'Église, c'est lui qui rappelle que le mouvement de 1'OTJ est un mouvement catholique, sous

tutelle cléricale. C'est le contexte des années 1940-1950, où 1 ' ~ ~ l i s e joue un rôle

prépondérant dans la société québécoise.

2.3.2 Aumôniers

Le directeur ecclésiastique délègue des aumôniers. Ces derniers s'occupent avant tout

du côté pédagogique, spirituel et moral. Ils sont présents pour les enfants. Sans eux,

d'Oeuvre ne pourrait pas réussir [car] ce sont eux qui apprennent aux enfants à se connaître,

à s'entendre, à s'aimer, à coopérer afin de faire, plus tard, de meilleurs citoyens.%

L'aumônier présent sur un temin de jeu doit répondre à quatre critères, selon le rapport de

1943 : il doit être saint, disponible, psychologue et bon. Saint parce qu'on «fait plus de bien

par ce qu'on est ou ce qu'on fait, que par ce qu'on dit»; disponible parce qu'il adoit se donner

totalement [aux enfants], corps et âme»; psychologue parce qu'il doit connaître I'enfant «pour

le comprendre et l'éduquem; bon parce qu'il se doit d'être un «grand frère» pour les

séminiiiistes et les moniteurs, les eficourager et les remonte?'.

L'aumônier ressort, selon le rapport de 1943, comme étant la présence «divine» sur le

terrain. II raconte des histoires aux enfants, ayant toujours une belle morale à la fin. Par

exemple, quand I'OTJ se déroulait au pied du pont, à Rock Forest. il y avait le «sermon de la

36 Ibid "AAS, Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, p. 15.

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roche». À tous les après-midi, après le dîner, l'aumônier racontait une histoire, «orientée de

manière à pouvoir leur donner une leçon38».

2.3.3 Moniteurs

Concrètement, la tâche des moniteurs est d'amuser et d'encadrer les enfants. Dans la

ligne d'idée de l'Oeuvre, ils ont pour rôle d'inspirer les enfants et de leur montrer l'exemple

par leur comportement. Ivan Beaulieu, qui a été moniteur pour I'OTJ dans les années 1950,

dit que pour devenir moniteur, tout ce qu'il fallait, c'était «un peu d'initiative et de

Les moniteurs avaient la charge de groupes d'enfants, qu'ils devaient occuper

par des activités sociales, sportives et culturelles. Iis étaient généralement âgés de 16 à 21

ans.

Les moniteurs sont choisis quelques mois avant le ddbut de la saison estivale. À

certaines reprises, un camp de formation leur est offert quelques jours avant le début de la

saison otéjiste. Ils n'étaient pas payés mais n'avaient rien à débourser non plus. Aussi, à

partir du mois d'octobre, une réunion par semaine était tenue où les futurs moniteurs

apprenaient des jeux et des chants. Un exemple de camp de formation est le suivant : en

1952, parmi les jeunes choisis pour devenir moniteurs, «plusieurs de ce groupe eurent

l'avantage d'aller suivre un cours spécial pour la formation des moniteurs et monitrices de

terrains de jeux, à Saint-Jean [...] Ces cours rendent de précieux services aux oeuvres de

loisir en leur préparant des moniteurs compétents.'% Ce stage de formation leur «donnait des

-- -

3 8 ~ ~ ~ , cassette AS 1 B, entrevue avec Georges-Henri Tremblay. 3 9 ~ ~ ~ , cassette AS 3 A, entrevue avec Ivan Beaulieu. *US, Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, été 1952, p. 5.

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techniques de base sur la psychologie des jeunes et puis aussi sur comment organiser des

activités avec des jeunes [.-. Ils avaient] des moniteurs[ ...] qui venaient [leur] donner des

informations sur les premiers soins."n Aussi, selon les qualifications et aptitudes respectives

de chaque moniteur, untel pouvait être responsable d'une activité en particulier, soit en sport,

en chant, en sciences naturelles ou en d'autres domaines.

Dans les années 1930 et 1940, les moniteurs étaient souvent des séminaristes du

Grand Séminaire, mais vers les années 1950, n'importe quelle personne responsable,

démontrant de l'intérêt p u r les loisirs des jeunes, pouvait devenir moniteur à 1'OTJ. De

toute façon, pour un futur clerc ou pour un jeune laïc, l'expérience de travailler avec des

enfants et de jeunes adolescents s'avérait des plus e~chissantes, quoique très fatiguante : d e

me souviens qu'après une journée comme celle-là, j'étais tellement épuisé, je me reposais sur

une grande ~haise.4~.

Desève Cormier nclus apprend qu'un uniforme était de mise : les moniteurs portaie3t

la chemise bleue et le pantalon gris, tandis que les monitrices se vêtaient d'une blouse jaune

et d'une jupe bleue. De plus, tous deux avaient un foulard au cou et un écusson de L'OTJ.

2.3.4 Parents

Pour que l'Oeuvre puisse se développer, i1 fallait que les parents y envoient leurs

enfants. La direction et le clergé voulaient les sensibiliser aux bienfaits qu'apportait

"SHS, cassette AS 3 A, entrevu2 avec Ivan Beaulieu. "SHS. cassette AS 1 B, entrevue avec Georges-H~M Tremblay.

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l'Oeuvre, aux dangers que leurs rejetons pouvaient courir à être laissés à eux-mêmes, à jouer

dans les mes. On attendait aussi des parents qu'ils contribuent lors de levées de fonds, qu'ils

comprennent que 1'OTJ est a u s e ~ c e de la population de ~herbrooke~~s . Dans divers

articles de La T'une, des messages sont lancés aux parents : continuer cette belle

oeuvre, les dirigeants demandent la collaboration et l'encouragement des parents et d'envoyer

Iews enfants au parc Jacques-Cartier et dans les m6rents parcs de la ville où I'OSJ exerce

son action'% ou encore : <&IOUS avons tenu à faire connaître ce procédé au public afin que

tous les parents sachent que, tout en jouant, les enfants peuvent acquérir une formation

inestimable, qu'ils ne pourraient trouver dans les manuels de classe.45»

Nous verrons plus loin que 1'OTJ organisait une journée pour les parents, dans le but

de promouvoir le mouvement, pour qu'ils voient concrètement ce que I'OTJ pouvait offrir à

leurs enfants.

En résumé, pour que toute organisation fonctionne, il faut que chacun tienne son rôle.

L'OTJ ne fit pas exception à cette règle; chaque acteur avait un rôle à tenir. La direction de

I'OTJ s'occupait des détails techniques; elle se devait de faire tout en son pouvoir pour

répondre aux besoins financiers et matériels qu'exigeait le bon déroulement d'une saison

otéjiste. Les aumôniers devaient être présents le plus souvent possible sur les terrains de

jeux, gagner la confiance des enfants pour les amener à se confier, leur prodiguer de

judicieux conseils et les garder dans le bon chemin. Les moniteurs amusaient les enfants,

4 3 ~ ~ ~ , dépliant sur I'OTJ, 1959. '% Tribune, 28 juillet 1948, p. 3. 45 Lu Tribune, 10 août 1948, p. 3.

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organisaient et animaient les différentes activités; par leur comportement, ils inspiraient les

enfants. Les autorités municipales fournissaient des octrois à l'Oeuvre, lui permettaient

l'accès aux parcs et faisaient en sorte que ces derniers soient fonctionnels. Quant aux

parents, sensibilisés aux bienfaits qu'apportait I'OTJ, ils étaient invités à confier leurs jeunes

tout l'été aux bons soins des moniteurs et des aumôniers. Maintenant que les différents rôles

des principaux acteurs ont été expliqués, nous passerons à un autre aspect bien important, le

financement de 1'OTJ.

2.4 Le fmancement

Toute activité de cette envergure, pour fonctionner, requiert de l'argent. L'Oeuvre des

Terrains de Jeux n'échappait pas cette règle. Nous venons de voir que la direction de

l'OTJ, son <<comité protecteun,, s'occupait du financement- Mais oi? trouvait-elle les fonds

nécessaires au déroulement des activités? Nous examinerons cette question en décrivant

quatre sources de financement : les octrois municipaux, les levées de fonds, les contributions

parentales et les dons divers.

2.4.1 Octrois municipaux

Les autorités municipales octroient des dons à l'Oeuvre des Terrains de Jeux à partir

du milieu des années 1940. Les archives de la Ville de Sherbrooke rendent compte des

octrois accordés, pour certaines années. Malheureusement, les sources consultées ne

s'étendent pas à toutes les années qui nous intéressent. Regardons ce que nous avons trouvé,

pour les années 1944- 1950 (tableau 2).

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Tableau 2

Octrois de la Ville de Sherbrooke à I'OTJ : 1944-1950

I Années 1 Octrois ($)

1 1947 non-disponible

Source : Fonds de 19 Ville de Sherbrooke

De 1930 à 1944, il n'y avait rien. En 1944, fi y eut un octroi de 600$. En 1945, on note une

augmentation considérable. En 1946, précisons qu'un premier versement de 2000$ est suivi

d'un deuxième octroi de 500$ en octobre. En 1 9 4 8 ~ ~ , la Ville donne 2500$. Notons une

baisse de 500$ en 1949 et le montant se rétablit à 3000$ en 1950~'. C'est tout ce que nous

avons pu obtenir aux archives de la Ville, au sujet des octrois à l'Oeuvre des Terrains de

Jeux. Il semble probable que la ViIle ait continué à verser un montant B l'OTJ, parce que

dans l'entrevue avec Ivan Beaulieu, moniteur dans les années 1950, ce dernier mentionne que

la municipalit6 ia toujours octroyé un montant d'argent pour défrayer une certaine partie des

salaires des moniteurs, du personnel, des équipements et puis tout ce que ça pouvait prendre

pour réaliser l'Oeuvre des Terrains de ~eux."»

% n'y avait rien d'écrit au sujet de I'année 1947. La responsable des Archives ne pouvait pas nous expliquer pour quelle raison. 47~onds de la Ville de Sherbrooke, W00084, budgets. 4 8 ~ ~ ~ , cassette AS 3 A, entrevue avec Ivan Beaulieu.

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Dans une lettre non datée du fonds de I'OTJ, écrite probablement en 1959, il est noté

que pour maintenir les services de I'OTJ, <<il faut 24 ûûû$ par an, que I'Oeuvre est octroyée

par la Cité et la ~ r o v ù i c e ~ ~ de 13 000s et qu'il faut trouvé [sic] annuellement un 10 oOO$...~~»

Cela veut donc dire que même s'il faut calculer qu'en 1940, il en coûtait moins cher qu'en

1959, les octrois municipaux ne sufiïsaîent pas à faire vivre l'Oeuvre.

Indépendamment des octrois à I'OTJ, nous avons pu observer les budgets destinés, à

partir de 1945, à l'entretien des différents parcs par le Service de Récréation. Comme nous le

verrons en examinant de plus près ce sujet dans le prochain chapitre, c'était toujours le parc

Jacques-Cartier qui obtenait le montant le plus élevé, suivi par le parc Dufresne. Il est facile

de comprendre que le parc Jacques-Cartier, étant le plus gros parc, nécessitait davantage de

budget pour être maintenu en état.

Puisque les octrois de la viiie de Sherbrooke n'étaient pas suffisants, il fallait que

l'exécutif de 1'OTJ trouve d'autres sources de revenus. Les revenus supplémentaires étaient

générés par des levées de fonds.

2.4.2 Levées de fonds

Les levées de fonds ont toujours été un moyen efficace d'amasser de l'argent. La

direction de I'OTJ faisait appel à la générosité des gens. Par le biais des journaux, de la radio

4 9 ~ * e s t le seul endroit oh il a été question d'octrois provinciaux, du moins dans le Fonds de L'OTJ. US, lettre de Bruno Lavigne, ptre, B Mgr Cabana. s.d.

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et de la télévision, l'Oeuvre annonçait à la population une prochaine campagne de

souscription. En 1959, 170TJ a demandé à Mgr Cabana d'écrire un prône au sujet de

l'Oeuvre et de le distribuer aux curés de chaque paroisse pour qu'ils le lisent aux fidèIes, la

semaine avant la campagne de souscription. Dans son texte, Mgr Cabana déclarait :

Il est donc de votre devoir de soutenir une oeuvre qui vous aide dans l'éducation des enfants et même vous remplace à certains moments. Comme vous veillez au bien de vos enfants lorsqu'ils sont à la maison, procurez à 1'OTJ qui vous remplace, les ressources nécessaires pour qu'elle veille sur vos enfants lorsqu'ils sont au terrain de jeuxs1.

À l'occasion de la lecture de ce prône, les curés faisaient une quête spéciale pour 170TJ.

Dans le cadre de ses levées de fonds, 170TJ organisait des radiothons. «On faisait

venir des artistes de Montréal, style chansonniers, chanteurs, orchestres, justement pour aller

chercher des fonds [...] On pouvait peut-être aller chercher 7, 15, 12 ou 20,000 piastres, ça

dépend, pour une soirée.52>> Les spectacles étaient diffusés à la radio et à la télévision. Des

équipes de bénévoles se promenaient dans la ville de Sherbrooke pour aller de porte en porte

recueillir les dons. Ces radiothons amenaient une grosse partie du budget nécessaire à

l'organisation. Il est difficile pour nous de connaître vraiment le montant que 1'OTJ amassait

lors des radiothons. M. Carrier Fortin se souvient qu'en 1945, les membres du comité de

direction passaient dans les rues et pouvaient amasser entre 1 5 0 $ et 2 000$. Dans un article

de La Tribune en 1957, on apprend que «170TJ récolte une somme de 4 ~ 0 0 5 ~ ~ ~ lors de la

campagne de souscription ~ ~ u m e z vos lumières"». Peut-être que certaines années, le

"AAS, prône de Georges Cabana, 26 avril 1959. s 2 ~ ~ ~ , cassette AS 3 A, entrevue avec Ivan Beaulieu. S 3 ~ Tribune, I l octobre 1957, p. 3. Y On invitait les gens à allumer leurs lumières, à la maison, et les bénévoles frappaient a u maisons dont les lumières étaient allumées, pour recueillir les dons.

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montant récolté par I'OTJ pouvait s'approcher du 20 000$ dont parle Ivan Beaulieu, mais

selon nous, dans les années 1950, il devait être rare, sinon impossible, qu'une telle somme

soit amassée. Probablement que 20 000$ reflète davantage une somme amassée au début des

années 1960 ou c'est tout simplement un cas typique du gonflement dû au passage des ans et

à l'inflation.

