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OGP#11 OGP#1 MEMOIRE MASTER SIDONIE BOUILLEROT LA CAPITALE AUX CHAMPS L’AGRICULTURE COMME OUTIL D’URBANISME DANS LA METROPOLE M#07 {07102011} JURY DE SOUTENANCE ALESSIA DE BIASE (DIR) BEATRICE MARIOLLE PIERO ZANINI

La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

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Observatoire du grand Paris _ OGP#11, Sidonie Bouillerot

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SIDONIE BOUILLEROTLA CAPITALE AUX CHAMPS L’AGRICULTURE COMME OUTIL D’URBANISME

DANS LA METROPOLE

M#07{07102011}

JURY DE SOUTENANCE

ALESSIA DE BIASE (DIR)BEATRICE MARIOLLEPIERO ZANINI

AGRICULTUREETALEMENT URBAINRESSOURCECADRE DE VIEENVIRONNEMENT

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE PARIS BELLEVILLESEMINAIRE DE MASTER ARCHITECTURES ET VILLE FACE A LA MONDIALISATION

OBSERVATOIRE DU GRAND PARIS

L’agriculture est entrée dans le Grand Paris, cinq des dix équipes de la Consultation ont conduit de véritables projets agricoles. Derrière sa fonction productive que gère l’exploitant-agricole, cette activité a progressivement été intégrée à d’autres principes considérés come tout autant fondamentaux : produire des paysages de qualité et participer à la préservation des milieux naturels. Au travers des contrastes et des similitudes entre leurs différents schémas spatiaux, les urbanistes du Grand Paris interrogent la nature et le fonctionnement de la métropole contemporaine dans sa capacité à intégrer des territoires exogènes et à rassembler des acteurs aux intérêts a priori divergents autour d’un projet fédérateur : combattre l’extension urbaine et valoriser les ressources du territoire.

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Introduction

Ce mémoire a été produit dans le cadre de l’Observatoire du Grand Paris, séminaire de master

constitué à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville pour étudier les propositions des

équipes mandatées lors de la Consultation internationale du Grand Paris en 2008.

Le survol rapide des livrets élaborés par chacune des dix équipes fait émerger à plusieurs reprises le motif

de l’agriculture dans l’iconographie comme dans les chapitres rédigés, l’occurrence de la problématique

agricole dans la Consultation du Grand Paris, un corpus a priori très urbain et très éloigné de ces

thématiques rurales, m’a interrogée.

L’agriculture est perçue comme l’activité principale autour de la capitale, elle constitue son environnement

au même titre que les territoires naturels et boisés, elle est le voisinage proche et l’horizon lointain de la

métropole et c’est à ce titre qu’elle participe à en construire les limites mentales. Mais pour la moitié des

équipes du Grand paris, l’agriculture est davantage et s’affirme au-delà du fond territorial : elle fait partie

de la métropole dans un jeu de complémentarité entre urbain et rural, construit et cultivé. C’est selon

cette logique qu’ils ont constitué de véritables projets agricoles.

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 54 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

À l’heure actuelle, l’agriculture urbaine est présente dans de nombreux champs de recherche universitaires

et figure parmi divers programmes de développement au niveau mondial, ces travaux placent les

propositions du Grand Paris dans une réflexion globale sur l’avenir des métropoles contemporaines. A

titre d’exemple, citons les travaux menés par le professeur Dickson Despommier à la Columbia University

à New York, ce professeur d’université en microbiologie et environnement fut à l’origine du Vertical Farm

Project1 qui a notamment permis la définition d’un concours d’architecte proposant d’insérer des activités

agricoles dans un contexte urbain dense tel que celui de Manhattan. L’intérêt pour l’agriculture urbaine a

largement essaimé outre-Atlantique, citons aussi la tenue annuelle d’une université d’été sur l’agriculture

urbaine, organisée par l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal2.

En Europe, d’autres recherches sur des thèmes comparables sont développés au sein d’universités et de

groupes de travail diversifiés, leur multiplication est le signe d’un intérêt croissant pour ces thématiques.

Il est frappant de constater la diversité des disciplines que recoupe l’agriculture urbaine : dans le désordre,

citons les travaux menés par des chercheurs en sciences de l’environnement et de l’énergie pour quantifier

les réseaux empruntés par les filières d’agriculture urbaine à Londres et leur bilan énergétique3 ; un

travail de géographe qui questionne le potentiel que pourrait constituer le modèle des jardins familiaux

allemands dans une ville d’un pays en développement4 ; la redéfinition par des agronomes de l’agriculture

lorsqu’elle devient urbaine5 ; ou encore les travaux réalisés autour d’un professeur d’architecture sur

l’agriculture urbaine dans la région d’Emilia-Romagna en Italie6. Ces travaux sont menés dans des directions

variées par des ingénieurs, des géographes, des urbanistes ou encore des agronomes. Ainsi, le caractère

1. DESPOMMIER Dickson, The Vertical Farm: Feeding the World in the 21st Century, Thomas Dunne Books, 20102. http://www.agricultureurbaine2011.org/index.htm3. TOMKIS Mikey, The Edible Urban Landscape, An Assessment Method for Retro-Fitting Urban Agriculture Into An Inner London Test Site, University of East London, 20064. DRESCHER Axel, The German Allotment Gardens - a Model For Poverty Alleviation and Food Security in Southern African Cities?, Université de Fribourg, 20015. FLEURY André, DONADIEU Pierre, « De l’agriculture péri-urbaine à l’agriculture urbaine », Courrier de l’environnement, n°31, 19976. INGERSOLL Richard, FUCCI Barbara, SASSATELLI Monica, Agricoltura urbana, dagli orti spontanei all’Agricivismo per la riqualificazione del paesaggio periurbano

interdisciplinaire des équipes du Grand Paris est apparu propice au développement de recherches sur

cette thématique.

La diversité des travaux engagés autour de l’agriculture urbaine reflète le fort engouement et les espoirs

qu’elle suscite dans des sphères politiques et sociales très différentes. Ainsi, tandis que depuis plus de

trente ans le réseau associatif américain City Farmer7 constitue une banque de données relative à de telles

expérimentations, les Organisations Unies encouragent désormais ces pratiques au travers du comité de

la Food and Agriculture Organization (FAO), elles considèrent que « l’agriculture urbaine et périurbaine

peut contribuer à la sécurité alimentaire de différentes façons »8.

Les projets du Grand Paris s’inscrivent dans une recherche de développement vertueux de la métropole

contemporaine, et l’agriculture a été invitée par quelques équipes d’architectes et d’urbanistes à participer

à ce processus. Mais selon quelles logiques et dans quels buts ? Ma recherche s’est attachée à développer

un commentaire transversal et critique des propositions incluant l’agriculture, c’est à partir d’une analyse

croisée des projets de la Consultation que j’ai cherché à définir et commenter les relations renouvelées

entre ville et agriculture. Ces projets constituent le corpus de mon étude, ils présentent l’avantage de

correspondre à un cadre et à un moment précis des recherches sur la métropole contemporaine, mais

chacun de ces projets engage évidemment bien plus que la seule thématique agricole. Ainsi, toutes les

équipes n’abordent pas l’agriculture ni ne l’envisagent de la même façon, aussi je me suis attachée à

étudier leurs points de recoupements ou de désaccords et des lectures complémentaires spécifiques à

cette thématique m’ont permis de construire mon raisonnement. Concernant l’iconographie, j’ai choisi

de reprendre les illustrations, les photographies et les cartes produites par les équipes concernées, je les

ai étudiées et comparées au même titre que leurs textes, seules quelques images ne figurant pas dans la

Consultation mais auxquelles les projets faisaient référence ont été ajoutées pour la compréhension du

propos.

7. http://www.cityfarmer.info/8. http://www.fao.org/ag/fr/magazine/9901sp2.htm

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6 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Cette réflexion sur le rôle et l’insertion de l’agriculture dans la métropole parisienne au travers des projets

de la Consultation du Grand Paris se développe en trois temps : pourquoi, où et comment l’agriculture

est-elle envisagée comme un outil d’urbanisme au service de la métropole parisienne ?

Dans une première partie, nous nous intéresserons à l’usage de l’agriculture urbaine comme un outil

d’urbanisme à la fois ancien et sans cesse réinventé, et nous nous interrogerons sur la pertinence du

couple ville-campagne pour définir l’agriculture urbaine. Dans un second temps, nous observerons les

définitions de la métropole que les équipes du Grand Paris engagent au travers de leurs projets agricoles,

les modèles spatiaux qui guident leurs choix dans un objectif de gestion des espaces agricoles et ruraux.

Enfin, nous commenterons plus précisément les intentions des équipes au travers des solutions qu’ils

envisagent, les priorités que les équipes affichent selon qu’ils considèrent l’agriculture davantage comme

une activité productrice pour l’alimentation de l’homme, un paysage construit hérité ou une réserve de

biodiversité.

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 9

1 PourquoidesProjetsd’agriculturedanslegrandParis?

1.1 uncontextefavorable

Plusieurs architectes et urbanistes mandatés pour la Consultation du Grand Paris mettent l’agriculture

au coeur de leur réflexion. En s’intéressant à cette thématique, ils s’inscrivent pleinement dans les

préoccupations de leur époque.

11.1 l’échelleduProjet

111.1 lesterritoiresmultiPlesdelamétroPole

Le projet du Grand Paris missionnait une étude prospective de développement de la « Région Capitale »,

laquelle est aussi indifféremment appelée « métropole parisienne » dans la lettre de mission du chef de

l’État9. La nature de la métropole contemporaine justifie en partie l’intérêt que les architectes portent à

l’agriculture. En effet, à la différence de la ville ancienne, la métropole n’est pas exclusivement minérale,

elle est sortie des enceintes de la ville et a confondu urbain et rural. La définition de la « métapole »

de François Ascher nous aide alors à décrire la métropole, son néologisme10 ne se démarquant pas

véritablement de celle-ci :

« La métapole est l'ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d'une métropole. Une métapole constitue généralement un seul bassin d'emploi, d'habitat et d'activités. Les espaces qui composent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. »11

9. SARKOZY Nicolas, Lettre de mission au Secrétaire d’Etat au Développement de la Région Capitale, 200810. Ces deux préfixes suggèrent à la fois une unité et une relation hiérarchique d’un territoire sur d’autres : métro est issu de métêr (la mère) tandis que méta est issu de meta (ce qui englobe)11. ASCHER François, Metapolis ou l’avenir des villes, O. Jacob, 1995, p. 34

Dans cette première partie, nous nous interrogerons sur les causes et les origines de la formulation

de projets agricoles dans la Consultation du Grand Paris. La présence répétée de l’agriculture dans ces

projets relève à la fois d’une correspondance avec des questions sociales actuelles et d’une inscription de

ces propositions dans une tradition de projet qui pose la question du lien de la ville avec son territoire.

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Les espaces périurbains soumis à l’attraction qu’exerce Paris sur sa région sont multiples et hétérogènes,

la métropole polarise bien plus que son agglomération. L’extension du périurbain a progressivement

orienté des territoires à dominante agricole vers la capitale, certains ont été absorbés par la rapide

croissance de la ville tandis que d’autres se sont développés et maintenus grâce à elle. Aujourd’hui une

caractéristique de la méta- ou métro- pole est son fonctionnement complexe et systémique, cette ville aux

nouvelles formes intègre des territoires où l’agriculture est parfois dominante spatialement bien que les

agriculteurs y soient devenus minoritaires socio-professionnellement. La marginalisation des exploitants

agricoles dans les territoires ruraux n’est pas une spécificité francilienne, c’est le cas de l’ensemble du

territoire français12, mais c’est autour de Paris que la chute du nombre d’exploitation et la réduction des

surfaces agricoles sont les plus sensibles, l’agriculture francilienne se distingue par le nombre réduit de

ses exploitations et l’importance de leur taille13.

111.2 unProjetconcurrentdusdrif

Si le territoire de la Consultation du Grand Paris ne correspond à aucun territoire administratif défini

et nommé, la région Ile-de-France a été considérée par la plupart des équipes d’architectes comme la

« juste échelle », c’est l’échelle de travail qu’ils ont retenu. Cette orientation s’explique par la proximité

de la « Région Capitale » avec la Région Ile-de-France, d’autant plus que celle-ci a habituellement la

compétence de réaliser ce type de document. De nombreux observateurs ont effectivement jugé que

cette étude était un projet concurrent au Schéma de Développement de la Région Ile-de-France (SDRIF) :

« Le Grand Paris et le SDRIF se retrouvent en rivalité. Etat contre Région. Droite contre gauche. En jeu : la mainmise sur les grands projets et l'avenir de l'agglomération parisienne. »14

12. L’agriculture correspond à 2,6 % de l’emploi national contre 0,2 % en Ile-de-France.13. L’INSEE rapporte qu’en 2007, l’Ile-de-France comptait 5309 exploitations, dont 47,5 % occupaient plus de 100 hectares, tandis que la moyenne nationale se trouvait à 17,8 % d’exploitations de plus de 100 hectares. source : AGRESTE, enquête structure agricole 14. GRECO Bertrand, « L’épreuve de force », Journal du Dimanche, 15 septembre 2008

Le SDRIF est un document de prospective établi par le Conseil régional d’Ile-de-France, il est l’héritier

sous sa forme décentralisée des Schémas directeurs et des Plans d’aménagement qui étaient établis par

l’Etat durant les années 1950 à 1970 dans l’objectif de mieux contrôler la croissance urbaine de la capitale.

Le SDRIF s’applique à l’ensemble de son territoire administratif, lequel n’est pas entièrement urbain, il est

donc légitime qu’il fasse figurer parmi ses objectifs de développement la valorisation de ses « espaces

agricoles, boisés et naturels »15. L’Ile-de-France est particulière pour l’importance du rayonnement de

sa capitale de région, le poids démographique de sa population et la taille de son agglomération, c’est

pourquoi les projets de développement concernant l’avenir de l’Ile-de-France et ceux de Paris sont souvent

confondus. Parallèlement, le poids et le centralisme de Paris sont l’argument de la prise en charge de son

développement au niveau national, le projet de la Consultation du Grand Paris est un retour de l’Etat

dans les affaires de la capitale. Pour la proximité de leurs objectifs et la contemporanéité de ces deux

travaux de recherche, les équipes mandatées pour le Grand Paris n’ont certainement pas fait l’économie

d’une lecture critique du SDRIF, et certaines observations - parmi lesquelles figurait l’agriculture - ont

assurément ressurgies.

11.2 unProjetestamPillédéveloPPementdurable

Le discours sur la protection de l’environnement et le développement durable est devenu omniprésent

dans tous les aspects de la société, il s’est naturellement invité dans le débat de la Consultation du Grand

Paris. La notion de nature est multiple et multiforme au travers des travaux des dix équipes16, sa place est

en tous cas récurrente et significative, ce qui montre l’importance qu’on lui accorde. Nous avons choisi ici

de ne traiter que de l’agriculture, mais la question de la nature ne peut être entièrement écartée.

112.1 unincontournabledudiscoursPolitique

La demande sociale pour trouver des réponses aux questions environnementales exige des actes

politiques. En réponse, le projet du Grand Paris inscrit son champ de recherche dans la construction de

la ville durable, la gestion de la crise écologique est ici abordée à partir du processus de fabrication de

15. CONSEIL REGIONAL D’ILE-DE-FRANCE, Schéma Directeur de la région Ile-de-France, 2008, p.1016. JEANROY Céline, Natures urbaines, de la redécouverte à la reconquête des formes de natures métropolitaines, mémoire de Master, ENSAPB, 2010, p.7

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la ville, en complément d’autres recherches comme celles autour des technologies du transport ou du

recyclage des déchets. Agir en faveur d’une protection de l’environnement fait largement consensus,

et un effort particulier est exigé auprès des secteurs du bâtiment et des pratiques d’aménagement du

territoire, la Consultation du Grand Paris s’inscrit dans ce champ :

« Comment inventer la ville durable, la ville de l'après Kyoto, la ville écologique, la ville qui s'allie avec la nature au lieu de la combattre ? Voilà le plus grand défi peut-être de la politique du XXIe siècle. Ce défi, je veux que la France le relève. Je veux que la France donne l'exemple. C'est cela l'ambition du Grand Paris. »17

Le projet du Grand Paris ne cherche pas seulement à s’inscrire dans le courant de réflexion en faveur

d’un développement durable, il se veut exemplaire. A ce titre, les propositions des équipes oscillent entre

réflexion théorique et projets ancrés dans la métropole parisienne.

112.2 l’agricultureaucœurdesProblématiquesenvironnementales

Dans ce contexte très sensible aux questions environnementales, l’ensemble des recherches relatives à la

nature et au végétal connaît un regain d’intérêt. Ces préoccupations sont apparues autour de la préservation

de zones écologiques d’intérêt majeur, puis ont progressivement infiltré un nombre grandissant de

lieux et d’activités. L’émergence et le développement de recherches relatives à la biodiversité dans les

villes montrent la diffusion des préoccupations écologiques sur de nouveaux terrains, cette tendance se

confirme aussi par les très bons scores que recueillent les partis écologistes dans les villes universitaires ou

à forte proportion de diplômés18, comme c’est le cas pour la région Ile-de-France. L’écologie est devenue

l’affaire de tous, dans ce contexte l’importance des surfaces occupées par l’agriculture et l’enjeu sanitaire

que cette activité représente en font un sujet emblématique et incontournable dont de nombreux acteurs

extérieurs au monde rural s’emparent :

« [L’agriculture] est désormais à l'affiche de la ville du développement durable. »19

17. SARKOZY Nicolas, Discours sur le Grand Paris, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 29 avril 200918. IFOP, Analyse sur l’implantation électorale d’Europe Ecologie – les Verts, juillet 201119. MOIROUX Françoise, « L’agriculteur, l’architecte et le paysage », D’Architectures, n. 188, 2010, p.29

Au motif de la préservation de l’environnement, les activités en contact avec les espaces naturels et

agricoles sont soumises à un contrôle social plus intense tandis que l’exploitant agricole a été revêtu d’un

nouveau rôle.

11.3 l’aPProPriationdelacamPagne

La campagne désigne « une vaste étendue de pays découvert, les terres cultivées hors d’une zone urbaine,

l’ensemble des lieux fertiles hors des villes »20 . La campagne est donc bien le lieu de l’agriculture, mais

elle ne s’y réduit pas.

113.1 uneconstructionsociale

Tandis que la société française s’est profondément urbanisée et que ses liens avec l’agriculture sont de

plus en plus distants, la signification et les valeurs qui sont portées par la campagne ont évolué. Dans sa

signification actuelle, la campagne s’est largement dissociée de sa fonction productive, elle a perdu sa

valeur de travail pour devenir essentiellement un paysage. Augustin Berque observe que cette définition

bucolique de la campagne a été établie par l’urbain :

« Le mythe de l’âge d’or rejoint celui de l’Eden dans la tradition biblique : l’image d’un état antérieur au travail. Il est curieux que cette image soit associée à la campagne, si l’on songe que celle-ci a été par excellence, dans l’histoire de toutes les grandes civilisations, le lieu du labeur le plus pénible. C’est que justement, les paysans ne sont pas ceux qui ont construit cette image, elle est le fait des gens de la ville, qui par définition ne travaillent pas la terre. »21

La large diffusion de la voiture dans les ménages a permis aux urbains de séparer le domicile du lieu de

travail, ils ont alors choisi leur résidence selon de nouveaux critères, les citadins qui travaillent en ville ont

été nombreux à choisir de vivre loin de leur lieu de travail. L’enquête menée par les sociologues Bernard

Hervieu et Jean Viard en 1994 pour le compte de la DATAR sur « le puissant désir de campagne »22 des

20. REY Alain (Dir.), Dictionnaire de la langue française, Le Robert, 199521. BERQUE Augustin, « Ce qui est en jeu dans la ville-campagne », Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.20222. HERVIEU Bertrand, VIARD Jean, op. cit., p.9

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 1514 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Français révèle que les opinions relatives à la campagne l’associent à la fois aux notions de « beauté »,

de « liberté » et « d’authenticité », ces points de vue majoritaires y définissent une qualité de vie bien

meilleure qu’en ville :

« Pour tout le monde, et très largement, la vie à la campagne est plus agréable que la vie à la ville, et les relations entre les gens y sont perçues comme plus humaines. Ces deux idées viennent conforter celle de bonheur associée à l’idée de campagne. »23

Ce qui est frappant, c’est le contraste entre d’une part la charge symbolique et sociale des espaces agricoles,

l’importance sanitaire que revêt la production alimentaire, et d’autre part le poids démographique de

cette profession. La faible part de la population active travaillant dans l’agriculture n’est proportionnelle

ni à la taille du territoire qu’elle occupe, ni à l’importance du rôle qui lui est attribué. L’isolement des

agriculteurs, associé au désir de ruralité des urbains, crée une situation propice à des constructions

sociales sur la campagne :

« Un certain discours social sur la ruralité fait passer celle-ci de quelque chose qui est traditionnel et appelé à disparaître ou à changer avec le déploiement de la modernité, à une représentation de cet objet comme un environnement, ou des paysages qui sont des "biens publics" ou collectifs qui n’appartiennent pas seulement aux ruraux mais à toute la société. »24

A travers les valeurs d’authenticité qu’ils portent, les territoires ruraux sont appropriés en tant qu’héritage

commun, « la campagne comme conservatrice des traditions »25. En ce sens, l’intérêt porté à l’agriculture

se rapproche des questions relatives au patrimoine avec lequel il se confond parfois quand il s’agit de

préservation. Ainsi, l’acuité portée au « patrimoine rural »26 est sensible au travers de la réhabilitation de

23. HERVIEU Bertrand, VIARD Jean, Au bonheur des campagnes (et des provinces), l’Aube, 1996, p.2124. JEAN Bruno, DIONNE Stève, « La ruralité entre les appréciations statistiques et les représentations sociales : comprendre la reconfiguration socio-spatiale des territoires ruraux québécois », Norois, n°202, 2007, p.1025. HERVIEU Bertrand, VIARD Jean, op. cit., p.8326. CHEVALIER Denis, CHIVA Isac, DUBOST Françoise, « L’invention du patrimoine rural », Autrement, n° 194, 2000, p.11-55

pratiques agricoles ou de fêtes oubliées. Dans les territoires de la capitale, cet intérêt pour l’agriculture se

manifeste au travers de la croissance annuelle des entrées du Salon de l’agriculture à Paris :

« En 2011 le salon a attiré 678 732 visiteurs, soit une hausse de près de 4% par rapport à l'an passé. […] Des visiteurs de plus en plus jeunes et urbains. » 27

Pour le sociologue François Purseigle28, cette évolution est le signe d’un renforcement du « capital

sympathie des citoyens urbains vis-à-vis des agriculteurs de plus en plus fort »29. De façon comparable

concernant les liens entre ville et agriculture, la grande exposition La ville fertile présentée au printemps

2011 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris est conforme aux attentes du public, la fertilité

s’appliquant d’abord à un sol, elle qualifie une terre. La ville fertile connote alors un rapport nourricier

avec la forme urbaine, l’agriculture est intrinsèquement évoquée. Mais l’appropriation collective des

espaces ruraux n’est pas simplement symbolique, elle est sensible dans le rapport au foncier et aux

aménagements qui s’y rapportent. En effet, si les espaces ruraux franciliens sont des « déserts humains,

fréquentés quatre fois l’an »30 selon l’expression de Jean Nouvel, « il est inenvisageable de confier à une

poignée d’agriculteurs la responsabilité de nourrir le monde »31 selon l’agronome et sociologue Bernard

Hervieu.

113.2 desurbanistesauxcomPétencesd’agronomes(?)

Quelle capacité a l’urbaniste d’intégrer des données et des connaissances communément réservées aux

agronomes ? Une étude comparée de chacun des deux travaux (Chantiers) produits pour la Consultation

du Grand Paris permet de constater que, parmi les dix équipes d’architectes urbanistes sollicitées, la

moitié a produit des éléments de réflexion relatifs aux pratiques agricoles : les équipes de Fin Geipel,

Antoine Grumbach, Yves Lion, Jean Nouvel et Bernardo Secchi ont développé des approches significatives

27. DE LA CHESNAIS Eric, « Fréquentation en hausse au salon de l’agriculture », Le Figaro, 27 février 201128. Maître de conférences en sociologie à l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse - Institut national polytechnique, il est ingénieur en agriculture et docteur en sociologie rurale29. DE LA CHESNAIS Eric, op. cit.30. NOUVEL Jean, chantier 2, p.2131. HERVIEU Bernard, « Le développement durable, une nécessité pour nourrir le monde ? », Dossier de l’environnement de l’INRA, n°22, 2002, p.5

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 1716 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

sur ce sujet, cette spécificité m’a engagée à réduire le champ de mon étude à ces cinq équipes. Pour

chacune d’elles, l’agriculture se distingue de la nature, leurs architectes ne se confrontent pas simplement

au matériau végétal mais ils se mesurent à des pratiques professionnelles spécifiques auxquelles ils sont

a priori tout à fait étrangers, la gageure est réelle. C’est pourquoi il est significatif d’observer quelles sont

les personnalités qui ont été invitées au sein de ces cinq équipes pour répondre spécifiquement aux

questions agricoles et asseoir les projets des urbanistes pour qu’ils ne soient ni fantaisistes ni naïfs.

La constitution d’équipes pluridisciplinaires pour la Consultation du Grand Paris répond à

l’hyperspécialisation des compétences et à l’ouverture du « projet » à d’autres métiers que celui

d’architecte. L’urbaniste l’a rejoint à partir du XXe siècle, cette discipline est née et s’est développée au

moment de faire face aux phénomènes nouveaux d’urbanisation. De la même façon, la place grandissante

réservée aux paysagistes dans la planification urbaine est à observer avec la montée en puissance des

questions environnementales depuis les années 1970. Les compétences des paysagistes en botanique et

le rattachement de leurs écoles auprès du Ministère de l’Agriculture pourraient s’avérer particulièrement

utiles en ce qui touche à l’agriculture, mais on observe qu’ils ont souvent une meilleure connaissance du

milieu urbain que rural :

« Au même titre que les architectes, les paysagistes ont déserté ce territoire de projet [les espaces agricoles]. Pour des raisons liées à l’histoire de leur profession, ils connaissent paradoxalement bien mieux les rouages de la ville que ceux de l’agriculture »32

Auprès d’Antoine Grumbach, c’est une écrivaine - Frédérique de Gravelaine - qui s’empare du sujet et

rédige les textes relatifs à la place de l’agriculture dans le projet du Grand Paris. A ses côtés, le spécialiste

de l’agriculture périurbaine est Serge Bonnefoy33, il est invité au titre de son expérience au sein de

32. MOIROUX Françoise, op. cit., p.3533. Serge Bonnefoy est docteur en économie. Il est de 1982 à 1998 chargé d’études en aménagement du territoire à la direction départementale de l’agriculture et de la forêt de l’Isère. Directeur de l’Association pour le Développement de l’Agriculture de l’Y Grenoblois (ADAYG) depuis 1986, (l’Y correspond aux vallées urbanisées de l’Isère, du Drac et du Grésivaudan) puis depuis 2000, secrétaire du réseau national Terres en Villes qui regroupe 21 agglomérations

Terres en Villes et de l’Association pour le Développement de l’Agriculture de l’Y Grenoblois (ADAYG).

Ces deux associations font référence pour leur expérience en matière d’aménagement et de valorisation

de l’agriculture urbaine, en particulier le recensement d’expérimentations qui touchent à l’agriculture

urbaine et leurs travaux sur les formes de gouvernance qu’ils impliquent.

Dans le premier chantier de l’équipe de Jean Nouvel, c’est un ingénieur et docteur en écologie, spécialiste

des questions d’environnement et du développement durable - Serge Martin - qui a donné des éléments

de réponse quant aux questions d’agriculture urbaine. Dans le deuxième chantier, c’est Michel Desvigne

qui a signé les textes sur l’agriculture. Ce paysagiste de grande notoriété s’est depuis de longues années

penché sur la place de la géographie dans la ville et sur la lisibilité des paysages, il travaille sur des territoires

de très grande échelle qui comprennent parfois de larges zones agricoles34 . Michel Desvigne a reçu le Prix

de l’Urbanisme en 2010, sa participation au travail sur le Grand Paris ayant été largement saluée.

Au sein des équipes d’Yves Lion, de Bernardo Secchi et de Finn Geipel, aucun spécialiste des questions

agricoles n’a été spécifiquement nommé pour la rédaction des chapitres relatifs à l’agriculture. La question

peut être posée du rôle des agronomes et géographes pour l’écriture de ces textes.

34. On pense notamment à son étude pour le nouveau cluster du plateau de Saclay

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 19

1.2 uneagricultureentrevilleetcamPagne

Les projets relatifs à l’agriculture dans la Consultation du Grand Paris posent en particulier la question du

sens et de la lisibilité des territoires périurbains.

12.1 desterritoiresinnommables…

121.1 laconstructionhorizontaledelamétroPole

L’explosion de la mobilité individuelle associée à une massive urbanisation des populations mondiales au

cours du XXe siècle ont encouragé un développement rapide et horizontal des villes en direction de ses

zones rurales proches. Associé à l’équipe d’Antoine Grumbach, Bruno Fortier regrette la rupture avec le

modèle traditionnel de la ville regroupée qui tendait à la construction de métropoles denses et verticales,

il considère que l’urbanisation du XXe siècle n’a pas été assumée :

« Le vingtième siècle restera tout de même ce moment très paradoxal où la montée des villes a rencontré un urbanisme dont la grande obsession a été de les faire disparaître et de les simplifier. »35

Il passe en revue deux projets de ville pensés au XXe siècle qui envisageaient une installation de la ville à la

campagne et montre comment ces projets ont eu des effets contraires à ceux recherchés. Il prend d’abord

l’exemple de Frank Lloyd Wright : son projet de Broadacre City s’orientait en faveur d’une occupation du

monde et des paysages, il s’agissait d’une tentative de gommer la ville dans la campagne, de l’y dissoudre

pour la rendre acceptable. Mais il observe que la production de ces modèles urbains a plutôt conduit à

une progression extensive des villes vers leurs périphéries :

« Cette perspective, une fois traduite dans l’urbanisation de ces cinquante dernières années, n’est évidemment pas celle que Wright avait imaginée : la Nature n’y est pas un jardin, les maisons (en France notamment) y sont

35. GRUMBACH Antoine, chantier n°2, p.90

Broadacre city

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 2120 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

désespérantes, c’est le règne uniforme des produits immobiliers… Sans compter évidemment, le caractère très daté et très énergivore de cette ville éclatée. »36

Bruno Fortier mentionne ensuite Peter Hall, Reyner Banham et Cedric Price qui, eux aussi, imaginaient

pouvoir occuper le sol sans le blesser, pouvoir s’installer temporairement sur un site et le rendre intact.

Mais l’occupation des sols a eu pour effet une minéralisation qui s’est avérée irréversible.

121.2 uneincaPacitéàdéfinirlesnouveauxterritoires

La variété des noms pour qualifier les espaces issus de l’étalement urbain est un symptôme de la difficulté à

aborder ces phénomènes. Les modes de désignation de ces nouveaux territoires issus de la métropolisation

se sont extrêmement diversifiés chez les théoriciens de l’urbanisme, bien que leurs conclusions diffèrent

relativement peu. Relevons à titre d’exemples : « Edge city » pour Joel Garreau en 1991 dans Edge City: Life

on the New Frontier ; « métapole » pour Ascher en 1995 dans Metapolis ou l’avenir des villes ; « ville-pays »

pour Beauchard en 1996 dans La Ville-Pays, vers une alternative à la métropolisation ; « Zwischenstadt »

pour Sieverts en 2004 dans Entre-ville, Une lecture de la Zwischenstadt ; « ville-campagne » pour Berque

en 2006 dans La ville insoutenable. Face à cette accumulation d’appellations et de néologismes, le

géographe Bernard Debarbieux commente :

« Le langage des spécialistes rend compte d’un renoncement, voire d’une défiance, à l’égard des catégories classiques. »37

Selon lui, la compréhension des phénomènes d’urbanisation contemporains serait rendue difficile par

une lacune de vocabulaire quand il s’agit du périurbain, par une nécessité de comparer et d’avoisiner

insatisfaisante. Il observe que les catégories classiques ville-campagne sont issues de l’époque

préindustrielle, ce couple était fondé sur une conception partitive de l’espace : ce qui n’était pas ville

était campagne. La limite était établie par les attributs complémentaires et opposés de chacune de ces

catégories (le monde des paysans face à celui des bourgeois), l’iconographie et la cartographie permettait

36. GRUMBACH Antoine, chantier n°2, p.9037. DEBARBIEUX Bernard, « Le syndrome de Moctezuma ou Réflexions sur l’actualité et la pertinence du couple ville-campagne dans l’analyse territoriale », Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.69

de les distinguer clairement, et les structures juridico-politiques renforçaient cette dialectique38. Mais

de profonds changements se sont opérés dans un temps court : la part de la population rurale au sein

de la société s’est réduite, les espaces ruraux se sont transformés en conséquence des mutations de

l’activité agricole, les villes sont sorties de leurs enceintes, et l’harmonisation des structures politiques et

juridiques a accompagné ces métamorphoses. Ces processus ont confondu les catégories et ont rendu

caduque cette opposition entre ville et campagne à la faveur de la montée en puissance d’un territoire de

type nouveau que l’on nommera ici l’espace périurbain.

