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TECHNO BITUME BULLETIN TECHNIQUE PUBLIÉ PAR NUMÉRO 12 OCTOBRE 2020 LA CLASSIFICATION MSCR DES BITUMES 1 INTRODUCTION Depuis 2019, les bitumes au Québec sont assujettis à une nouvelle norme et ils ont une nouvelle appellation, en effet, une lettre s’est ajoutée à la classe de bitume. Que signifie cette nouvelle lettre? Pourquoi devions-nous changer de type de classification et quelles en sont les conséquences? Ce Techno-Bitume répondra à ces questions. La classification des bitumes comme nous la connaissions jusqu’à tout récemment provient en grande partie du programme de recherche Strategic Highway Research Program (SHRP) élaboré entre 1987 et 1993. Le système Superior Performing Asphalt Pavements (Superpave) est issu de cette recherche. Dans ce système, les bitumes sont classés selon leur classe de performance, « Performance Grade » (PG), qui détermine les propriétés nécessaires correspondant aux températures associées au climat. Cette approche apportait une nouveauté dans la caractérisation des bitumes. Ce système basé sur la norme AASHTO M320 (Standard Specification for Performance-Graded Asphalt Binder) a été principalement conçu pour les bitumes de distillation directe, c’est-à-dire non-modifiés. C’est à partir de 1996 que les bitumes de classe PG s’implantent progressivement au Québec. Depuis 2019, au Québec, l’ajout de l’essai de Multiple Stress Creep Recovery (1) (MSCR) permet de combler certaines lacunes de la méthode précédente de classification des bitumes. Ce nouveau système de classification basé sur la norme AASHTO M332 (Standard Specification for Performance-Graded Asphalt Binder Using Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) Test) n’est qu’une évolution du système Superpave. Il permet, entre autres, d’évaluer la résistance aux déformations permanentes. 1 Le terme anglais Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) est largement utilisé. Il en va de même pour ce texte. Il existe cependant une traduction possible reconnue par Eurobitume : fluage-recouvrance sous contraintes répétées.

LA CLASSIFICATION MSCR DES BITUMES TECHNO · 3,2 de l’essai MSCR est le meilleur moyen de prédiction de l’orniérage de fluage même pour des bitumes de fabrications très différentes

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    BITU

    ME

    BULLETIN TECHNIQUE

    PUBLIÉ PAR

    NUMÉRO 12OCTOBRE 2020

    LA CLASSIFICATION MSCR DES BITUMES1 INTRODUCTION

    Depuis 2019, les bitumes au Québec sont assujettis à une nouvelle norme et ils ont une nouvelle appellation, en effet, une lettre s’est ajoutée à la classe de bitume. Que signifie cette nouvelle lettre? Pourquoi devions-nous changer de type de classification et quelles en sont les conséquences? Ce Techno-Bitume répondra à ces questions.

    La classification des bitumes comme nous la connaissions jusqu’à tout récemment provient en grande partie du programme de recherche Strategic Highway Research Program (SHRP) élaboré entre 1987 et 1993. Le système Superior Performing Asphalt Pavements (Superpave) est issu de cette recherche. Dans ce système, les bitumes sont classés selon leur classe de performance, « Performance Grade » (PG), qui détermine les propriétés nécessaires correspondant aux températures associées au climat. Cette approche apportait une nouveauté dans la caractérisation des bitumes. Ce système basé sur la norme AASHTO M320 (Standard Specification for Performance-Graded Asphalt Binder) a été principalement conçu pour les bitumes de distillation directe, c’est-à-dire non-modifiés. C’est à partir de 1996 que les bitumes de classe PG s’implantent progressivement au Québec.

    Depuis 2019, au Québec, l’ajout de l’essai de Multiple Stress Creep Recovery(1) (MSCR) permet de combler certaines lacunes de la méthode précédente de classification des bitumes. Ce nouveau système de classification basé sur la norme AASHTO M332 (Standard Specification for Performance-Graded Asphalt Binder Using Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) Test) n’est qu’une évolution du système Superpave. Il permet, entre autres, d’évaluer la résistance aux déformations permanentes.

