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1 UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41) DOCTORAT en DROIT Elisa BARON LA COACTION EN DROIT PENAL Thèse dirigée par Madame le Professeur Valérie MALABAT Soutenue le 7 décembre 2012 JURY : Monsieur Philippe BONFILS Professeur à l’Université d’Aix-Marseille III, rapporteur. Monsieur Bertrand DE LAMY, Professeur à l’Université de Toulouse 1 - Capitole. Madame Valérie MALABAT, Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV. Monsieur Xavier PIN Professeur à l’Université de Lyon III, rapporteur. Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU, Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV.

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UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV

ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)

DOCTORAT en DROIT

Elisa BARON

LA COACTION EN DROIT PENAL

Thèse dirigée par Madame le Professeur Valérie MALABAT

Soutenue le 7 décembre 2012

JURY :

Monsieur Philippe BONFILS Professeur à l’Université d’Aix-Marseille III, rapporteur.

Monsieur Bertrand DE LAMY,

Professeur à l’Université de Toulouse 1 - Capitole.

Madame Valérie MALABAT,

Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV.

Monsieur Xavier PIN Professeur à l’Université de Lyon III, rapporteur.

Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU,

Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV.

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3

A mes parents.

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5

REMERCIEMENTS

Ce travail n’aurait pas été le même sans vous :

Merci à Roger pour ton soutien, ta présence rassurante et ta patience,

Merci à mes parents pour votre soutien, vos encouragements et votre compréhension,

Merci à Valérie Malabat pour votre confiance, votre disponibilité et vos remarques toujours si

pertinentes,

Merci à Emmanuelle, Julien et Yannick pour votre aide si précieuse, vos conseils judicieux, et

votre humour à toute épreuve,

Merci à Elodie, Marie, Marie-Anne, Maxence et Pierre pour vos relectures minutieuses et

votre attention constante,

Merci à Maxime et Walter pour avoir été aussi consciencieux que si l’avenir du monde en

dépendait,

Merci à Clément pour avoir su dompter l’animal informatique,

Merci enfin à vous qui m’avez proposé votre aide et dont je n’ai osé profiter.

Merci à vous tous d’avoir supporté mes coups de sang tout aussi soudains qu’excessifs,

d’avoir partagé mes thés et autres breuvages inavouables et surtout de m’avoir tant fait rire.

C’est grâce à vous que ces années ont été si belles qu’elles me manquent déjà.

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7

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

AJ pén. Actualité juridique pénale

Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Bull. Joly Bulletin Joly

CA Cour d’appel

Cour EDH Cour européenne des droits de l’homme

C. proc. civ. Code de procédure civile

C. proc. pén. Code de procédure pénale

Cass. Cour de cassation

Cons. const. Conseil Constitutionnel

Conv. EDH Convention européenne des droits de l’homme et des libertés

fondamentales

D. Dalloz (Recueil)

D.P. Dalloz périodique

Dr. soc. Revue droit social

Gaz. Pal. Gazette du Palais

J.-Cl. Juris-Classeur – Encyclopédies

JCP G Juris-Classeur Périodique (Semaine juridique)

JCP E Juris-Classeur Périodique, édition Entreprise

Rev. crit. lég. jur. Revue critique de législatation et de jurisprudence

Rev. dr. int. dr. comp. Revue de droit international et de droit comparé

Dr. pén. Revue droit pénal

RID pén. Revue internationale de droit pénal

RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal

Rev. dr. pén. crim. Revue de droit pénal et de criminologie

Rev. sc. crim. Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé

RICPT Revue internationale de criminologie et de police technique

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

Rép. civ. Répertoire civil

Rép. pén. Répertoire pénal

S. Sirey (Recueil Sirey)

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9

SOMMAIRE

PARTIE 1 – LA NOTION DE COACTION ..................................................................................................... 35

TITRE 1- UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION ................................................................................ 39

Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle ...................................................................................... 41

Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation ................................... 42

Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la participation ................................ 62

Chapitre 2- Une participation à une infraction unique ............................................................................... 91

Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs.............................................................................. 93

Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs ........................................................... 113

TITRE 2- UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION ................................................................... 149

Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif .............................................................. 153

Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction .......................................................... 153

Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction ............................................................ 173

Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif ................................................... 197

Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs .......................................................................... 198

Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs ......................................................................... 230

PARTIE 2- LE REGIME DE LA COACTION.............................................................................................. 265

TITRE 1- L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA COACTION .......... 267

Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale ........................................................ 269

Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective ............................... 273

Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective....................... 289

Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs ......................................................... 309

Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs ............................................................................................ 311

Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs ............................................................................ 337

TITRE 2- L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION COLLECTIVE SUR LE REGIME DE LA

COACTION ....................................................................................................................................................... 357

Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la coaction ........... 359

Section 1- La justification commune de l’infraction ............................................................................. 361

Section 2- L’oubli commun de l’infraction ........................................................................................... 379

Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la coaction .............. 389

Section 1- Le domaine matériel de la coaction ..................................................................................... 391

Section 2- Les peines de la coaction ..................................................................................................... 399

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INTRODUCTION

1. Dans le même sac mais pas du même fil. – En considérant qu’auteur principal et

complice sont « cousus dans le même sac »1 mais « pas […] du même fil »

2, les Professeurs

CARBONNIER et DE LAMY scellaient le sort de ces individus : si leurs comportements sont

étroitement liés, leur culpabilité n’est pas indissociable. Pourtant, alors que complice et

coauteur sont généralement envisagés côte à côte par le législateur3, la répression de ce

dernier type de participant à l’infraction est pour sa part trop souvent ignorée de la doctrine

pénaliste4.

2. Absence de définition légale de la coaction. – Le terme de coaction n’est employé

ni par le Code pénal, ni par le Code de procédure pénale. Seul celui de coauteur l’est, mais

très rarement. Le Code pénal l’utilise ainsi à une unique reprise, en son article 434-7-2 relatif

aux entraves à l’exercice de la justice, pour incriminer le fait de révéler des informations

issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, à des

personnes susceptibles d’être impliquées dans la commission de ces infraction à titre,

notamment, de coauteur, lorsque cette révélation est de nature à entraver le déroulement des

investigations ou la manifestation de la vérité. Quant au Code de procédure pénale, il ne vise

que rarement les coauteurs. Par exemple, il en traite dans son article 383 s’agissant de la

compétence du Tribunal correctionnel pour considérer que « la compétence à l’égard d’un

prévenu s’étend à tous coauteurs et complices ». En outre, il envisage encore les coauteurs

pour leur appliquer la solidarité, l’article 375-2 alinéa 2 disposant, en matière de crimes, que

« la cour peut, par décision spéciale et motivée, ordonner que l’accusé qui s’est entouré de

1 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices, JCP G 1952, I, 1034.

2 B. DE LAMY, obs. sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2004, p. 310.

3 V. infra n° 5.

4 Sur la rareté des études consacrées à la coaction : v. infra n° 18.

Page 12: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

12

coauteurs ou de complices insolvables sera tenu solidairement des amendes »5. Enfin, pour

prendre un dernier exemple, depuis la loi du 14 avril 2011, l’article 62-2 5° du même code

définit la garde à vue comme une mesure permettant notamment d’empêcher que la personne

ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices. Mais

aucun de ces textes n’est propre à la coaction, les coauteurs y étant traités de même que les

complices6, voire que les auteurs ou receleurs

7. Surtout, aucun d’entre eux n’est un texte de

définition.

3. Existence de la coaction en doctrine. – La doctrine témoigne pourtant, elle aussi, de

l’existence de la notion de coaction. En effet, si CORNU ne définit pas le terme de coaction, il

s’intéresse à celui de coauteur, qui renverrait ainsi, en matière pénale, à la « personne qui,

participant directement à la commission d’une infraction aux côtés d’une ou plusieurs autres

personnes, en est considérée comme l’un des auteurs principaux, par opposition au

complice ». De plus, les manuels de droit pénal général consacrent généralement des

développements aux coauteurs ou à la coaction au titre de la détermination de la personne

responsable8 ou de la participation à l’infraction

9. La doctrine considère ainsi classiquement

comme coauteurs « les individus qui réunissent en leur personne tous les éléments de

l’infraction commise en participation » 10

. Enfin, force est de constater que différents vocables

renvoient, semble-t-il, à la même réalité et sont employés en tant que synonymes : certains

auteurs parlent ainsi de coactivité11

quand d’autres traitent de coréalité12

ou corréité13

.

5 L’article 480-1 en dispose de même s’agissant des délits.

6 Dans le Code de procédure pénale.

7 Dans le Code pénal.

8 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, coll. Précis, 22

ème éd., 2011, n° 307 et s. ; PH. CONTE et

P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, Armand Colin, 7ème

éd., 2004, n° 400 et s. ; Y. MAYAUD, Droit

pénal général, PUF, Coll. Droit fondamental, Paris, 3ème

éd., 2010, n° 379 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal

général, PUF, coll. Thémis, 6ème

éd., Paris, 2005, p. 369 et s. 9 V. notamment E. DREYER, Droit pénal général, LexisNexis, 2

ème éd., 2012, n° 956 et s. ; R. MERLE et A. VITU,

Traité de droit criminel, Problèmes généraux de la science criminelle – Droit pénal général, Cujas, 7ème

éd.,

1997, n° 531 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, Cujas, 19ème

éd., 2012, n° 423 et s. 10

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Problèmes généraux de la science criminelle – Droit pénal

général, préc., n° 523. 11

V. notamment ABDULNOUR, La distinction entre coactivité et complicité, Etude de doctrine et de

jurisprudence en Suisse, en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967; Y. MAYAUD, Droit pénal

général, préc., n° 380; Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité ?, Une certaine idée du droit,

Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 745 et s., spéc. p. 484 ; R. KOERING-JOULIN et A. HUET, Droit

pénal international, PUF, coll. Thémis, 3ème

éd., Paris, 2005, n° 134. 12

V. notamment M. PUECH, Les grands arrêts du droit criminel, Cujas, 1976. 13

V. notamment R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, Tome III, Sirey, 1916, n°

873 et s.

Page 13: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

13

Cependant, le terme de coaction paraît préférable. En effet, non seulement il est beaucoup

plus utilisé en doctrine, mais en outre, il est en adéquation avec celui de coauteur qui en

apparaît comme le dérivé. Enfin, les prétendus synonymes de coaction reflètent certainement

des réalités plus larges que cette dernière. Les termes de corréité ou coréalité recouvrent ainsi,

a priori, plus d’hypothèses que celui de coaction puisqu’ils pourraient renvoyer, plus

généralement, à la chose commune réalisée par différents agents14

. Or, cette dernière est

susceptible d’être le fait de coauteurs comme de complices15

, agents pourtant distingués par la

loi comme la jurisprudence16

. Quant à celui de coactivité, l’activité renvoyant à la « faculté

d’agir, de produire un effet », il évoque sans doute des comportements plus nombreux qu’une

action telle qu’entendue par le droit pénal. En effet, si celle-ci n’est pas définie par le Code

pénal, la qualification d’auteur, en revanche, l’est : l’article 121-4 considère ainsi comme

auteur celui qui « commet les faits incriminés » ainsi que celui qui « tente de commettre un

crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ». Dès lors, parce que le terme « action »

revêt un sens précis au regard du droit pénal, celui de coaction sera préféré à celui de

coactivité.

4. Existence de la coaction en jurisprudence. – Quant à la jurisprudence, elle connaît

également de la notion de coauteur. Outre les décisions qui accordent la qualité de coauteur à

un individu mais sans réellement s’interroger à son sujet, certaines mentionnent ainsi que

celui qui « assiste l’auteur dans les faits de consommation coopère nécessairement à la

perpétration du délit et se rend coauteur »17

. Ce faisant, la jurisprudence ébauche une

définition de la coaction qui se rapproche sans conteste de celle de la complicité. En effet,

l’article 121-7 du Code pénal définit notamment le complice comme « la personne qui

sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ». L’idée

d’assistance, présente dans les deux définitions, évoque alors un lien entre les deux notions.

14 Ils sont en effet issus du latin « res, rei » signifiant « chose ». Alliés au préfixe « co », issu du latin « cum »

signifiant notamment « avec », ils paraissent alors renvoyer à la chose commune. 15

En effet, si un complice et un auteur principal s’entendent sur la réalisation d’une infraction, celle-ci devient

certainement leur chose commune : sur le fait que l’entente n’exclut pas la complicité mais est simplement

indifférente à sa caractérisation, v. infra n° 92 et s. 16

V. infra n° 4. 17

V. notamment Cass. crim., 9 juin 1848, S., 1848, I, p. 527.

Page 14: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

14

5. Nécessaire comparaison avec la complicité. – Or, si le terme de coauteur est seul

visé par les Codes pénal et de procédure pénale, il est toujours mis en parallèle avec la

complicité, laissant donc supposer que ces deux termes se distinguent, mais présentent

également des points de rapprochement. De même que la complicité, la coaction suppose en

effet une pluralité de participants et peut ainsi être considérée comme une forme de

participation à l’infraction. L’histoire atteste d’ailleurs de ce rapprochement nécessaire entre

coaction et complicité.

6. Distinctions historiques entre le rôle des participants. – En effet, historiquement,

la responsabilité était conçue comme une responsabilité collective. Peu importait la faute

commise par l’individu, qu’elle soit intentionnelle ou non, elle pouvait se communiquer à

l’ensemble de son groupe. FAUCONNET considère ainsi que la responsabilité est « collective et

communicable dans les sociétés inférieures », et ce, « par nature »18

. La façon de participer

au crime était alors parfaitement indifférente puisque cette participation elle-même n’était pas

exigée. Seule importait l’appartenance au groupe19

. Puis peu à peu, la responsabilité pénale

s’est individualisée. Les individus ayant personnellement participé à l’infraction étaient alors

seuls à pouvoir être réprimés, mais aucune distinction conceptuelle n’était opérée selon leurs

rôles respectifs20

. Tous étaient unis dans une égalité de peine. Cependant, la participation à

l’infraction témoignant de nombreuses nuances, le droit romain classique a mis en place

d’aussi nombreuses et subtiles distinctions. L’ancien droit français les a résumées en

considérant qu’il devait être distingué entre les auteurs principaux, dénommés auctores ou rei,

et les complices, dénommés soccii, ministri, fautores ou encore participes21

. En outre, au sein

de ces derniers, il fallait encore distinguer entre la complicité par le commandement (jussu),

par le mandat (mandato), par le concert (conscienta), par le conseil (suadendo), par l’aide

donnée à dessein (ope et consilio), par ratification (ratihabitione) et enfin par recel (de

receptatoribus)22

. D’autres auteurs montrent encore que les théologiens envisageaient

également la responsabilité de ceux qui ont coopéré à l’infraction par une abstention selon

18 P. FAUCONNET, La responsabilité : étude de sociologie, F. Alcan, Paris, 1920, p. 330.

19 V. notamment E. VERNY, Le membre d’un groupe en droit pénal, LGDJ, 2002, n° 159 et s.

20 Pour le droit romain primitif, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976, n° 41 et s.

21 V. MUYART DE VOUGLANS, Les lois criminelles, liv. I, tit. II, 1771, p. 5 à 11 ; JOUSSE, La justice criminelle en

France, t. I, 1780, p. 20 et s., t. IV, p. 235 et s., cités par R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit

pénal français, préc., n° 884. 22

Ibid.

Page 15: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

15

qu’ils se sont abstenus de s’opposer à l’infraction par leur silence (mutus), leur passivité (non

obtans) ou de la dénoncer après qu’elle a été commise (non manifestans)23

. Mais ces

différentes distinctions, aussi nombreuses soient-elles, ne se traduisaient pas du point de vue

de la pénalité encourue, pénalité que l’on aurait pourtant pu imaginer proportionnée à

l’intervention de chacun24

: auteurs et complices étaient soumis à une stricte égalité quant aux

peines encourues. Quant aux coauteurs, aucune définition ne leur était réservée, le terme

n’étant même pas employé. Cependant, MUYART DE VOUGLANS considère que dans les cas où

« l’on peut dire que le criminel n’est parvenu à consommer son crime ou à en assurer

l’impunité que par les secours qui lui ont été prêtés et qui l’ont rendu plus hardi à le

commettre, il y a lieu de regarder ceux qui ont prêté ces secours non pas simplement comme

des complices mais même comme de véritables coopérateurs du crime, et en cette qualité

aussi punissables que ceux mêmes qu’ils ont aidés à le commettre »25

. Or, le terme de

coopérateur peut certainement être rapproché de celui de coauteur26

. L’auteur distingue de la

sorte entre les participants principaux et les participants secondaires à l’infraction. JOUSSE

poursuit l’analyse en considérant que la nécessité du geste de coopération fait de son auteur

un participant principal27

. Si l’acte n’apparaissait pas comme nécessaire à l’infraction, son

auteur sera un participant secondaire. Se dessine alors la distinction entre coauteurs et

complices : alors que les premiers seraient des participants principaux à l’infraction, les

seconds n’en seraient que des participants secondaires, dont les peines devraient être

amoindries. Cependant, à partir de 1791, la méfiance affichée à l’égard de l’arbitraire des

juges a conduit à confondre à nouveau les pénalités encourues par les auteurs et les complices,

solution reprise dans le Code pénal de 1810. Quant à la notion de coauteur, elle n’était

toujours pas légalement définie. Cependant, le terme était plus présent que dans notre code

actuel, certaines infractions prévoyant une aggravation de la peine lorsque l’infraction avait

été « commise par plusieurs individus », c’est-à-dire par des coauteurs28

.

23 A. LAINGUI, Les adages du droit pénal, Rev. sc. crim. 1986, p. 25 et s., spéc. p. 28, note n° 9.

24 Il s’agissait du reste de la solution retenue par le droit germanique : v. R. GARRAUD, Traité théorique et

pratique du droit pénal français, préc., n° 884. 25

MUYART DE VOUGLANS, livre I, tome II, § 4, cité par D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 48. 26

Dans le même sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 48. 27

D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 49 et s. 28

En effet, les complices ne « commettent » pas l’infraction, ils ne font qu’y participer.

Page 16: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

16

7. Définitions doctrinales de la coaction. – La qualité de coauteur pouvant parfois être

une circonstance aggravante, la doctrine s’est alors attachée à approfondir ces définitions.

Deux courants principaux ont ainsi été dégagés, un courant subjectif, fondé sur la psychologie

des participants, et un courant objectif, attaché aux manifestations extérieures de la

participation.

Selon le critère subjectif, il conviendrait de rechercher la « direction de la volonté »29

du

participant, c’est-à-dire l’état d’esprit l’ayant animé lors de la réalisation de l’infraction. S’il a

voulu accomplir sa propre infraction, c’est-à-dire qu’il a agi animo auctoris, il devra être

considéré comme un auteur ou un coauteur. En revanche, s’il a souhaité s’associer à

l’infraction d’autrui, c’est-à-dire qu’il a agi animo socii, il sera un complice30

. Cependant,

comme il l’a été remarqué31

, ce critère manque certainement d’efficacité. En effet, outre le fait

qu’il implique des investigations psychologiques difficiles à mettre en œuvre, il est

particulièrement illusoire de croire que le délinquant lui-même se soit interrogé de la sorte.

Quant au critère objectif, il comprend différents courants. Il a ainsi été proposé

d’attribuer la qualité de coauteur aux individus ayant accompli un acte nécessaire à

l’exécution de l’infraction. GARRAUD considère ainsi que les individus étant la cause directe

de l’infraction doivent en être qualifiés de coauteurs, alors que ceux qui n’en sont que la cause

indirecte s’apparentent à des complices, dont la peine encourue devrait alors être moindre32

.

Par exemple, la personne qui distrait l’attention d’un individu pendant qu’une autre lui dérobe

un bijou devrait être qualifiée de coauteur. En revanche, celle qui masquerait les cris de la

victime d’un meurtre en jouant d’un instrument de musique ne devrait être qualifiée de

complice33

. Cependant, cette référence au critère de l’intensité causale a été décriée par une

autre partie de la doctrine. D’abord, la doctrine allemande a fait valoir que tout participant à

l’infraction s’analyse comme une cause de celle-ci et qu’il serait artificiel de tenter de

distinguer entre elles car c’est nécessairement l’action conjuguée des différents participants

29 P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,

RID pén., 1956, p. 137 et s., spéc. p. 175. 30

V. également A. ROUX, note sous Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, 1, p. 41, selon qui « le coauteur a l’âme

d’un auteur alors que le complice a l’esprit d’un auxiliaire ». 31

P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,

préc., p. 175 ; JIMENEZ DE ASUA, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à

l’infraction, RID pén., 1957, p. 479 et s. V. également R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit

pénal général, préc., n° 554. 32

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 902. 33

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 950.

Page 17: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

17

qui a conduit à l’infraction34

. Ensuite, il peut parfois sembler délicat de déterminer quel acte

s’entend d’un acte nécessaire à la consommation, si bien que des hypothèses similaires

pourraient donner lieu à des interprétations différentes. Enfin, certains auteurs ont fait valoir

qu’un tel critère, en renvoyant à la théorie de la causalité adéquate, n’était pas satisfaisant

dans la mesure où il est parfaitement envisageable qu’un individu soit qualifié d’auteur alors

même que son acte, selon le cours normal des choses, n’aurait pas dû produire le résultat qui

lui est reproché35

.