121.3 unePertedesensdesesPacesPériurbains

Bien que les territoires ruraux se soient profondément transformés, la sémantique binaire ville/campagne

continue d’être active dans les discours et les idées, les représentations ordinaires sont toujours structurées

par ce paradigme, il serait illusoire de l’ignorer. Mais le maintien d’une vision binaire de l’espace conduit à

une perte générale de sens face au « tiers espace »39 périurbain, l’authenticité de ces lieux est alors remise

en cause. Puisqu’il n’est ni l’un ni l’autre mais une tentative de synthèse de ces deux espaces, le périurbain

est condamné pour son évidente fausseté. Augustin Berque met en lumière la tentative de combinaison

entre sédentarisme et nomadisme qu’opèrent ces territoires, il rapporte l’accusation que leur porte le

sociologue Georges-Hubert de Radkowski :

« Parlant de "fausse monnaie" à propos des lieux de l’habitat contemporain, par contraste avec ceux de la sédentarité traditionnelle, Radkowski en avait stigmatisé une altération essentielle : une perte d’authenticité des lieux que Webber, de son côté, mettait en évidence avec le terme de non-place (non lieu). »40

38. DEBARBIEUX Bernard, op. cit.39. VANIER Martin, « Le périurbain à l’heure du crapaud buffle : tiers espace de la nature, nature du tiers espace», Revue de géographie alpine, n°4, 2003, p.7940. BERQUE Augustin, « Ce qui est en jeu dans la ville-campagne », Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.200

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 2322 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Augustin Berque s’inquiète des effets néfastes et irréversibles de l’étalement périurbain sur les plans

écologique et social. Le vocabulaire employé pour qualifier ces territoires renseigne sur l’ampleur du

problème et la diversité de ses conséquences :

« La ville-campagne n’est pas seulement une "communauté sans base territoriale", comme le figura Webber, c’est une entité qui, à la fois, entraine un délitement social, décompose le paysage des villes tout en mitant celui des campagnes, et qui, écologiquement, tend à réduire l’assiette terrestre de l’existence humaine. Littéralement l’habitation humaine n’y est plus fondée. »41

Ce constat d’urgence est largement partagé, ainsi Michel Desvigne - pour l’équipe de Jean Nouvel -

s’accorde à considérer qu’agir est indispensable face à cette « catastrophe ordinaire […] somme toute

inacceptable »42. Il analyse le problème à partir de la brièveté des temporalités et de la faiblesse des

échéances qui guident les avancées de la ville sur ses territoires ruraux avoisinants. Ainsi, il considère les

demandes en construction de logements qui, quoique légitimes, sont préjudiciables à d’autres activités

dont les temporalités sont différentes :

« S'il est laissé libre cours aux tendances spontanées de l'étalement urbain notamment dictées par les légitimes demandes en logements, on risque d'assister à des catastrophes comme la disparition des activités agricoles périurbaines, un accroissement insoutenable des inégalités sociales en terme de cadre de vie et de temps de transport, une dégradation irréversible à l’échelle humaine des paysages et de la richesse biologique. »43

Le problème soulevé est celui du caractère définitif d’actions qui, bien qu’analysées et unanimement

condamnées pour leurs effets sur les territoires, les écosystèmes et les paysages, continuent de se

développer et d’échapper à toute forme de régulation.

41. BERQUE Augustin, op. cit., p.20842. NOUVEL Jean, chantier 2, p.2343. NOUVEL Jean, chantier 1, p.100

12.2 …dansunesémantiqueencorebinaire

122.1 desarchétyPescontrastésPouraménager

Dans ce combat contre « la ville insoutenable »44 et tandis que la périurbanisation progresse, le paradigme

ville/campagne reste opératoire, urbain et rural sont opposés au moyen d’archétypes afin de mieux les

distinguer. Ainsi les « centre-ville historiques » et les « centres d’affaire » s’opposent aux « campagnes

profondes », la ville dense répond aux espaces naturels dans l’imaginaire d’une urbanisation plus durable :

« La mise en oeuvre actuelle d’une ville durable s’opère le plus souvent via deux types d’actions : densification de l’espace bâti d’un côté et préservation des espaces naturels ou agricoles résiduels de l’autre (Vanier, 2003). »45

Cette séparation permet de situer le projet sur des terrains mieux connus, elle définit et oppose la nature

et le rôle de chacune des parties. La dialectique vert/gris à l’œuvre dans les discours et les représentations

ordinaires a aussi du sens pour le spécialiste de l’aménagement, Antoine Grumbach explique que ce

contraste est nécessaire pour lire la ville :

« C'est bel et bien en s'opposant à la nature que les villes, jusqu'ici ont tiré à la fois leur fantastique et leur beauté. »46

L’argumentaire d’Augustin Berque est le même en sens inverse, la ville compacte définit la nature :

« La nature seule n’a aucun sens, elle ne vaut que par contraste, et supprimer le contraste – perdre la ville dans la verdure – c’est chasser la nature à perte de vue. […] Défaire le sens de la ville, c’est défaire le sens de la nature. Le sens, aujourd’hui comme hier, a besoin de formes pour s’exprimer; de formes de villes, en particulier ; parce que c’est là que nous habitons, si métapoles que soient nos villes devenues. »47

44. BERQUE Augustin, BONNIN Philippe, GHORRA-GOBIN Cyntia (Dir.), La ville insoutenable, Belin, 200645. BANZO Mayté, VALETTE Elodie, « L’éco-urbanisme face aux espaces non bâtis : l’enjeu de la mixité », Actes du colloque Développement urbain durable, ressource et gouvernance, Lausanne, 21-22 sept 2005, p. 146. GRUMBACH Antoine, chantier n°2, p.8847. BERQUE Augustin, « Des toits, des étoiles », Annales de la recherche urbaine, n°74, 1995, p.5-11

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 2524 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Cependant, si le distinguo ville-campagne est utile dans la construction théorique, elle trouve ses limites

dans le développement de projets urbains où l’archétype est inopérant, voire contreproductif s’il n’est

pas compris en tant que simple référence. Cette gestion raisonnée tend à produire une ville fragmentée

qui ne correspond pas à la réalité complexe de la métropole. Ainsi, si cette conception partitive a dirigé

les plans d’aménagement modernes afin de « mettre de l’ordre dans tout ce bazar »48, selon la célèbre

formule du général de Gaulle à Paul Delouvrier, elle a provoqué en retour des situations d’enclavement

avec des territoires monofonctionnels qui ont appauvrit la complexité de la métropole :

« Dans les politiques d’aménagement du 20e siècle, l’urbanisme, le paysagisme et l’aménagement ont contribué à la pérennisation du couple ville-campagne. La figure du puzzle territorial continue d’orienter les projets et les actions. Mais dès lors ce furent surtout les visions idéalisées de l’une et de l’autre qui guidaient ces projets et ces actions comme si nos sociétés voulaient continuer de croire que ce couple de catégories avait gardé toute sa pertinence. »49

Bernard Debarbieux met ici en garde contre la distinction spatiale qui est établie entre ville et campagne

et ne correspond pas à la complexité de la société contemporaine, cette perception risque selon lui

d’entraîner des situations de divisions et de fermetures inacceptables.

122.2 dessituationsdefermeture

Ni ruraux, ni urbains, les lotissements, zones commerciales et d’activité qui se sont étendues sur les terres

agricoles voisines sont accusés d’avoir généré autant de situations de fermeture avec leur contexte. La

rencontre entre ville et campagne n’a pas lieu, c’est le constat que partagent les urbanistes du Grand

Paris. Ainsi Michel Desvigne, pour l’équipe de Jean Nouvel, décrit une forme de ville dégradée, à l’urbanité

appauvrie, il constate que ces nouveaux territoires, monofonctionnels et de vastes dimensions, se sont

constitués en autant d’enclaves et ont répété des situations de repli à la fois entre elles et par rapport à

la métropole :

48. DEBARBIEUX Bernard, op. cit., p.6849. Ibid.

« La périphérie de la périphérie. Elle est instable, mouvante. Ce sont des zones pavillonnaires des zones commerciales, des zones d’activité, qui toutes sont dans l’éloignement du monde urbain et dans l’absence d’espaces publics partagés et pratiqués. »50

En face, Michel Desvigne décrit aussi la pauvreté des territoires ruraux qu’il désigne comme vides et

inhabités, incapables de rencontrer la métropole :

« Le monde rural […] correspond le plus souvent à des terres agricoles remembrées pour autoriser une exploitation mécanisée à grande échelle : ce sont des déserts humains, fréquentés quatre fois l’an, apauvris par la disparition des haies, des fossés »51

La vitesse de construction des territoires périurbains, associée à l’opportunisme de l’installation de ces

nouveaux programmes expliquent selon lui ce rendez-vous manqué entre la métropole et ses territoires

ruraux proches. Michel Desvigne constate une situation d’ignorance mutuelle entre ces deux mondes :

« Cette rive assemble deux marges de peu de qualité. […] Ces deux mondes ne se confrontent pas plus qu’ils ne se rencontrent : ils se tournent le dos. Cette lisière est le plus souvent matérialisée par de simples grillages, de part et d’autre desquels ne se trouvent ni liens, ni échanges : elles ne partagent que leur état de frange. »52

Ce qui est vigoureusement mis en cause, c’est la « monofonctionnalité » des territoires que Jean Nouvel

propose « d’abroger»53, elle est vue comme un obstacle au développement des territoires :

« La monofonctionnalité conduit à l’éclatement urbain et suscite le déplacement

inutile, [il faut]supprimer le zoning qui appauvrit les territoires. »54

50. NOUVEL Jean, chantier 2, p.2151. Ibid.52. Ibid.53. NOUVEL Jean, chantier 1, p.18454. Ibid.

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 2726 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Finn Geipel fait le même constat qu’il illustre par une photographie aérienne, il prend pour exemple

une zone pavillonnaire dans les Yvelines (cf. photo ci-contre). L’orthogonalité de la réticule pavillonnaire

tranche brutalement avec les courbes des chemins ruraux, cette image à la composition très schématique

se veut exemplaire de l’opposition frontale entre ces deux territoires :

« La confrontation abrupte de programmes différents caractérise les paysages monofonctionnels. »55

Yves Lion regrette lui aussi que les nouveaux programmes s’implantent selon les opportunités foncières

qui se présentent, cette logique économique ne permet d’établir de dialogue ni entre ces différents

programmes, ni avec l’existant qui est considérablement appauvri. En effet, les grandes monocultures

céréalières ne s’intègrent pas davantage au tissu de la métropole que les zones spécialisés de la périphérie :

« En Région parisienne, le mitage par nappes de 15 à 20 hectares provoque un enclavement progressif de toutes les zones, quel qu’en soit le programme : lotissements pavillonnaires, zones d’activités, zones de logement collectifs…, enclavement également des pièces agricoles. Le rapport entre le vide et le plein est très introverti. »56

Le manque de perméabilité entre ces différents programmes monofonctionnels qui se juxtaposent non

seulement ne crée pas un urbanisme de qualité mais dévalorise mutuellement chacune de ces zones.

Ainsi, Jean Nouvel observe que paradoxalement la proximité des territoires agricoles ne qualifie pas les

zones pavillonnaires qui les jouxtent, alors que les espaces ruraux devraient leur offrir un certain cadre de

vie grâce à une mise à distance de la ville et un voisinage avec la campagne :

« La proximité de la campagne, au lieu d'être un atout pour la ville, génère actuellement ses quartiers les plus dévalorisés. »57

55. GEIPEL Finn, chantier 2, p.9756. LION Yves, chantier 2, p.5557. NOUVEL Jean, chantier 1, p.104

L’enclavement des zones pavillonnaires est manifeste, les espaces publics y sont inexistants, les résidents

n’y partagent souvent que la voirie. Bernardo Secchi observe que les espaces verts de proximité qui sont

pourtant libres d’accès et parfois même conçus comme des espaces publics, peuvent développer les

mêmes effets d’enclavement dès lors qu’ils ne sont pas « poreux » :

« Dans le Grand Paris les espaces verts sont nombreux et souvent très vastes. [Forêts, zones agricoles de haute productivité, parcs, parcelles agricoles isolées] créent des intervalles entre les différents morceaux de la métropole, qui les mettent à distance et qui souvent, à cause de leur rôle, sont considérés comme le revers des logements construits sur leur périmètre. »58

Dans cette configuration où l’innommable (le périurbain) continue de se développer selon les

mêmes schémas et les mêmes idéologies pro-campagne et anti-urbaines, comment prendre acte des

transformations et se tourner vers une autre définition du rapport que la ville entretient avec son

territoire ?

58. SECCHI, chantier 2, p.97

Paysan, jardinier, militantLe paysan a cédé la place au citadin à Montreuil et résiste à Montlhery, même s’il porte désormais le nom de producteur. Le citadin périurbain s’est fait jardinier jusqu’aux portes de Paris, même si aux lopins de terre pour patates et poireaux ont succédé les jardinets à fleurs. Le militant ou sympathisant vert, lui, est un sans-terre plutôt aisé qui habite au centre-ville. Et si tout ce beau monde se mettait ensemble pour inclure dans l’espace urbain les champs de production agricole, ouvrir les parcelles clôturées, se hasarder au-delà des circuits certifiés bio jusqu’aux terrains d’agriculture urbaine où il peut voir lui-même pousser les salades?

II Hypothèses › Grands Paysages Grand Paris

La confrontation abrupte de programmes différents caractérise les paysages monofonctionnels.Prototype de transformation. Exemple Montesson

96 › 97

Paysage monofonctionnel

exemPle montesson

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 29

1.3 l’agriculturecommeoutild’urbanisme

Face à la progression rapide et continue de la ville sur les terres agricoles et à la pauvreté de l’urbanité qui

s’y développe, l’effort est devenu double : en plus de mieux protéger les espaces ruraux, il s’agit aussi de

réconcilier les urbains avec leur ville. La longue expérience de l’organisation anglaise Campaign to Protect

Rural England (CPRE)59 nous renseigne sur ce changement de stratégie de l’aménagement :

« La CPRE prône une stratégie globale d’aménagement du territoire qui comprend non seulement la protection des zones rurales, mais également la promotion de la qualité de la vie en ville. Cette stratégie "par le dehors" et "par le dedans" vise à la fois à rendre plus difficiles les nouveaux développements en zones rurales et à renforcer l’attractivité urbaine. »60

Il s’agit de penser ensemble l’urbain et le rural et de dépasser les clivages de compétence, l’agriculture

figure dans les projets d’urbanisme car ses territoires engagent bien plus que la seule profession agricole.

13.1 unelecturehistorique L’activité agricole à l’heure de la Consultation du Grand Paris se trouve dans le sillage d’une longue période

de modernisation de ses outils et de ses techniques. Les années 1990 ont constitué un tournant majeur

pour la profession, les différentes crises sanitaires, les réformes de la Politique Agricole Commune (PAC)

et le perfectionnement de nouvelles cultures (OGM) ont amené les exploitants agricoles à se recentrer

sur de nouveaux objectifs (cf Timeline ci-contre).

59. L’organisation Campaign to Protect Rural England a été fondée en 1926 pour lutter contre l’urbanisation des campagnes anglaises. Elle s’est longtemps limitée à protéger les espaces ruraux et naturels, jusque dans les années 1990 où elle a commencé à promouvoir un urbanisme de qualité en tant qu’alternative à l’exode urbain.60. RUEGG Jean, SALOMON CAVIN Joëlle, « Maîtriser l’étalement urbain : de la stratégie agricole au pas de deux ville-campagne », Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.152

1960, Plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne (PADOG) 1965, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (SDAURP)

1976, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France (SDAURIF)1985, PNR de la Haute vallée de Chevreuse

1994, Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF)1995, PNR du Vexin français

1999, PNR du Gâtinais français

1999, Loi d’orientation agricole

1999, Projet de ferme verticale1918, Reconversion des usines d’armement,Début du machinisme agricole

1941, Début du remembrement agricole1943, Commercialisation du DDT

1987, Fondation de la Confédération paysanne

1998, Premier maïs OGM en France1996, Crise de la vache folle

1962, Politique Agricole Commune 1992, Réforme de la Politique Agricole Commune

2003, Accords de Luxembourg

1957, Traité de Rome

1945, Création du FAO à l’ONU

1946, Fondation de la FNSEA

1993, Premiers mouvements anti-OGM

1992, Agriculture “durable” sommet de Rio

1993, Reconnaissance du label Agriculture Biologique1962, Association francaise pour l’agriculture biologique

1967, Décret de création des Parcs Naturels Régionaux

1968, Parution des Agrariens français de Pierre Barral1969, Ouverture du marché international de Rungis

2004, PNR Oise Pays de France

93

67 48

2725

Type

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13.2 Protégerleblancdescartes

132.1 outilsfonciersexistants

L’agriculture est ordinairement représentée par du blanc sur les cartes géographiques, pourtant les espaces

ruraux ne sont pas vides. Ce qui apparaît au travers de ce contraste noir/blanc, c’est le déséquilibre entre

la valeur du foncier agricole et celui de l’urbain, cette tension est particulièrement forte autour de la

métropole parisienne où l’importante demande en logements augmente la valeur des terrains à bâtir. Les

enjeux financiers sont importants, élus et propriétaires sont démarchés par des promoteurs immobiliers,

et les propriétaires fonciers - en tant qu’électeurs - constituent une force de pression considérable61.

Devant la vitesse et la désorganisation de l’urbanisation, les équipes du Grand Paris considèrent qu’il est

prioritaire de protéger les espaces naturels et les terres agricoles, et puisque le marché est incapable

de s’autoréguler, qu’il faut lui opposer des instruments de contrôle efficaces. Jean Nouvel insiste sur la

fragilité des espaces naturels et agricoles, et sur la nécessité de les protéger fortement :

« L'Ile-de-France est un jardin. Les surfaces agricoles et les surfaces boisées dominent. […] Pour préserver ce jardin, il faut le fixer. »62

« En aménagement du territoire, il faut donner un statut aux espaces agricoles, forestiers et naturels et les considérer à l'égal des espaces urbanisés dans les opérations de programmation territoriale. »63

La question est de savoir comment mieux contenir les poussées d’urbanisation pour qu’elles s’inscrivent

dans un meilleur développement de la métropole et qu’elles participent au maintien des terres agricoles.

Ainsi, tandis qu’il faut mieux penser la ville avec un urbanisme de qualité, il est nécessaire de contrôler la

consommation des terres arables. Ce contrôle doit être exercé par une autorité publique dont les outils

juridiques et financiers soient suffisamment importants pour être efficaces. Le problème de l’extension

urbaine est ancien et c’est dans ce but que les Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement

61. K.A.R.L.S., « Le champ, le maire et les pavillons », Le visiteur, n°9, 2002, p.10-2362. NOUVEL Jean, chantier 1, p.5663. Ibid., p.102

Rural (SAFER)64 ont été conçues il y a déjà cinquante ans. D’échelle régionale, les SAFER ne disposent pas

toujours de moyens politiques et financiers suffisants, elles se sont avérées particulièrement inopérantes

en Ile-de-France, c’est pourquoi leur action a été secondée par d’autres structures du Conseil régional,

en particulier l’Agence des Espaces Verts (AEV)65. Celle-ci établit des Périmètres régionaux d’Intervention

Foncière (PRIF) avec les communes concernées, ce qui peut éventuellement déboucher sur des mesures

d’expropriation. La majorité des équipes du Grand Paris n’y fait pas allusion mais en reprend les objectifs,

et celles qui y font allusion sont mitigées sur leur bilan : Yves Lion considère qu’il faut continuer de

s’appuyer sur ces structures, tandis que pour Antoine Grumbach c’est devenu inutile :

« La maîtrise foncière et la limitation de l’étalement urbain doivent être considérées comme des objectifs prioritaires. En plus de conventions de veille foncière mises en place avec la SAFER, des périmètres régionaux d’intervention foncière (PRIF) peuvent aussi être définis avec l’Agence des Espaces Verts d’Ile-de-France. »66

« La valeur de l’hectare agricole étant sans commune mesure avec celle du mètre carré constructible (à l’exception rare de quelques parcelles de grands crus bordelais ou de champagne), les SAFER n’ont pas les moyens de lutter contre ces disparités et les producteurs eux-mêmes sont tentés d’asseoir leur retraite sur une vente foncière. »67

64. Organismes d’intervention sur le marché foncier rural, les SAFER ont été créées en 1960 (loi d’orientation agricole) pour « acquérir des terres ou des exploitations mises en vente par leurs propriétaires, ainsi que des terres incultes destinées à être rétrocédées après aménagement éventuel ». Elles disposent d’un droit de préemption lors des ventes pour ensuite rétrocéder les terres à des agriculteurs afin de préserver cette activité. Elles se sont progressivement vu confier des missions d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. 65. L’AEV procède, pour le compte du Conseil régional d’Ile-de-France, à l’acquisition, à l’aménagement et à l’entretien des espaces naturels. Parmi ses moyens d’interventions figurent les acquisitions foncières, l’expropriation dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique et la préemption qui intervient notamment avec la SAFER régionale.66. LION Yves, chantier 2, p.22767. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.19

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 3332 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

132.2 laréévaluationdufoncieragricole

Les équipes du Grand Paris s’accordent sur le double travail qui est à mettre en place, la méthode a été

à plusieurs reprises formulée : parallèlement au travail de contention de la tache urbaine, il proposent

de revaloriser les espaces non construits - dont les espaces agricoles - pour les rendre plus robustes

aux pressions foncières. Les critères d’évaluation de ces espaces ont évolué, ils sont aujourd’hui plus

nombreux : il ne s’agit plus exclusivement des revenus économiques de la production agricole, l’intérêt

environnemental et paysager entre aussi en compte, même si ces critères peuvent être difficiles à évaluer

financièrement :

« Longtemps, les hectares périphériques, en cas de déprise agricole, ont été considérés comme dénués de valeur. La qualité des milieux naturels et des ressources qui y sont associés (eau, biodiversité, paysages...) demande à être reconnue et pourrait orienter davantage les choix d'urbanisation. »68

Dans les zones périurbaines, ces nouveaux critères deviennent incontournables, l’enclavement des terres

agricoles dans les zones périurbaines a fortement dégradé les conditions de travail des exploitants : les

accès aux terres sont plus difficiles et les vols et dégradations se multiplient, tandis que dans le même

temps, les exploitants agricoles périurbains sont isolés au sein de leur profession qui regarde davantage

vers les espaces plus ruraux. Côté urbain, des conflits éclatent lorsque les travaux agricoles et les nuisances

associées à cette activité gênent les habitations voisines, ces rivalités entre les différents acteurs de

l’espace rural correspondent à un glissement d’une concurrence pour ses usages vers une compétition

entre les usagers de ses espaces :

« De nombreux espaces sont appropriés collectivement par des groupes qui ne désirent pas en faire un usage personnel, mais entendent imposer un usage d’autres catégories d’acteurs, lesquels prévoient une destination différente. » 69

68. DJELLOULI Yamna, EMELIANOFF Cyria, BENNASR Ali, CHEVALIER Jacques (Dir.), L’étalement urbain, un processus incontrôlable?, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p.1769. TORRE André, « Conflits d’usages dans les espaces ruraux et périurbains. Réflexions à partir d’études sur des territoires français», Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.69

Jean Nouvel le commente que ces facteurs contribuent à déstabiliser l’activité agricole en ne lui permettant

pas d’avoir la vision à long terme dont elle a besoin :

« Vu de la campagne, l'étalement est vécu, à juste titre, comme une agression et un facteur d'instabilité empêchant la visibilité nécessaire aux investissements. »70

Ainsi, en milieu urbain en particulier, de nouveaux critères d’évaluation correspondant aux fonctions

symboliques et environnementales de la campagne non seulement complètent mais sont souvent amenés

à remplacer les critères habituels d’estimation d’un terrain. Autrement dit, l’activité agricole périclitera

si d’autres valeurs n’émergent pas en faveur de son maintien, ce sont de nouvelles perspectives qui se

dessinent pour l’avenir des activités agricoles à proximité des villes.

13.3 lesceinturesvertes

Les propositions du SDRIF et les outils développés par la Région transparaissent dans les travaux du Grand

Paris. En ce qui concerne l’agriculture, c’est le projet régional de Ceinture verte qui constitue l’armature

principale du projet et c’est celle qui a suscité le plus de commentaires.

133.1 archéologie

Le projet de Ceinture verte naît dans les années 1960 avec le Plan d’Aménagement et d’Organisation

Générale de la région parisienne (PADOG), il prend modèle sur la Green Belt Act de Londres de 193871,

référence faisant toujours autorité aujourd’hui. Le projet de Ceinture verte proposé dans le PADOG portait

à la fois sur une maîtrise du front urbain et une offre nouvelle d’équipements de proximité constituée

de parcs et jardins insérés dans le tissu urbain, en plus des grandes forêts franciliennes. Mais la valeur

réglementaire de la Green Belt britannique lui donne un véritable poids, tandis que la Ceinture verte de

Paris ne repose que sur un principe partenarial qui peine à s’affirmer. Malgré ses faiblesses, le projet de

Ceinture verte est reconduit dans le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-

de-France de 1976 (SDAURIF), dans le Plan Vert (cf. carte ci-contre) de 1995 puis dans le SDRIF de 2008, la

70. NOUVEL Jean, chantier 1, p.10471. Le Green Belt Act de 1938 a permis aux autorités locales d’acheter des terres et de créer des partenariats avec les propriétaires dans la région du Grand Londres et ses comtés voisins pour protéger de l’urbanisation ces territoires.

Ceinture verte du plan vert (1995)

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 35

Schéma régional fonctionnel des espaces agricoles,boisés et naturels

CARTE THÉMATIQUE

PROJET ADOPTÉ PAR DÉLIBÉRATION DU CONSEIL RÉGIONAL LE 25 SEPTEMBRE 2008 | SDRIF| 94 |

Ceinture verte s’impose progressivement comme une mise en réseau d’espaces ouverts hétérogènes et

aux statuts diversifiés qui doivent être protégés ensemble de l’urbanisation :

« L'appellation de Ceinture verte, définie dans le Plan vert régional (octobre 1995), représente un ensemble d'espaces naturels, comprenant les forêts, les espaces verts et les espaces agricoles occupant un rayon allant de 10 à 30 km autour de Paris. »72

Si le principe de la Ceinture verte reste peu contraignant, son schéma fonctionnel se complexifie

progressivement : dans le SDRIF (cf. carte ci-contre), la Ceinture verte est devenue le maillon médian

entre la « trame verte » et la « couronne rurale » dans l’objectif de « préserver, restaurer, valoriser

les ressources naturelles et permettre l’accès à un environnement de qualité »73. La Ceinture verte est

périurbaine, elle se présente comme mi-urbaine mi-rurale, tandis que la « trame » et la « couronne »

vertes penchent franchement d’un côté vers la ville, de l’autre vers les espaces ruraux. Lointain leg de la

ceinture vivrière et maraîchère qui s’est constituée au XIXe siècle pour approvisionner Paris, la Ceinture

verte s’inscrit sur un tissu hérité de cultures horticoles et maraîchères :

« L’Ile-de-France est encore une grande région maraîchère et horticole. […] Cette situation est l’héritage de la mise en place des ceintures agricoles périurbaines qui prennent de l’ampleur au XIXe siècle quand l’urbanisation et l’augmentation du niveau de vie favorisent le développement de l’agriculture spécialisée près des centres de consommation. »74

La Ceinture verte poursuit désormais des objectifs plus paysagers, écologiques et récréatifs qu’alimentaires :

« Maîtriser le front urbain, protéger et étendre le domaine forestier, créer de nouveaux équipements récréatifs, favoriser le maintien de l’agriculture périurbaine, éviter le morcellement des espaces par de nouvelles infrastructures,

72. DESWARTE Daniel, Le devenir des espaces agricoles et naturels en zone périurbaine, CESR Ile-de-France, 1999, p.2173. CONSEIL REGIONAL D’ILE-DE-FRANCE, Schéma Directeur de la région Ile-de-France, 2008, p.9374. POULOT Monique, ROUYRES Thérèse, « La ceinture maraîchère et horticole francilienne entre production économique et production de paysage », Méditerranée, n°3-4, 2000, p.51

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 37

améliorer la lisibilité des grands sites et paysager les entrées de ville, protéger le patrimoine naturel, la faune et la flore. »75

D’un point de vue pratique, la Ceinture verte du SDRIF est une cartographie des zones où la protection est

prioritaire, elle désigne les territoires où les outils fonciers (cf. supra § 132.1) pourront s’exercer.

133.2 PrisesdePosition

Les équipes du Grand Paris qui mentionnent la Ceinture verte s’y opposent globalement, à l’exception

notable de l’équipe de Richard Rogers qui utilise cette dénomination pour laquelle il est enthousiaste, il

considère que le projet francilien doit être renforcé :

« L’initiative actuelle de la Ceinture verte doit être renforcée afin de soutenir et compléter ces propositions. Une zone étendue comprenant tout le territoire métropolitain et des conurbations suffisament importantes permettra de préserver de la croissance urbaine une zone plus étendue. […] Afin de ménager une réserve de durabilité à long terme, il convient sans doute de préserver et protéger tous les espaces ouverts de la région. »76

Il faut noter les différences fondamentales de sa prise de position avec celle de la Région : il propose de

contraindre fortement l’aménagement de l’ensemble des espaces verts d’Ile-de-France. Il n’y a plus de

priorités mais un discours unifiant qui s’applique sur une unité administrative existante, c’est une lecture

très différente et sensiblement appauvrie de la carte du SDRIF qui établit une cartographie hiérarchisée

et envisage des liens avec les départements voisins. Par ailleurs, l’incertitude demeure sur la référence

de Richard Rogers : cherche-t-il à améliorer la Ceinture verte parisienne ou s’inspire-t-il de la Green Belt

londonienne ? Il se montre surtout favorable à une solution plus contraingante que celle existante :

« La nouvelle ceinture verte doit être définie dans le cadre d’une politique nationale contraignante pour l’ensemble des autorités régionales et locales de planification. »77

Antoine Grumbach ne rejette pas non plus le projet de Ceinture verte, il le considère comme un héritage

à perfectionner. Il donne l’exemple de l’agglomération rennaise qui a une politique de protection

75. LEGENNE Corinne, La ceinture verte d’Ile-de-France, un espace de vie à réinventer, 2005, IAURIF, p.1076. ROGERS, chantier 2, p.174-17877. Ibid., p.177

proposition : Ceinture verte reCouvrant toute l’ile-de-FranCe

ceinture de l’avenir ProPosée

surface Bâtie

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expérimentale de ses espaces ruraux, avec notamment la mise en place d’un AgriSCot78, il met en avant la

pugnacité des acteurs politiques locaux :

« À Rennes, où la réflexion sur la ceinture verte et la ville archipel est approfondie depuis les années 1980, le SCoT institue des règles d’économie des espaces. »79

Pour Antoine Grumbach, la Ceinture verte apparaît utile mais insuffisante pour contenir l’urbanisation,

il propose de l’appuyer par d’autres documents et réglementations, en particulier dans le cas de la

métropole parisienne :

« La mise en place des trames vertes et bleue répond au souhait de protection des espaces naturels ; les projets de ceintures vertes ambitionnent un certain contrôle qualifiant de l’interface ville/nature. […] Les perspectives économiques passent essentiellement par la grande échelle. »80

Par contre, pour Bernardo Secchi et surtout pour Jean Nouvel, la Ceinture verte est un mauvais modèle

dont il s’agit de sortir. Le premier critique les périmètres que définit la Ceinture verte, ils lui apparaissent

non fondés, ils ne s’inscrivent pas dans la complexité de la métropole parisienne. A l’inverse de ces cercles

concentriques, Bernardo Secchi met en avant la géographie - c’est-à-dire la topographie tout autant que

le tissu urbain existant - comme base structurant les espaces naturels et agricoles à protéger :

« Le territoire du Grand Paris est composé de trois grands paysages qui ont des rôles différents dans le système écologique : les forêts sur les sols pauvres des plateaux, les zones humides de la vallée, les coteaux avec leur richesse en biodiversité. L’idée d’une ceinture verte ne nous aide pas à la mise en relation de ces trois paysages. »81

78. La communauté urbaine de Rennes métropole a participé à l’expérience AgriSCoT, financée par le Ministère de l’Agriculture, de l’Aménagement et de la Pêche et le Fond Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER). Le projet AgriSCoT était encadré par Terres en Ville et avait pour objectif de « partager et approfondir la démarche de bonne prise en compte de l’agriculture et des espaces ouverts (ensemble des espaces agricoles, forestiers et de nature) par les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), instruments clés de la planification locale ».79. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.2180. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.10081. SECCHI, chantier 2, p.95

En particulier, Bernardo Secchi considère que la définition d’un zonage hiérarchisé et concentrique est

illusoire car la métropole est en mouvement, elle est en perpétuelle transformation. Selon lui, l’effort

porte sur l’anticipation de ses transformations d’usage, la reconnaissance de l’obsolescence future de

certains de ses territoires désignera le support de son nouveau système écologique :

« Les zones agricoles pensées en production de biodiversité, le pavillonnaire peu dense, les eaux et les wetlands, les forêts avec le dross du futur peuvent définir une nouvelle structure écologique qui sort de l’idée de ceinture verte. »82

Pour Jean Nouvel, c’est l’image de la ceinture qui pose problème, il s’oppose à ce système qu’il considère

comme un verrou. Pourtant la « lisière »83 annulaire qu’il imagine autour de la métropole parisienne est,

parmi les propositions des équipes du Grand Paris, la proposition qui se semble se rapprocher le plus

de la Ceinture verte. Il lui est sans doute nécessaire de se démarquer fortement de cette figure afin de

présenter son projet débarrassé de toute comparaison :

« Ce sont des liens ouverts qu’il faut créer, une porosité qu’il faut établir, et non une ceinture de contention qui, fût-elle verte, ne correspondrait qu’à la dilatation d’un grillage. »84

En effet, plus qu’une critique de la forme, Jean Nouvel met en avant une autre conception de cette figure :

pour lui comme pour Bernardo Secchi, la figure concentrique de la Ceinture verte du SDRIF est trop

restreinte, le projet doit être plus dynamique. Ils considèrent que la réponse au problème de l’extension

urbaine doit être plus programmatique que spatiale. Jean Nouvel reprend la même notion de « porosité »

que Bernardo Secchi, et il met en avant le rôle que les espaces publics pourraient jouer :

« Nous n’allons pas inventer une ceinture, ou un rempart à la ville, mais une

structure de lieux ouverts »85

82. SECCHI, chantier 1, p.11783. voir infra 223.384. NOUVEL Jean, chantier 2, p.2185. Ibid., p.25

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 41

Les équipes du Grand Paris s’intéressent à l’agriculture en tant qu’élément de la métropole qui participe

à sa complexité, sa présence dans leurs projets se justifie et se place dans une tradition d’aménagement

de l’agglomération parisienne.

Nous nous attacherons dans cette seconde partie à mettre en valeur les recherches menées par les

équipes pour proposer une nouvelle approche de la place de l’agriculture dans la métropole du XXIe

siècle. Afin de mettre en avant les ruptures qu’il faudrait opérer avec les raisonnements actuels, nous

verrons comment leurs projets s’appuient sur un renouvellement du paradigme ville-campagne, dans

quels territoires ils définissent l’agriculture du Grand Paris et comment ils envisagent la constitution d’une

nouvelle gouvernance.

2 lesProjetsagricolesdugrandParis

2.1 changerdeParadigme,solidariservilleetcamPagne

La validité du couple ville-campagne est remise en cause avec l’émergence des espaces périurbains86,

cette dialectique perd de sa pertinence et exige de renouveler l’approche des territoires métropolitains.

21.1 favoriserl’interdéPendance

211.1 réconcilierlesmorceauxdelamétroPole

Les équipes du Grand Paris partagent leur inquiétude face aux espaces périurbains qu’ils accusent pour

leur consommation d’énergie et d’espace jugée excessive, autant que pour le caractère stéréotypé des

espaces qu’ils produisent87. Jean Nouvel craint la « dégradation irréversible »88 des territoires. Le qualificatif

de « mitage »89 employé par Yves Lion associe ce processus urbain à un travail d’insectes nuisibles, le

choix du vocabulaire renseigne sur la condamnation que connaît la périurbanisation. Face à l’extension

urbaine, une forme de réponse (du type de celle du Campaign to Protect Rural England en Angleterre,

citée précédemment) est de définir une ville plus dense afin de mieux qualifier les espaces urbains,

et donc par soustraction de mieux lire l’espace rural. Mais les situations de fermeture qu’engendre la

monofonctionnalité des territoires amène l’ensemble des équipes du Grand Paris à considérer que l’issue

du problème de l’extension urbaine n’est pas un simple problème de densité et de lisibilité, les solutions

seraient à envisager du côté des usages et des rapports qu’entretiennent entre eux les différentes

fonctions et territoires de la métropole. Le périurbain est déjà-là , ils proposent donc de faire avec et de

le faire entrer dans un processus utile à chacune des parties.

86. voir supra § 121.287. voir supra § 121.388. NOUVEL Jean, chantier 1, p.10089. LION Yves, chantier 2, p.55

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Ainsi, en plus de la protection et de l’affirmation de la ville et de la campagne dans leur nature, il apparaît

nécessaire de changer de paradigme et de situer le débat dans ces territoires périurbains propres aux

métropoles :

« Au-delà des schémas paysagers et des incantations politiques relayées par les urbanistes sur la nécessaire présence de la nature dans la ville, se pose la question cruciale de la fonction et des usages des ces espaces périphériques, de leur gestion et de leur aménagement. »90

Yves Lion, Antoine Grumbach et Jean Nouvel déclarent chacun en introduction de leurs travaux se

positionner en faveur d’une réflexion commune des espaces urbains et ruraux. Ils mettent en avant

une conception systémique des territoires de la métropole et s’opposent à une gestion parallèle de ces

espaces qui entraînerait une mise en concurrence néfaste :

« Cessons de tout opposer […] La région parisienne ne pourra concrétiser ses ambitions métropolitaines tant que la ville y sera pensée contre la campagne ; tant que la campagne sera considérée comme un simple terrain en attente pour son extension. »91

« La nécessité de penser la grande échelle s'est imposée. Une échelle qui prend en compte les réalités de la mondialisation, mais aussi une solidarité entre l'urbain et le rural. »92

« La gestion du développement urbain et la valorisation de l'espace rural sont les deux volets complémentaires d'une même politique. On ne peut plus concevoir

90. BANZO Mayté, COUDERCHET Laurent, VALETTE Élodie, « La difficile publicisation des espaces ouverts en périphérie urbaine », Les nouvelles périphéries urbaines. Formes, logiques et modèles de la ville contemporaine, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p.101-11591. LION Yves, chantier 2, p.1192. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.5

la forme urbaine sans mettre les rapports délicats entre villes et campagnes au centre des préoccupations. »93

Tous les trois valorisent un regard renouvelé sur les territoires périurbains de la métropole qui présentent

une grande diversité, dans les zones de contact entre urbain et rural, ils encouragent les aménageurs à

être aussi attentifs au fonctionnement des territoires ruraux qu’urbains.

211.2 l’agricultureaucœurd’unsystème

Afin de réconcilier durablement les territoires urbains et ruraux de la métropole, Yves Lion et Antoine

Grumbach ont des propos très comparables sur leur potentiel de complémentarité et de solidarité, ils

pensent que l’agriculture urbaine aurait la capacité de réconcilier ville et campagne :

« L'interdépendance du monde rural et du monde urbain est à souligner. L'agriculture urbaine en est la construction sociale majeure. »94

« Le concept d'agriculture urbaine est l'une des clefs pour comprendre le rapport étroit qu'entretien une ville avec son territoire. »95

Ils mettent en avant les liens essentiels qui unissent ville et campagne et considèrent que la poursuite de

la consommation des terres agricoles est un véritable manque de clairvoyance de la part des décideurs.

Antoine Grumbach compare la métropole à un écosystème pour lequel l’ensemble a besoin des parties

pour fonctionner, territoires urbains et ruraux sont indispensables les uns aux autres dans un jeu de

réciprocité et de complémentarité :

« La métropole de l'après Kyoto sera agricole parce que écosystémique. »96

Ainsi Antoine Grumbach imagine qu’au lieu d’une concurrence pour l’espace, urbain et rural interagiraient

au travers de leurs territoires et de leurs représentants. Il encourage un développement de la mise en

93. NOUVEL Jean, chantier 1, p.10094. LION Yves, chantier 2, p.22395. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.6496. ibid., p.65

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réseau des territoires et des fonctions de la métropole en particulier autour de cette complémentarité. A

la recherche d’une « solidarité »97 ville – campagne, il présente les expériences d’agriculture urbaine qui

se multiplient dans les métropoles occidentales et pourraient être utiles à Paris :

« Les Pays-Bas travaillent depuis plusieurs décennies à conforter le "cœur vert" de la métropole Randstad et une ville comme Breda construit ses quartiers en développant le concept d’interdépendance entre urbain et agricole [...] C'est la dépendance réciproque qui rend les relations acceptables. »98

C’est une vision contractuelle des rapports entre les différents acteurs de la métropole qui est mise en

avant, le but est d’éviter qu’une partie prenne l’autre en charge et de favoriser une vision équilibrée du

territoire.

21.2 lamultifonctionnalité

212.1 lamultifonctionnalitédesterritoiresPériurbains

Finn Geipel donne une lecture des territoires périurbains proche de celle de Thomas Sietvert dans son

ouvrage Zwischenstadt99. Celui-ci considère que la mosaïque programmatique et le dynamisme des

territoires périurbains est leur principale qualité, ils seraient selon lui capables de fabriquer de nouvelles

centralités si on les marginalisait moins et les observait davantage. Thomas Sietvert fait le deuil du

modèle de la ville compacte, pour lui les centres-villes historiques sont en voie de dessèchement et

d’artificialisation. Au lieu de continuer d’ignorer la réalité métropolitaine et les transformations des villes

induites par la mondialisation, il propose d’être plus attentif aux qualités des territoires périurbains et de

les valoriser, la ville diffuse souffre selon lui surtout d’une carence d’identité et de lisibilité, il lui apparaît

nécessaire de mieux y inscrire la vie quotidienne. Finn Geipel est sensible à ce regard renouvellé sur les

territoires périurbains, il reprend en partie ces arguments :

97. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.598. Ibid, p.2099. SIEVERTS Thomas, Entre-ville, Une lecture de la Zwischenstadt, Parenthèses, 2004

« La ville légère est flexible, de faible densité et très paysagère. On y trouve des logements, des entreprises de taille moyenne, des écoles et lieux de recherche, de l’agriculture urbaine ainsi qu’un réseau léger mais continu de services, de commerces et de micro-mobilité. La vertu de ce territoire léger est de maintenir l’agglomération dans l’ouverture à un autre possible urbain et de favoriser en même temps des qualités propres de la ville légère telles que la perméabilité, la flexibilité, la dimension paysagère et la capacité de fonctionner comme un poumon vert. »100

Pour Finn Geipel, le dynamisme des territoires périurbains est entravé par une mauvaise mise en réseau

d’activités trop cloisonnées, c’est pourquoi il encourage leur multifonctionnalité pour qu’elle enrichisse

qualitativement ces territoires et les rende plus robustes en situation de crise sectorielle :

« Les paysages multifonctionnels fournissent divers services à la société, contrairement à ceux qui optimisent une seule et unique fonction, par exemple la fonction résidentielle ou la production alimentaire. […] Nous présumons que plus un paysage peut assurer de services, plus sa capacité à absorber des chocs naturels ou sociaux est grande. »101

C’est dans cette recherche de mixité fonctionnelle que l’agriculture conserve toute sa place dans les

territoires périurbains, à côté des fonctions d’habitat et de service par exemple.

212.2 lamultifonctionnalitédel’agriculture

La multifonctionnalité des territoires pose la question de l’échelle envisagée, la définition qu’en donne

Finn Geipel est assez vague : « les paysages multifonctionnels sont caractéritiques par la coexistence

et la variété des programmes»102. Cette imprécision pourrait nous amener à considérer la métropole

comme multifonctionnelle en soi pour la diversité de ses activités, mais Finn Geipel semble davantage

désigner des territoires appropriables par les habitants et critiquer la construction de la métropole par

100. GEIPEL Finn, chantier 2, p.10101. Ibid, p.41102. Ibid, p.99

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à-coups trop vastes pour l’échelle humaine. Il justifie la présence de l’agriculture dans la métropole

par sa participation à la multifonctionnalité, ainsi il encourage une forme d’agriculture redondante et

dispersée au travers d’une mosaïque de territoires mis en cultures. L’agriculture apporte sa singularité et

s’inscrit dans le principe de multifonctionnalité des territoires aux côtés des fonctions résidentielles ou

industrielles de la ville par exemple, mais elle est elle-même multifonctionnelle. En effet, au contact de

la ville, l’agriculture périurbaine joue inégalement et selon les situations plusieurs rôles : elle produit de

l’alimentation, participe à la préservation de l’environnement et offre des paysages. Cet effet de mise en

abîme est défendu par Serge Bonnefoy, le secrétaire technique de Terres en Villes, au travers de l’équipe

d’Antoine Grumbach :

« La planification française aurait facilement tendance à reproduire les erreurs du zoning, au risque d’installer sur les espaces non bâtis des zones non multifonctionnelles, avec des valeurs et des systèmes d’acteurs différents. Plutôt que de séparer corridors écologiques, forêts et zones agricoles, le système vert aborde le grand territoire dans une vision large, qui correspond au vécu des habitants, à l’échelle géographique. »103

Pour Serge Bonnefoy, cette pluralité de fonctions renforce sa place au cœur de la métropole puisqu’elle la

justifie à plusieurs titres simultanément.

« Il est difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-même sans trouver un sens social à l’agriculture et sans la rapprocher de la ville et des citadins. »104

Il mentionne bien « ville » et « citadins », en effet il rappelle ici que le schéma spatial est nécessaire mais

insuffisant pour développer de véritables systèmes métropolitains conciliant rural et urbain, l’équilibre

des rapports de force entre les acteurs (agriculteurs, écologistes, habitants, élus, etc.) doit être recherché.

L’effort est particulièrement important en ce qui concerne les espaces agricoles car ils sont actuellement

très monofonctionnels, ce qui favorise des logiques et intérêts de secteur sur de très vastes territoires.

103. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.22104. Ibid., p.23

�10 jean nouvel / arep / michel cantal-dupart le grand pari de l’agglomération parisienne 3 décembre 2008

Le modèle du système géographique, appuyé sur l’orographie et l’hydrographie, invite à

retrouver dans des paysages malmenés par l’urbanisation de grandes structures capables de

rendre de grandes continuités. Il conduit à identifier des zones critiques, sur lesquelles il faudrait

intervenir. Force est de constater que ce modèle réparateur – dès qu’il ne s’agit plus d’anticiper un

développement urbain, comme à Minneapolis, mais d’intervenir sur des territoires déjà travaillés,

comme dans la région parisienne –, s’il suscite un consensus, reste velléitaire : aussi forte que

soit l’approbation qu’il recueille, il n’est suivi d’aucun effet. Il exigerait en effet une continuité et

une constance dans les interventions, qui se heurtent à l’état des choses, des possibilités et de

l’économie des pouvoirs.

Le modèle du parc fédérateur reste possible. On le voit encore à l’œuvre par exemple à Boulogne-

Billancourt, ou aux Batignolles. Il suppose une volonté d’intervention, une autorité capable de

mener à l’invention d’un parc, qui apporte une forte plus-value à ce qui l’entoure et reste quelque

peu exceptionnel. Quant au modèle de Tokyo, il renvoie pour moi à une étude que j’ai eu l’occasion

de mener dans les Hauts-de-Seine et qui consistait à recenser minutieusement les différentes

formes paysagères qui s’y rencontraient : moins paysagères ou historiques qu’ordinaires et

fréquentes. Leur diversité, impressionnante, invitait à les prendre en compte sans s’arrêter aux

seuls modèles ancrés dans les têtes. Mais ici non plus il n’y a pas eu d’effet.

Reste que ces modèles, qui se distinguent, peuvent se croiser – ce qu’ils font le plus souvent.

Il faut cependant prendre en compte deux considérations de natures différentes, quoique

également importantes.

La première tient à ce que les paysages aujourd’hui ne résultent pas seulement de la géographie

naturelle – celle des reliefs et des cours d’eau. Ils procèdent encore d’une géographie artificielle,

administrative et réglementaire, technocratique et technique, qui les a profondément modifiés et qui

a agi et agit avec beaucoup plus de vigueur, voire de brutalité, que le travail de composition et de

négociation à laquelle a obligé la première pendant des siècles. L’accélération des aménagements,

les moyens mécaniques démultipliés dont ils disposent, les effets de la densité, ont eu pour effet

de gommer, d’effacer ou à tout le moins d’estomper les caractéristiques naturelles des sites. Il faut

pouvoir regarder les paysages qui en résultent comme une autre forme de naturalité avec laquelle

composer – moins au sens de dessiner et disposer qu’à celui d’arranger et d’accommoder. Il peut

s’agir du paysage des infrastructures, puissantes, comme de celui des emprises qui ont façonné

le territoire.

Ces deux « natures », l’une naturelle, l’autre artificielle, ne rentrent pas nécessairement en conflit.

Si on les oppose ici, c’est pour mieux les distinguer, pour mieux en jouer comme d’un ressort

Minneapolis, Emerald Necklace

New york, Central Park

Tokyo

2.2 organiserlesfrottementsvilleagriculture

Les propositions que les équipes du Grand Paris ont formulé pour asseoir la place de l’agriculture dans

la métropole ont été dirigées par les nouvelles fonctions qu’ils lui attribuent, aux interactions qu’ils

envisagent et à partir de modèles et archétypes.

22.1 modèles

Trois grands modèles spatiaux émergent parmi les formes que prennent les espaces verts d’une métropole :

le parc ou île protégée, le grand systèmes paysager et la percolation. Le paysagiste Michel Desvigne, pour

l’équipe de Jean Nouvel, nous présente ces trois modèles et leurs archétypes :

« La contribution des paysagistes à l'aménagement urbain s'appuie sur des modèles théoriques, formels et stratégiques. Schématiquement, il est possible d'en distinguer trois. Le premier est celui du système des parcs américains, le collier d'émeraude de Minneapolis [...] Le deuxième crée la même valeur en raisonnant sur une enclave paysagère, avec le modèle de Central Park [...] Le troisième est une poussière de petits jardins qui, parce qu'ils ont tous un statut, sont entretenus et rappellent ainsi constamment la nature en ville. C'est le cas de Tokyo. »105

Ces modèles théoriques et archétypes guident les projets plus qu’ils ne s’appliquent, Michel Desvigne

montre la difficulté d’établir réellement l’un ou l’autre de ces schémas dans des agglomérations comme

celle de Paris, il constate que les aménagements paysagers urbains sont souvent le produit de situations

intermédiaires. En effet, dans un territoire constitué les opportunités foncières guident plus le projet

que les modèles, et ce n’est pas un hasard si deux des archétypes présentés ne sont pas des villes

sédimentaires mais des villes américaines construites à partir de plans directeurs. Dans la situation du

Grand Paris, Michel Desvigne admet que la réalisation de parcs soit rare et complexe pour leur dépendance

aux contingences locales. Il observe que si la disponibilité du foncier entrave la réalisation d’enclaves

105. NOUVEL Jean, chantier 1, p.209

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isolées, elle rend « velléitaire »106 la réalisation d’un système de parcs. Enfin, il doute aussi de la validité

du modèle éparpillé qui demanderait un profond changement de regard de la société en faveur d’une

plus grande diversité des types de natures urbaines, « moins paysagères ou historiques qu’ordinaires

et fréquentes »107. Cette nouvelle perception s’établirait dans un temps long et demanderait un effort

particulier de communication et de pédagogie.

22.2 exemPles

222.1 lesParcsetParcsnaturelsrégionaux

Les propositions des équipes d’Yves Lion et d’Antoine Grumbach définissent chacune la création de

« parcs ». Avant de préciser leurs projets, il est utile de rappeler une définition historique du mot et

l’évolution de son sens, on remarque les connotations hygiénistes qui l’accompagnent :

« Parc est issu du latin médiéval parricus (VIIIe s.), "enclos". […] De son origine seigneuriale, le parc conserve une idée de grandeur, tandis que le jardin est un espace limité et plus aimable. C’est aussi au XVIIIe s. que s’ouvrent les premiers parcs aménagés pour la promenade publique. Ils s’aménagent alors de tout un mobilier (bancs, chaises, manèges), et l’on attend d’eux une amélioration de l’hygiène et du bien être, espérant qu’elle jouera aussi sur la moralité. A la fin du XIXe s. apparaît le sens de « vaste enclos naturel protégé », d’abord à propos des montagnes rocheuses, sens emprunté (1881) à l’anglo-américain park. »108

Les parcs permettent - à la manière d’îles protégées - de développer des actions particulières dans ces

vastes espaces aux limites claires, c’est sur ce modèle que se sont constitués les réserves naturelles et

les parcs nationaux français. Aujourd’hui les « parcs » désignent autant des espaces naturels qu’artificiels

(parc aquatique, parc d’activité, parc d’attractions...), la multiplication de ce vocable dans le discours des

aménageurs participe à une dissolution de son sens en même temps qu’elle est le signe d’une utilisation

de la connotation positive du mot. Concernant un projet impliquant l’agriculture, les Parcs Naturels

106. NOUVEL Jean, chantier 1, p.210107. Ibid.108. REY Alain (Dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1998

Régionaux (PNR)109 figurent parmi les structures les plus développées en France. Il est surprenant de

constater que, bien qu’il en existe quatre en Ile-de-France qui occupent 14% du territoire régional et que

deux nouveaux PNR soient en projet, seule une équipe – celle d’Antoine Grumbach – en fasse mention. Les

Parcs naturels régionaux semblent moins critiqués ou moins connus que la Ceinture verte d’Ile-de-France,

ce dernier juge cependant leur expérience utile et considère qu’il faut et s’appuyer sur ces territoires :

« Les Parcs naturels [régionaux] peuvent jouer à l'avenir un rôle stratégique pour créer, préserver et gérer des structures de protection de la nature capables de contribuer au développement économique local. »110

Mais les PNR n’échappent pas à la critique inhérente à leur nature d’espace clos et aux effets de coupure

qu’ils peuvent produire, car dès qu’un projet se développe sur un territoire délimité se pose la question de

la gestion de ses frontières et des effets internes de son enclavement volontaire. Les exemples franciliens

des PNR de la Haute-Vallée de Chevreuse et du Vexin Français nous renseignent à ces deux titres, ces PNR

ont été créés respectivement en 1985 et 1995 en termes compensatoires face aux poussées d’urbanisation

des villes nouvelles de Saint-Quentin-en-Yvelines et de Cergy-Pontoise :

« La création de quatre Parcs naturels régionaux depuis 1985 apparaît comme la principale démarche de mise en nature dans l’espace francilien. […] Encore faut-il rappeler qu’ils se sont construits tout autant contre l’avancée urbaine, notamment des villes nouvelles comme Saint-Quentin-en-Yvelines, que dans une optique environnementale. »111

Ce raisonnement a révélé certains effets pervers : le maintien des paysages a suscité une hausse de

la demande en logements et n’a pas permis aux populations de se maintenir, il s’est opéré un fort

109. « Un Parc naturel régional est un territoire rural habité, reconnu pour sa valeur patrimoniale et paysagère, qui s’organise autour d’un projet de développement durable. Son territoire est classé par décret du Premier Ministre pour une durée de douze ans renouvelable, il est géré par un syndicat mixte regroupant toutes les collectivités qui ont approuvé la charte du Parc. » source : Fédération des Parcs naturels régionaux, Argumentaire, cinquante questions-réponses sur les Parcs naturels régionaux, 2008110. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.99111. POULOT Monique, ROUYRES Thérèse, « Refaire campagne en Ile-de-France », Norois, n°202, 2007, p.69

Page 26: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 5150 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

comparaISon deS mètropoleS

Paris

Cachan

Choisy-le-Roi

Villejuif

Sceaux

4 km 7 km 8 km5 km 6 km0 km 1 km 2 km 3 km

3 km

6 km

7 km

8 km

4 km

5 km

0 km

1 km

2 km

112

LA MéTROPOLe De L’APRèS KyOTO DU xxIéMe SIèCLe

Barcelone, «ville et nature»

espaces naturels fragmenter, paris

L’un des nombreux aspects qui rendent la “metrolife” de Barcelone si attractive est le contraste entre sa compacité et les limites claires de ses espaces naturels, qui réduisent considérablement les surfaces consommées par le sprawl pur. Les responsables de ces structures condensées sont la topographie, le fait que les parcs et les espaces de récréation soient situés sur les collines et montagnes et les avantages de “l’Eixanple” dense et compacte de Cerda, combinés avec les effets de transformation des Jeux Olympiques de 1992 et du Forum de 2004. Outre la restructuration complète du front de mer, le projet de la rivière Besos doit ici être relevé. L’eau est purifiée par les plantes, créant simultanément un corridor vert offert aux loisirs des citadains.

esPaces naturels fragmentés, Paris

4 km 7 km 8 km5 km 6 km0 km 1 km 2 km 3 km

3 km

6 km

7 km

8 km

4 km

5 km

0 km

1 km

2 km

113

La topographie visible grâce aux parcs Front de mer

entités naturelles très marquées, Barcelone

rio Besos, auto-purification de l’eau et espace de loisir

entités naturelles très marquées, Barcelone

embourgeoisement du cœur des Parcs et une dépendance économique de ceux-ci à leur environnement,

c’est ce que nous enseignent plusieurs études :

« La préservation des espaces ruraux franciliens constitue un défi majeur. La création de quatre PNR se fixait plusieurs objectifs. […] Au contact de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise apparaît une réalité plus complexe : amorce d'un processus d'embourgeoisement et dépendance économique croissante à l'encontre des pôles périphériques. »112

Les parcs (les PNR ne sont qu’un exemple) portent des actions sur des territoires isolés et favorisent des

effets de coupures, face à leur multiplication David Mangin appelle à une certaine méfiance :

« Les enclavements volontaire provoquent en retour des enclavements forcés. […] Le parc, l’archipel ou l’île remplacent à bon compte, dans l’imaginaire professionnel et marchand, la ville idéale utopique. »113

222.2 lesystèmemétroPolitainetbarcelone

Le second type de projet agricole envisagé par les équipes du Grand Paris engage le modèle métropolitain,

Barcelone est cité comme un exemple à suivre pour la gestion de ses espaces verts par plusieurs équipes

de la Consultation. Ainsi Finn Geipel souligne la faiblesse des zones périurbaines de la capitale catalane

et les compare à l’étalement urbain de Paris, il apprécie la capacité qu’a eue Barcelone à conserver des

limites claires, dictées par le grand paysage et la géographie, entre la ville minérale et son environnement :

« L’un des nombreux aspects qui rendent la “metrolife” de Barcelone si attractive est le contraste entre sa compacité et les limites claires de ses espaces naturels, qui réduisent considérablement les surfaces consommées par le sprawl pur. Les responsables de ces structures condensées sont la topographie [...] et les avantages de “l’Eixanple” dense et compacte de Cerda.»114

112. DESPONDS Didier, « Les impacts d’un Parc Naturel Régional (PNR) sur les évolutions sociodémographiques de son espace rural : le cas du Vexin français », Norois, n°202, 2007, p.47113. MANGIN David, La ville franchisée, Editions de la Villette, 2004, p.344114. GEIPEL Finn, chantier 1, p.112

Finn Geipel illustre son propos au moyen de deux cartes comparatives (cf. cartes ci-contre). L’illustration

est frappante mais souligne aussi les conséquences des importantes différences de contraintes

topographiques et de démographie entre Paris et Barcelone.

De leur côté, l’intérêt des équipes d’Antoine Grumbach et d’Yves Lion pour Barcelone réside surtout

dans le rôle qu’elle a donné à l’agriculture avec le programme agricole expérimental du Parc agraire du

Baix Llobregat115. Ce Parc s’insère dans un réseau métropolitain de parcs, à ce titre il se démarque des

Parcs naturels régionaux franciliens qui ne sont fédérés qu’au niveau national. Pour Antoine Grumbach

et Yves Lion, l’échelle métropolitaine portée par « l’axe vert » permet à ce système de parcs d’offrir une

meilleure lisibilité des paysages de la métropole catalane et de contenir l’extension de Barcelone, ils sont

très enthousiastes quant aux résultats :

« Barcelone a défini il y a une vingtaine d’années neufs parcs naturels (dont un parc agricole) puis, deuxième étape, la connectivité d’une trame verte. [...] Cet "axe vert" valorise les ressources offertes par l'agriculture, la nature, la forêt, en traitant les questions économiques et en impliquant les différents groupes sociaux. Cet arc vert devient ainsi facteur d'identité et espace de négociation, stimulant la création de réseaux entre le centre et l'ensemble du territoire. »116

« Situé à deux pas du centre métropolitain, [le parc agricole] constitue le poumon vert de la cité, un poumon actif, productif et évolutif. Ce parc de Llobregat est à la fois très convoité, car limitrophe de la ville, mais il est aussi exploité. Il produit une agriculture de produits labellisés qui profite de cette proximité urbaine.

115. Le Parc agraire d’El Baix Llobregat s’étend sur 2 938 ha de zones agricoles et d’espaces naturels autour du delta du Llobregat, au sud de Barcelone. Ce projet est né en 1998 dans l’objectif de protéger ce territoire de l’extension urbaine tout en facilitant la poursuite de ses activités agricoles. Le projet est conduit par le Conseil provincial de Barcelone, le Conseil cantonal d’El Baix Llobregat, l’Unió de Pagesos (Union paysanne), les 14 communes du parc et le Ministère catalan de l’Agriculture. Le Parc agraire d’El Baix Llobregat s’inscrit dans un réseau de parcs naturels du Conseil provincial de Barcelone qui rassemble 12 espaces naturels à haute valeur paysagère, écologique et culturelle. Source : DIPUTACIO BARCELONA, Parc agrari del baix Llobregat, 2008116. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.23

Page 27: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 53

D'autres agroparcs ont été créés depuis lors, à chaque fois dans des grandes métropoles et toujours avec succès. »117

L’intérêt réside selon eux dans le maintien de paysages au moyen d’un soutien à une activité agricole

moderne et en affichant de véritables exigences économiques, à l’opposé l’écueil serait de surimposer

une image esthétisante à ces territoires protégés. Le parc du Baix Llobregat est l’exemple d’un partenariat

entre collectivités et agriculteurs le plus mentionné par les équipes du Grand Paris, mais Yves Lion

suggère qu’il y en a eu d’autres. On peut notamment citer le parc de la Deûle à Lille118 qui a rassemblé

les agriculteurs du territoire du parc, le syndicat mixte Espaces Naturels Lille Métropole et la Chambre

d’Agriculture du Nord autour de l’objectif de sensibiliser et de valoriser l’agriculture périurbaine. Le

Ministère de l’Ecologie et du développement durable a décerné en 2006 le Prix du Paysage à cette

réalisation des architectes paysagistes Jacques Simon (Grand prix du Paysage 1990), Jean-Noël Capart et

Yves Hubert. Cette distinction a permis au parc d’être prolongé pour une mise en réseau plus vaste et a

fait connaître ce travail, ce qui lui a certainement valu d’essaimer sur d’autres territoires :

« Empruntant à la fois aux modèles de Parc naturel régional et de zone d’activité économique, les parcs agricoles appartiennent à une nouvelle génération de parcs, [ils] sont les maillons d’une politique de gestion des espaces naturels, agricoles et forestiers d’échelle métropolitaine ou régionale. [...] Ils répondent également à la nécessité de promouvoir les territoires périurbains. »119

117. LION Yves, chantier 2, p.225118. Le Parc de la Deûle est un parc périurbain situé au sud de Lille, aménagé à partir de 1995 sur des champs captants alors menacés par la pollution industrielle et urbaine. Face aux protestations des agriculteurs et aux pressions foncières qui s’exerçaient sur ces terres, le choix est fait à partir de 1995 de ne pas entièrement sanctuariser la zone mais de constituer un parc multifonctionnel associant des objectifs environnementaux, paysagers et récréatifs avec un maintien de l’activité agricole. source : http://www.lillemetropole.fr/119. MOIROUX Françoise, op. cit., p.40

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Can Comas

Lieux d'intérêt

– École supérieure d’agriculture de Barcelone (ESAB-UPC). CampusUPC Baix Llobregat. Tél. (+34) 935 521 000

– Centre d’information de la réserve naturelle Remolar-Filipines.Tél. (+34) 936 586 761

– Centre d’information environnementale Cases d’en Puig, El Prat deLlobregat. Tél. (+34) 933 709 002

– Crypte et Colonie Güell, Santa Coloma de Cervelló.Tél. (+34) 936 852 400

Centres d’information

Mas de Can ComasCentre d'information et de gestionApartat de correus 7608820 El Prat de LlobregatTél. (+34) 933 788 190 • Fax (+34) 933 794 [email protected] • www.diba.cat/parcsn/parcagrari

Conseil cantonal d’El Baix LlobregatPrésidenceParc de Torreblanca, ctra. N-34008980 Sant Feliu de LlobregatTél. (+34) 936 852 400 • Fax (+34) 936 851 [email protected]

Syndicat agricole Unió de PagesosBureau cantonal d’El Baix LlobregatMossèn Cinto Verdaguer, 84 bxs.08830 Sant Boi de LlobregatTél. (+34) 936 525 700 • Fax (+34) 936 525 [email protected]

Ministère de l’Agriculture, de l'Alimentation et del'Action ruraleGouvernement catalanBureau cantonal d’El Baix LlobregatLluís Pasqual Roca, 8, 1r08830 Sant Boi de LlobregatTél. (+34) 936 400 882 / 794 • Fax (+34) 936 304 093

Conseil provincial de BarceloneService des espaces naturelsComte d’Urgell, 187, 3r08036 BarcelonaTél. (+34) 934 022 400 • Fax (+34) 934 022 926www.diba.cat/parcsn • [email protected]

Transports publicsIl n’y a pas de moyen de transportpublic pour se rendre directementjusqu’au centre d’information deCan Comas. Néanmoins, il est pos-sible de s’en rapprocher de près enprenant le train jusqu’à la gare debanlieue d’El Prat de Llobregat(ligne 2 de la Renfe). De là, il suffirade prendre un taxi ou un bus.

TrainRenfe (ligne 2 des trains de banlieuejusqu’à la gare d’El Prat de Llobregat)Tél. (+34) 902 240 202www.renfe.es

BusMohn, SL. Tél. (+34) 902 023 393

Rosanbus. Tél. (+34) 932 967 788

Transports Metropolitans deBarcelona. Tél. (+34) 933 187 074

TaxiRàdio Taxi El PratTél. (+34) 933 701 611

Taxis Aeroport del PratTél. (+34) 934 782 050

Ràdio Taxi Transports i Missatgersdel Baix LlobregatTél. (+34) 936 303 030

Recommandations

Le paysage du Parc agraire d’El Baix Llobregat est compo-sé d’éléments agraires, naturels et architecturaux. Sachezles apprécier et les préserver pour les générations futures.

L’horticulture constitue la base des revenus des cultiva-teurs du canton. Respectez les plantations et n’oubliezpas que la cueillette sauvage est interdite sous peine d’a-mende.

Réduisez la vitesse de votre véhicule dans les allées du parc.

Si vous vous rendez dans le parc avec un animal de com-pagnie, veillez à le tenir en laisse.

Si vous devez vous garer, faites-le de façon à ce que votrevéhicule ne barre pas le passage. Ne vous garez jamaisdevant l’entrée des chemins, publics ou privés.

La signalisation est là pour renseigner tout le monde. Nel’endommagez pas.

La circulation des véhicules est interdite en dehors desroutes et des allées publiques. Respectez la signalisation.

La chasse est interdite à toute personne non détentriced’un permis spécial.

Ne jetez pas de déchets n’importe où. Utilisez les corbei-lles du parc ou les conteneurs des communes proches.

PROV ÍNC IADE

BARCELONA

Parc Agrari del Baix Llobregat Barcelona

CARTOGRAPHIE: AEN

112 Urgences

– Musée Agbar, Cornellà de Llobregat. Tél. (+34) 933 423 514– Site archéologique des mines préhistoriques de Gavà.

Tél. (+34) 936 382 570– Chapelle Sant Ramon, Sant Boi de Llobregat.– Parc thématique La Catalogne en miniature, Torrelles de Llobregat.

Tél. (+34) 936 890 960– Thermes romains, Sant Boi de Llobregat. Tél. (+34) 936 351 250

Accès

Itinéraires

« L’agriculture dans le delta du Llobregat ». Cet itinéraire décrit unparcours en boucle dans le Parc agraire d’El Baix Llobregat, une pro-menade qui donne l’occasion d’observer les activités agricoles et lesécosystèmes – agraire et fluvial – du lieu en les reliant à son histoire.Elle mène aussi au centre d’information et de gestion du parc.

IlfautsoulignerlerôleessentielduLlobregatet

desesaffluents.Ilyaainsi,d’uncôté,leseaux

superficiellesquirayonnentgrâceauréseaudedrainage

etauxcanauxd’irrigationquiapprovisionnenteneaules

champscultivésetlesespacesnatu-relsdudeltaduLlobregat.Etl’ona,parailleurs,leseauxsouterrainesquisontà

l’origineducoursd’eaudeplusfortdébitdubassinduLlobregat,

l’undesplusimportantsdeCatalogne.

Le Parc agraire d’El Baix Llobregat

Le Parc agraire d’El Baix Llobregat, qui s'étend sur 2 938 hectares,se trouve au sud de Barcelone, dans la circonscription de lamétropôle même. Territoire dont la richesse agricole est renomméedepuis des siècles, il comprend les zones agricoles proprementdites, mais aussi le fleuve et les espaces naturels ou naturalisés desplaines alluviales du delta et de la basse vallée du fleuve.

Ce parc est né de la volonté de préserver les valeurs agricoles etenvironnementales du territoire. Il vise à résoudre au mieux lesproblèmes liés aux pressions que l’expansion urbaine et indus-trielle de Barcelone et des communes du delta du Llobregat exer-cent sur l’espace agraire. Un projet né en 1998 et conduit par leConseil provincial de Barcelone, le Conseil cantonal d’El BaixLlobregat et l’Unió de Pagesos (Union paysanne), rejoints plus tardpar les quatorze communes du territoire du parc agraire, quirassemblent 730 000 habitants, a donné lieu à un groupementd’intérêt commun, le Syndicat mixte du parc agraire. Dès 2006, leministère catalan de l’Agriculture, de l'Alimentation et de l'Actionrurale venait lui aussi rejoindre le Syndicat mixte du parc agraire.

L’objectif général du parc est de consolider et de développer la baseterritoriale, ainsi que de faciliter la poursuite des activités agri-coles. À cet effet, sont mis en œuvre des programmes spécifiques,susceptibles de préserver les valeurs productives, écologiques etculturelles de l’espace agraire et d’en développer les fonctionséconomiques, environnementales et sociales. Ce tout s’insère dansle cadre d’une agriculture tournée vers le développement durable,intégrée dans le territoire et en harmonie avec le milieu naturel.

Outre le Consortium, deux instruments essentiels régissent le parc.Il s’agit, d’un côté, du Plan urbanistique spécial de protection etd’amélioration et, par ailleurs, du Plan de gestion et de développe-ment.

L’agroecosystème

Leparcagraireestàlarecherched’unéquilibreentrelesfacteursécologiques,sociauxetéconomi-ques.Ildevientainsiunéco-systèmeagraireouagroécosys-tèmeoùcohabitentets’inter-pénètrentlabiodiversitécultivée(cultures)ainsiquelavégétationherbacéespontanéeetl’activitéd’élevageainsiquelafauneasso-ciéeauxdifférentshabitatspré-sentsauseinduparc.

L’undesprincipauxintérêtsduparcagraireestsaflore.Onpeutdiviserlepaysageactuelentroisgrandstypesdecommunautésvégétales:cellesquisontassociéesàl’espaceagraire(champscultivés,borduresdeschampsetdescanauxd’irriga-tion),cellesquisontassociéesàl’espacefluvial(fleuveetzoneshumi-des),etcellesquisontassociéesàl’espacelittoral(pinèdeslittoralesetdunes).Cependant,lesconditionsécologiquesparticulièresduterritoirefacilitentl’apparitiondecommunautésspécifiquesquipermettentlasurviedecertainesespècesdeplantespeufréquentes.

Detouteslesespècesvégétalescultivéesdansleparcagraire,laplusimportanteestsansnuldoutel’artichaut(Cynarascolymus).Avec7340tonnesproduitesparanpourunesurfacecultivéede565hecta-res,ElBaixLlobregatestlepremierproducteurd’artichautsdelaCatalogne.L’artichautestlaplantelaplusfréquentedanslesculturesmaraîchèresd’ElBaixLlobregat.

LedeltaduLlobregatrenfermeunegrandediversitéd’espècesanima-lesenraisondelavariétédeshabitatsprésentssurceterritoire.Laplu-partdesespècesdepoissons,d’amphibiens,dereptilesetdemam-mifèresquel’ontrouvedansledeltaduLlobregatsonttrèscommunesetlargementreprésentéesdansl’ensembledelaCatalogne,exceptionfaitedecertainesespècestellesquelehérissond’Algérie(Atelerixalgi-rus).LaprésencedecemammifèredanslesplainesagricolesdudeltaduLlobregatauneimportancecapitaledanslamesureoùellesrepré-sententunedesenclaveslesplusseptentrionalesdelacôtepourcetteespèce.Enrevanche,onytrouvequelquesespècesd’oiseauxpeufréquentes.Cesontellesquidonnentàlazonesarenomméeinternationale.Lenom-bretotald’espècesd’oi-seauxobservéesdansledeltaestluiaussiassezextraordinairepuis-qu’onendénombreplusde350.

Français

Parmilesanimauxd’élevage,noustrouvonssurtoutdesmoutonsainsiquedespouletsetdeschaponsdelaRacePrat,connussouslenomde«PatteBleue»àcausedelacouleurbleuardoisecaractéristiquedeleurspattes.Cespouletsfontl’objetd’uneindicationgéographiqueprotégée(IGP),unlabelaccordéparl’Unioneuropéenne.

Laprésencedecetensembled’élémentsbiotiques,abiotiquesetanthro-piquesauseinduparcagraire,s’ilssontcorrectementgérés,rendentpossibleledéveloppementd’unécosystèmeagraireharmonieuxet,parconséquent,durable.

L'occupationhumaine

LabassevalléeetledeltaduLlobregatmontrentdesindicesdeprésen-cehumainedèslapréhistoire.Lafertilitédeceterritoire,quiestparailleursuneplainefluviale,aeneffetfavorisésonoccupationprécocepourlapratiquedel'agriculture.

Sidèsledébut,ilyaquelque6000ans,leprocessusd’évolutiondel’agriculturedansElBaixLlobregataététrèslent,ils’estbrusquement

accéléréàcomp-terduXVIIIesiècle.

DèsleXIXesiècle,plusdestroisquartsdelasur-facedescommu-nesdudeltaétaientcultivées.Ils’agissaitprin-cipalementdevignobles.Lequartrestantétaitcom-

posédemarécages,deterrainsmarécageuxetdesablons.AuXIXe

siècle,laconstructiondecanauxd’irrigationmarqueledébutdupassageàlaculturemaraîchèreetfruitière.

Enfin,auXXesiècle,danslesannéestrente,leschiffresd’exporta-tionenEuropedetoustypesdelégumesetdefruitsatteignentleursommet.Lafortecrois-sanceéconomiqueetdémographiquequis’estétenduede1950à1975marqueprofondémentl’espaceagraire.Danslesannéescinquante,l’agriculturecessed’êtrel’activitéprincipaleduterritoiredudeltaetdelabassevalléeduLlobregatetunepartiedesterresagricoleslesplusferti-lesesttransforméeensolurbainetindustriel.

Lepatrimoinearchitectural

Ilvasansdirequ’unterritoireaussivivantqueledeltaduLlo-bregataconservédenombreusestracesdesondynamismecul-turelaulongdetou-teslesépoques.

Onaainsi,del'épo-quenéolithique,les

exploitationsminièresdeCanTintoreràGavà,quidatantd'ilyaplusde5000anssontlesplusanciennesd'Europe.

Quelquessièclesplustard,lestylemoderniste(prochedel’Artnouveau)allaitàsontourlaisserdesuperbesempreintesarchitecturales,notam-mentlacitéouvrièredite«ColòniaGüell»etlasuperbecryptedeSantaColomadeCervelló,œuvredeAntoniGaudí.Cetteépoquealaisséd’autrestémoignagesarchitecturauxintéressants:lafermedeLaRicarda(àElPratdeLlobregat),lafabriquedecar-tondeLesBegudes(àSantJoanDespí),l’immeubledelaSocietatGenerald’AigüesdeBarcelona(àCornellà)etuntotalde73bâti-mentstraditionnels,distribuésdanstoutelazoneagricole,dontunevingtaineméritentunementionentermedepatrimoine.

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Le réseau des parcs naturels du Conseil provincial deBarcelone rassemble 12 espaces naturels à hautevaleur paysagère, écologique et culturelle.

Il garantit l’équilibre territorial et environnemental des99 municipalités de la province.

Au total, ces 12 espaces s’étendent sur 100 632 hec-tares, ce qui représente 22 % du territoire où vivent70 % de la population de la Catalogne.

Le réseau planifie et gère les espaces naturels et agrai-res à l’aide des plans spéciaux élaborés avec la partici-pation de tous les agents concernés.

Il protège les ressources naturelles, agricoles, fores-tières, culturelles et paysagères de chaque parc.

Il mise sur l’équilibre entre la préservation des parcs etle développement économique de la population.

Il encourage l’utilisation publique du patrimoine na-turel.

Parc del Castellde Montesquiu

Espai Natural de lesGuilleries-Savassona

Parc del Montnegrei el CorredorParc de la

Serralada Litoral

Parc de laSerralada de Marina

Parc Agraridel Baix Llobregat

Parc deCollserola

Parcd’Olèrdola

Parcdel Foix

Parc delGarraf

Parc Naturalde Sant Llorençdel Munt il’Obac

Parc Naturaldel Montseny

PROVINCE DE BARCELONA

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PROVINCE

DE LLEIDA

PROVINCE

DE GIRONA

Réseau des parcs naturels

100 632 hectares d’espaces naturels protégés

KIM

CA

STELLS

Lemilieuphysique

LeParcagraired’ElBaixLlobregats’étendsurlaplainealluvialeduLlobregat.Lessolssontformésdesriches

sédimentsquelefleuvequidonnesonnomàlarégionadéposésaufildesans.Grâce

àl’orientationsud/sud-estdudelta(adret),leclimatestdoux.L’influencerégulatricede

lameretlaprotectionphysiquedesmontagnescomptentparmilesfacteursquiontjouéen

faveurdelarichessedeceterritoire.Toutcelaafaitd’ElBaixLlobregat

unecontréeprivilégiéepourlapratiquedel’agriculture.

A.PER

ELLÓ

Parc agriaire du Baix lloBregat

Page 28: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 5554 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

222.3 laPercolationetl’agricultureurbaine

Le troisième modèle spatial de la nature en ville est celui de la percolation, il correspond à un saupoudrage

de petits espaces verts, Michel Desvigne décrit les micro-jardins de Tokyo comme l’archétype de ce

modèle. La percolation, de nature interstitielle, est très hétérogène, et apparaît a priori peu adaptée à

l’agriculture qui a généralement besoin de vastes espaces pour s’établir, mais les exceptions existent et

particularisent précisément l’agriculture urbaine. Ainsi un petit nombre de cultures à forte valeur ajoutée

peuvent se développer dans des tissus urbains, certaines s’insèrent dans de nouveaux territoires urbains

tels que l’apiculture sur les toits de Paris120. Ce type d’agriculture rejoint le principe d’infiltration végétale

qui connaît actuellement un vif succès dans la recherche d’une ville plus écologique, ainsi relevons la

proposition de Jean Nouvel pour les toits du Grand Paris :

« Créer des jardins suspendus sur les toitures terrasses qui le permettent […] et des toitures jardins à végétation extensive sur les autres toitures terrasses [s’inscrit dans] une démarche environnementale »121

Michel Desvigne souligne aussi que la pression foncière dans les villes rend insupportables les vides

et les friches urbaines qui sont assimilés à un gâchis d’espace, ces terrains représentent selon lui une

opportunité pour la percolation :

« Le temps de l’aménagement urbain est un temps long, plus long encore que celui de nos plantations […] Ainsi les espaces urbains périphériques recèlent-ils un pourcentage très important de terrains délaissés. On peut en profiter en prenant ces espaces en attente de transformation comme une nature intermédiaire [...] C’est une façon de créer de la valeur, en jouant sur la durée et sur le temporaire. Ils peuvent eux-mêmes accueillir des usages temporaires. »122

120. Actuellement on estime à environ 200 ruches déclarées à Paris. Si la majorité sont aux mains de particuliers, des professionnels s’installent sur les toits de l’Opéra, du Grand Palais ou du restaurant la Tour d’Argent. (NAEGELEN Jacky, « A Paris, le miel de ville gagne sur le miel des champs », L’Express, 25 septembre 2010)121. NOUVEL Jean, chantier 2, p. 162122. NOUVEL Jean, chantier 1, p.211

Michel Desvigne considère l’occupation transitoire et les formes d’activité non pérennes qui lui sont

associées, il met en avant l’instabilité fondamentale de la percolation qui valorise la capacité d’adaptation.

Ce modèle apparaît peu adapté à l’agriculture professionnelle qui a besoin d’une grande stabilité pour

investir, autrement dit la percolation encourage surtout la pratique amateur. En effet, l’agriculture peut

donner un usage - et donc une valeur - à des terrains qui ne sont temporairement pas utilisés. L’exemple le

plus médiatisé est celui des « jardins partagés »123 de la capitale, avec ce projet la mairie de Paris permet

à ses habitants d’occuper à des fins de jardinage des terrains en attente d’une construction, ceux-ci sont

présentés comme une alternative à de nombreux délaissés urbains.

123. Les habitants souhaitant créer un jardin partagé doivent se regrouper en association et contacter la cellule Main Verte de la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement de la Ville de Paris qui contrôle et valide la constitution du dossier.

Page 29: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 57

Le Grand Pari 2009 > Equipe Antoine Grumbach & Associés Février 2009 > 101

thématiques susceptibles de donner sens, cohérence spatiale et tissage de lien durable sur un territoire habité et partagé à grande échelle – qui plus est irrigué par un grand fleuve. C’est dans un mouvement d’aller et retour entre villes et campagne que pour-ra se tisser localement le projet du Parc ville nature. Les villes, désormais dif-fuses, ont systématiquement repoussé en périphérie, en frange, des extensions urbaines qui finissent par se rejoindre. Ces nouvelles lisères urbaines diluées, dépréciées, désorientées devront dorénavant prendre soin des interstices de nature mis à mal par un remembrement parcellaire de grande ampleur aux conséquences écologiques souvent négatives – l’immense étendue céréalière des plateaux est souvent un désert écologique. Il y a une entente à trouver entre ville et campagne pour ménager, organiser des lieux de nature, de mise en partage des ressources fondamentales comme l’eau, la terre.Différentes pistes peuvent aider à constituer un maillage efficient, à par-tir de thématiques diverses (rivière, forêt et biodiversité, nouvelles formes urbaines…). Les logiques de réseaux doivent être mises en évidence aux multiples échelles : en lien avec Paris (économie, culture), avec la Seine (logistique, économie), avec les capitales régionales (Rouen, Le Havre), ré-seau des circulations douces (véloroutes, sentiers de randonnées). La dy-

namique engagée par le projet Seine Métropole va intensifier les enjeux de renouvellement et d’extension urbaine. Les synergies et partenariats vont devenir indispensables pour construire un développement spatial qualitatif et soutenable.

Pourquoi ne pas concevoir un nouveau système urbain en chapelet appuyé fortement sur le concept ville - nature - rivière ? Ce nouveau dispositif en forme de comète urbaine devient support de « la trame écologique ». Il peut être interprété comme un archipel, le long d’une nouvelle artère, la Seine.

Sur le socle du Parc Ville Nature Rivière (éléments fondamentaux du terri-toire), viennent s’appuyer les éléments de la modernité (réseaux). Parmi ces éléments fondamentaux, le paysage, la trame hydrographique, le dispositif forestier, ainsi que le climat, les dénivelés, la nature des sols… Les modes de transports fluviaux collectifs participent à la modernité, créateurs d’une dynamique de développement autour du chaînage économique, du compor-tement collectif écologique, d’un retour accentué à la Seine.

Rouen

Mantes

ParisLe Havre

Rouen

Mantes

ParisLe Havre

Ville nature

Parc des Boucles de la Seine

Un seul Parc naturel habité

Parc du Vexin normand Parc du Vexin français

Amsterdam Parc Public – Paysagiste concepteur : K. Gustavson. © H.Saudecerre

Nanterre Parc du Chemin de l’ile – Paysagiste concepteur : Atelier ACANTHE. © H.Saudecerre

Orléans La Source – Paysagiste concepteur : Jacques Coulon. © H.Saudecerre

Le Grand Pari 2009 > Equipe Antoine Grumbach & Associés Février 2009 > 113

I – Pour un autre développement urbain

Relier les villages des plateaux aux centres urbains des talwegs

Créer un espace de transition entre la ville et la campagne

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AGA

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AGA

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TCSP

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Lisière

Route du Grand TraitRoute du Grand Trait

Vallée du Commerce Vallée du

Commerce

TCSP TCSP

TCSP

créer un esPace de transition entre ville et camPagne

Le Grand Pari 2009 > Equipe Antoine Grumbach & Associés Février 2009 > 104

Ville nature

altitude : chaque 25m barreaux / projet

voie ferrée normale

TGV

LGV

Réseaux ferrésRéseaux routiers

liaison autoroutière

liaison transversale

parc naturel régional

forêt

prairie

tache urbaine

tache urbaine : villes transversales

Seine / hydro

Le Grand Pari 2009 > Equipe Antoine Grumbach & Associés Février 2009 > 105

Ville nature

Seine Métropole : Continuité du grand paysage – Source IGN

Multiplicité des échelles© AGA

22.3 ProPositions

223.1 Parcvillenature–grumbach

L’équipe d’Antoine Grumbach prend la Seine comme axe urbain directeur et propose un développement

linéaire appelé « Seine Métropole »124. Il fait un saut d’échelle par rapport à la conception régionale de la

métropole parisienne et imagine un système métropolitain alternant urbain et rural depuis Paris jusqu’au

débouché du fleuve au Havre.

En ce qui concerne l’agriculture, Antoine Grumbach s’appuie sur les deux Parcs naturels régionaux

existants le long de la Seine (celui des Boucles de la Seine normande et celui du Vexin français) et les

complète avec le « Parc du Vexin normand ». A cette échelle, le projet recherche un équilibre entre Parcs

naturels et zones urbaines dans « un seul Parc naturel habité »125 :

« Un vaste parc naturel habité, s’étendant de Paris au Havre, sera constitué du parc du Vexin français au parc des Boucles de la Seine, en association à un nouveau parc du Vexin Normand. »126

L’alternance urbain/rural se décline à plus petite échelle dans un jeu d’équilibre et de proximité entre

activités agricoles et territoires urbanisés. Dans ce travail de distribution et de clarification entre zones

rurales et urbanisées, des espaces intermédiaires de « lisière » font le lien (cf. illustrations ci-contre). Le

projet d’Antoine Grumbach se définit comme un très vaste territoire à l’intérieur duquel il propose un

développement multiscalaire de « transitions entre ville et campagne », la multiplication des limites lui

permet de réduire leurs effets de frontière entre le parc et son environnement et à l’intérieur du parc

lui-même. Mais ce jeu d’emboîtement laisse aussi présager la définition « d’espaces ruraux à tendance

urbaine », ainsi que « d’espaces urbains à tendance urbaine » à l’intérieur de ces macro zones, et ces

formes de ville-campagne pourraient s’apparenter à ce qui est couramment désigné comme le périurbain.

124. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.1125. Ibid., p.101126. Ibid., p.13

Page 30: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 59

224

CARTE DE L’AGRICULTURE EN 2030 LES SIX AGROPARCS, TERRITOIRES PRIVILÉGIÉS DE L’AGRICULTURE URBAINE

carte de l’agriculture en 2030 les six agroParcs, territoires Privilégiés de l’agriculture urBaine

223.2 unréseaud’agroParcs–lion

Le projet de l’équipe d’Yves Lion s’appuie sur la création d’un réseau « d’agroparcs » autour de la métropole

parisienne (cf. illustration ci-contre). Ces parcs s’inscrivent dans des territoires géographiques définis par

une identité paysagère, des caractéristiques topographiques, une histoire partagée :

« Nous proposons de créer six agroparcs liés aux différents territoires convergents sur Paris, chacun gardant ses propres spécificités agricoles. Représentant une surface globale de 4 000 Km², ils gèrent les grands territoires ouverts en donnant une qualité d’espace et d’ambiance et créent un nouveau rapport ville/campagne, dans lequel citadins et agriculteurs sont alliés et non ennemis. »127

Le modèle revendiqué est celui de Barcelone, mais tandis qu’en Catalogne le Parc agraire de Baix Llobregat

est un élément particulier du système métropolitain de parcs (tous ne sont pas agraires), les agroparcs

apparaissent ici tous identiques dans leur contenu et leurs objectifs, ils se présentent comme autant de

dispositifs de protection et de gestion des espaces naturels et ruraux.

Yves Lion ne mentionne pas les Parcs naturels régionaux d’Ile-de-France, pourtant les agroparcs « du

Vexin », celui « de la Beauce et du Gâtinais » et celui « de la Brie » s’installent sur les territoires de

PNR franciliens dont les noms sont très proches : PNR du Vexin Français, PNR du Gâtinais Français et

PNR (en projet) de la Brie et deux Morin. Le choix des noms des « agroparcs » rappelle celui des PNR :

ces appellations traditionnelles font référence à des terroirs ruraux, ceci leur permet d’insister sur leur

vocation à la fois patrimoniale et agricole128. Les agroparcs se présentent comme de grande pénétrantes

agricoles qui joueraient un rôle de transmetteur entre la métropole et son environnement rural.

127. LION Yves, chantier 2, p.225128. DARLY Ségolène, « Agriculture et patrimoine identitaire des parcs naturels régionaux en Ile-de-France : des situations contrastées », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.107

Page 31: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 61

223.3 lalisière–nouvel

Jean Nouvel propose la constitution d’une « lisère » qui encerclerait l’agglomération parisienne et

stopperait la marche « à reculons » de l’urbanisation. Il considère en effet que l’urbanisation est davantage

un phénomène d’éloignement par rapport à un centre qu’une progression, et que dans un mouvement

inverse, l’environnement rural de la métropole est mono-orienté vers son arrière pays :

« Au lieu de s’imprégner de la qualité des espaces ruraux existants et d’en profiter, la ville avance à reculons vers la campagne, dans une unique logique de consommation du foncier à bas prix. Les villes sont ouvertes sur la mer et fermées sur la campagne. »129

Le projet propose d’installer une interface qualifiée, composée de nouveaux programmes et d’usages

inédits, à la limite entre zones urbaines et agricoles - entre les taches grises et le blanc des cartes - , la

reconnaissance de cette lisière permettrait de fixer l’agglomération. La clef du projet repose alors sur sa

qualité de cet « artifice »130 et sur sa capacité à réunir les acteurs de ces deux mondes :

« Il s'agit d'articuler ces deux mondes par l'entremise d'un milieu singulier, une lisière commune qui les concilie, qui les fait profiter l'un de l'autre. »131

« La lisière est ce lieu de passage magique entre deux mondes. […] L'agglomération parisienne offre des centaines de kilomètres de littoral, de lisières, entre la nature et le construit, et ce long rivage […] peut devenir ruban, offrir une largeur à occuper, pour y cultiver les charmes de l'entre-deux. »132

Le projet se débarrasse de tout modèle et se présente comme véritablement innovant, il ne s’appuie sur

aucune expérience de projet agricole et cherche le lien avec des territoires linéaires (littoral, chemin de

ronde), il est à la fois systématique car il fait le tour de l’agglomération parisienne et capable de s’adapter

à chaque situation rencontrée.

129. NOUVEL Jean, chantier 1, p.104130. NOUVEL Jean, chantier 2, p.21131. Ibid., p.25132. Ibid., p.12

MARCHÉS BIO

SERRES HORTICOLES

MARAICHAGE

JARDINS FAMILIAUX

VERGERS

FORÊTS

ÉQUIPEMENTS PUBLICS

JEUX POUR ENFANTS

PISTES CYCLABLES

CHEMINS DE RANDONNÉES

PARIS . LES RENAISSANCES���LISIÈRES, FRANGES, BORDS, INTERFÉRENCES���12/18

Il faut imaginer une «loi lisière» qui s’appuie sur la loi de 2005 visant à la protection des espaces agricoles et naturels périurbains et qui prenne modèle de la loi Littoral. Elle devra permettre d’ instituer un périmètre, son application passera par la mise en place de cahiers des charges spécifiques.

L’impact de cette requalification se répercute de part et d’autre de la lisière. Côté ville, les rues en culs de sac mènent maintenant à des espaces publics. Côté campagne, de nouveaux chemins sont créés pour donner accès à des «champs urbains».Ce réseau va permettre d’ installer des promenades, ou des pistes pour les vélos. Ce n’est pas la fin de la ville. Ce sont des petits lieux qui, accumulés vont permettre d’ installer des équipements, des exploitations dans ces petites traces d’espaces publics.

Aujourd’hui, la césure entre le territoire urbain et agricole présente un développé gigantesque. Il s’agit d’articuler ces deux mondes qui s’ ignorent par l’entremise d’un milieu singulier, une lisière commune qui les concilie, qui les fait profiter l’un de l’autre.Nous n’allons pas inventer une ceinture, ou un rempart à la ville, mais une structure de lieux ouverts, une porosité nouvelle capable d’accueillir de nouveaux développements tout en donnant de la qualité aux habitations existantes.

PARIS . LES RENAISSANCES���LISIÈRES, FRANGES, BORDS, INTERFÉRENCES���10/18

Page 32: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 63

223.4 lePérimètrehabité–secchi

Bernardo Secchi considère l’ensemble des espaces ouverts, notamment agricoles, les « rives habitées »

posent la question des interfaces entre l’urbain et le non bâti, ou des liens entre les territoires de la

métropole. Il constate que la simple présence d’espaces verts ne suffit pas à qualifier un quartier :

« Dans le Grand Paris les espaces verts et agricoles sont nombreux et souvent très vastes. [Ils] créent des intervalles entre les différents morceaux de la métropole, qui les mettent à distance et qui souvent, à cause de leur rôle, sont considérés comme le revers des logements construits sur leur périmètre. »133

Les espaces publics appropriables sont au coeur de sa démarche pour une structure urbaine « poreuse » :

« La nouvelle sensibilité écologique fait que la construction de ce réseau [d’espaces verts et agricoles qui lie les différentes parties de la métropole], avec ses parcours piétons et vélos, aujourd’hui à l’ordre du jour, soit un objectif incontournable pour une métropole qui se veut écologique et perméable. »134

De façon comparable à la « lisière » de Jean Nouvel, c’est une interface qualifiée avec l’introduction de

nouveaux équipements qui est proposée, sauf qu’ici les « rives habitées » sont également construites à

l’intérieur de l’agglomération pour former la « ville à pois » qu’il définit ainsi :

« Étape 1 : créer une zone tampon le long de chaque espace vert (forêt/ arbre/ agriculture/ ...) sur une profondeur de 100 m. Étape 2 : à l’intérieur de ces zones tampon, chercher les bâtiments qui doivent être conservés. Étape 3 : exclure de la zone tampon ces bâtiments conservés. L’espace qui reste après la soustraction peut être densifié et transformé. »135

Ces propositions sont comparables à celles de Jean Nouvel à trois titres : tout d’abord ce projet aussi est

systématique, ses territoires apparaissent au moyen d’une modélisation informatique des espaces verts

et d’un contour de 100 mètres qui leur est à chaque fois appliqué ; ensuite il mise essentiellement sur les

usages ; enfin il ne se réfère à aucun projet qui aurait pu influencer les « rives habitées ».

133. SECCHI Bernardo, chantier 2, p.97134. Ibid.135. Ibid., p.103

0 +10 +20 +30 +40 +50Km

zone

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carte des espaces verts et agricoles© équipe Studio 09,Secchi-Viganò

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+40+50Km

zone agricoles

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parcs et espaces boisés ouverts au public

équipements, parcs et jardins

appropriation du bord

pistes cyclables

promenades

tours architecturaux

carte des espaces verts et agricoles©

équipe Studio 09,S

ecchi-Viganò

9697

les zones tampon de 100m autour des espaces verts

les bâtiments à conserver dans les zones tamponsource: http://sigr.iau-idf.fr

les tampons disponibles à traiter

la ville à pois : densifier en bordure

L’opération a pour but de trouver les zones qui peuvent être densifiées en bordure des espaces verts. Elle se développe en trois étapes:

Etape 1: créer une zone tampon le long du bord de chaque espace vert (forêt / arbre / primaire / agriculture /..) sur une profondeur de 100 mètres.

Etape 2: à l’intérieur de ces zones tampons, on cherche les bâtiments qui doivent être conservés. (référence: http://sigr.iau-idf.fr)

Etape 3: ainsi la zone tampon doit exclure ces bâtiments conservés. L’espace dans la zone tampon qui reste après la soustraction est l’espace qui peut être densifié et transformé.

© EMU fall semester IUAV+équipe Studio 09, Secchi-Viganò

102 103

les zones tampon de 100m autour des espaces verts

les bâtiments à conserver dans les zones tamponsource: http://sigr.iau-idf.fr

les tampons disponibles à traiter

la ville à pois : densifier en bordure

L’opération a pour but de trouver les zones qui peuvent être densifiées en bordure des espaces verts. Elle se développe en trois étapes:

Etape 1: créer une zone tampon le long du bord de chaque espace vert (forêt / arbre / primaire / agriculture /..) sur une profondeur de 100 mètres.

Etape 2: à l’intérieur de ces zones tampons, on cherche les bâtiments qui doivent être conservés. (référence: http://sigr.iau-idf.fr)

Etape 3: ainsi la zone tampon doit exclure ces bâtiments conservés. L’espace dans la zone tampon qui reste après la soustraction est l’espace qui peut être densifié et transformé.

© EMU fall semester IUAV+équipe Studio 09, Secchi-Viganò

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les zones tampon de 100m autour des espaces verts

les bâtiments à conserver dans les zones tamponsource: http://sigr.iau-idf.fr

les tampons disponibles à traiter

la ville à pois : densifier en bordure

L’opération a pour but de trouver les zones qui peuvent être densifiées en bordure des espaces verts. Elle se développe en trois étapes:

Etape 1: créer une zone tampon le long du bord de chaque espace vert (forêt / arbre / primaire / agriculture /..) sur une profondeur de 100 mètres.

Etape 2: à l’intérieur de ces zones tampons, on cherche les bâtiments qui doivent être conservés. (référence: http://sigr.iau-idf.fr)

Etape 3: ainsi la zone tampon doit exclure ces bâtiments conservés. L’espace dans la zone tampon qui reste après la soustraction est l’espace qui peut être densifié et transformé.

© EMU fall semester IUAV+équipe Studio 09, Secchi-Viganò

102 103

Page 33: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 65

223.5 lePaysagemultifonctionnel–geiPel

Finn Geipel s’attache à favoriser la multifonctionnalité des territoires pour les enrichir qualitativement et

imaginer une ville plus économe en transports, il cherche à « introduire de la flexibilité dans les structures

existantes de Grand Paris »136. L’agriculture urbaine est invitée à pénétrer dans les tissus existants pour participer à cette mosaïque fonctionnelle :

« Adopter le principe de ville légère qui consiste à intégrer d’avantage d’agriculture urbaine dans les zones périurbaines – donc à introduire de nouveaux éléments au moyen d’interventions et de constructions les plus simples possibles. »137

Les logiques individuelles et sectorielles cloisonnent fortement les territoires périurbains, or ces espaces

ne peuvent être multifonctionnels si ses acteurs ne s’ouvrent pas les uns aux autres, l’agriculture urbaine

est considérée comme un potentiel de rencontre à activer :

« Le paysan a cédé la place au citadin à Montreuil. […] Le citadin périurbain s’est fait jardinier jusqu’aux portes de Paris. […] Le sympathisant vert est un sans terre qui habite le centre ville. Et si tout ce beau monde se mettait ensemble pour inclure dans l’espace urbain les champs de production agricole, ouvrir les parcelles clôturées, se hasarder au-delà des circuits certifiés bio jusqu’aux terrains d’agriculture urbaine où il peut voir lui-même pousser les salades ? »138

Le problème qui apparaît ici est moins la consommation des terres agricoles que la construction d’une

ville par nappes, il ne s’agit pas de fixer les limites mais d’introduire plus de mixité dans les périphéries

de la métropole. Le modèle est celui de la percolation d’une agriculture interstitielle capable de parasiter

des tissus constitués :

« Des structures légères et flexibles varient l’offre spatiale et stimulent la dynamique d’évolution des lieux existants. »139

136. GEIPEL Finn, chantier 2, p.41137. Ibid.138. Ibid., p.97139. Ibid., p.40

II Hypothèses › Grands Paysages Grand Paris

Les paysages multifonctionnels sont eux caractérisés par la coexistence et la variété des programmes.Prototype de transformation. Exemple Montesson

98 › 99

PrototyPe de transformation.

exemPle montesson

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Des structures légères et flexiblesvarient l'offre spatiale et stimulent la dynamique dévolution des lieux existants.

Agriculture urbaine sous serre.translate

Des structures légères et flexiblesvarient l'offre spatiale et stimulent la dynamique dévolution des lieux existants.

Agriculture urbaine sous serre.agriculture urBaine sous serre

Page 34: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 67

2.3 unProjetaPolitique

Les formes et les intentions des projets d’agriculture sont lisibles dans les travaux du Grand Paris, mais

leur activation et leur gestion restent inconnues.

23.1 unnonProjetdegouvernance

231.1 difficultésconnues

Le déficit de propositions relatives à la gouvernance des territoires vaut pour l’ensemble des propositions

du Grand Paris, il tient à la définition de cette mission : « la vision doit prédéder le projet, et le projet doit

conduire au choix de l’organisation et de la gouvernance »140. Mais cette vision sans organisation trouve

rapidement ses limites, les exemples du projet du Parc des Jalles141 de l’agglomération de Bordeaux et du

parc agraire de Baix Llobregat142 nous renseignent sur l’importance de la gouvernance dans ces grands

projets d’espaces ouverts. L’exemple bordelais nous renseigne sur les blocages issus de la répartition des

compétences que peut générer ce type de projet :

« Deux dynamiques contradictoires concernent les compétences mobilisées : le projet politique global est résolument intercommunal, la principale capacité d’action est paradoxalement entre les mains des communes. L’intervention [de la Communauté Urbaine de Bordeaux] relève plus du service aux communes. […] Les communes conservent la compétence "espaces verts" et la maîtrise foncière à travers le plan local d’urbanisme. »143

140. SARKOZY Nicolas, op. cit., p. 1141. Loin du parc urbain traditionnel, public, monofonctionnel et d’accès contrôlé, le modèle du parc des Jalles (4800 ha) est celui du parc de la Deûle à Lille (700 ha). Il propose au public un grand espace essentiellement non constructible, privé et agricole. 142. voir supra, chapitre 222.2143. BANZO Mayté, COUDERCHET Laurent, VALETTE Élodie, « La difficile publicisation des espaces ouverts en périphérie urbaine : le parc des Jalles de l’agglomération bordelaise », Les nouvelles périphéries urbaines. Formes, logiques et modèles de la ville contemporaine, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p.106

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 6968 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Le projet du Parc des Jalles a suivi l’exemple du Parc de la Deûle144 qui a mis près de trente ans à se bâtir,

ce dernier a exigé l’élaboration d’un consensus au sein de la mosaïque d’acteurs concernés (habitants,

élus, agriculteurs, écologistes) et une certaine viabilité économique du projet. En effet, dans nombre de

cas, les logiques sectorielles, les intérêts contradictoires et l’émiettement politique sont de puissants

freins pour ces projets intercommunaux. En Catalogne, l’exemple du Parc agraire du Baix Llobregat nous

montre qu’un affaiblissement de la volonté politique a des effets immédiats sur la pérennité du projet,

son caractère expérimental demande à ses partisans de redoubler d’efforts pour le faire admettre, le

mettre en place et le maintenir. Ainsi, malgré une forte campagne de communication et une volonté

politique appuyée à l’origine du Parc agraire du Baix Llobregat, son avenir est aujourd’hui compromis à la

suite du renouvellement du personnel politique et faute d’avoir véritablement mis en place les moyens

de sa longévité :

« Le projet est confronté à deux obstacles majeurs : d’une part l’affaiblissement de la détermination politique face à l’objectifs de protection environnementale, d’autre part le manque de moyens dont dispose la Diputació pour imposer ses orientations dans la planification territoriale. […] En dépit des acquis, l’Anella Verda n’a pas encore dépassé le stade du projet. »145

Les territoires de ces projets correspondent rarement à un territoire administratif existant et reconnu,

en conséquence les institutions publiques locales se multiplient et l’organisation de leurs compétences

se complexifie aux yeux des habitants, ce manque de lisibilité n’est pas non plus un facteur de pérennité.

144. voir supra, chap 222.2. Le projet du parc de la Deûle est né en 1968 mais il n’est relancé qu’en 1995145. BANZO Mayté, « La ceinture verte de Barcelone : un projet dans l’impasse ? », Rives méditerranéennes n°8, 2001, p.49

231.2 organisationenvisagée

Pour son projet de « Seine métropole », Antoine Grumbach propose de fédérer les communes du « Parc

nature habitée » (soit de Paris au Havre) autour d’une « charte ». Il s’inspire explicitement de l’organisation

des Parcs naturels régionaux, mais n’en fait pas le bilan ni n’envisage de les adapter à cette nouvelle

échelle :

« Le projet de Parc Nature habitée de la Seine (auquel s’intègreraient les deux PNR existants) […] définit et porte des stratégies à grande échelle, tout en permettant le déploiement d’interventions singulières et localisées. La réalisation d’un document d’orientation partagé (charte) et décliné aux multiples échelles de projet semble le mieux à même de porter des objectifs de développement écologique autour de la valorisation des ressources fondamentales. »146

Jean Nouvel quant à lui ne croit pas en une gestion globale et descendante pour son projet, sa taille le

ralentirait et l’imbrication des échelles le paralyserait. La « lisière » serait au contraire le résultat d’actions

multiples, réalisées au cas par cas et guidées par les opportunités locales :

« En composant avec les durées, on peut ainsi penser à des mutations minces, bien plus aisées à mettre en œuvre, et finalement bien plus efficaces, que celles qui reposent sur une autorité de composition qui nécessite à son tour une autorité privée, publique ou politique. »147

Cette approche ascendante permet d’imaginer autant de coopérations que de projets, c’est une méthode

expérimentale qui encourage l’appropriation locale de petits territoires de projet. Il s’agit d’un projet

profondément accumulatif dont l’aboutissement est la construction du grand dessin de la « lisière » :

« L’entretien de ce paysage d’un nouveau type, au croisement entre expérimentation, loisir et exploitation diffère autant de l’agriculture productive

146. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.102147. NOUVEL Jean, chantier 1, p.212

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 7170 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

que des services de voirie ou des parcs et jardins. Il est partagé entre municipalités et exploitants, concessionnaires privés et propriétaires publics. »148

Ces types de gestion diffèrent profondément (modèle centralisé contre principe de subsidiarité), mais

dans les deux cas il s’agit de proposer un cadre réunissant collectivités locales, exploitants agricoles et

autres usagers du territoire autour d’un projet commun. Cet accord doit être suffisamment rigide et

contraignant pour que l’application du projet soit conséquente, mais assez souple pour une mise en

oeuvre effective.

23.2 unelégislationàinventer

Pour installer durablement leur projet, et parce que le marché du foncier est jugé incapable de se réguler

seul, certaines équipes proposent de nouvelles règlementations pour restreindre l’urbanisation des terres

agricoles. Les propositions d’Yves Lion et de Jean Nouvel sont des transpositions de dispositifs existants

qui prennent en compte ou non le cadre réglementaire existant, ce sont plus des pistes de réflexion et des

sources d’inspiration que de véritables projets.

232.1 loilisière–nouvel

Pour l’équipe de Jean Nouvel, le contact entre ville et campagne devrait s’apparenter à celui entre terre et

mer, ce serait un « ruban perméable entre deux mondes »149, à la fois fixe et imprécis :

« La fixation dans les documents d’urbanisme d’une limite précise et fortement consolidée sur le plan juridique entre la ville et la campagne de manière à créer de véritables "fronts de campagne", existants en tant que tels, comme des fronts de mer. »150

148. NOUVEL Jean, chantier 2, p.22149. NOUVEL Jean, chantier 2, p.21150. NOUVEL Jean, chantier 1, p.105

Cette comparaison avec la zone maritime l’amène à prendre pour référence la Loi littoral, jugée

positivement par une majorité de Français151, qu’il métisserait avec la loi de 2005 qui établit les Périmètres

de protection et de mise en valeur des Espaces Agricoles et Naturels périurbains (PAEN)152 :

« Il faut imaginer une "loi lisière" qui s'appuie sur la loi de 2005 visant à la protection des espaces agricoles et naturels périurbains, et qui prenne modèle de la loi Littoral »153

La question du périmètre est récurrente dans l’approche de Jean Nouvel, et on observe aussi que la

protection par périmètre est itérative dans les textes d’urbanisme : la Loi littoral contraint la constructibilité

des zones côtières tandis que, par exemple, la protection des monuments historiques s’étend à ses abords.

Enfin, on observe que Jean Nouvel fait une simple référence à la mesure concernant les PAEN en ne la

détaillant pas, c’est une mesure récente qui est encore en cours de reconnaissance et d’expérimentation,

en 2011 seulement trois périmètres avaient été définis.

232.2 zoned’activitéagricole–lion

L’attitude de l’équipe d’Yves Lion avec son projet de « zone d’activité agricole » est assez différente, elle

consiste moins à protéger les terres agricoles menacées par l’urbanisation qu’à avantager équitablement

les forces en présence. Selon lui, les zones industrielles, d’activités ou commerciales qui se développent

par nappes sur l’espace rural bénéficient d’aides dont ne dispose pas l’activité agricole : le jeu est inégal

et en conséquence, il envisage d’accorder aussi à l’agriculture l’instrument fiscal qui fonctionne pour ces

zones :

« Créer des "zones d'activités agricoles" où l’agriculture pourra assurer et développer sa place en ville ou en frange urbaine. Aides et subventions diverses du Ministère de l'Agriculture permettraient de soutenir la construction de bâtiments d’élevage, la formation de groupements de professionnels

151. DATAR, Bilan de la Loi littoral et des mesures en faveur du littoral, 2007, p.122152. Au travers une nouvelle compétence départementale, la loi du 23 février 2005 réunit dans un même outil une possibilité de maîtrise foncière et un projet de développement et d’aménagement. 153. NOUVEL Jean, chantier 2, p.22

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 7372 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

en coopératives agricoles. […] Traitement, stockage et commercialisation des produits agricoles y seraient non seulement possibles mais vivement encouragés. »154

La référence qu’Yves Lion fait ici n’est pas évidente, mais il faut tout d’abord remarquer que le principe

général « d’aides et subventions diverses » est aujourd’hui largement remis en cause avec la réforme de

la Politique agricole commune qui réduira à partir de 2013 les subventions accordées aux producteurs

franciliens dans l’objectif de mieux les redistribuer sur l’ensemble des régions européennes. En d’autres

termes, la transition vers une réduction des subventions est à envisager davantage qu’une augmentation

de celles-ci. Cependant, en considérant le rôle des subventions dans l’activité agricole, Yves Lion envisage

le poids des investissements et les difficultés financières que de nombreux agriculteurs connaissent en

conséquence de la hausse des prix des engrais, de l’alimentation animale et de l’énergie 155.

D’autre part, la « zone d’activités agricoles » renvoie peut être à une expérimentation qui a eu lieu dans

une petite commune d’Alsace156 où les nuisances provoquées par les exploitations d’élevage ont incité

la municipalité à faire sortir les agriculteurs du village. En compensation, la municipalité a créé une

« zone d’activités agricoles » délimitée dans le Plan local d’urbanisme et a financé la construction de

nouveaux bâtiments, mais elle n’a pas acquis de foncier. Les agriculteurs devaient être propriétaires ou

se rendre acquéreurs, ceux qui ont rejoint ces aménagements ont participé financièrement et la zone

a exigé un mini-remembrement des parcelles pour que chacun ait un accès. Mais la redistribution du

foncier s’est avérée complexe et a rencontré des blocages qui ont empêché le développement de la zone.

Cette expérience pointe la question du foncier comme difficulté récurrente dans la gestion des activités

agricoles et la difficulté d’agir pour de petites communes.

154. LION Yves, chantier 2, p.229155. Direction de l’information légale et administrative, Politique agricole commune : débats sur la baisse des revenus agricoles, 2009156. H.R., « Zone d’activité agricole. L’exemple de Schnersheim en Alsace », La France agricole, 17 février 2009

Enfin, la proposition d’Yves Lion relative au soutien à « la formation de groupements de professionnels en

coopératives agricoles » répond à des pratiques existantes telles que l’aide de la commune à la constitution

d’une association classique de producteurs type GAEC157 par exemple, dont l’intention est de mutualiser

les outils nécessaires à la production.

157. Le Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC) est une société civile agricole permettant à des agriculteurs associés la réalisation d’un travail en commun dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial.

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 75

Les moyens et les formes imaginés par les équipes du Grand Paris pour organiser et valoriser les

espaces agricoles dans leur rapport à la métropole parisienne sont multiples, la variété des projets et les

contrastes qu’ils présentent montrent l’amplitude du problème soulevé par la place de l’agriculture dans

la métropole.

Dans cette troisième partie, nous verrons comment l’agriculture est envisagée dans sa multifonctionnalité,

au travers de la diversité de services qu’elle rend à la métropole. Nous nous intéressons alors la

« campagne » comme le lieu de l’activité agricole et pour reprendre le vocabulaire utilisé par les équipes

dans la Consultation du Grand Paris.

3 lestroiscamPagnes

Les distinctions qu’opère Philippe Perrier-Cornet dans Repenser les campagnes nous ont servi de grille

de lecture pour analyser les propositions des équipes. Il différencie la « campagne ressource », la

« campagne cadre de vie » et la « campagne nature » comme trois figures « produit du regard et de

l’action de l’ensemble de la société sur une catégorie d’espace »158.

3.1 lacamPagneressource

La « campagne ressource » offre le visage productif de l'espace rural, elle est le « support d'activités

économiques qui utilisent le sol, les ressources naturelles et d'autres ressources spécifiques aux espaces

ruraux »159. Nous détaillerons les fonctions d’approvisionnement de la métropole, l’activité économique

du secteur agricole et le réseau de distribution lié à l’alimentaire.

31.1 aPProvisionnerlaville

311.1 lacrainted’unecrisealimentaire

La première fonction de l’agriculture est de produire l’alimentation nécessaire à la population. En France,

la modernisation des techniques agricoles a considérablement augmenté les rendements et a stabilisé les

prix des denrées alimentaires, ceci afin d’écarter les fortes tensions sociales liées à l’accès à la nourriture.

Cet équilibre est l’objet d’une surveillance politique constante, cependant certains observateurs craignent

le retour d’une crise alimentaire majeure, les auteurs du SDRIF y faisaient déjà référence :

« Renforcés par la crainte tout à fait nouvelle que nos populations pourraient être confrontées à une crise alimentaire de grande ampleur, les réflexions menées

158. PERRIER-CORNET Philippe (Dir.), Repenser les campagnes, l’Aube, 2002, p.13159. PERRIER-CORNET Philippe, « Dynamiques et perspectives des espaces ruraux et de la relation ville-campagne. Quatre scenarii de prospective appliqués au cas français », Campagne-ville : Le pas de deux, Enjeux et opportunités des recompositions territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.20

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 7776 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

lors de travaux [du SDRIF] ont permis d’introduire dans le document final un chapitre très développé consacré à la dynamisation de l’activité agricole. »160

La crise alimentaire est un ressort politique extrêmement puissant qui n’est cependant pas nouveau. Les

responsables ont toujours été attentifs à l’approvisionnement des villes et à la stabilité des prix, le prix du

pain a ainsi été réglementé jusqu’en 1978 et les politiques d’aide à la production (traduites dans la PAC)

soutenaient une agriculture intensive jusque dans les années 1990 (cf. Timeline § 13.1).

Dans la Consultation du Grand Paris, l’équipe de Jean Nouvel craint que la diminution des surfaces

agricoles ne réduise les quantités produites alors que la population mondiale augmente. Dans le même

temps et selon les principes de ce schéma, il espère que la pression démographique valorisera bientôt le

prix des terres agricoles et qu’elles se révéleront ainsi capables de résister à la pression foncière urbaine :

« Il faudra envisager de rendre les terres agricoles inconstructibles, car elles sont la garantie de production des produits alimentaires. La hausse de la valeur des produits agricoles, qui rendra les terres agricoles inconstructibles, empêchera l'étalement des villes. »161

Dans une formule impactante, Jean Nouvel compare la préservation des terres agricoles à la conservation

patrimoniale. Il envisage les pressions irréversibles que subit l’agriculture tout autant que l’investissement

pour les générations futures que représente sa protection :

« Selon les concepts du développement durable, le sol agricole est une ressource non renouvelable […] Dans la perspective de nourrir une population mondiale de 9 milliards d'habitants à l'horizon 2030, les sols agricoles franciliens peuvent être qualifiés de patrimoine de l'humanité »162.

160. FERRI Mireille, « Le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) et la protection des espaces agricoles et des espaces naturels », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.64161. NOUVEL Jean, chantier 1, p.98162. Ibid., p.101

La formule de Jean Nouvel rappelle celle de Michel Corajoud, Grand prix de l’urbanisme 2003, qui

envisageait la « campagne » comme le « monument des villes contemporaines »163. Ces deux expressions

envisagent les espaces ruraux comme un héritage, une « oeuvre surplombante et identificatoire»164 qui

exigerait un effort particulier de protection. Michel Corajoud défend une conception assez urbaine165 de

l’espace rural et ne lui accorde que secondairement un rôle productif, alors que Jean Nouvel considère

que c’est le « sol » qui est à protéger et non la « campagne », il patrimonialise une ressource et non un

paysage. Cette formule lui permet de faire la synthèse entre patrimoine et productivité, il donne un rôle

actif aux espaces agricoles.

311.2 favoriserl’autosubsistancedelamétroPole

L’introduction de l’agriculture dans les projets du Grand Paris pose la question des liens entre lieu de

production et lieu de consommation des produits alimentaires. Dès l’introduction de son travail, Yves Lion

est attentif à leur actuelle dissociation :

« 75% du territoire de la région parisienne [est] souvent pris dans une économie agricole entièrement mondialisée sans rapport avec la proximité des 11 millions de consommateurs qui se trouvent juste à côté. »166

Cette observation des circuits de distribution est vue comme une aberration d’un point de vue

énergétique, elle encourage à la recherche d’une réduction générale des distances parcourues par les

produits alimentaires jusqu’au consommateur. C’est dans ce sens que s’engage le projet du SDRIF lorsqu’il

défend l’agriculture « vivrière » métropolitaine :

« Au moment des premiers débats, parler d’agriculture vivrière en Ile-de-France faisait sourire, voire exaspérait certains participants, et lors du vote final sur le

163. CORAJOUD Michel, Discours du Grand prix de l’urbanisme, 2003164. Pour commentaire de l’expression de Corajoud, cf. ESTEBE Philippe, « Blé, melons, voies rapides, parc d’affaires et pavillons », Urbanisme, sept-oct 2004, n° 338, p. 41165. cf. supra § 113.1166. LION, chantier 2, p.11

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 7978 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

projet arrêté en mars 2008, cette notion est passée dans les orientations du SDRIF sans la moindre remarque. »167

L’agriculture vivrière est une agriculture « dont le producteur consomme l’essentiel ou la totalité des

produits »168, elle vise à l’autoconsommation à l’échelle du foyer. Ce dont il s’agit ici traite d’une autre

dimension : il n’est pas question que chacun produise ce qu’il consomme mais que ce qui est produit dans

la région y soit aussi consommé. Cette logique s’inscrit dans une volonté de ralentissement généralisé

des flux, c’est la stratégie du « locavore »169. Jean Nouvel, qui perçoit l’Ile-de-France comme un « jardin

métropolitain »170, considère la raréfaction des ressources d’énergie fossile comme un facteur rendant

nécessaire un changement des logiques productives :

« Face aux menaces d'un changement climatique et à la pénurie d'énergie, il est urgent de promouvoir une agriculture de proximité. »171

Mais la « proximité » ou le « local » ont besoin d’être définis, l’autosubsistance s’inscrit nécessairement à

l’intérieur d’un périmètre : certains mouvements « locavores » américains ont ainsi choisi la référence de

100 miles (160 km) tandis que d’autres l’ont élargi à 150 miles172. La diversité des évaluations des équipes

du Grand Paris montre leur difficulté à cerner ce périmètre autour de l’agglomération parisienne, Yves

Lion propose de situer la production locale dans un rayon de 60 km :

« En Ile-de-France, un consommateur se fournissant [localement] en produits frais tels que les fruits, les légumes, le fromage, la viande et les céréales a besoin d'une surface agricole de 250 m2 en moyenne […] A l'aide d'un rayon de

167. FERRI Mireille, op. cit., p.66168. BRUNET Roger, Les mots de la géographie, La documentation française, 1992169. Locavore est un mouvement prônant la consommation de nourriture produite localement afin de réduire l’empreinte énergétique des produits agricoles et de participer à la préservation de l’environnement.170. NOUVEL Jean, chantier 1, p.56171. NOUVEL Jean, chantier 1, p.103172. Consommer des produits qui ont parcouru moins de 100 miles c’est le défi qu’a lancé une des fondatrices du mouvement locavore ; tandis que par exemple le médiatique « Cafe-150 » au siège de Google en revendique 150

60 km autour de Paris, plus de 16 millions de Franciliens pourraient alors être des localiers! »173

Mais les chiffres qu’il avance ne sont justifiés par aucune étude et sont ensuite mélangés à d’autres qui ne

concernent que la production en agriculture biologique, pour cette fois justifier une densification :

« Pour subvenir aux besoins en fruits et légumes de 500 000 personnes, il faut 2840 ha d'agriculture biologique. Marne-la-Vallée étendue dispose de 4560 ha de terres agricoles. Il reste donc 1720 ha disponibles pour étendre les zones urbaines et accueillir 100 000 habitants. Les autres 100 000 habitants viennent en densification de l'existant. »174

Antoine Grumbach aussi fait appel à des données chiffrées pour appuyer son exposé sur les possibilités

d’autosubsistance de la métropole parisienne, il se réfère à l’expérience américaine :

« San Francisco trouve dans un périmètre de 100 km [miles] de quoi assurer 35% de son alimentation. En France, la population périurbaine poursuit sa croissance […] et l’espace rural sous influence urbaine représente un tiers du territoire national. Selon la définition INSEE, l’agriculture périurbaine ou urbaine représentait en 2000 44% des exploitations nationales, 41% de la superficie agricole utilisée. »175

Mais les références étrangères que présente Antoine Grumbach ne sont pas applicables en tant que

telles à la métropole parisienne : le relief, le climat, la structure et la taille des exploitations agricoles ainsi

que le poids démographique de la ville considérée sont autant de paramètres qui modifient ces cercles

imaginaires d’autosubsistance. Les données nationales quant à elles sont à prendre avec précaution : le

découpage de la France par l’INSEE en zones urbaines, périurbaines et rurales prenait en compte des

173. LION Yves, chantier 2, p.227174. LION Yves, chantier 2, p.111175. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.19

111

� Doubler la capacité des villes nouvelles

Conçues à une époque où le terrain semblait n’avoir que peu de valeur et ceci dans tous les sens du terme, les villes nouvelles de la région parisienne sont aujourd’hui considérées comme terminées.

Pourtant, compte tenu du dynamisme actuel du développement de la ville nou-velle de Marne-la-Vallée à l’est de son territoire, sont envisageables plusieurs scénarios qui doubleraient la population de la dite ville – actuellement 265 000 habitants – à territoire (12 500 hectares) et à infrastructures (A4, RER, desserte TGV) constants.

Les trois thèmes de la densité, des rapports aux espaces naturels et aux infras-tructures sont les principales clés par lesquelles la perspective d’un développe-ment significatif durable pourra être appréhendée.

LES ESPACES NATURELS ET AGRICOLES DISPONIBLES

OBJECTIF DE L’EPA MARNE

© BARBIER, BEAUDON, CAUCHY, GADY DSA ARCHITECTE-URBANISTE, EAVT 2009

POUR SUBVENIR AUX BESOINS EN FRUITS ET LEGUMES DE 500 000 PERSONNES, IL FAUT 2840 HECTARES D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE. MARNE-LA-VALLÉE ÉTENDUE DISPOSE DE 4560 HECTARES DE TERRES AGRICOLES. IL RESTE DONS 1720 HECTARES DISPONIBLES POUR ÉTENDRE LES ZONES URBAINES ET ACCUEILLIR 100 000 HABITANTS. LES 100 000 AUTRES NOUVEAUX HABITANTS VIENNENT EN DENSIFICATION DE L’EXISTANT

UN GRAND TERRITOIRE POUR UNE FAIBLE DENSITÉ15215 HA POUR 282 000 HABITANTS

ENCART PUBLICITAIRE POUR MARNE-LA-VALLÉE AUX INVESTISSEURS, VALEURS IMMOBILIÈRES, 1986

56

AU-DELÀ DES FORÊTS, CE N’EST PLUS PARIS, C’EST L’AILLEURS PARIS, EST INCLUS DANS UN BASSIN AGRICOLE MAJEUR LES GRANDES VALLÉES FRANCILIENNES

i – Pour un autre développement urbain

Cahier 2 : Livret 04 Décembre 2008 > 23Ministère de la Culture et de la Communication. EMOC Etablissement Public de Maîtrise d’Ouvrage des Travaux CulturelsLe Grand Pari de l’Agglomération Parisienne / Deuxième rendu intermédiaire des 3 chantiers / Antoine Grumbach & Associés document provisoire

en traitant les questions économiques et en impliquant les différents groupes sociaux. Cet arc vert devient ainsi à la fois facteur d’identité et espace de négociation, stimulant la création de réseaux entre le centre et l’ensemble du territoire. »

Vision globale et gouvernance

Selon Serge Bonnefoy, « aucun outil ne se suffit à lui seul, il faut à la fois du réglementaire, du projet et du développement économique, des outils fiscaux ». Il préconise une vision globale : « Il est difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-mêmes sans trouver un sens social à l’agriculture et sans la rapprocher de la ville et des citadins ! »Exemple de ce type d’approche, la gouvernance alimentaire, prise en compte par certaines agglomérations. Elle joue sur la nutrition santé, l’alimentation des populations en difficultés, les circuits courts et valorisation des productions locales, les relations à la culture… Pour cela, elle organise des partenariats publics privés. Le grand Londres a dès 2004 commencé à définir un conseil alimentaire et un programme qui intègre les questions de santé, alimentation, jardins partagés, environnement et facteur 4… une association joue un rôle d’interface qui aide à la progression du projet. Tisser du lien sera dans les années à venir une priorité : pour cela, une très grande variété d’outils existe, tels les ateliers de citoyens, la gestion partenariales de projets comme des parcs agraires, les formes plus institutionnelles dans les agglomérations… une piste intéressante, quoique encore marginale : L’association Terres de Lien, soutenue par plusieurs régions, a créé une fondation aidant les particuliers à acheter des propriétés et à installer des agriculteurs, en général bio. Les Néerlandais développent un système d’enchères paysagères, les habitants et les entreprises d’un territoire payant aux exploitants agricoles l’entretien du paysage.

Farmland Mapping & Monitoring Program 2004-2005 «Le Garde Manger de San Francisco»Farmland mapping & monitoring program 2004-2005

« le garde manger de san FranCisCo »

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 8180 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

critères de déplacement domicile-travail, ceci explique le basculement récent de nombreuses exploitations

agricoles vers les zones périurbaines176.

En ce qui concerne Paris et sa région, de nombreux spécialistes indiquent que le poids de la population

francilienne et la faible taille de son territoire présentent un écart trop important. Autrement dit, bien

que les terres agricoles franciliennes soient excellentes, elles ne seraient pas capables de nourrir douze

millions d’habitants. C’est ce qu’affirme notamment le chef du pôle offre alimentaire et nutrition de la

Direction Régionale et Interdépartementale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRIAAF)

d’Ile-de-France :

« En Ile-de-France, le décalage entre offre potentielle et demande réelle est tel qu’envisager une autosuffisance alimentaire est un complet mirage. »177

Il apparaît clairement que la simplification du calcul est un facteur de confusion, les besoins alimentaires

doivent être considérés à la fois dans leur quantité et leur diversité. Si l’on se reporte à un périmètre

régional pour comparer production et consommation des produits agricoles, l’analyse des cultures

franciliennes montre que l’autosuffisance n’est pas atteignable en l’état actuel de l’offre et de la demande :

« Il y a une autosuffisance théorique de la région Ile-de-France en blé tendre […] L’approvisionnement local en fruits et en légumes vient en très forte proportion d’importations étrangères […] La salade verte étant produite en quantité suffisante pour répondre à la consommation des Franciliens. »178

Ainsi l’autosubsistance imposerait aux Franciliens de renoncer à des produits tels que le poisson, le lait ou

la viande, ce qui n’est évidemment pas envisageable.