Le succès des radiothons et des campagnes de souscription de I'OTJ démontre la

popularité de cette oeuvre. Les Shefbrookois sont manifestement conscients de l'importance

du développement de loisirs organisés pour les jeunes.

2.4.3 Contributions parenkdes

Nulle part dans nos sources n'avons-nous vu un texte mentionnant une contribution

parentale. Nous en déduisons qu'il n'en coûtait rien aux parents d'envoyer leurs enfants à

L'OTJ. En fait, cette gratuité est logique puisque les activités étaient offertes aux jeunes de

toute condition sociale dans un but éducationnel. Les parents étaient libres de donner ce

qu'ils souhaitaient, dans la mesure de leurs moyens, lors des campagnes de souscription ou

lors des radiothons. D'après les sources et les entrevues, les parents n'avaient rien à défrayer

pour la saison otéjiste.

2.4.4 Dons divers

Des dons divers provenaient surtout d'ecclésiastiques, en particulier de l'évêque. Par

exemple, en 1955, dans une lettre à Mgr Cabana, un responsable de I'OTJ écrit : «Nous avons

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récemment reçu le chèque de 20W$ que vous avez eu l'amabilité de nous remettre [..JS5»

Trois ans plus tard, en 1958, on remercie Mgr Cabana d'un don de 1 0 0 $ pour 1'0euvres6.

Un autre don, non monétaire, fut celui de l'ex-maire Joseph Labreque. À l'été 1943, il a

offert à 1'OTJ un drapeau, <mais c'est tout un drapeau que, désormais, nos enfants salueront

sur leur parc Jacques ~artier."» ll s'agit du drapeau carilion. Également, il y eut

probablement des commandites puisqu'un article du Messager de Saint-Michel annonce que

<CC...] l'Oeuvre s'adresse au public généreux ainsi qu'au commerce et à 1'industrieS8,.

Le fait demeure qu'au niveau du financement, il était rare que 1'OTJ ait un surplus de

revenus par rapport aux dépenses engendrées pour le fonctionnement de ses activités. <<Vous

comprendrez qu'un tel programme demande une somme assez considérable d'argent pour

procurer à toute cette jeunesse des divertissements convenable^.'^» Certaines activités ont dû

être mises sur la glace : «Pour survivre pendant ces trois denrières années, 1'OTJ a dû

suspendre ou limiter certaines activités; voulez-vous voir votre OTJ mourir ou

Durant toutes ces années, l'argent fut le problème majeur de I'OTJ : «Voilà le point épineux:

de l'argent, toujours de l'argent.%

"AM, lettre de Henri Royer à Mgr Georges Cabana, 30 nov. 1955. 5 6 ~ ~ ~ , lettre du Dr AA. Mignault à Mgr Cabana, 3 nov. 1958.

Messager de Saint-Michel, l er août 1943, p. 3. ''Le Messager de Saint-Michel, 17 déc. 1960, p. 1 . ''Le Messager de Saint-Michel, 23 mai 1943, p. 3. %s, dépliant sur 1' OTJ, 1959. 6 1 A A ~ , Rapport sur l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, p. 19.

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Dans ce chapitre, nous avons vu comment est apparue I'OTJ 3 Sherbrooke et nous

avons examiné son fonctionnement au niveau de l'administration et des finances. La

croissance rapide de la population de Sherbrooke a grandement contribué à l'implantation de

l'Oeuvre et à; son développement. Le contexte d'une vale manufacturière en pleine

croissance fait en sorte que les Sherbrookois se sentent concernés par ie fait que leurs enfants

ne soient pas suffisamment encadrés, surtout durant l'été, dors qu'il n'y avait pas d'école.

On craignait que jouer dans la rue n'entraîne une certaine délinquance juvénile, à cause de la

mauvaise influence que les enfants pouvaient tirer des comportements dont ils étaient

témoins. Danger mord, donc, de la rue, mais aussi danger physique puisque les enfants

étaient sans sucveiXIance adulte. On va même jusqu'à mentionner que les terrains de jeux, en

apprenant les bonnes valeurs aux enfants, réduiraient le nombre de prisons au Québec.

La réaction face à cette situation, jugée dangereuse, ne se fait pas attendre. On peut

parler d'une réaction concertée des élites. Dans un premier temps, les hommes d'affaires

prêtent leurs camions pour le transport des enfants, dès 1929, appuyant ainsi l'initiative de

U o Cadorette et du père Thomas Côté. L'Église s'implique définitivement à partir de 1932

par l'entremise de l'abbé Origène Vel qui a demière lui le plein appui de l'évêque. Enfin,

entre 1934 et 1936, les autorités municipales, en investissant dans les parcs et les terrains de

jeux, amènent leur contribution à la cause. Dans les années suivantes, ces dernières

augmenteront leur implication en subventionnant l'oeuvre des Terrains de Jeux.

Notre analyse de l'administration et du fmancement de I'OTJ a montré à quel point

certains acteurs - l'élite économique francophone, le clergé et les responsables municipaux -

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ont collaboré tout au long d e I'histoire de cette œuvre. Un facteur ressort clairement,

déterminant l'évolution de l'oeuvre : les besoins croissants de fiancement. Même si,

officiellement, le clergé contrôle e70TJ, l'appui des élites économiques, qui siègent au comité

de direction, et des autorités municipales, qui investissent de plus en plus, sont

indispensables. Avant de revenir sur cette situation paradoxale, le moment est venu de passer

aux activités pratiquées à I'OTJ.

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CHAPflRE III

LES AcTIVITÉX

Quelles sont les activités? Quand se déroulent-eh? Qui y participe? Examiner tout

ce qui se rapporte aux activités est au coeur de notre démarche, car ce sont les activités qui

traduisent le mieux les objectifs de l'Oeuvre. Nous voulons savoir comment se déroulaient

les activités de I'OTJ diirant Ies années 1930 à 1960 et dans quelle mesure celles-ci ont

changé durant cette période. Ainsi, trois points seront traités : le lieu et le temps des activités,

la fréquentation de I'OTJ et la nature même des activités.

3.1 Le lieu et le temps des activit6s

Nous avons mentionné à quelques reprises le parc Jacques-Cartier. Cependant, il

existait d'autres parcs dans les divers quartiers de la ville, où se déroulaient également des

activités otéjistes. Pour bien cerner quand et où l'Oeuvre des Terrains de Jeux se déroulait,

nous diviserons ce thème en quatre yints : les différents parcs, les différents quartiers, les

journées de la semaine où les activités ont lieu et les mois durant lesquels elles se pratiquent.

3.1.1 Un ou plusieurs parcs?

Le parc Jacques-Cartier tenait lieu de parc central, en ce qui concerne les activités de

1'OT.T. Il a été fondé en 1936', vraisembIabIement pour répondre aux besoins de cette

oeuvre. Au sujet de la date de fondation du parc, il faut mentionner que c'est un an plus tôt,

'G. TREMBLAY, Notre-Dame du Perpétuel-Secours, Sherbrooke, Éditions Pauline, 1966, p.327.

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en 1935, que «la ville a cédé à l'Oeuvre [...] le terrain du parc ~acques-~artierl ...fi Nous en

déduisons que 1936 est l'année où le parc fut ouvert officiellement. Nous avons vu qu'avant

1936, les activités se déroulaient au pied du pont à Rock Forest. Il est difficile de savoir si

les autres parcs de la ville recevaient à ce moment des jeunes dans le cadre d'activités

organisées de type otéjiste. Dans une entrevue avec M. Ivan Beaulieu, celui-ci prétend qu'il

n'y avait que le parc Jacques-Cartier. Cependant, le Rapport de 1943 mentionne que I'OTJ

sherbrookoise est divisée en cinq sections : Centre, Immaculée, Est, Ste-Jeanne d'Arc et Ste-

Thérèse3. Desève Cormier, qui fut assistant-aumônier et directeur de 170TJ dans les années

19504, a expliqué que même si les activités se déroulaient principalement au parc Jacques-

Cartier, trois journées étant réservées pour les garçons et deux journées pour les fdes, des

activités se déroulaient parallèlement dans les diffdrents parcs de la ville. Les deux journées

où les garçons ne fréquentaient pas le parc Jacques-Cartier (et les trois journées

correspondantes pour les filles) se déroulaient dans les parcs des quartiers d'origine des

jeunes* où les enfCants pratiquaient surtout des activités sportives, selon le souvenir de M.

Cormier.

Il demeure que les cinq sections mentionnées dans le Rapport de 1943 ne

correspondent pas aux paroisses évoquées par Desève Cormier. Chaque section devait

inclure plusieurs paroisses puisque la Ville en comptait plus de cinq en 1960. En effet, dans

l'entretien qu'il nous a accordé, Desève Cormier disait qu'au parc Jacques-Cartier, à l'heure

2 ~ a Tribune, 22 juin 1957, p. 1. 3~rchives de l'archevêché de Sherbrooke (AM), Rapport sur l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, p. 12. 4~e&ve Cormier fut tout d'abord moniteur B I'OTJ vers 1938, pour 3 ou 4 ans. En 1949, il est nommé prêtre et devint assistant-aumônier; de 1953 3 1956, i1 fut directeur de I'OTJ, Ie premier directeur permanent de I'OTJ.

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du dîner, les enfants se regroupaient par paroisse. Nous avons d'abord cru qu'ils retournaient

dîner à la maison, mais il semble que les jeunes étaient divisés en sections selon la paroisse à

laquelle ils appartenaient, au moment de la consommation de la collation qu'ils avaient

amenée avec eux. Ce renseignement explique pourquoi, en dépit du fait que MM. Beaulieu

et Pinard n'avaient pas de souvenir d'une OTJ dans chaque paroisse de la Ville, du moins pas

avant la municipalisation, l'identité paroissiale était néanmoins bien présente dans les

premières années de I'OTJ sherbrookoise.

La municipalité accordait des budgets aux différents parcs de la Ville, puisque chaque

parc devait accueillir des jeunes deux ou trois journées par semaine (deux journées pour les

garçons et trois pour les filles). De toute façon, la municipalité avait la responsabilite

d'entretenir les parcs, les patinoires et les terrains de balle. Jetons un coup d'oeil sur les

budgets trouvés dans les archives de la Ville. Des sommes étaient évidemment accordées à

d'autres parcs que le parc Jacques-Cartier. Par exemple, voici les budgets accordés en 1946,

aux différents parcs de Sherbrooke (tableau 3) :

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Tableau 3

Montants alloués aux différents parcs dans le budget de la Ville de Sherbrooke. 1946

1 Parc Jacques-Cartier 1 7 500$ 1 1 Parc Dufiesne I 3 000s I 1 Parc Saint-François I 850$ I / Parc Saint-Jean-Baptiste I 600s -1 1 Parc Champ de Mars I 1 000s I

( Parc Pelletier 1 800s 1 Parc Victoria 700s

1 Parc Saint-Alphonse I 400s I Parc S ainte-Jeanne D'Arc 800s

Source : Fonds de la Ville de Sherbrooke, Wûûû 84

Total

Maintenant, si le parc Jacques-Cartier demeurait le principal parc jusque dans les

15 650$

années 1950, en 1961, plusieurs paroisses ont leur terrain de jeux. Vers la fin de notre

période, le parc Jacques-Cartier demeure toujours le parc le plus populaire : <Même avec une

baisse des assistances au Parc Jacques-Cartier, nous croyons que ce parc est encore le plus

achalandé et le plus populaire de la ville5.» À cette époque, en plus des activités au parc

Jacques-Cartier, différentes paroisses organisent des activités otéjistes pour leurs jeunes. Il

s'agit des paroisses Saint-Jean Baptiste, Saint-Michel, Christ-Roi, Notre-Dame du Rosaire,

Immaculée Conception, Sainte-Famille, Cœur-Immaculé, Saint-Joseph, Saint-EspriüMarie

Médiatrice, Sainte- Jeanne d'Arc, Saint-BonifdSaint-Charles Garnier, Marie-Reine/Saint-

Colomban, Sainte-ThérèseISaint-Jean de Bre-uf et saint-~acrernent/~ssom~tion~. Ce qui

'AM, Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke, du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 6. 'nid, p. 8-9.

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s'est passé, c'est qu'à la fin des années 1950, sans doute influencée par la croissance du

nombre d'enfants, I'OTJ s'est décentralisée du parc Jacques-Cartier vers les petits parcs de

chaque quartier. Les gens commençaient à parler de municipalisation et à se dire qu'au lieu

de payer qour transporter les enfants au parc Jacques-Cartier, on va en organiser [des

activités] dans les différents parcs qui étaient structurés dans les différents quartiers7». Mais

nous arrêtons ici de parler de municipalisation puisque nous y reviendrons dans le quatrième

chapitre.

Retenons, en ce qui c o n m e le Lieu des activités, que le parc Jacques-Cartier fut

jusqu'au milieu des années 1950 le principal parc où se déroulaient las activités de I'OTJ.

Chaque jour, les autobus venaient chercher les enfants à l'église ou à l'école de chaque

quartier pour les transporter au parc central. Pour répondre à une clientèle toujours croissante

et se rendant compte que ces autobus prenaient une grande partie du budget octroyé par les

autorités municipales, la direction de l'Oeuvre des Terrains de Jeux décide que chaque

quartier, idéalement chaque paroisse, aura son OTJ individuelle, localisée dans le parc le plus

proche. Une décentralisation de I'OTJ s'amorce et la municipalisation s'ensuivra.

3.1.2 Des activités dans chaque paroisse?

Nous venons de décrire la tendance vers la décentralisation des activités de I'OTJ.

Depuis les de%uts de l'Oeuvre, il y avait certaines activités dans chaque paroisse, mais

seulement, pour les garçons, les deux journées où ils n'allaient pas au parc Jacques-Cartier et,

pour les filles, les trois journées où elles n'y étaient pas non plus. Il faudra attendre entre

'~ociété d'histoire de Sherbrooke (SHS), cassette AS 3 A, entrevue avec Ivan Beaulieu.

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1953 et 1956, selon Desève Cormier, pour que les deux sexes se partagent le même parc, cinq

jours par semaine. Mais les garçons avaient leurs activités et les filles avaient les leurs. Suite

à cette innovation, la décentralisation des activités amène chaque paroisse à accueillir les

jeunes et même après la municipalisation des loisirs, il en sera de même. Pour les enfants, il

y avait l'avantage d'être plus près de la maison, de pouvoir aller dîner chez eux.

La décentralisation donnait aussi la possibilité de répondre à des besoins particuliers.

Un bon exemple de ceci : ce que Desève Cormier nous a raconté à propos de la aferme du

Séminaire*. Il ne s'agissait pas vraiment d'une ferme, mais plutôt d'un point de service, une

extension de l'OTJ, un local situé dans la paroisse de l'Assomption, au bout d'une rue

appelée la «nie des tuyaux» (c'est-à-dire la rue l'Assomption), rue assez rude, où il y avait

beaucoup de violence. Pour sortir les enfants de leur isolement, on a organisé des activités

pour eux une à deux journées par semaine, dans cet endroit. La décentralisation de I'OTJ

permettait à des enfants comme ceux-ci de participer aux activités otéjistes, dans un parc près

de leur domicile.

3.1.3 Tous les jours?

Les activités de l'Oeuvre des Tenains de Jeux se déroulaient tous les jours de la

semaine, du lundi au vendredi. Nous l'avons dit plus tôt : jusqu'entre 1953 et 1956, il y avait

trois journées au parc Jacques-Cartier pour les garçons et deux journées, au même parc, pour

les fies. Entre 1953 et 1956, les activités se déroulaient cinq jours sur cinq au parc Jacques-

Cartier. Les enfants arrivaient vers 9h le matin et repartaient vers 16h. Après 1956, la routine

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reste la même, à I'exception du fait que les enfants se rendent au parc situé dans leur paroisse

respective.

3-1 -4 Durant quels mois?

Au début de 170TJ, les activités s'étalaient du début juillet jusqu'à la mi-août,

correspondant ainsi à la période des vacances scolaires de l'été. L'Oeuvre des Terrains de

Jeux consistait en six semaines durant lesquelles on organisait toutes sortes d'activités pour

les enfants. Puis au fd des années, la direction s'est mise à s'intéresser aux loisirs pour les

jeunes, pendant toute l'armée. Par exemple, durant l'hiver, la ligue de hockey était parrainée

par 1'OTJ. Nous ne savons pas exactement quand cette activité a commencé, mais, en

octobre 1954, M. Henry Crochetière, vice-président de la Quebec Amateur Hockey

Association (Q.A.H.A.), écrit une lettre à Mgr Cabana pour proposer que I'OTJ

sherbrookoise devienne membre de cette organisation8. Une autre lettre de novembre 1954,

adressée au même destinataire mais de la part de Maurice Parsons, président du Hockey

Mineur, District Sherbrooke, demande l'affiliation de 1'OTJ à cette organisation. Cette

correspondance semble suggérer qu'à cette époque, I'OTJ organisait plusieurs clubs de

Hockey permettant à des jeunes garçons de pratiquer ce sport durant l'hiver.

Néanmoins, même si le hockey occupait une partie de la jeunesse, et ce, probabIement

bien avant 1954,l'OTJ ne fonctionnait pas nécessairement à l'année longue. Pour cela, il

'AM, lettre de Henry Crochehère à Georges Cabana, 30 octobre 1954.

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faudra attendre 1953. C'est l'année où le premier directeur permanent est nommé. M.

Desève Cormier devient le premier directeur d'une OTJ permanente, offrant des activités à

l'année, hormis le hockey. Par exemple, il y avait Ie bain libre à la piscine du Séminaire,

certains soirs et les jours de fin de semaine, où des cours de natation étaient offerts; il y avait

des cours de formation pour les moniteurs de 170TJ, à raison d'une journée par semaine

pendant la période scolaire. Il y avait aussi le programme d3onjour Jeunesse!», diffusé à

CHLT tous les samedis matin. L'OTJ rassemblait quelques centaines d'enfants dans une

salle paroissiale ou bien dans une école (l'endroit changeait de semaine en semaine), CHLT

diffusait des chorales d'enfants, des concours d'amateurs, offrant ainsi I'occasion à de jeunes

talents locaux de se faire connaître.

C'est donc à partir de 1953 que YOTJ devient une oeuvre de Ioisirs permanente,

oEfrant des activités aux jeunes non seulement l'été, mais en toute saison.

3.2 La fréquentation de L'OTJ

Q u i fréquente 170TJ? Y a-t-il seulement de jeunes enfants qui assistent aux activités?

Est-ce que les plus vieux s'y intéressent également? Les filles et les garçons participent-ils

en nombre équivalent? Est-ce que 1'OTJ est fréquentée de manière assidue? Nous tenterons

de rkpondre ii ces questions en regardant tout d'abord l'âge des jeunes, leur sexe et le taux de

fréquentation des activités.

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3.2.1 Âge des jeunes

En moyenne, ce sont surtout les enfants de 6 à 12 ans qui fréquentent I'OTJ. À partir

de 1954, il se crée un groupe appelé le club des 12-15 pour les jeunes adolescents, où leur

sont proposées des activités plus appropriées pour leur âge. Il est difficile d'imaginer qu'un

jeune homme de 15 ans pourrait s'intéresser à jouer toute la journée avec des pairs bien en

dessous de son âge. Une publication de 1957 rapporte cinq groupes profitant des «bienfaits

de I'OTJ : 1- OTJ garçons, 2- OTJ filles, 3- club 12-15 garçons, 4- club 12-15 filles, 5- ligue

de baseball OTJ'». Nous pouvons observer que la Ligue de baseball est dissociée des autres

groupes de 170TJ. Il semblerait que cette ligue était réservée aux garçons et que les joutes

avaient lieu surtout dwant les soirées.

Au sujet de la fréquentation, nous verrons que les clubs des 12-15 étaient moins

mobilisateurs que 1'OTJ des plus jeunes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Tout

d'abord, probablement que le désintérêt à être contrôlés toute la journée, à être supervisés par

des responsables, à l'âge où l'on commence A avoir soif de liberté, faisait en sorte que moins

de jeunes de plus de 12 ans participaient aux activités de I'OTJ. Il y a aussi le facteur que

c'est à cet âge que l'on commence à désirer un petit travail d'été, à vouloir être indépendant

et avoir moins de comptes à rendre. Comme Desève Cormier l'a mentionné, la direction de

I'OTJ essayait d'intéresser les plus vieux, de rendre les activités intéressantes, et elles

'AM, Bulletin N o 1 de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des loisirs de Sherbrooke, 8 août 1957,

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semblaient bien l'être (théâtre, artisanat, excursions). Il demeure que le club des 12-15 était

nettement moins populaire.

3.2.2 Sexe des jeunes

I l y avait évidemment à la fois des a l e s et des garçons à I'OTJ. Bien que dans ies

débuts de I'OTJ sherbrwkoise, nous croyons pouvoir affirmer que cette organisation était

exclusivement rkservée aux garçons, au fd des ans, les petites filles s'y sont aussi présentées.

Nous l'avons mentionné plus tôt, filles et garçons ne fréquentaient pas le même parc en

même temps. fi a fallu attendre à 1953 pour voir garçons et filles dans le même parc, mais

encore !à, dans deux sections bien distinctes, où chacun participait aux activités de son sexe;

les jeux n'étaient pas mixtes. Les activités différaient. Les filles apprenaient plutôt

l'artisanat, le jardinage, la céramique; elles pratiquaient le badminton, la natation, le tennis;

elles visitaient la bibliothèque. L'OTJ féminine, comme elle était nornrnéc durant ces années,

relevait des Soeurs du Bon-Conseil. Les garçons faisaient du bricoIage et beaucoup de sport;

ils se baignaient, eux aussi, et pratiquaient le baseball, le ballon prisonnier, le volleyball, le

basketball, ils participaient à des olympiades.

À savoir si davantage de jeunes garçons ou de jeunes filles fréquentaient I'OTJ, nous

allons maintenant examiner les niveaux de fréquentation.

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3.2.3 Taux de fréquentation

En ce qui concerne la fréquentation de I'OTJ, nous proposons de procéder de la

manière suivante. D'après les différents rapports des activités estivales de l'Oeuvre des

Terrains de Jeux que nous détenons et les données quantitatives des présences inscrites dans

certains articles de journaux, nous construirons un tableau d'ensemble. sera ainsi plus

facile d'observer les présences féminines et masculines et de les comparer au long des ans.

Pour ce qui est des années 1930, au début de I'OTJ, nous n'avons pas beaucoup

d'information sur la fréquentation. L'abbé Georges-Henri Tremblay, présent sur le terrain

quand les activités se déroulaient à Rock Forest, de 1932 à 1936, mentionne dans son

entrevue : d ' a i vu des journées où il y avait près de 300 enfants à surveiller10». Au moment

où l'abbé Vel s'en occupait, il est question de billets qui étaient distribués aux enfants à

l'église et qu'ils devaient présenter pour assister à I'OTJ : «En 1934, pour contribuer à la

formation morale et religieuse des enfants[...], les autorités décidèrent de n'accepter aux

activités que ceux qui pourraient présenter une carte poinçonnée attestant de leur assistance à

la messe en semaine".» Mais nous n'avons pas de cbliffies comme tels à donner, il n'y avait

pas de rapports faits annuellement. Les premiers chiffres détaillés, contenus dans les archives,

datent de 1945. Nous reproduisons ici un tableau récapitulatif préparé par l'aumônier Paul

Lebrun, dans le Rapport de 195212, sur la fréquentation de I'OTJ sherbrookoise (tableau 4) :

- -

'OSHS, cassette AS 1 B. entrevue avec Georges-Henri Trembla~. "La Tribune, 22 juin 1957, supplément pour le 25' anniversaire de I'OTJ, p. 1. 12AA~. Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, 196 1952, p. 6.

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Tableau 4

Fréquentation de 1'OTJ sherbrookoise : 1945- 1952

Statistiques 1 Moyenne journalière 1 I I

A.NI@E 1 GARÇONS 1 FILLES 1 GARÇONS 1 FILLES 1 TOTAL

Source : Archives de I'Archevêché, Rapport de 1952".

Si les données recueillies par le Père Lebrun sont exactes, il est certain qu'il y a eu

une importante hausse de l'intérêt des jeunes pour L'Oeuvre des Terrains de Jeux pendant ces

années. De 12 145 enfants en 1945. les présences pour les activités estivales ont grimpé à

41 616 en 1952. Il est intéressant de comparer ces chiffres avec les données sur le nombre

d'élèves inscrits à l'école primaire, à Sherbrooke, pendant les mêmes années (tableau 5).

l3 il y a une augmentation m i d h b l e der p&nces- Nous croyons que i'abM Lebnui faisait un total des pr&nces B chaque activit6 plutôt qu'un total des présences journalii?res, ce qui expliquemit cette augmentation vertigineuse,

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Tableau 5

Nombre d'élèves inscrits à l'école mimaire. Sherbrooke : 1945- 1953

On constate une augmentation du nombre d'élèves inscrits à l'école primaire de 55%

alors que le nombre de présences à I'OTJ augmente de 243%. La proportion d'élèves

protestants est de 12.5% en 1945-1946 et de 10.44% en 1952-1953. ïi est certain que I'OTJ

est une oeuvre à caractère confessionnel, catholique en l'occurrence. Probablement que les

petits enfants protestants ne Mquentaient pas les terrains de jeux. Desève Cormier se

souvient que I'OTJ ne visait pas les enfants protestants; l'Église catholique et l'Église

protestante étaient bien distinctes l'une de l'autre. Si des enfants protestants étaient 1% c'était

pour accompagner un ami catholique. Toujours est-il que l'augmentation du nombre d'élèves

dans les écoles primaires confirme la hausse du taux de participation aux activités otéjistes,

Année

1

1945-1946

1946- 1947

1947- 1948

1948-1949

1949- 1950

1950-195 1

1951-1952

1952-1953

Source : Annuaire statistique du Québec

Catholiques

5 732

5 899

6 100

6 283

6 913

7 672

8 361

8 889

Protestants

821

797

837

897

932

975

1 022

1 030

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bien que la croissance soit remarquablement plus élevée en ce qui concerne l'Oeuvre des

Terrains de Jeux.

Maintenant, dans certains articles de journaux, il est aussi question de la

fréquentation. En 1943, d'Oeuvre des Terrains de Jeux a enregistré 9,842 présences chez les

garçons et ce chiffre fut dépassé de beaucoup chez les fillesi4.» Pour l'été 1946, aues

rapports] révèlent qu'on a enregistré quelque 14,514 présences au corn de la saison, soit une

augmentation de 3,369 sur l'année 1 9 4 ~ ~ 9 » En 1957, on peut lire que «46 23716 enfants ont

participé aux activités de I'OTJ, cet été. Ces chiffres ressortent d'un rapport fourni par M.

Jean-Paul Boulé, secrétaire de 1'0euvre".» Cette dernière source est importante puisqu'elle

démontre que la fréquentation de I'OTJ a continué à croître entre 1952 (41,616 présences) et

1957 (46,237 présences).

Concernant l'été 1961, nous reproduirons un tableau de la fréquentation totale des

garçons et filles, au parc ~ac~ues-cartierl* (rableau 6). I1 y est aussi inscrit les présences pour

les années 1959 et 1960".

1 4 k Messager de Saint-Michel. 15 juillet 1944, p. 9. 15 La Tribune, 26 février 1947, p. 2. l6 Encore ici, ce nombre élevC peut s'expliquer par i'addition des pr6sences à chaque activitk. l7Lu Tribune, 15 novembre 1957, p. 2. "AAs, Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke, du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 16. 'bans ce rapport de 1961, nous pouvons voir les prksences à chacun des parcs des dinérentî quartiers. Cependant, étant donné que nous n'avons pas les c w e s pour les années mentionnées dans le tableau précédent (i'OTJ n'&nt pas décentralisee en 1952), nous ne retranscrirons que la fréquentation au parc Jacques-Cartier.

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Tableau 6

Fréauentation de I'OTJ au parc Jacques-Cartier : 1959-1961

1 ~ n f ~ * r PrOVe-t q-

1 Est 1

Ouest

1 1 1 I I

Source : Archives de l'Archevêché, Rapport de 1960-1961.

Centre

Nord

Dans ce tableau, nous constatons une forte baisse. par rapport à 1957, qui peut

s'expliquer par la décentralisation des activités de 1' OTJ, effective durant 1' intervalIe de

temps. En proportion importante, les enfants se contentent d'activités dans les parcs de

quartiers et ne vont plus au parc Jacques-Cartier. Nous observons par ailleurs une forte

hausse en 1960, suivie d'une baisse assez importante en 1961. Dans le Rapport, cette chute

est expliquée par la température, c'est-à-dire des journées pluvieuses, et par le fait que

davantage de paroisses possédaient une barboteuse dans leur parc, diminuant l'intérêt d'aller

au parc Jacques-Cartier pour avoir accès la plage et pouvoir s'y baigner.

Garçons (1961)

3,861

Globalement, après avoir examiné les différents tableaux, nous pouvons dire que

davantage de filles que de garçons ont fréquenté l'Oeuvre, du moins dans les m é e s 1950.

Nous pouvons penser que I'OTJ était populaire puisque si elle ne l'avait pas été, elle n'aurait

pas connu une si grande augmentation dans la fréquentation. Nous retenons donc que I'OTJ

1,400

1,509

4,087 1 6,266 1 10,353 1 14,385 1 11,649

Filles (196 1)

4,827

2,453

2,193

196 1 (total)

8,688

3,853

3,702

1960 (total)

1 1,073

1959 (total)

10,179

4,084

5,032

3,370

3,761

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semble avoir grandi en popularité tout au long des m é e s . Dans La Tribwre, la teneur des

articles, les photos avec des visages d'enfants heureux nous démontrent un intérêt réel pour

l'Oeuvre. L'abbé Cormier se souvient de ses années à 170TJ comme d'une atmosphère de

camaraderie. Les enfants partageaient une relation positive avec leurs aînés, ils les

admiraient. Ua grand nombre d'enfants se déplaçaient pour participer aux activités otéjistes;

qu'y faisaient-ils donc?

3.3 Les activités

di ne manque qu'une chose à l'horaire des terrains de jeux de Sherbrooke : une

période de temps réservée à Dans les articles de La Tribune, il est souvent

question du manque d'argent, de l'importance du rôle des parents, en envoyant leurs enfants

aux terrains dt: jeux, mais il ressort aussi un portrait du plaisir que semblent éprouver les

enfants dans le cadre des activités. En ce qui concerne celles-ci, nous divisons le thème en

six points, essayant ainsi de couvrir toutes les activités pratiquées à I'OTJ. Nous

commencerons tout d'abord par Ia description d'une journée typique à 170TJ, ensuite nous

verrons le phénomène des <<thèmes de semaine» et les activités d'ouverture et de clôture; une

attention sera ensuite portée aux ligues de baseball et aux ligues de hockey et nous

terminerons par les activités offertes à l'année.

"La Tribune, 13 juillet 1957. p. 5.

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3.3.1 Journée typique

Les activités d'une journée à 1'OTJ demeurent à peu près les mêmes tout au long des

années. Dans les années 1930, nos sources dévoilent que beaucoup de place était donnée à la

prière. Georges-Henri Tremblay mentionne qu'après le <sermon de la roche», les aumôniers

faisaiens rkiter -me petits prSïc xün erîiiiiis âhsi qiù'âv~~t !â bâipâde, piùr demmder cide

la protection»21. D'après le rapport des activités de 1943, on peut déduire qu'il se pratiquait

aussi des directions spirituelles : a[ ...] il ne prêtre3 causait avec un petit groupe ou bien

encore écoutait les confidences d'un enfant qui vidait son âme dans la sienne%. Selon

Desève Cormier, dans les années 1950, la religion était moins présente sur les terrains. Il y

avait une messe aux journées d'ouverture et de clôture; il croit bien qu'il y avait peut-être une

prière avant le dîner, mais pas d'activités religieuses proprement dites. Sa mémoire peut faire

défaut car, comme nous le verrons, on récitait chaque jour le chapelet après le dîner.

Maintenant, quelles activités pratiquaient les jeunes? Au début des années 1930, étant

donné que I'OTJ ne se déroulait pas dans un parc, les jeunes s'arni?saient comme ils le

pouvaient avec des balles, des ballons, des bâtons, d s jouaient à plein de jeuxu», c'est-à-dire

au ballon-prisonnier, au baseball, au volleybaii,. . . Il y avait aussi la baignade. Mais il faudra

attendre le déménagement au parc Jacques-Cartier pour que les enfants s'amusent avec des

"SHS, cassette AS 1 B, entrevue avec Georges-Henri Tremblay. US, Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances. 1943, p. 1 1. %HS, cassette AS 1 A, entrevue avec U o Cadorette.

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balançoires et des glissades. Un &de de La Tribune décrit une journée typique à l'OTJ, en

Ces derniers Des enfants] sont d'abord cueillis dans leurs paroisses respectives par un autobus spécial à 8h45, le matin, pour ensuite se rassembler une demi- heure plus tard sur le terrain du parc. Quelques minutes plus tard, les garçons ;se dirigent vers les terrains de balle afin de participer aux différentes joutes cédulées. Le bain vers 10h45 précède le dîner pris vers 1 lh30. Le début de l'après-midi est occupé par ia récitation du chapelet suivie de ia narration de quelques histoires. Puis les jeunes peuvent s'en donner à coeur joie pour participer aux différents jeux organisés sur le terrain. À 2h30 a lieu le deuxième bain de la journée. Ce dernier est suivi d'un programme de jeux et de chants qui continue jusqu'au départ, vers 3h45. Et le lendemain. tout re~ommence*~.

Cette citation nous donne une bonne idée d'une journée oteJiste. Précisons que selon

L'horaire présenté sous fonne de tableau dans ce même article, seules les filles ont à réciter le

chapelet après le dîner. les garçons passant directement à l'écoute d'histoires. Quand il est

question de ligues de balle et de jeux, cela signifie des joutes de baseball pou. les garçons et

les jeux sont ceux dont nous avons parlé plus haut, en plus du ballon-panier, du badminton,

du tennis, du jeu de drapeau, de l'athlétisme. Les fdes s'adonnaient davantage aux activités

culturelles et sociales, ainsi qu'au bricolage.

Nous avons mentionné prkédemment le club des 12-15; les activités de ces jeunes

adolescents étaient plus adaptées à leur âge : du jardinage, des cours de théâtre, de danse et

d'artisanat ou bien encore des excursions. Ces dernières pouvaient consister en une journée à

Montjoie ou bien à Granby; les jeunes apportaient leur «lunch» et partaient en autobus. Il

pouvait leur en coûter 10 à 15 cents par excursion. Ajoutons aussi qu'à chaque heure de

"ta Tribune, 13 juillet 1957, p. 5.

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dîner, pour tous les otéjistes, un berlingot de lait ou de lait au chocolat, communément appelé

«vice», était distribué gratuitement. Partout dans les sources, articles et témoignages, il est

mentionné que cette distribution était très appréciée et que les enfants en raffolaient. Cela

leur faisait quelque chose à boire avec leurs repas, surtout que s'ils apportaient un jus dans

leur <<lunch», celui-ci s'était réchauffé à l'heure du dîner.

3.3 -2 Thèmes hebdomadaires

Dans le livre de Gérard Dion, L'Oeuvre des Terrains de Jeux de Québec, il est

question de thèmes hebdomadaires, pour mettre de l'ordre dans l'éducation, pour satisfaire

au besoin que les enfants ont de changement, d'extraordinaire et de nouveau2'». Gérard Dion

rapportent les thèmes hebdomadaires suivants : semaine de la sécurité, sportive, patriotique,

missionnaire, mariale et sportive à nouveau. À Sherbrooke, dans le rapport des activités de

1952, à peu près les mêmes thèmes sont mentionnés : Semaine Sportive, du Sacré-Coeur,

Nationale, Missionnaire, de la Messe, Familiale et Mariale. <Chaque semaine avait son mot

d'ordre, son attraction spéciale et ses surprises. Ce genre d'organisation plaît à nos otéjistes,

parce qu'il les maintient dans une atmosphère mystérieuse et leur fait désirer le jour suivant

ou la semaine qui s'en vient pour découvrir les secrets qu'ils leur réserven?>>

%G. DION, L'oeuvre des Temins de J e u de Québec, Que-, Les Éditions du Cap Diamant, 1943, p. 89. 26AA!3, Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, 1952, p. 5.

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Nous avons demandé à D&ve Cormier s'il se rappelait de tels thèmes et il nous a

répondu qu'il se souvenait de journées spéciales qu'il y avait une fois par semaine, selon un

thème préétabli. Par exemple, il y avait la journée des pompiers, où l'on fabriquait une

cabane en bois, on y mettait le feu et on appelait les pompiers. Les jeunes calculaient alors

combien de temps il leur fallait avant d'arriver; c'était la semaine des pompiers et de Ia

prévention des incendies, en quelque sorte. Il y avait aussi la journée des policiers. Ces

derniers venaient en motocyclettes, faisaient embarquer les enfants avec eux, pour faire un

tour. <<Les jeunes de L'OTJ ont appris [...] que le policier est leur protecteur et l'ami de tous.

[..-] II y a quelque temps, les pompiers avaient montré aux enfants les méthodes qu'ils

emploient pour combattre les incendies.27» Un autre thème était celui des animaux. Cette

semaine-là, les enfants se déguisaient ou amenaient un animal. Ii semblerait qu'au début des

années 1960, les thèmes hebdomadaires aient été rempIacés par un thème annuel ou «thème

de la saison».

Au niveau du club des 12-15, dans le rapport de 1961, les sources font mention d'un

thème de la saison, soit la Fraternité internationale chez les filles; chez les garçons, aucun

thème n'est mentionné, mais des visites industrielles ont été effectuées à l'édifice La Tribune

et à l'usine d'embouteillage ~ e ~ s i - ~ o l a ~ * . Par ailleurs, dans ce même rapport, il n'est pas

question de thèmes hebdomadaires quant aux activités des plus jeunes; tout ce qui y est

% Tribune, ler août 1957, p.2. =AM, Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke. du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 18 et 20.

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mentionné, c'est un thème de saison, les moyens de transport, où les enfants «étudiaient>, les

domaines suivants: la bicyclette, l'automobile, la marche, le bateau et

Ces thèmes ont été instaurés pour intéresser davantage les enfants à I'OTJ, mais nous

croyons qu'au fil des ans, ils sont dcvcrius sîûiins définis. Px eneilipk, en 1352, les 'u"iimcs

des semaines sont inscrits dans le rapport; pourtant, dans l'entretien avec Desève Cormier,

celui-ci a mis du temps à se rappeler de tels thèmes. Nous croyons donc qu'ils sont devenus

moins importants à partir du milieu des années 1950.

3.3.3 Activités d'ouverture et de clôture

Par activités d'ouverture et de clôture, nous faisons référence à la première journée de

l'été, ainsi qu'à la dernière, et non à l'arrivée et au départ des enfants à chaque joumée. Nous

en faisons un point à étudier plus particulièrement parce qu'il s'agissait d'activités spéciales

fortement publicisées. La plupart du temps, à l'ouverture, une messe était célébrée sur place,

suivie de discours de personnalités importantes; par exemple, en 1952, Mgr Cabana, évêque

de Sherbrooke, M. Carrier Fortin, président de l'oeuvre, M. Maurice Gingues, député

fédéral ainsi que M. Joseph Labrecque, président de la Commission scolaire de Sherbrooke

ont tous prononcé une allocution, devant plus de 1500 personnes lors de cette journée

%id., p. IO.

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d 'ouver t~re~~. Les enfants passaient alors la journée à s'amuser et à se baigner. Il y avait des

jeux-surprises, pour lesquels des prix étaient remis aux gagnants.

Durant la journée de clôture, les dirigeants en profitaient pour remettre les différents

trophées aux clubs vainqueurs de caiigûfies teks que balle-mûk, b ~ a o - p ï i s ~ ï ï ï i i ~ ï ~

drapeau, fer, bailon-volant ou teds31. Aussi y avait-il toujours une attraction spéciale

organisée pour les enfants. Par exemple, en 1957, un bazar est tenu ainsi qu'un «Ride-O>>,

c'est-à-dire <différentes promenades offertes aux enfants, soit en chaloupe, en poney ou en

bateau à moted2.» Ils participent à des concours d'adresse, comme des jeux d'anneaux ou

de dards. Souvent, à l'occasion de cette dernière journée d'activités, les enfants prennent le

souper au parc et une parade clôture la saison. Les parents sont invités à cette fi de journée.

Nous glisserons ici un court mot sur les parents : il y avait des journées organisées

spécialement pour eux, pour qu'ils puissent observer ce que font leurs enfants sur les terrains

de jeux et rencontrer les moniteurs. En 1959, l'organisation de I'OTJ invite les parents des

jeunes otéjistes à se rendre sur les terrains, pour qu'ils se rendent compte «de ce qui s'y fait

pour leurs Ils sont au moins une fois par année les invités d'honneur : «Les

parents des jeunes de I'OTJ qui fieuentent le parc Jacques-Cartier seront les invités ce soir à

-

3 0 ~ ~ ~ , Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, été 1952, p. 4. 3 ' ~ Messager de Saint-Michel, 28 août 1948, p. 4. 3 2 ~ Tribune, 21 août 1957, p. 2. 33Le Messager Saint-Michel, 25 juillet 1959, p. 11.

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la soirée annuelle des parents34>>. Les parents peuvent à cette occasion s'y rendre en autobus,

tout comme leurs enfants le font chaque matin, en se présentant aux portes de l'église de leur

paroisse respective.

atmosphère de joie. La journée de clôture récompensait les enfants qui s'étaient distingués

dans des catégories tels les sports ou le jardinage; les otéjistes faisaient aussi la présentation

de pièces de théâtre répétées durant l'été. C'est également à la fin des activités estivales

qu'était présenté le «derby des bazouss. De jeunes garçons de 12 à 15 ans se fabriquaient une

automobile «boîte à savon» et des prix étaient remis. Il y avait bien sûr le prix au gagnant de

la course, qui se déroulait sur le boulevard Portland, mais il se donnait aussi des prix pour

l'originalité, la beauté, la vitesse ou l'ingéniosité. Les règlements de ce concours étaient

stricts : le véhicule devait être l'oeuvre de l'enfant et non d'un adulte; la solidité des roues,

des essieux et des freins devait passer l'inspection. Les concours se déroulaient ainsi :

Toutes les courses seront basées sur un système d'élimination à trois épreuves consécutives. La première épreuve comprendra deux descentes de tous Ies concurrents : la moitié des concurrents soit ceux dont les véhicules sont les plus rapides participeront à la seconde et le groupe sera de nouveau divisé par deux pour la dernière épreuve3'.

Ces courses étaient très populaires. II y avait même une finale régionale pour tous les

gagnants de la région, où les finalistes des villes avoisinantes participantes se rencontraient

3 4 ~ a Tribune. 13 août 1957, p. 3. " ~ a Tribune. 16 juillet 1958, p. 2.

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pour prendre part à la grande finale. C'était tout un événement auquel assistaient beaucoup

de Sherbrookois.

3.3.4 Ligues de baseball

Le baseball se classait parmi les activités les plus populaires chez les jeunes garçons.

Ii y avait différentes catégories. Dans les années 1940, les ligues de balle étaient divisées en

deux : «Une pour les grands et l'autre pour les petits, [...] et l'on [faisait] des clubs dans

chaque paroisse36.» A ce moment, il n'y avait pas vraiment de tournois régionaux. Mais à

partir des années 1950, on voit apparaître une meilleure organisation, dont la création de la

ligue de basebail juvénile, qui regroupe, en '1960, 20 clubs, incluant 260 joueurs âgés de 10 à

19 ans3'. D'après Ivan Beaulieu, c'est vers 1957 qu'une structure provinciale de baseball

(ainsi que de hockey, mais nous parlerons du hockey au point suivant) s'est mise sur pied,

regroupant toutes les OTJ du Québec. À partir de ce moment, des tournois étaient organisés

et les enfants voyageaient dans d'autres villes, pour y affronter différentes équipes. Un esprit

de compétition est né entre les équipes de basebail des villes offrant I'OTJ.

À l'intérieur même de la ville, la ligue de baseball était divisée en deux sections :

centre et ouest. Regardons quels clubs faisaient partie de ces divisi~ns'~, en 1958 (tableau 7):

36 Le Messager de Sa&-Michel, 30 juin 1945, p. 3. 37L4 Messager de Saint-Michel, 16 juillet 1960, p. 9. 3 8 ~ a Tribune, 14 février 1958. p. 15.

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Tableau 7

Sections de la ligue de baseball, Sherbrooke : 1958

1 École du Centre I École Lamcque

I St-Jean-Baptiste Saint-Joseph l

1 L ~ . a e 1 N-D du Rosaire

Source : La Tribune, 14 février 1958

Chaque club s'affrontait à tour de rôle durant ta saison; ensuite se déroulaient les

finales de sections, suivies de la fuide entre les gagnants de chaque section, pour désigner

l'équipe gagnante de la saison à Sherbrooke. Pour le tournoi provincial, les dirigeants de la

ligue formaient une équipe étoile, avec les meilleurs joueurs de chaque ville, pour affronter

les autres équipes du Québec. Durant la saison de baseball et durant ies éliminatoires, les

joutes étaient disputées sur semaine, vers 18h30 ou bien le dimanche, vers 13h3d9.

39k Tribune, 5 août 1957, p. 14.

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3.3.5 Ligues de hockey

Les ligues de hockey furent une autre attraction pour les garçons, à laquelle nous

avons déj2 fait référence. Pour I'organisation de 1'OTJ. c'était une bonne façon d'occuper les

jeunes garçons durant l'hiver. En ce qui concerne la composition des équipes, <<elles

recrutent leurs joue-wrs à I ' icûk paroissiale en &&le g6ii6ide7 et il va ds soi, les E q i i j

portent le même nom [que] leur école respective%, mais cela ne concerne que les équipes

bantams (12-13 ans) et midgets (14-15 ans). L'équipe juvénile (16-17 ans), quant à elle, est

formée selon les secteurs de la ville. Il faut savoir que les équipes de hockey de 1'OTJ de

chaque ville «sont affiliées à la COP section Hockey (Confédération Otéjiste Provinciale) qui

a son siège social à ~ u é b e c ~ ' . » Cetîe dernière est membre de I'AHMQ, c'est-à-dire

l'Association de Hockey mineur du Québec, depuis probablement 1954 ou 1955. En effet,

comme nous l'avons vu, une lettre datée du 7 novembre 1954 de Maurice Parsons, président

du Hockey Mineur, District Sherbrooke, de 17AHMQ, demande au prksident de l'Oeuvre,

Alphonse Bélanger, de faire milier I'OTJ ii son organisation. Cela signifie donc que

l'Oeuvre des Terrains de Jeux n'était pas associée à une ligue provinciale de hockey avant

cette date. Selon Maurice Parsons, les avantages d'être membre de I'AHMQ sont nombreux :

classification par âge, assurance protégeant les joueurs en cas de blessures et même assurance

par équipe peu onéreuse42.

% Tribune, 10 janvier 1958, p. 15. 4'1bid, p. 15. 4 2 ~ ~ ~ , lettre de Maurice Parsons à Alphonse Bélanger, 7 novembre 1954.

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Toujours est-il que cette ligue de hockey était bien organisée et très prisée. De façon

analogue à la ligue de baseball, il y avait la saison régulière, où les équipes de Sherbrooke

jouaient les unes contre les autres, par sections et par catégories d'âge; ensuite venaient les

éliminatoires locales, puis le tournoi provincial- Par exemple, en 1961, l'équipe de hockey

juvénile de Sherbrooke, les As, remporta le championnat provincial, à ~ u é b e c ~ ~ . Ii semble

évident pour nous que les présences devaient être nombreuses aux activités de cette ligue.

Regardons les présences pour l'année 1958, selon un dépliant destiné à promouvoir une

campagne de souscription à 1 ' 0 ~ 1 4 4 : le hockey enregistra 3,750 présences cette année-là.

Pour nous donner un point de comparaison, les présences des garçons de la même année à

I'OTJ régulière durant l'et6 se chiffraient à 13,163. Il est vrai que beaucoup de garçons

encore trop jeunes pour jouer au hockey fréquentent I'OTJ durant l'été, mais considérant

qu'un garçon sur quatre pratique le sport d'hiver par excellence, nous pouvons conclure que

cette activité fut très appréciée.

3.3.6 Activités offertes à l'année

En 1953, L'OTJ se dote d'un directeur permanent, de façon à pouvoir offrir des

activités aux jeunes à l'année longue. Le hockey vient d'être traité; parlons donc des autres

moyens de divertissement proposés aux Sherbrookois. Il y avait le bain libre, ouvert au grand

4 3 ~ , Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke, du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 24- "AAS, Dépliant d u service de la population de Sherbrooke depuis 1934~. 1959.

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public, à la piscine du Séminaire. cinq jours par semaine, soit les lundi, mardi, jeudi, vendredi

et samedi.

L'horaire des bains était divisé de façon à ce que les hommes et les femmes ne s'y

rendent pas au même moment. De plus, à chaque année, 170TJ organisait un «Marathon-

Nat?:thm> &~isé es cinq c~tEgerks : l s l l 12-13 z s , 14-15 MS, 16-1? =ES et pcpe

adultes4'. Ce «Marathon-Natation» était en fait une sorte de compétition, mais d'après ce que

nous voyons dans le Rapport de 1960-196 1, uniquement réservé aux hommes. En effet, la

liste des gagnants, où le premier et le deuxième de chaque groupe est inscrit, ne mentionne

que des hommes. La piscine accueillait donc la population des deux sexes, mais les

compétitions étaient destinées à la gent masculine seulement. Ou bien les femmes avaient

elles aussi un &kathon», mais les résultats n'ont pas été notés. En 1962, les activités à la

piscine du Séminaire cessèrent, puisqu'à cause de rénovations au Seminaire, du manque

d'espace que celles-ci impliquaient et de l'incapacité à accueillir le public adéquatement, «le

Bureau de Direction de I'OTJ C...] a décidé de cesser ses activités à la piscine à compter du

1 er septembre 1962~~.»

Hormis Ia natation, on pouvait s'adonner au ping-pong, à la culture physique, à la

lecture (puisque I'OTJ était dot& d'une petite bibliothèque), à la céramique, ii la philatélie ou

encore à un cercle littéraire. Ces activités se déroulaient toutes au Centre de I'OTJ, situé au

45AA~, Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke, du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 41-42. US, lettre de Ivan Beaulieu Li Mgr Cabana, 22 août 1962.

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357 de la rue King 0uest4'», 1à où se trouve aujourd'hui le Palais de Justice. Ce local

servait de quartier général à I'OTJ, le comité permanent y siégeait. Ces loisirs occupaient

beaucoup de Sherbrookois durant I'hiver, adultes et enfants. Examinons les présences pour

la saison 1960-1961~~~ aux activités du Centre de 170TJ (tableau 8) :

Tableau 8

Présences aux activités du <Centre de l'OTJ», Sherbrooke : 1960- 196 1

Philatélie

Cercle littéraire non-deteminé

Source : Archives de l'Archevêché, Rapport de 1960-1961

Bibliothèque

Le ping-pong était divisé en saison régulière, suivie d'un tournoi, à la fin de la saison. La

non-détemint5

culture physique se pratiquait trois fois par semaine; a n équipement complet [était] à la

céramique, une exposition était présentée. Au niveau de la philatélie, les adeptes tenaient des

réunions; en 1961, les membres de ce club sont allés visiter le Musée philatélique national

4 7 ~ Tribune, 17 juillet 1958, p. 3. 4 8 ~ ~ ~ , Rapport annuel de l'Oeuvre des Terrains de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke. du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p.37 à 40. 491bid. p. 38.

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d'Ottawa Quant au Cercle littéraire, c'était une nouvelle activité où des membres [étaient]

invités à présenter différents travaux pour promouvoir l'intérêt littéraire chez les jeuness0.»

Toutes ces activités étaient offertes dans le but d'occuper les jeunes pendant leur

temps libre et de leur faire éviter I'oisiveté. Même en 1960, on continue à parler de protéger

les enfants du mal. puisque dans une lettre, Mgr Cabana écrit : <di faut que notre jeunesse

puisse passer des heures de loisirs dans une atmosphère morale qui la garde à ~ieu".» Il est

vrai que cette citation provient de l'évêque, mais nous pouvons encore parler de loisirs

fortement parrainés par l'Église.

Résumons maintenant ce que ce chapitre nous a appris. L'OTJ a d'abord pris place au

parc Jacques-Cartier. Il y avait quelques activités dans les autres parcs, mais pas vraiment

d'organisation comme il y en avait au parc central. À partir du milieu des années 1950,

l'Oeuvre s'est décentralisée dans les différents parcs des paroisses de Sherbrooke. C'est à

partir de 1953 que, dotée d'un responsable permanent, elle en vient à offrir des activités à

l'année, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les adultes. L'OTJ estivale accueillait

de plus en plus d'enfants et d'adolescents, nous pouvons parler d'une moyenne journalière

qui augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de jeunes Sherbrookois. On peut

même parler d'un taux de participation qui se multiplie par quatre tout au long de la période.

%id., 40- ''AAS, lettre de Georges Cabana à M. le Curé [adressée au curé de chaque paraisse], 12 mai 1960.

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En ce qui concerne les activités proprement dites, nous avons constaté une diminution

du contenu religieux. L'insistance sur la morale chrétienne, encore bien présente au de'but

des années 1950, est rempIacée peu à peu par une pédagogie axée sur le civisme et

l'intégration sociale. L'importance croissante des sports d'équipe compétitifs est révélatrice

de ce changement Symptomatique du peu d'évolution dans les rapports entre les deux sexes

est le fait que les activités des füles et des garçons soient rigoureusement distinctes tout au

long de la période.

À travers les années, l'Oeuvre garde toujours le même mandat : «Continuer son travail

d'éducation, de formation et de récréation en matière de loisirss2.» Maintenant que nous

avons examiné ce qu'était 1'OTJ durant les années 1929-1962, nous allons voir comment

s'est effectuée la transition par laquelle elle se sécularise et devient uniquement du ressort

municipal.

5 2 ~ ~ ~ , leme de présentation du Rapport de 1960-196 1, signk Antonio Pinard (président) et Guy Gilbert (prêtre).

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CHAPITRE IV

LA ~ÉCULARISATION DES LOISIRS

Nous savons que l'Oeuvre des Terrains de Jeux a été municipalisée. Mais le passage

du contrôle clérical à celui des lacs s'est déroul6 graduellement. C'est ce processus que nous

proposons d'examiner dans ce chapitre. Tout d'abord, nous étudierons le déclin du contrôle

clérical, à savoir comment l'Église en est venue à céder ses fonctions. Ensuite, nous

traiterons de la route vers la municipalisation, pour finalement parler des suites de I'OTJ, de

ce qu'il en reste.

4.1 Le déclin du contrôle cIérical

S'il y a eu municipalisation, c'est soit avec le concours de l'Église, soit contre son

gré. Ce qui est certain, c'est que le processus s'est fait graduellement. Nous tenterons de

savoir dans les trois points qui suivent quelle ou quelles raisons sont demère tout ça : Est-ce

une question monétaire? Est-ce le désintéressement de la population? Est-ce à cause d'un

vieillissement au niveau du personnel clérical?

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4.1.1 Manque d'autonomie financière?

D'après les titres de journaux, d'après les lettres contenues dans le fonds d'archives, il

semble bien que l'argent représente un problème et ce, tout au long des années qui nous

intéressent. Il est toujours question de levées de fonds, d'appels à la générosité du public, de

sermons concernant I'importance de donner 2 l'Oeuvre. N'oublions pas que I'OTJ était

gratuite pour les enfants, du service d'autobus à la distribution de lait à l'heure du dîner.

D'après les gens que nous avons rencontrés, l'octroi municipal ne couvrait qu'une certaine

partie des frais encourus. Par exemple, Desève Cormier nous a dit que ce que la Ville

donnait suffisait pou. payer le service d'autobus, une partie des salaires des moniteurs et

c'était à peu près tout. 11 est certain que tout au long de l'existence de l'Oeuvre, les octrois

municipaux étaient les bienvenus. Dans le Rapport des activités de 1952, un bilan financier

est inscrit à la fml. L'octroi municipal fut de 3750$. Le montant à verser au Service

Lararnée pour le transport des enfants fut de 2145$ et les salaires aux moniteurs de 1435$, ce

qui fait un total de 3580$. donc un reste de 170$ sur l'octroi, une fois les autobus et une

partie des salaires payés. Mais il restait encore à débourser pour le service de lait, l'achat des

jeux et des récompenses pour les journées d'ouverture et de clôture, les dépenses de

déplacements du personnel de direction, les locaux de la permanence, les frais de bureau. Par

contre, en 1959, comme nous l'avons vu au chapitre II, les octrois de la Cité et de la province

(13 O$) représentaient un peu plus de la moitié des coûts de maintien des services de

l'Oeuvre pour une année (24 000$).

'Archives de l'archevêché de Sherbrooke (AAS), Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, 6té 1952, p. 12.

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I1 n'est donc pas surprenant que les levées de fonds soient une préoccupation

constante, puisqu'il reste près de 50% de la somme nécessaire à trouver. Examinons

seulement quelques grands titres de La Tribune : <<Appel en faveur de l'OTJ» (1944)' <&'OTJ

prolonge sa campagne de souscription» (1944), «L'OTJ compte sur la générosité du public»

(1946)' d'argent manque à 170TJ» (1955), «Le public aura à faire sa part» (1957)' «Activités

diminuées par Ie manque d'argent>, (1959), d e problème financier de 170TJ» (1960), &OTJ

lance un cri d'alarme» (1961)~. Nous poumons continuer cet éventail encore longtemps. En

analysant la liste des articles de La Tribune concernant 1'OTJ à Ia Société d'histoire de

Sherbrooke, plus les années avançaient, plus nous sentions un essoufflement; il nous semblait

que la situation devenait davantage critique d'article en article. Cette ciifIlculté à boucler le

budget signifiait que l'Oeuvre n'avait aucune chance de survivre le jour où la municipalité

déciderait de ne plus subventionner cette organisation privée à caractère confessionnel.

4.1 -2 Désintérêt des gens?

Le désintérêt des gens face à l'organisation qu'est I'OTJ ne semble pas être la cause

de la municipalisation, puisque nous n'avons pas observé de baisse dans la participation des

jeunes aux activités offertes, sauf en 196 1 (voir tableau 6). Pr&isons ici que ce n'est pas non

plus parce que les loisirs se municipalisent que l'on cesse d'appeler cela I'OTJ. Le nom

*société d'histoire de Sherbrooke (SHS), fichier-classeur 29, doisirs Sherbookeu.

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demeure dans la tête des gens et l'objectif reste le même, soit d'offrir aux enfants des loisirs

adéquats. Les gens font confiance à I'OTJ et continuent d'y envoyer leurs enfants, comme en

font foi les données sur la fréquentation présentées plus haut.

4.1.3 Étatisation et personnel clérical vieil1issmt?

Le déclin du contrôle clérical, si on en croit l'historiographie, peut aussi s'expliquer

par le fait que, dans les années 1960, l'Église perd son pouvoir dans beaucoup de domaines.

Le vieillissement du personnel clérical pouvait également être en cause, compte tenu que bien

moins de jeunes étaient prêts prendre la relève et que plusieurs membres du clergé sont

sortis de l'ordre religieux. Par ailleurs, Jean Hamelin parle du processus d'étatisation déjà

bien enclenche en 195g3. ~ ' É ~ l i s e perd de plus en plus son contrôle sur différents secteurs

ayant toujours relevé d'elle, comme l'éducation, le bien-être social et le loisir4. Plus loin

dans son ouvrage, Hamelin relate que d e manque d'effectifs devrait conduire à une réflexion

en profondeur sur le rôle de l'Église dans la sociétés», mais que cela ne se fait pas. Jean

Hamelin parle bien sûr de la situation générale, à travers le Que-, en expliquant la

laïcisation de la société. Nous examinerons ces aspects de plus près dans la section suivante.

Mais en ce qui concerne Sherbrooke, il semble avoir subsisté une bonne entente muoicipaiité-

Église après la municipalisation et il ne nous est pas apparu que 170TJ aurait pu cesser à

--

'J. HAMELIN, Hisroire du catholicisme québécois, VOL 3. Le XXe siècle, tome 2. de 1940 à nos jours, Montréai, Boréal Express, 1984, p. 143. 4fiid., p. 213. 'fiid., p. 163.

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cause d'un manque au niveau du personnel de l'Église. D e plus, depuis les années 1950,

beaucoup de moniteurs étaient de jeunes l a s et dans les rapports que nous avons lus, il n'y

avait qu'un aumônier dans le conseil de direction, les autres membres étant des

professionnels bien en vus dans la ville de Sherbrooke.

D'après nous, du moins à Sherbrmke, le déclin du contrôle clérical est surtout dû au

manque d'argent. En grande partie à cause de la décentralisation des activités pour les jeunes

dans les différents parcs de la ville, les coûts ont augmenté substantiellement à la fin des

années 1950 et au début des années 1960. La Ville se devait de donner de plus en plus à

l'Oeuvre donc pourquoi ne pas prendre en main les loisirs? De toute façon, dans le contexte

de la Révolution tranquille, ce n'était qu'une suite logique. Précisons cependant qu'à

Sherbrooke, il nous semble que ce processus s'est déroulé de façon graduelle et en harmonie

entre la Ville et l'Église. Une lettre adressée à Mgr Cabana, par Lionel Lord, secrétaire-

permanent de 170TJ, datant de 1968, démontre bien ce phénomène :

Nous voulons par cette lettre, vous dire un <Merci» du fond du coeur pour tout ce que vous avez fait pour nous, les dirigeants, votre surveillance et vos conseils discrets ont fait que 1'OTJ a toujours su marcher de I'avant et n'est-ce pas que l'on peut dire que 1'OTJ de Sherbrooke pouvait servir de modèle à n'importe quel organisme de Loisirs. Encore une fois merci pour tout ce que vous avez fait our B notre Oeuvre, notre diocèse et, également pour les jeunes et les moins jeunes .

6 ~ ~ ~ , lettre de Lionel Lord, secrdtaire permanent de I'OTJ et des Loisirs de Sherbrooke, B Mgr Cabana, 1 1 mars 1968.

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Une précision importante, la lettre que nous venons de citer témoigne du fait que la

municipalisation se serait produite en février 1968 : «<Vous êtes sans doute informé que la

Cité vient de municipaliser les Loisirs à Sherbrooke. Lors de l'Assemblée générale tenue le

29 février dernier, la résolution de dissolution de l'Oeuvre a été proposée [...]>>'. Pourtant,

Antonio Pinard et Ivan Beaulieu ont tous deux déclaré qu'elle s'était faite en 1962. Nous

pouvons supposer que 170TJ est devenue la responsabilité de la municipalité en 1962, mais

que ce n'est qu'en 1968 qu'a été dissoute l'entité juridique et que le nom «Oeuvre des

Terrains de Jeux>> s'est officiellement effacé, pour devenir seulement «loisirs de Sherbrooke».

Cette hypothèse est fort probable, d'autant plus que Michel Bellefleur écrit :

[Au] tournant des années 1960, une trentaine de villes parmi les plus importantes disposaient d'un service de loisirs autonome intégré dans leur fonction publique locale et ce nombre allait s'accroître de façon ininterrompue à l'avenir, même si la presque totalité des municipalités du Québec maintenaient des liens de collaboration avec les organisations privées, cléricales ou autres8.

En résumé, nous croyons que l'augmentation des coûts découlant de la croissance des

services de loisirs est la cause principale de la perte du contrôle clérical, du moins à

sherbrookeg. Le personnel religieux semble s'être toujours intéressé à I'OTJ, en appuyant les

levées de fonds et campagnes de souscription, en donnant même parfois un montant d'argent

- - --

'1bid. 'M. B E T I U R , L'évolution du loisir au Québec. Essai socio-historique, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, COU. <<Temps libre et culture», 2, 1997, p. 78. n y a davantage de parcs donc plus de moniteurs 21 payer, les depenses augmentent 3 cause des activites du Centre de

1'0% l'Oeuvre devient permanante alors cela entraîne des salaires suppl6mentaires pour les dirigeants.

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à l'Oeuvre et en déléguant un aumônier à chaque saison estivale. Desève Cormier, qui est

devenu le premier directeur-permanent de l'Oeuvre, était lui-même un ecclésiastique. Dans

son entrevue, il nous a fait part d'une évolution dans le sens de la sécularisation. II a même

dit qu'il n'y avait pas d'activités religieuses comme telles, dans les années 1950, sinon une

petite prière sur l'heure du dîner et une messe à la journée d'ouverture et de clôture. C'est

dire que le clergé, même si l'Oeuvre est encore de son ressort, a modifié son orientation

d'offrir, dans un premier temps, une oeuvre à caractère fortement religieux, pour passer à une

oeuvre.de loisir, en s'assurant toujours du bien-être physique et moral des enfants, mais

surtout en les diverrissant et en leur offrant des activités qui les intéresseraient. Plutôt qu'une

coupure brusque, c'est plutôt une évolution lente qui aurait caractérisé l'histoire de I'OTJ

sherbrookoise. Pour comprendre ce processus, il faut néanmoins le situer par rapport au

contexte de la Révolution tranquille.

4.2 ~ 'É~l i se , l'État et la municipalisation

Les années 1960 sont des années de changement, à plusieurs niveaux. L'Église, qui

détenait le contrôle de différents domaines, voit une partie de son pouvoir passer aux mains

de état. Et le loisir fait partie des domaines concernés. Dans cette partie, nous nous

proposons d'étudier comment cette transition s'est effectuée en examinant tout d'abord la

prise de contrôle des loisirs par le gouvernement, la mise sur pied d'un projet de compromis

et ensuite le conflit Église-&.

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4.2.1 Contrôle des loisirs par le gouvemement et les municipalités

Ii est évident, pour un historien et une personne vivant dans les années 2000, que

l'Église ne contrtile plus les secteurs de la société civique et que presque tout relève des

gouvemenients, soit provincial, fédéral ou municipal. Mais comment le pouvoir clérical

s'est4 estompé? Dans les années 1940, on peut remarquer que la société commence à se

désintéresser de la religion, à différents niveaux et bien sûr, le phénomène étant moins

marquant dans certaines villes que dans d'autres. De 1939 à 1944, le gouvemement

d' Adélard Godbout commence tranquillement à réduire le pouvoir de l'Église par son projet

axé sur la modernisation de l'appareil politique, l'émergence d'un État-providence et

interventionniste, la réduction du rôle de suppléance de l'Église et le dédouanement des

idées1'». Dans les années 195% d e processus de sécularisation acquiert de la vitesseu»;

tranquillement, l'Église n' a plus 1' autorité qu'elle avait dans les années 1930.

Dans le domaine des loisirs, le phénomène est le même que partout ailleurs. Michel

Bellefleur estime que l'Église fut débordée de deux façons principales : «les oeuvres de

l'Église ne surent pas arrêter la progression des loisirs commerciaux» et <d'Église s'avéra

incapabIe de faire vivre ses oeuvres par ses ressources propres et dut faire appel aux

''1 HAMELIN, op. cit., p. 32. "fiid., p. 213.

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ressources publiques'2.» Bellefleur explique aussi que peu à peu, à travers les années de

l'histoire de 170TJ7 les municipalités en sont venues à s'impliquer davantage, par exemple le

cas des arénas et des piscines; ainsi elles se sont donnés <(une autonomie d'action de plus en

plus large face aux structures paroissiales13». Au niveau du gouvernement fédéral, «i9État

favorise la création de stnictuks municipales de loisir, appelées à remplacer les corporations

privées contrôlées jusque là par le clergé, [puis nous assistons] à la mise en place de services

municipaux de Loisir, de commissions municipales et interm~nici~ales'~>>. Et au niveau

provincial, la Conféd6ration des oeuvres de loisir de la province (COP) deviendra en 1965 la

Confédération des loisirs du Québec (cLQ)."

Roger Levasseur lance comme hypothèse, et c'est fort plausible selon nous, que si

l'État en vient il prendre le contrôle sur plusieurs secteurs de la société, dont le loisir, c'est

qu'il est d'agent le plus apte, au plan des ressources financières, physiques et humaines, à

assurer le développement communautaire du loisir, amorcé par l'Église dont les moyens et

les ressources sont très limités'6.» L'Église, quant à elle, n'aime pas du tout l'attraction qu'a

le loisir commercialisé sur ses fidèles; il lui semble donc raisonnable de collaborer avec

l'État, «pour enrayer l'expansion des loisirs commercialisé^'^» et ce, même si elle s'était

- -

"M. BELLEFLEUR, ~ ' ~ ~ l i s e et le loisir au Que'bec avant la Rdvolurion tranquille, Québec, Presses de Yuniversité du Québec, 1986, p. 65-66. 131bid., p. 67. 14R. RASSEUR, &e loisir et l'État au Qu&bec, 1960-1980», Loisir et SociétaSocie~, adLehure, vol. VI, no 1 , printemps 1983, p. 173. ' 5 ~ b ~ . . p. 173. 'k LEVASSEUQ Loisir et culture au Québec, Que* Les Éditions du Boréal Express, 1982, p. 73. "fiid

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toujours opposée à l'étatisation. Par ces loisirs commerciaux, le clergé entend les soirées de

danse où les jeunes ne sont pas chaperonnés, les salles de cinéma où l'on présente, selon

l'Église, des films de mauvais goût ou à caractère pornographique et d'autres activités qui

n'ont pas de finalité autre que le plaisir. En collaborant ainsi avec l'État, eile se sera

tranquillement effacée de l'organisation du loisir, et l'État prendra «peu à peu l'initiative et le

leadership du développement interne du loisir au Que%», laissant demère lui un

dalignement des orientations, des conceptions du loisir, une modernisation des associations

existaotes, une professionnalisation des

Par ailleurs, le changement de direction au niveau des loisirs est expliqué, par Pierre

Gagnon, comme résultat de I'évolution de la conception du loisir. En effet, le loisir-oeuvre

avait comme finalité de garder les gens des mauvaises influences, de les encadrer dans une

atmosphère morale et physique hors de tout danger. Mais <<d'une vision instrumentale du

loisir, ce dernier servant à atteindre certaines fuis, on est passé au loisir comme fin en

Cette évolution s'est faite grâce à des changements majeurs dans les contextes politique,

social et économique et touche graduellement toutes les municipalités québécoises, de 1960 à

1975. D'après ce que nous savons de l'Oeuvre des Terrains de Jeux à Sherbrooke et de sa

prise en charge par la municipalité, nous croyons pouvoir dire que la municipalisation

témoigne de ce type de changement.

'81bid 1 9. GAGNON, Le loisir et In municipaliré. L'heure des dwir, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1996, p. 19-21.

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4.2.2 Projet de compromis entre la confessiomalité et le contrôle municipal

À Sherbrooke, nous pouvons voir que des commissions de loisir ont été créées, ou du

moins, ont été mises en projet, avant la municipalisation. Effectivement, dans le fonds

Oeuvre des terrains de Jeux à 1'Archevêché, il y avait un <&ojet d'établissement d'une

commission des loisirs à Sherbrooke», dès 1960. LR but était de fournir à la population, <var

mode d'organisation et [de] coordination, les ressources nécessaires dans le domaine des

loisirs et des sports.» Des sept membres dont serait constituée la commission, on proposait

un représentant de d'Archevêque catholique romains et un «du Conseil des Églises

protestantes20». Son financement serait assuré par une taxe municipale sur les loisirs et par

des octrois des gouvernements provincial et fédéral. Ce qui est intéressant dans ce projet,

c'est qu'au lieu d'une municipalisation en bonne et due forme, on proposait une commission

indépendante para-publique dont le contrôle serait mixte. Un représentant de l'Église

catholique siégerait à la direction et de plus, un membre d'une Église protestante ferait partie

de cette commission. On ne veut pas nécessairement couper les liens avec les Églises. Dans

une perspective confessionnelle off~cielle, on fait appel à la participation des différentes

Églises; chacune s'occuperait de ses resso~ssants.

Autre point à retenir dans ce. projet, c'est que l'Oeuvre aurait maintenu son autonomie

au sein de la commission : «[elle] pourrait agir, au nom de la commission, dans les secteurs

m A A ~ , Projet d'établissement d'une commission des loisirs 3 Sherbrooke, 1960.

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qui lui seraient confiés, comme la formation des moniteurs, l'organisation des terrains de

jeux pour les enfants, etc.% Si cette forme de commission avait été mise sur pied, 170TJ

n'aurait rien perdu; elle n'aurait plus eu à se préoccuper du financement et elle aurait gardé le

contrôle sur l'organisation de ses terrains de jeux. Il semble que ce projet n'ait pas été mis en

branle, mais son existence montre le désir d'un compromis n'allant pas aussi loin que la

municipalisation des loisirs. Néanmoins, celle-ci était proche, dans le contexte d'étatisation

des années 1960.

4.2.3 Confiit Église-État

~ ' É ~ l i s e n'était évidemment pas enchantée de voir son emprise diminuer à travers les

années, elle qui avait, au début des années 1930, le droit de parole dans plusieurs domaines.

Elle ne voulait pas perdre son autorité sur les loisirs, déjà qu'elle avait vu avec

désapprobation le ministère de la Jeunesse prendre de plus en plus de place par rapport aux

Loisirs. Elle si «habituée à composer l'instance suprême de légitimation de l'ordre social2,,

voit non seulement son pouvoir social diminuer, mais n'y peut pas grand chose. «C'est le

langage triomphant des technocrates, campés sur la colline parlementaire depuis l'arrivée au

pouvoir du gouvernement libéral de Jean Lesage en juin 1960, qui, pour le moment, a la

2 1 ~ ~ ~ , Projet d'établissement d'une commission des loisirs à Sherbrooke, 1960. *J. HAMELIN, op. cit., p. 238.

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sonorité de ce sont ces technocrates que la population écoute. Les

associations de loisirs, conune bien d'autres, se déconfessionnalisent.

Si l'État contribue à la centralisation, par la désacralisation, c'est aussi parce que

l'attitude des gens a changé : ils ne veuient plus s'identifier seulement à leur religion, ils

veulent pouvoir s'identif1e.t à un groupe social ou à un peuple. L'Église ne répond plus aux

besoins de la population, elle n'est plus «un agent totalisateur de l'organisation sociale>>.24

En ce sens, le conflit Église-État était inévitable; même si ce dernier n'avait en rien tenté de

diminuer les responsabilit6s de l'Église, le besoin des gens pour du renouveau aurait mené à

des changements. Peut-être que l'État s'était donné pour objectif d'enlever le pouvoir à

l'Église, parce que demère l'État, il y avait des personnes assoiffées de pouvoir et de

promotion sociale (fonctionnaires, technocrates), mais en même temps, son intervention dans

le sens de la laïcisation ne se voulait pas «comme une machine de guerre contre l'Église,

mais comme un ensemble de valeurs positives respectueuses de la personne et du citoyenu.»

n est certain que l'Église a perdu beaucoup de son emprise sur la société dans les

années 1960, processus ayant débuté dès les années 1940. De notre point de vue actuel, ceci

semble pour le mieux. Non pas que le présent système soit parfait, mais l'Église n'aurait pas

23~. HAMELIN, loc. cit. 21bid., p. 267. 25~bid.. p. 246.

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eu la capacité ou l'autorité morale pour mener les loisirs à ce qu'ils sont aujourd'hui. Nous

vivons dans une société séculière et pluraliste. Nous supposons qu'il y ait eu un certain

conflit Église-État, dans le sens où la première n'était pas encline à céder tout ses droits de

regard au second. Mais le contexte de la Révolution tranquille a concrétisé la diminution du

rôle politique de l'Église.

4 3 Les suites de 1'OTJ

Le terme OTJ est demeuré dans notre vocabulaire, bien que la majorité des gens,

surtout ceux de moins de 40 ans, n'en connaissent pas la signification. Encore aujourd'hui,

les gens ont tendance à du-e d'envoie mon fils à I'OTJ» ou d'ai été moniteur pour 170TJ».

Dans cette section, nous verrons si l'esprit de cette oeuvre est complètement disparu, suite à

la municipalisation, ce qu'il advient des loisirs estivaux des jeunes d'alors et ce que sont

devenus les loisirs d'été de. nos jours.

4.3.1 L' OTJ est-elle disparue?

L'OTJ n'est pas vraiment disparue puisquYel!a demeure dans la mémoire des gens.

Elle s'est modifiée elle-m2me, ou plutôt les dirigeants l'ont modifiée, à travers les années.

Définitivement une oeuvre à caractère clérical dans ses débuts, elle s'est transformée en

«oeuvre» de loisir, pour fuialement devenir un «service public». Ce qu'il reste des loisirs à

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Sherbrooke après la municipalisation, c'est ce que 170TJ était devenue au moment de la

municipalisation. Le fait que la municipalité prenne en charge les loisirs n'a pas changé

l'image des terrains de jeux comme telle, mais plutôt le système de direction, le nombre de

parcs. La Ville avait davantage de possibilités financières que l'Église pour faire fonctionner

l'Oeuvre. Dans le fond, si le nom Oeuvre des Terrains de Jeux disparaît officiellement, c'est

afin de souligner que ce n'est plus l'Église qui contrôle les loisirs. Les terrains de jeux

demeurent les mêmes. On a assisté à la décentralisation des activités organisées dans les

parcs pendant les années 1950; chaque paroisse ou presque possédait son parc et le parc

Jacques-Cartier, même s'il est demeuré le parc central, n'était plus le seul à recevoir les

jeunes.

Dans une lettre adressée à Mgr Cabana, concernant la municipalisation des loisirs à

Sherbrooke, ii est mentionné par Ivan Beaulieu, directeur du Service des Loisirs de la ville et

Lionel Lord, secrétaire-permanent de l'Oeuvre, qu'étant donné que ces deux individus

cidemeurent avec le Service des Loisirs, cet esprit otéjiste demeurera toujours si l'Archevêché

veut bien continuer à (leur] déléguer des représentants2% Nous voyons donc que même si

l'Oeuvre est dissoute, l'esprit de collaboration avec l'Église demeure. De toute façon,

comme nous venons de le dire, les terrains de jeux, même après la municipalisation, offrent à

--

US, lettre de Lionel Lord, secr6taire-permanent de 1'OTJ et des Loisirs de Sherbrooke, à Mgr Cabana, 1 1 mars 1968.

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peu près les mêmes activités. Selon nous, le changement s'est fait surtout dans les années

1950 alors que l'on décenh . s e les parcs et qu'on en vient à offrir des activités à l'année, aux

jeunes et aux moins jeunes. Xi nous semble que le mandat de I'OTJ ait évolué avec le temps.

Le but n'est plus seulement de préserver les enfants du mal, mais bien de les divertir, de leur

apprendre l'esprit sportif, 5 travers les équipes de basebdi et de hockey. Et nous ne croyons

pas que cela est survenu au moment de la municipalisation des loisirs, mais bien avec les

années.

En 1943, dans le rapport des activités otéjistes, il est question de l'importance de

l'aumônier sur le terrain, pour amener les enfants à ((recouvrer la paix de leur innocence

baptismaleu ou encore pour avoir d a noble tâche de les conduire à ~ i e u ~ ' » . Cet objectif de

sauver les enfants, de les garder dans le droit chemin est encore bien présent dans les années

1950, mais à un niveau moindre : d e but de l'Oeuvre des Terrains de Jeux en organisant les

loisirs des enfants en vacances, n'est pas seulement de les occuper, mais de continuer

l'éducation de la maison et de Enfin, en 1961, le rapport de I'aumônier traite

plutôt de formation générde de l'enfant : ccNous sommes responsables de l'élite de demain

puisque nous travaillons aujourd'hui à former cette élite. Donnons-lui le sens de la

- US, Rapport sur l'oeuvre des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances, 18 octobre 1943, p. 16. 2 8 ~ ~ ~ , Rapport de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, kt6 1952, p. 7.

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responsabilité, l'instruction la plus poussée, mais aussi l'avantage de continuer sa formation

complète dans et par ses l c i s i r ~ ~ ~ . »

Il est encore question de formation des jeunes dans le rapport de 196 1, mais moins de

formation religieuse que de formation sociale. Nous pouvons constater, à travers ces trois

rapports, l'évolution du mandat de l'Oeuvre. Cette évolution nous porte à croire que I'ûTJ

n'est pas disparue vraiment, puisque le mandat qu'elle s'était donnée vers la fui est à peu près

celui que l'on retrouve aujourd'hui dans certaines activités de formation de la jeunesse. Bien

sûr, l'aspect ludique est tciujours présent, les jeunes s'amusent pour s'amuser de nos jours,

mais dans plusieurs secteurs, il est question de bien les éduquer parce que ce sont eux les

adultes de demain.

4.3.2 Qu' arrive-t-il des loisirs estivaux des jeunes?

Nous ne croyons pas que les loisirs estivaux changent vraiment. Nous venons

d'expliquer que l'esprit de 1'OTJ des dernières années de son existence est demeuré. Les

jeunes fréquentent encore des terrains de jeux durant l'été. Plusieurs paroisses ont des

piscines, attirant davantage d'enfants. II y eut une initiative du SeMce des Loisirs de

Sherbrooke, en 1970, qui permettait aux enfants fréquentant les terrains de jeux de passer

"AM, Rapport annuel de I'Oeuvre des Te&s de Jeux et des Loisirs de Sherbrooke, du ler octobre 1960 au 30 septembre 1961, p. 5.

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quelques jours en camping. En effet, les jeunes étaient envoyés «au lac Fraser, sur une ferme

appartenant à la compagnie SEROC, pour y vivre pendant quelques jours en pleine nature»;

ils apprenaient «à vivre en plein air, à savoir allumer un feu de camp, [à] pouvoir s'orienter

en forêt et à connaître la nature, les arbres, les insectes, les animaux?0, Cette activité était

nouvelle, mais il est intéressant de constater que seuls les jeunes fréquentant les terrains de

jeux pouvaient s'y rendre. C'était, selon nous, une bonne façon d'attirer Ies enfants sur ceux-

ci. Mise à part cette noubelIe activité, il semble que les journées sur les terrains de jeux se

déroulaient de la même f ~ : o n que dans les années de I'OTJ.

4.3.3 Quels sont les loisirs d'été aujourd'hui?

Ce que nous savons des loisirs d'été des jeunes aujourd'hui à Sherbrooke, c'est que

chaque quartier, soit le Centre, l'Est, l'Ouest et le Nord, ont leur propre organisation.

Guylaine Dubé, coordonnatrice des activités estivales au Centre communautaire de Loisir

pour le quartier Ouest, nous a expliqué que les activités se déroulaient cinq jours par semaine,

que les programmes variaient par groupe d'âge. Un aspect nouveau, il y a des frais à

débourser pour la saison. Les activités se veulent éducatives et il y a un ratio d'un animateur

pour quinze enfants, ce qui est très bien, comparé à la situation avant 1962. Les semaines

sont divisées en trois thèmes, si l'on peut appeler ça ainsi. Deux journées sont consacrées

aux activités culturelles. LES jeunes choisissent quatre activités panni celles qui sont offertes

et les pratiquent à raison dhne demi-journée chacune; par exemple, ils ont le choix entre la

- l0Lu Tribune, 10 juillet 1970, p. 2.

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peinture, le dessin, la cuisine, la céramique, etc. Deux autres journées ont corrime thème

deune Estival», où les activités se déroulent dans les parcs des quartiers dont les jeunes

proviennent, où ils peuvent se baigner, jouer au ballon, ... Finalement, la demière journée, le

vendredi, est nommée les vacances Plein-Ab; ils amènent les enfants à différents endroits,

au Mont Bellevue ou à la plage Blanchard et des activités spéciales, telles que chasses au

trésor ou cours de survie, sont organisées. Quelles sont les différences avec I'OTJ d'avant

1962? Premièrement, les jeunes n'avaient rien à débourser; deuxièmement, nous ne croyons

pas qu'il y avait un ratio d'enfants pour un moniteur; troisièmement, il n'y avait pas trois

types d'activités par semaine. Il y avait cependant les excursions pour le Club 12-15, dans les

années 1950, qui peuvent rappeler la journée «Vacances Plein-Ain> du vendredi, de nos jours.

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons témoigner de notre propre expérience. À

Danville, d'où nous venons, nous avons été monitrice à I'OTJ, à l'été 1989. C'est encore

sous ce nom que les gens y font référence. Bien sQr, c'est un organisme qui dépend de la

municipalité, mais le nom OTJ est demeuré. Comme l'écrivait Michel Bellefleur, le mot OTJ

«durera dans le langage du petit monde des loisirs jusqu'à la RZvolution tranquille et même

jusqu'à nos jours en certains milieux ruraux québécois3L.» Les groupes d'âge étaient divisés

comme suit : les 5-7 ans, les 8-9 ans et les 10-14 ans. Malheureusement pour nous, nous

- 3 ' ~ . BELLEFLEUR, ~ ' É ~ l i s e et le lois ir..., p. 55

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étions seule monitrice pour le groupe des 10-14, où une quarantaine d'enfants étaient inscrits,

et où la moyenne journalière d'enfants présents était de 25. Nous ne savons pas si cela a

changé pour le mieux depuis. Il n'y avait pas de thèmes hebdomadaires. Chaque moniteur

organisait des activités pour son groupe d'âge. Par exemple, nous faisions jouer les enfants

aux quilles (des quilles de plastique à l'intérieur du gymnase), au ballon-prisonnier, à la balle,

au foulard, au soccer; les journées de pluie, il y avait le bricolage, les quilles, encore une fois

(les enfants adoraient ça) et le jeu du <mort» lorsqu'ils étaient trop excités (personne ne doit

bouger, sinon il est disquwé).

À Danville, il y avait un énorme avantage. Les activités prenaient place dans une

ancienne école, qui servait de centre communautaire pour toutes sortes d'activités. Nous

avions donc accès à une cuisine, à des salles de bain, à un bureau pour les moniteurs, et plus

important encore, à la piscine municipale, située derrière cette école. Chaque après-midi était

donc réservé à la baignade, c'était le temps de repos des moniteurs ... Il y eut durant l'été

deux journées spéciales : une où les enfants furent amenés au Village des Sports à Québec et

l'autre, à la dernière journtk de l'été, où un concours amateur fut organisé, après quoi tout le

monde passa la nuit dans le gymnase de l'école. Il semble étrange de constater que les

journées de cet été-là ressemblaient davantage à ce que nous avons vu de 170TJ des années

1950, qu'à ce qui se passe aujourd'hui dans les Centres communautaires de loisirs. Mais

Danviile est une petite ville si on la compare à Sherbrooke, l'organisation n'est évidemment

pas la même.

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Un ami a également été moniteur pour 170TJ, dans une autre petite ville, ou plutôt un

village, celui de Stoke, à quelques kilomètres de Sherbrooke. D'après ce qu'il nous a dit,

l'organisation des loisirs était sensiblement la même que celle de Danville, avec en moins un

voyage spécial durant l'M. Les moniteurs décidaient eux-mêmes des activités qu'ils

pratiqueraient avec les jeunes. Eux non plus n'avaient pas de thèmes hebdomadaires. Nous

croyons que dans les petites villes, l'organisation des loisirs n'est pas aussi définie que dans

les villes de plus grande envergure. Cependant, les jeunes qui étaient sous notre

responsabilité ne s'en sont pas plaints. L'important pour eux, c'était de s'amuser; certains

étaient même là un peu contre leur gré (leurs parents les y envoyaient parce qu'ils

travaillaient : service de gardiennage à peu de frais). Et nous croyons que l'attraction

principale était la baignade tout l'après-midi.

Un peu comme dans les années de l'Oeuvre des Terrains de Jeux, où chaque ville

avait sa propre organisation, l'organisation des loisirs, de nos jours, n'est pas la même dans

chaque ville du Québec, du moins c'est ce que nous en déduisons par cette comparaison entre

Danville et Sherbrooke.

Le moment est venu de faire un bref retour sur ce chapitre. Nous avons d'abord vu

que le déclin du contrôle clérical est surtout dû au manque d'autonomie financière et à la

volonté des autorités publiques d'assurer la responsabilité dans ce domaine. À Sherbrooke,

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du moins, il ne semble pas que ce soit une question de désintérêt des gens ou d'un manque de

personnel religieux. Comme dans d'autres domaines, la déconfessionnalisation et la

sécularisation ont joué un rôle même si, à Sherbrooke, les membres du Conseil de Ville et les

aumôniers en fonction nous semblent avoir maintenu une bonne entente, après 1962. La

route vers l'étatisation des loisirs fait partie d'un mouvement d'ensemble observable dans

d'autres domaines. L'esprit de la Révolution tranquille atteint presque tous les secteurs de la

société. L'Oeuvre des Terrains de Jeux n'y échappe pas. Le déclin du contrôle clérical ne

s'arrête pas aux loisirs, ni ne commence par eux, mais s'inscrit dans un contexte où les

Québécois ont besoin de s'identifier à autre chose qu'à leur religion. Finalement, nous avons

vu que I'OTJ n'est pas vraiment disparue, mais qu'elle s'est elle-même modifiée tout au long

de son existence, pour garder, après la municipalisation, une nette continuité avec le passé.

Les loisirs estivaux des jeunes perdurent et de nos jours, les jeunes ont un service de loisirs,

qu'ils appellent parfois encore OTJ, qui peut différer tout dépendant de la ville où ils

habitent. En ce qui concerne les activités réalisées à d'autres moments de l'année, le système

scolaire a remplacé, en bonne partie, les initiatives développées par I'OTJ à partir des années

1950.

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CONCLUSION

Revenons sur notre problématique. Nous voulions voir dans quelle mesure l'histoire

de I'OTJ sherbrookoise est révélatrice de transformations fondamentaies de la société locale.

Pour ce faire, cinq questions précises furent posées : Dans le cas de Sherbrooke, quelles sont

les circonstances entourant la fondation de I'OTJ? Est-ce que l'Église occupe une place

prédominante comme le suggère Michel Bellefleur pour l'ensemble du Québec ou est-ce que

le contrôle est partagé avec d'autres acteurs: la municipalité et les élites séculières? Est-ce

que les activités organisées par 1'OTJ témoignent d'objectifs particuliers au niveau de la

formation morale, civique et religieuse des jeunes? Pendant la trentaine d'années d'existence

de I'OTJ, peut-on observer des changements d'orientation? Les circonstances de la

municipalisation des activités de loisirs des jeunes, dans les années 1960, témoignent-elles

davantage de rupture ou de continuité?

Commençons par ce que le premier chapitre nous a appris. Premièrement, 1'OTJ est

arrivée tardivement par rapport aux États-unis et au Canada anglais, mais elle a

vraisemblablement imité ceux-ci en grande partie. Les activités de loisirs pour jeunes autres

que l'Oeuvre des Terrains de Jeux, existaient à cette époque au Que'bec, mais ne fournissaient

pas vraiment d'activités organisées pour les jeunes de 6 à 12 ans, surtout en ce qui concerne

ceux du milieu ouvrier. La fondation de la première OTJ au parc Victoria à Que% en 1929

visait à remédier à ce manque de structures au niveau des loisirs organisés en d i e u

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populaire et répondait à un besoin de protéger I 7 e ~ m t des dangers de jouer dans la rue : «Les

causes de perversion se multiplient chaque jour des vacances : compagnons dangereux,

scandale de la rue, sans compter l'oisiveté et la pauvreté qui sont bien mauvaises

conseillères1 .»

Dans le deuxième chapitre, nous avons parlé des origines de I'Oeuvre des Terrains de

Jeux à Sherbrooke et des dimensions administratives et financières de cette organisation. En

1929, on instaure la journée du samedi, où on amène les enfants jouer au petit Lac Magog,

puis la joumée du mercredi, qui se déroule à Sherbrooke, où les enfants s'amusent au manège

militaire ou au parc Dufresne. Ce sont les premières initiatives de 1'OTJ sherbrookoise.

Mieux organisée en 1936, alors que le parc Jacques-Cartier est aménagé à son intention,

I'OTJ rqoit un octroi de la Ville et se forme un comité de direction. La municipalité fournit

l'équipement matériel (parcs, balançoires, abreuvoirs, ...) et une subvention, la direction de

I'OTJ s'occupe du financement et les aumôniers sont présents sur le terrain pour représenter

le pouvoir spirituel. Le financement provient principalement des octrois municipaux et

provinciaux et des levées de fonds, ce qui signifie que le contrôle clérical sur l'évolution de

170TJ est limité par le besoin d'appui de la part des dirigeants municipaux et des élites

économiques de la Ville.

'G. DION, L'Oeuvre des Terrains de Jeux de Québec, Qu&bec, Les Éditions du Cap Diamant, 1943, p. 11.

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Dans le troisième chapitre, nous avons examiné où se déroulent les activités, par qui

elles sont pratiquées et ce qu'elles sont. Les activités se déroulent principalement au parc

Jacques-Cartier jusqu'en 1953, quand on commence à décentraliser l'Oeuvre dans les

différents parcs des paroisses de Sherbrooke. En même temps que la décentralisation, les

activités otéjistes commencent à être offertes toute l'année, au Centre de I'OTJ (cours de

céramique, clubs de philatélie, cours de culture physique, ...) et à la piscine du Séminaire

(bain libre et cours de natation).

Finalement, dans le quatrième chapitre, nous avons vu que le déclin du contrôle

clérical est dû en grande partie à deux facteurs : le manque d'autonomie financière pour bien

faire fonctionner une telle entreprise et l'étatisation générale qui se produit au Québec, dans

le contexte de la Révolution tranquille. Cependant, même si on municipalise les loisirs, cela

ne signifie pas la fi de I'OTJ, puisque le principe des activités reste le même. On fait encore

référence de nos jours au terne &Tl» pour décrire les activités des jeunes durant l'été et

même si certaines villes ont une approche thématique vis-à-vis les activités, comme le Centre

corrimunautaire des loisirs de Sherbrooke, dans les petites villes, les activités se déroulent

sensiblement comme se déroulait I'OTJ dans les années 1950.

Maintenant, en quoi ces chapitres peuvent-ils nous aider à répondre aux questions

posées en introduction? Premièrement, à savoir les circonstances entourant la fondation de

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l'Oeuvre des Terrains de Jeux, à Sherbrooke, nous avons vu que 1'OTJ a été instaurée pour

répondre à un besoin d'encadrement des jeunes. Depuis le début des annees 1920, la

population sherbrookoise était consciente du manque de structures quant aux loisirs des

jeunes. En quelque sorte, nous pouvons dire que l'Oeuvre a été créée afin de contrer une

certaine délinquance juvénile. En éduquant les enfants à travers les jeux, l'Église voulait les

surveiller et leur inculquer une morale, les empêchant ainsi de sombrer dans le chemin de la

délinquance. Quand le p6re Côté et Léo Cadorette instaurent les journées du samedi et du

mercredi, c'est pour offrir aux enfaots autre chose que la rue pour jouer. Il y avait aussi un

côté religieux, particulièrement marqué dans les débuts, mais qui aura tendance à diminuer

avec les aunées.

Deuxièmement, nous nous demandions si l'Église occupait une place prédominante,

tel que suggéré par Michel Bellefleur pour l'ensemble du Québec ou si le contrôle etait

partagé avec d'autres acteurs (municipalité, élites séculières). Nous sommes d'avis qu'au

début, l'Église avait effectivement un rôle de premier plan. C'est elle qui a pris en charge

l'Oeuvre, qui en assurait le bon fonctionnement. Mais en même temps, I'OTJ se dote d'un

comité de direction laïc et reçoit des octrois municipaux. Donc, dans le cas de Sherbrooke, la

prédominance du rôle de l'Église n'a jamais été absolue et a diminué, laissant place à un

partage des responsabilités surtout avec les élites séculières, puisque le comité de direction

est composé de notables de la vue. La municipalité, de par ses octrois, fut un acteur

important. En fait, l'Église en est venue à jouer surtout un rôle moral.

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Troisièmement, est-ce que les activités organisées par I'OTJ témoignent d'objectifs

particuliers au niveau de la formation morale, civique et religieuse des jeunes? La réponse

est positive, puisque l'on apprenait aux enfants à être de bons citoyens. de bons chrétiens, à

respecter les autres. La formation religieuse était probablement moins présente à la fin des

années 1950, mais les aspects moral et civique sont demeurés. Par les jeux et les sports, les

enfants apprenaient à s'entraider et à se respecter les uns les autres. Le bricolage, l'artisanat,

le théâtre et même le <<derby des bazous» développaient Ie côté créatif, débrouillard.

Quatrièmement, pendant la trentaine d'année d'existence de l'Oeuvre des Terrains de

Jeux, peut-on observer des changements d'orientation? Encore une fois, nous répondons par

l'affirmative. Dans les débuts de I'OTJ, la religion se faisait très présente tandis que dans les

années 1950, une moindre place lui est accordée. Les ligues de hockey et de baseball ne se

retrouvaient pas dans les activités offertes dans les deouts; il faut attendre les années 1950.

Pour le «derby des bazous», il en va de même. Autre apport majeur des années 1950 : les

activités otéjistes en tout temps de l'année, avec le comité permanent qui s'y rattache. D'un

parc central, le parc Jacques-Cartier, l'Oeuvre des Terrains de Jeux s'est décentralisée dans

les différents quartiers. Sa structure est plus solide vers la fui qu'elle ne l'était au début.

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Finalement, à savoir si les circonstances de la municipalisation des activités de loisirs

pour jeunes, dans les années 1960, témoignent davantage de rupture ou de continuité, notre

réponse est la seconde. L'OTJ s'était bâtie une structure solide, dont l'ensemble a été

conservé. La municipalité prend en main les loisirs, mais le principe des activités organisées

reste le même; le terme ~ O T J D demeure. La seule différence, c'est que l'Oeuvre n'est plus du

ressort clérical, mais bien du ressort municipal.

Nous aurions pu traiter le sujet d'autres façons. Par exemple, nous aurions pu nous

attarder aux colonies de vacances, puisqu'à Sherbrooke, ie même organisme intitulé l'Oeuvre

des Terrains de Jeux et des Colonies de Vacances s'occupait de ces deux activités.

Néanmoins, il aurait été trop long d'étudier les deux en profondeur et de toute façon, les

Colonies de Vacances s'adressaient à une clientèle différente et spécialisée. Nous aurions pu

aussi comparer les activités en plus grand détail tout au long des années 1930, 1940 et 1950.

Une telle étude aurait demandé un cadre théorique spécifique, axé sur les dimensions

pédagogiques.

11 reste que ce travail nous a permis d'approfondir les étapes de l'histoire de l'Oeuvre

des Terrains de Jeux de Sherbrooke. Ce faisant, nous avons l'impression d'avoir levé le voile

sur un aspect de l'histoire de l'enfance québécoise encore très mal connu. Ce qui ressort

clairement de notre étude, c'est qu'a partir de 1930, l'occupation du temps des jeunes

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Sherbrookois et Sherbrookoises, hors de la vie immédiate du foyer familial et des heures de

classe, change dramatiquement, Les vacances estivales prennent un tout autre sens pour les

enfants, mais aussi pour les parents, sens qui demeure encore de nos jours.

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Page 127: JULIEN BRÉARD r-nlc-bnc.ca/obj/s4/f2/dsk2/ftp01/MQ61720.pdfJ'ai plusieurs personnes à remercier pour ce travail; je ne sais pas vraiment par qui commencer, parce que tous ont conmbuk

Mémoire et thèse

AUBRY, Jean-Christian. Pratiques religieuses et vie paroissiale en milieu urbain au XXe siècle. La paroisse Immaculée- Conception de Montréal, 1910- 1940, Mémoire en histoire (MA.), Université de Montréal, 1998, 108 p.

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