8. Définition retenue par la doctrine française. – C’est pourquoi la doctrine française

a proposé un autre critère, également objectif. En vertu de celui-ci, doivent être considérés

comme des coauteurs les individus réunissant sur leur tête les éléments constitutifs de

l’infraction36

. Tous les autres participants, quelle que soit la nature de leur intervention

devront être qualifiés de complices dès lors qu’ils ne réunissent pas les éléments constitutifs

de l’infraction. Cette définition fait donc du coauteur un auteur comme un autre, à part

entière37

. Sa seule particularité serait ainsi d’avoir réalisé l’infraction en présence d’autres

individus également qualifiables d’auteurs, et donc de coauteurs. Leurs sorts seraient du reste

parfaitement indépendants38

. Ce critère aurait ainsi pour mérite de faire preuve d’une grande

facilité de mise en œuvre, ce qui n’a pas manqué d’être remarqué39

. Pourtant, cette simplicité

apparente n’a pas empêché la jurisprudence de dévoyer la notion ainsi établie.

9. Dévoiement jurisprudentiel des notions de coauteurs et complices sous l’ancien

Code pénal. – En effet, dans un souci généralement répressif, la jurisprudence n’a pas hésité

34 V. notamment VON BURI, Zur Lehre von der Teilnahme an dem Verbrechen und der Begenstigung, Berlin,

1860, passim ; VON LISZT, Lehrbuch des Deutschen Strafrechts, Trad. Franç., t. I, § 49, cités par R. GARRAUD,

Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 881, note 1. V. également P. BOCKELMANN,

L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, préc.., spéc. p. 173. 35

Dans l’hypothèse d’un coup ayant entraîné la mort sans intention de la donner par exemple : P. BOCKELMANN,

L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, préc., p. 174. 36

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème

éd., 2004, n° 403 ; R.

BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 310 ; E.

DREYER, Droit pénal général, préc., n° 957 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, Economica,

16ème

éd., 2009, n° 512 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, t. 1, Cujas, 7ème

éd., 1997, n° 535 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, Ellipses, 2ème

éd., 2006, n° 365. 37

R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 311. 38

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403 ; B. BOULOC, Droit pénal général,

préc., n° 311 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 960. 39

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554. V. également F.

ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, 2009, n° 253.

Page 18: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

18

à considérer des individus répondant à la définition de coauteurs comme des complices, et des

complices comme des coauteurs alors même qu’ils n’avaient pas réalisé l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction.

En premier lieu, elle a ainsi fréquemment considéré que « le coauteur d’un crime aide

nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment l’action et devient

nécessairement son complice »40

, appliquant en cela la théorie de la complicité corespective41

.

Sous l’empire de l’ancien Code pénal, cette solution permettait en effet d’appliquer au

participant une peine plus sévère que celle qu’il aurait encourue au titre de la coaction.

L’article 60 de l’ancien Code pénal prévoyant que le complice serait puni comme l’auteur de

l’infraction, dans l’hypothèse où, par exemple, un individu en aidait un autre à tuer son père

en lui assénant des coups, le coopérateur du crime encourait la peine du parricide s’il était

considéré comme un complice alors qu’il encourait celle du meurtre simple s’il était qualifié

de coauteur42

.

En deuxième lieu, la jurisprudence a également utilisé un mécanisme inverse, c’est-à-

dire qu’elle a qualifié de coauteur un individu répondant pourtant à la définition légale de la

complicité. Là encore, cette solution servait les besoins de la répression sous l’ancien Code

pénal. En effet, la circonstance aggravante de réunion était limitée à l’existence de coauteurs

et ne pouvait donc être relevée en présence d’un auteur principal assisté de complices.

Partant, pour la retenir dans des hypothèses où seuls des complices auraient pu être relevés en

application de la définition légale, la Cour de cassation a considéré que « celui qui assiste

l’auteur dans les faits de consommation coopère nécessairement à la perpétration du délit et

se rend coauteur »43

, retenant là la théorie de la « coactivité corespective »44

. De plus, les

articles 59 et 60 de l’ancien Code pénal ne prévoyaient la répression de la complicité qu’en

matière de crimes et délits, non de contraventions. La Chambre criminelle considérait alors

comme un coauteur celui qui n’était en principe qu’un complice afin d’assurer la répression

du participant à une contravention45

.

40 V. notamment Cass. crim., 15 juin 1860, S., 1861, I, p. 398.

41 Sur cette théorie et sa critique, v. infra n° 133 et s.

42 L’exemple est tiré de l’arrêt Igneux, Cass. crim., 9 juin 1848, préc.

43 V. notamment Cass. crim., Génold et Pélissier, 24 août 1827, Bull. n° 224 ; 24 juin 1922, S., 1923, I, p. 41 ; 7

déc. 1954, D. 1955, jurispr. p. 221 ; 25 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973, 1, somm. p. 94. 44

Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 390. 45

B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 311 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,

préc., n° 406 ; PH. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, Rev. sc. crim. 1948, p. 665, spéc. n° 16 ;

Page 19: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

19

Enfin, en troisième lieu, dès lors qu’auteurs et complices encourent la même peine, la

jurisprudence a parfois refusé de censurer des décisions témoignant pourtant d’une confusion

entre les qualités de coauteur et de complice. En application de la théorie de la peine

justifiée46

, peu importe ainsi qu’un individu ait été qualifié à tort de coauteur d’une infraction

alors qu’il en était en réalité complice, et inversement, dès l’instant où la peine encourue était

la même dans les deux hypothèses : la décision n’encourra pas la censure. Cette solution

pourrait du reste être d’autant plus renouvelée depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code

pénal dans la mesure où l’intérêt répressif de la substitution de la qualité de complice à celle

d’auteur, et inversement, est aujourd’hui limité.

10. Intérêt répressif apparemment limité de la distinction doctrinale entre

coauteur et complice. – L’article 121-7 du Code pénal disposant aujourd’hui que le complice

sera puni comme auteur de l’infraction et non plus comme l’auteur, l’intérêt précédemment

évoqué consistant à faire du coauteur un complice en vertu de la théorie de la complicité

corespective a disparu. Pour reprendre l’exemple envisagé, le complice devra être puni

comme s’il avait lui-même été l’auteur du meurtre, c’est-à-dire comme un individu lambda,

non comme s’il avait été le fils de la victime. La qualité de complice ne permet donc plus une

répression plus sévère que celle de coauteur dans une telle hypothèse47

. De plus, la complicité

de contravention par instigation est désormais répréhensible48

. Seule la complicité par aide et

assistance d’une contravention ne l’est pas. L’intérêt de retenir la qualification de coauteur en

lieu et place de celle de complice paraît alors résiduel.

Certes, la théorie de la complicité corespective conserve une utilité en matière de

violences commises collectivement. Ainsi, dans l’hypothèse où plusieurs individus ont

commis des violences sur autrui sans qu’il soit possible de déterminer qui a été l’auteur du

coup le plus grave, la jurisprudence impute le résultat pénal à l’ensemble des participants en

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 556 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal

général, préc., n° 366.

V. notamment Cass. crim., 24 juin 1922, S., 1923, 1, p. 41. 46

Sur cette théorie, v. infra n° 506 et s. 47

V. infra n° 145 et s. 48

En vertu de l’article 121-7 alinéa 2 du Code pénal qui dispose qu’est complice « la personne qui […] aura

provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre » alors que l’alinéa 1 relatif à la

complicité par aide et assistance vise le complice « d’un crime ou d’un délit ».

Page 20: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

20

considérant chacun d’entre eux comme complice de celui ayant porté le coup le plus grave49

.

Or, une telle solution contribue nécessairement à brouiller les définitions entre les deux titres

d’imputation.

Ce flou est, en outre, accentué par le fait que la jurisprudence relative à la coaction est

rare50

. Surtout, les juges sanctionnent parfois un individu pour sa participation à l’infraction,

sans rechercher à quel titre d’imputation particulier il est intervenu51

.

La confusion jurisprudentielle des notions de coaction et de complicité, voire

l’indifférence qui leur est témoignée, est d’autant plus regrettable qu’elle se double de

confusions permises par le législateur lui-même.

11. Confusions légales entre les notions de coauteur et de complice. – La loi du 29

juillet 1881 relative à la liberté de la presse instaure en effet un mécanisme de responsabilité

en cascade qui met à mal les principes classiques de caractérisation d’un auteur et d’un

complice52

. L’incrimination de diffamation53

envisage ainsi la répression à titre d’auteurs des

personnes ayant rédigé l’écrit diffamatoire mais également de celles en ayant permis

l’impression, la publication ou la diffusion54

. Surtout, le directeur de la publication doit être

poursuivi avant l’auteur de l’article, qui sera alors poursuivi comme simple complice du

directeur de la publication55

. L’’imbroglio des notions, du fait même de leur

interchangeabilité, est ici patente. Il serait cependant possible de croire au cantonnement de

cette confusion à la loi de 1881. Toutefois, tel n’est pas le cas.

49 V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Dalloz, coll. Précis, Paris, 1939, 7

ème éd. ; DONNEDIEU DE

VABRES, Traité de droit criminel et de législation pénale comparée, Sirey, 3ème

éd., 1947, n° 428 ; J. LARGUIER,

Homicide et blessures commis en groupe, crime impossible et présomption de participation ou de causalité, Rev.

sc. crim. 1973, p. 879 ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim.

1952, p. 117, n° 34. 50

En ce sens, v. notamment, R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 555. 51

V. notamment CA Agen, 9 sept. 2010, M. P. / K., Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et Midi-Pyrénées,

2011-1, n° AB.1729, p. 100, qui considère que la participation au vol d’un individu est suffisamment établie par

le fait qu’il a accompagné son comparse sur les lieux du vol en étant porteur d’un sac permettant d’éviter que les

antivols ne sonnent à la sortie du magasin, sans s’interroger expressément sur le titre d’imputation de ce vol en

réunion. 52

Or, la définition du coauteur étant calquée sur celle de l’auteur (v. supra n° 8), elle met également à mal la

notion de coaction. 53

Art. 29 de la loi du 29 juillet 1881. 54

Art. 42 de la loi du 29 juillet 1881. 55

Art. 43 de la loi du 29 juillet 1881. Il est cependant vrai que le délit tient certainement autant à l’acte de

publication qu’à l’élaboration du contenu diffamatoire. Mais la qualification de coauteurs semblerait alors plus

adaptée.

Page 21: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

21

D’abord, nombreux sont les textes à réprimer à titre autonome des comportements de

provocations. Par exemple, l’article 227-21 du Code pénal réprime la provocation de mineurs

à des crimes ou à des délits. De même, l’article 411-11 sanctionne la provocation à la trahison

ou à l’espionnage. Or, la provocation, en vertu de l’article 121-7 du même code s’analyse

comme un cas de complicité. Par ce mécanisme, le provocateur devient pourtant un auteur

juridique à part entière.

Ensuite, certaines incriminations malmènent purement et simplement la définition de la

complicité. Ainsi en est-il de l’article 222-33-3 du Code pénal relatif au vidéo-lynchage56

,

autrement dénommé « happy slapping »57

. Ce texte considère comme un acte de complicité

des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne le fait de filmer des images relatives à ces

infractions. De la sorte, il institue ce que certains ont appelé une présomption de complicité58

,

qui déroge aux règles classiques de la complicité. En outre, comme il l’a été relevé, la

qualification de complicité est discutable dans cette hypothèse. En effet, d’un point de vue

sociologique, les violences exercées le sont précisément parce que la scène est filmée.

L’enregistrement et l’agression sont donc étroitement liés, et l’existence d’un de ces

comportements ne se comprend pas sans celle de l’autre. Partant, « la personne filmant la

scène de violence apparaît […] bien davantage comme un coauteur que comme un

complice »59

, ce que le droit devrait prendre en considération.

Enfin, les incriminations réprimant le simple fait de participer à une infraction, sans

égard pour le mode de participation en cause, se multiplient. Par exemple, l’article 222-14-2

du Code pénal incrimine « le fait pour une personne de participer sciemment à un

groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un

ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions

ou dégradations de biens ». En visant le fait de « participer » au groupement, le texte

témoigne ainsi son indifférence au mode de participation en cause. La distinction entre la

complicité et la coaction s’efface et perd tout intérêt60

.

56 Introduit par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

57 P.-J. DELAGE, Happy slappers and bad lawyers, D. 2007, p. 1282 ; C. LACROIX, Happy slapping : prise en

compte d’un phénomène criminel à la mode, JCP G 2007, I, 167 ; S. DETRAZ, L’enregistrement d’images de

violence : un cas de présomption légale de complicité, Dr. pén. 2007, Etude n° 23. 58

S. DETRAZ, L’enregistrement d’images de violence : un cas de présomption légale de complicité, préc. 59

P.-J. DELAGE, Happy slappers and bad lawyers, préc. 60

Plus généralement, sur ces points, v. infra n° 40 et s.

Page 22: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

22

Le législateur comme la jurisprudence ne cessent donc de brouiller les frontières entre

les différentes modes de participation. Il est vrai que ces confusions sont certainement

facilitées par le fait que les pénalités encourues sont les mêmes : dès lors que la peine

encourue en cas de coaction ou de complicité est identique, la jurisprudence n’hésite pas à

considérer que la peine est justifiée, peu important que le comportement ait été qualifié de

complicité alors qu’il s’agissait en réalité de coaction, ou inversement.

12. Droit comparé. – La distinction entre coauteurs et complices pourrait ainsi paraître

plus nette dans les systèmes juridiques procédant à une différenciation entre les pénalités

encourues en vertu du titre d’imputation. Certains distinguent en effet entre les pénalités

appliquées aux auteurs et complices. Par exemple, le Code pénal espagnol prévoit de réduire

la peine des complices, en vertu des articles 62 à 70, jusqu’à la moitié de la peine encourue

par l’auteur de l’infraction. De même, l’article 24 du Code pénal chinois envisage pour le

complice une peine moindre, voire une mitigation ou encore une exemption de peine61

. En

Belgique et en Allemagne encore, le législateur adopte une solution similaire s’agissant des

complices. Cependant, il les distingue des provocateurs qui, à la différence du droit français,

sont incriminés à titre autonome et encourent les mêmes peines que les auteurs62

. C’est là

d’ailleurs un autre point de divergence entre certaines législations étrangères et le Code pénal

français : si les droits portugais ou anglais, par exemple, ne connaissent, à l’instar de la

législation française, que de la distinction entre complices et auteurs63

, d’autres pays

répriment en outre à titre autonome les provocateurs64

, voire distinguent entre l’auteur

matériel, l’auteur moral, l’instigateur et le complice par assistance65

. Néanmoins, de même

qu’en France, le terme « coauteur » ou un équivalent n’est jamais utilisé dans ces différentes

législations. L’auteur y est pourtant parfois défini de façon plus large qu’en France66

, mais

aucun texte n’est réservé à la définition du coauteur. Cette démarche laisse ainsi croire que le

61 J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz, coll. Précis, 2008, n° 98.

62 Ibid.

63 J. PRADEL, Droit pénal comparé, préc., n° 88.

64 V. par exemple les §25, 26 et 27 du Code d’Allemagne fédérale ou encore les articles 60, 61 et 62 du Code

japonais. 65

V. notamment les articles 18 §1 et 18 §2 et 3 du Code pénal polonais. 66

Au Portugal par exemple, l’auteur est défini comme « celui qui exécute l’acte lui-même ou par l’intermédiaire

d’un tiers ou qui prend une part directe à son exécution par accord ou ensemble avec un autre… et aussi celui

qui, intentionnellement, détermine un tiers à commettre une infraction lorsqu’il y a exécution ou commencement

de l’exécution » (art. 26 du Code pénal).

Page 23: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

23

coauteur ne serait rien d’autre qu’un auteur comme un autre, avec pour seule spécificité d’être

associé à autrui. Toutefois, les confusions précédemment relevées dans la loi comme la

jurisprudence françaises semblent démontrer que cette assimilation pure et simple de la

coaction à l’action, même si cette dernière est entendue largement, n’est peut-être pas si

évidente qu’elle n’y paraît. Il importerait alors d’autonomiser la notion de coaction.

13. Tentative d’approche conceptuelle de la coaction : les travaux de D. Allix. –

C’est ainsi que face à ces difficultés, un auteur a tenté de rationnaliser les solutions

jurisprudentielles en la matière67

. Fondée sur le droit positif68

, l’étude montre que l’utilisation

de la coaction par la jurisprudence n’est pas simplement liée à son intérêt répressif. Mieux

encore, une véritable analyse conceptuelle de la coaction y a été menée, la jurisprudence

caractérisant parfois l’existence de coauteurs dans des hypothèses dans lesquelles cette

qualification n’entraînait pourtant aucune répression accrue de la participation à l’infraction.

La coaction y est ainsi assimilée à un mécanisme de représentation dans l’action69

: le

coauteur serait celui pour le compte duquel l’infraction a été matériellement commise par un

autre, chacun ayant « la qualité de mandants et mandataires mutuels »70

.

Cependant, bien que l’analyse soit séduisante lorsque l’on considère que la coaction se

caractérise par une simultanéité d’action et une assistance réciproque71

, il n’est pas certain que

ce mécanisme reflète parfaitement ce mode d’imputation dès lors que l’on raisonne sur une

participation intellectuelle du coauteur. En effet, la représentation est classiquement définie

comme « un mécanisme par lequel une personne (le représentant) a le pouvoir d’agir au nom

et à la place d’une autre personne (le représenté) »72

. S’il est ainsi possible de considérer

qu’un coauteur délègue à son coauteur le pouvoir d’agir en son nom, il est plus difficile de

concevoir que les effets de la responsabilité pénale devront se faire sentir simplement à

l’égard du coauteur représenté, solution pourtant induite par le mécanisme de la

représentation. L’exemple de la participation intellectuelle à l’infraction, et plus précisément

de ce que l’auteur nomme la « représentation verticale », permet d’en convaincre. Selon celui-

ci, l’auteur moral et l’auteur matériel de l’infraction devraient être considérés comme des

67 D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976.

68 Relevant à l’époque de l’ancien Code pénal.

69 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., spéc. n° 151 et 185.

70 J.-CL. SOYER, préface de D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc.

71 V. infra n° 281 et s.

72 M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Tome 1, PUF, 2

ème éd. mise à jour, 2010, p. 512.

Page 24: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

24

coauteurs, dans la mesure où l’auteur moral serait représenté dans l’action par l’auteur

matériel. Toutefois, à retenir une telle conception, il faudrait également considérer que les

effets de la responsabilité pénale devront se produire dans la seule personne du représenté,

c’est-à-dire l’auteur moral en l’espèce. En effet, en matière de représentation conventionnelle,

les effets du contrat ne se produisent qu’à l’égard du représenté73

, jamais à l’égard du

représentant ainsi que du représenté. Or, si deux individus sont considérés comme coauteurs,

c’est précisément pour envisager un cumul de leurs responsabilités.

Surtout, il a été démontré qu’il serait « déraisonnable d’analyser le crime en un

contrat »74

. Si les différentes théories envisagées alors se rapportaient à la complicité en ce

qu’elles se proposaient d’expliquer l’emprunt de criminalité75

, elles pourraient toutefois être

reprises s’agissant de la coaction76

. Or, non seulement l’acte juridique impose une cause

licite77

, mais en outre, cette illicéité « s’oppose à la création d’obligations qui est le propre du

contrat »78

. En effet, le mandant, par exemple, ne pourra agir contre son mandataire, et

inversement.

14. Etymologie et singularité de la coaction. – Pour autant, l’analyse conceptuelle de

la coaction mérite attention et doit être poursuivie. En effet, le critère juridico-matériel retenu

par la doctrine française conduit à considérer les coauteurs comme de simples auteurs

juxtaposés. Toutefois, cette conception néglige l’étymologie du terme coaction. Ce dernier est

issu du latin « cum ago », que l’on pourrait traduire par « agir, pousser ensemble »79

. Deux

enseignements principaux peuvent alors en être tirés, assurant la singularité de la notion de

coaction.

D’abord, les verbes « agir » et « pousser » témoignent d’une véritable implication de

l’agent dans la réalisation de l’infraction. Celui-ci ne se contente pas de s’unir à celle-ci, il a

73 Ou du représentant dans un premier temps en cas de représentation imparfaite, mais qui transmettra ensuite ses

droits et obligations au représenté v. notamment PH. MALAURIE, L. AYNES et PH. STOFFEL-MUNCK, Les

obligations, Lextenso, 4ème

éd., 2009, n° 802 et s. 74

J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices selon l’article 59 du Code pénal, JCP

1952, I, 1034. 75

Sur ces propositions, v. J.-A. ROUX, note sous Cass. crim., 22 juil. 1910, S. 1914, 1, p. 49, spéc. p. 51,

propositions par ailleurs rapportées par J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices selon

l’article 59 du Code pénal, préc. 76

Dans le même sens, v. X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 361. 77

A défaut de quoi il serait nul en vertu de l’article 1108 du Code civil. 78

X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 362. 79

Les traductions sont issues de recherches dans Dictionnaire Latin – Français, F. GAFFIOT, 1934.