176. SCEES, GILLE François, « 44 % des exploitations dans l’urbain ou le périurbain », Agreste primeur, n°117, 2002177. LEBEL Antoine, « Utopie et réalité de l’approvisionnement de masse en produits locaux », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.198178. HEBEL Pascale, « Attentes des consommateurs en Grande et en Petite Couronne. Liens entre les Franciliens, leur agriculture et leur alimentation », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.191

31.2 soutenirl’activitééconomique

312.1 laPremièrerégionagricoledefrance

La « campagne ressource » se définit aussi d’un point de vue économique, Jean Nouvel observe que

l’agriculture représente une filière, et qu’en conséquent elle génère directement et surtout indirectement

de nombreux emplois :

« Première région urbaine de France avec la métropole parisienne, l'Ile-de-France est aussi une grande région rurale. »179

L’Ile-de-France est surtout une grande région céréalière, 63% de sa superficie agricole utilisée est occupée

par des cultures de céréales180. Ces productions sont intégrées à des économies mondialisées tournées

vers l’exportation et avec le port de Rouen – premier port céréalier d’Europe – comme centre logistique et

non celui de Paris. En effet, les circuits actuels de distribution et de vente des matières premières agricoles

se sont beaucoup complexifiés, aussi l’information de Jean Nouvel sur l’importance de l’agriculture

francilienne ne concerne pas directement sa population :

« L'agriculture francilienne, avec ses grandes exploitations céréalières, est une des premières de France obtenant pour ses cultures des rendements parmi les meilleurs au monde. Paris a même reçu le titre de "ville céréalière". »181

Les forts rendements et la haute valeur ajoutée de la céréaliculture francilienne sont le résultat d’une

modernisation des systèmes de production, évolution encouragée par les aides de l’Union Européenne

et son insertion dans les marchés mondialisés voués à l’exportation, ces deux facteurs ont amené les

producteurs à jouer la carte d’une productivité affirmée. Aujourd’hui, ces même producteurs craignent182

la réduction des aides de la PAC (prévue à partir de 2013), en conséquence ils continuent d’investir et

d’augmenter la taille de leurs surfaces cultivées afin de produire davantage et de réaliser des économies

179. NOUVEL Jean, chantier 1, p.100180. Enquête AGRESTE, INSEE 2007181. NOUVEL Jean, chantier 1, p.100182. COLLECTIF, « Au pays du blé-roi, les paysans se font rares », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.179-186

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 8382 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

d’échelle. Ces logiques guident les exploitants agricoles, et Jean Nouvel rappelle que derrière les paysages

agricoles et forestiers se trouve une profession et une filière dont les intérêts doivent être compris :

« Les citadins doivent tirer profit de la proximité des champs et des forêts gérées par de vrais agriculteurs et d'authentiques forestiers. Le parti d'aménagement doit donc réserver toute leur place aux espaces agricoles et boisés et garantir les conditions de fonctionnement de ces activités. »183

Jean Nouvel fait peut être référence à l’accessibilité et au non-morcellement des terres cultivées.

L’économie générée par l’agriculture francilienne est en équilibre entre la valeur et la rentabilité des

productions, le prix du foncier et les conditions de travail, ces données doivent être bien évaluées pour

protéger l’agriculture francilienne.

Une autre conséquence de l’insertion de l’agriculture francilienne dans les marchés d’exportation est

la hausse du prix du foncier agricole, celui-ci est devenu un frein à l’installation de jeunes agriculteurs

pour lesquels racheter une exploitation peut s’avérer impossible. La faiblesse des installations de jeunes

agriculteurs184 contribue à la concentration des terres autour de quelques exploitations et augmente

en retour la difficulté d’une primo-installation. Dans ce contexte concurrentiel, Yves Lion envisage des

« lieux d’accueil et d’information en direction des jeunes agriculteurs et de la population »185 au sein des

« agroparcs ». A nouveau, le modèle des Parc naturels régionaux est perceptible, les espaces d’accueil

qu’il propose auraient des missions sensiblement comparables à celles des « Maisons »186 de chacun des

PNR auprès de ses différents publics.

183. NOUVEL Jean, chantier 1, p.104184. Une cinquantaine par an pour toute la région. source: COLLECTIF, op. cit., p.184185. LION Yves, chantier 2, p.229186. Dans son volet de « soutien aux activités économiques et sociales », les maisons du Parc soutiennent une agriculture durable et développent les circuits courts ; appuient des produits et savoir-faire territoriaux au travers de la « marque Parc »; élaborent une offre touristique respectueuse de l’environnement ; incitent à l’excellence environnementale des entreprises ; aident au maintien des services en milieu rural. Source : Fédération des Parcs naturels régionaux, op. cit.

312.2 déveloPPerlafilièrebois

PLusieurs équipes s’intéressent au développement de la sylviculture dans le Grand Paris, mais c’est

l’équipe d’Yves Lion qui apparaît comme la plus volontariste. Il considère en effet les opportunités

qu’offrirait un développement de la filière sylvicole francilienne et observe le décalage entre l’importance

des surfaces boisées régionales et la faiblesse de leur exploitation. Il préconise de doubler le taux de

prélèvement car selon lui les débouchés du bois en matière de production d’énergie ou comme matériau

de construction en font un domaine porteur187. Cette stratégie rend doublement rentables les forêts

exploitées : l’exploitation du bois produirait de la valeur ajoutée tout en permettant aux collectivités

locales de réaliser des économies en substituant une activité agricole productive aux services d’entretien

des espaces verts, selon une logique inverse à l’évolution actuelle de ces métiers :

« Le nombre d’actifs agricoles baisse de 2,9% par an depuis l’an 2000, soit une perte de 300 à 500 emplois. En 2007, l’agriculture comptait en Ile-de-France 10 500 actifs équivalents temps plein, soit moins que d’actifs occupés à l’aménagement ou l’entretien des espaces verts. Il y a désormais plus de mains vertes en ville qu’à la campagne ! »188

Ce constat de la dissociation et du parallèlisme entre l’entretien et la production des espaces ouverts

oppose les deux formes de nature produite par l’homme : la campagne et le jardin189. Pierre Donadieu

indique comment la valorisation des forêts établirait des passerelles entre ces deux conceptions :

«Moyennant une rémunération de la collectivité, [l’agriculteur] pourrait rendre un service paysagiste, de la même façon qu’une entreprise privée ou qu’un service municipal des espaces verts »190

187. LION Yves, chantier 2, p.217188. COLLECTIF, op. cit., p.184189. DONADIEU Pierre, Campagnes urbaines, Actes sud, 1998, p. 23190. Ibid., p. 105

Page 43: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 85

31.3 commercialiserlesProduitsalimentaires

L’autosuffisance alimentaire est sans doute inatteignable pour l’Ile-de-France191, mais ce modèle a guidé

des partenariats innovants entre citadins et producteurs franciliens qui ont retenu l’attention des équipes

du Grand Paris.

313.1 court-circuiterlagrandedistribution

Les consommateurs sont entrés dans une phase de contestation du productivisme à la suite des crises

sanitaires au tournant des années 2000, la qualité des produits alimentaires est remise en question:

« Il faut resituer l’alimentation dans quelque chose qui est non seulement une production, mais un service et un rapport au monde »192

De nouveaux critères entrent dans le choix des consommateurs concernant leur alimentation :

« Le bien manger tient désormais du manger sain au manger juste avec toutes ses déclinaisons depuis l’agriculture raisonnée jusqu’à l’agriculture biologique, depuis l’agriculture éthique jusqu’à l’agriculture de label, depuis l’agriculture de proximité jusqu’à l’agriculture équitable. »193

En particulier, les grandes surfaces de distribution des produits alimentaires sont accusées d’avoir réduit

le « mangeur »194 au rang de consommateur. En réaction, celui-ci est devenu un « consom’acteur » et

fait valoir son pouvoir d'achat pour défendre les idées en lesquelles il croit, il sélectionne davantage les

produits qu’il achète. Yves Lion cite avec enthousiasme la progression de cette attitude outre-Atlantique :

« Les locavores : des milliers d'Américains reprennent le contrôle de leur alimentation, en court-circuitant les géants de l'agroalimentaire et de la distribution. »195

191. voir supra § 311.2192. FUMEY Gilles, Manger local, manger global. L’alimentation géographique, CNRS-Editions, 2010193. POULOT Monique, « L’agriculture francilienne dans la seconde moitié du XXe siècle : vers un productivisme de proximité? », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.173194. FUMEY Gilles, op. cit.195. LION Yves, chantier 2, p.225

20

L’ENJEU EST DE DIVERSIFIER LES TYPES DE LOISIRS DES FRANCILIENS EN DIVERSIFIANT L’OFFRE PROPOSÉE SUR LE TERRITOIRE DE LA MÉTROPOLE ET EN FACILITANT L’ACCÈS À L’ENSEMBLE DE L’OFFRE (L’ACCÈS

PHYSIQUE, NOTAMMENT PAR LES TRANSPORTS EN COMMUN, MAIS AUSSI L’ACCÈS ÉCONOMIQUE OU SOCIÉTAL).

MARCHÉS ET DENSITÉS DE POPULATION

marchés forains et densités de PoPulation

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 8786 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Lion oppose le consommateur « local » aux « géants de l’agroalimentaire et de la distribution », il

confond ainsi l’origine d’un produit et son mode de commercialisation, et ceci bien que les hypermarchés

proposent aussi de nombreux produits régionaux, au travers de leur marque distributeur par exemple196.

Il semblerait que ce soit le monopole et le caractère stéréotypé de la grande distribution qui discréditent

cette forme de commerce et l’amènent à valoriser des formes de ventes alternatives comme les marchés

forains, dont le réseau est particulièrement dense dans l’agglomération parisienne197. Cette diffusion lui

apparaît comme un atout à deux titres : une réduction des distances automobiles parcourues par les

consommateurs et un impact social favorable :

« Les marchés créent du lien social. Situés en zone urbaine dense, on s’y rend le plus souvent à pied. Les variations de prix en font des lieux de grande mixité sociale. »198

Les effets de « proximité » recherchés sont divers, et l’expression de « local métropolitain » d’Yves Lion

met à jour une recherche de conciliation entre les échelles de la métropole :

« Il ne s’agit pas de reconstituer une mythique vie de quartier ou de valoriser un enclavement communautaire, mais d’inventer un local plongé dans la métropole. Les marchés correspondent bien à cette idée d’un local métropolitain. »199

L’intérêt d’Yves Lion pour les marchés l’amène à les considérer comme des activités de loisirs. C’est ainsi

qu’il commente la carte des marchés forains d’Ile-de-France (cf. page précédente) :

« L’enjeu est de diversifier les types de loisirs des Franciliens en diversifiant l’offre proposée sur le territoire de la métropole et en facilitant l’accès à l’ensemble. »200

196. LEBEL Antoine, op. cit., p.199197. HEBEL Pascale, op. cit., p.193198. LION Yves, chantier 2, p.156199. Ibid., p.81200. Ibid., p.155

Sans aller jusqu’à les confondre avec des activités de loisirs, les marchés forains sont l’objet d’un regain

d’intérêt de la part des politiques locales, ainsi la maririe de Paris encourage les commerçants des marchés

à adapter leurs horaires aux rythmes des habitants avec une ouverture l’après midi201, ils se rapprochent

ainsi des commerces de détail ordinaires. Mais les marchés se distinguent fortement au travers de leur

architecture : les halles couvertes ont valeur d’équipement de quartier identitaire, elles sont d’ailleurs

actuellement l’objet d’une campagne de réhabilitation de la part de la municipalité parisienne202. Cet

équipement est aussi présenté par les équipes de Jean Nouvel et d’Yves Lion (cf photos ci-contre), on

constate la permanence de la forme de la halle couverte.

313.2 circuitscourtsetventedeProximité

Les « circuits courts » et la « vente directe » jouissent d’une bonne réputation et d’un engouement

certain, les consommateurs qui y adhèrent apparaissent satisfaits de pouvoir identifier l’origine de ce

qu’ils achètent et ont le sentiment de mieux contrôler leur alimentation. Cette démarche reflète leurs

exigences en matière de traçabilité et s’inscrit aussi parfois dans un projet éthique vis-à-vis du producteur

car ce mode de vente conforte la marge des producteurs. De manière générale, le rôle des intermédiaires

entre agriculteurs et consommateurs est mal perceptible et mal perçu, la qualité des produits et la

répartition des profits souffriraient de trop nombreuses transactions. En réponse, de nombreuses formes

de commercialisation des produits agricoles s’expérimentent, elles sont le signe d’une demande de

diversification :

« Des modèles de circuits alternatifs se développent : paniers de légumes à la sortie du RER, développement des AMAP, vente de produits surgelés dans des packagings basiques dans le cadre d’une filière courte (Ecomiam). Un même ménage achète dans différents lieux, ce qui peut stimuler une offre en produits locaux. »203

201. « Le commerce de proximité retrouve sa place à Paris », A Paris, le magazine de la ville de Paris, n°37, hiver 2010, p. 12202. Ibid.203. LEBEL Antoine, op. cit., p.199

21

� Encourager le retour des centres commerciaux en zones urbaines denses

Après avoir longtemps privilégié la croisée des flux, les implantations de centres commerciaux prennent désormais en compte l’augmentation du prix du pétrole, la concurrence commerciale croissante et surtout le goût des consommateurs pour la proximité. Les consommateurs consacrent de moins en moins de temps à leurs courses. En vingt ans, le temps moyen consacré aux courses est passé de 90 à 45 minutes. Faire ses courses à moins de 1km de chez soi : c’était là le vœu exprimé par les Parisiens interrogés en 2007 par TNS SOFRES. Favoriser les centres de petite et grande proximité au profit des centres de destination permettra de limiter leurs déplacements interurbains et de prendre en compte les attentes des populations.

� Associer commerce et production

Le supermarché de la Ferme du Sart, qui a développé sur 90 hectares sa propre production, les Associations Pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, qui associent jeunes producteurs et consommateurs avant le démarrage de la saison, les Paniers Bio, qui sont constitués chez les producteurs et livrés directement au consommateur… Ces expériences démontrent l’existence de formes de com-merce respectueuses de l’environnement et inscrites dans des circuits courts. Rapprocher les terres cultivables des lieux de vente est un véritable enjeu.

� Favoriser le développement des marchés forains

Encourager le développement des marchés permettra des soutenir les mesures de santé (« manger cinq fruits et légumes par jour ») en les rendant accessibles à tous les ménages. Les produits frais sont de plus en plus chers et certains consommateurs doivent parfois s’en priver. Les marchés forains sont un moyen de rendre les produits frais accessibles à tous : ils constituent le seul lieu com-mercial qui, suivant l’heure à laquelle on s’y rend, peut pratiquer le même jour des prix variant du simple au triple ! Les marchés créent du lien social. Situés en zone urbaine dense, on s’y rend le plus souvent à pied. Les variations de prix en font des lieux de grande mixité sociale.

MARCHÉ DE SAINT-DENIS

L’entretien de ce paysage d’un nouveau type, au croisement entre expérimentation, loisir et exploitation diffère autant de l’agriculture productive que des services de voierie ou des parcs et jardins. Il est partagé entre municipalités et exploitants, concessionnaires privés et propriétaires publics.

L’interférence créée entre les mondes urbain et agricole fixe ainsi une des caractéristiques majeure de l’agglomération capitale : elle lui donne un abord dans l’esprit du développement durable. Les outils simples et peu nombreux peuvent être rapidement mis en place. L’opportunité est là. Les effets sont colossaux, si l’on pense au déployé de ces lisières.

JARDINS FAMILIAUX

MARCHÉ COUVERT

SERRES HORTICOLES

ESPACE PARTAGÉ

OBSERVATOIRE

DES JEUX D’ENFANTS

ESPACE PARTAGÉ

PARIS . LES RENAISSANCES���LISIÈRES, FRANGES, BORDS, INTERFÉRENCES���13/18

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 8988 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Le phénomène a pris une telle ampleur que les « circuits courts » ont fait l’objet d’une politique nationale,

ce plan d’action du Ministère de l’Agriculture fut l’occasion de délivrer une définition officielle :

« Un circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire. Exemples de vente directe : vente à la ferme, vente collective, vente sur les marchés, vente en tournées, vente par correspondance, la vente organisée à l'avance (AMAP). Exemples de vente avec un seul intermédiaire : la restauration, un commerçant détaillant (boucher, épicerie, GMS, etc.) »204

Cette définition est très large et ne correspond pas à l’acceptation qu’en font les équipes du Grand Paris,

notamment parce qu’on y retrouve les grandes surfaces. D’ailleurs, il est à noter que la vente sur les marchés

ne s’y réduit pas : les produits vendus par les forains ont souvent été achetés au Marché International

de Rungis, ce qui les exclut de la définition des circuits courts (sauf s’ils proviennent du Carreau des

producteurs). Les circuits courts sont un type de distribution et non pas une forme de commerce.

De plus, un circuit court peut tout à fait concerner des approvisionnements d’origine géographique

lointaine sans qu’il n’y ait plus d’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, et la démarche

perd alors une partie de son sens. Aussi, la notion de distance est-elle à considérer pour renforcer le lien

producteur – consommateur. On remarque en effet que circuits courts et vente de proximité sont souvent

confondus par les équipes du Grand Paris, ainsi Yves Lion utilise indifféremment les deux notions « court »

et « proche », même si un circuit peut être les deux à la fois :

« Ces expériences démontrent l'existence de formes de commerce respectueuses de l'environnement et inscrites dans des circuits courts. Rapprocher les terres cultivables des lieux de vente est un véritable enjeu. »205

204. MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION ET DE LA PECHE, Plan d’action pour renforcer les circuits courts, 2009, p.1205. LION Yves, chantier 2, p.156

313.3 lesamaP

La possibilité pour la société civile de faire entendre sa voix et d’exprimer ses priorités se reflète au travers

de ses associations, particulièrement dynamiques en Ile-de-France. Les Associations pour le Maintien

d’une Agriculture Paysanne (AMAP) sont à la rencontre de la vente directe et des circuits de proximité. Le

principe de ces associations est l’achat par avance de produits agricoles par un groupe de consommateurs

auprès d’un agriculteur. L’achat anticipé lui garantit ses revenus, en contrepartie il s’engage sur le prix, la

quantité, la diversité et la qualité des productions qui seront livrées pendant toute une saison sous forme

de paniers206. Yves Lion, Antoine Grumbach et Jean Nouvel y font référence, ils en jugent le résultat très

positif et considèrent que ces actions devraient être soutenues :

« L'émergence des AMAP se résume en trois actions : recréer du lien social entre citadins et paysans, apporter une sécurité financière à des paysans, favoriser l'accès a une alimentation de qualité. »207

« Dans un vallon situé au cœur des quartiers, une agricultrice qui travaille en AMAP a été installée, avec l’objectif de créer là un jardin alternatif qui renforce le lien social et qui aide les habitants des quartiers défavorisés à accéder aux produits biologiques : le développement durable affirme aussi des objectifs de solidarité. »208

« Cette agriculture de proximité prend des formes diverses : marchés, cueillettes, associations entre producteurs et consommateurs, AMAP. Afin de soutenir cette transformation vertueuse de l’agriculture, les projets urbains doivent réserver de l’espace à ces nouveaux modes de production et faciliter la relation entre agriculteurs et citadins. »209

206. http://www.reseau-amap.org/207. LION Yves, chantier 2, p.223208. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.21209. NOUVEL Jean, chantier 1, p.103

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 9190 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Yves Lion, Antoine Grumbach et Jean Nouvel attribuent des qualités sociales aux AMAP, ils semblent

cependant confondre le profil des adhérents avec le fonctionnement de l’association. L’étude d’une AMAP

francilienne210 nous montre que l’association n’a pas changé les habitudes des consommateurs mais leur

a permis de mettre en pratique des idées qui les guidaient déjà :

« La requalification du consommateur Amapien - Montrougien est réalisée. Mais ce consommateur aurait-il été un jour totalement disqualifié ? […] L’adhésion à l’association n’a pas fondamentalement changé les habitudes de consommation et les pratiques alimentaires. […] La vraie question n’est-elle pas celle de l’accès à une AMAP pour tous ? »211

Les AMAP bénéficient d’une large popularité auprès des urbanistes du Grand Paris, ainsi le circuit court

et/ou de proximité est présenté comme vertueux à plusieurs titres :

« De manière encore marginale, des préoccupations de "mieux produire" émergent concrètement dans l’espace, c’est-à-dire plus près des consommateurs, à des rythmes saisonniers et de manière plus diversifiée. Des agroparcs sont nés ici et là, la vente directe se développe et l’agriculture biologique a bonne presse. »212

On observe une confusion globale entre les qualités des modes de commercialisation et les qualités

gustatives des produits agricoles, il s’opère une forme de transmission des valeurs sociales des modes

de production aux qualités des produits eux-mêmes. Yves Lion fait ce lien et envisage l’agriculture de

proximité dans un projet sanitaire : face à l’augmentation des cas d’obésité chez de nombreux urbains, il

considère que le développement des maraîchages périurbains et leur distribution via des circuits courts

favoriserait l’accès pour tous à une alimentation de qualité :

« Encourager le développement des marchés permettra de soutenir des mesures de santé "manger cinq fruits et légumes par jour" en les rendant plus

210. HABRIAS Véronique, « Adhésion à une AMAP et apprentissage des consommateurs », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010211. Ibid., p.284212. LION Yves, chantier 2, p.225

accessibles à tous les ménages. Les produits frais sont de plus en plus cher et certains consommateurs doivent parfois s’en priver. Les marchés forains sont un moyen de rendre les produits frais accessibles à tous. »213

Il fait référence au Programme National pour l’Alimentation214 qui, dans ses objectifs de « Faciliter l’accès

de tous à une alimentation de qualité »215 et « Améliorer l’offre alimentaire », encourage les circuits

courts et de proximité et valorise l’introduction de produits locaux dans les restaurants scolaires. En

allant un peu plus loin, les programmes alimentaires valorisent aussi la culture gastronomique française,

récemment inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. En définitive, les circuits courts

sont revêtus de missions diverses et essentielles aux yeux des consommateurs :

« Ce qui est nouveau en termes de qualité avec les circuits courts, c’est que les modalités de qualification concernent un mode de vente. Quelles qualités attribue-t-on au circuit court : celle d’être conforme au développement durable, d’être alternatif, de favoriser la convivialité et le loisir, et presque également d’être plus près de la nature. »216

Cette extension du sens et des vertus attribuées aux circuits courts et de proximité est globale, mais

ce glissement de sens sur les vertus intrinsèques attribuées à une forme de commercialisation laisse

percevoir les effets marketing que de grandes enseignes cherchent déjà à récupérer. Enfin, il est à rappeler

que dans le cas de la région parisienne, les grandes cultures de céréales exigent le recours aux industries

agro-alimentaires, le produit n’étant pas consommé brut. Autrement dit, le développement des circuits à

la fois courts et de proximité engagent une transformation conséquente des types de cultures produites

dans la région.

213. LION Yves, chantier 2, p.156214. Le Programme natinal pour l’alimentation a été présenté par le gouvernement en septembre 2010 dans un objectif de garantir une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement et d’établir un nouveau pacte social entre le conssommateur et le producteur.215. MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION ET DE LA PECHE, Le programme national pour l’alimentation, février 2011216. DELFOSSE Claire, Circuits de proximité et gouvernance alimentaire, synthèse finale, Terres en villes, 2010, p.6

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 93

3.2 lacamPagnecadredevie

Alors que la fonction productive des espaces ruraux est son fondement, les fonctions résidentielles et

récréatives, apparues dans les années 1970, sont devenues prépondérantes.

32.1 lafonctionrésidentielle

321.1 accèsPourtousaugrandPaysage

Les résultats de l’enquête menée par Bernard Hervieu et Jean Viard217 nous révèlent que pour une grande

majorité de la population, et y compris parmi les ruraux, la campagne est plus un paysage qu’un espace

productif. Ils en mesurent les conséquences en matière d’aménagement :

« Dire que la campagne est d’abord un paysage et le dire aussi massivement [près de 70 %], c’est poser catégoriquement une inversion des priorités dans l’aménagement de ce qui n’est pas la ville. C’est considérer le travail de la terre comme un élément qui n’a plus toute légitimité à bousculer l’organisation des espaces, c’est affirmer que le spectacle prime sur la production. »218

Finn Geipel assume cette hiérarchie de valeurs qui privilégie le paysage par rapport à la fonction productive,

il considère la fonction symbolique des espaces agricoles de la métropole comme plus importante que

celle de production alimentaire et il affirme que c’est bien à ce titre que la place de l’agriculture doit être

soutenue :

« C’est au niveau des métropoles aussi qu’un regard nouveau est à construire sur la nature. […] Faire revenir l’agriculture au cœur des zones urbaines sera économiquement négligeable, mais symboliquement primordial. »219

Cette préférence pour une agriculture plus symbolique que productive pose la question de sa nature

envisagée : si elle était libérée de ses obligations productives de rentabilité, l’agriculture deviendrait un

217. cf. supra § 113.1218. HERVIEU Bertrand, VIARD Jean, op. cit., p.28219. GEIPEL Finn, chantier 2, p.25

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 9594 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

décor et changerait profondément de visage. Pour Finn Geipel, ce qui différencie l’agriculture des jardins

et espaces verts est moins sa gestion que les types de paysages produits :

« La nature est restée très présente dans nos villes à travers les jardins et les herbes folles - l’artifice ou le parasite. La métropole peut apporter avec ses larges étendues une dimension nouvelle de la nature : le grand paysage déclinant à travers ses différents aspects (agrément, patrimoine, production agricole, etc.) une expérience de la nature à la fois domestiquée et "sauvage". Offrir à chacun l'accès à l'espace naturel près de chez lui ne serait plus alors un postulat, mais une conséquence directe et pratique. »220

La mise en paysage est significative de l’appropriation collective des espaces ruraux par les citadins. Cette

idée que la campagne est un bien commun amène à considérer que ces aménités ne devraient pas être

réservées à quelques uns, que leur gratuité les rendrait accessibles à tous. A l’instar de Finn Geipel, Yves

Lion, Antoine Grumbach et Jean Nouvel relayent cet argument de l’accès pour tous au grand paysage :

« Permettre à chacun d’accéder au grand paysage. La mise en réseau des espaces agricoles et naturels, déjà fortement imbriqués, doit permettre de créer une nouvelle armature naturelle intercommunale. Le paysage francilien est un bien en commun, dont chacun doit pouvoir profiter. »221

« La question de la nature en ville, locale, est devenue indissociable de celle de l’inscription de la ville dans la nature, globale. [Le projet d’un Parc ville nature] assure sa mission clé : pérenniser l’accès des générations futures au milieu naturel. »222

Antoine Grumbach insiste sur le caractère fragile des paysages agricoles et sur l’éventualité de leur

disparition, il met en avant la préservation et la transmission d’un patrimoine commun. Jean Nouvel de

220. GEIPEL Finn, chantier 2, p.17221. LION Yves, chantier 2, p.209222. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.99

son côté observe davantage les inégalités sociales que dessinent les possibilités d’accès au paysage, et

ceci malgré son caractère auto-financé et gratuit.

« [Les espaces agricoles et forestiers] influent positivement sur la santé physique et psychique des habitants. […] Les populations les plus favorisées habitent le plus souvent dans des secteurs où les forêts et les champs agricoles sont présents [...] Ces services sont, en grande partie, offerts gratuitement à la population, financés par la fonction économique de production. »223

Au travers de leurs commentaires relatifs à « l’accès au grand paysage », les différentes équipes du Grand

Paris assimilent l’agriculture à un équipement vert de la métropole. Ses aménités sont appréciées au titre

de leur gratuité, à la différence d’un parc urbain par exemple, les paysages sont le résultat de pratiques

agricoles mais n’en sont pas l’objectif. L’agriculture apparaît alors comme un « service gratuit » auquel

tout le monde a droit, un équipement majeur qui devrait être aussi considéré que l’accès généralisé à la

mobilité par exemple.

223. NOUVEL Jean, chantier 1, p.102

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 97

321.2 formesurbainesetaccèsaugrandPaysage

Deux grands modèles urbains émergent des propositions des équipes au contact entre la ville et les

espaces agricoles : le contour aménagé et la ville linéaire.

Dans le détail de son projet de « lisière »224, Jean Nouvel propose un réseau viaire à la fois concentrique

dans la grande échelle et radial au niveau local. Il file la métaphore littorale et propose un parcours

annulaire autour de la métropole, il prend les chemins des douaniers comme modèle d’espace public

piétonnier, ceux-ci ont été largement aménagés et sont valorisés en tant que sentiers touristiques :

« On peut imaginer qu'à l'instar des chemins de ronde qui offraient des panoramas sur les campagnes environnantes, ou en bord de mer des chemins des douaniers, soient créés des espaces annulaires de promenade autour des villes actuelles. »225

La continuité de la lisière est notamment assurée par une piste cyclable qui fait le tour de l’agglomération.

Dans le sens radial, le projet de Jean Nouvel est au contraire le lieu d’expérimentations entre urbain et

rural, il favorise le cas par cas et propose une transition graduée entre ville et campagne. Il combine

espaces publics et nouveaux programmes pour relier espaces ruraux et urbains, les équipements qu’il

propose (cf. page ci-contre) se déclinent entre bâtiments à vocation agricole (marchés, serres, vergers...)

et espaces récréatifs (sports et loisirs).

« Côté ville, [la lisière] marque la fin d’une frontière. […] Les rues en cul de sac mènent à des espaces partagés. Elles s’en trouvent modifiées en perdant leur statut de rues publiques d’usage privé. Côté campagne, [la lisière] crée un réseau nécessaire à l’accessibilité à ces "champs urbains" et multiplie les opportunités d’invention. »226

224. voir supra § 223.3225. NOUVEL Jean, chantier 1, p.105226. NOUVEL Jean, chantier 2, p.22

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 99

1. de la biodiversité à la socio-diversité

On imagine d’utiliser les nouveaux développements pour définir la marge de certains espaces ouverts de façon à créer des périmètres de mixité qui puissent aider à activer leurs utilisations. L’habitat est une des composantes majeures de la formation du bord: aujourd’hui on trouve des situations très enclavées près des parcs qui constituent plutôt des barrières à l’accès. Pour cette raison notre idée est que le périmètre habité soit conçu comme un « ante-parc », un espace équipé qui non seulement laisse libre accès au parc, mais l’organise. Encore une fois, une forte relation avec le paysage est normalement un élément de valorisation des immeubles qui en profitent. Dans ce sens le projet utilise cette potentialité de valorisation pour introduire une mixité sociale et fonctionnelle dans des parties de l’agglomération qui sont aujourd’hui parmi les plus pauvres. Le travail sur les rives est imaginé aussi comme une occasion d’enrichir le système écologique: des paysages différents peuvent être organisés en suivant les micro conditions locales: de l’eau, du relief, des parties de wetlands propres à collecter les eaux pluviales des aires de logements, de petites forêts de production de biomasse. La diversité des paysages est aussi liée à la diversité de ses usagers: des lieux différenciés peuvent être attractifs pour des gens différents : des jeunes, des personnes âgées, des enfants, des gens en groupe, des personnes seules... La bio-diversité devient le catalyseur de la socio-diversité.

102 103

Au travers des « périmètres habités », Bernardo Secchi fait une proposition comparable à la « lisière » de

Jean Nouvel227, il propose lui aussi de stimuler les liens entre rural et urbain au moyen d’une épaisseur

qualifiée. Des programmes à caractère plus ou moins rural se juxtaposent pour offrir un espace de

transition de la ville vers la campagne (cf. page ci-contre), ainsi les « jardins potagers » sont des lieux

d’activité agricole pratiqués par des urbains tandis que dans le même temps, la typologie des nouveaux

équipements et logements leur permet de s’orienter vers le paysage agricole. Au contact de la ville et

de l’agriculture, la « porosité » des « périmètres habités » est assurée par de vastes « pelouses » qui

s’introduisent au pied des immeubles et des équipements, ces espaces ouverts à la fois urbains et naturels

font le lien entre espaces ruraux et urbains, ils sont présentés comme neutres (cf. illustration ci-bas).

Le projet est accumulatif, il s’adapte et se déforme selon les situations rencontrées, ainsi le traitement

du « périmètre habité » est envisagé différemment selon qu’il rencontre grands ensembles, zones

pavillonnaires ou équipements :

« Une forte relation avec le paysage est normalement un élément de valorisation des immeubles qui en profitent. Dans ce sens le projet utilise cette potentialité de valorisation pour introduire une mixité sociale et fonctionnelle dans des parties de l’agglomération qui sont aujourd’hui parmi les plus pauvres. »228

On remarque que ni la « lisière », ni le « périmètre habité » n’envisagent d’inclure l’activité agricole

à l’intérieur de l’agglomération, la limite est épaisse mais précise, les territoires urbains et ruraux se

distinguent.

227. voir supra § 223.4228. SECCHI, chantier 2, p.103

1. de la biodiversité à la socio-diversité

On imagine d’utiliser les nouveaux développements pour définir la marge de certains espaces ouverts de façon à créer des périmètres de mixité qui puissent aider à activer leurs utilisations. L’habitat est une des composantes majeures de la formation du bord: aujourd’hui on trouve des situations très enclavées près des parcs qui constituent plutôt des barrières à l’accès. Pour cette raison notre idée est que le périmètre habité soit conçu comme un « ante-parc », un espace équipé qui non seulement laisse libre accès au parc, mais l’organise. Encore une fois, une forte relation avec le paysage est normalement un élément de valorisation des immeubles qui en profitent. Dans ce sens le projet utilise cette potentialité de valorisation pour introduire une mixité sociale et fonctionnelle dans des parties de l’agglomération qui sont aujourd’hui parmi les plus pauvres. Le travail sur les rives est imaginé aussi comme une occasion d’enrichir le système écologique: des paysages différents peuvent être organisés en suivant les micro conditions locales: de l’eau, du relief, des parties de wetlands propres à collecter les eaux pluviales des aires de logements, de petites forêts de production de biomasse. La diversité des paysages est aussi liée à la diversité de ses usagers: des lieux différenciés peuvent être attractifs pour des gens différents : des jeunes, des personnes âgées, des enfants, des gens en groupe, des personnes seules... La bio-diversité devient le catalyseur de la socio-diversité.

102 103

forêt

buissons

pelouse

jardins potagers

agriculture

wetland

eau

104105

Page 51: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 101

Le second modèle revendiqué est celui de la ville linéaire, Yves Lion et Antoine Grumbach (cf. page ci-

contre) valorisent les effets de proximité et de multipolarité de ce modèle, les vertus de son absence de

centralité qui mettrait fin aux inégalités socio-spatiales centre/périphérie et sa capacité à offrir des accès

à la campagne et aux espaces verts229 :

« La vision d’une ville linéaire permet d’imaginer un accès plus immédiat aux différentes fonctions, à la fois locales et métropolitaines. La proximité avec le paysage, la forêt ou l’agriculture devient plus évidente. Les espaces naturels ne sont plus des territoires en attente d’urbanisation. Ils deviennent des lisières, qui entrent en dialogue direct avec la ville. »230

« Ici, dans l'alternance entre urbanisations, forêts, espaces industriels et ruraux,

l'agriculture ouvre de grandes plaines, des bocages, des jardins… »231

Chacun de ces deux projets décline ensuite des formes de résidentialisation qui bénéficiraient de cette

double appartenance aux espaces ruraux et urbains. Le schéma que présente Antoine Grumbach (cf.

illustration ci-contre en haut) ne met pas en avant les formes d’agriculture que cette urbanisation linéaire

impliquent mais il présente cet effet de limite intermédiaire négociée entre rural et urbain. Yves Lion

(cf. illustrations ci-contre en bas) met en avant le paysage dont pourraient bénéficier des logements qui

s’installeraient en limite de territoire agricole. On remarque qu’ici aussi (comme pour Jean Nouvel et

Bernardo Secchi), des espaces publics piétons à l’interstice entre ville et campagne font le lien et se

présentent comme de vastes promenades paysagères.

229. ALLAIN Rémy, « Formes urbaines et mobilités Vers un retour à la ville linéaire?», Les nouvelles périphéries urbaines. Formes, logiques et modèles de la ville contemporaine, Presses universitaires de Rennes, 2010230. LION Yves, chantier 2, P.179231. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.103

Le Grand

Pari 2009 >

Eq

uipe A

ntoine G

rumb

ach & A

ssociés

Février 2009 > 84

Ville nature

ville linéaire selon antoine grumBach

178

LA VILLE LINÉAIRE ET LA CONSTRUCTION DES PROXIMITÉSL’URBANISATION LINÉAIRE PERMET DE PROMOUVOIR DES EFFETS DE PROXIMITÉ À PLUSIEURS ÉCHELLES, SI ELLE S’ACCOMPAGNE TOUTEFOIS D’UNE NOUVELLE RÉFLEXION PROGRAMMATIQUE AFIN DE FAIRE ÉMERGER, AUTOUR DES RÉSEAUX, DES CENTRALITÉS MÉTROPOLITAINES VÉRITABLES ACCUEILLANT DES PROGRAMMATIONS MAJEURES ET VARIÉES. L’ÉMERGENCE DE CES CENTRALITÉS LINÉAIRES DOIT S’ACCOMPAGNER DE L’ÉMERGENCE D’UNE VILLE RÉSIDENTIELLE, TOURNÉE PLUS DENSÉMENT VERS CE NOUVEAU CŒUR, ET DE L’AUTRE COTÉ VERS L’IMMÉDIATE PROXIMITÉ DES ESPACES FORESTIERS OU AGRICOLES. L’ADÉQUATION ENTRE UNE VILLE DES PROXIMITÉS ET DE LA MOBILITÉ, QUI FAIT LA QUALITÉ DU TISSU PARISIEN, EST TRADUIT ICI DANS UNE CONFIGURATION NOUVELLE, QUI PREND LA MESURE DES RÉSEAUX. ELLE PERMET DE CONCENTRER SUR UN ESPACE D’ÉCHELLE HUMAINE LES DIFFÉRENTES FONCTIONS ET L’ACCESSIBILITÉ À DES TRANSPORTS D’ÉCHELLE RÉGIONALE.

179

� Inventer les villes des proximités

La ville en fuseaux propose d’articuler le développement urbain de manière beaucoup plus conséquente autour des réseaux, en s’appuyant sur les polarités existantes. La vision d’une ville linéaire permet d’imaginer un accès plus immédiat aux différentes fonctions, à la fois locales et métropolitaines. La proximité avec le paysage, la forêt ou l’agriculture devient plus évidente.

Les espaces naturels ne sont plus des territoires en attente d’urbanisation. Ils deviennent des lisières, qui entrent en dialogue direct avec la ville. L’accès aux différentes centralités d’échelles intermédiaires ou métropolitaines en sera également facilité.

Les polarités existantes, situées sur les réseaux, doivent être densifiés pour accueillir de nouvelles programmations commerciales, économiques ou culturelles. Elles constitueront les lieux d’articulation entre le réseau métropolitain global et des bassins de vie locaux, irrigués par des mobilités intermédiaires (réseaux de bus, tram, circulations douces) dont l’enjeu reste trop souvent délaissé.

ville linéaire selon yves lion

Le Grand Pari 2009 > Equipe Antoine Grumbach & Associés Février 2009 > 84

Ville nature

vue aérienne de la ville linéaire discontinue

113© BARBIER, BEAUDON, CAUCHY, GADY DSA ARCHITECTE-URBANISTE, EAVT 2009

face au Plateau Boisé

113© BARBIER, BEAUDON, CAUCHY, GADY DSA ARCHITECTE-URBANISTE, EAVT 2009

face au reBord de coteau

Page 52: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 103

321.3 touteslesculturesnefontPasPaysage

La transformation du visage de la ville qui regarde vers ses campagnes environnantes est un premier pas

vers leur réconciliation, le second va dans l’autre sens : de la campagne vers la ville. On observe alors que

toutes les formes d’agricultures ne s’équivalent pas dans leur capacité à qualifier les paysages ruraux.

L’iconographie présentée par les équipes ne correspond pas aux plateaux céréaliers du bassin parisien qui

sont pourtant la réalité de la production régionale, c’est une image bucolique de la campagne composée

de maraîchages et plantée de vergers fruitiers qui est abondamment figurée. C’est une représentation

héritée des paysages peints par les impressionnistes du XIXe siècle, le choix des images par les équipes

de la Consultation du Grand Paris montre particulièrement bien ces influences : Finn Geipel illustre le

grand paysage avec une peinture de Gustave Caillebotte (cf. illustration ci-contre), il considère en termes

récréatif et environnemental l’atout que constituent ces paysages ruraux pour la métropole parisienne :

« Les habitants des grandes métropoles considèrent souvent les grands espaces verts intra-muros, la proximité des forêts et de campagnes pratiquant la polyculture comme un atout précieux de la ville. S’ils sont organisés et gérés de façon cohérente, ces espaces verts serviront à la fois à la conservation de la biodiversité et aux loisirs. »232

De la même façon, le jeu des photomontage « avant/après » de l’équipe d’Yves Lion (cf. photos ci-

contre) valorise clairement les cultures maraîchères par rapport aux labours céréaliers, il considère que

l’agriculture maraîchère est capable de répondre aux demandes de paysage des urbains :

« L’agriculture périurbaine, longtemps la plus fragilisée, redevient un sujet et acteur potentiel des stratégies de recomposition du paysage. »233

232. GEIPEL Finn, chantier 2, p.45233. LION Yves, chantier 2, p.225

220

VIGNEUX-SUR-SEINE, LA SAUSSAIE DES GOBELINS

221

DÉVELOPPER L’AGRICULTURE URBAINE

"Le Pave de Chailly", Claude Monet 1865

"La plaine d'Argenteuil" Gustave Caillebotte, 1888

Grand paysageIl existe dans les zones tampon entre l’urbain et le péri-urbain des remparts virtuels faits de forêts de panneaux publicitaires, centres commerciaux et stations service. L’approche de Paris par Stains ou par Juvisy ressemble au parcours du combattant aux yeux fatigués. Ailleurs, aux abords de la forêt de Saint-Germain en venant Mantes-la-Jolie, un paysage cohérent accom-pagne le voyageur presque jusqu’au pont de Sèvres. La cohérence d’un grand paysage n’est pas réservée aux campagnes lointaines. Les champs de blé d’Auvers sur Oise avec les corbeaux de van Gogh s’accordent bien avec un tronçon de navigation grand gabarit, une zone d’activité ou une voie rapide au loin. Mais il faut envisager ces cohérences paysagères avec les yeux, l’esprit et le coeur plus grands que ne l’exige le zonage à la petite semaine.

La plaine d'ArgenteuilGustave Caillebotte, 1888 La pLaine d’argenteuiL, gustave Caillebotte, 1888

Page 53: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 105104 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Par ailleurs, Yves Lion observe que les forêts franciliennes sont « sanctuarisées par l’action conjointe de la

réglementation et d’une certaine tradition de l’aménagement »234. Sur ce principe, Jean Nouvel envisage

de rapprocher l’agriculture urbaine des espaces boisés pour les maintenir :

« Le grand Paris contient des pièces de nature de très grande dimension. […] En les sacralisant, en accueillant sur leurs franges la densité, en développant des linéaires d’interface nature/bâti, elles peuvent devenir autant de "Central Park", de grandes étendues de forêt ou de champs, de jardin ou de campagne au cœur de la ville, offertes à l’usage et à la vue du plus grand nombre. »235

L’emblème de Central Park - nature sanctuarisée au coeur de la grande métropole - rapproché de la

campagne prête à imaginer les plus forts contrastes. L’iconographie présentée dans la Consultation

montre cette juxtaposition de paysages et les possibilités d’évolution et d’adaptation de l’activité agricole

aux portes de la ville. A plusieurs reprises (cf. illustrations ci-contre) sont mis en avant des paysages de

culture présentés comme anciens et traditionnels - la haie et l’élevage dans la photographie d’Antoine

Grumbach, les cultures maraîchères dans celle de Bernardo Secchi - avec en second plan des éléments

révélant la proximité d’une très grande métropole (grands ensembles, lignes de haute tension, etc.). Finn

Geipel commente cette possibilité de conjuguer les nécessités de la métropole avec celles de l’agriculture :

« La cohérence d’un grand paysage n’est pas réservée aux campagnes lointaines. Les champs de blé d’Auvers sur Oise de Van Gogh s’accordent bien avec un tronçon de navigation grand gabarit, une zone d’activité ou une voie rapide au

loin. »236

En effet, sur certains territoires l’agriculture s’est maintenue en conséquence d’une inconstructibilité ou

de la proximité de nuisances rendant ces terrains impropres à l’habitat. Le maintien de l’agriculture sous

les couloirs de bruit des aéroports parisiens illustre les possibilités de complémentarité d’occupation.

234. LION Yves, chantier 2, p.219235. NOUVEL Jean, chantier 1, p.184236. GEIPEL Finn, chantier 2, p.78

32.2 favoriserlafonctionrécréative

Considéré comme un cadre de vie de qualité, le monde rural est cependant plus qu’un spectacle à offrir

aux urbains, c’est aussi le lieu d’activités de loisirs particulières. Pour l’équipe de Jean Nouvel qui mise sur

les usages pour valoriser les liens entre urbain et rural, les nouveaux programmes se déclinent dans une

grande variété qui reste encore souvent à inventer :

« Il s’agit bien moins d’offrir une « jolie campagne » utopique et mièvre, que de concilier là des pratiques et des usages qui font défaut dans chacun des deux mondes. Leur répertoire devient ainsi très ouvert. Que l’on évoque les pratiques des citadins qui profitent de la campagne pour se promener et s’aérer [...] ou leur désir de jouir d’un lopin de terre. »237

322.1 diversifierl’activitéagricole

Très éloignés des réalités des modes de production de l’espace rural et de l’agriculture, les citadins

s’intéressent pourtant à la provenance des produits qu’ils consomment et veulent rendre signifiants les

paysages qui s’offrent à leurs yeux. Antoine Grumbach engage les urbains à parcourir les territoires de

l’agriculture, il propose des parcours piétonniers pour rendre intelligibles et sensibiliser les citadins au

monde agricole :

« Des parcours piétons et cyclistes de Paris au Havre - l’un le long du fleuve, l’autre en limite du rebord des plateaux. Ces parcours ponctués de haltes, à la fois tables d’orientation et lieux d’information [...] Objets uniques toujours différents, associés à des parcours d’agriculture maraîchère traversant les villes

et les villages. »238

Le loisir est considéré comme un vecteur de sensibilisation et un moyen de lecture du monde agricole

pour les urbains.

237. NOUVEL Jean, chantier 2, p.21238. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.16

46 4746 47

2.2 La métropole du XXIème siècle de l’après-Kyoto: scénario 1 une situation énergétique 100% durable

Cahier 2 : Livret 04 Décembre 2008 > 19Ministère de la Culture et de la Communication. EMOC Etablissement Public de Maîtrise d’Ouvrage des Travaux CulturelsLe Grand Pari de l’Agglomération Parisienne / Deuxième rendu intermédiaire des 3 chantiers / Antoine Grumbach & Associés document provisoire

i – Pour un autre développement urbain

4. Agriculture urbaineFrédérique de Gravelaine

Effet de l’urbanisation de la planète, déjà un milliard d’humains se nourrit grâce à l’agriculture urbaine. Par exemple, San Francisco trouve dans un périmètre de 100 km de quoi assurer 35% de son alimentation. En France, la population périurbaine poursuit sa croissance, en particulier dans les petites communes4 et l’espace rural sous influence urbaine représente un tiers du territoire national. Selon la définition INSEE, l’agriculture périurbaine ou urbaine représentait en 2000 44% des exploitations nationales, 41% de la superficie agricole utilisée.

Parler d’agriculture « urbaine » suppose un certain déplacement par rapport aux travaux développés dès les années 1990 par Donnadieu et Fleury sur l’agriculture « périurbaine » : la ville dense, la périphérie et la campagne habitée sont dorénavant abordées comme participant à un même ensemble, une métropole. Les objectifs se sont également étoffés : vouloir conserver des espaces en tant qu’ « infrastructures vertes ouvertes à tous » afin d’équilibrer les masses urbaines et de garantir un cadre de vie et des paysages de qualité aux habitants de la ville élargie, a conduit à voir l’espace agricole comme « un bien commun » puis comme un « territoire de projet ». Donc à construire des liens, à l’échelle métropolitaine.

interdépendances, solidarités

La situation de l’agriculture est paradoxale : la valeur de ses produits augmente alors même que la pression de l’étalement urbain sur le foncier la fragilise. La valeur de l’hectare agricole étant sans commune mesure avec celle du mètre carré constructible (à l’exception rare de quelques parcelles de grands crus bordelais ou de champagne), les Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, créées en 1960 pour traiter les achats et ventes de propriétés agricoles) n’ont pas les moyens de lutter contre ces disparités et les producteurs eux-mêmes sont tentés d’asseoir leur retraite sur une vente foncière. Conforter l’activité agricole devient un enjeu essentiel, pour des raisons en partie contradictoires : afin qu’elle reste une composante essentielle de l’économie mais aussi pour ses valeurs urbaines – environnementales, économiques, sociales, culturelles, récréatives. « Il s’agit d’intégrer deux dimensions jusqu’ici totalement séparées, celle des conditions de la viabilité économique d’une filière productive et celle de la maîtrise d’espaces complexes, sur lesquels doivent se conjuguer plusieurs usages », résume Alain Rouillard, consultant étant en particulier intervenu à Aubagne. Changement de paradigme, la logique urbaine doit prendre en compte les composantes de l’espace rural – qui cesse d’être conçu comme « vide ». Michel Corajoud invite à voir la campagne comme « le monument de la ville » ; Bernardo Secchi parle de « ne plus penser la ville et sa périphérie mais penser le territoire –dont la ville ».4 Selon le recensement 2004-2005, les communes rurales (moins de 2 000 habitants) ont progressé plus forte-ment que les aires urbaines, croissance plus soutenue surtout dans les villages de moins de 500 habitants.

Alternance ville - Campagne

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 107106 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Yves Lion de son côté insiste sur l’effort de pédagogie que les exploitants agricoles pourraient fournir aux

consommateurs urbains. Il considère qu’une meilleure compréhension de leur travail les légitimerait et

renforcerait leur place à la fois dans la société et sur leurs territoires :

« Faire reconnaître la valeur environnementale, culturelle, paysagère et récréative du territoire, c'est permettre sa connaissance, assurer son respect et encourager son partage. Les pratiques rurales devraient être expliquées aux citadins, et l'agriculture intégrée dans le projet urbain des communes. »239

Face à la pression urbaine et à la montée d’une demande urbaine de nature, une option qui s’engage

pour les agriculteurs est une diversification de leur activité, Yves Lion évoque les activités de cueillette à

la ferme (cf. carte ci-contre) qui se développent en Ile-de-France :

« Les activités de cueillette et de fermes ouvertes pourraient être développées. L’exemple du réseau d’agriculteurs "Bienvenue à la ferme" est à souligner. Cette offre privilégie un tourisme d’échange et de proximité au travers duquel les agriculteurs transmettent leur passion, proposent de visiter leur exploitation et offrent ainsi une transparence sur les pratiques agricoles. »240

Ces activités complètent voire remplacent des formes d’activité agricole traditionnelles, la diversification

des activités pour une exploitation à proximité de la métropole parisienne est une forme d’adaptation à

son contexte particulier. L’expérience montre que la diversification les rend plus résistants aux pressions

foncières de l’urbanisation :

« Dans une société où l’agriculture ne cesse de perdre des emplois, les exploitations agricoles qui pratiquent le tourisme à la ferme, la vente directe et la transformation de produits fermiers ou encore des prestations de service freinent légèrement ce mouvement en mobilisant plus d’emplois par exploitation que les autres. »241

239. LION Yves, chantier 2, p.203240. LION Yves, chantier 2, p.231241. CAPT Danièle, DUSSOL Anne-Marie, « Exploitations diversifiées : un contenu en emploi plus élevé », Cahiers de l’Agreste, n°2, mars 2004, p.11

S’ouvrir aux loisirs et au tourisme vert représente pour les exploitants agricoles une opportunité

économique quand la pression urbaine détériore leurs conditions de travail et tandis que la population

urbaine qui les avoisine détient un pouvoir économique fort. Mais c’est aussi une transformation profonde

du métier vers laquelle tous les agriculteurs ne peuvent ou ne souhaitent s’engager :

« Remise en cause dans sa dimension productive, [l'activité agricole] est instrumentalisée par une demande urbaine de nature […] Les agriculteurs sont confrontés aux réalités technico-économiques de leurs exploitations et à la maîtrise du foncier. Les [transformations] de la profession rendent peu probable une adhésion massive des agriculteurs périurbains au schéma conceptuel de la multifonctionnalité. »242

Cette transformation du métier d’exploitant agricole est récente, et les écoles d’agronomie - en particulier

en Ile-de-France243 - s’ouvrent désormais aux questions du tourisme rural. Ainsi ce sont essentiellement

les nouvelles générations qui n’envisagent plus ces pratiques comme une reconversion mais bien comme

un volet à part entière de la profession.

322.2 cultiversoimême

Les activités de jardinage connaissent un fort regain d’intérêt si on en juge par le dynamisme des

commerces spécialisés et la mise en culture d’interstices urbains : parcelles non construites, toitures,

cours d’immeubles…

« Voilà que, depuis quelques années, les jardins sont de retour, s’inventent de nouvelles formes, s’étendent jusqu’au centre des villes, lorgnent même du côté des ronds-points pour prendre racine. »244

242. BERTRAND Nathalie, « Quelle contribution de l’agriculture périurbaine à la construction de nouveaux territoires : consensus ou tensions ? », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n°3, 2006, p.330243. DANIEL Vincent, « La Bergerie nationale, vers une cité du développement durable », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.292244. CHRETIEN Didier, « Jardins en partage », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.285

59

� Le grand paysage comme vecteur de fabrique métropolitaine

Travailler le paysage à grande échelle pour relever le défi climatique permet d’envisager une nouvelle stratégie de planification, qui privilégie le contenant (les espaces naturels et agricoles) plutôt que le contenu. Dès lors, ces espaces naturels deviennent l’armature principale du projet, et le paysage a un rôle of-fensif plutôt qu’il n’incarne une simple valeur à sanctuariser

Révisons les règlements qui se sont progressivement agglomérés au paysage jusqu’à devenir totalement incompréhensibles, inapplicables et contre-produc-tifs : le grand paysage peut devenir matière à projet.

REPÉRAGES DES FERMES OUVERTES, CUEILLETTES ET MAGASINS DU TERROIR EN ILE DE FRANCErePérage des fermes ouvertes, cueillettes et magasins du

terroir en ile-de-FranCe

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 109108 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Cette tendance n’a pas échappé aux équipes de la Consultation du Grand Paris : Yves Lion s’inspire des

expériences des « jardins partagés » de la capitale parisienne245 et propose d’étendre cette activité à

l’ensemble de la métropole parisienne :

« La formule des jardins partagés parisiens doit être étendue à toute l'Ile-de-France […] N'importe quelle parcelle non bâtie, publique ou non, puisse être plantée et aménagée en jardin par des habitants du quartier sans démarches excessives. La durée d’occupation ne serait plus limitée. »246

Dans un contexte où l’accès au foncier est très limité par son prix, les jardins partagés sont l’occasion pour

des urbains d’expérimenter leur rapport à la terre, mais on observe en effet que la formule des jardins

partagés trouve ses limites aux marges de la métropole où d’autre formes prennent alors le relais. Sur le

mode communautaire, ce sont davantage des jardins familiaux ou ouvriers qui se développent dans les

premières couronnes de la région parisienne, et dans ce cas le rythme de rotation des occupants est assez

faible. Plus loin, ce sont davantage des activités d’urbains qui sont parfois prêts à investir beaucoup dans

ces activités agricoles de plaisance :

« Le hobby farming […] privilégie les plaisirs de l'agriculture ou du jardinage par rapport à sa rentabilité économique. […] Il s'agit, par exemple, des élevages liés aux sports équestres ou aux animaux de compagnie (ânes, poneys), ou bien des vergers des résidences principales ou secondaires. [Ces activités] concernent des groupes sociaux à fort capital culturel, très sensibles aux charmes de leurs lieux de résidence rurale. »247

245. A Paris, les premiers jardins partagés sont des initiatives individuelles. En 2002, devant le succès de ces parcelles mises en culture le temps d’une vacance d’occupation, entre une démolition et une mise en chantier effective, la municipalité met en place la cellule Mains vertes. Celle-ci accompagne les habitants, une fois regroupés en association, à mettre en place un jardin partagé, elle signe avec eux une convention - qui inscrit notamment la durée d’occupation du terrain - et leur offre une aide logistique.246. LION Yves, chantier 2, p.203247. DONADIEU Pierre, FLEURY André, « La construction contemporaine de la ville-campagne en Europe », Revue de géographie alpine, n°4, 2003, p.23

L’abandon des terres qui ne sont plus rentables pour les agriculteurs peut être une aubaine pour ces activités

de loisir, ils prennent parfois le relais pour maintenir une activité et le paysage qui s’y associe. Les jardins

potagers parisiens occupent des parcelles de petite taille et l’occupation verte de ces « dents creuses »

est perçue comme une valorisation à moindre frais. Mais David Mangin observe le développement de ce

phénomène avec une certaine méfiance, il considère que la préservation d’une activité agricole dans la

métropole doit toujours être critiquée :

« L’évocation de la présence de la nature dans la ville, séduisante a priori, pertinente parfois, inverse la formule séculaire de la ville à la campagne, avec comme risque celui d’empêcher de manière quasi irréversible l’urbanisation et la densification de terrains stratégiques pour la redynamisation des faubourgs. »248

248. MANGIN David, op. cit., p. 344

Page 56: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 111

3.3 lacamPagnenature

La « campagne nature » renvoie à une conception des espaces ruraux comme « lieu de fabrication de

la nature »249. Philippe Perrier-Cornet indique que la montée en puissance de cette figure correspond à

la place grandissante du développement durable dans les différentes sphères de la société et observe

qu’elle deviendra décisive pour la gestion future des espaces ruraux250. Vue sous cet angle, les équipes du

Grand Paris envisagent l’agriculture comme une activité capable d’assurer trois fonctions principales : la

préservation des habitats naturels, la santé humaine, la prévention des risques.

33.1 Préserverleshabitatsnaturels

331.1 corridorsécologiques

Jean Nouvel rappelle l’importance des surfaces qu’occupe l’agriculture sur le territoire francilien :

« Le territoire francilien est composé de 80% d’espaces naturels et ruraux dont plus de 50% de terres agricoles et 23% de forêts. »251

Cette constatation fait de l’agriculteur un acteur majeur de la gestion de la biodiversité, les terres cultivées

sont prises dans un vaste système d’espaces ouverts au contact des surfaces boisées et des zones

naturelles. Elles sont des relais aux réserves et niches écologiques d’un territoire, en tant qu’espaces

ouverts elles permettent les passages migratoires de la faune. Jean Nouvel met en avant cette fonction et

la complexité de son fonctionnement :

« Il est indispensable d'avoir une approche globale et systémique de ces espaces et de les analyser en termes de systèmes en s'intéressant non seulement aux espaces entre eux mais aux relations et liaisons entre ces espaces. »252

249. PERRIER-CORNET Philippe (Dir.), op. cit., p.13250. Ibid., p. 17251. NOUVEL Jean, chantier 1, p.100252. Ibid., p.103

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 113112 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Les zones agricoles et leur rôle dans ce réseau sont l’objet d’une attention renouvelée. En effet, le

machinisme agricole a profondément transformé les territoires et a détruit de nombreux habitats

naturels, les grandes monocultures ont considérablement réduit la diversité biologique de la flore, de la

faune et des sols253. A titre d’exemple, les haies qui ont été supprimées pour permettre le passage des

engins agricoles étaient le refuge de nombreuses espèces d’oiseaux, insectes et petits mammifères, la

destruction de leur habitat a réduit ces populations et ceci a eu des conséquences sur la chaîne alimentaire

et donc sur d’autres espèces. Selon des objectifs différents de ceux qui prévalaient à leur composition et

à leur entretien habituels, Jean Nouvel encourage les agriculteurs à recréer ces aménagements :

« Il s'agit de préserver la biodiversité des espaces de nature ordinaire par des pratiques agricoles ou forestières adaptées, mais aussi de recréer de la biodiversité par des actions localisées de génie écologique [mise en valeur de talus, lisières, bords de routes, haies, petits bois, mares, cours d'eau]. La mise en valeur de la biodiversité ne se réfère pas à une vision passéiste mais, bien au contraire, demande un surcroît de connaissances et de technicité. »254

L’objectif de préservation des habitats naturels a amené urbanistes, paysagistes et écologues à s’intéresser

à des techniques agricoles anciennes en milieu rural. Mais les espaces ouverts des zones périurbaines ont

aussi été reconnus comme le lieu d’une grande biodiversité qui intéresse de plus en plus les spécialistes.

Antoine Grumbach met en avant leur rôle comme structures permettant à de nombreuses espèces

animales de pénétrer les territoires urbains. En particulier, les territoires de l’agriculture périurbaine sont

valorisés pour leur participation aux échanges migratoires entre ville et campagne. :

« Il existe des fonctionnements écologiques dans l'espace des villes et des campagnes qui méritent intérêt alors même qu'ils ne sont pas conformes aux canons esthétiques, moraux ou économiques. L'importance des échanges migratoires et génétiques au sein des populations animales [...] commence à être mieux reconnue. Constituer des mailles écologiques associant plusieurs

253. SERREAU Coline, Solutions locales pour un désordre global, Film documentaire, couleur, 1h53mn, 2010254. NOUVEL Jean, chantier 1, p.108

espaces protégés à des corridors permettra de mieux les intégrer aux projets de territoire. »255

La prise en compte de l’environnement a engagé urbanistes et aménageurs à développer des solutions

pour le maintien des corridors écologiques et passages migratoires. C’est dans cette logique que Nouvel

s’intéresse (cf. schéma ci-contre) aux passages à faune qui accompagnent désormais les nouvelles voies

routières.

331.2 laqualitéécologiquevaloriselesterritoires

La protection écologique des territoires ruraux confirmerait l’adage selon lequel il serait plus sain de vivre

à la campagne qu’en ville. L’affirmation de Jean Nouvel fait le lien entre la protection des espaces naturels

et la qualité de l’habitat pour les populations résidentes :

« Il apparaît de plus en plus évident que le cadre de vie humain et le fonctionnement des territoires ruraux dépendent de la valeur écologique des espaces concernés. »256

La protection de la biodiversité engage des notions d’adaptation aux particularismes des populations

animales et végétales concernées. Bernardo Secchi aborde la protection des habitats naturels sous l’angle

de la diversité de paysages qu’elle préserve et à laquelle l’agriculture francilienne participe : plaines

céréalières, vergers, forêts… Il envisage cette mosaïque de paysages au travers des différents usages et

usagers auxquels ils pourraient correspondre, pour lui la multifonctionnalité et la diversité biologique des

territoires ruraux renvoient à une diversification sociale :

« Le travail sur les rives est imaginé comme une occasion d’enrichir le système écologique : des paysages différents peuvent être organisés en suivant les micro conditions locales. [...] La diversité des paysages est aussi liée à la diversité de ses usagers : des lieux différenciés peuvent être attractifs pour des gens différents :

255. GRUMBACH Antoine, chantier 2, p.98256. NOUVEL Jean, chantier 1, p.100

1�� jean nouvel / arep / michel cantal-dupart le grand pari de l’agglomération parisienne 3 décembre 2008

La structure de l’ouvrage permet la mise en place d’un substrat naturel (sol vierge d’une épaisseur

de 30 cm et 20 cm au maximum d’humus pour les surfaces « végétalisées ») mais la diversification

des substrats (sable, gravier, argile, humus) peut aussi permettre la fonctionnalité du passage en

particulier pour les invertébrés.

Enfin, l’efficacité d’un passage à faune va dépendre fortement de la protection contre les

dérangements d’origine humaine. Cette protection doit être assurée contre des causes multiples

(bruit de la route, vision des véhicules en mouvement, impact des phares, dérangement par des

promeneurs, des chiens, clôtures, etc.). Les passages à faune et leurs abords immédiats doivent

en principe être fermés au public (dérangement, perturbations olfactives, etc.) et interdits à la

chasse.

Représentation schématique d’un passage à faune et des aménagements connexes à mettre en

place pour son fonctionnement.

© Gottlieb DANDLIkER & Patrick DURAND, 2000rePrésentation schématique d’un Passage à faune

et des aménagements connexes

Page 58: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 115114 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

des jeunes, des personnes âgées, des enfants, des gens en groupe, des personnes seules... La bio-diversité devient le catalyseur de la socio-diversité. »257

Cette volonté de favoriser l’accès à des territoires de qualité à un plus grand nombre renvoie au projet de

démocratiser l’accès au grand paysage258, l’accès à des espaces ruraux de qualité écologiques et paysagère

ne doit pas être discriminant.

33.2 santédesurbains

332.1 l’alimentationdesurbains

Les crises alimentaires qui surgissent depuis les années 1990 (la maladie de la vache folle, le poulet à

la dioxine, la bactérie E. coli...) ont été très médiatisées et ont rendu les consommateurs méfiants par

rapport à leur alimentation. L’origine et les modes de fabrication de nombreux produits sont mal connus,

les distances se creusent entre producteurs et consommateurs lesquels leur reprochent les excès de

l’agriculture productiviste. Dès lors, des changements de comportements sont perceptibles au travers des

choix alimentaires :

« Le comportement des consommateurs évolue. Ils veulent savoir ce qu’ils mangent, ils sont vigilants, se préoccupent de leur santé et de l’éthique (application des normes, principe de précaution, OGM, règles de traçabilité, respect de la chaîne du froid, produits bios, alimentation moins carnée, respect des productions de saison). »259

Conséquence de ces préoccupations, la consommation de produits bio connaît une forte croissance,

en particulier chez les Franciliens qui se révèlent plus attentifs à ces préoccupations et disposent d’un

pouvoir d’achat plus élevé que la moyenne nationale. Ces aliments étant souvent vendus plus chers que

ceux issus des circuits conventionnels, les meilleures plus values attendues représentent une opportunité

257. SECCHI, chantier 2, p.103258. voir supra § 321.2259. DE BIASI Laure, FAGUER Elisabeth, THEVENOT Laure, « Nourrir 12 millions de Franciliens, un défi au quotidien », Note rapide, n°535, IAURIF, février 2011, p.4

financière pour les agriculteurs, en particulier ceux dont les terres sont menacées par l’extension urbaine.

Dans ce contexte, l’intérêt pour les filières d’agriculture biologique et les circuits de proximité pourraient

avantageusement être croisées :

« Dans la représentation du consommateur, bio évoque aussi proximité, notamment géographique ce qui n’est pas nécessairement le cas. […] En effet, en raison du déficit de production locale ou nationale, ils peuvent provenir d’autres pays (d’Europe ou non). Dès lors, l’intérêt de s’approvisionner avec de tels produits perd une partie de son sens. »260

En tant que démarche globale, les préoccupations environnementales ont complexifié les critères

d’achat : la réduction des transports et une préférence pour une agriculture plus locale261 s’inscrivent en

complément de pratiques agricoles plus économes en produits phytosanitaires.

332.2 lesressourcesnaturelles

Dans une optique environnementale, les pratiques agricoles sont également envisagées pour les effets de

cette activité sur les ressources naturelles. A titre d’exemple, la réduction des intrants chimiques dans la

production agricole a des effets sur le produit agricole consommé mais aussi sur les nappes phréatiques

et donc sur la qualité de l’eau consommée par les urbains. Les équipes du Grand Paris soulignent l’intérêt

des techniques agricoles qui agissent en faveur de l’environnement :

« Ajuster la production agricole pour minimiser les pertes de nitrogènes des nappes phréatiques. Réduire les émissions de phosphore des champs en eau de surface par le contrôle de l’érosion et des zones tampon. »262

Ces indications relèvent des compétences d’un agronome ou d’un biologiste mais sont assez éloignées

de celles d’un architecte ou même d’un paysagiste. On peut en déduire que l’orientation des techniques

vers une agriculture plus économe en produits phytosanitaires fait largement consensus. On l’observe

260. LEBEL Antoine, « Utopie et réalité de l’approvisionnement de masse en produits locaux », Pour, La revue du GREP, n°205-206, 2010, p.198261. voir supra § 313.3262. GEIPEL Finn, chantier 1, p.79

Page 59: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 117116 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

avec son apparition parmi les recommandations nationales portées par le Grenelle de l’environnement

en 2007263. Bernardo Secchi et Yves Lion reprennent à leur compte une des cibles de ce projet264, ils

s’inscrivent dans ses temporalités et ses objectifs :

« La pollution des eaux est en grande partie déterminée par l’agriculture. On imagine de concentrer autour des zones de captation d’eau potable 20% des terrains dédiés à l’agriculture biologique comme le préconise le Grenelle de l’environnement d’ici à 2020, […] et de renforcer les bandes de végétation le long des cours d’eau. »265

« Le Grenelle de l’environnement a décidé de multiplier la surface agricole nationale consacrée à l’agriculture biologique par trois en 5 ans. Cet objectif devrait s’accompagner, à l’échelle de l’Ile-de-France, d’une aide à la reconversion des exploitations agricoles du circuit conventionnel en exploitations d’agriculture biologique. »266

Les architectes assimilent alors l’agriculture périurbaine non plus seulement à un équipement vert utile aux

urbains pour la qualité de ses paysages et sa fonction symbolique de la nature, mais à un équipement de

nettoyage et de dépollution de la métropole, en complément des services de propreté et d’assainissement

de la ville. C’est une autre façon de favoriser la multifonctionnalité des territoires agricoles, et on constate

alors l’inventivité dont les équipes font preuve pour imaginer les types de services que l’agriculture serait

susceptible de rendre à la métropole.

263. Le Grenelle de l’environnement est un ensemble de rencontres politiques organisées en 2007 visant à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable. Elle s’attachait en particulier à restaurer la biodiversité, tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et en améliorant l’efficience énergétique.264. Il est à noter que les références des équipes de la Consultation à cet évènement politique identifiable répondent à la définition initiale du Grand Paris comme un projet posant la question du « défi écologique de l’après-Kyoto » (SARKOZY Nicolas, op. cit., p. 5)265. SECCHI, chantier 2, p.95266. LION Yves, chantier 2, p.231

Ainsi, Antoine Grumbach imagine de développer les techniques de dépollution naturelle pour nettoyer

des sites urbains pollués, il assume le caractère expérimental de ses propositions :

« Nouvelles cultures de plantes réparatrices pour assainir les sols pollués, l'air vicié, l'eau usée. »267

Finn Geipel est plus volontariste et plus précis, il envisage de relancer la formation de la tourbe et de

modifier les systèmes de drainage dans les champs cultivés. Ces transformations correspondraient à une

mutation de l’usage des sols cultivés et fait appel à des techniques oubliées pour lesquelles les agriculteurs

devraient recevoir une nouvelle formation :

« Améliorer les applications techniques des fertilisants pour réduire les émissions de N2O, relancer la formation de tourbe dans la bourbe et les marais en retirant les systèmes de drainage et les fossés, convertir les champs de tourbe cultivés

en fermant les systèmes de drainage. »268

Contre l’image de l’agriculteur pollueur et dans la veine de l’agriculture biologique, des techniques

agricoles alternatives sont mises en avant. Ainsi Finn Geipel et Antoine Grumbach envisagent de valoriser

les déchets agricoles pour réduire les volumes générés et produire énergie et engrais :

« S’ils sont traités de manière efficace, les déchets organiques peuvent être une source d’énergie et une ressource pour l’agriculture. […] Compostage de la biomasse résiduelle et des cendres pour un usage dans l’agriculture. »269

« Récupération de la part fermentescible des déchets ménagers organiques (compost) [...] Autonomie énergétique des exploitations agricoles par la gazéification des déchets d’élevage et de culture [...] Valorisation de tous les surplus de déchets agricoles. »270

267. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.65268. GEIPEL Finn, chantier 1, p.73269. Ibid., p.75270. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.65

Page 60: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 119118 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Les propositions valorisant une agriculture plus respectueuse de l’environnement sont extrêmement

diverses et se présentent à la carte. Elles se lisent comme une banque de données qui propose de faire

connaître certaines « bonnes pratiques » et considèrent l’agriculteur comme un acteur du développement

durable de la métropole contemporaine.

33.3 lesrisquesnaturels

333.1 lesinondations

La gestion des risques en milieu urbain guide les urbanistes et les amène à chercher des solutions

sur d’autres territoires. Ainsi les territoires ruraux - et donc notamment agricoles - sont engagés dans

un objectif de sécurité publique à destination des territoires urbains. En conséquence, en plus d’une

modification des techniques agricoles en vue d’une protection des ressources naturelles, les équipes

du Grand Paris font des propositions à propos sur la destination de certaines terres. Finn Geipel passe

en revue les différents risques (inondation, canicule, ...) auxquels pourrait être confrontée la métropole

parisienne et cherche à chaque fois des solutions pragmatiques et localisées auxquelles pourrait répondre

l’agriculture :

« Convertir les champs en usages extensifs de prairie et de forêts dans les zones inondables. »271

« Mesures pour la gestion des crues d’été : réduire la consommation d’eau de l’agriculture, de l’industrie et des particuliers. […] Cultiver plus d’espèces résistantes aux sècheresses. »272

Il est particulièrement favorable à une transformation des terres agricoles stratégiques pour une gestion

des crues et se positionne en faveur d’une gestion extensive de celles-ci. Il propose de transformer les

cultures céréalières en jachères ou en pâtures pour une fonction d’élevage :

271. GEIPEL Finn, chantier 1, p.79272. GEIPEL Finn, chantier 2, p.78

« En cas de crue, permettre à la rivière d’inonder des polders créés à cette fin en amont des villes. Transformer ces champs en polders et en prairies extensives, zones humides ou forêts lacustres. Cette mesure va ralentir le transfert d’eau, la retenir quelque peu et ainsi ralentir son écoulement. Cela s’est révélé fructueux pour la gestion des crues du Rhin. »273

Finn Geipel a une attitude englobante, il ne fait pas cas des spécialisations des cultures régionales. Il

considère l’ensemble des territoires cultivés, sans considération sur leur taille, leur destination ou leur

voisinage actuels :

« Les surfaces agricoles qui s’étendent le long du cours du fleuve ou sur des îles seront converties en zones humides. Toutes ces mesures sont liées aux stratégies d’auto-nettoyage. »274

Finn Geipel prend modèle sur des expériences menées aux Pays-Bas où des polders275 ont été convertis

en réserves naturelles inondables avec la réintroduction d’animaux sauvages :

« Un regain d’intérêt ces dernières années pour la restauration des zones naturelles en Europe, en incluant les herbivores sauvages. Un exemple connu est celui d’Oostvaardersplassen, des basses terres de 5600 ha près d’Amsterdam où 2000 cerfs, troupeaux de Heck et chevaux Konink paissent sans interférence humaine. La mosaïque qui en résulte de prairies, sous-bois et marécages a aidé à l’installation de 250 espèces d’oiseaux. »276

L’objet de ce projet est à la fois éducatif et environnemental, le paysage est mis en scène selon une

conception qui se veut naturelle et non bucolique, dans le même temps le public est sensibilisé au

travers de sentiers pédagogiques. Ce projet est pensé en termes compensatoires puisqu’en contrepartie

l’agriculture néerlandaise est parmi les plus mécanisées d’Europe et son élevage est particulièrement

intensif. De la même façon dans le Grand Paris imaginé par Finn Geipel, les contrastes sont saisissants :

273. GEIPEL Finn, chantier 1, p.76274. GEIPEL Finn, chantier 2, p.85275. Marais littoral endigué et assèché276. GEIPEL Finn, chantier 2, p.80

Page 61: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 121120 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

d’un côté les paysages sauvages, les forêts et les cours d’eau libres, de l’autre l’agriculture périurbaine

intensive, interstitielle et intégrée aux tissus minéralisés277. Pour lui, les espaces ruraux sont d’abord une

ressource dont l’urgence va à la protection.

333.2 leréchauffementclimatique

Face au risque de canicule et plus généralement aux craintes relatives au réchauffement climatique, Yves

Lion envisage les forêts en tant que régulateurs efficaces des températures. Il se montre très favorable

au développement de la sylviculture en tant que projet économique278, mais envisage aussi les espaces

forestiers pour leur contribution à la protection de l’environnement :

« La forêt constitue le principal "refroidisseur" de l’air. Son efficacité est proportionnelle à son âge, à son régime d’exploitation et à la diversité de son peuplement. Le couvert forestier de la région parisienne représente aujourd’hui [...] 22% de la surface globale. C’est une forêt adulte, peu exploitée, peu productive, et peu efficace en matière de rafraîchissement. »279

Face aux discours alarmistes et contradictoires que suscite le réchauffement climatique, Yves Lion fait

référence aux travaux du GIEC280 pour appuyer son discours et souligne que la sylviculture pourrait

bénéficier d’une ressource existante qu’il suffirait de valoriser :

« Le rapport 2007 du GIEC a résumé ainsi la situation du secteur forestier au travers du système actuel : "la foresterie peut apporter une contribution très significative à l’atténuation du changement climatique pour des coûts faibles".

277. voir supra § 223.5278. voir supra § 312.2279. LION Yves, chantier 2, p.217280. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) est un organe intergouvernemental ouvert à tous les pays membres de l’ONU. Sa mission est d’évaluer les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nécessaires pour comprendre les risques liés au changement climatique et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation.

[...] Pourtant cette opportunité est perdue dans le contexte institutionnel actuel et le manque de volonté politique. »281

Selon les mêmes principes, une autre piste explorée par l’équipes d’Yves Lion est l’agroforesterie qui

associe des cultures saisonnières (type céréales) à des cultures permanentes (des arbres). Cette agriculture

est encouragée pour sa capacité à lutter contre le réchauffement climatique grâce à la permanence de

son couvert végétal :

« Il est avéré enfin que la polyculture produit de la fraîcheur, en particulier en maintenant des cultures pendant les mois chauds (ce qui n’est pas le cas par exemple avec les céréales). »282

Antoine Grumbach lui aussi valorise l’opportunité que représente l’agroforesterie dans sa capacité à

séquestrer du carbone et donc à participer à la réduction des gaz à effet de serre tout en conservant

l’activité agricole :

« Stockage de carbone et production de bois énergie. Le secteur sylvicole permet de stocker du CO2 et de produire une source d'énergie renouvelable. L'agroforesterie, qui consiste à planter des arbres sur les parcelles de grandes cultures, constitue un potentiel important de stockage de CO2 et de réduction des gaz à effet de serre par substitution du bois énergie à l'énergie fossile. »283

La prise en compte de la sylviculture est significative de la diversité de l’activité agricole urbaine et

périurbaine, elle s’ajoute au maraîchage, à la céréaliculture ou à l’élevage, auxquels on associe plus

souvent et plus spontanément l’activité agricole. Le secteur forestier est à l’image de l’agriculture et

des « trois campagnes »284 qui s’y rapportent : à la croisée de considérations productives, récréatives et

environnementales. Dans la Consultation du Grand Paris il est parfois difficile de démêler les intentions des

projets qui s’y rapportent, ainsi les propositions de Bernardo Secchi ou de Richard Rogers qui envisagent

281. LION Yves, chantier 2, p.213282. Ibid., p.225283. GRUMBACH Antoine, chantier 1, p.71284. PERRIER-CORNET Philippe (Dir.), op. cit., p.13

ii- une méthode pour la grande échelle

Cahier 2 : Livret 04 Décembre 2008 > 63Ministère de la Culture et de la Communication. EMOC Etablissement Public de Maîtrise d’Ouvrage des Travaux CulturelsLe Grand Pari de l’Agglomération Parisienne / Deuxième rendu intermédiaire des 3 chantiers / Antoine Grumbach & Associés document provisoire

Agriculture urbaine

Agroforesterie

228

EXEMPLE D’AGROFORESTERIE

NOYERS NOIRS ET COMMUNS ET BLÉ TENDRESOURCE PROGRAMME DE RECHERCHE NATIONALE AGROFORESTERIE

© ANDRÉ GAVALLAND

MOISSON DE BLÉ DANS DES PEUPLIERS ADULTES PLANTÉS À 160 TIGES HAEN TERME DE PRODUCTION DE BIOMASSE, IL S’AGIT D’UNE ASSOCIATION PARTICULIÈREMENT EFFICACESOURCE PROGRAMME DE RECHERCHE NATIONALE AGROFORESTERIE

© ANDRÉ GAVALLAND

Page 62: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

122 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

chacun le développement d’espaces forestiers, le justifient en tant que réserves de carbone et territoires

de biodiversité, ils ne les considèrent pas comme des espaces de production agricole :

« Opportunités que ces espaces verts et agricoles pourraient offrir pour construire une réserve de biomasse et un système de couloirs et parcours. »285

« Nous proposons de planter une nouvelle forêt de 1 million d’arbres recouvrant un territoire de 2500 ha. Cela représenterait en équivalent à peu près 13 000 kg par an. Organisée selon les principes écologiques privilégiant la biodiversité et la réintroduction d’espèces indigènes, cet acte affirmerait la volonté de la

région de permettre un avenir durable sur le long terme. »286

285. SECCHI, chantier 2, p.97286. ROGERS, chantier 2, p.178

Page 63: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 125

Conclusion

L’occurrence de projets intégrant l’agriculture dans le Grand Paris peut susciter une certaine

méfiance, voire une certaine irritation, face à cette préoccupation « devenue en quelques années un sujet

tendance »287. Cet intérêt renouvelé pour l’agriculture se reflète au travers de l’évolution des jugements

portés sur la profession agricole en l’espace d’un demi siècle : depuis la sortie de la seconde guerre

mondiale, l’agriculteur a successivement été associé au pétainisme, au conservatisme le plus dur, il a

été accusé de pollueur, d’irresponsable au moment des crises alimentaires, avant d’être récemment

réhabilité et de retrouver un capital de sympathie inattendu : « l’agriculteur entre dans la foule des héros

anonymes »288 commente Pierre Donadieu. Etre « paysan » n’est plus une insulte mais connote une forme

d’intimité avec la nature et le territoire. Il n’a pourtant pas survécu289 aux profondes mutations de son

monde rural et de la société française, mais ces bouleversements n’ont pas été observés par les urbains

qui méconnaissent trop le monde agricole. En conséquence, les images que conservent les Français - y

compris chez les habitants des zones rurales - de leurs campagnes ont peu changé, le monde agricole a

parfois été figé dans un processus de patrimonialisation qui lui a en grande partie échappé. Alors que la

fonction productive de cette activité passait au second plan, c’est l’éventualité de la disparition de ses

paysages qui a mobilisé l’attention et a permis d’engager les premières mesures de protection spécifiques.

287. MOIROUX Françoise, « Une agriculture tendance, mais sans visage ? », D’Architectures, no 188, 2010, p. 31288. DONADIEU Pierre, op. cit., p. 103289. MENDRAS Henri, La fin des paysans, Actes Sud, 1967, 361 p.

Page 64: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 127126 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Aujourd’hui, c’est dans le sillage de la protection environnementale que le paysan connaît un regain de

popularité. Il est devenu un passeur, un transmetteur de savoirs-faire et de techniques préindustrielles

remises au goût du jour par une recherche d’un rapport moins conquérant face à la terre. Jean Viard

s’adresse aux « paysans »290 à la faveur de cette réhabilitation, il observe qu’ils représentent « la moitié

du corps de la nation » et qu’ils ont toute leur légitimité dans les filières professionnelles issues du

développement durable. L’exploitant agricole est désormais tourné vers l’avenir depuis son intégration à

la récente et dynamique filière des « cols verts », il représente à la fois une « nouvelle forme de modernité

sociétale et de conscience planétaire »291 et s’inscrit dans l’idée selon laquelle les destructions provoquées

par l’homme sur son environnement pourraient être rétablies par les progrès scientifiques.

Les équipes du Grand Paris envisagent l’agriculture urbaine et périurbaine comme un outil face l’extension

urbaine sur les terres agricoles voisines, processus dont les mécanismes et les effets négatifs en terme de

transport et d’impact sur l’environnement ont été largement étudiés mais qui n’a cependant pas encore

trouvé de remède efficaces face aux enjeux économiques et financiers qu’il soulève. Les urbanistes

constatent que produire de l’alimentation ne suffisait pas à valoriser le blanc des cartes, ils engagent

alors un projet d’agriculture qui s’appuie sur le système de valeurs et les qualités accordés aux espaces

agricoles et ruraux. Face à la méfiance des consommateurs vis-à-vis de leur alimentation, ils mettent en

avant les liens entre producteurs et consommateurs que pourrait favoriser une agriculture directe et

de proximité. Face à la demande d’espaces ouverts des urbains, ils envisagent de sanctuariser certains

territoires ruraux pour les rendre signifiants et porter l’identité de ces paysages. Face aux exigences de

protection de l’environnement, ils sollicitent l’agriculture urbaine pour sa capacité à filtrer l’eau des villes,

héberger des populations animales autant que pour absorber du carbone.

La multifonctionnalité de l’activité agricole est la clef de lecture des propositions agricoles du Grand Paris,

elle est aussi révélatrice d’une volonté d’expérimentation de la part des équipes. Mais cette tendance à

chercher la complémentarité et la variété d’usages est aussi un risque de confusion et de concurrence entre

290. VIARD Jean, Lettre aux paysans (et aux autres) sur un monde durable, l’Aube, 2008291. MOIROUX Françoise, op. cit., p. 31

les différents objectifs qu’elle poursuit et les acteurs qu’elle engage. Ainsi, on observe parmi les équipes

de profondes divergences de positionnement du curseur entre les missions productives, paysagères et

environnementales que porte l’activité agricole. Tandis que certains ne lui accordent qu’une fonction

symbolique, d’autres envisagent de lui confier le rôle de nourrir la population régionale.

Par ailleurs, les « parc », « agroparcs », « paysage multifonctionnel », « lisière » et « périmètre habité » sont

des propositions de planification qui se distinguent fortement les unes des autres. Ces projets traduisent

des appartenances à des grands modèles spatiaux très différents : le réseau, l’enclave, la percolation.

Ces propositions diffèrent radicalement les unes des autres, la question de placer l’agriculture dans ou

autour de la métropole n’est pas tranchée et a des incidences sur l’urbanisation - ou non - de certains

territoires de la métropole. Mais dans l’ensemble, ce sont des stratégies de planification essentiellement

paysagères et environnementales. Cependant, si l’argument écologique a désormais été adopté comme

un levier de projet par les politiques publiques, le projet de paysage peine encore à les orienter. Ainsi,

bien que « l’accès au grand paysage » soit un leitmotiv des propositions relatives à l’agriculture, un effort

de pédagogie et de clarification serait encore à entreprendre pour orienter l’urbanisation de la métropole

parisienne.

Face aux espaces ruraux, on observe que les paysagistes, bien qu’ils y portent un intérêt croissant,

connaissent encore assez mal les territoires agricoles. Mais c’est surtout l’absence, ou la faiblesse, de

l’argument économique qui est sensible parmi les propositions du Grand Paris. L’étude de ces projets

montre que les équipes ignorent souvent leurs réalités économiques et professionnelles. Ce constat

est manifeste au travers du manque de spécialistes et de véritables connaisseurs du monde rural qui

entoure ces projets. Il n’y a pas de témoignage de personnalités issues du monde agricole, cette attitude

a tendance à reproduire les problèmes de non communication entre urbain(iste)s et agriculteurs.

Enfin, on observe une absence de prise de position sur la question de l’architecture agricole pourtant

souvent critiquée pour son manque de qualité et son caractère répétitif. La majorité des bâtiments agricoles

sont des produits standardisés construit sans architectes, les rares exceptions figurent essentiellement

parmi la filière viticole la plus prestigieuse qui associe la qualité de son produit à celle de son chai dessiné

Page 65: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

128 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

par un architecte de renom292. Ces productions architecturales s’inscrivent dans une économie du luxe

qui ne concerne pas l’agriculture ordinaire, cependant ils pourraient susciter, et en particulier dans le

contexte des propositions du Grand Paris, une valeur d’exemplarité. L’inventivité dont font preuve les

équipes concernant les propositions d’agriculture ne s’applique pas à son architecture.

A l’issue de ce travail, d’autres recherches seraient à développer. En particulier, un travail similaire sur

d’autres métropoles pourrait venir soutenir ou invalider certaines des prises de position des équipes de

la Consultation du Grand Paris. Car en effet, malgé les progrès techniques de l’agriculture hors sol et de la

mécanisation de la production, l’agriculture reste essentiellement ancrée sur un sol et située à l’intérieur

d’un territoire qu’elle contribue en grande partie à définir. Ce qui fonctionne à Paris ne fonctionne pas

ailleurs, et réciproquement ; les recherches actuelles concernant l’agriculture urbaine et périurbaine

situent les travaux de recherche aux quatre coins du globe, en particulier dans les villes des pays en

développement.

292. Citons à titre d’exemples le chai du Château Cheval-Blanc par Portzamparc, le Dominus Winery en Californie par Herzog et de Meuron ou les caves de Marques de Riscal en Espagne par Ghery

Page 66: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 131

Bibliographie

Sur la consultation internationale pour l’avenir de la métropole parisienne

Les dossiers élaborés pour les deux phases de la Consultation par chacune des dix équipes :

RSHP Rogers Stirk Harbour and Partners (mandataire : Richard Rogers)

Castro (mandataire : Roland Castro)

Christian de Portzamparc (mandataire : Christian de Portzamparc)

Antoine Grumbach et associés (mandataire : Antoine Grumbach)

l’AUC (mandataire : Jamel Klouche)

Nouvel Duthilleul Cantal-Dupart (mandataires : Jean Nouvel, Jean-Marie Duthilleul, Michel Cantal-Dupart)

Studio 09 / Secchi Vigano (mandataire : Bernardo Secchi, Paola Vigano)

LIN (mandataire : Fin Geipel)

Groupe Descartes (mandataire : Yves Lion)

MVRDV (mandataire : Winy Maas)

Les références faites aux dossiers des dix équipes sont indiquées de la manière suivante :

NOM (1er mandataire), chantier (n°), p. (n°)

Page 67: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 133132 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

Ouvrages

ASCHER François, Metapolis ou l’avenir des villes, O. Jacob, 1995

BRUNET Roger, Les mots de la géographie, La documentation française, 1992

CONSEIL REGIONAL D’ILE-DE-FRANCE, Schéma Directeur de la région Ile-de-France, 2008

CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit ou le ciel et la terre se touchent, Actes sud, 2010

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Mémoire universitaire

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Sites internet et videos

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Expositions

CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, La Ville fertile, 2011

Iconographie

Les illustrations présentées sont essentiellement issues des travaux du Grand Paris :

p. 19 LLOYD WRIGHT Frank, Broadacre City, 1932

p. 26 GEIPEL Finn, « Prototype de transformation. Exemple Montesson », Chantier 2, p.97

p. 28 Timeline, cartes réalisées par l’auteur

p. 33 PLAN VERT, « Ceinture verte », 1995

p. 34 CONSEIL REGIONAL D’ILE-DE-FRANCE, « Schéma régional fonctionnel des espaces agricoles, boisés et naturels », SDRIF, p. 94

p. 36 ROGERS Richard « Proposition : ceinture verte recouvrant toute l’Ile-de-France », Chantier 2, p. 176

p. 47 NOUVEL Jean, « Minneapolis, New York, Tokyo », Chantier 1, p. 210

p. 51 GEIPEL Finn, « Espaces naturels fragmentés, Paris », Chantier 1 p. 112 GEIPEL Finn, « Entités naturelles très marquées, Barcelone », Chantier 1 p. 113

p. 52 DIPUTACIO BARCELONA, « Parc agrari del baix Llobregat », 2008

p. 53 DIPUTACIO BARCELONA, « Xarxa de Parcs Naturals », 2008

p. 56 GRUMBACH Antoine, « Créer un espace de transition entre ville et campagne », Chantier 2, p. 113 GRUMBACH Antoine, « Un seul parc naturel habité », Chantier 2, p. 101 GRUMBACH Antoine, « Seine Métropole : Continuité du grand paysage », Chantier 2, p. 104-105

p. 58 LION Yves, « Carte de l’agriculture en 2030, les six agroparcs », Chantier 2, p. 224

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LA CAPITALE AUX CHAMPS OGP#11 I M#07 139138 OGP#11 I M#07 LA CAPITALE AUX CHAMPS

p. 60 NOUVEL Jean, « La lisière», Chantier 2, p.25 NOUVEL Jean, Chantier 2, p. 27 NOUVEL Jean, Chantier 2, p. 31-32

p. 62 SECCHI Bernardo, « La ville à pois », Chantier 2, p. 102 SECCHI Bernardo, « Carte des espaces verts et agricoles », Chantier 2, p. 96

p.64 GEIPEL Finn, « Agriculture urbaine sous serre », Chantier 2, 40 GEIPEL Finn, « Des structures légères et flexibles »,Chantier 2, p. 40 GEIPEL Finn, « Prototype de transformation. Exemple Montesson », Chantier 2, p. 99

p. 78 LION Yves, « Paris est inclus dans un bassin agricole majeur », Chantier 2, p. 56 LION Yves, «Un grand territoire pour une faible densité », Chantier 2, p. 111

p. 79 GRUMBACH Antoine, «Le Garde Manger de San Francisco », Chantier 1, p. 23

p. 84 LION Yves, « Marchés forains et densités de population », Chantier 2, p. 20

p. 87 LION Yves, « Marché de Saint-Denis », Chantier 2, p. 21 NOUVEL Jean, chantier 2, p. 28

p. 96 NOUVEL Jean, chantier 2, p. 23-24

p. 98 SECCHI Bernardo, Chantier 2, p. 105 SECCHI Bernardo, Chantier 2, p. 103

p. 100 GRUMBACH Antoine, chantier 2, p. 84 LION Yves, Chantier 2, p. 178-179 LION Yves, « Fabriquer une ville à la campagne », Chantier 2, p. 113

p. 102 LION Yves, « Vigneux-sur-Seine, la Saussaie des Gobelins », Chantier 2, p. 220 LION Yves, « Développer l’agriculture urbaine », Chantier 2, p. 221

p. 103 CAILLEBOTTE Gustave, « La plaine d’Argenteuil », 1888

p. 104 GRUMBACH Antoine, « Alternance ville - campagne », Chantier 1, p. 19 SECCHI Bernardo, Chantier 1, p. 46-47

p. 106 LION Yves, « Fermes ouvertes, cueillettes et magasins du terroir en Ile-de-France », Chantier 2, p. 59

p. 113 NOUVEL Jean, « Représentation schématique d’un passage à faune », Chantier 1, p. 136

p. 106 GRUMBACH Antoine, « Agroforesterie », Chantier 1, p. 63 LION Yves, « Noyers noirs et communs et blé tendre », Chantier 2, p. 228

Page 71: La capitale aux champs. L'agriculture comme outil d'urbanisme dans la métropole

Pourquoi des Projets d’agriculture dans le grand Paris ? 9

un contexte favorable 9

l’échelle du Projet 9Les territoires multiples de la métropole 9Un projet concurrent du SDRIF 10

un Projet estamPillé déveloPPement durable 11Un incontournable du discours politique 11L’agriculture au cœur des problématiques environnementales 12

l’aPProPriation de la camPagne 13Une construction sociale 13Des urbanistes aux compétences d’agronomes (?) 15

une agriculture entre ville et camPagne 19

des territoires innommables… 19La Construction horizontale de la métropole 19Une incapacité à définir les nouveaux territoires 20Une perte de sens des espaces périurbains 21

… dans une sémantique encore binaire 23Des archétypes contrastés pour aménager 23Des situations de fermeture 24

l’agriculture comme outil d’urbanisme 29

une lecture historique 29

Protéger le blanc des cartes 30Outils fonciers existants 30La réévaluation du foncier agricole 32

les ceintures vertes 33Archéologie 33Prises de position 37

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les Projets agricoles du grand Paris 41

changer de Paradigme, solidariser ville et camPagne 41

favoriser l’interdéPendance 41Réconcilier les morceaux de la métropole 41L’agriculture au cœur d’un système 43

la multifonctionnalité 44La multifonctionnalité des territoires périurbains 44La multifonctionnalité de l’agriculture 45

organiser les frottements ville agriculture 47

modèles 47

exemPles 48Les parcs et Parcs Naturels Régionaux 48Le système métropolitain et Barcelone 50La percolation et l’Agriculture urbaine 54

ProPositions 57Parc Ville Nature – Grumbach 57Un réseau d’Agro parcs – Lion 59La lisière – Nouvel 61Le périmètre habité – Secchi 63Le paysage multifonctionnel – Geipel 65

un Projet aPolitique 66

un non Projet de gouvernance 66Difficultés connues 66Organisation envisagée 67

une législation à inventer 69Loi lisière – Nouvel 69Zone d’activité agricole – Lion 70

les trois camPagnes 73

la camPagne ressource 73

aPProvisionner la ville 73La crainte d’une crise alimentaire 73Favoriser l’autosubsistance de la métropole 75

soutenir l’activité économique 79La première région agricole de France 79Développer la filière bois 81

commercialiser les Produits alimentaires 83Court-circuiter la grande distribution 83Circuits courts et Vente de proximité 85Les AMAP 87

la camPagne cadre de vie 91

la fonction résidentielle 91Accès pour tous au grand paysage 91Formes urbaines et accès au grand paysage 95Toutes les cultures ne font pas paysage 101

favoriser la fonction récréative 103Diversifier l’activité agricole 103Cultiver soi même 105

la camPagne nature 109

Préserver les habitats naturels 109Corridors écologiques 109La qualité écologique valorise les territoires 111

santé des urbains 112L’alimentation des urbains 112Les ressources naturelles 113

les risques naturels 116Les inondations 116Le réchauffement 118

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SIDONIE BOUILLEROTLA CAPITALE AUX CHAMPS L’AGRICULTURE COMME OUTIL D’URBANISME

DANS LA METROPOLE

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JURY DE SOUTENANCE

ALESSIA DE BIASE (DIR)BEATRICE MARIOLLEPIERO ZANINI

AGRICULTUREETALEMENT URBAINRESSOURCECADRE DE VIEENVIRONNEMENT

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE PARIS BELLEVILLESEMINAIRE DE MASTER ARCHITECTURES ET VILLE FACE A LA MONDIALISATION

OBSERVATOIRE DU GRAND PARIS

L’agriculture est entrée dans le Grand Paris, cinq des dix équipes de la Consultation ont conduit de véritables projets agricoles. Derrière sa fonction productive que gère l’exploitant-agricole, cette activité a progressivement été intégrée à d’autres principes considérés come tout autant fondamentaux : produire des paysages de qualité et participer à la préservation des milieux naturels. Au travers des contrastes et des similitudes entre leurs différents schémas spatiaux, les urbanistes du Grand Paris interrogent la nature et le fonctionnement de la métropole contemporaine dans sa capacité à intégrer des territoires exogènes et à rassembler des acteurs aux intérêts a priori divergents autour d’un projet fédérateur : combattre l’extension urbaine et valoriser les ressources du territoire.

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