    1 Le terme anglais Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) est largement utilisé. Il en va de même pour ce texte. Il existe cependant une traduction possible reconnue par Eurobitume : fluage-recouvrance sous contraintes répétées.

  • 2 OBJECTIF DE L’ESSAI MSCR

    La norme AASHTO M320 (PG H-L) fonctionne bien pour des bitumes ayant un comportement linéaire dans le domaine viscoélastique comme le sont les bitumes non-modifiés. Les bitumes modifiés ne suivent pas nécessairement cette linéarité. C’est pourquoi plusieurs États et provinces ont décidé d’ajouter des spécifications pour combler cette lacune. Plusieurs ont qualifié ces nouvelles spécifications de « PG Plus ». C’est pour mieux qualifier, uniformiser et normaliser les bitumes que la Federal Highway Administration (FHWA) a introduit l’essai MSCR pour classifier les bitumes. C’est la nouvelle norme AASHTO M332 qui définit cette classification.

    L’essai MSCR permet d’ajouter la notion de sollicitation due au trafic à la classification des bitumes et de mieux intégrer les bitumes modifiés. Il permet entre autres d’éviter le « grade bumping » qui est une forme de surclassement des bitumes. Cette pratique consiste à exiger une classe de bitume ayant une température plus élevée de 6°C ou de 12°C en fonction du trafic. Cette façon de faire était contre-intuitive par rapport à la zone climatique.

    Le paramètre G*/sinδ du rhéomètre à cisaillement dynamique (DSR), utilisé pour établir la température haute du bitume PG, fonctionne seulement pour des bitumes non-modifiés ou de procédés identiques. Dans plusieurs cas, des bitumes de G*/sinδ similaires donnent des résistances à l’orniérage différentes. Une étude de la FHWA(2) montre que le paramètre Jnr3,2 de l’essai MSCR est le meilleur moyen de prédiction de l’orniérage de fluage même pour des bitumes de fabrications très différentes. L’étude américaine a révélé un indice de corrélation R2 de 0,82 entre le Jnr3,2 et l’orniérage, alors qu’il était presque nul (R

    2 < 0,15) pour le G*/sinδ. La raison principale justifiant l’adoption de ce nouveau système de classification des bitumes provient donc de cette capacité à mieux refléter la résistance à l’orniérage.

    L’introduction du MSCR a aussi pour objectif de remplacer l’essai de recouvrance d’élasticité par un essai plus axé sur la rhéologie du bitume. La réponse élastique (R3,2) du MSCR se décrit comme le ratio de la déformation élastique sur la déformation totale. Il permet donc d’éliminer un essai empirique par un essai basé sur le comportement du bitume associé à une charge répétitive.

    C’est plus une conséquence qu’un objectif, mais il faut souligner la disparition de l’essai du G*/sinδ après RTFO (Rolling Thin Film Oven) par manque d’utilité. Le MSCR qui est réalisé sous le même conditionnement offre plus de données informatives.

    2.1 « GRADE BUMPING »

    La classe de température élevée obtenue par l’ancienne norme AASHTO M320 correspond à la résistance à l’orniérage de l’enrobé soumis à un trafic d’environ 90 km/h à cette même température. Plus le trafic est lent et lourd, plus il fallait un bitume ayant une résistance accrue à l’orniérage par conséquent ayant une température élevée supérieure à celle uniquement obtenue par le climat. Ainsi, un trafic lent entre 20 et 70 km/h requérait une augmentation de 6°C de la température élevée et un trafic stationnaire, qui est inférieur à 20 km/h, requérait une augmentation de 12°C de la température élevée. Cette augmentation de la température élevée se traduisait par une augmentation du module élastique du bitume. L’augmentation de classe de bitume n’était pas seulement tributaire de la réduction de la vitesse de trafic, mais également du trafic (nombre d’ECAS(3)). Par conséquent, la vitesse et l’intensité du trafic associées à une route déterminaient la classe de bitume à utiliser. Ainsi, un bitume PG 70-28 était utilisé pour des routes fortement sollicitées et il était de 12°C supérieurs au bitume PG 58-28 correspondant au climat de la zone. La classification des bitumes basée sur l’essai MSCR permet d’éliminer cette pratique de « grade bumping ».

    2 | T E C H N O B I T U M E

    L’ESSAI MSCR EST LE

    MEILLEUR MOYEN DE PRÉDICTION DE L’ORNIÉRAGE DE FLUAGE

    2 Les détails de cette étude sont présentés dans le document FHWA-HIF-11-038 qui est mis en référence.3 Le terme ECAS signifie équivalent de charge axiale simple et il correspond à un essieu de camion normalisé de 8165 kg.

    DÉBUT DU XXe SIÈCLEDébut de l’essai de pénétration sur les bitumes.

    1947 Classification ASTM des consistances selon la pénétration. Ce système de classification est toujours utilisé dans plusieurs pays, par exemple : 85-100, 120-150 et 150-200.

    1996 Adoption, au Québec, du système de classification Superpave des bitumes qui inclut les classes de bitume de type PG H-L; ce qui est une révolution. En voici quelques exemples: PG 58-28, PG 58-34 et PG 64-34.

    2007Normalisation par l’AASHTO TP70 d’une méthode d’essai provisoire pour l’essai MSCR.

    2010 Création du système de classification provisoire des bitumes avec l’essai MSCR par la norme AASHTO MP19.

    2013 Les fournisseurs de bitume font systématiquement l’essai MSCR sur leurs bitumes et ils inscrivent leurs résultats sur l’attestation de conformité.

    2019 Adoption des bitumes basés sur la classification MSCR au Québec. C’est une évolution de l’ancienne classification Superpave.

    UN PEU D’HISTOIRE…

  • FIGURE 1 COMPORTEMENT IDÉAL D’UN MATÉRIAU ÉLASTIQUE, D’UN MATÉRIAU VISQUEUX ET D’UN MATÉRIAU VISCOÉLASTIQUE.

    N U M É R O 0 1 | 3

    0

    0

    t

    t

    TEMPS

    UNE CONTRAINTE CONSTANTE EST APPLIQUÉE PENDANT UNE PÉRIODE DE TEMPS t.

    LA DÉFORMATION ASSOCIÉE À CETTE CONTRAINTE PENDANT DEUX PÉRIODES DE TEMPS t.

    COMPORTEMENT DE TYPE :

    MATÉRIAU VISCOÉLASTIQUE

    TEMPS

    FLUAGE

    RECOUVRANCE(retour à l’état repos)

    CONT

    RAIN

    TE

    0 t

    SOLIDE ÉLASTIQUE IDÉAL

    TEMPS

    DÉFO

    RMAT

    ION

    DÉFO

    RMAT

    ION

    0 t

    FLUIDE VISQUEUX IDÉAL

    TEMPS

    CONTRAINTE SUPPRIMÉE AU TEMPS t

    DÉFO

    RMAT

    ION

    3 DESCRIPTION DE LA MÉTHODE ET DES PARAMÈTRES

    Le principe de l’essai MSCR (fluage-recouvrance sous contraintes répétées) est de mesurer la déformation cumulée obtenue en soumettant le bitume à des périodes de contraintes et de relaxations successives. L’essai MSCR s’effectue avec un DSR, tel que montré à la photo 1. Cet instrument était déjà utilisé pour mesurer la température élevée du PG. L’arrivée de l’essai MSCR n’a donc pas nécessité l’achat de nouveaux équipements. C’est un essai facile à réaliser et ayant une bonne reproductibilité. L’échantillon de bitume est préalablement vieilli à court terme au RTFO pour simuler le vieillissement de l’enrobé durant sa fabrication jusqu’à sa mise en place sur la chaussée. L’essai est réalisé à la température climatique maximale observable sur la chaussée. Il n’est plus question de réaliser les essais à des températures supérieures de 6 ou 12°C à la température de la classe du bitume correspondant à sa zone climatique.

    Le bitume est un matériau viscoélastique, c’est-à-dire qu’il présente des caractéristiques à la fois visqueuses et élastiques. Tel que montré à la figure 1, sous une contrainte, le matériau élastique se déformera rapidement et conservera cette déformation jusqu’au retrait de celle-ci; après quoi, il reprendra très rapidement sa forme initiale. Le matériau purement visqueux se déformera continuellement durant la contrainte. Lorsque celle-ci sera relâchée, le matériau visqueux restera déformé comme à son dernier moment sous contrainte.

  • 4 | T E C H N O B I T U M E

    Pour une température donnée représentant le climat local, l’échantillon de bitume placé entre les plaques parallèles du DSR est soumis à une séquence de 10 cycles comprenant chacun une contrainte d’une seconde suivie d’une période de relaxation de neuf secondes comme montrée à la figure 2. Cette séquence est répétée à deux niveaux de contrainte soit une contrainte faible de 0,1 kPa et une contrainte forte de 3,2 kPa.

    La période de relaxation permet au bitume de récupérer la portion élastique de la déformation alors que la portion visqueuse se reflète en déformation permanente. La fraction élastique de la déformation est représentée sous forme de pourcentage de la déformation recouvrable qui a été récupéré lors des périodes de relaxation. La réponse élastique du bitume correspond donc à la moyenne des pourcentages de déformation recouvrable à chacun des 10 cycles de contrainte-relaxation. Pour ces 10 cycles, les déformations permanentes sont cumulées et constituent la complaisance non recouvrable (Jnr). Celle-ci

    est également représentée sur un cycle à la figure 3.

    Le paramètre Jnr représente donc la déformation permanente moyenne en fonction de la contrainte. Ainsi, plus le Jnr est élevé pour une même contrainte, plus la déformation permanente est grande, et moins résistant à l’orniérage est le bitume. Inversement, une faible valeur de Jnr3,2 montre un meilleur bitume qui cumule moins de déformations permanentes sous la contrainte.

    La réponse élastique est le ratio de la déformation élastique sur la déformation totale. Plus le ratio est élevé, plus le bitume possède la capacité de reprendre sa forme. Le polymère ajouté au bitume permet d’augmenter la réponse élastique. L’exigence de cette réponse élastique varie en fonction du Jnr3,2 comme présenté à la figure 4.

    FIGURE 2 EXEMPLE SCHÉMATISÉ DES CYCLES DE DÉFORMATION À L’ESSAI MSCR.

    FIGURE 3 EXEMPLE SCHÉMATISÉ ET DÉTAILLÉ D’UN CYCLE DE DÉFORMATION À L’ESSAI MSCR.

    100

    80

    60

    40

    20

    0

    Jnr = 1/10 S DÉFORMATIONS PERMANENTES CONTRAINTE EN CISAILLEMENT APPLIQUÉE

    TEMPS (s)

    DÉFO

    RMAT

    ION

    (%)

    DÉFORMATION PERMANENTE DU CYCLE 1

    CYCLE 1

    CYCLE 3

    CYCLE 2

    CYCLE 4

    [ ... ] JUSQU’À 10 CYCLES

    0 10 20 30 40 50 60

    0,35

    0,30

    0,25

    0,20

    0,15

    0,10

    0,5

    0

    DÉFORMATIONRECOUVRABLE

    RÉPONSE ÉLASTIQUE (%) =

    Jnr =

    1 CYCLE COMPLET

    TEMPS (s)

    DÉFO

    RMAT

    ION

    DÉFORMATIONPERMANENTE

    γ10 =

    γ1 — γ10γ1 — γ0

    γ10 — γ0 σ

    γ1 = DÉFORMATION MAXIMALE

    , OÙ σ = CONTRAINTE

    0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11γ0 PHOTO 1 LE DSR SERT AUSSI D’INSTRUMENT POUR L’ESSAI MSCR.

  • N U M É R O 0 1 | 5

    4 CLASSIFICATION DES BITUMES SELON L’ESSAI MSCR

    La classification des bitumes faite avec l’essai MSCR est basée sur le degré de sollicitation du trafic. Une lettre associée à un niveau de sollicitation du trafic est ajoutée à la nomenclature de la classe de bitume. Ainsi, les bitumes sont maintenant de classe PG Hn-L où n représente le niveau de résistance à la sollicitation du trafic. Il y a officiellement quatre niveaux de sollicitation qui sont présentés dans le tableau 1.

    Comme c’était déjà le cas avec les bitumes de type PG H-L, la nouvelle classification inclut les données d’utilisation en fonction du climat. Il y a encore une température haute (H) et une basse (L). Cependant, la température haute des bitumes PG Hn-L correspond à la température maximale à 20 mm sous la surface de la chaussée dans la zone climatique déterminée par le MTQ. Auparavant, la température élevée était déterminée à la fois par la température climatique et par le trafic (grade bumping).

    FIGURE 4 EXIGENCE DU R3,2 EN FONCTION DU Jnr3,2 SELON LA FORMULE y = 29,3710x-0,2633.

    100

    90

    80

    70

    60

    50

    40

    30

    20

    10

    0

    Jnr (kPa-1)

    RÉPO

    NSE É

    LAST

    IQUE

    (%)

    0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0

    y = 29,3710x -0,2633

    ZONE CONFORME

    E V H S

    ZON

    E N

    ON-C

    ONFO

    RM

    E

    ZONE NON-CONFORME

    TABLEAU 1 CLASSIFICATION DES BITUMES EN FONCTION DU NIVEAU DE SOLLICITATION DU TRAFIC TEL QUE DÉFINI PAR L’AASHTO M332.

    GRADE (n)NIVEAU DE SOLLICITATION ECAS CUMULÉS ET

    VITESSE DU TRAFIC(3) Jnr à 3,2 kPaNOM OFFICIEL FRANÇAIS

    S Standard Standard < 10 M et > 70 km/h ≤ 4,5 kPa-1

    H Heavy Élevé 10-30 M ou 20-70 km/h ≤ 2,0 kPa-1

    V Very Heavy Très élevé > 30 M ou < 20 km/h ≤ 1,0 kPa-1

    E Extreme Extrême > 30 M et < 20 km/h ≤ 0,5 kPa-1

  • 4 Le choix des bitumes par zone est montré dans ce document disponible sur le site web du MTQ : https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/entreprises-partenaires/entreprises-reseaux-routier/chaussees/Documents/choix-composants-enrobes.pdf

    5 Ces niveaux de confiance ont été calculés par le logiciel LTPPBind version 3.1 tel que mentionné dans l’Info-DGLC de juin 2019

    4.1 ZONES CLIMATIQUES AU QUÉBEC

    Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a défini trois zones climatiques pour le Québec(4) comme montrées à la figure 5. Ces zones représentent la plage de températures avec un niveau de confiance supérieur à 98%(5) en température haute et généralement supérieur à 80%(5) en température basse avec des frontières facilement identifiables.

    • La zone 1 (PG 64n-28) est située au sud-ouest de la province autour de la grande région métropolitaine de Montréal en incluant aussi les Îles de la Madeleine.

    • La zone 2 (PG 58n-34) est située au centre du Québec entre la zone 1 et la zone 3. Elle couvre la majorité des zones populeuses du sud de la province à l’exception de celle située en zone 1.

    • La zone 3 (PG 52n-40) est située au nord du Québec. Elle comprend l’Abitibi, le nord du Saguenay-Lac-Saint-Jean et les autres régions nordiques.

    Il y a quelques bitumes qui peuvent se retrouver dans plus d’une zone :

    • Il y a d’abord le PG 58S-28 qui est le bitume de distillation directe le plus employé au Québec. Ce bitume sera utilisé pour des routes locales à faible trafic. Il pourra être utilisé dans plus d’une zone même s’il ne répond pas aux exigences de la basse température.

    • Le PG 58H-34 peut être utilisé en zone 3 pour des travaux de resurfaçage en remplacement du PG 52V-40.

    FIGURE 5 ZONES GÉOGRAPHIQUES APPROXIMATIVES DES DIFFÉRENTES CLASSES DE BITUME.

    6 | T E C H N O B I T U M E

  • 4.2 BITUMES SPÉCIAUX AVEC UN Jnr3,2 ≤ 0,15 kPa-1

    Contrairement à son nom, la classe E n’est pas l’ultime bitume de la zone géographique. C’est un très bon bitume pour les autoroutes et les boulevards urbains ayant un niveau de sollicitation très élevé. Par contre, dans certaines circonstances, le bitume de classe E n’est pas suffisamment rigide pour supporter des sollicitations exceptionnelles. Un stationnement industriel, un port, un circuit de course, un arrêt d’autobus en surcharge, une intersection très sollicitée sont des exemples de sollicitations exceptionnelles qui peuvent nécessiter l’emploi d’un bitume plus résistant à l’orniérage que celui de la classe E usuelle. Pour ces besoins particuliers, le MTQ et l’industrie se sont entendus pour créer une classe associée à un Jnr3,2 inférieur à 0,15 kPa

    -1. Ces bitumes sont simplement nommés PG HE-L Jnr3,2 ≤ 0,15 kPa

    -1. Les bitumes les plus susceptibles d’être utilisés sont :

    • PG 64E-28 Jnr3,2 ≤ 0,15 kPa-1

    • PG 58E-34 Jnr3,2 ≤ 0,15 kPa-1

    • PG 64E-34 Jnr3,2 ≤ 0,15 kPa-1

    Pour ces bitumes exceptionnels, il est fortement recommandé d’utiliser un bitume de classe « T » ou de classe « THRD » sans abaissement des températures de malaxage et de compactage. Ces bitumes étant généralement très visqueux, ces additifs aideront au malaxage et au compactage. Les moyens de mise en œuvre de ces bitumes doivent être adaptés.

    5 CORRESPONDANCE ENTRE L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE CLASSIFICATION

    Les bitumes de classe PG Hn-L basés sur la norme AASHTO M332 sont tous plus performants ou égaux relativement à l’orniérage que ceux de l’ancienne classe de PG H-L basé sur la norme AASHTO M320. Les correspondances sont montrées dans le tableau 2.

    TABLEAU 2 CORRESPONDANCE DES BITUMES EN FONCTION DE LA ZONE CLIMATIQUE ET DU PRIX DE RÉFÉRENCE.

    ZONE CLIMATIQUE

    PG H-L AVANT 2019 (AASHTO M320)

    PG Hn-L DEPUIS 2019 (AASHTO M332)

    CLASSE COMME PRIX DE RÉFÉRENCE*2

    1-2 PG 58-28 PG 58S-28PG 58S-28

    3 PG 52-34 PG 52S-34*1

    2-3 PG 58-34 PG 58H-34PG 58H-34

    1 PG 64-28 PG 64H-28

    1 PG 70-28 PG 64E-28

    PG 58E-342 PG 64-34 PG 58E-34

    3 PG 52-40 et PG 58-40 PG 52V-40

    1 PG 76-28 PG 64E-28 Jnr3,2 ≤ 0,15*1

    PG 58E-341-2 PG 70-34 et PG 76-34

    PG 58E-34 Jnr3,2 ≤ 0,15*1

    PG 64E-34*1

    PG 64E-34 Jnr3,2 ≤ 0,15*1

    Note *1 : Les bitumes en italiques ne sont pas explicitement recommandés dans le tableau « Choix des composants – Enrobés » du MTQ, mais sont parfois utilisés au Québec pour d’autres applications.Note *2 : Pour tous les autres cas qui ne sont pas dans ce tableau, le prix de référence retenu pour le calcul de l’ajustement est celui de la classe de performance PG 58H-34.

    N U M É R O 0 1 | 7

  • AU SERVICE DE NOS MEMBRES DEPUIS PLUS DE 25 ANS100, rue de la Couronne, bureau 200, Repentigny, Québec J5Z 5E9 | Téléphone : 450 922-2618 | Télécopieur : 450 922-3788 | bitumequebec.ca

    RÉFÉRENCES1. Federal Highway Administration (FHWA), The Multiple Stress Creep Recovery (MSCR) Procedure, FHWA-HIF-11-038, Washington DC., États-Unis, 20112. Anderson, Mike, Introduction to the Multiple-Stress Creep-Recovery (MSCR) Test and its Use in the PG Binder Specification, Asphalt institute. MAAPT 60th Annual Asphalt Conference,

    Minnesota, États-Unis, 20133. Asphalt Institute, Implementation of the Multiple Stress Creep Recovery Test and Specification, Asphalt Institute Guidance Document, États-Unis. 20104. Leclerc, Gaétan, Sélection des bitumes basée sur la classification MSCR, Via Bitume, Vol. 13, 20185. Document du ministère des Transports : Choix des composants – Enrobés (norme 4202) www.transports.gouv.qc.ca6. Ministère des Transports, Nouvelle classification des bitumes : incidences sur les choix des composants des enrobées, Info-DGLC, vol. 24, no 2, juin 2019

    6 CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT DE CLASSIFICATION DES BITUMES

    En 2019, il y a eu un changement complet de la classification des bitumes au Québec. Le changement de la Norme 4101 du MTQ avait eu lieu en décembre 2018 et la quasi-totalité des productions de bitume en 2019 a été faite en se conformant à cette nouvelle norme. Ce changement total et complet a permis d’éviter la double classification des bitumes. De plus, il y a eu une importante diffusion d’informations et de formations qui ont permis de bien s’adapter aux nouveaux bitumes.

    Les nouveaux bitumes basés sur la classification MSCR sont généralement plus résistants au niveau de l’orniérage car ils ont un Jnr3,2 moins élevé. Mais ces bitumes deviennent plus visqueux car ils contiennent souvent plus de polymères qui contribuent à l’augmentation de la viscosité à une même température donnée. Pour conserver la même viscosité lors du malaxage et du compactage, il faut alors augmenter ces températures de malaxage et de compactage. En faisant ainsi, la qualité de l’enrobage du granulat et l’énergie de compactage demeurent similaires. Il est cependant impossible de conserver une viscosité optimale pour certains bitumes très visqueux. Il y a une limite de la température de malaxage prescrite par le MTQ. Cette température limite à ne pas dépasser est fixée à 170°C et est imposée pour éviter la dégradation du bitume, même si la viscosité optimale nécessiterait une température de malaxage supérieure à la température prescrite. Par conséquent, les bitumes très visqueux n’ont plus de viscosité optimale et ils nécessitent une énergie de malaxage et de compactage plus grande. Ce sont surtout les bitumes de classe PG 64E-28 et plus qui sont à risque. L’utilisation d’additifs augmentant la maniabilité ou réduisant la viscosité sans réduire les températures devient alors nécessaire.

    Les spécifications liées à l’essai MSCR permettent d’uniformiser la performance en déformation permanente des bitumes de différentes provenances en réduisant les disparités de performances. La quantité de polymère de type élastomère est encore plus valorisée qu’avant avec ce changement de classification. Il y a aussi plusieurs bénéfices associés à l’ajout de polymère comme l’augmentation de la résistance aux fissurations de fatigue et de retrait thermique, en plus d’accroître le module de rigidité.

    7 CONCLUSION

    La norme AASHTO M332 et ses nouvelles classes de bitumes basées sur l’essai MSCR permettent de choisir un bitume mieux adapté pour résister à l’orniérage en fonction du trafic tout en respectant les conditions climatiques. Le choix des bitumes est devenu plus facile à faire en séparant les données climatiques et de trafic. L’adoption de la nouvelle Norme 4101 du MTQ et les nouvelles classes de performance des bitumes qui en découlent ont permis d’augmenter la qualité des bitumes au Québec. Le nou-veau système de classification MSCR est donc une avancée pour les chaussées flexibles.

    MISE EN GARDEBitume Québec décline toute responsabilité, directe ou indirecte quant à l’actualité ou à l’exactitude des informations du présent bulletin technique ou aux conséquences découlant de leur utilisation. Les informations présentées ne doivent en aucun cas se substituer à l’opinion d’un professionnel du domaine des enrobés, ni lier l’association ou ses mandataires et ses représentants. Bitume Québec et ses mandataires n’acceptent aucune responsabilité pour toute erreur, inexactitude ou omission reliée aux informations contenues dans ce bulletin.

    OCTOBRE 2020 ISBN 978-2-923714-37-0