Page 25: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

25

un réel pouvoir sur elle80

. A contrario, le terme complice vient pour sa part du latin « cum

plexus », « plexus » étant lui-même issu du verbe « plectere » signifiant lier81

. Le complice

serait donc, étymologiquement, celui qui se lie à autrui ou à l’infraction d’autrui. Son

implication dans cette dernière serait alors médiate82

.

Ensuite, l’adverbe « ensemble » témoigne d’une certaine unité chez les coauteurs. En

effet, il se distingue par exemple des termes « à plusieurs » et induit ainsi que la coaction ne

se contente pas d’être une simple juxtaposition d’individus. Elle suppose plus, c’est-à-dire que

les agents agissent les uns avec les autres, voire d’une même voix83

. Le coauteur ne peut donc

être réduit à la définition de l’auteur, ce dont les autres branches du droit rendent compte.

15. Egalité entre coauteurs et autres branches du droit. – En droit administratif, il a

ainsi été démontré que l’existence de coauteurs, qu’il s’agisse des coauteurs d’un acte

administratif ou d’un dommage, était subordonnée au constat d’une égalité entre eux84

.

En droit de la propriété intellectuelle encore, l’article L. 113-3 du Code de la propriété

intellectuelle dispose que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des

coauteurs ». Le terme de coauteur est ainsi utilisé et réservé aux auteurs de ce type d’œuvre,

défini comme la création à laquelle plusieurs personnes ont concouru85

. Or, l’œuvre de

collaboration est généralement rapprochée du modèle de l’indivision86

, si bien que l’idée

d’égalité entre coauteurs apparaît à nouveau. Mieux encore, un auteur considère que

l’existence d’une direction de l’œuvre « différencie ainsi l’œuvre collective de l’œuvre de

collaboration où les créateurs agissent en concertation et sur un pied d’égalité »87

. En ce

80 Pouvoir que l’on retrouvera nécessairement s’agissant de la définition de la coaction : v. infra n° 171.

81 Ainsi que frapper, punir. Le complice serait donc à la fois celui qui est lié à autrui, mais également puni avec

lui, ce que la théorie de l’emprunt de pénalité reprendra. 82

Ce qui se retrouve dans la nécessité d’un fait principal punissable pour punir le complice. 83

Ce qui justifiera du reste l’exigence d’une entente entre coauteurs : v. infra n° 91 et s. 84

H. BELRHALI, Les coauteurs en droit administratif, LGDJ, 2003. L’auteur écrit en effet que « les coauteurs

sont […] sur un pied d’égalité les uns par rapport aux autres » si bien que la première partie de l’ouvrage est

consacrée à cette exigence d’égalité. 85

C. prop. intell., art. L. 113-2. 86

V. notamment CH. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, Lexis Nexis, 2ème

éd., 2009, n° 223 ; M. VIVANT et

J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur, Dalloz, coll. Précis, 2009, n° 316. 87

J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur, préc., n° 334.

Page 26: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

26

domaine encore, la qualification de coauteurs serait réservée aux individus entretenant des

relations d’égalité88

.

Quant au droit civil, il connaît également de la notion de coauteurs, au titre de la

pluralité de causes intervenant dans la production d’un dommage. Or, certains considèrent que

« qui dit « coauteurs » suppose, par cette terminologie même, que la responsabilité de

chacune des personnes en cause est susceptible d’être engagée »89

. Dès lors, il serait possible

de distinguer des coauteurs lorsque plusieurs individus peuvent voir leur responsabilité

engagée pour le même dommage, et ce quel que soit le fondement de responsabilité envisagé

à leur égard. Cependant, il est possible de douter de la pertinence de cette qualification

lorsque les responsabilités des individus en cause sont fondées sur des régimes de

responsabilité différents. Par exemple, un individu est responsable d’un dommage en raison

de son fait personnel90

alors que l’autre l’est du fait d’une chose dont il a la garde91

, c’est-à-

dire sur le fondement d’un régime de responsabilité sans faute : il s’agit notamment de

l’hypothèse dans laquelle un individu, en courant, aurait percuté un cycliste, tous deux

heurtant alors un piéton. Il conviendrait plutôt de parler dans de telles hypothèses de

coresponsables ou de coobligés à la dette. Pourtant, il semble que les termes soient

généralement employés les uns pour les autres dans la mesure où le droit civil, tourné vers la

réparation du dommage, s’attache principalement à déterminer des coresponsables, peu

important qu’ils puissent être considérés comme coauteurs du dommage au sens strict ou non.

Or, à retenir une telle conception, une seule faute pourrait être suffisante à la caractérisation

de coauteurs. Ainsi, si un enfant commet une faute causant un dommage à autrui, sa

responsabilité pourra être engagée sur le fondement de son fait personnel92

, mais celle de ses

parents pourra également être actionnée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code

civil. Pour autant, dans une telle hypothèse, faudra-t-il considérer que parents et enfants sont

88 V. cependant, contra : CH. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, préc., n° 222 selon qui « il n’est pas exclu

qu’une certaine hiérarchie existe entre les coauteurs. En d’autres termes, l’égalité n’est pas forcément de mise

entre ces derniers ». 89

J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, Tome 2, Le fait juridique, Sirey, 14ème

éd., 2011, n°

170. 90

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, en vertu desquels, respectivement : « Tout fait quelconque de

l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « Chacun

est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son

imprudence ». 91

En vertu de l’article 1384 alinéa 1er

du Code civil selon lequel « On est responsable non seulement du

dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on

doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». 92

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Page 27: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

27

coauteurs du dommage ? S’ils en sont indéniablement coresponsables, la qualification de

coauteurs est en revanche plus discutable dès l’instant où seul un fait générateur peut être

constaté. En matière pénale, attachée à la responsabilité du fait personnel93

, seule l’existence

de deux fautes peut conduire à la caractérisation d’une coaction. Partant, dès lors que les

fondements de responsabilité sont différents, la qualification de coauteurs en droit civil

devient discutable. L’idée d’égalité entre coauteurs devrait ainsi servir de guide dans la

qualification de ces derniers.

En effet, en droit pénal international enfin, cette idée d’égalité entre coauteurs est

également sous-jacente dans le Statut de la Cour pénale internationale94

. Alors que les

différents tribunaux pénaux internationaux avaient choisi une approche plutôt subjective de la

coaction en créant le concept d’ « entreprise criminelle commune » pour sanctionner la

criminalité concertée95

, la Cour pénale internationale a, pour sa part, opté pour une approche

plus objective de la coaction en consacrant le critère du contrôle partagé sur l’infraction

internationale96

. Ainsi, une personne ne peut être coauteur d’une infraction internationale que

si elle exerce un « contrôle conjoint » sur cette dernière du fait de la « contribution

essentielle » qui lui a été assignée97

. Or, si les termes de « contrôle conjoint » évoquent sans

nul doute l’exigence d’un certain pouvoir sur l’infraction98

, ils témoignent aussi d’une idée

d’égalité dans ce contrôle pour que celui-ci soit réellement exercé de façon conjointe.

Mais là ne sont pas les seuls enseignements apportés par ces autres branches du droit

tant les notions d’œuvre de collaboration ou de contrôle conjoint par exemple rappellent

également l’idée d’unité impliquée par l’étymologie du terme coaction99

. Or, cette idée

93 En vertu de l’article 121-1 du Code pénal.

94 V. art. 25 (3) (a) du Statut.

95 Conduisant dès lors à sanctionner au titre de la coaction de très nombreux individus. Il s’agissait en effet de

sanctionner l’action concertée menée par plusieurs individus et conduisant à la réalisation d’une ou plusieurs

infractions alors même que tous les participants n’ont pas commis le même acte. Surtout, il devenait alors

possible d’engager la responsabilité pénale d’une personne sur le fondement d’actes commis par une autre

personne à condition toutefois que les personnes en cause aient participé à une « entreprise criminelle

commune ». 96

V. par exemple, Affaire ICC-01/04-0106, Procureur c/ Lubanga, CPI, Chambre préliminaire I, décision de

confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 330 et s. ; Affaire ICC-01/04-01/07, Procureur c/ Katanga et

Ngudjolo Chui, CPI, Chambre préliminaire I, décision de confirmation des charges du 30 septembre 2008, § 490

et s. 97

Sur ces différents points, v. notamment O. DE FROUVILLE, Droit international pénal – Sources,

Incriminations, Responsabilité, Paris, A. Pedone, 1ère

édition, 2012, p. 354 et s. 98

Ce qui se retrouvera dans la définition de la coaction en droit pénal interne : v. infra n° 171. 99

V. supra n° 14.

Page 28: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

28

d’unité permet précisément de distinguer la coaction d’un autre type de réalisation de

l’infraction dans lequel plusieurs individus sont en cause.

16. L’hypothèse du « crime de foule ». – Il s’agit de l’hypothèse du « crime de

foule », dans lequel un groupe d’individus se retrouve, de manière fortuite, à commettre des

infractions (comme des pillages lors d’une manifestation par exemple). Comme il l’a été

remarqué, « dans ce cas, il convient de faire abstraction du phénomène collectif car il est

purement circonstanciel »100

. La criminologie y voit « une libération des tendances profondes

de l’individu à l’occasion d’un anonymat et d’un regroupement de masse qui abolit à la fois

toute censure individuelle et tout contrôle collectif »101

, si bien qu’une partie de la doctrine

considère que ces personnes doivent être traitées avec une certaine indulgence102

. Pour

FAUCONNET en effet, « la responsabilité de la foule est invoquée pour atténuer celle des

individus »103

.

17. Aspects criminologiques. – En revanche, la délinquance collective considérée en ce

qu’elle traduit une véritable volonté de s’associer à autrui est pour sa part traitée de façon

généralement plus sévère lorsqu’elle est envisagée par le législateur104

. Cette solution rejoint

de la sorte les études criminologiques puisque celles-ci démontrent que les infractions

commises par plusieurs délinquants sont nombreuses, particulièrement chez les jeunes pour

lesquels elles représentent la majorité des infractions commises105

. Plus encore, les

délinquants agissant à plusieurs commettent davantage de délits que ceux agissant seuls106

. En

effet, agir à plusieurs permet de renforcer la volonté criminelle de chacun et de chasser leurs

éventuels doutes. De plus, l’existence d’un groupe criminel confère à ses participants un

100 X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 269.

101 R. GASSIN, S. CIMAMONTI et PH. BONFILS, Criminologie, Précis Dalloz, 2011, n° 743.

102 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 532 (excepté s’agissant des

« meneurs » de cette foule). 103

P. FAUCONNET, La responsabilité : étude de sociologie, préc., p. 341. 104

En tant que circonstance aggravante par exemple. 105

En ce sens, v. J. SARNEKI, Delinquent Network, Stockholm, National Council for Crime Prevention, 1986, cité

par M. CUSSON, La criminologie, Hachette supérieur, Coll. Les fondamentaux, 5ème

éd., 2011, p. 96, qui, après

avoir suivi 575 jeunes délinquants d’une ville suédoise constate que le taux de codélinquance juvénile y atteint

59%. 106

M. CUSSON, La criminologie, préc., p. 97.

Page 29: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

29

certain anonymat leur donnant un sentiment de sécurité107

. Partant, parce que plus dangereuse,

la délinquance de groupe a souvent suscité une attention particulière du législateur. Mais ce

faisant, ce dernier a multiplié les incriminations et circonstances aggravantes pour

appréhender ce phénomène, en particulier depuis quelques années. En témoigne par exemple

la participation à une bande violente précédemment évoquée108

. De plus, avec la loi du 9 mars

2004, le législateur a élargi les hypothèses dans lesquelles la circonstance aggravante de

bande organisée pouvait être retenue109

. Mais auparavant déjà, le Code pénal sanctionnait la

criminalité de groupe au titre de l’association de malfaiteurs dans son article 450-1, sans

compter les nombreux autres textes exigeant une pluralité de participants tels que le

complot110

ou l’attroupement111

.

Or, la criminologie distingue entre la simple association aux infractions et la véritable

organisation criminelle. Cette dernière serait ainsi non seulement caractérisée par une pluralité

de participants, mais également par une sélection dans le recrutement et une structuration du

goupe112

qui ne se retrouveraient pas s’agissant de la codélinquance au sens strict. Il paraît

alors intéressant de voir si ces distinctions se retrouvent d’un point de vue juridique.

18. Rareté des études consacrées à la coaction. – Les études récentes de droit pénal

consacrées au groupe criminel concernent plutôt la criminalité organisée113

. En effet, peu

traitent de la participation occasionnelle à l’infraction, et les analyses jusqu’alors envisagées

proposent généralement d’éclairer la distinction entre complicité et coaction114

, à l’aune de

l’ancien Code pénal du reste. Or, si la complicité a suscité l’intérêt de la doctrine sous

l’ancien Code pénal comme sous l’actuel115

, rares sont les études consacrées uniquement à la

coaction116

.

107 Dans le même sens, v. notamment J. LARGUIER, Homicide et blessures commis en groupe,crime impossible,

et présomption de participation ou causalité, Rev. sc. crim. 1973, p. 879. V. également infra n° 46. 108

C. pén., art. 222-14-2. 109

V. infra n° 39. 110

C. pén., art. 421-2. 111

C. pén., art. 431-3. 112

R. GASSIN, S. CIMAMONTI et PH. BONFILS, Criminologie, n° 741. 113

V. R. PARIZOT, La responsabilité pénale à l’épreuve de la criminalité organisée : le cas symptomatique de

l’association de malfaiteurs et du blanchiment d’argent en France et en Italie, LGDJ, 2010. 114

K. ABDULNOUR, La distinction entre co-activité et complicité: étude de doctrine et de jurisprudence en Suisse,

en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967 ; P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, thèse

Paris, 1963. V. également P. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, Rev. sc. crim. 1948, p. 665. 115

V. notamment J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code

pénal, JCP 1952, I, 1034 ; S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, Rev. sc. crim. 1995,

Page 30: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

30

19. Renouveau de la question. – Certes, la modification de la rédaction de l’article

relatif à la complicité a pu faire douter certains auteurs de l’intérêt de distinguer entre

coauteurs et complices117

. En effet, dans la mesure où l’article 121-6 du Code pénal envisage

aujourd’hui de punir le complice comme « auteur » de l’infraction et non plus comme

« l’auteur », les dévoiements jurisprudentiels dont avait fait l’objet la notion de coaction à des

fins répressives ne seraient plus utiles. Cependant, l’instauration de la responsabilité pénale

des personnes morales, puis sa généralisation par la loi du 9 mars 2004, donnent un véritable

renouveau à la question. En effet, si le législateur admet qu’une personne morale puisse être

auteur d’une infraction, la question se pose alors de savoir si cette disposition implique qu’elle

puisse également être qualifiée de complice ou de coauteur d’une infraction. A priori, dans la

mesure où la coaction est considérée par la doctrine comme une simple juxtaposition

d’actions, rien ne devrait s’y opposer. Mais le constat ne sera pas nécessairement le même si

une autre définition de la coaction était retenue. De plus, s’il était admis qu’une personne

morale peut être qualifiée de coauteur, pourra-t-elle être simplement coauteur d’une autre

personne morale, ou pourra-t-elle également l’être d’une personne physique ? La qualité de

cette dernière, et plus précisément le fait de savoir si elle est organe ou représentant de la

personne morale importera-t-elle alors ?

En outre, au-delà de ce renouveau de la question, il ne faut pas sous-estimer

l’importance qu’il existe à attribuer à un acte sa juste qualification. En effet, « la recherche de

l’adéquation des qualifications juridiques à la réalité est une exigence de justice »118

.

Or, comme il l’a été vu, la définition aujourd’hui retenue de la coaction ne permet pas

d’affirmer sa singularité ; au contraire, elle est source de confusions avec les notions d’auteur

et de complice, ce que le principe de sécurité juridique ne peut souffrir. Partant, comment

imaginer lui faire produire des conséquences particulières, assurant une véritable cohérence

avec les autres titres d’imputation et son autonomie par rapport à eux ?

p. 475 ; C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité, in Mélanges M. Patin, Cujas, 1965, p. 153 ; J.-H.

ROBERT, Imputation et complicité, JCP G 1975, I, 2720. 116

V. cependant, sous l’ancien Code pénal, D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc. Plus récemment, v. également,

pour des développements nourris sur la coaction, F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,

Dalloz, NBT, 2009. 117

V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 490 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU

CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal

général, préc., n° 553. 118

X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 285, p. 253.

Page 31: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

31

20. Réciprocité et coaction. – L’étymologie du terme coaction, comme les

enseignements tirés du droit comparé, tant entre pays qu’entre les autres branches du droit,

permettraient pourtant d’apprécier cette spécificité de la coaction. En effet, plusieurs éléments

en ressortent : la coaction paraît lier des individus entre eux à travers des relations d’égalité, et

plus encore, de réciprocité. Il convient ainsi de ne pas oublier que la coaction est une

qualification dépendante puisque le coauteur est soumis à l’existence d’un autre coauteur pour

être réprimé à ce titre119

. Dès lors, il existe nécessairement une véritable réciprocité chez les

coauteurs : chacun s’associe à son alter ego, qui répond donc à la même définition et aux

mêmes conditions de caractérisation que lui. Autrement dit, le coauteur s’associe à un

individu répondant au même titre d’imputation que lui. En revanche, dans la mesure où le

complice, pour être répréhensible, doit nécessairement s’associer à une infraction principale et

donc à un auteur principal, cette réciprocité ne se retrouve pas. Si le complice est lié à l’auteur

principal comme l’indique son étymologie, rien n’impose que l’auteur principal soit en retour

lié au complice. Ce dernier, pour sa part, ne s’associe pas à un individu répondant au même

titre d’imputation que lui.

21. Interdépendance et coaction. – Partant, chaque coauteur étant dépendant de

l’existence de l’autre, il semblerait qu’une véritable interdépendance120

se crée entre eux,

confirmant que la coaction ne peut être résumée à une juxtaposition d’actions, mais apparaît

bien comme un mode d’imputation de l’infraction à part entière. A partir d’une pluralité

d’individus se forme ainsi une véritable unité, ce que l’idée d’ensemble tirée de l’origine du

mot évoquait déjà121

.

En réalisant ensemble une infraction122

, les individus en deviennent de véritables

participants. Ce constat les rapproche alors de la notion de complices, ces derniers étant

traditionnellement considérés comme des participants à l’infraction. Pour autant, si les

complices participent à l’infraction d’autrui, les coauteurs participent pour leur part à leur

119 Dans le même sens, mais en expliquant différemment la dépendance : v. A. DARSONVILLE, Les situations de

dépendance entre infractions, thèse Paris II, 2006, n° 694, pour qui la coaction traduirait une dépendance par la

causalité. V. également X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 284 et s., pour qui la

coaction est dépendante de l’existence d’une infraction principale. 120

Dans le même sens, v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 273. 121

V. supra n° 14. 122

J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 370 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 379.

Page 32: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

32

propre infraction. Se dessine ainsi la singularité de la coaction : en tant que mode de

participation à l’infraction, la coaction se rapproche de la complicité ; mais parce qu’elle

suppose de participer à sa propre infraction, elle implique l’animo auctoris qui la rapproche

ainsi de l’imputation à titre d’auteur. Une partie de la doctrine a alors relevé la nature hybride

de la coaction : empruntant des caractéristiques à la fois à l’action, mode d’imputation

principale de l’infraction, et à la complicité, mode d’imputation participative de cette dernière,

elle serait une « imputation participative principale »123

. Du reste, à nouveau, l’étymologie

témoigne également de cette nature hybride : le terme de coaction renferme évidemment celui

d’action, et semble ainsi impliquer des ressemblances entre les deux titres d’imputation ; de

plus, de même que celui de complicité, le terme de coaction est issu du préfixe latin « cum »,

laissant ainsi penser à des points communs entre eux.

Cependant, le terme d’hybride peut prêter à confusion : cet adjectif pourrait faire

croire que la coaction présente ainsi tous les caractères de chacun de ses « parents ». Or, il

n’est pas possible d’être auteur et complice d’une infraction en même temps, à travers les

mêmes actes124

. Surtout, ce qualificatif occulte quelque peu que ce mélange des caractères

propres à la complicité et à l’action crée un titre d’imputation parfaitement nouveau et donc

autonome. La comparaison avec la complicité ne doit ainsi pas tromper : si le complice est un

participant, celui à qui il s’associe n’en est pas nécessairement un, et surtout, celui-ci n’a pas

le même titre d’imputation que lui. Il est auteur. Le complice est ainsi dépendant de

l’existence d’un auteur principal, mais la réciproque ne se vérifie pas. En revanche, le

coauteur, pour être qualifié de tel, doit impérativement s’associer à un autre coauteur, c’est-à-

dire à un individu qui répond au même titre d’imputation que lui. En tant qu’alter ego, les

coauteurs sont alors placés sur un pied d’égalité, et sont unis par une réelle interdépendance.

Cette idée d’interdépendance apparaît de la sorte comme la véritable clé de la notion de

coaction, et cristallise toute sa singularité. Mais loin d’être cantonnée à la définition de la

coaction, l’interdépendance entre coauteurs devrait se prolonger dans le régime de ce titre

d’imputation. Par exemple, il serait envisageable que certains éléments de la responsabilité de

l’un des coauteurs se transmettent à un autre en raison précisément de cette interdépendance.

Plus généralement, à partir des caractères ainsi impliqués par la notion de coaction, il est alors

123 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 237 et s., spéc. n° 242.

124 En ce sens, v. R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, n° 904. V. également infra

n° 149.

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33

possible d’en construire un régime parfaitement autonome. Surtout, les confusions

précédemment évoquées entre les notions d’action, de coaction et de complicité devront

d’autant plus être rejetées si à chaque titre d’imputation correspond un régime spécifique.

C’est à ce prix en effet que la distinction entre ces différents titres d’imputation prendra tout

son sens. Il importe ainsi de voir que la singularité de la coaction peut se retrouver tant dans

sa notion (Partie 1) que dans son régime (Partie 2).

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35

Partie 1 – LA NOTION DE COACTION

22. Démarche. – S’intéresser à une notion, c’est réfléchir à la représentation que l’on

s’en fait ou que l’on devrait s’en faire. Une notion est, en effet, un objet abstrait de

connaissance125

, auquel on peut apporter une touche personnelle. CONDILLAC énonçait ainsi

« J’appelle […] notion, toute idée qui est notre propre ouvrage […] »126

. Etudier la notion de

coaction, c’est donc avant tout rechercher ses caractères essentiels, afin de pouvoir la définir

précisément et, ainsi, la rapprocher ou la distinguer de concepts déjà établis, proches dans leur

sémantique ou dans l’usage qui en est fait par exemple.

23. Insuffisances de la définition traditionnelle. – Comme il l’a été rappelé

précédemment127

, la doctrine s’entend aujourd’hui pour définir les coauteurs comme

les individus qui réunissent en leur personne tous les éléments constitutifs de l’infraction

commise à plusieurs128

. Une telle définition présente certainement des vertus de rigueur

juridique ainsi que de simplicité d’utilisation, ce qui ne manque pas d’être souligné par de

nombreux auteurs129

. Cependant, elle limite également de façon significative les hypothèses

de coaction, celles-ci se réduisant par exemple en matière de vol, à l’hypothèse où deux

personnes appréhendent ensemble un objet afin de le soustraire. Surtout, cette définition fait

du coauteur un simple « auteur à plusieurs ». Or, cette assimilation pure et simple est

fréquente en doctrine. Ainsi, un auteur affirme explicitement que « le coauteur est, comme

l’auteur matériel, celui qui a personnellement accompli les actes matériels constitutifs d’une

125 Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2008.

126 CONDILLAC, Connaissances humaines, I, in BRUNOT, Histoire de la langue française, t. VI, A. Colin, 1966,

p. 10. 127

V. supra n° 3. 128

V. R. BERNADINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n°

310 et 311 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème

éd., 2004, n° 403 ; F.

DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 512 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit

criminel – Droit pénal général, t.1, Cujas, 7ème

éd., 1997, n° 554 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 445 ;

M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 365. 129

Ainsi, pour R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 554, « Ce critère a

le mérite d’une grande précision ; et, dans la mesure où cette précision permet d’éviter des solutions arbitraires

ou incohérentes, il serait souhaitable de le prendre pour guide ».

Page 36: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

36

infraction »130

. De même, un autre reconnaît que « celui qui réalise en sa personne tous les

éléments matériels et psychologiques de l’infraction en est l’auteur et s’ils sont plusieurs ils

sont coauteurs »131

. La coaction ne serait alors ni plus ni moins qu’une juxtaposition

d’actions. Outre le fait que cette solution n’est pas celle retenue en jurisprudence132

, elle se

montre par trop insatisfaisante d’un point de vue conceptuel et réduit à néant l’intérêt de cette

notion. Celle-ci n’apparaîtrait en effet que comme une facilité de langage afin de désigner une

pluralité d’actions commises en un même lieu et dans un même temps, mais n’aurait aucune

spécificité véritable.

24. Notion sui generis. – Pourtant, certains auteurs ont démontré que la coaction était

bien une notion sui generis. Ainsi, en se fondant sur les décisions jurisprudentielles en la

matière et tout en constatant leur caractère souvent opportuniste, l’un d’entre eux a pu voir

dans la coaction l’émergence d’un concept à part entière, unitaire, fondé sur la représentation

dans l’action, que celle-ci se fasse de façon verticale ou horizontale133

. En effet, après avoir

mis en évidence une analyse fonctionnelle de la coaction, l’auteur a révélé que la

jurisprudence témoignait également d’une analyse conceptuelle de la notion, laquelle a pu être

retenue alors même qu’elle ne présentait aucun intérêt répressif particulier.

De même, toujours en donnant un contenu à la notion de coaction, un autre auteur134

a

pu qualifier cette dernière d’ « imputation participative principale ». Selon lui, la coaction

« n’est pas une manière originale de commettre une infraction, mais une manière originale de

l’imputer. […]. Toute l’originalité de la coaction réside dans cette nature hybride :

l’imputation de l’infraction est à la fois participative et principale ». Or, il semble que ce

constat général doive être approuvé, tant il est vrai que la coaction emprunte à la fois à la

complicité et à l’action, démontrant par là-même sa spécificité. Ainsi, sa parenté avec l’action

n’est pas contestée en doctrine, le coauteur ayant toujours été considéré comme une figure

principale de l’infraction135

, et ce d’autant plus que pour la majorité des auteurs, la notion de

coaction n’a même aucune autonomie par rapport à celle d’action136

. Le coauteur commettrait

130 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 310.

131 M.-L. RASSAT , Droit pénal général, préc., n° 365

132 Pour un exemple, v. notamment infra n° 293.

133 D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976, n° 151.

134 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, Paris, 2009, n° 262.

135 V. supra n° 170 et s.

136 V. supra n° 8.

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37

donc sa propre infraction, accompagné d’autres intervenants faisant de même. En revanche, la

doctrine s’est bien moins interrogée sur le caractère participatif de la coaction. Or, comme il a

pu l’être affirmé par certains137

, le coauteur commet non seulement une infraction à plusieurs,

mais surtout, une infraction en participation, à l’instar du complice. Aucun de ces deux

aspects de la coaction ne doit alors être négligé et chacun doit être mis en exergue. La

pluralité d’intervenants étant apparue comme la première caractéristique de cette notion

lorsqu’il s’est agi de la définir138

, c’est sur elle qu’il conviendra de se pencher en premier lieu,

avant de s’intéresser aux aspects faisant d’elle un mode de participation principale à

l’infraction. Ainsi, si la coaction s’apparente à un mode de participation à une infraction

(Titre 1), elle est surtout un mode de participation à sa propre infraction (Titre 2).

137 V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554, selon qui

les coauteurs sont les « individus qui réunissent en leur personne tous les éléments constitutifs de l’infraction

commise en participation ». V. également, de façon plus nette encore, Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,

n° 379, qui, au sujet de la coaction, affirme que « la notion de participation en rend compte ». 138

V. infra n° 14.

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39

Titre 1- Un mode de participation à une infraction

25. Mode de participation criminelle. – Rechercher la nature de la coaction, c’est

réfléchir à son essence, à ce qui la caractérise avant tout. Or, la plupart du temps, cette notion

est comparée à celles d’action et de complicité pour être définie139

. En effet, comme elles, elle

peut s’apparenter à un mode de participation criminelle.

26. Participation et unité de fait. – Outre la pluralité d’intervenants et la volonté de

s’associer140

, l’idée même de participation implique l’existence d’une infraction, ou au moins

d’un fait, unique : participer, c’est prendre part à un tout, à un ensemble, prendre une partie de

ce tout141

. Si chacun commet sa propre infraction, cet ensemble fait défaut, et dès lors, aucune

idée de participation, et partant, de coaction, n’est possible. Ainsi, participation et unité du fait

auquel on participe sont des notions étroitement mêlées, et même indissociables.

27. Unité de fait et unité d’infraction. – Reste alors à préciser cette notion d’unité de

fait. Doit-elle être confondue avec celle d’unité d’infraction ou s’en distingue-t-elle ? Quid de

l’unité de qualification ? Il semble en effet que ces questions présentent un intérêt particulier à

l’égard de la coaction, et plus généralement, des modes de participation en cause.

28. Annonce du plan. – De fait, il convient de démontrer en quoi la coaction est un

mode de participation criminelle, de préciser cette affirmation, et de déterminer quelles sont

les implications de ce constat. Surtout, sera mis en exergue un des aspects principaux de la

coaction : elle vient se greffer sur une infraction unique. C’est pourquoi l’étude de la coaction

en tant que mode de participation criminelle (Chapitre 1) permettra de révéler son objet, une

infraction unique (Chapitre 2).

139 Il suffit d’ouvrir un manuel de droit pénal général pour s’en convaincre : l’étude de la coaction se situe

généralement dans une partie traitant également des notions d’auteur et de complice. 140

V. infra n° 53. 141

Le verbe « participer » est en effet défini comme le fait de « prendre part à » et « recevoir sa part de » (v. Le

Petit Larousse, 2011).

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41

Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle

29. Définition de la participation. - Dans le langage courant, la participation s’entend

comme le faire de prendre part à quelque chose, ou de prendre sa part de quelque chose142

; il

va alors de soi que l’on ne peut être qualifié de participant à une activité, quelle qu’elle soit, si

l’on est seul à s’y engager. En effet, dans ce cas, on réalise cette activité dans son ensemble,

en entier, on n’y prend pas part. L’idée même de participation implique celle de pluralité. Il en

va de même en droit pénal : pour être considéré comme un participant à un fait

infractionnel143

, il faut avoir agi avec au moins une autre personne. La participation criminelle

s’entend en effet d’un « comportement tendant à coopérer sciemment à la réalisation d’une

infraction, incriminé en droit français à titre d’action principale, de coaction, de complicité

ou parfois de délit distinct »144

. Hormis les réserves que l’on peut formuler quant au fait de

qualifier l’action principale de mode de participation à l’infraction145

, coaction et complicité

ne se distinguent pas de ce point de vue : toutes deux vont nécessiter l’intervention d’au

moins deux individus, le terme de « coopération » impliquant cette pluralité.

En outre, cette définition témoigne également d’un autre point commun rapprochant

ces deux modes de participation criminelle. Elles s’analysent en effet comme un

« comportement tendant à coopérer sciemment […] ». La pluralité d’intervenants n’est alors

pas suffisante à caractériser une participation, il faut également se référer à un élément

psychologique particulier : la volonté de s’associer, caractéristique des coopérations.

L’élément matériel de la participation se double alors d’un élément moral dont la

caractérisation est déterminante puisque son contenu va permettre de distinguer action et

participation. De fait, si la pluralité d’intervenants se révèle être une condition nécessaire de la

142 V. supra note 141.

143 Comme il le sera démontré ultérieurement (v. infra n° 88 et s.), la coaction s’apparente à un mode de

participation à une infraction, contrairement à la complicité, qui apparaît comme un mode de participation à un

fait infractionnel. Dès lors, le terme « fait infractionnel », plus large, sera préféré lors de ces développements. 144

G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc. 145

L’auteur réalise en effet l’infraction plus qu’il n’y participe.

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42

participation (Section 1), la volonté de s’associer en est certainement la condition

caractéristique (Section 2).

Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la

participation

30. Infractions collectives par nature et infractions commises collectivement. –

Comme il vient de l’être rappelé, la coaction, en tant que mode de participation criminelle,

suppose une pluralité d’intervenants. Or, cette dernière peut également parfois se révéler

nécessaire à la caractérisation d’une infraction. C’est ainsi qu’a pu être mise en exergue

l’existence d’une participation nécessaire, par opposition à la participation facultative146

ou

occasionnelle147

. Ces deux formes de participation regroupent alors deux types d’infractions :

celles qui exigent une pluralité d’intervenants à titre d’élément constitutif, comme

l’association de malfaiteurs148

, et celles qui ne le font pas, c’est-à-dire celles qui incriminent

un comportement individuel mais peuvent se retrouver commises à plusieurs, au gré des

circonstances, comme l’abus de confiance149

. C’est pourquoi un auteur a pu proposer de

distinguer l’infraction collective de celle commise collectivement : « Cette dernière procède

de l’intervention d’une pluralité d’agents pour commettre une infraction. Le délit collectif au

contraire résulte de la prise en considération par la loi de cette même pluralité de

délinquants, chiffrée ou non, à titre d’élément constitutif »150

. Cette distinction est aujourd’hui

classique même si d’autres auteurs lui préfèrent des dénominations différentes, telles que

146 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. 3, p. 24, n° 887. V. également

CONSTANTARAS, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,

RID pén., 1956, p. 188 ; AUSCALER et WALTER, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de

participation à l’infraction, RID pén., 1957, p. 57 ; H. SCHULTZ, L’orientation moderne des notions d’auteur de

l’infraction et de participation à l’infraction, RID pén., 1957, p. 144. 147

D. ALLIX, Essai sur la coaction, Contribution à l’étude de la genèse d’une notion prétorienne, LGDJ, Paris,

1976, n° 34 et s., p. 29 et s. 148

C. pén., art. 450-1. 149

C. pén., art. 314-1. 150

C. DUPEYRON, L’infraction collective, Rev. sc. crim. 1973, p. 357 et s., spéc. n° 5.

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43

infraction collective par nature et infraction collective par accident151

, ou encore infraction

collective par nature et infraction collective par destination152

. Cependant, ces dénominations

semblent moins pertinentes que celle précédemment évoquée car elles contiennent des

approximations. En effet, si parler d’infraction collective par nature ne semble pas appeler de

critique, il n’en va pas de même de l’expression d’infraction collective par accident : celle-ci

ne rend pas compte du caractère intentionnel de la participation153

. Quant à la qualification

d’infraction collective par destination, elle laisse croire que toute infraction collective a été

conçue comme telle par ses différents participants. Cependant, cela n’est pas toujours le cas,

en particulier lorsqu’un complice vient se greffer au fait principal sans que l’auteur en sache

rien154

. C’est pourquoi les termes d’infraction collective par nature et d’infraction commise

collectivement155

seront préférés, leur ensemble formant les infractions collectives au sens

large. Il est alors possible d’affirmer que toute coaction suppose une infraction collective156

.

Ce clivage entre infraction collective par nature et infraction commise collectivement

pourrait être dépassé par la notion de criminalité et délinquance organisées. Cette dernière a

été introduite dans le Code de procédure pénale157

par la loi du 9 mars 2004158

, qui dresse une

liste d’une quinzaine d’infractions159

, parmi lesquelles revient souvent la notion de bande

151 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 514 et s.

152 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 245.

153 V. infra n° 54 et s.

154 V. infra n° 96.

155 Ces termes ne doivent pas être confondus avec ceux d’infraction bilatérale. Ces derniers (comme l’adultère)

désignent ceux « dans lesquels le fait est considéré non pas unilatéralement comme dans le délit collectif, mais

bilatéralement de sorte que les personnes […] se présentent comme deux parties d’un rapport délictueux et non

comme une collectivité » (MANZINI, Diritto penale, t. 1, p. 620, n° 236, cité par C. DUPEYRON, L’infraction

collective, préc., n° 5). 156

En revanche, la réciproque n’est évidemment pas vraie : toute infraction collective ne suppose pas une

coaction. 157

C. proc. pén., art. 706-73 et 706-74. L’article 706-73 a été modifié depuis par la loi du 13 novembre 2007, n°

2007-1598, art. 5 : JO 14 novembre 2007. Il faut d’ailleurs remarquer que de nombreuses classifications avaient

déjà été proposées pour tenter de recouvrir cette notion : sur ces propositions, v. E. VERNY, Le membre d’un

groupe en droit pénal, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, 2002, n° 582. 158

L. 9 mars 2004, n° 2004-204, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, art. 1 : JO 10

mars 2004 p. 4567, entrée en vigueur le 1er

octobre 2004. 159

Celles-ci sont les suivantes : meurtre en bande organisée de l’article 221-4 8° du Code pénal, actes de torture

et de barbarie en bande organisée de l’article 222-4 du Code pénal, trafic de stupéfiants des articles 222-34 à

222-40 du Code pénal, enlèvements et séquestrations en bande organisée de l’article 224-5-2 du code pénal,

traite des êtres humains des articles 225-4-2 à 225-4-7 du Code pénal, proxénétisme des articles 225-7 à 225-12

du Code pénal, vol en bande organisée de l’article 311-9 du Code pénal, extorsion des articles 312-6 et 312-7 du

Code pénal, destruction, dégradation ou détérioration de biens en bande organisée de l’article 322-8 du Code

pénal, fausse monnaie des articles 442-1 et 442-2 du Code pénal, terrorisme des articles 421-1 à 421-5 du Code

pénal, délits en matière d’armes commis en bande organisée des articles 3 de la loi du 19 juin 1871, des articles

24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 ou des articles 3 de la loi du 3 juillet 1970, et 4 de la loi du 9 juin 1972,

aide à l’entrée au séjour irrégulier des étrangers en France commis en bande organisée, blanchiment ou recel

Page 44: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

44

organisée, afin de leur appliquer des procédures particulières, dérogatoires de celles du droit

commun160

. Or, certaines infractions collectives par nature relèvent de la criminalité

organisée, telles que l’association de malfaiteurs161

, de même que certaines infractions

commises collectivement appartiennent également à cette dernière catégorie, comme les

crimes et délits commis en bande organisée162

. Mais le concept de criminalité organisée est

loin de recouper les deux notions : toutes les infractions collectives par nature, ainsi que

toutes les infractions commises collectivement, ne relèvent pas de la criminalité organisée.

Par exemple, si l’entrave à la liberté du travail163

constitue une infraction collective par

nature164

, elle n’apparaît pas dans la liste d’incriminations prévues par le code de procédure

pénale. Le constat est le même s’agissant, notamment, d’un vol commis par deux personnes :

alors que ce comportement est constitutif d’une infraction commise collectivement165

, il

n’appartient pas à la criminalité organisée. Cette dernière, si elle exige une pluralité de

participants, ne permet donc pas une appréhension exhaustive du phénomène collectif166

. En

pour le produit, les revenus ou choses provenant des infractions précédentes, association de malfaiteurs ayant

pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées précédemment, ainsi que les crimes et délits

commis en bande organisée et associations de malfaiteurs autres que ceux relevant de l’article 706-73 du code

pénal. 160

Il faut d’ailleurs noter que le législateur français a choisi de dresser une liste de comportements relevant de la

criminalité et de la délinquance organisées alors que de nombreux auteurs auraient préféré une approche

méthodique de la question. Ainsi, beaucoup d’entre eux avaient tenté de poser des critères d’identification du

crime organisé : V. notamment J.-P. BRODEUR, Le crime organisé hors de lui-même, tendances récentes de la

recherche, RICPT 1998, p. 188 ; F. DEBOVE, Vers un droit pénal de la criminalité organisée, Les petites

affiches, 12 nov. 2002, p. 4 ; C. GIRAULT, Le droit pénal à l’épreuve de l’organisation criminelle, Rev. sc. crim.

1998, p. 715 ; J.-P. GUEDON, Criminalité organisée et droit pénal, thèse, Paris I, 2002 ; M. MASSE, Notes brèves

sur la rencontre de deux expressions : crime organisé et espace judiciaire européen, Rev. sc. crim. 2000, p. 469 ;

Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, RID pén. 1997, p. 793; E. VERGES, La notion

de criminalité organisée après la loi du 9 mars 2004, AJ pén. 2004, p. 181. Ce dernier déplore d’ailleurs le

caractère « aléatoire » de l’énumération contenue par le Code de procédure pénale (v. p. 184). 161

V. infra n° 34. 162

V. infra n° 39. 163

C. pén., art. 431-1. Cet article dispose dans son premier alinéa que « Le fait d’entraver, d’une manière

concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou

de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende », et dans son second que « Le

fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou

dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa précédent est puni de trois

ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». 164

V. infra n° 30. 165

V. infra n° 30. 166

Dans le même sens, v. B. DE LAMY, La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de

la criminalité (Crime organisé-Efficacité et diversification de la réponse pénale), D. 2004, p. 1910 et s., spéc. p.

1911, pour qui : « Toute infraction commise à plusieurs ne relève pas du crime organisé ; toute entente établie

en vue de commettre un seul acte incriminé reste également distincte de cette notion ».

Page 45: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

45

outre, la notion de criminalité organisée ne permet pas de rendre compte de celle de

coaction167

.

Dès lors, il est nécessaire de s’intéresser aux infractions collectives dans leur ensemble

et à la distinction précédemment établie entre infractions collectives par nature et infractions

commises collectivement afin de montrer si elle présente un intérêt en la matière.

31. Intérêt de la distinction. – Ainsi, la coaction suppose-t-elle l’existence d’une

infraction collective quelle qu’elle soit ? Peut-elle se greffer aussi bien sur une infraction

collective par nature que sur une infraction commise collectivement ? Surtout, sa

caractérisation présente-t-elle un intérêt dans ces deux types d’infractions ?

Généralement, les infractions collectives par nature n’exigent pas un mode de

participation spécifique à titre d’élément constitutif et ainsi, ne distinguent pas selon que

l’individu est intervenu dans la commission de l’infraction en tant que complice ou coauteur.

En conséquence, ce procédé conduit parfois à une véritable confusion des critères de

distinction entre ces deux modes d’imputation : par principe, les individus répondant aux

éléments constitutifs visés dans le texte d’incrimination sont qualifiés d’auteurs de l’infraction

ou de coauteurs au regard de la définition classique de la coaction168

. Toutefois, ces textes, par

leur généralité, permettent d’englober des comportements d’aide ou d’assistance qui, en vertu

de la définition légale de la complicité, devraient être qualifiés d’actes de complicité. Par

exemple, certaines incriminations visent la répression d’un « groupement »169

, sans préciser à

quel titre l’intervention d’un individu dans ce groupement est sanctionnée. Or, le fait de

fournir une arme à un individu, hypothèse classique de complicité par fourniture de moyen,

peut permettre de caractériser l’appartenance à un groupement et donc l’imputation au titre de

coauteur de l’infraction d’association de malfaiteurs notamment. La notion de participation,

qui ne distingue pas entre coaction et complicité, a alors plus de sens que ces dernières en

matière d’infractions collectives par nature. C’est pourquoi cette catégorie d’infractions, pour

laquelle la coaction ne présente pas d’intérêt particulier, sera analysée en premier lieu (§1),

permettant alors de dégager le domaine de prédilection de la coaction, celui des infractions

commises collectivement (§2).

167 V. infra n° 40.

168 V. infra n° 3.

169 V. notamment les articles 450-1 (association de malfaiteurs) et 323-4 (participation à une bande violente) du

Code pénal : v. infra n° 36.

Page 46: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

46

§1- Les infractions collectives par nature.

32. Les infractions collectives par nature exigent une pluralité d’intervenants à titre

d’élément constitutif, c’est-à-dire au moins deux participants. Elles sont à la fois peu

nombreuses et diverses dans le Code pénal : peu nombreuses car il est possible d’en dresser

une liste exhaustive, diverses car même si elles peuvent parfois sembler proches, elles sont

chacune très ciblées et incriminent des comportements strictement définis. Il convient alors de

les identifier plus précisément (A) afin d’y rechercher l’intérêt de la coaction (B).

A- Identification des infractions collectives par nature

33. Pour étudier les infractions collectives par nature, encore faut-il les identifier. A lire

la définition évoquée de ce type d’infractions170

, cela se révèle relativement aisé : il suffit de

dresser la liste des infractions nécessitant une pluralité d’intervenants au titre de ses éléments

constitutifs. En réalité, parce que cette pluralité n’est parfois exigée qu’implicitement, ou

parce qu’elle semble induite par l’image que l’on se fait de l’infraction dont il est question,

cette tâche ne doit pas être minimisée. Il est alors indispensable d’identifier les infractions

collectives par nature de façon positive (1°), mais aussi négative (2°).

1- Identification positive

34. Association de malfaiteurs. – Certaines infractions ne prêtent pas à discussion

quant à savoir si elles sont des infractions collectives par nature ou non. L’association de

malfaiteurs est l’exemple type d’une infraction collective par nature. En effet, elle est définie

par le Code pénal comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la

préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou de plusieurs crimes ou

d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement »171

. Ainsi qu’en

170 V. supra n° 30 et 32.

171 Si la définition de cette infraction n’avait quasiment pas changé pendant plus d’un siècle, elle a souvent été

remaniée depuis la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981 (JO 3 fév. 1981) afin d’élargir toujours plus son

domaine d’application. Alors que les anciens articles 265 à 268 du code pénal exigeaient non seulement que les

malfaiteurs aient projeté la commission de plusieurs crimes, mais également la commission de crimes

uniquement et laissaient donc hors d’atteinte les délits même les plus graves, l’article 450-1 actuel étend

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47

témoignent les termes « groupement » et « entente », elle suppose donc une pluralité

d’intervenants. Cependant, aucun nombre minimum n’est exigé pour caractériser cette

association. L’ancien Code pénal172

, antérieurement à la loi du 2 février 1981, affirmait

d’ailleurs que cette infraction pouvait être caractérisée « quel que soit le nombre de ses

membres ». De fait, deux personnes seulement peuvent tout à fait caractériser une association

de malfaiteurs. Même si cette dernière n’est pas placée dans la partie générale du Code pénal,

il faut la considérer comme une l’incrimination d’un mode général de commission d’une

infraction, l’infraction projetée n’étant pas strictement définie (« la préparation d’un ou de

plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement »).

En effet, le législateur a cru bon d’incriminer spécialement certaines d’associations de

malfaiteurs lorsque celles-ci se rapportent à des infractions particulières. C’est ainsi que

l’association de malfaiteurs commise en vue de perpétrer un crime contre l’humanité prévu

par les articles 211-1, 212-1 et 212-2 du Code pénal, celle commise en vue de porter atteinte

au traitement automatisé de données et celle commise afin de perpétrer un acte terroriste, font

l’objet d’incriminations particulières173

. Ces dernières, parce qu’elles permettent d’aggraver

les peines encourues174

ou d’incriminer des comportements qui ne pourraient l’être en vertu

de l’article 450-1 du Code pénal175

, ne font ainsi pas doublon avec celui-ci mais y apportent

des dérogations, témoignant en cela de leur caractère spécial.

35. Participation à une bande violente. – En outre, les infractions imposant

l’existence d’un groupement s’analysent elles aussi comme des infractions collectives par

nature. Tel est le cas de l’infraction de participation à une bande violente176

, introduite par la

loi du 2 mars 2010, et réprimant « le fait pour une personne de participer sciemment à un

l’incrimination à la préparation d’un ou plusieurs crimes et à celles de nombreux délits (ceux punis d’au moins

cinq ans d’emprisonnement). 172

C. pén. anc., art. 265. 173

Respectivement aux articles 212-3, 323-4 et 421-2-1 du Code pénal. 174

C. pén., art. 212-3 et 421-2-1. 175

C. pén., art. 323-4 qui dispose que « La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue

de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs des infractions prévues

par les articles 323-1 à 323-3-1 est punie des peines prévues pour l’infraction elle-même ou pour l’infraction la

plus sévèrement réprimée ». Or, l’article 323-1, qui vise « le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement,

dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données » n’étant puni que de deux ans

d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende

« lorsqu’il en est résulté la suppression ou la modification de données contenues dans le système », il ne serait

pas punissable en vertu de l’article 450-1 du Code pénal. 176

C. pén., art. 222-14-2.

Page 48: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

48

groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un

ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions

ou dégradations de biens ». Outre les nombreuses critiques que l’on peut émettre quant à la

pertinence et au bien-fondé d’une telle incrimination177

, il n’en demeure pas moins qu’en

exigeant la participation à un groupement, elle vise la pluralité d’intervenants178

comme

élément constitutif. Cela est d’autant plus vrai que « de l’aveu même de l’exposé des motifs,

ce texte s’inspire directement de l’association de malfaiteurs »179

, infraction collective par

nature180

.

36. Exigence de pluralité explicite ou implicite. Ces deux exemples montrent que de

façon générale, et sans dresser une liste exhaustive et fastidieuse des infractions en cause, les

textes exigeant expressément au moins deux individus parce qu’ils imposent un

groupement181

, un rassemblement182

, une pluralité de personnes183

ou une action collective184

,

ou plus implicitement parce qu’ils requièrent une concertation185

ou une participation186

,

peuvent s’analyser comme des incriminations d’infractions collectives par nature.

Pour autant, il faut se garder de croire que les infractions se réalisant

traditionnellement à plusieurs en vertu du sens commun revêtent les caractères de l’infraction

collective par nature. Reste alors à d’identifier de façon négative ces dernières.

177 V. notamment R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel

exemple de mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, D. 2009, p. 2701 ; V. NIORÉ, D’une loi anti-

casseurs défunte à une loi anti-bandes conforme à la Constitution : la résurrection…, Gaz. pal. 2010, n° 90 à 91,

p. 8. 178

A ce titre, il faut regretter l’imprécision de ce terme : le groupement s’entend-il de la réunion de deux

personnes seulement ou exige-t-il trois agents pour sa constitution ? Même s’il est vrai que deux personnes

suffisent généralement à caractériser un groupe en droit français (v. notamment supra n° 34), le silence du

législateur sur ce point ne peut qu’être déploré. 179

R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel exemple de

mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, préc. 180

V. supra n° 34. 181

Le groupe de combat, incriminé à l’article 431-13 du Code pénal, aurait également pu être pris pour exemple. 182

V. notamment l’attroupement incriminé à l’article 431-3 du Code pénal. 183

V. notamment le complot incriminé à l’article 421-2 du Code pénal. 184

V. notamment le mouvement insurrectionnel incriminé à l’article 412-3 du Code pénal. 185

V. notamment les entraves à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de

manifestation de l’article 431-1 du Code pénal. 186

V. notamment la démoralisation de l’armée incriminée à l’article 413-3 du Code pénal, dont la Cour de

cassation elle-même a rappelé l’exigence d’une pluralité de participants en considérant qu’un acte isolé de

provocation à la désertion ne saurait être qualifié de constitutif d’une participation à une entreprise de

démoralisation de l’armée (Cass. crim., 6 oct. 1960, Bull. n° 435).

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49

2- Identification négative

37. Terrorisme. – Dans le sens commun, certaines incriminations ne se conçoivent

qu’exécutées à plusieurs. Pour autant, une lecture attentive du Code pénal démontre qu’il n’en

est rien. Il en va ainsi du terrorisme187

, dont la définition utilise le terme d’entreprise

précédemment évoqué. Le terrorisme n’est pas une infraction à part entière puisqu’en réalité,

le législateur distingue entre différents actes de terrorisme selon qu’ils sont des actes

terroristes par finalité ou par nature188

. Les actes terroristes par finalité sont des infractions de

droit commun, limitativement énumérées, commises « intentionnellement en relation avec

une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public

par l'intimidation ou la terreur ». Or, il est fait mention d’une entreprise individuelle ou

collective. De fait, l’infraction pouvant être commise par une personne seule, les actes de

terrorisme définis de la sorte ne peuvent constituer une infraction collective par nature. Le

même constat peut être dressé concernant les actes terroristes par nature, qui eux, ne se

réfèrent pas à des infractions de droit commun, mais se définissent comme des

comportements autonomes de terrorisme, tels que le terrorisme écologique189

. Ce dernier

reprend d’ailleurs la formule évoquée précédemment, puisque lui aussi doit avoir été commis

« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but

de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». La pluralité de

participants n’est donc pas nécessaire à sa réalisation. De même, l’article 421-2-1 du code

pénal190

considère comme un acte terroriste le fait de financer une entreprise terroriste,

indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte. Or, le financement peut

évidemment être le fait d’une personne seule. Les actes terroristes ne peuvent donc être

assimilés à des infractions collectives par nature.

Pourtant, une incrimination pourrait faire douter de cette affirmation : celle de l’article

421-2-1 du code pénal qui considère comme un acte terroriste « le fait de participer à un

groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou

plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles [421-1 et 421-2

du même code] ». Elle sanctionne, en effet, une participation à un groupement ou une entente,

187 C. pén. art. 421-1 et s.

188 V. V. MALABAT, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 5

ème éd., 2011, n° 892 et s.

189 C. pén., art. 421-2.

190 Créé par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, art. 33, JO 16 novembre 2001.

Page 50: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

50

et exige donc une pluralité d’individus pour sa réalisation. Cependant, comme il l’a été vu, il

s’agit là de l’incrimination d’une association de malfaiteurs spéciale, justifiant en cela que

l’infraction soit, dans ce cas précis, collective par nature.

38. Trafic de stupéfiants. – Le trafic de stupéfiants est généralement considéré comme

une forme de criminalité commise à plusieurs. Pour autant, là encore, il est difficile de

l’envisager comme une infraction collective par nature. Aucun texte du code pénal ne définit

précisément le trafic de stupéfiants, ce dernier étant seulement l’intitulé d’une section du

code, contenue dans les atteintes à l’intégrité de la personne191

. Or, cette section comprend

plusieurs infractions sanctionnant notamment « le fait de diriger ou d'organiser un

groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'importation, l'exportation, le

transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants »192

,

« la production ou la fabrication illicites de stupéfiants »193

, « l'importation ou l'exportation

illicites de stupéfiants »194

, « le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou

l'emploi illicites de stupéfiants »195

ainsi que le blanchiment de biens ou revenus provenant

des infractions précédentes196

et enfin « la cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une

personne en vue de sa consommation personnelle »197

. De façon moins évidente que le

terrorisme qui employait les termes « entreprise individuelle », mais tout aussi indiscutable,

ces incriminations, envisagées séparément, n’exigent pas une pluralité de participants. Ainsi,

diriger un groupement, transporter ou offrir des stupéfiants par exemple, sont des infractions

qui, bien que difficilement concevables sans l’intervention de plusieurs protagonistes,

n’exigent pas un nombre minimum d’individus à titre d’élément constitutif. Elles ne peuvent

alors être qualifiées d’infractions collectives par nature.

De plus, comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants n’est pas « une » infraction à part

entière, mais comprend une série d’incriminations. Il apparaît dès lors difficile de le

considérer comme une infraction collective par nature.

191 Section 4 « Du trafic de stupéfiants » du chapitre II « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la

personne » du titre II « Des atteintes à la personne humaine » du livre I consacré aux crimes et délits contre les

personnes. 192

C. pén., art. 222-34. 193

C. pén., art. 222-35. 194

C. pén., art. 222-36. 195

C. pén., art. 222-37. 196

C. pén., art. 222-38. 197

C. pén., art. 222-39.

Page 51: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

51

39. Bande organisée. – Enfin, il reste à s’intéresser à la bande organisée. Celle-ci exige

bien évidemment une pluralité de participants, ne serait-ce que par son intitulé même de

« bande ». Mais elle ne peut être considérée comme une infraction collective par nature tout

simplement car elle n’est pas une infraction mais une circonstance aggravante198

. Désignée

par le Code pénal comme « tout groupement formé ou tout entente établie en vue de la

préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs

infractions »199

, sa définition est très proche de celle de l’association de malfaiteurs200

. Elle

est prévue pour de nombreuses infractions, telles que, notamment, le trafic de stupéfiants201

,

l’enlèvement et la séquestration202

, le proxénétisme203

, le vol204

, l’escroquerie205

,

l’extorsion206

, le recel de choses207

, les destructions, dégradations et détérioration dangereuses

pour les personnes208

, le blanchiment209

et le transport et la mise en circulation de fausse

monnaie210

, dont la liste a été considérablement élargie par la loi du 9 mars 2004211

. Or, cette

définition ainsi que les nombreuses infractions visées pourraient faire douter de l’utilité de

l’incrimination générale d’association de malfaiteurs. Cependant, outre le fait que l’une est

une circonstance aggravante alors que l’autre est une infraction autonome, les deux notions se

distinguent. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004212

, se

fondant sur la Convention des Nations Unies relative à la criminalité transnationale

198 Ces propos peuvent cependant être nuancés. Si l’on estime que la circonstance aggravante n’est pas un simple

outil d’aggravation de la peine mais conduit à former une infraction à part entière (V. C. DE JACOBET DE

NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz, Paris, 2006), il est alors possible d’affirmer

que l’infraction aggravée par la circonstance de bande organisée est une infraction collective par nature. Ainsi,

par exemple, le vol commis en bande organisée entrerait dans cette dernière catégorie. 199

C. pén., art. 132-71. 200

C. pén., art. 450-1. 201

C. pén., art. 222-35 et 222-36. 202

C. pén., art. 224-2. 203

C. pén., art. 225-8. 204

C. pén., art. 311-9. 205

C. pén., art. 313-2 al. 2. 206

C. pén., art. 312-6. 207

C. pén., art. 321-2 2°. 208

C. pén., art. 322-8 1°. 209

C. pén., art. 324-2 2°. 210

C. pén., art. 442-2 al. 2. 211

Art. 6 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,

JORF n° 59 du 10 mars 2004, p. 4567. 212

Cons. const., 2 mars 2004, déc. n° 2004-492 DC.

Page 52: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

52

organisée213

, a affirmé que la bande organisée s’entendait d’un groupe structuré de trois

personnes ou plus (à la différence de l’association de malfaiteurs qui est constituée dès lors

que sont recensés deux participants seulement) existant depuis un certain temps et agissant de

concert, dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou établies

conformément à la Convention pour en tirer un avantage financier ou un autre avantage

matériel. Surtout, il a considéré que la bande organisée se distinguait de la circonstance de

réunion. Or, celle-ci s’entend de la commission d’une infraction par plusieurs personnes

agissant en qualité d’auteur (coaction au sens strict) ou de complice. Dès lors, la bande

organisée se distingue de la coaction et de la complicité, par sa durée et sa structure. Ainsi,

être membre d’une bande organisée, ce n’est pas nécessairement être coauteur de l’infraction

tentée ou consommée par cette même bande, même si l’on envisage l’infraction commise de

la sorte comme une infraction collective par nature214

. Il s’agirait plutôt d’un mode

d’imputation particulier. En effet, de façon générale, il convient de voir que, lorsque

l’infraction réalisée est une infraction collective par nature, la notion de coaction ne revêt pas

un intérêt fondamental.

B- L’intérêt limité de la notion de coaction

40. Indifférence au mode de participation. – Concernant les infractions collectives

par nature, il semble que la notion de coaction ne revête pas d’intérêt particulier dans la

mesure où la plupart des infractions dont il est question ne sanctionnent qu’une participation

et ne distinguent pas selon le mode de participation en cause. L’acte de participation, qu’il soit

de complicité ou de coaction, est en effet érigé en infraction autonome, et le législateur

n’emploie d’ailleurs jamais ces termes. Ainsi en est-il de l’association de malfaiteurs, qui, en

sanctionnant un groupement ou une entente, incrimine la participation en général. De fait,

cette infraction permet de regrouper de nombreux comportements sous cette dénomination,

dont certains qui pourraient traditionnellement être considérés comme de simples actes de

213 Adoptée à New York le 15 novembre 2000, ratifiée par la France et publiée par le décret du 8 septembre

2003. 214

Dans l’hypothèse où la circonstance aggravante formerait une nouvelle infraction, l’infraction aggravée, il

faudrait en effet considérer que l’infraction réalisée en bande organisée serait une infraction collective par nature

(sur la théorie selon laquelle la circonstance aggravante permettrait de fonder une nouvelle infraction,

l’infraction aggravée, v. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz,

Coll. NBT, 2006.

Page 53: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

53

complicité. Le fait de fournir au groupement un local lui permettant de se réunir est ainsi

constitutif du délit, puisqu’il s’analyse comme une participation à part entière déjà

constitutive de l’entente ou du groupement, alors même qu’en vertu des principes classiques

du droit pénal général, la fourniture de moyens est considérée comme un acte de complicité.

Plus encore, la complicité étant justement un mode de participation, la complicité

d’association de malfaiteurs ne peut donc se concevoir215

car tout acte de complicité est déjà

un acte constitutif de l’infraction, et d’ailleurs, à notre connaissance, la jurisprudence

criminelle n’en fait, fort logiquement, pas état. Dès lors, s’interroger sur le fait de savoir si le

participant a agi à titre de coauteur ou de complice ne présente pas d’intérêt : au regard de

l’association de malfaiteurs, il aura réalisé l’infraction, et en sera donc auteur216

.

Des conclusions identiques s’appliquent à l’égard des incriminations précédemment

étudiées sanctionnant une participation ou un groupement. Or, une des principales critiques

adressées à l’infraction de participation à une bande violente vise cette confusion des modes

de participation : peu importe le degré de participation des individus appartenant à la bande,

tous pourront être poursuivis et sanctionnés217

. A ainsi été déploré, à juste titre,

l’ « éclatement du vocabulaire de la participation criminelle »218

.

215 Contra A. VITU, J.-Cl. Pénal Code, Participation à une association de malfaiteurs, art. 450-1 à 450-5 fasc. 20,

2004, n° 46 et s. Selon lui, depuis le nouveau Code pénal, « la situation du fauteur est gouvernée par

l’application pure et simple du droit commun de la complicité ». Il justifie cette solution par le fait que le Code

pénal ne fasse plus référence aux hypothèses de complicité de l’association de malfaiteurs alors que tel était le

cas de l’ancien Code pénal, dans son article 267. Ce dernier qualifiait en effet de complice « celui qui aura

volontairement procuré, sachant qu’ils devaient servir à l’action, des moyens destinés à commettre le ou les

crimes ou délits pour lesquels l’association a été formée ou l’entente établie ». Mais cet auteur ne se fonde sur

aucune décision jurisprudentielle en la matière excepté celle rendue par la Cour d’appel de Paris le 26 janvier

2001 (JurisData n° 2001-141804). Or, la solution n’a jamais, à notre connaissance, été reprise par la Cour de

cassation. 216

En revanche, l’inverse n’est pas vrai : identifier une coaction ou une complicité pourra permettre d’établir

l’existence d’une association de malfaiteurs. Cependant, cette solution peut sembler regrettable : dès lors que

l’on pourra caractériser une participation préméditée, ce qui sera le cas dans les hypothèses de coaction et dans la

plupart des hypothèses de complicité, à une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ses

participants pourront être poursuivis sous le fondement de l’association de malfaiteurs. Ce serait alors l’occasion

d’un concours de qualifications entre cette dernière et l’infraction réalisée en exécution de celle-ci. Selon la Cour

de cassation, il s’agit d’un concours réel et les deux infractions doivent alors être retenues cumulativement. Elle

affirme en effet que « le délit d’association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante du ou des

crimes… préparés ou commis par les membres de l’association » (V. notamment Cass. crim., 8 fév. 1979 : Bull.

n° 58, JCP G 1979, IV, p. 121 ; D. 1979, inf. rap. p. 528, obs. M. PUECH ; Rev. sc. crim. 1980, p. 151, obs. J.

ROBERT ; Cass. crim. 6 nov. 1986 : JurisData n° 1986-002831 ; JCP G 1987, IV, p.16 ; Gaz. Pal. 1987, 1,

somm. p. 200, obs. J.-P. DOUCET ; Cass. crim. 11 mai 2000 : JurisData n° 2000-002726). Cette solution peut

alors paraître sévère, d’autant plus lorsque l’infraction projetée et réalisée connaît de la réunion comme

circonstance aggravante. Peut-être serait-il alors souhaitable de restreindre quelque peu le champ d’application

de l’incrimination d’association de malfaiteurs, en imposant un nombre minimum de participants par exemple. 217

Cet objectif était d’ailleurs clairement celui des auteurs de la proposition de loi puisque le rapporteur avait

expliqué que « l’incrimination proposée [constituerait], de l’avis même du directeur général de la police

Page 54: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

54

41. Nuance : les concertations. – Cependant, des réserves doivent être mentionnées

concernant les concertations puisque la complicité d’entrave à la liberté du travail par

exemple, est tout à fait envisageable et d’ailleurs envisagée219

par la jurisprudence. En effet,

l’article 431-1 du code pénal dispose dans son alinéa 1er que « Le fait d'entraver, d'une

manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression, du travail,

d'association, de réunion ou de manifestation est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000

euros d'amende », et dans son alinéa second que « Le fait d'entraver, d'une manière concertée

et à l'aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent

code, l'exercice d'une des libertés visées à l'alinéa précédent est puni de trois ans

d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ». Si l’on prend pour modèle l’entrave à la

liberté du travail, il est absolument concevable d’aider à entraver cette liberté – en fournissant

du matériel bloquant l’accès à l’entreprise par exemple – ou encore de provoquer cette entrave

– en donnant des ordres en ce sens notamment – et donc de se rendre complice de cette

infraction.

Les notions de coaction et de complicité, pouvant être distinguées, retrouveraient alors

de leur intérêt dans ces hypothèses.

42. Confusion regrettable entre complicité et coaction. – Hormis le cas des

concertations, il apparaît donc que le Code pénal sanctionne la participation à une infraction

collective par nature quel que soit le titre auquel cette intervention a eu lieu, faisant de la

participation la notion clé, au détriment de celles de coaction ou de complicité. De fait, tous

les participants sont alors des coauteurs de ces infractions alors même qu’en vertu du droit

commun, ils devraient être qualifiés de complices lorsque leurs actes s’entendent d’actes

d’aide, d’assistance, de fourniture de moyens, ou d’instigation. Un auteur énonce ainsi « Cette

pluralité nécessaire se rencontre dans un bon nombre de situations, où l’existence même de

l’infraction suppose qu’elle ait été le fait de plusieurs auteurs, que l’on peut dès lors nommer,

nationale et du chef d’investigations transversales à la direction de la police urbaine de proximité de la

préfecture de police de Paris, un instrument efficace pour engager des poursuites contre les auteurs, sans pour

autant avoir à distinguer l’auteur du co-auteur, ou bien le coauteur du complice » (cité par V. NIORE, D’une loi

anti-casseurs défunte à une loi anti-bandes conforme à la Constitution : la résurrection…, préc.) 218

R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel exemple de

mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, préc. 219

V. notamment Cass. crim., 23 avril 2003, Bull. n° 84.

Page 55: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

55

au sens précis et évident de ce terme, des auteurs en commun, des co-auteurs »220

. Or, toute

incrimination qui englobe indistinctement complicité et coaction conduit non seulement à

brouiller les définitions traditionnelles de ces concepts, mais surtout, ne permet pas de

dégager une notion originale de coaction. Il faut alors rechercher cette dernière ailleurs, et

c’est au sein des infractions commises collectivement qu’elle se trouve, celles-ci permettant

une différenciation des modes de participation en général.

§2- Les infractions commises collectivement

43. Les infractions commises collectivement n’exigent pas une pluralité d’intervenants à

titre d’élément constitutif, mais incriminent des comportements individuels que les

circonstances peuvent amener à réaliser à plusieurs. Ainsi en est-il, par exemple, du vol221

, qui

s’analyse comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, et peut donc être commis

par une personne agissant seule ou par plusieurs individus. Particulièrement nombreuses, il est

impossible de présenter chacune de ces incriminations. Mais le raisonnement étant identique

pour toutes, en étudier certaines permettra de montrer que c’est en leur sein que la coaction

révèle toute son originalité puisqu’elles permettent une différenciation des modes de

participation. Dès lors, il conviendra de s’intéresser à l’identification des infractions

commises collectivement (A) afin de témoigner de l’intérêt retrouvé de la coaction (B).

A- Identification des infractions commises collectivement.

44. Multitude des infractions commises collectivement. – En réalité, la plupart des

infractions, bien que sanctionnant de prime abord des actions individuelles, sont susceptibles

d’être commises collectivement. Peu importe que cette pluralité de participants soit

expressément visée par le code ou non : les infractions commises collectivement ne se

réduisent pas aux infractions pour lesquelles la circonstance de réunion222

ou de bande

organisée223

est prévue.

220 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 4, p. 5.

221 C. pén., art. 311-1.

222 V. infra n° 46.

223 V. infra n° 47.

Page 56: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

56

45. Indifférence de principe à la pluralité. – Le droit pénal interdisant de distinguer là

où la loi ne le fait pas224

, la pluralité d’auteurs, lorsqu’elle n’est pas évoquée par le code, ne

doit pas produire d’effet juridique particulier. Comme le rappellent certains auteurs225

, « en

l’absence de précision dans la loi ou le règlement, la participation collective à une infraction

n’a normalement aucune conséquence juridique ». Il fallait alors s’attendre à ce que le

législateur envisage la pluralité de participants et ses conséquences pour les infractions les

plus graves de notre droit, le risque accru pour la société en cas de groupe criminel ne

manquant pas d’être souligné en doctrine226

. Cependant, il est remarquable de constater que

certaines incriminations phares du code pénal, dont la dangerosité est pourtant avérée,

n’envisagent aucune particularité quant à leur répression lorsqu’elles sont commises par

plusieurs individus. C’est ainsi que le meurtre227

notamment, ou encore le détournement

d’aéronef228

, ne sont pas punis plus sévèrement s’ils sont commis par plusieurs personnes

agissant en réunion ou même en bande organisée.

46. Infractions commises collectivement et circonstance de réunion. – Cependant,

souvent, le législateur va tout de même jusqu’à faire de cette pluralité de participants une

circonstance aggravante, généralement appelée circonstance de réunion. Tel est le cas en

matière de tortures ou actes de barbarie229

, de violences230

, de viol231

et autres agressions

sexuelles232

, de trafic de stupéfiants233

, d’enlèvement ou de séquestration234

, de

proxénétisme235

, de vol236

, d’extorsion237

, d’escroquerie238

, de recel239

, de destructions,

224 Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus.

225 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 517.

226 V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Précis Dalloz, Paris, 1939, 7

ème éd. ; DONNEDIEU DE

VABRES, n° 428 ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952,

p. 117, n° 34. 227

C. pén., art. 221-1. 228

C. pén., art. 224-6. 229

C. pén., art. 222-3 8°. 230

C. pén., art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 8°. 231

C. pén., art. 222-24 6°. 232

C. pén., art. 222-28 et 222-30 4°. 233

C. pén., art. 222-35 et 222-36 al. 2. 234

C. pén., art. 224-3. 235

C. pén., art. 225-7 9° et 225-8. 236

C. pén., art. 311-4 1° et 311-9. 237

C. pén., art. 312-6. 238

C. pén., art. 313-2 5°. 239

C. pén., art. 321-2 2°.

Page 57: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

57

dégradations, détériorations240

, de rébellion241

ou de transport de fausse monnaie242

. Plusieurs

arguments sont avancés pour justifier cette sévérité : la réalisation collective renforcerait

l’émulation entre les divers participants, rendant, de fait, tout désistement volontaire moins

probable ; de plus, l’alliance des compétences des différents individus accentuerait leur

dangerosité ; enfin, la pluralité de participants rendrait l’identification de ceux-ci plus

délicate, le nombre pouvant se révéler un véritable écran et favoriser leur anonymat243

. Ces

arguments étant avancés, il est alors difficile de justifier pourquoi le législateur n’a pas

généralisé cette circonstance aggravante, solution pourtant appelée de ses vœux par une partie

de la doctrine244

. En effet, comment expliquer que le meurtre, par exemple, ne soit pas

aggravé s’il est commis en réunion alors que les violences le sont ? Un auteur estime ainsi que

« la distinction entre les infractions commises en réunion se révèle injustifiée, donc

discriminatoire » et ajoute que « à l’analyse, le droit positif manque cruellement de

cohérence. En effet, il est fort difficile d’expliquer pourquoi seules certaines infractions

peuvent être juridiquement commises en réunion »245

. Dès lors, il serait certainement

raisonnable de redonner une harmonie à la législation en la matière. Cela est d’autant plus vrai

que de même que pour les infractions collectives par nature, si les infractions réalisées

collectivement ont toujours été considérées comme plus dangereuses, elles mériteraient donc

des sanctions et des règles procédurales particulières, selon des critères cohérents. Pour

autant, elles n’inspirent pas au législateur la même crainte que les infractions relevant de la

criminalité organisée pour lesquelles la pluralité de participants est généralement sanctionnée

de façon spécifique par la circonstance de bande organisée.

47. Infractions commises collectivement et bande organisée. – Le législateur lui-

même distingue les notions de bande organisée et de réunion. Ainsi, le Code pénal réprime

240 C. pén., art. 322-3 1°.

241 C. pén., art. 433-7 et 433-8.

242 C. pén., art. 442-2 al.2.

243 Sur ces différents points, v. notamment D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 37, p. 32. Plus

généralement, sur l’anonymat, v. J.-CH. SAINT-PAU, L’anonymat et le droit, thèse Bordeaux IV, 1998. 244

V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Dalloz, coll. Petits précis Dalloz, 7ème

éd., 1939, n° 145. 245

D. DECHENAUD, L’égalité en matière pénale, LGDJ, 2008. L’auteur rappelle que certains se sont essayés à

trouver un critère justifiant cette discrimination et cite à ce titre E. VERNY (Le membre du groupe en droit pénal,

préc., n° 623) pour qui les infractions concernées par la circonstance aggravante de réunion ne regrouperaient

que celles dont la nature est modifiée par la pluralité de participants. Cependant, D. DECHENAUD expose alors ses

doutes quant à cette affirmation, en montrant que les infractions aggravées par la réunion ne peuvent être

regroupées sous des catégories d’infractions unies par une même valeur sociale à protéger.

Page 58: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

58

sous des incriminations différentes le vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité

d'auteur ou de complice, sans qu'elles constituent une bande organisée246

, c’est-à-dire le vol

en réunion, et le vol commis en bande organisée247

par exemple, ou encore le proxénétisme

commis en réunion248

et celui commis en bande organisée249

, et les soumet à des peines

distinctes. Le législateur interdit ainsi de confondre coaction ou complicité et bande

organisée. Un auteur250

remarque alors que « la pluralité de personnes est donc doublement

traitée dans le nouveau Code pénal, selon que les intervenants agissent en qualité d’auteur ou

de complice, mais sans pour autant constituer une bande organisée, ou selon, au contraire,

qu’ils contribuent à caractériser une telle bande ». Selon lui, la distinction va d’ailleurs plus

loin, puisqu’il conviendrait en effet de différencier, pour des raisons semblables, participation

à l’infraction et crime organisé : « l’organisation ne saurait être réduite juridiquement à une

simple participation à la commission d’une infraction. Il y a, dans le crime organisé une

donnée de plus, qui revient à consacrer une différence sensible par rapport à un acte de

complicité ou à un état de coactivité »251

. Si le crime organisé est « plus qu’une simple

participation », il faut alors en conclure, a contrario, que la participation est, quant à elle,

moins qu’une organisation252

. Les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité

organisées ne rendent donc pas compte de la coaction, et seules les infractions commises

collectivement, que la circonstance de réunion en aggrave la répression ou pas, permettent de

donner un contenu autonome à la notion.

B- L’intérêt retrouvé de la coaction

48. C’est au sein des infractions commises collectivement que la coaction prend tout

son sens : parce que les infractions commises collectivement concernent la plupart des

infractions, ce sont elles qui permettent de démontrer que la coaction est un mode de

participation de droit commun (1) et que, de ce fait, elle relève du domaine du droit pénal

général (2).

246 C. pén., art. 311-4 1°.

247 C. pén., art. 311-9.

248 C. pén., art. 225-7 9°.

249 C. pén., art. 225-8.

250 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc.

251 Y. MAYAUD, Le crime organisé, préc.

252 V. infra n° 49 et s.

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59

1- Un mode de participation de droit commun

49. Distinction organisation – participation : le critère de l’entente. – A la différence

de l’organisation, la participation criminelle relève de ce qu’un auteur a qualifié de simple

« connivence » entre les individus253

. Complicité et coaction ne sanctionnent en effet, à la

différence de la criminalité organisée, qu’une « coopération passagère », qui n’a pas vocation

à durer. Et l’auteur de poursuivre : « La coactivité et la complicité permettent de saisir une

délinquance volontaire à plusieurs, mais qui se manifeste de façon ponctuelle, pour la

réalisation d’un projet isolé, sans avoir l’importance d’une entreprise très structurée ayant

vocation à la permanence ». Ce terme de « connivence » montre bien que ces deux modes de

participation criminelle peuvent être le fruit d’une entente254

. Ainsi, l’entente n’est pas cet

élément en plus qui différencie la criminalité organisée de la simple participation à

l’infraction, qu’elle soit complicité ou coaction.

50. Distinction organisation – participation : le critère de l’adhésion à un intérêt

collectif. – Celui-ci se trouve en revanche peut-être dans l’adhésion à un intérêt collectif. Un

auteur255

a ainsi affirmé que « l’adhésion peut également revêtir une forme moins

individualiste et viser à la réalisation d’une infraction, en vue d’un intérêt partagé par tous

les participants à celle-ci. Ce type de délinquance de groupe est qualifié par le terme

générique de « crime organisé » ». C’est donc cet intérêt partagé, ce « même objectif

délictueux »256

, qui identifierait la criminalité organisée. Dès lors, « dès qu’un délinquant

apporte son concours à une association dont il approuve les buts, il est immédiatement lié à

tous les actes commis au nom de ce groupement »257

. Pour preuve de la pertinence de cette

conclusion, l’auteur cite alors une décision de la Chambre criminelle258

dans laquelle deux

253 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., p. 796.

254 Le Grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2e éd., 2001, évoque en effet le terme « entente »

comme synonyme de celui de « connivence ».

Pour autant, l’entente n’est pas une condition de caractérisation de la participation, tout du moins en ce qui

concerne la complicité : v. infra n° 93 et s. 255

A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, thèse, Paris

II, 2006, n° 274. 256

Ibid. n° 279. 257

Ibid. n° 285. 258

Cass. crim., 11 juin 1970, Bull.. n° 199, Rev. sc. crim. 1971, p. 108, obs. A. VITU.

Page 60: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

60

individus, bien que n’ayant participé qu’à une seule infraction aux côtés d’agents convaincus

d’association de malfaiteurs259

, ont été considérés comme membres de cette association en

raison de leur connaissance des objectifs criminels poursuivis par le groupe.

Aussi conviendrait-il de distinguer entente et adhésion, et donc plus généralement

participation et crime organisé. Alors que l’adhésion supposerait la poursuite d’un projet

commun, véritable idéal collectif comme en matière de terrorisme, il n’en irait pas de même

pour l’entente qui imposerait un simple accord ponctuel entre les différents participants.

L’adhésion impliquerait que son auteur donne une sorte de blanc-seing au groupe pour les

activités réalisées, blanc-seing justifié par l’idéal commun, en sachant que son action s’inscrit

dans la durée, au contraire de l’entente, nécessairement renouvelée pour chaque infraction et

dirigée vers une infraction déterminée. En réalité, cela n’est pas sans rappeler une autre

distinction classique, celle du dol général et du dol spécial. Alors que la participation

n’exigerait qu’un dol général, c’est-à-dire la volonté de réaliser l’infraction en ayant

conscience de sa prohibition par la loi pénale et de la pluralité de participants, et quel que soit

le mobile de chacun260

, c’est-à-dire sans qu’un idéal commun ne les unisse, le crime organisé

supposerait, lui, un dol spécial en supplément, à savoir la conscience et la volonté de partager

un objectif commun et de s’associer durablement à travers la commission de ces infractions.

Les hypothèses de complicité et de coaction peuvent ainsi se retrouver relativement

fréquemment, plus certainement que celles de criminalité organisée, car elles n’exigent pas

autant d’éléments de caractérisation que cette dernière, et démontrent par là qu’elles sont des

modes de participation de droit commun. Dès lors, elles relèvent davantage du domaine du

droit pénal général.

2- L’incrimination d’un mode de participation relevant du droit pénal général

51. Participation et dispositions générales du Code pénal. – Si les infractions

commises collectivement peuvent concerner la plupart des comportements réprimés

pénalement, il en va alors de même pour la coaction et la complicité. Ces notions ont donc

vocation à la globalité et appartiennent au domaine du droit pénal général, ce dont témoigne

259 Il faut en effet rappeler qu’à l’époque, l’association de malfaiteurs n’était punissable qu’à la condition que

l’entente ait été établie en vue de préparer des crimes ou des délits punis d’au moins 10 ans d’emprisonnement. 260

Hormis les hypothèses pour lesquelles un dol spécial est érigé en élément constitutif de l’infraction.

Page 61: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

61

leur place dans le Code pénal. En effet, si le coauteur n’est pas mentionné par ce dernier, il

n’en est pas de même pour l’auteur et le complice, tous deux définis dès le livre premier du

Code261

consacré aux dispositions générales. La coaction, en tant que mode de participation à

l’infraction, relève donc également d’un modèle général et y aurait donc toute sa place,

s’apparentant ainsi à un principe commun à toutes les infractions262

. En revanche, tel n’est pas

le cas de la délinquance organisée : si l’inadéquation de la notion de coaction à cette dernière

devait encore être démontrée, il faudrait citer l’auteur déjà évoqué à plusieurs reprises selon

qui « l’originalité du crime organisé est de sortir du droit pénal général pour rentrer dans le

droit pénal spécial »263

, apte pour sa part à traduire la diversité des situations en la matière264

.

Cette forme de délinquance contribue en effet, comme il l’a été dit265

, à déformer les concepts

classiques du droit pénal général, et ce d’autant plus que la répression a lieu bien plus tôt sur

l’iter criminis que les principes traditionnels ne l’imposent.

52. Conclusion de la section 1. – La pluralité d’intervenants est donc une condition de

la participation, et ainsi de la coaction. Ce constat évident ne doit pas pour autant être minoré.

En effet, s’il est certain que la coaction se greffe sur une infraction collective, il restait

important de préciser cette affirmation. Or, il a été démontré que cette pluralité d’intervenants

ne doit pas se doubler de trop d’éléments supplémentaires tels que l’adhésion à un idéal

collectif par exemple, au risque de relever de la criminalité organisée, indifférente aux notions

de coaction et de complicité. Surtout, même si les notions de délinquance et criminalité

organisées ne correspondent pas à celle d’infraction collective par nature, il faut remarquer

que cette dernière également ne fait pas grand cas du mode de participation en question. Les

infractions collectives par nature exigent en effet souvent une simple participation, quel que

soit son mode, et contribuent à brouiller les frontières entre action, complicité et coaction.

261 Respectivement aux articles 121-4, 121-6 et 121-7 du Code pénal.

262 Du reste, un auteur distingue infractions collectives par nature et infractions commises collectivement à

l’aune de ce critère, tout en notant que toutes relèvent de la théorie de la participation criminelle : v. X. PIN, Le

consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, spéc. n° 268. Il considère en effet que la théorie de la participation

criminelle « comprend, en droit pénal spécial, l’étude de la participation dite nécessaire, c’est-à-dire l’étude des

incriminations qui, comme le complot ou l’association de malfaiteurs, supposent une concertation. En droit

pénal général, elle correspond à l’étude de la participation facultative c’est-à-dire de la complicité et de la

coaction, qui sont des modalités particulières de réalisation d’une infraction ». 263

Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., p. 800. 264

Il est vrai que la circonstance aggravante de bande organisée relève d’une disposition générale (C. pén., art.

132-71). Cependant, en tant que circonstance aggravante, elle doit être prévue par des textes spécifiques relevant

du droit pénal spécial pour être réprimée, au contraire de la complicité et de la coaction. 265

V. supra n° 42.

Page 62: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

62

C’est donc au sein des infractions commises collectivement qu’il faut rechercher le sens de la

coaction en tant que notion générique, propre au droit pénal général, et ainsi en tant que mode

spécifique de participation à l’infraction. Les notions de coaction et de complicité, et donc de

participation à l’infraction, prennent alors tout leur sens en présence d’infractions commises

collectivement. Paradoxe s’il en est, c’est donc à l’occasion d’infractions pour lesquelles la

participation n’est pas nécessaire que cette notion va pouvoir révéler son intérêt… Mais la

pluralité d’intervenants n’est pas la seule condition nécessaire à la caractérisation d’une

véritable participation, ni même d’une infraction collective : pour que celles-ci soient établies,

encore faut-il que les différents protagonistes soient liés entre eux. Or, c’est grâce à l’élément

moral de la participation que ce lien va se créer. La volonté de s’associer apparaît en effet

comme la condition caractéristique de la participation criminelle.

Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la

participation

53. Une fois la pluralité d’intervenants établie, il convient de montrer qu’il existe un

lien entre eux afin de pouvoir considérer qu’ils participent à un tout. A priori, un tel lien peut

s’établir de différentes façons : il peut ainsi être fondé matériellement (des individus sont

présents en même temps sur le théâtre d’une infraction), mais il peut également exister

psychologiquement (des individus s’entendent sur la commission d’une infraction par

exemple). Or, c’est précisément ce dernier type de lien qui semble réunir les participants à

l’infraction. En effet, l’existence d’une volonté de s’associer semble indispensable à la

caractérisation d’une participation, quel que soit le mode de participation en cause. Parce

qu’elle renvoie à l’élément moral de la participation, il est alors nécessaire de s’interroger sur

l’état d’esprit dans lequel cette participation est réalisée. Plus précisément, il convient de

s’intéresser au caractère intentionnel de la participation (§1), afin de déterminer quelles en

seront les conséquences (§2).

Page 63: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

63

§1- Le caractère intentionnel de la participation

54. Définition de la participation. – Au sens du droit pénal, la participation criminelle

s’analyse comme un « comportement tendant à coopérer sciemment à la réalisation d’une

infraction, incriminé en droit français à titre d’action principale, de coaction, de complicité

ou parfois de délit distinct »266

. Quant à son élément moral, le terme « sciemment » montre

qu’elle implique la conscience et la volonté d’être plusieurs, ainsi que celles de s’associer à

une entreprise délictueuse. Ainsi, prendre part à une infraction ne peut être le fruit du hasard,

d’une coïncidence : la participation est nécessairement intentionnelle267

. C’est cette volonté de

s’associer au projet criminel qui caractérise l’intention. A défaut, même si une pluralité

d’intervenants est établie, aucune participation criminelle ne pourra être caractérisée.

55. Distinction avec les auteurs. – Cette condition permet de distinguer les différentes

formes de participation à l’infraction des simples modes de réalisation de l’infraction et donc

« des » auteurs. Ainsi, imaginons deux voleurs présents au même moment dans la même

maison afin de la cambrioler. S’ils ne projettent pas de travailler de concert, ne s’aident en

aucune façon, et a fortiori, si aucun d’entre eux ne connaît la présence de l’autre lorsqu’il

commet son forfait, ils ne pourront être considérés comme des participants. En effet, ils n’ont

alors pas conscience d’être plusieurs, ou du moins aucune volonté de s’associer. Leurs

infractions sont simplement juxtaposées car commises dans le même temps et le même lieu:

chacun réalise sa propre infraction, sans se soucier des autres agents présents.

En outre, si ces deux individus ne peuvent être considérés comme des participants,

c’est également dû au fait qu’ils ne réalisent pas alors une infraction unique268

. Chacun

ignorant la présence de l’autre – ignorance au sens propre : aucun ne sait que l’autre est

présent, et ignorance au sens figuré : chacun fait comme si l’autre n’était pas là – ils réalisent

leur propre infraction, de façon absolument indépendante, et aucunement une infraction

collective. Dès lors, la participation ne peut s’analyser comme un mode de réalisation

266 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9

ème éd., PUF, 2011.

267 V. R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952, p. 117, n° 3 :

« On peut dire qu’un acte de participation est, en principe, intentionnel ». 268

V. infra n° 88 et s.

Page 64: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

64

indépendante de l’infraction, et l’auteur ne devrait pas être qualifié de participant à

l’infraction.

56. Caractère intentionnel de la complicité. – Le droit positif témoigne d’ailleurs de

l’exigence du caractère intentionnel de la participation en ce qui concerne la complicité.

L’article 121-7 alinéa 1er du code pénal dispose en effet qu’« est complice celui qui a

sciemment aidé ou assisté la commission de l’infraction ». Là encore, l’usage de l’adverbe

« sciemment » démontre la condition de connaissance du fait délictueux principal et de la

volonté d’y prendre part269

. La jurisprudence rappelle également de façon constante que l’aide

et l’assistance doivent avoir été apportées sciemment270

, et a contrario, la Chambre criminelle

invalide, pour insuffisance de motifs, les décisions de condamnation ne constatant pas que

l’intéressé a agi en connaissance de cause271

. Si cela vaut pour la complicité par aide et

assistance, il en va de même pour ce qui est de la complicité par instigation. L’alinéa second

du même article énonce ainsi qu’« est également complice la personne qui par don, promesse,

menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des

instructions pour la commettre ». L’emploi des termes « provoqué » et « pour la commettre »

met ici en lumière le caractère intentionnel de ce mode de complicité272

, et ce d’autant plus

que la provocation doit être circonstanciée273

, c’est-à-dire accompagnée de l’un des procédés

visés par l’article 121-7 que sont les « don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de

pouvoir », et qui impliquent un caractère intentionnel274

.

Surtout, évoquer une complicité involontaire ou par imprudence serait un non-sens.

Ainsi, une simple négligence ne peut être assimilée à une participation intentionnelle275

, que

cela soit au titre de la complicité ou de la coaction276

. Un individu qui communique à une

269 E. VERNY, Le membre d’un groupe en droit pénal, préc. n° 206 ; V. également G. ROYER, « Feu la règle la

« complicité de complicité ne vaut » ! », D. 2005, p. 2128 ; S. FOURNIER, « Complicité », Rép. pén. Dalloz, n°

113. 270

Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. n° 148 ; Dr. pén. 2001, p. 111, obs. VERON; Gaz. Pal. 2002, I, 646, note

GUERDER ; Rev. sc. crim. 2002 p. 97, obs. B. BOULOC. 271

V. notamment Cass. crim., 9 oct. 1941, DA 1941.374 ; 29 nov. 1945, JCP G 1946, IV, 14 ; 21 juill. 1955,

JCP G 1955, IV, 129 ; 19 mars 1986, Bull. no 112 ; 28 juin 1995, Bull. n

o 241.

272 V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420.

273 S. FOURNIER, « Complicité », préc.

274 En effet, on ne promet par inattention pas exemple, ou encore, on ne formule pas une menace par

imprudence… 275

Cass. crim., 6 déc. 1989, Dr. pén. 1990, p. 117. 276

V. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français,Tome III, p. 30 ; R. LEGROS, L’élément

intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 6.

Page 65: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

65

personne des informations sur les habitudes d’un tiers sans savoir que ces renseignements

serviront à commettre une infraction n’est donc pas un participant à cette dernière. Pour

autant, la question a pu se poser à l’égard de certains professionnels et mérite attention. Plus

particulièrement, dans l’hypothèse où un banquier accorde une opération de trésorerie

ruineuse à une entreprise en crise, la Cour de cassation a retenu la complicité du banquier par

fourniture de moyens ruineux, car ce professionnel aurait dû savoir que la situation de

l’entreprise était irrémédiablement compromise277

. Certes, il est difficile d’affirmer que le

banquier avait ici l’intention de s’associer à la banqueroute de son client. Comme le fait

remarquer un auteur, « le banquier parie sur l’avenir, il prend le risque que le crédit s’avère

ruineux, participant ainsi à retarder l’ouverture de la procédure collective. Or, la complicité

requiert en principe une participation intentionnelle et ne devrait pas sanctionner le soutien

économique imprudent »278

. Toutefois, il est peut-être excessif de considérer que cette

hypothèse consacre la sanction d’une complicité par imprudence. En effet, en prenant un

risque, le banquier ne peut invoquer l’imprudence pure et simple, mais au mieux l’imprudence

consciente, faute à mi-chemin entre l’imprudence et l’intention, et dont on sait qu’elle est

parfois assimilée à la faute intentionnelle quant à sa répression279

. La sanction du banquier à

travers la complicité ne ferait donc que suivre un courant déjà établi par ailleurs280

. Mais au-

delà de cette question, il semble surtout nécessaire de s’interroger quant à savoir si la

complicité est réellement appropriée à ces hypothèses281

et si la responsabilité civile ne

277 Cass. com., 30 oct. 2000, D. 2001, p. 231. V. également Cass. crim., 8 mai 1976, D. 1976, p. 578, note C.

GAVALDA ; 3 janv. 1985, Bull. n° 2 ; 3 avril 1991, JCP E 1992, I, 154, n° 11, obs. C. GAVALDA et G. STOUFFLET.

V. également R. KOERING-JOULIN, « L’élément moral de la complicité par fourniture de moyens ruineux », D.

1980, chron., p. 231 ; Y. LETARTRE, Le banquier complice du délit de banqueroute, RD bancaire et bourse,

1988, p. 192. 278

M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, Dalloz, Paris, 2011, n° 343, p. 300. 279

Sur ce point, v. notamment J. CEDRAS, Le dol éventuel : aux limites de l’intention, D. 1995, Chron. p. 18.

V. également l’article 322-10 du Code pénal qui assimile l’imprudence consciente à l’intention dans l’hypothèse

où une destruction, une dégradation ou une détérioration à l’aide d’un moyen dangereux pour les personnes a

entraîné accidentellement la mort d’une ou plusieurs personnes. 280

Cela est d’autant plus vrai que ce courant jurisprudentiel se retrouve particulièrement lorsque l’auteur de

l’infraction est un professionnel : en ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,

préc., n° 391. 281

D’ailleurs, l’article L. 650-1 du Code de commerce dispose que « les créanciers ne peuvent être tenus pour

responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion

caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont

disproportionnées à ceux-ci », venant ainsi limiter la responsabilité civile des créanciers qui accordent leur

concours à une entreprise en difficulté, sauf en cas de fraude leur part. L’hypothèse envisagée ici du banquier est

donc prise en compte par ce texte, l’analyse de ce dernier combinée à la responsabilité pénale en tant que

complice pouvant conduire à deux réflexions : soit le banquier est considéré au sens civil comme non coupable

de fraude et il est alors fort paradoxal de pouvoir le poursuivre pour complicité de banqueroute alors même que

Page 66: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

66

devrait pas être seule à pouvoir être mise en jeu car ce n’est qu’au prix d’une distorsion des

éléments constitutifs de la complicité que cette dernière est retenue282

. La complicité, et plus

généralement la participation, impliquent ainsi un caractère intentionnel que les juges se

doivent de respecter.

57. Participation à une infraction non intentionnelle. – Pour autant, ce n’est

évidemment pas dire que la participation à une infraction d’imprudence n’est pas possible.

Comme le soulignent certains auteurs283

, « si l’on ne saurait, évidemment, être complice du

résultat d’une imprudence – on ne peut vouloir participer à ce que l’on n’a pas prévu –, il est

possible, en revanche, de s’associer intentionnellement à l’acte qui engendrera ce résultat :

ainsi du passager d’un véhicule qui, en ordonnant au conducteur de dépasser la vitesse

autorisée, provoque, sans l’avoir souhaité, un accident mortel ». La jurisprudence a ainsi

admis ce raisonnement à plusieurs reprises284

, même s’il est vrai qu’elle oscille, dans des

espèces similaires, entre la qualification de coaction ou de complicité pour les mêmes faits285

.

58. Ainsi, il apparaît que l’élément moral de la participation est uniforme quel que soit

le mode de participation considéré puisque complicité et coaction sont toutes deux

intentionnelles. Si cette exigence d’une volonté de s’associer ne limite pas le domaine des

infractions susceptibles d’être commises en participation, il reste alors à se demander si elle

ne peut pas, en revanche, restreindre le nombre de leurs éventuels responsables. Il convient

alors de s’intéresser aux conséquences du caractère intentionnel de la participation sur les

participants à l’infraction.

§2 – Les conséquences du caractère intentionnel de la participation

59. Volonté de s’associer à un fait infractionnel et imputabilité. – Complicité et

coaction exigent toutes deux, il l’a été démontré, la volonté de prendre part à un fait

infractionnel. Dès lors, il semble pertinent de se demander si cette définition n’exclut pas

sa responsabilité civile ne pourra être retenue, soit il est considéré comme fraudeur et peut voir ses deux

responsabilités engagées. 282

Plus encore, il est possible de s’interroger sur la pertinence d’une sanction pénale dans une telle hypothèse. 283

V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc. n° 420. 284

V. notamment Cass. crim., 14 déc. 1934, DP 1935, 1, 96. 285

V. infra n° 163.

Page 67: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

67

certains sujets de droit pénal qui ne sont pas capables d’intention. Autrement dit, toute

personne susceptible de réaliser une infraction est-elle pour autant susceptible de commettre

une infraction en participation ? Si la réponse était négative, cela permettrait de circonscrire

quelque peu le domaine de la participation criminelle, et donc celui de la coaction. Or, le droit

distingue deux catégories principales de sujets : les personnes physiques et les personnes

morales. Ces dernières pouvant commettre toute infraction depuis la loi du 9 mars 2004286

,

reste alors à préciser si elles peuvent s’associer et donc être considérées comme des

participants à l’infraction. Mais auparavant, il faudra résoudre la même question concernant le

domaine initial du droit pénal, celui des personnes physiques. En la matière, ce sont alors les

causes affectant l’imputabilité287

de l’individu et celles conduisant à se représenter de façon

erronée la réalité qui invitent à douter de l’existence d’une volonté de s’associer à une

infraction chez la personne les caractérisant. L’imputabilité désignant en effet la « capacité de

comprendre et de vouloir » de l’agent288

, son absence pourrait exclure toute idée de

participation à l’infraction puisque celle-ci exige la volonté de s’associer, en connaissance de

cause, à un fait réprimé pénalement.

Fort de ces quelques remarques, il s’agit alors de s’intéresser plus précisément à la

possibilité d’une participation à l’infraction des personnes subjectivement irresponsables (A)

avant de s’interroger sur celle des personnes morales (B).

A- La participation des personnes subjectivement irresponsables

60. Difficultés relatives aux causes de non-culpabilité et de non-imputabilité. – Le

Code pénal n’emploie pas les termes «cause de non- imputabilité » et « cause de non-

culpabilité ». En effet, il ne distingue pas parmi les causes d’irresponsabilité pénale et y classe

pêle-mêle le trouble psychique289

, la contrainte290

, l’erreur291

, l’ordre ou l’autorisation de la

286 Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO 10 mars 2004, p.

4567. 287

L’imputabilité peut se définir comme le « caractère de ce qui peut être mis au compte d’une personne comme

une faute, en raison de ce que cette personne jouit d’une volonté libre et consciente (condition d’imputabilité de

la faute) ou, plus généralement, comme un fait à sa charge, en raison de ce que ce fait provient bien de sa part

non d’une cause étrangère » (G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc.). 288

R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 401 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 393 ;

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème éd., 2004, n° 352 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, t.1, Cujas, 7ème

éd., 1997, n° 616 ; J. PRADEL, Droit pénal

général, préc., n° 464. 289

C. pén., art. 122-1.

Page 68: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

68

loi292

, la légitime défense293

, l’état de nécessité294

et la minorité295

. La doctrine a néanmoins

formé différentes classifications entre celles-ci, selon que ces causes sont objectives ou

subjectives. Se distingueraient ainsi causes de non-responsabilité, causes de non-imputabilité

et causes de non-culpabilité. Cependant, les auteurs ne s’accordent pas quant à la place à

attribuer à ces différentes causes au sein de la responsabilité pénale ni quant à la qualification

à appliquer à certaines causes d’irresponsabilité pénale. Ainsi, alors que pour certains

l’imputabilité serait un véritable élément constitutif de l’infraction296

, elle lui serait extérieure

selon d’autres (et ne serait qu’un élément de la responsabilité pénale)297

. De même, alors que

certains évoquent le trouble mental et l’erreur en tant qu’obstacles à la constitution de

l’élément moral de l’infraction (et donc comme causes de non-culpabilité) 298

, nombre d’entre

eux considèrent ceux-ci, à l’instar de la minorité et de la contrainte, comme une cause de non-

imputabilité à l’agent, l’imputabilité étant entendue comme la capacité de vouloir et de

comprendre ses actes. La même controverse agite la doctrine s’agissant de l’erreur de droit et

l’erreur de fait299

.

290 C. pén., art. 122-2.

291 C. pén., art. 122-3.

292 C. pén., art. 122-4.

293 C. pén., art. 122-5.

294 C. pén., art. 122-7.

295 C. pén., art. 122-8.

296 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 349 ; A.-CH. DANA, Essai sur la

notion d’infraction, LGDJ, 1982.; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 737 et s ; R. GARRAUD, Traité

théorique et pratique du droit pénal français, t. 1 n° 134 et 267 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,

n° 451 ; Y. MAYAUD, La volonté à la lumière du nouveau Code pénal, Mélanges en l’honneur du Professeur J.

LARGUIER : droit pénal, procédure pénale, PUG, 1993, p. 203 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302

et 312. 297

F. BONFILS, Le discernement en droit pénal, Mélanges offerts à Raymond Gassin : sciences pénales et

sciences criminologiques, PUAM, 2007, Aix-en-Provence, p. 97 ; J. LEROY, L’aliéné criminel, simplement

coupable ou pleinement responsable ?, Mélanges François Chabas, Bruylant, 2011, p. 533 ; C. MARGAINE, La

capacité pénale, thèse Bordeaux IV, n° 75 et s. et n° 238 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –

Droit pénal général, préc., n° 616 et s ; X. PIN, L’irresponsabilité pénale (réflexions sur le sens des articles 122-

1, 112-2, 122-3 et 122-8 du Code pénal), La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. Opinio

doctorum, dir. V. MALABAT, B. DE LAMY, et M. GIACOPELLI, Dalloz, 2009, p. 51; F. ROUSSEAU, L'unité des

fautes civile et pénale, Droit pénal : le temps des réformes. Actes du colloque des 7, 8 et 9 octobre 2009, à

l'Université Montesquieu Bordeaux IV, dir. V. MALABAT, B. DE LAMY, et M. GIACOPELLI, Litec, 2011, p. 119 ;

J.-CH. SAINT-PAU, La capacité pénale de l’enfant, Le droit et les droits de l’enfant, Centre d’Etudes et de

Recherche sur les Contentieux Université du Sud-Toulon Var/L’Harmattan, collection Champs Libres, 2005, p.

87. 298

V. notamment P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 2ème

éd., 1970,

n° 237 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 303 et s. 299

Pour une étude plus approfondie des divergences doctrinales en la matière, v. F. ROUSSEAU, L’imputation

dans la responsabilité pénale, préc., n° 16.

Page 69: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

69

61. Importance de la question. – La réponse à ces questions revêt pourtant une

importance particulière tant elle pourrait avoir un impact conséquent sur la participation : par

exemple, si l’on considère que l’imputabilité est inhérente à l’infraction, l’existence d’une

cause de non-imputabilité devrait en empêcher la constitution, et aucune participation

criminelle ne devrait alors pouvoir être retenue. Cependant, cette dernière affirmation n’est

valable que si l’on raisonne sur la participation à une infraction. Or, rien n’exclut que l’on

raisonne sur la participation à un simple fait délictueux. C’est d’ailleurs ce que font les

auteurs qui considèrent que l’imputabilité relève du domaine de l’infraction300

. Dès lors, la

question de savoir si l’imputabilité appartient à l’infraction ou non n’est pas décisive à ce

stade du raisonnement. En revanche, par souci de clarté dans la démonstration et afin

d’asseoir le raisonnement futur, il semble important de déterminer ce qui, selon nous, relève

des causes de non-culpabilité et ce qui s’apparente à des causes de non-imputabilité301

. En

effet, à défaut de faute d’un individu (relevant donc de la culpabilité), comment lui reprocher

de s’associer à autrui ? Et inversement, comment reprocher à un individu de s’associer à un

acte non fautif ? A priori, les causes de non-culpabilité, parce qu’elles font disparaître la faute,

sembleraient avoir des conséquences limitées sur une éventuelle participation, mais cela doit

être vérifié.

62. Classification des causes de non-culpabilité et de non-imputabilité. – S’agissant

du trouble mental, la doctrine majoritaire le considère comme une cause de non-imputabilité.

Il semble que cette solution doive être préférée dans la mesure où ce facteur affecte

certainement la capacité de l’individu de vouloir un acte ainsi que celle de percevoir son

caractère illicite, correspondant en cela à une cause de non-imputabilité. Le même argument

permet de conclure que la minorité (s’agissant des infans évidemment) relève également des

causes de non-imputabilité. S’agissant de l’erreur, la doctrine est encore partagée. Or, à

nouveau, parce qu’elle conduit l’individu à ne pas percevoir le caractère répréhensible de son

acte, l’erreur de droit paraît s’apparenter à une cause de non-imputabilité. En revanche,

l’erreur de fait conduit l’agent à se méprendre sur la situation dans laquelle il se trouve. Elle

peut ainsi entraîner une disparition de l’élément intentionnel d’une infraction ou en

300 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD,

Droit pénal général, préc., n° 384 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302 et 312. 301

L’étude n’étant pas consacrée à ces notions, il s’agit simplement d’expliquer de façon sommaire la

classification retenue.

Page 70: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

70

transformer l’élément moral. Partant, elle semble plutôt relever de la caractérisation de la

faute et donc de la culpabilité de l’individu302

. Enfin, s’agissant de la contrainte et de même

que l’erreur a conduit à distinguer erreur de droit et erreur de fait, il semble nécessaire de

distinguer contrainte physique et contrainte morale. Ainsi, il ne semble pas que cette dernière

fasse disparaître la faute de l’individu mais seulement sa liberté d’agir : en cela, elle

s’apparente à une cause de non-imputabilité, ce qui est généralement admis par la doctrine303

.

A contrario, la contrainte physique est souvent assimilée à la force majeure car elle empêche

l’individu d’exercer toute direction de sa volonté304

: faisant alors disparaître la faute de

l’individu, elle paraît relever des causes de non-culpabilité305

.

63. Ces précisions faites, il convient alors de s’intéresser plus précisément aux liens

unissant participation, non-culpabilité et non-imputabilité. Les rapports existant entre la

participation et les causes de non-imputabilité (1) ne suscitant pas de vifs débats doctrinaux,

ils seront étudiés avant de s’intéresser à ceux existant entre participation et causes de non-

culpabilité (2), soulevant davantage de difficultés.

302 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 392 et s. ; R. MERLE et

A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 581 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,

n° 255. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 196 et 260. 303

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 364 et s. ; R. MERLE et

A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général,

préc., n° 451 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 257 et s.; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485

et s. 304

B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 459 ; P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de

criminologie, préc., n° 262 ; M.-E. CARTIER, Contrainte et nécessité, Annales de l’Université des sciences

sociales de Toulouse, t. XXX, p. 28 ; J.-P. DOUCET, Les effets de la contrainte et de la force majeure en droit

pénal, Gaz. Pal., 1972, 1, doctr., p. 328 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 702 ; C. MARGAINE, La

capacité pénale, préc., n° 157 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 452 ; F. ROUSSEAU, L’imputation

dans la responsabilité pénale, préc., n° 59 et s.

Contra M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 390. 305

Cependant, plus généralement, la doctrine considère contrainte physique et contrainte morale comme étant

toutes deux des causes de non-imputabilité : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 364 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et

s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 451 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 257 et s.; J.

PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485 et s.

Plus généralement, sur ces différents points, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc.,

n° 58 et s.

Page 71: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

71

1- Participation et causes de non-imputabilité

64. Comme il l’a été dit306

, il s’agit de s’intéresser ici au trouble mental, à la minorité, à

l’erreur de droit et à la contrainte morale. De façon générale, il apparaît que les rapports entre

participation et non-imputabilité doivent être appréhendés à travers deux versants : l’auteur de

l’infraction peut être non imputable alors que son associé l’est, ou alors c’est précisément cet

associé qui pourra apparaître comme bénéficiant d’une cause de non-imputabilité.

65. Participation d’autrui au fait infractionnel307

des personnes non imputables. –

En premier lieu, il convient ainsi de s’intéresser à l’hypothèse dans laquelle une personne

bénéficiant d’une cause de non-imputabilité serait auteur de l’infraction alors que le ou les

participants éventuels ne caractériseraient aucune de ces causes. Si l’on veut bien admettre

que les causes de non-imputabilité ne font pas disparaître l’infraction mais seulement la

responsabilité de ceux qui en témoignent308

, trouble mental, minorité, erreur de droit et

contrainte morale ne font en aucun cas disparaître l’infraction. Leur conséquence est

simplement de rompre le lien d’imputation et ainsi d’empêcher la responsabilité pénale de

leurs bénéficiaires309

. Rien ne fait alors obstacle à caractériser l’existence de participants à

l’infraction commise en tout ou partie par un non imputable. Et si l’on analyse les conditions

d’imputabilité comme un élément constitutif de l’infraction310

, la solution demeure la même

dès lors que l’on considère que le participant peut n’emprunter que la matérialité de son acte à

son coparticipant, sans qu’il soit nécessaire qu’il lui emprunte l’infraction dans sa globalité :

la participation s’analyse alors comme la participation à un fait délictueux plutôt que comme

la participation à une infraction. Quelle que soit son opinion quant à l’intégration des

conditions d’imputabilité au sein de l’infraction ou non, la doctrine est unanime sur ce

306 V. supra n°62.

307 La doctrine étant partagée sur l’existence d’une infraction en cas de cause de non-imputabilité, le terme « fait

infractionnel » sera ici préféré à celui d’infraction. 308

V. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 392 et 393 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal

général, préc., n° 557 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 384 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit

criminel – Droit pénal général, préc., n° 546 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 430 ; J.-H. ROBERT,

Droit pénal général, préc., p. 288 ; comp. M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302, p. 448. 309

V. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 30 et s. 310

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD, Droit pénal

général, préc., n° 384 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 356.

Page 72: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

72

point311

, tout comme la jurisprudence. Ainsi cette dernière a-t-elle considéré que les actes

commis par une personne souffrant d’un trouble psychique au moment des faits demeuraient

délictueux, permettant alors la condamnation du complice sain d’esprit312

. Il est donc tout à

fait envisageable d’être complice ou coauteur de l’infraction commise par une personne non

imputable dès lors que ce participant avait, pour sa part, la capacité de vouloir et de

comprendre ses actes, ainsi que la conscience de leur illicéité313

.

66. Participation des personnes non imputables à l’infraction d’autrui. – En second

lieu, la question se pose de savoir si les personnes non imputables peuvent participer à

l’infraction commise par un auteur ne bénéficiant pas d’une cause de non-imputabilité314

. Il

faut alors se demander si elles peuvent avoir la conscience et la volonté de s’associer pour

commettre une infraction. Cette interrogation peut se subdiviser en deux : en premier lieu,

peut-on considérer que ces personnes témoignent d’une volonté, et, a fortiori, d’une volonté

de s’associer ? En second lieu, peut-on considérer qu’elles ont la volonté de prendre part à un

fait qu’elles savent être une infraction ? Il s’agit alors de s’interroger sur la volonté et la

conscience de ces personnes. Pour y répondre, il convient de s’inspirer des solutions retenues

en matière de réalisation de l’infraction par un agent unique, et de distinguer le cas de la

contrainte morale, seule à toucher à la liberté du consentement.

Quant à savoir si ces personnes témoignent d’une volonté, la question n’est pertinente

que dans les hypothèses des personnes souffrant d’un « trouble psychique ou

neuropsychique »315

ainsi que des jeunes enfants316

. Il est en effet indiscutable que la personne

311 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 343 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit

pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 384 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal

général, préc., p. 357; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 356. 312

V. notamment Cass. crim., 20 oct. 1949, Bull. n° 291 ; v. également Cass. crim. 3 juil. 1909, DP 1911, 1, p.

290 ; 13 mars 1991, Bull. n° 125. 313

Une telle conclusion s’impose à ce stade du raisonnement. Cependant, si l’imputabilité est considérée comme

une composante de l’infraction, le participant ne se joint alors qu’à un fait délictueux, non à une infraction. Si

cette solution n’est pas contestable s’agissant de la complicité (v. infra n° 102 et s.), elle l’est en revanche en

matière de coaction. En effet, cette dernière s’analyse nécessairement comme la participation à une infraction (v.

infra n° 117 et s.). Partant, si l’imputabilité est considérée comme une composante de l’infraction, aucune

coaction entre un non imputable et un imputable ne devrait pouvoir être relevée, faute pour eux de participer à la

même infraction. 314

De prime abord, cette question pourrait apparaître sans intérêt dans la mesure où peu importerait que la

personne non imputable puisse être considérée comme un participant ou non puisque dès lors qu’il n’est pas

imputable, sa responsabilité ne pourra être retenue. Cependant, elle pourrait en trouver si l’on décidait qu’un

mode de participation exigeait, pour sa caractérisation, la participation d’un autre individu, c’est-à-dire une

participation réciproque, ce qui sera le cas pour la coaction : v. supra n° 20 et infra n° 91 et s. 315

C. pén., art. 122-1.

Page 73: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

73

victime d’une erreur de droit disposait bien de sa capacité de vouloir et de comprendre. Or, il

serait bien excessif de croire que les agents précédemment évoqués ne jouissent pas

également de cette capacité317

. L’individu souffrant d’un trouble mental qui tire à bout portant

sur un autre a certainement pu vouloir tendre son bras et appuyer sur la détente. De même, il

peut tout à fait souhaiter s’associer à un autre, et ainsi participer à son action318

. En revanche,

ce qui lui fait défaut, c’est la conscience de la portée et du sens de ses actes. C’est pourquoi

trouble mental et minorité sont classés par nombre d’auteurs au sein des causes abolissant ou

obscurcissant le discernement des agents319

. Le discernement s’analyse en effet comme

l’aptitude à distinguer le bien du mal320

, et donc à percevoir le caractère infractionnel de l’acte

commis321

. C’est alors répondre en partie à la seconde question évoquée précédemment.

Ainsi, si les personnes non imputables peuvent avoir la volonté de prendre part à un

fait, elles n’ont certainement pas conscience du caractère répréhensible de l’acte auquel elles

s’associent. Une personne dont le discernement a été aboli ou n’existe pas ne pourra donc pas

être qualifiée de participant à l’infraction, et donc de complice ou coauteur de celle-ci.

La même conclusion doit s’imposer concernant les personnes victimes d’une erreur de

droit : certes, elles disposent à n’en pas douter de leur libre-arbitre et possèdent la capacité de

vouloir et comprendre leurs actes, mais il n’en demeure pas moins que le caractère inévitable

de leur erreur, condition de leur irresponsabilité, les empêche de cerner le caractère

316 L’article 122-8 du Code pénal dispose en effet que « les mineurs capables de discernement sont pénalement

responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées

par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation

dont ils peuvent faire l’objet ». On en déduit, a contrario, que le mineur non discernant n’est pas responsable

pénalement. 317

V. J. LEBRET, Essai sur la notion de l’intention criminelle, Rev. sc. crim. 1938, p. 438, spéc. p. 453 ; F.

ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 42. Contra J.-H. ROBERT, Droit pénal général,

préc., p. 290. 318

Cette conception suppose d’admettre que la volonté puisse exister sans la conscience, ce qui peut sembler

discutable. Cependant, il ne s’agit pas là de se référer à la conscience que l’on pourrait qualifier d’ « abstraite »,

entendue comme la conscience de soi et des autres, mais à la conscience du sens et de la portée de ses actes, ce

qui est différent. Compris de la sorte, il ne semble pas incompatible de considérer qu’un individu puisse

témoigner d’une volonté sans conscience. 319

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 353 et s. ; Y. MAYAUD,

Droit pénal général, préc., n° 453 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général,

préc., n° 624 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 246 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p.

289 et s. 320

PH. BONFILS, Le discernement en droit pénal, PUAM, 2007, spéc. n° 1 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU

CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 352 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 453 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 616. 321

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 41.

Page 74: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

74

répréhensible de leurs actes. Il n’est alors pas possible de leur imputer l’infraction, faute de

caractériser chez elle la conscience de violer la loi pénale.

Enfin, la contrainte morale pose la question sous un angle différent : dès lors que l’on

admet que les personnes souffrant d’un trouble mental et les infans témoignent d’une volonté,

l’existence de cette dernière chez une personne en état de contrainte morale ne fait aucun

doute. Mais ici, il est évident qu’une telle personne a conscience de violer la loi pénale, cette

conscience justifiant d’ailleurs son état de contrainte : sans une telle contrainte, jamais la

personne n’aurait commis l’infraction. Partant, si les individus placés dans une telle situation

ont conscience et même volonté de commettre une infraction, ils n’ont certainement pas la

volonté de s’associer à la personne leur faisant subir cette contrainte. Faute de liberté à

consentir, aucune participation ne devrait pouvoir être retenue à leur égard.

67. Ainsi, il semble possible de participer à l’infraction ou au fait délictueux d’une

personne non imputable mais celle-ci ne peut en revanche être considérée comme un

participant à ce même fait ou à cette infraction. Aucune participation réciproque ne peut donc

être caractérisée entre une personne revêtant une cause de non-imputabilité et une personne

n’en témoignant pas322

. Reste alors à voir ce qu’il en est s’agissant des relations unissant la

participation et les causes de non-culpabilité.

2- Participation et causes de non-culpabilité

68. Il s’agit ici de s’intéresser à l’erreur de fait et à la contrainte physique.

69. Définition de l’erreur de fait. – En premier lieu et s’agissant de l’erreur de fait,

celle-ci s’analyse comme une vision faussée des circonstances de commission de l’infraction.

Lorsque l’on envisage les rapports unissant la participation et l’erreur de fait, deux

versants doivent, là encore, être distingués selon le point de vue duquel on se place : le point

de vue de celui qui subit l’erreur de fait, et le point de vue de celui qui s’associe à une

personne subissant cette erreur de fait.

322 Sur l’importance de la réciprocité en matière de coaction, v. infra n° 91 et s.

Page 75: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

75

70. Du point de vue de la victime de l’erreur de fait. – Du point de vue de la victime

de l’erreur de fait, il faut distinguer selon que cette erreur porte sur l’existence d’une

participation, sur le sujet de la participation ou encore sur l’objet de cette dernière. Quand

l’erreur porte sur l’existence même d’une participation, on ne peut évidemment caractériser

chez son auteur de volonté de s’associer, et donc aucune participation ne pourra être retenue à

son encontre. En revanche, les erreurs portant sur le sujet ou sur l’objet de la participation

sont plus intéressantes. Dans le premier cas, la participation sera en effet punissable, alors

qu’elle ne le sera pas dans le second. Deux exemples peuvent en convaincre : si le complice

ou le coauteur croient s’associer à un individu A et s’associent en réalité à B, ils possèdent

bien la conscience et la volonté de participer au fait infractionnel d’autrui. Dès lors, l’erreur

est indifférente sur leur répression : ils pourront être punissables323

. En revanche, si leur erreur

porte sur l’objet de leur participation, on ne peut les qualifier de participants puisqu’ils n’ont

même pas conscience de s’associer à un fait délictueux. Ainsi, celui qui fournit une arme à un

tiers en pensant qu’elle servira d’accessoire pour un film ne sera pas complice du meurtre

commis grâce à elle. En réalité, l’erreur de fait conduit alors à faire disparaître l’élément

moral de la participation324

et empêche donc sa caractérisation.

71. Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une erreur de

fait. – En ce qui concerne l’erreur de fait commise par un auteur de l’infraction alors que son

associé ne la subit pas, il faut là encore distinguer deux cas de figure : soit l’erreur fait

disparaître toute infraction car l’infraction intentionnelle en cause n’a pas de pendant en

matière non intentionnelle, soit elle en transforme la qualification en en changeant l’élément

moral.

Dans la première hypothèse, a priori, puisque l’élément moral n’est pas constitué,

aucune infraction ne peut être caractérisée ; il faudrait alors considérer qu’il ne peut y avoir de

participant à l’infraction, faute, précisément, d’infraction…325

En revanche, il serait

éventuellement possible d’envisager qu’un associé qui aurait provoqué l’erreur de fait soit

323 La solution n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle unanimement admise en matière de meurtre concernant

l’erreur commise sur l’identité de la victime : l’aberratio ictus n’empêche pas de caractériser l’intention de tuer,

seule composante de l’élément moral de l’infraction : v. notamment Cass. crim. 4 janv. 1978, Bull. n° 5 ; Rev. sc.

crim. 1978, p. 859, obs. G. LEVASSEUR. 324

V. supra n° 53 et s. 325

En ce sens, v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 196, note n° 2.

Page 76: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

76

considéré comme un auteur de l’infraction via la théorie de l’auteur médiat326

. Celle-ci

suppose qu’un individu, l’auteur médiat, utilise un tiers, inconscient du stratagème, en tant

qu’instrument humain pour commettre une infraction. La jurisprudence n’a d’ailleurs pas

hésité à utiliser cette théorie, en matière de vol par exemple327

ou encore de violences328

.

Mais dans des hypothèses similaires, les juges ont parfois préféré retenir l’existence d’un

participant tandis qu’aucune infraction et donc aucun auteur ne pouvaient être établis. Ainsi,

en se fondant sur la théorie de l’emprunt de matérialité, la Cour de cassation a admis qu’était

complice d’exportation illégale de stupéfiants l’individu qui fait transporter de tels produits

par un tiers alors même que ce dernier ne connait pas l’existence de son chargement et ne

caractérise donc pas l’intention nécessaire à la constitution du délit329

.

Dans la seconde hypothèse, quand une infraction intentionnelle est disqualifiée en

infraction non intentionnelle en raison de l’erreur de fait commise par son auteur, la situation

est quelque peu différente : il existe bien une infraction sur laquelle pourrait se greffer une

participation, facilitant en cela la répression. Pour autant, la solution n’est pas si aisée. En

effet, si l’erreur de fait a été provoquée ou exploitée par le participant, il peut sembler

choquant de ne retenir que sa participation à une infraction non intentionnelle alors même que

lui avait une saine perception de la réalité et caractérisait bien une intention délictueuse.

L’exemple classiquement donné est celui du chasseur qui, voulant tuer un individu qu’il sait

caché dans les buissons, affirme à un autre chasseur la présence d’un animal dans ces fourrés

afin que celui-ci tire sur l’individu en question330

. C’est pourquoi la doctrine milite parfois

pour une application distributive de l’élément moral de chaque infraction : l’auteur serait

poursuivi du chef de l’infraction non intentionnelle alors que le participant le serait du chef de

l’infraction intentionnelle correspondante331

.

Ainsi, quoi qu’il en soit, l’erreur de fait d’un auteur n’empêche pas la sanction d’un

éventuel participant, même si la justification de cette sanction varie : qu’il soit qualifié

326 La solution pourrait d’ailleurs être étendue à celui qui exploite simplement l’erreur de fait d’autrui car un tel

comportement démontre tout de même la volonté de se servir d’autrui pour réaliser une infraction. En revanche,

du fait même de cette abstention, il semble beaucoup plus contestable d’admettre la complicité dans une telle

hypothèse (celle-ci exigeant en principe un acte positif : v. infra n° 207 et s.), ce qui devrait conduire à préférer

la théorie de l’auteur médiat. D’ailleurs, le fait de se servir d’autrui renvoie à l’idée d’instrument d’humain

généralement utilisée pour définir la théorie de l’auteur médiat. 327

V. notamment Cass. crim., 24 oct. 1972, Gaz. Pal. 1973, 1, 218. 328

Cass. crim., 17 juin 1992, Bull. n° 243. 329

Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5. V. infra n° 114. 330

Exemple emprunté à J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 26 et s. 331

V. infra n° 113.

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d’auteur médiat ou de participant grâce à un emprunt de matérialité, il demeurera punissable.

Cependant, dans les deux hypothèses, la victime de l’erreur de fait ne peut être qualifiée de

participant, faute de vouloir s’associer à un fait infractionnel. A nouveau, aucune participation

réciproque ne peut donc être relevée.

72. Contrainte physique. – En second lieu et s’agissant de la contrainte physique,

celle-ci peut être d’origine externe (un fait de la nature par exemple) ou interne (un malaise

par exemple). La jurisprudence admet de caractériser ces deux types de contrainte dès lors

qu’elles ont été irrésistibles332

et non précédées d’une faute de celui qui l’invoque333

, revenant

ainsi à une appréciation sévère de cette cause de non-culpabilité, d’autant plus que

l’irrésistibilité est généralement entendue comme une impossibilité absolue334

. Quoi qu’il en

soit, lorsqu’elle est admise, il semble que la contrainte fasse disparaître la faute de l’agent.

A nouveau, pour envisager les rapports unissant participation et contrainte physique, il

semble nécessaire de distinguer selon que l’on se place du point de vue de celui qui subit la

contrainte physique, ou de celui qui s’associe à une personne subissant cette contrainte

physique.

73. Du point de vue de la victime de la contrainte physique. – Du point de vue de la

victime de la contrainte physique, toute idée de participation semble exclue puisque par

définition, la contrainte physique doit être imprévisible et irrésistible pour être admise. Dès

lors, comment imaginer une quelconque volonté de s’associer en cas de comportement

totalement imprévu ? En outre, ce constat est d’autant plus vrai si l’on considère, à l’instar

d’une grande partie de la doctrine, que la contrainte physique supprime la liberté de vouloir de

l’agent335

. Faute de volonté libre de s’associer à autrui, aucune participation ne pourra être

retenue à l’égard de la victime d’une contrainte physique.

74. Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une

contrainte physique. – Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une

332 En vertu de l’article 122-2 du Code pénal.

333 Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note A. ROUX.

334 Cass. crim., 8 fév. 1936, DP 1936-1-44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.

335 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 364 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et s.; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,

n° 451 et s.

Page 78: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

78

contrainte physique, là encore, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité de la contrainte font croire,

de prime abord, à une impossibilité de témoigner d’une telle volonté. Cependant, il ne faut pas

oublier que la contrainte physique peut avoir comme origine externe le fait de l’homme, et les

caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ne sont appréciés qu’à l’égard de celui qui subit

la contrainte. Par exemple, un individu peut tenir la main d’un autre afin de réaliser un

faux336

. Or, dans un tel cas, il semble bien que le premier veuille s’associer au second. