L1 Hist Avant1789 Pug s2 11

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    Martial Mathieu, Patricia Mathieu

    Histoiredes institutions

    publiquesde la France

    Des origines franques la Rvolution

    Martial Mathieu, Patricia Mathieu

    Cet ouvrage propose un tableau synthtique delvolution des institutions publiques de l ancienneFrance : de la fondation du royaume des Francs, parClovis, la Rvolution de 1789, sont ainsi analyses lagense et la croissance de ltat royal.Aprs avoir rappel les traits essentiels des institutionsde lEmpire romain, matrice et modle des institutionsdu royaume, les auteurs prsentent successivement :les institutions de lpoque franque (premiresimitations du modle romain), les institutions de laFrance mdivale (clipse et renouveau du modleromain), les institutions de la France moderne (ledpassement du modle romain).Chacune des trois parties souvre par un chapitreprliminaire rsumant grands traits lhistoire politiquede lpoque concerne. Par souci de clart, chaquepartie est ensuite subdivise selon un planchronologique. Pour chaque priode, sont prsents :la conception du pouvoir, lorganisation et le rle deladministration, lorganisation de lglise et ses rapportsavec la royaut.

    Agrg des facults de droit, Martial Mathieu estprofesseur la facult de droit de luniversit Pierre-Mends-France (Grenoble II). Patricia Mathieu estmatre de confrences la facult de droit deluniversit Pierre-Mends-France (Grenoble II). Ilsenseignent, notamment, lhistoire des institutionspubliques.

    Histoire des institutions publiquesde la France

    Presses universitaires de GrenobleBP 47 38040 Grenoble Cedex 9

    [email protected] www.pug.fr

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    ISBN : 978-2-7061-1441-0Code Sofedis-Sodis S38265515

    9 782706 114410

    Couv. Institutions:Couv. Histoire institutions 13/12/07 12:18 Page 1

  • Histoire des institutions publiques de la France

    Des origines franques la Rvolution

  • Presses universitaires de Grenoble, janvier 2008BP 47 38 040 Grenoble cedex 9Tl. : 04 76 82 56 52 Fax : 04 76 82 78 [email protected] / www.pug.fr

    ISBN 978-2-7061-1441-0

    Le code de la proprit intellectuelle nautorisant, aux termes de lar-ticle L. 122-5, 2et 3 a, dune part, que les copies ou reproductions strictement rserves lusage priv du copiste et non destines une utilisation collective et, dautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dillustration, toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (art. L. 122-4).

    Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait donc une contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

  • Martial Mathieu, Patricia Mathieu

    Histoire des institutions publiques de la France

    Des origines franques la Rvolution

    Presses universitaires de Grenoble

  • La collection Droit en + est dirige par Patrick Maistre du Chambon, professeur des Facults de droit, Doyen honoraire de la facult de droit de Grenoble, en liaison avec le dpartement de tl-enseignement de la facult de droit de Grenoble.

    Dans la mme collectionChiana Grard, Histoire des institutions publiques de la France

    Tome I Du dmembrement la reconstitution de ltat (476-1492), 1994

    Tome II Essor et dclin de ltat monarchique (1492-1789), 1995

    Tome III Ltat moderne en formation (1789-1870), 1996Conte Philippe, Maistre du Chambon Patrick, La Responsabilit civile dlictuelle, 2000, 3e ditionConte Philippe, Petit Bruno, Les incapacits, 1995, 2e ditionEuzby Alain, Introduction lconomie politique

    Tome I Concepts et mcanismes, 2000, 2e ditionTome II Politiques conomiques, 1998

    Farge Michel, Les Srets, 2007Gondouin Genevive, Rouxel Sylvie, Les institutions juridiction-nelles, 2007, 2e ditionGranet Frdrique, Hilt Patrice, Droit de la famille, 2006, 2e ditionLeroy Paul, Les Rgimes politiques du monde contemporain,

    Tome I Les rgimes politiques des tats libraux, 2001Tome II Les rgimes politiques des tats socialistes et des tats

    du tiers-monde, 2003Tome III Le rgime politique et lorganisation administrative

    de la France, 2001Maistre du Chambon Patrick, Droit des obligations. Rgime gn-ral, 2005Montain-Domenach Jacqueline, Brmond Christine, Droit des collectivits territoriales, 2007, 3e dition

  • Montanier Jean-Claude, Les Rgimes matrimoniaux, 2006, 5e dition ; Le Contrat, 2006, 4e dition

    Montanier Jean-Claude, Samuel Geoffrey, Le Contrat en droit anglais, 1999Petit Bruno

    Introduction gnrale au droit, 2006, 6e dition Les personnes, 2003, 3e dition

    Rad Christophe, La Responsabilit civile contractuelle Les quasi-contrats, 2001Rousset Michel et Olivier, Droit administratif

    Tome I LAction administrative, 2004, 2e ditionTome II Le Contentieux administratif, 2004, 2e dition

    Saintourens Bernard, Droit des affaires, 2002, 2e ditionSalvage Philippe, Droit pnal gnral, 2006, 6e ditionSimler Philippe, Les Biens, 2006, 3e ditionSouweine Carole, Droit des entreprises en difficult, 2007, 2e ditionTauran Thierry, Droit de la scurit sociale, 2000Tercinet Josiane, Relations internationales

    Tome I La scne internationale contemporaine, 2006Tome II Les principaux acteurs et leur encadrement juridique, 2006

    Vergs tienne, Procdure civile, 2007

  • avant-propos

    Lorsque le doyen Patrick Maistre du Chambon nous a fait lhonneur de nous demander une mise jour de lHistoire des institutions publie par Grard Chiana dans cette collection (entre 1994 et 1996), il nous est apparu que nous ne pouvions faire lconomie dune refonte de lensemble de louvrage, non seulement pour tenir compte des avances rcentes de lhisto-riographie, mais aussi pour adapter loutil pdagogique la rforme des programmes. En effet, larrt du 30 avril 1997 a inscrit deux cours historiques parmi les matires fondamentales enseignes en premire anne du DEUG de droit (et donc de lactuelle licence en droit) : un cours dintroduction historique au droit (consacr lhistoire des sources du droit) et un cours dhistoire du droit (traditionnellement consacr lhistoire des institutions publiques). Dans le prsent ouvrage, nous avons exclusivement trait de lhistoire des institutions publiques, de lpoque franque la Rvolution. Cela revient proposer un tableau de lvolution des institutions politiques et administra-tives de la France, en laissant de ct les questions conomiques et sociales (nagure introduites dans le cours dhistoire des institutions publiques et des faits conomiques et sociaux), qui nous semblent relever de lhistoire du droit des personnes ou du droit des biens, de mme que lvolution des sources du droit relve du cours dintroduction historique au droit.Conu en priorit pour les tudiants des facults de droit, cet ouvrage sadresse aussi tous ceux qui recherchent une prsentation synthtique de lhistoire des institutions publiques

  • 8 Histoire Des institutions publiques De la France

    (tudiants en histoire, en science politique, candidats aux concours de la fonction publique, etc.). Son objet est doffrir une vision aussi claire que possible de la matire laquelle il est consacr, conformment lesprit de la collection Droit en + . Autant dire que cest le souci de lefficacit pdagogique qui a inspir sa rdaction, plus que la recherche de loriginalit ou de lexhaustivit. Le bagage des bacheliers en matire historique tant ce quil est, il nous a paru souhaitable dopter pour une prsentation obissant, autant que possible, un plan strictement chronologique. Car lhistoire du droit est une discipline passionnante, mais difficile pour qui ne matrise pas le contexte dans lequel sinscrivent les institutions tudies : au lieu dclairer lanalyse, la perspective historique vient alors lobscurcir. Lorsque lon croit savoir, par exemple, que Charlemagne tait le fils de Justinien (lexemple est tir dune copie dexamen), il est difficile dapprcier sa juste mesure la renovatio imperii de lan 800En dpit de la lourdeur du handicap hrit de leur cursus antrieur, les tudiants en droit manifestent gnralement de lintrt voire de lenthousiasme pour les cours historiques. Il convient, toutefois, de ne pas sillusionner : cet engouement est souvent provoqu par le charme rsultant de la dcouverte tardive de priodes peu connues (parce que peu abordes dans les classes primaires et secondaires, ou prsentes sans souci de la chronologie ; cet gard, les mthodes denseignement sont sans doute autant en cause que le contenu des programmes). En dfinitive, les historiens du droit se trouvent chargs dun double ministre : une sorte de mission pralable consistant combler les lacunes des tudiants dans le domaine de lhistoire gnrale (ce qui reprsente dj un dfi difficile relever pour nombre dtudiants), et une mission principale consistant prsenter lvolution des institutions proprement juridiques.Face cette situation, les manuels dhistoire des institutions se sont enrichis de dveloppements de plus en plus longs ayant pour objet de situer la priode tudie. Pour ne pas ignorer une ralit chaque anne plus criante, nous sacrifions cet usage,

  • 9Avant-propos

    en faisant dbuter chaque partie de cette Histoire des institutions par un chapitre prliminaire rsumant lhistoire politique de la priode concerne. Ces repres chronologiques doivent tre pris comme une invitation approfondir la connaissance du contexte du cours dhistoire des institutions publiques par la lecture douvrages dhistoire gnrale. (Existe-t-il, dailleurs, un meilleur moyen de se forger une culture gnrale ?)

  • introDuction

    bien des gards, lhistoire politique du royaume de France se construit par rfrence lEmpire romain. En effet, lins-tallation de tribus germaniques lintrieur du limes, au ive et au ve sicle de lre chrtienne (les invasions barbares ), nefface pas instantanment, ni compltement, lempreinte de la civilisation romaine. Au contraire, en matire politique, comme dans beaucoup dautres domaines, les institutions de lEmpire romain sont un objet dadmiration pour les nouveaux matres du pouvoir : les Barbares cherchent dabord se faire une place au sein de lEmpire, avant de songer sen disputer les dpouilles.Cest dans ce contexte fortement marqu par la romanit que Clovis et ses successeurs forgent un royaume, le regnum Francorum ( royaume des Francs ), auquel les hasards de lhistoire (ou faut-il y voir luvre de la Providence divine ?) donneront une destine plus que millnaire. Sauv de lcla-tement par les maires du palais, souche des Carolingiens, le regnum Francorum connat sous la nouvelle dynastie une dila-tation territoriale qui conduit le faire apparatre comme un nouvel Empire romain dOccident.La dislocation de cet empire carolingien est lorigine de la France mdivale. La Francia occidentalis, avatar du cur historique du royaume franc, est alors plonge dans le chaos politique : la famille aristocratique des Captiens, qui rcupre finalement le titre royal, se trouve la tte dun royaume o le roi ne contrle plus ses agents, lesquels ne contrlent plus

  • 12 Histoire Des institutions publiques De la France

    leurs propres subordonns. Lhorizon politique se rtrcit donc lchelle des seigneuries, sorte de royaumes en rduction. Lclatement provoqu par la crise chtelaine jette un voile sur le souvenir du modle romain. Cependant, la stabilisation des seigneuries, qui se traduit par ltablissement dun ordre seigneurial, conduit rapidement rechercher linspiration dans le modle politique carolingien. La seconde moiti du Xie sicle est une priode de bouillonnement : lordre seigneurial est remis en cause dans ses fondements, par la raction de lglise, par la rvolution conomique et par la renaissance intellectuelle quelle favorise. vnement considrable, la renaissance du droit romain, qui rayonne partir de Bologne, permet la redcouverte du modle imprial, offrant ainsi un appui la croissance du pouvoir royal. Pour simposer aux seigneurs, le roi, imitant en cela les princes, exploite le modle fodal, mais il invoque aussi le modle romain : seigneur des seigneurs , le roi de France est aussi empereur en son royaume . La fin de lpoque mdivale voit ainsi laffirmation du caractre rsolu-ment monarchique de la royaut franaise et lmergence dun tat dont le roi est le serviteur autant que lincarnation.Lhistoire de la France moderne est donc celle de cet tat, dont la forme monarchique saccuse au fil des crises surmontes : la concentration du pouvoir entre les mains du monarque semble se nourrir des oppositions, dans la mesure o celles-ci chouent rgulirement imposer une tutelle au pouvoir royal. Lhistoire de ltat monarchique est aussi celle du dpassement du modle romain : lintrt de la Renaissance humaniste pour lAntiquit conduit considrer le droit et les institutions de lEmpire romain avec un il neuf. LEmpire romain y perd son statut de modle absolu et, au tournant du Xviie sicle, la souverai-net de ltat est refonde sur des principes abstraits, ampute de ses racines historiques (mais pas encore de son fondement religieux). Monarque de droit divin, le roi de France jouit dun pouvoir absolu, relay par des agents qui lui doivent conseil. En ralit, ces principes se heurtent de puissants obstacles hrits de lhistoire du royaume, des oppositions capables de paralyser

  • Introduction 13

    laction du gouvernement royal et dentraner, en empchant la rforme des institutions, la chute de ltat monarchique.Dresser un tableau de lvolution des institutions publiques de la France, des origines franques jusquau choc rvolution-naire, impose donc de commencer par prsenter les caractres essentiels de lEmpire romain, qui tient lieu la fois de matrice et de modle pour les institutions du royaume (chapitre prli-minaire). En effet, les institutions de lpoque franque, tout dabord, apparaissent comme le fruit de tentatives plus ou moins russies de prolonger le modle romain (premire partie). La France mdivale, ensuite, issue de lclatement de lempire carolingien, prsente des institutions qui tmoignent de lclipse puis du renouveau de ce modle romain, qui inspire la gense de ltat moderne (deuxime partie). La croissance de ltat monarchique, enfin, conduit les institutions de la France moderne sur la voie du dpassement du modle romain (troi-sime partie).

  • cHapitre prliminaireLEmpire romain, matrice et modle

    des institutions du royaume

    Alexis de Tocqueville a compar lhistoire une galerie de tableaux o il y a peu doriginaux et beaucoup de copies . LEmpire romain est lun de ces originaux, fruit de circonstances indites et source dinspiration pour les sicles postrieurs. Il constitue la matrice des institutions publiques de lancienne France, car le royaume de Clovis se dveloppe dans un cadre politique caractris par leffacement de la puissance imp-riale en Occident, mais encore trs fortement marqu par la romanit. LEmpire romain reprsente aussi un modle pour les institutions du royaume, dans la mesure o, jusqu la Renaissance, il est considr comme une rfrence idale, un rgime providentiel voulu par Dieu. De fait, lEmpire romain, dans son dernier tat (celui que connaissent les Wisigoths ou les Francs), est une monarchie absolue (section I) qui est devenue chrtienne (section II), et dont le caractre militaire sest accus (section III).

    section i une monarcHie absolue

    Il convient de rappeler brivement les grandes tapes de lhis-toire politique romaine, qui rythment le passage du rgime oligarchique de la Rome rpublicaine la monarchie absolue

  • 16 Histoire Des institutions publiques De la France

    du Bas-Empire ( 1), avant de prsenter les caractres essentiels de cette monarchie impriale ( 2).

    1 De loligarcHie rpublicaine la monarcHie imprialeRome est dabord gouverne par des rois, latins puis trusques, depuis sa fondation (que la lgende situe en 753 avant J.-C.), jusqu ce que laristocratie se soulve et chasse le roi trusque Tarquin le Superbe, en 509. Cette rvolte, dirige par les chefs des vieilles familles romaines, met fin la royaut et inaugure un rgime politique dans lequel le pouvoir devient la res publica ( la chose publique ). De cet pisode, les Romains gardent une haine farouche de la royaut. Chose publique , le pouvoir est surtout la chose des patres ( les pres ), les chefs des familles nobles (qui forment le patri-ciat). En effet, lorigine, les institutions de la Rpublique sont aux mains des patriciens. Le rgime rpublicain est caractris par le souci de diviser le pouvoir (pour viter un retour de la royaut). La cit est donc dirige par un conseil aristocratique, le Snat (compos des chefs des grandes familles), des magis-trats (dont les plus importants sont les deux consuls), et des assembles populaires (les comices).Lhistoire de la Rpublique est marque par la lutte entre la plbe et le patriciat (les plbiens conquirent progressivement certaines garanties et certaines prrogatives), ainsi que par les conqutes militaires : anims par la volont obsessionnelle de repousser lennemi potentiel le plus loin possible de leur cit, les Romains tendent leur domination sur des territoires de plus en plus vastes. La victoire sur Carthage leur assure le contrle de lOuest du bassin mditerranen ; avec la conqute des royaumes hellnistiques, lemprise romaine stend sur les rives orientales de la Mditerrane. La Gaule est conquise entre la fin du iie sicle et le milieu du ier sicle avant J.-C.Une telle expansion territoriale, source de richesses considra-bles, dstabilise le rgime rpublicain : le ier sicle avant J.-C. est marqu par une succession de guerres civiles (cest--dire

  • L'Empire romain, matrice et modle des institutions du royaume 17

    entre citoyens), dont lenjeu est le sort du rgime rpublicain. La dfaite du parti aristocratique (attach au maintien de la constitution traditionnelle) ouvre la voie la concentration du pouvoir. Celle-ci, cependant, ne prend pas la forme dune restauration de la royaut. En effet, aprs les checs de Jules Csar et de Marc Antoine, le vainqueur des guerres civiles, Octave, se prsente comme le sauveur de la Rpublique. En ralit, il concentre entre ses mains, avec la bndiction du Snat, des prrogatives qui devraient, en principe, tre divi-ses entre plusieurs magistrats et limites dans le temps. Ce tournant politique, qui se situe en 27 av. J.-C., marque, en fait, la fin de la Rpublique.Le rgime inaugur par Octave, qui le Snat confre le titre dAuguste, est appel Empire par les historiens, daprs le mot imperium, qui dsigne le pouvoir suprme, jadis exerc par le roi trusque, divis ensuite entre les consuls, reconnu enfin au princeps. En effet, Auguste et ses successeurs portent le titre de princeps (cest--dire premier des citoyens), qui illustre leur volont de sinscrire dans la continuit rpublicaine. On qualifie ainsi de Principat la priode du Haut-Empire, qui stend de 27 av. J.-C. la fin du iiie sicle de notre re. Sous le Principat, on assiste au dclin progressif des institutions rpublicaines (Snat, magistratures, comices) ; le rgime prend un tour monarchi-que de plus en plus accus, avec le renforcement continu des prrogatives de lempereur et linstauration dune succession dynastique.La crise du iiie sicle, o lanarchie militaire se conjugue aux premires vagues dinvasions, provoque une volution du rgime imprial dans le sens dun renforcement de la concen-tration du pouvoir : le Principat fait alors place au Dominat.

    2 les principauX traits Du DominatLe Dominat dbute avec le rgne de Diocltien (284-305). Pour faciliter la dfense de lEmpire, Diocltien rforme lorgani-sation du gouvernement central et celle de ladministration locale.

  • 18 Histoire Des institutions publiques De la France

    En 293, il inaugure un systme de gouvernement collgial, la ttrarchie : le territoire de lEmpire est divis en deux parties, confies chacune un empereur portant le titre dauguste ; chaque auguste sadjoint un csar, qui il confie une portion de territoire gouverner. Officiellement lunit de lEmpire est maintenue, mais la rforme de Diocltien annonce la partition dfinitive de lEmpire (en 330, Constantin fait de Byzance, rebaptise Constantinople, la capitale de la partie orientale de lEmpire).Lempereur cesse alors dtre le premier des citoyens pour devenir leur matre (dominus) : le Dominat est une monarchie absolue, dans laquelle lempereur est lgislateur, juge suprme, chef de larme et chef de ladministration civile. En outre, la sacralisation de la personne de lempereur, largement amorce sous le Principat (sous linfluence des monarchies orientales), saccentue. LEmpire romain devient ainsi une monarchie de droit divin bien avant de devenir chrtien.Le territoire de lEmpire est divis en provinces. Conquise la fin de lpoque rpublicaine, la Gaule est partage en quatre provinces (Narbonnaise, Aquitaine, Lyonnaise et Belgique), elles-mmes divises en cits. Chaque cit reoit une organisa-tion calque sur le modle des institutions romaines (un Snat appel curie, deux magistrats, une assemble des citoyens) ; elle sadministre sous le contrle du gouverneur de province.Au Bas-Empire, le contrle du pouvoir central se fait de plus en plus pesant : Diocltien multiplie le nombre des provinces (de quatre quinze, puis dix-sept, pour la Gaule, regroupes en deux diocses : diocse de Vienne, au Sud, et diocse des Gaules, au Nord) ; les cits sont administres directement par des fonctionnaires impriaux (curateur, dfenseur, comte). Il existe une aristocratie provinciale, forme par les citoyens qui ont accd lordre snatorial romain (qui emporte exemp-tion des charges fiscales). Pour chapper la fiscalit impriale de plus en plus lourde, les citadins cherchent refuge dans les grands domaines (vill) de laristocratie snatoriale, dont la puissance est ainsi renforce. Cest cette aristocratie qui doit

  • L'Empire romain, matrice et modle des institutions du royaume 19

    composer avec les Barbares lorsque lautorit impriale, qui a du mal dfendre lItalie, laisse la Gaule livre elle-mme.Cest galement au sein de cette aristocratie que sont recruts les vques, cadres dune glise qui joue un rle capital depuis que lEmpire romain est devenu une monarchie chrtienne.

    section ii une monarcHie cHrtienne

    Comme dans la section prcdente, on rappellera les grandes tapes du dveloppement du christianisme dans lEmpire romain ( 1), avant de prsenter les consquences de ce proces-sus sur le rgime imprial ( 2).

    1 la cHristianisation De lempireDrive du judasme, la religion fonde sur lenseignement du Christ (lvangile), se dveloppe lintrieur du cadre politique de lEmpire romain. Les disciples du Christ vont de cit en cit pour diffuser le message vanglique et donner le baptme aux nouveaux convertis. Les chrtiens de chaque cit se regroupent en ecclesia ( glise , cest--dire assemble, donc communaut), sous la direction dun episcopus ( vque ) ; lensemble des glises locales forme lglise universelle. Comme les premiers chrtiens se recrutent dans les centres urbains, le mot paganus (habitant du pagus, paysan ) devient synonyme de non-chr-tien : le monde rural est celui des paens .Les Romains ne sont pas hostiles par principe aux religions trangres. Elles spanouissent librement, ct de la reli-gion traditionnelle de la cit. Mais le christianisme pose un problme nouveau, parce quil sagit dun monothisme exclu-sif (comme le judasme) vocation universelle. En outre, le christianisme, mme sil affirme clairement lorigine divine du pouvoir politique, affirme aussi le dualisme fondamental entre lordre spirituel et lordre temporel, la sparation du domaine religieux et du domaine politique. En cela, le christianisme

  • 20 Histoire Des institutions publiques De la France

    est en rupture avec les religions traditionnelles de lAntiquit, qui mlent troitement les deux domaines (quil sagisse des religions civiques, qui visent la protection de la cit, ou des religions orientales, qui font du roi un mdiateur entre la divi-nit et les hommes).Parce quils se mettent eux-mmes en marge de la socit romaine, les chrtiens sont la cible de perscutions ordonnes par certains empereurs. Cette rpression cesse sous le rgne de Constantin (306-337), empereur favorable lglise : en 313, l dit de Milan ordonne que les chrtiens ne soient plus inquits. Fort de cet appui, le christianisme connat une expansion considrable. Lvque voit son rle officiellement reconnu par le pouvoir imprial, notamment en tant que juge du clerg. Lglise se dote dune organisation calque sur celle de ladministration impriale : chaque vque est en charge dune cit ; lvque dune mtropole provinciale se voit recon-natre la prminence sur les autres vques de la province ; lchelle de lEmpire, lvque de Rome (capitale historique de lEmpire), successeur de saint Pierre (chef des aptres), affirme sa primaut sur les autres vques, et apparat bientt comme le chef de lglise universelle. On lui rserve alors le titre de papa ( pape ).Au cours des premiers sicles chrtiens, la dfinition du dogme donne lieu de nombreux dbats. Lassemble des vques (concile) dtermine lorthodoxie ( la foi droite ) et condamne les hrsies (croyances dviantes), notamment larianisme (doctrine qui nie la nature divine du Christ). Avant dtre dfi-nitivement carte, lhrsie arienne connat un certain succs ; des peuples barbares allis de lEmpire sont ainsi convertis par des missionnaires ariens, tels les Goths ou les Burgondes. Les chrtiens hrtiques deviennent la cible des perscutions, au mme titre que les fidles des cultes paens, lorsque lempereur Thodose Ier (379-395) fait du christianisme orthodoxe la seule religion reconnue dans lEmpire (dit de Thessalonique, 380). Religion personnelle de lempereur depuis le dbut du sicle, le christianisme devient alors la religion officielle de ltat. Ce

  • L'Empire romain, matrice et modle des institutions du royaume 21

    tournant du ive sicle confre lglise une place minente dans lEmpire.

    2 lglise et le pouvoir imprial la suite de saint Paul (ptre aux Romains, 13, 1-4), les penseurs chrtiens enseignent la soumission aux puissances temporelles, fonde sur laffirmation de lorigine divine du pouvoir (vangile de Jean, 19, 11). Toutefois, dans la partie occidentale de lEmpire, ces principes ne conduisent pas la sacralisation de la personne de lempereur (qui simpose Constantinople, faisant de lempereur dOrient le relais entre Dieu et les hommes). Car les Pres latins soulignent le dualisme qui caractrise la fois lhomme et le monde : la cit terrestre est la cit cleste (le royaume des cieux ) ce que lhomme extrieur (le corps, lenveloppe charnelle) est lhomme int-rieur (lme).Lhomme intrieur et la cit cleste sont du ressort de lglise. Lhomme extrieur et la cit terrestre sont confis lempe-reur, qui apparat comme lvque de lextrieur . On voit ainsi se mettre en place un modle original de relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, fond sur lindpen-dance et la collaboration des deux pouvoirs. Ce modle repose sur un quilibre difficile atteindre : lempereur doit protger lglise, sans pour autant simmiscer dans les questions reli-gieuses (la protection ne doit pas se transformer en tutelle) ; de son ct, lglise ne doit pas se mler des affaires politiques, sauf lorsquelles touchent la religion (le pape peut intervenir ratione peccati, cest--dire condamner les actes contraires aux prceptes divins).Dans ce systme, pouvoir spirituel et pouvoir temporel ne sont pas placs sur un pied de stricte galit. Au contraire, le pape Glase (492-496) affirme la supriorit du premier, en qualifiant le pouvoir des prtres dauctoritas et celui des rois de simple potestas. La hirarchie est justifie par la responsabilit des prtres, qui auront rpondre pour les rois eux-mmes au jour du jugement dernier.

  • 22 Histoire Des institutions publiques De la France

    Ce principe ne remet nullement en cause le pouvoir de lempe-reur dans la sphre temporelle : tous les hommes, y compris les clercs, doivent obir lempereur. Certains auteurs chrtiens considrent mme lEmpire romain comme un instrument de la Providence divine : lunit et la paix assures par le rgime imprial (n en mme temps que le christianisme) permettent la diffusion du message vanglique et prfigurent le royaume des cieux. Ce thme du caractre providentiel de lEmpire conduit assimiler chrtient et romanit, en reconnaissant chacune une vocation universelle.Protecteur de lglise, lempereur doit avant tout protger le territoire de lEmpire contre les agressions, qui se multiplient partir du iiie sicle. Confront la pression de plus en plus forte des peuples germaniques, lEmpire romain est devenu une monarchie militaire.

    section iii une monarcHie militaire

    Au iiie sicle, lexpansion territoriale de lEmpire est termine. Les guerres de conqute font place des campagnes dfensives : il sagit dempcher les Barbares de franchir le limes (la fron-tire de lEmpire, tablie sur le Rhin et le Danube). Limpratif de dfense (qui inspire les rformes de Diocltien) confre la fonction militaire une importance majeure. Or, la dfense du limes est de plus en plus systmatiquement confie des tribus barbares allies, ce qui favorise lascension rapide de ces auxiliaires barbares au sein de lEmpire ( 1). Titulaires de la puissance militaire, les Barbares semparent alors du pouvoir politique, laiss vacant par laffaiblissement de lautorit imp-riale, notamment en Gaule ( 2).

    1 lirrsistible ascension Des auXiliaires barbaresDire que lEmpire est devenu une monarchie militaire signifie que la fonction militaire a pris une importance telle, que lem-

  • L'Empire romain, matrice et modle des institutions du royaume 23

    pereur ne conserve sa lgitimit que sil est victorieux. De fait, les empereurs du Dominat brillent par leurs qualits de chefs de guerre, plus que par le raffinement de leur culture : leur principale mission est de repousser les raids barbares. Certes, lempereur a toujours t investi dune fonction guerrire, et les armes ont dj jou un rle politique majeur dans laccs au pouvoir au cours des priodes de crise, mais, partir du iiie sicle, le phnomne devient permanent : ce sont les armes qui font les empereurs (chaque gnral en chef ayant ainsi la tentation de semparer du pouvoir imprial ; cest le ressort de lanarchie militaire qui caractrise le IIIe sicle). Or, les empe-reurs tendent se reposer de plus en plus sur les contingents fournis par les peuples fdrs.Il sagit de Barbares tablis sur le territoire de lEmpire en vertu dun trait dalliance (foedus) conclu avec lempereur. En effet, au ive sicle, la pression exerce par les peuples germaniques sur le limes change de nature : les raids organiss pour piller les cits des provinces frontalires font place la migration massive de tribus entires en qute de terres. Ces peuplades fuient devant les Huns, qui veulent les soumettre leur domination. La peur des Huns pousse ainsi les Goths franchir le Danube en 376 ; elle est aussi la cause du passage du Rhin par les Vandales, les Suves et les Alains, en 406. Cette dernire invasion donne aux Francs loccasion de sillustrer dans la dfense des provinces dont la garde leur a t confie.Ultime rempart de la romanit, les Barbares fdrs acqui-rent une puissance politique croissante. Leurs chefs se forgent de vritables royaumes, quils gouvernent par dlgation du pouvoir imprial. Les relations avec la cour impriale voluent au gr des rapports de force, les Barbares cherchant tendre leur domination au-del des limites dfinies par les traits. La Gaule passe ainsi sous la domination de Barbares romaniss.

    2 le sort De la gauleCertaines tribus franques, dont les Francs saliens, sont auto-rises stablir lintrieur du limes au milieu du ive sicle,

  • 24 Histoire Des institutions publiques De la France

    avec la mission de dfendre la frontire de lEmpire contre les autres Barbares. Au dbut du ve sicle, en 418, les Wisigoths (qui ont mis Rome sac en 410) sont tablis par foedus dans la valle de la Garonne, pour y rtablir lordre en combattant les bagaudes (bandes de hors-la-loi). En 443, les Burgondes sont installs en Sapaudia pour contenir les Alamans. Lorsque Wisigoths et Burgondes cherchent tendre leurs territoires, le pouvoir romain se manifeste (alors qu la mme poque il nest plus en mesure dintervenir dans lle de Bretagne, envahie par les Saxons) : le patrice (chef suprme des armes) Aetius rtablit lordre, en simposant par la force aux Wisigoths et aux Burgondes.En 451, Aetius stoppe les Huns dAttila, en leur opposant une arme majoritairement compose de contingents barbares (Wisigoths, Burgondes, Francs, Alains). Aprs la mort dAetius (en 453), le pouvoir imprial nest plus capable dintervenir efficacement au-del des Alpes. Les Wisigoths se taillent alors un vaste royaume, de lAquitaine la Provence. Les Burgondes font de mme, tendant leur domination de la rgion de Langres jusqu la Durance.Sur le plan local, les rois barbares composent avec les autori-ts municipales, notamment avec les vques, qui jouent un rle majeur dans la direction des cits. Cependant, la religion est une source de conflits entre lpiscopat gallo-romain et les Barbares qui confessent la foi arienne. Larianisme constitue ainsi le principal obstacle lintgration des Wisigoths et des Burgondes dans lEmpire.Dans le Nord de la Gaule, le dernier reprsentant du pouvoir romain est le magister militum (gnral en chef) Syagrius, qui contrle le territoire situ entre la Loire et la Somme. Lautre puissance militaire est constitue par les contingents francs, tablis dans la valle du Rhin (Francs rhnans) et en Belgique (Francs saliens). Lorsque le dernier empereur dOccident est dpos par le gnral barbare qui lui a permis daccder la pourpre, le sort de la Gaule se joue entre les puissances mili-taires prsentes sur son sol et capables den assurer la dfense.

  • L'Empire romain, matrice et modle des institutions du royaume 25

    Le rapport des forces semble favorable aux Wisigoths ; ce sont pourtant les Francs qui prennent le relais du pouvoir romain dfaillant.

  • Premire partie

    Les institutions de Lpoque franque : premires imitations

    du modLe romain (481-987)

    Lpoque franque correspond au haut Moyen ge, cest--dire la priode qui stend de la chute de lEmpire romain dOccident, la fin du ve sicle de notre re, jusqu lviction dfinitive de la dynastie carolingienne du trne de Francie occidentale, la fin du Xe sicle. Au commencement de cette priode, la Gaule devient le royaume des Francs. Ces derniers mettent en place des institutions largement imprgnes de la tradition germanique, mais qui senracinent dans le terreau de la romanit.Sous les rois mrovingiens (481-751), cette premire tentative pour imiter le modle romain trouve rapidement ses limites : le royaume, au bord de lclatement, est sauv par la dynastie des maires du palais, les Pippinides, souche des Carolingiens. Sous la dynastie carolingienne (751-987), le royaume des Francs devient le cur dun ensemble territorial dilat par les guer-res de conqute. Dans un contexte marqu par la renaissance de la civilisation antique, le modle romain connat alors un renouveau spectaculaire, qui culmine avec la restauration de lEmpire dOccident. Mais la copie est bien loigne du modle, et le fragile difice carolingien seffondre ds la seconde moiti du iXe sicle, laissant lancien royaume des Francs affronter son propre destin, sous le nom de Francie ou France (Francia

  • 28 Histoire Des institutions publiques De la France

    occidentalis, puis Francia, lorsque la Francia orientalis devient royaume de Germanie).Aprs avoir brivement soulign les temps forts de lhistoire politique de la priode, qui voit, dans le passage de la Gaule la France, la double naissance du royaume (chapitre prli-minaire), on prsentera les institutions mrovingiennes, qui illustrent lessoufflement du modle romain (chapitre I), puis les institutions carolingiennes, tmoins dune brillante mais phmre renaissance de la romanit (chapitre II).

  • cHapitre prliminaireDe la Gaule la France :

    la double naissance du royaume

    Lorsque, sous la dynastie captienne, les chroniqueurs rdi-gent lhistoire du royaume de France, ils la font dbuter avec Clovis. Les Mrovingiens et les Carolingiens constituent les deux premires races de rois de France, et chacune des deux dynasties franques contribue lmergence du royaume : celui-ci connat une premire naissance lorsque Clovis et ses fils, unifiant la Gaule, en font le royaume des Francs (section I) ; il connat une seconde naissance lorsque le partage de lempire carolingien cre la Francie occidentale (section II).

    section i les mrovingiens et la premire naissance Du royaume

    (481-751)

    Aprs la guerre civile qui dchire le royaume fond par Clovis ( 1), la dynastie mrovingienne connat son apoge au milieu du viie sicle, avant de dcliner ( 2).

    1 De la Formation Du royaume Des Francs la guerre civile (481-613)

    La dynastie mrovingienne commence avec Clovis, qui devient roi des Francs saliens la mort de son pre, Childric, en

  • 30 Histoire Des institutions publiques De la France

    481. Les Francs saliens sont alors tablis dans la province de Belgique seconde, autour de la cit de Tournai. Clovis met profit lhostilit que le clerg gallo-romain nourrit lgard des ariens : il apparat comme lunique recours contre les Wisigoths. Lorsque Syagrius se rapproche du roi des Wisigoths, Alaric, les vques des cits de la Gaule du Nord sollicitent laide de Clovis. Celui-ci dfait larme de Syagrius Soissons (en 486) et devient le seul matre du pays situ au nord de la Loire. Il conclut une alliance avec les Burgondes en pousant la prin-cesse Clotilde.Clovis se tourne ensuite vers lEst : aprs avoir soumis les Thuringiens, il se porte au secours des Francs rhnans, menacs par les Alamans. Selon Grgoire de Tours, cest au cours dune bataille dcisive contre les Alamans ( Tolbiac) que Clovis fait le vu de se convertir au christianisme en cas de victoire. Il est baptis le jour de Nol, probablement en 498, dans la cit de Reims, en compagnie dun certain nombre de ses compagnons. Cet vnement accrot considrablement le prestige de Clovis auprs des Gallo-Romains. Au printemps 507, il dclenche une offensive dcisive contre le royaume des Wisigoths. Avec laide de contingents francs rhnans et burgondes, il crase, prs de Poitiers, larme du roi Alaric. Tandis que les Wisigoths se reti-rent au-del des Pyrnes, Clovis se rend matre de lAquitaine. Il ne peut toutefois raliser son rve datteindre la Mditerrane, car lintervention des Ostrogoths (matres de lItalie) permet aux Wisigoths de conserver la Septimanie.Unique chef des Francs (aprs avoir fait liminer les autres chefs saliens et les rois des Francs rhnans), Clovis sest constitu un vaste royaume qui stend du Rhin aux Pyrnes et dont il fixe la capitale Paris. Aprs son dcs, en 511, le royaume est partag entre ses quatre fils. Ces derniers tendent la domi-nation des Francs vers lEst (ils soumettent les Bavarois) et vers le Sud-Est : ils conquirent le royaume des Burgondes (en 534) et obtiennent des Ostrogoths (affaiblis par loffensive de lempereur dOrient, Justinien) la cession de la Provence (en 537). Au milieu du vie sicle, le pouvoir des Francs stend

  • De la Gaule la France : la double naissance du royaume 31

    donc sur la Gaule tout entire, lexception de quelques zones priphriques (telles lArmorique, tenue par les Bretons, ou la Septimanie, encore aux mains des Wisigoths).Aprs le dcs du dernier fils de Clovis, Clotaire Ier, qui a reconstitu lunit du royaume (de 558 561) en rcuprant les parts de ses frres, le royaume des Francs connat une priode de troubles. La crise, qui trouve son origine dans un conflit priv entre deux fils de Clotaire : Sigebert, roi dAustrasie (lan-cien royaume des Francs rhnans) et Chilpric, roi de Neustrie (lancien royaume des Francs saliens), sachve par la victoire de Clotaire II (fils de Chilpric), qui demeure en 613 le seul roi des Francs. Sous son rgne, et sous ceux de ses successeurs, les Francs se dtournent de la Mditerrane, qui les avait fascins jusqualors ; ils tournent leurs regards vers le Nord, o se trou-vent des peuples vangliser et des terres conqurir.

    2 De lapoge au Dclin Des mrovingiens (613-751)Sous les rgnes de Clotaire II (613-629) et de son fils, Dagobert (629-639), le royaume des Francs se redresse : le rgne du bon roi Dagobert correspond lapoge de la dynastie mrovin-gienne. Par ses expditions militaires, Dagobert assure lunit de la Gaule et fait de la Germanie un glacis dfensif contre les nouveaux prils venus de lEst (Slaves et Avars).Aprs la disparition de Dagobert, la royaut mrovingienne connat une nouvelle crise, trs grave. En effet, profitant de la minorit des fils de Dagobert, les maires du palais sempa-rent du pouvoir rel en Neustrie et en Austrasie. Un double processus se met en marche, menaant lunit du royaume. Les rgions du Sud de la Gaule, tardivement conquises, cherchent smanciper de la tutelle franque : lAquitaine et la Provence se dtachent du royaume des Francs, tandis que la rvolte de la Bourgogne (lancien royaume des Burgondes) est svre-ment rprime. En Neustrie et en Austrasie, laristocratie accrot ses richesses et son pouvoir. On assiste alors une lutte entre maires du palais et clans aristocratiques. En 687, le maire du palais dAustrasie, Ppin de Herstal, limine son homologue

  • 32 Histoire Des institutions publiques De la France

    neustrien et devient maire du palais de tout le royaume des Francs. Il restaure lordre en Gaule du Nord et sur les marches orientales du royaume, mais doit laisser la Bourgogne sman-ciper (et clater en principauts piscopales). son dcs (714), le royaume se dchire nouveau, jusqu ce que lun de ses fils, Charles (surnomm Martel ) parvienne simposer, dabord en Austrasie, puis en Neustrie. Aprs avoir mis au pas le Nord du royaume, Charles ramne la soumission les duchs germa-niques. Enfin, lexpansion de lIslam lui offre un prtexte pour intervenir au Sud. En effet, entre 711 et 725, les musulmans ont conquis lancien royaume des Wisigoths, soit la quasi-totalit de lEspagne et la Septimanie, do ils menacent lAquitaine. Pour repousser les raids des Sarrasins ( les orientaux ), les Aquitains sont contraints de demander laide des Francs. Aprs avoir vaincu larme de lmir Abd-al-Rhaman prs de Poitiers (732), Charles procde au nettoyage de la Gaule du Sud : entre 732 et 739, il ravage lAquitaine et la Septimanie, et impose le joug franc la Bourgogne et la Provence.Ayant ainsi restaur son unit par la force, Charles apparat comme le vritable matre du royaume. Il devient mme le seul titulaire du pouvoir lorsque, aprs le dcs du roi Thierry IV, en 737, il ne lui fait pas dsigner de successeur. Le maire du palais rgle sa succession par un partage entre ses trois fils, Carloman, Ppin et Grifon. Les soulvements qui suivent le dcs de Charles Martel (741), auxquels prend part Grifon, conduisent Carloman et Ppin renforcer leur lgitimit en pourvoyant le trne royal dun titulaire, Childric III, tir du monastre o il tait relgu. Llimination de Grifon et la retraite religieuse de Carloman (745) font de Ppin (surnomm le Bref) lunique maire du palais du royaume des Francs. En 751, fort de lappui du pape, il renvoie Childric III dans sa prison monastique et se fait acclamer roi des Francs. la tte du royaume, la famille des Mrovingiens est alors vince par celle des Pippinides (les descendants de Ppin), bientt appels Carolingiens .

  • De la Gaule la France : la double naissance du royaume 33

    section ii les carolingiens et la seconDe naissance Du royaume

    (751-987)

    Lpoque carolingienne est dabord marque par la dilata-tio regni, qui conduit la renovatio imperii ( 1) ; partir de la seconde moiti du iXe sicle, samorce le dclin du pouvoir carolingien ( 2).

    1 Du royaume lempire (751-840)Devenu roi des Francs, Ppin intervient en Italie au profit du pape contre les Lombards (754 et 756). Par une succession dexpditions militaires, il conquiert la Septimanie (752-759), puis lAquitaine (760-768). sa mort (768), le royaume est partag entre ses deux fils, mais le dcs rapide (en 771) du pun, Carloman, laisse lan, Charles, seul roi des Francs. Sous le rgne de celui que la tradition surnommera Charlemagne (Carolus magnus : Charles le Grand), le royaume se renforce et son territoire se dilate, au fil des conqutes. Si la Bretagne et la Gascogne ( pays des Basques ) restent toujours rtives la domination franque, lAquitaine, la Septimanie, la Bourgogne et la Provence sont mieux contrles. De 772 799, Charles mne de nombreuses expditions vers lEst, qui lui permettent dobtenir la soumission des Saxons et dintgrer la Germanie tout entire au royaume.Entre-temps, dautres expditions sont conduites vers le Sud, au-del des Alpes ou des Pyrnes. Charles intervient dabord en Italie, la demande du pape, nouveau menac par les Lombards. En 774, il sempare de Pavie, capitale du royaume lombard, et prend le titre de roi des Lombards. Lincursion des Francs en Espagne (778) se solde par un chec (Charles doit lever le sige de Saragosse, et son arrire-garde est dcime par les Basques Roncevaux).Ltablissement dun pouvoir franc en Italie fait de Charles le protecteur de la papaut. Le 25 dcembre 800, alors quil

  • 34 Histoire Des institutions publiques De la France

    se trouve Rome pour juger une rbellion de laristocratie contre le pape Lon III, celui-ci le couronne empereur romain. Lvnement est alors prsent comme la restauration de lEm-pire romain dOccident. Cette renovatio politique sinscrit dans un vaste mouvement de renaissance de la culture antique (la renaissance carolingienne) vou lharmonisation de la cit terrestre . son dcs (814), Charlemagne ne laisse quun fils de rang royal, qui lui succde la tte de lempire. Le rgne de Louis (Ludovicus = Clovis), surnomm le Pieux , (814-840) est marqu par le rle politique croissant de lpiscopat, dont certains reprsentants dveloppent une thorie du pouvoir imprial fonde sur lunit du peuple chrtien. Le rgne de Louis le Pieux est surtout marqu par la monte des prils int-rieurs et extrieurs : tandis que lempire subit les premiers raids normands, laristocratie profite des rivalits qui dchirent la famille impriale. Le partage de lempire prvu par Louis tant remis en question aprs la naissance dun nouveau fils, les ans se rvoltent contre leur pre.

    2 De lempire au royaume (840-987)La guerre se poursuit entre les frres aprs la mort de lem-pereur, jusqu ce que laristocratie franque impose la paix. Celle-ci, conclue Verdun en aot 843, repose sur la division de lempire en trois royaumes. Lothaire, lan, reoit la partie mdiane (sur laxe Aix-la-Chapelle-Pavie-Rome), avec le titre imprial ; Louis reoit les territoires situs lest du Rhin ; Charles (surnomm le Chauve ), enfin, reoit les territoi-res situs louest dune ligne forme par lEscaut, la Meuse, la Sane et le Rhne, cest--dire le noyau le plus ancien du royaume des Francs. Le trait de Verdun marque la fin de lunit politique de lempire, car Lothaire na aucun droit sur les deux autres rois des Francs .Aprs la mort de Lothaire (855), Charles le Chauve et Louis le Germanique semparent de ses territoires. Dans son royaume, Charles doit affronter la rvolte de certains aristocrates, dont

  • De la Gaule la France : la double naissance du royaume 35

    Robert le Fort, comte de Tours et dAngers. Louis le Germanique en profite pour envahir la Francie occidentale, mais, grce au soutien de lpiscopat, Charles redresse la situation. Aprs avoir pris lItalie, il se fait couronner empereur (Nol 875) ; lanne suivante, il tente de semparer de lhritage de son frre Louis, mais il est battu par son neveu, Louis le Jeune, chouant ainsi dans sa tentative pour restaurer lunit de lempire.En Francie occidentale, le rgne de ses descendants est marqu par le rle croissant jou par une aristocratie qui sillustre dans la lutte contre les Normands. Au dcs de Louis III (882), Charles le Gros, neveu de Charles le Chauve et empereur depuis 881, rcupre la Francie occidentale, runissant ainsi (pour la dernire fois) lensemble du monde franc. sa mort (888), les grands du royaume de Francie occidentale lisent un roi qui nest pas issu de la famille carolingienne, le comte Eudes, fils de Robert le Fort. En 897, Eudes conclut un accord avec le carolingien Charles le Simple, qui lui succde sa mort (898). Mais, en 922, un soulvement aristocratique place Robert (le frre dEudes) sur le trne de Francie occidentale. Vainqueur du carolingien, mais trouvant la mort dans la bataille, Robert est remplac par Raoul, duc de Bourgogne (923).Au dcs de Raoul (936), Hugues le Grand (fils de Robert Ier) impose le retour dun roi carolingien. Louis IV (936-954), fils de Charles le Simple, reoit un royaume domin par une aris-tocratie puissante. Le plus puissant parmi les princes est le Robertien Hugues le Grand, qui se voit reconnatre le titre de duc des Francs . Le retour des Carolingiens est prolong par le rgne de Lothaire III (954-986), puis de Louis V (986-987). Ce dernier mourant sans descendance, les grands du royaume lisent le duc Hugues (surnomm Capet ), fils de Hugues le Grand. Les Carolingiens sont dfinitivement vincs du trne de Francie occidentale. Entre-temps, Otton, roi de Germanie (depuis 911, les Carolingiens ne rgnent plus sur le royaume de lEst), sest fait couronner empereur par le pape en 962. Cette seconde renovatio imperii nintgre pas le royaume des Francs de lOuest, qui porte seul, dsormais, le nom de Francia.

  • cHapitre iLes institutions mrovingiennes :

    lessoufflement du modle romain (481-751)

    Sous le rgne de Clovis et de ses descendants, lorganisation politique du royaume des Francs est marque par une double influence : la volont de copier les institutions romaines, clai-rement affiche par Clovis, se heurte de nombreux obstacles, laissant subsister les traits essentiels de la tradition germanique. Si limportance de linfluence romaine est encore discute par les historiens, il est certain que limitation du modle romain donne naissance une royaut originale, encore largement germanique mais teinte de romanit (section I). Au sein du royaume mrovingien, lexcution des dcisions du pouvoir royal est confie une administration rudimentaire, ple reflet de ladministration impriale (section II), tandis que lglise joue un rle capital : vritable dpositaire de lhritage romain, elle est lallie du pouvoir royal (section III).

    section i une royaut germanique teinte De romanit

    La royaut mrovingienne est le fruit dune synthse plus ou moins harmonieuse entre le modle romain et la tradition germanique. La conception du pouvoir royal ( 1) et les moda-lits dexercice de ce pouvoir ( 2) portent la marque de cette double influence.

  • 38 Histoire Des institutions publiques De la France

    1 la conception Du pouvoirDans ce domaine, la tradition germanique prdomine : elle inspire la fois la dfinition de la nature du pouvoir royal et celle de la fonction du roi. Chez les Germains, le roi est la tte dun clan, cest--dire dune communaut de type familial. Sa mission premire est dassurer la survie du clan et den prot-ger les membres. Il en dcoule que la fonction du roi est avant tout une fonction guerrire : le roi est le chef de guerre qui doit conduire les hommes du clan la victoire.La tradition germanique inspire galement la conception de la lgitimit du pouvoir royal, qui est lie au charisme du roi. En effet, la famille royale entretient un rapport privilgi avec les dieux (puis avec le Dieu des chrtiens). Cette protection divine confre au roi les qualits minentes qui lui sont ncessaires pour remplir sa mission. Le prestige du roi (symbolis par sa longue chevelure : lorsquun roi est dpos, il est tondu) est attach sa famille, ce qui implique le caractre hrditaire de la royaut.La tradition germanique, enfin, inspire la dfinition du contenu du pouvoir royal, qui recouvre deux notions complmentaires : le mundium (pouvoir de protection) et le bannum (pouvoir de commandement).Le mundium est une puissance magique propre au chef. Source dune autorit similaire celle du pre sur la famille, le mundium confre un pouvoir de protection, en vertu duquel le roi fait rgner la justice, en permettant aux victimes dobtenir rpa-ration. Cette protection stend, de manire gnrale, tous les sujets du roi, mais ce dernier doit une protection spciale certaines personnes (les veuves, par exemple, mais aussi les clercs) ; les torts causs ces personnes relvent directement du roi et font lobjet de sanctions plus svres.Le bannum (pouvoir de ban) est un pouvoir de commandement illimit (lorsque la royaut franque stablit sur le territoire de la Gaule, le pouvoir du roi conserve le caractre absolu li son origine militaire). Ce pouvoir permet au roi de commander et de

  • Les institutions mrovingiennes 39

    punir : il ordonne ou interdit, et contraint ses sujets respecter ses dcisions. Le pouvoir de ban permet ainsi au roi de lgifrer ou dexiger des prestations de ses sujets (le service militaire, par exemple, ou limpt). Celui qui refuse de se soumettre au ban royal sexpose des sanctions : une lourde amende (60 sous dor), voire la foris bannitio en cas de rcidive (le forban, parce quil remet en cause lautorit du roi, est priv de sa protection : il peut tre mis mort impunment).Si le pouvoir du roi mrovingien est essentiellement celui dun chef germanique, il sinspire du modle romain, dont il adopte les formes. Comme son pre, Clovis porte ainsi le titre de rex (roi), donn par les empereurs romains aux chefs des peuples barbares fdrs. Aprs sa victoire sur les Wisigoths, en 507, il reoit de lempereur Anastase les insignes du consulat et, lanne suivante, il fait une entre solennelle dans Tours, la manire dun gnral romain. La fascination exerce par le pres-tige imprial sur les Francs conduit les successeurs de Clovis reconnatre lautorit (toute thorique) de lempereur dOrient (Thodebert, puis Chilpric, se flattent des relations diploma-tiques quils entretiennent avec la cour de Constantinople). La volont de prolonger lEmpire romain est renforce par la conqute des rgions fortement romanises du Sud-Est de la Gaule (le royaume burgonde, puis la Provence, tenue par les Ostrogoths).Linfluence romaine joue aussi un rle dans la transformation de la royaut mrovingienne : de simple royaut guerrire sexer-ant sur un peuple (les Francs saliens, lorigine, puis tous les Francs), elle se mue en royaut territoriale ( cause de la vacance du pouvoir imprial en Occident). Lautorit des successeurs de Clovis stend sur lensemble des populations installes dans les limites du royaume, quelle que soit leur origine ethnique (franque ou non, romaine ou barbare).Le modle romain inspire, enfin, les relations des Mrovingiens avec lglise. Clovis a fait du paganisme des Francs un atout qui lui a attir le soutien de lpiscopat gallo-romain (vritable matre des cits) : son baptme (en 498 ?) en fait le champion de

  • 40 Histoire Des institutions publiques De la France

    la foi catholique, et lalli des Gallo-Romains contre les hrti-ques ariens. Aprs sa victoire sur les Wisigoths, Clovis apparat comme un nouveau Constantin. Le roi des Francs prend ainsi le relais de lempereur romain dans le rle de dfenseur de lglise.

    2 leXercice Du pouvoirLes Francs trouvent dans les institutions de lEmpire romain le modle dun pouvoir absolu (limperium) concentr entre les mains dun monarque. Forts de cet exemple, les Mrovingiens restreignent considrablement le rle des assembles populai-res dorigine germanique, les plaids gnraux (placita generalia), qui ne sont plus convoques qu des fins militaires.Le roi gouverne donc seul, en faisant rgulirement approuver ses dcisions lgislatives (qui prennent la forme de capitulai-res) par lassemble des hommes libres. En ralit, le pouvoir royal est trs dpendant du soutien des grands, cest--dire des membres de laristocratie du royaume. En effet, bien que la royaut mrovingienne soit devenue une royaut territoriale, le pouvoir du roi est encore trs marqu par son origine guerrire ; il a besoin de la force, garantie par la fidlit des guerriers. Cela explique la persistance et le dveloppement dinstitutions telles que le compagnonnage guerrier et la rmunration des fidles.Le roi mrovingien sentoure ainsi dune garde prive forme de guerriers (les antrustions) qui lui sont lis par un serment trs contraignant ; surtout, il multiplie les leudes, cest--dire les membres de laristocratie (franque, mais aussi romaine) dont il exige le serment de fidlit. La vigueur de cette conception germanique de la fidlit rmunre (et donc conditionnelle) place le roi dans lobligation constante de senrichir pour rcom-penser ses fidles. Le modle de la royaut guerrire impliquant le partage du butin se transforme alors en guerres de conqute lissue desquelles le roi distribue des terres.Limportance des liens personnels crs par les serments de fidlit conduit faire de ces derniers le principal (sinon

  • Les institutions mrovingiennes 41

    lunique) fondement de lobissance au roi. Les Mrovingiens exigent dailleurs le serment public (dorigine romaine) de tous les hommes libres du royaume, mais comme ce serment nest pas prt directement au roi, son effet reste limit. La person-nalisation des liens dautorit implique par le dveloppement des serments profite, en dfinitive, laristocratie. En effet, les grands, dont le roi, cherche tout prix sassurer la fidlit, se constituent eux-mmes de vastes clientles de fidles dans les territoires quils possdent ou quils administrent. On assiste ainsi la monte en puissance dune aristocratie de plus en plus solidement enracine dans des domaines patrimoniaux de plus en plus tendus, et prte profiter des dfaillances de la dynastie royale.Laffaiblissement de la dynastie mrovingienne rsulte, notam-ment, des conflits provoqus par les successions royales. En effet, la transformation de la royaut franque en royaut territo-riale soulve la question de la dvolution du royaume la mort du roi. Les descendants de Clovis appliquent ce problme la coutume franque, savoir le partage de la terre paternelle entre les fils. Chacun des fils (lgitimes) du roi se voit ainsi confier une part du royaume. Les partages successoraux crent une situation qui heurte la conscience de lunit du royaume des Francs et attise les rivalits au sein de la dynastie (puisque chaque descendant mle de Clovis a vocation reconstituer lunit politique du royaume) ; lextinction (naturelle ou non) de la descendance mle de plusieurs branches de la dynastie permet ainsi la runification du royaume sous Clotaire II et sous Dagobert Ier.Cependant, les retours lunit restent phmres et linstitu-tion des partages successoraux conduit lmergence dentits gographiques de plus en plus individualises au sein du royaume : au Sud, lAquitaine (ancien royaume des Wisigoths) et la Bourgogne (ancien royaume des Burgondes) ; au Nord, la Neustrie (ancien royaume de Clovis) et lAustrasie (ancien royaume des Francs rhnans).

  • 42 Histoire Des institutions publiques De la France

    section ii une ple copie De laDministration impriale

    La double influence qui sexerce sur les institutions mrovin-giennes se retrouve tant dans lorganisation ( 1) que dans le rle de ladministration ( 2).

    1 lorganisation De laDministrationPour faire excuter ses dcisions, le roi mrovingien est assist dadministrateurs, mais ceux-ci sont loin dgaler le modle imprial romain quils sefforcent dimiter. Auprs du roi, lad-ministration centrale prend la forme du palais ; sur le territoire du royaume, le roi est reprsent par les comtes, qui forment le principal rouage de ladministration locale.Linstitution du palais est constitue par lensemble des person-nes qui entourent le roi, quil sagisse de ses familiers (chargs dune fonction domestique) ou de ses conseillers (chargs dune fonction politique), qui, souvent, sont les deux la fois. Lorganisation du palais mrovingien est beaucoup inspire de celle de la cour impriale romaine, mais elle est aussi fortement marque par les traditions propres la royaut germanique.Au sein de lentourage royal, figurent dabord les officiers pala-tins. Le plus important dentre eux est le maire du palais (major palatii), charg de surveiller lensemble des serviteurs du roi. De simplement domestique, sa fonction devient politique (parce que le maire du palais est lhomme de confiance du roi). partir de la fin du viiie sicle, la faveur des minorits royales, la famille austrasienne des Pippinides (descendants de Ppin de Herstal) devient matresse de lAustrasie et de la Neustrie en conservant la mairie du palais de ces royaumes (avec dvolu-tion hrditaire de la fonction, comme pour le titre royal). Parmi les officiers palatins, il faut galement mentionner le comte du palais (qui dirige le tribunal du palais), le conntable (chef de lcurie du palais), le marchal (palefrenier), le snchal (doyen des serviteurs, charg du ravitaillement), le rfrendaire (qui

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    dirige les notaires chargs de rdiger les actes royaux et qui a la garde du sceau royal), le montaire, le trsorier, labb de la chapelle royale.Le palais comporte aussi les antrustions (soldats dlite qui forment la truste, cest--dire la garde prive du roi) et les nutriti. Ces derniers sont de jeunes aristocrates que leurs parents envoient au palais pour y tre nourris et instruits , cest--dire forms pour servir le roi : ils deviendront ensuite officiers palatins, comtes ou vques (tels saint Ouen, saint Didier ou saint loi).Les rois mrovingiens conservent le cadre des cits romai-nes (dcoupes en pagi dans le Nord, o leur ressort tait trs tendu). la tte de chacune de ces cits ou de chacun de ces pays, le roi nomme un comte, charg de le reprsenter (linsti-tution comtale, cration tardive du Bas-Empire, a t utilise par les rois wisigoths et burgondes).Les attributions du comte sont trs larges, non seulement mili-taires, mais aussi judiciaires et fiscales ; en tant que dlgu du roi, le comte est aussi charg dadministrer les domaines royaux (anciens domaines du fisc imprial) situs dans son ressort. Chaque anne, il doit verser au trsor royal ce quil a peru dans le cadre de sa fonction, aprs avoir prlev sa rmunration.Les comtes sont recruts dans laristocratie franque, mais aussi gallo-romaine, les Mrovingiens recherchant la collaboration des lites locales. Dans son pagus, le comte est assist par des agents subalternes, les centeniers, chargs de circonscriptions plus petites.

    2 le rle De laDministrationLadministration permet au roi de remplir la mission qui lui incombe : protger son peuple et faire rgner la paix et la justice dans son royaume, la double fonction de guerrier et de justicier ne pouvant tre remplie que grce aux finances.La fonction militaire repose sur le service d par tous les hommes libres, conformment la coutume franque. Les guerriers

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    squipent leurs frais et ne reoivent pas de solde ; ils ont droit une part du butin, en cas de victoire. Les Mrovingiens tendent le service militaire tous leurs sujets libres, mme gallo-romains. partir du rgne de Dagobert Ier (623-639), le roi concde ses guerriers des terres ecclsiastiques, afin de leur permettre de squiper (en pratique, seuls sont convoqus larme les hommes assez riches pour financer un quipement de plus en plus onreux). la fin du viie sicle, les confiscations de terres ecclsiastiques se multiplient, linitiative des maires du palais. Charles Martel (maire du palais de 714 741) reprend ainsi aux glises les terres qui leur avaient t donnes par les rois, afin de chaser ses fidles (il leur concde ces terres titre viager). Face aux protestations des ecclsiastiques, les fils de Charles Martel adoptent une solution de compromis : la proprit des terres est rendue aux glises, mais celles-ci acceptent de les concder aux guerriers titre prcaire (contre un cens, redevance dont le paiement vaut reconnaissance des droits du propritaire). Les terres ainsi concdes sont appeles precari verbo regis (prcai-res [concdes] la demande du roi).La justice est rendue au nom du roi par le comte, qui prside le tribunal dans son pagus. Ce tribunal (le mallus) sige rgulire-ment dans les localits importantes du pagus. Conformment la coutume germanique, tous les hommes libres du lieu sont convoqus, car le procs est public : lassemble est cense approuver la dcision. En ralit, la sentence est rendue par le comte, qui dcide aprs avoir pris le conseil dun jury compos de notables (les rachimbourgs). Le mallus est le tribunal de droit commun. Sa comptence est gnrale, tant ratione materi (au civil et au pnal), que ratione person (Barbares et Gallo-Romains).Le tribunal du palais juge les affaires qui concernent la personne du roi (crimes de trahison, de lse-majest, etc.), ainsi que les personnes places sous la protection spciale du roi. Il nexiste pas, comme sous lEmpire romain, de hirarchie des juridic-tions. On ne peut donc attaquer la dcision dun mallus devant

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    le tribunal du palais. Cependant, on peut demander au roi de sanctionner le dni de justice ; un dit pris par Clotaire II en 614 pour restaurer la paix et la discipline dans le royaume (aprs la guerre civile ), permet au tribunal du palais de sanctionner le juge qui a fait une application injuste de la loi. Ces recours sont fonds sur lide que le roi est responsable des abus de ceux qui exercent le pouvoir en son nom. ct de la justice publique, rendue au nom du roi, il existe un autre ordre de juridiction : la justice ecclsiastique, administre par lvque, qui sapplique aux pchs publics ou aux affaires internes lglise. Cette juridiction particulire est un hritage de lEmpire romain (en 318, lempereur Constantin a reconnu officiellement la juridiction des vques) ; elle est conforte par les rois mrovingiens (ainsi, ldit de 614 confirme lextension de la comptence ecclsiastique ratione materi toutes les ques-tions touchant aux sacrements de lglise).Le trsor royal est aliment par les revenus des domaines royaux (anciens domaines du fisc imprial) et par le produit des impts. En effet, les Mrovingiens sefforcent de conserver leur profit la fiscalit impriale. Leurs efforts se rvlent vains pour maintenir les impts directs (sur les personnes ou sur les terres), dont la perception provoque des rvoltes populaires ; les impts indirects, en revanche, sont plus efficacement perus, tels les tonlieux (droits sur la circulation des marchandises).La gestion des domaines royaux, comme la perception des impts, est place sous lautorit des comtes. la faveur des troubles de la fin du vie sicle, ces derniers multiplient les abus, notamment contre les tablissements ecclsiastiques situs dans leurs pagi. En raction, le roi limite lintervention de ses agents (juges royaux et percepteurs du fisc) dans les terres des gli-ses (dit de 614) : en vertu du privilge dimmunit, lglise assure elle-mme la perception des impts sur son domaine ; le domaine immuniste est galement dispens daccueillir le tribunal comtal. Au viie sicle, la multiplication des chartes dimmunit permet aux Mrovingiens de contrebalancer le

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    pouvoir de laristocratie comtale en faisant des chefs des glises galement les mandataires de lautorit royale.

    section iii lglise, allie Du pouvoir mrovingien

    Le roi mrovingien prend le relais de lempereur romain en tant que protecteur de lglise. Par son alliance avec lpisco-pat gallo-romain, Clovis apparat ainsi comme le champion de lglise romaine contre les Barbares ariens. Cependant, lh-rsie arienne nest pas lunique ennemi de lglise, qui doit poursuivre le combat contre le paganisme : il faut vangliser les Barbares, mais aussi les Gallo-Romains non encore conver-tis au christianisme. Cette mission est dabord conduite par les vques ( 1), avant que les moines prennent le relais, au viie sicle ( 2), contribuant, par leur dynamisme, lmergence dune socit chrtienne.

    1 les vques, auXiliaires Du pouvoir royalAu sein du regnum Francorum, lglise conserve lorganisation dont elle sest dote sous lEmpire romain : chaque communaut (correspondant une cit) est place sous lautorit dun vque (episcopus). Le territoire du royaume est donc divis en vchs, qui sont regroups en provinces ecclsiastiques. Lvque du chef-lieu dune province est qualifi de mtropolitain.La dsignation de lvque obit au principe canonique de llection : le chef de la communaut doit tre choisi par les fidles (lvque est lu clero et populo, cest--dire par le clerg et par le peuple de sa cit). En pratique, le candidat est choisi par laristocratie locale ou impos par le roi, car lvque, qui est investi de pouvoirs trs importants, est appel jouer un rle politique. Ldit pris par Clotaire II en 614 rappelle ainsi le principe de llection, mais prcise que le roi doit ratifier la dsignation.

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    Le rle de lvque est avant tout spirituel : en tant que pasteur, il est responsable du salut de la communaut qui lui est confie. Il doit donc assurer la clbration du culte et ladministration des sacrements. Investi des pouvoirs dordre et de juridiction, il ordonne les prtres (et consacre les vques) et il fait appliquer le droit de lglise par son tribunal. Lvque doit galement convertir les paens la foi chrtienne (par lenvoi de missions, la cration de nouvelles paroisses, etc.). Il dirige les tablis-sements dinstruction et les uvres dassistance dans sa cit. Enfin, il doit grer les domaines que possde son glise (prin-cipale source de revenus de son vch).La fonction piscopale revt galement une dimension poli-tique et administrative. En effet, depuis la fin du Bas-Empire, lvque apparat comme la principale autorit morale au sein de la cit, jouant le rle dintermdiaire entre le comte et les habitants. Son autorit est encore renforce par loctroi des privilges dimmunit : certains vques se voient confier la perception des impts du pagus (retire des comtes ayant abus de la confiance du roi).Depuis la conversion de Clovis, les vques sont prsents dans lentourage royal : ils font partie des grands que le roi consulte sur les dcisions importantes. Beaucoup dentre eux sont danciens nutriti, duqus au sein du palais. Ils forment une aristocratie ecclsiastique dont les intrts sont souvent en contradiction avec ceux de laristocratie laque.Le prestige et le pouvoir croissants lis la fonction piscopale en font une charge recherche. Au viie sicle, de plus en plus daristocrates deviennent vques par got du pouvoir, plus que par vocation pastorale ; le clerg sculier traverse alors une crise profonde. Les monastres sont prts prendre le relais.

    2 les moines, continuateurs De luvre vanglisatriceParce quils ont choisi de sloigner du sicle (cest--dire du monde) pour vivre selon une rgle particulire (inspire par lvangile), les moines forment le clerg rgulier . Introduit

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    en Occident au ive sicle, le monachisme y reste inorganis jusquau viie sicle, poque laquelle il se structure, grce la diffusion de la rgle bndictine (de saint Benot) et de la rgle colombanienne (de saint Colomban) : la plupart des monastres adoptent une rgle inspire par lun de ces modles (ou par les deux la fois).tablis lcart des centres urbains, les monastres participent lvanglisation des campagnes. Ils contribuent galement la conservation et la transmission de lhritage culturel de lAntiquit (par la copie et la diffusion de manuscrits conservs en Italie ou dans lle de Bretagne).Les Mrovingiens fondent des monastres, auxquels ils assu-rent un revenu par une dotation foncire (telle labbaye de Saint-Denis, fonde par Dagobert en 625). Ils sont imits par les grandes familles aristocratiques, dont certains membres se retirent dans un monastre la fin de leur vie. Les abbs se retrouvent ainsi la tte de domaines importants, rgu-lirement enrichis par les libralits pieuses des fidles. Les domaines ecclsiastiques suscitent la convoitise des grands laques, dont ils constituent la cible privilgie pendant les priodes de troubles.Richement dots en terres et en privilges par les Mrovingiens, les monastres se transforment en vritables relais du pouvoir royal sous les Carolingiens.

  • cHapitre iiLes institutions carolingiennes :

    la renaissance phmre de la romanit (751-987)

    Alors que la volont de prolonger les institutions romaines sest essouffle ds le viie sicle, lhorizon du royaume des Francs basculant de la Mditerrane vers le Nord de lEurope, la dynastie carolingienne met en uvre une synthse politique qui conduit la restauration de lEmpire romain dOccident. Cette renaissance, brillante mais phmre, de la romanit modifie profondment les institutions politiques du royaume des Francs : la royaut prend un caractre sacr et se double du titre imprial (section I) ; ladministration, galement, doit voluer, pour faire face la dilatation du territoire gouvern par le rex Francorum (section II) ; lglise, enfin, voit son rle redfini, en accord avec la mission dvolue au nouvel empereur (section III).

    section i Du roi sacr lempereur

    Dans le domaine politique, les innovations introduites par les Carolingiens concernent surtout la conception du pouvoir ( 1). Lexercice du pouvoir reste fortement marqu par linfluence des liens personnels, comme lpoque mrovingienne ( 2).

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    1 la conception Du pouvoirAvec la dynastie carolingienne, lhistoire politique du royaume des Francs senrichit de linstitution du sacre, de la dfinition du ministre royal et de la restauration de lEmpire.Linstitution du sacre rpond au besoin de lgitimer lavnement de la nouvelle dynastie. En effet, alors que Charles Martel sest content du titre de maire du palais, son fils Ppin (surnomm le Bref) dcide de dposer le roi mrovingien Childric III (le dernier Mrovingien est tondu et enferm dans un monastre). Pour justifier ce geste, il sollicite et obtient le soutien de lglise : aux envoys de Ppin, le pape rpond qu il vaut mieux appe-ler roi celui qui a, plutt que celui qui na pas, le pouvoir , et il prescrit que Ppin devienne roi, afin que lordre ne soit pas troubl . Ppin runit alors Soissons, en novembre 751, las-semble des grands du royaume, et se fait lire roi des Francs. Il est ensuite oint du saint chrme par les vques prsents. Ppin est ainsi le premier roi des Francs tre sacr.Le rituel du sacre est renouvel en 754, Saint-Denis. Cest alors le pape lui-mme qui donne lonction Ppin et ses fils. Lalliance ainsi noue entre Rome et la nouvelle famille royale permet au souverain pontife dobtenir laide militaire des Francs : larme de Ppin crase les Lombards, qui mena-cent Rome, et, en 756, les Francs remettent au successeur de saint Pierre les vingt-deux cits prises aux Lombards (cette restitution , qui est lorigine de ltat pontifical, soulve les protestations de lempereur dOrient, qui gouvernait ces territoires avant linvasion lombarde).Acte religieux, le sacre est une onction dhuile sainte (compara-ble celle que reoivent les vques lors de leur conscration). Ce geste symbolique, qui rappelle lorigine divine du pouvoir, signifie que le roi, avant dtre lu par son peuple, est choisi par Dieu. Sans doute emprunte aux Wisigoths, linstitution du sacre rattache surtout le roi des Francs au modle vtro-testamentaire des rois dIsral. Signe de la grce divine, le sacre manifeste laptitude du roi remplir le ministre qui lui est confi.

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    Conformment la vision augustinienne, la mission du roi consiste assurer le salut de son peuple (la cit terrestre tant une simple tape vers la cit cleste). Le roi est donc investi dun ministre quil exerce pour le compte de Dieu. Cette conception ministrielle, et surtout thocratique, du pouvoir royal impli-que labsence de sparation stricte entre spirituel et temporel. Sous le rgne de Charlemagne, la confusion tourne au profit du roi, qui exerce une vritable tutelle sur les glises. partir du rgne de Louis le Pieux, le rapport tend sinverser : un roi affaibli (par les rvoltes), les vques rappellent que son ministre ne fait pas de lui le matre des glises, mais seulement le dfenseur de celles-ci. Le genre littraire des miroirs du prince (ouvrages qui prsentent leur destinataire limage du roi idal, tels lInstitution royale de Jonas dOrlans, ou La personne du roi et le ministre royal dHincmar de Reims) illustre lemprise du clerg sur le pouvoir sculier.La fonction du roi impose donc son titulaire des devoirs envers son peuple (de laccomplissement desquels il devra rpondre devant Dieu). Tel est le sens de la promesse solennelle faite par Charles le Chauve lassemble de Coulaines, en novembre 843, et renouvele Metz, en 869. Le roi doit respecter la loi divine, faire rgner la paix et la justice, tout en faisant preuve de charit et de misricorde ; il doit une protection particulire aux glises et aux faibles (veuves, orphelins). Tel est, dfini pour des sicles, lidal du roi justicier, image de Dieu sur Terre. Le roi est aussi le garant de lunit du peuple chrtien, qui prend la forme de lEmpire restaur.En effet, au titre de roi des Francs, Charles, fils de Ppin le Bref, ajoute celui dempereur romain. La restauration de lEmpire romain (renovatio romani imperii) est le rsultat du prestige de Charlemagne et de la volont du pape Lon III de renforcer lautorit pontificale (face laristocratie romaine et face lem-pereur dOrient). Aprs avoir ananti le royaume lombard (776), le roi des Francs a entrepris la conqute de la Germanie (expdi-tions contre les Saxons, rticents la christianisation, jusquen 799) et tent celle de lEspagne (chec devant Saragosse, en 778).

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    Il se trouve alors la tte dun territoire beaucoup plus vaste que le regnum Francorum (en 792, il sintitule roi des Francs rgissant les Gaules, la Germanie, lItalie et les rgions adjacen-tes ). Charlemagne fixe la capitale de cet ensemble territorial au cur de lAustrasie, Aix-la-Chapelle. Lorsquil se rend Rome pour soutenir le pape (en butte une rbellion de laris-tocratie), Charles est couronn empereur par ce dernier (le jour de Nol 800). Il prend alors le titre de srnissime auguste, couronn par Dieu, grand et pacifique empereur gouvernant lEmpire romain, et par la grce de Dieu roi des Francs et des Lombards . Lempereur dOrient sincline devant le fait accom-pli, et reconnat au rex Francorum la dignit impriale.Si Charlemagne apparat comme un nouveau Constantin, lem-pire quil gouverne est trs diffrent de lEmpire romain ne serait-ce que par son assise territoriale. Plus encore que les conqutes du roi des Francs, la restauration impriale vient consacrer la dimension religieuse acquise par son ministre et le caractre thocratique attribu son pouvoir depuis le sacre de Ppin.Aprs la mort de Charlemagne (814), son fils (Louis Ier, surnomm le Pieux) abandonne les titres royaux pour ne conser-ver que le titre imprial. Par lordinatio imperii (817), il rgle sa succession de manire sauvegarder lunit de lempire : son fils an recevra, seul, la dignit impriale, les cadets recevant des royaumes intgrs lempire. La naissance dun quatrime fils (le futur Charles le Chauve), en 822, remet en cause cette solution. Les querelles entre les fils de Louis le Pieux prcipitent lclatement de lempire carolingien, mme si son unit est offi-ciellement prserve par le trait de Verdun (843). La force des liens personnels, qui caractrise lexercice du pouvoir, contribue galement la dislocation de ldifice politique carolingien.

    2 leXercice Du pouvoirPour gouverner un territoire de plus en plus tendu, les Carolingiens sappuient sur les liens personnels crs par les serments de fidlit. Comme tous les puissants, les Pippinides

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    possdent une clientle de vassaux, cest--dire de fidles qui se sont recommands eux. Par le rituel de la commendatio, le vassal devient lhomme de son seigneur (engagement symbolis par la prsentation des mains jointes du vassal) : en change de sa protection et de son entretien, il engage sa force, son conseil et sa vie ; lengagement par les mains est suivi de la prestation du serment de fidlit. Charles Martel, le premier, gnralise la rmunration du service de ses vassaux par la concession dun bnfice (cest--dire dune terre concde titre personnel et viager).En mme temps quils tendent leurs conqutes, les Carolingiens tendent leur clientle vassalique, jusqu ce que Charlemagne gnralise le systme de la vassalit. De ce contrat priv, il fait un moyen de gouvernement, en multipliant les vassi dominici (vassaux du roi). Il renforce ainsi le service public d au roi par tous les hommes libres du royaume (obligation rappele par le serment public exig par Charlemagne), en le doublant dun service priv, personnel, d par le vassal son seigneur. Lengagement vassalique est impos tous les grands (laques et ecclsiastiques), notamment dans les territoires rcemment annexs, afin de garantir leur obissance. Charlemagne incite ses vassaux dvelopper leur propre clientle vassalique, afin que tous ceux qui possdent des bnfices marchent lar-me (capitulaire de 807) : il considre ses vassaux comme autant de relais de son autorit, en particulier pour exiger le service militaire. Lvolution est paracheve par Charles le Chauve, qui ordonne que tous les hommes libres se recom-mandent un seigneur, soit directement au roi, soit lun de ses vassaux (capitulaire de Meersen, 847). Conue comme un moyen de contrler un ensemble territorial dont lunit reste trs fragile, la gnralisation de la vassalit profite surtout laristocratie, au sein de laquelle sont recruts les cadres de ladministration.

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    section ii une aDministration conFronte

    au DFi De la dilatatio regni

    Les Carolingiens doivent adapter ladministration aux dimen-sions nouvelles du territoire quils gouvernent. La dilatatio regni conduit ainsi modifier lorganisation ( 1) et le rle de lad-ministration ( 2).

    1 lorganisation De laDministrationLes rformes prises par Ppin le Bref et son fils touchent aussi bien lorganisation du palais que celle de ladministration locale.Ppin maintient les grands offices palatins (conntable, sn-chal, comte du palais, etc.), lexception de la mairie du palais. Le secrtariat du palais est confi aux clercs de la chapelle pala-tine, sous lautorit dun chancelier. La chapelle est dirige par larchichapelain (gardien de la chape de saint Martin, relique qui appartenait au trsor des Mrovingiens).Encore ambulatoire sous Ppin, le palais tend se fixer Aix-la-Chapelle aprs le couronnement imprial de Charlemagne. Outre les officiers palatins, le palais carolingien comprend les grands vassaux laques et ecclsiastiques, dont le roi requiert le conseil, ainsi que les nutriti, qui bnficient de lenseignement des lettrs dont Charlemagne aime sentourer (tel ginhard, ou Alcuin, qui dirige cette acadmie palatine).Lempire carolingien forme un ensemble peu homogne : dans le cur historique du regnum Francorum (Neustrie, Austrasie, Bourgogne), les comtes relvent directement de lempereur ; les rgions rcemment soumises (Aquitaine, Italie) forment des royaumes intgrs lempire et confis des princes carolin-giens ; les rgions frontalires, enfin, constituent des marches ou des duchs, circonscriptions vocation essentiellement militaire.

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    Pour assurer la cohsion de cet ensemble, Charlemagne syst-matise linstitution comtale. La fonction comtale (qualifie dhonor) confre son titulaire une comptence gnrale, tant en matire militaire quen matire civile (judiciaire, fiscale, doma-niale, etc.). Le comte est assist dun supplant (le vicomte) et dagents subalternes (centeniers ou viguiers). Pour sassurer de la fidlit des comtes, Charlemagne met fin la rgle (pose en 614) imposant de recruter le comte au sein de laristocratie du pagus ; il prfre recruter les comtes parmi les nutriti du palais. Il leur impose de venir rgulirement rendre compte de leur administration. Surtout, il les soumet la surveillance perma-nente de lvque de leur pagus, et aux inspections ponctuelles des missi dominici.Cre par les Mrovingiens, linstitution des missi est gn-ralise par Charlemagne. Envoys par quipes de deux (un ecclsiastique et un lac), les missi dominici (cest--dire les envoys du matre ) sont chargs de reprsenter le roi dans la circonscription qui est soumise leur inspection. Ils vrifient que les capitulaires sont connus et appliqus ; ils contrlent la gestion des comtes et reoivent les plaintes contre les abus reprochs ces derniers (agents dtachs du palais, ils peuvent enquter sur ces abus). Les missi dominici assurent ainsi la liaison entre le palais et les circonscriptions loignes o le roi se rend rarement. Leurs tournes dinspection contribuent unifier ladministration de lempire et maintenir les agents locaux dans lobissance.La fin du iXe sicle est marque par la dilution de ce lien de sujtion. Les relations entre le roi et les comtes sont perturbes depuis les guerres qui ont oppos les membres de la famille impriale la fin du rgne de Louis le Pieux. Les aristocrates titulaires des fonctions comtales profitent des divisions qui affectent le sommet du pouvoir pour consolider leur situation. Lenracinement des dynasties comtales est favoris par la dci-sion prise par Charles le Chauve en 877 : dans le capitulaire qui rgle le gouvernement de lempire en son absence, il ordonne que, si un comte vient prir au cours de lexpdition quil

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    prpare, son fils lui succde titre provisoire (en attendant le retour de lempereur, qui dsignera le titulaire de lhonor vacant). La solution, exceptionnelle, prvue par le capitulaire de Quierzy se gnralise rapidement en pratique. la faveur des troubles qui maillent le Xe sicle, les comtes rendent leur fonction hrditaire (ainsi que les domaines associs cette fonction).On assiste alors lclatement du royaume. Ce sont dabord les grands chargs de la dfense de vastes circonscriptions (duchs) qui font de ces territoires des principauts autonomes : ils exer-cent en leur propre nom un pouvoir quils considrent tenir directement de Dieu (ce dont tmoigne le titre de princeps quils se donnent) par droit hrditaire. Ces dynasties princires sont ensuite confrontes lclatement de leurs principauts territo-riales, dont les comts ou vicomts priphriques se dtachent leur tour.

    2 le rle De laDministrationLe dbut de lre carolingienne est marqu par une succes-sion dexpditions militaires (reconqute du Sud de la Gaule, guerres de conqute en Italie, en Espagne, en Germanie). Lost (larme) est convoqu en mai (sous Ppin le Bref, lassemble du champ de mai remplace le traditionnel champ de mars), pour une dure de trois six mois. Chaque comte doit conduire le contingent de son pagus, de mme que les ecclsiastiques qui jouissent de limmunit (les abbayes, notamment, doivent entretenir des contingents militaires).Dans la composition de larme, Charlemagne consacre une volution amorce depuis Charles Martel : ne sont convoqus que les contingents des rgions proches du thtre dopration ; en outre, parmi les hommes libres des zones concernes, ne sont convoqus que les propritaires assez riches pour squiper convenablement ; les autres contribuent en argent. Lefficacit de larme carolingienne repose surtout sur le service des vassaux du roi, installs sur des bnfices permettant de pourvoir leur

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    quipement, et organiss en units de cavalerie mobilisables tout moment (les scar). partir du rgne de Louis le Pieux, le temps des conqutes est rvolu. Les Carolingiens doivent dfendre le territoire du royaume contre les invasions (raids normands, hongrois, sarra-sins). Cela conduit Charles le Chauve regrouper les comts en circonscriptions militaires (les duchs) et ordonner la construction de fortifications (castra).Dans le domaine de la justice, Charlemagne procde dimpor-tantes rformes. Les rachimbourgs, qui assistent le comte lorsque celui-ci prside le mallus, sont remplacs par des assesseurs permanents, les chevins (scabini). En outre, une rpartition des affaires est opre entre le comte et ses subordonns : le comte ne juge plus que les affaires les plus importantes (les causes majeures ) ; les causes mineures sont dvolues ses subor-donns (centeniers ou viguiers). Il faut rappeler que la justice comtale est soumise au contrle des missi dominici.Il en va de mme de la perception des impts et de la gestion des domaines royaux confis aux comtes. Ladministration du palais doit galement contrler les comptes des domaines ecclsiastiques, car, avec la multiplication des privilges dim-munit, de plus en plus dabbs lvent limpt au nom du roi. Cela illustre bien le rle jou par lglise auprs du pouvoir carolingien.

    section iii lglise, pilier Du pouvoir carolingien

    Limbrication troite du spirituel et du temporel lpoque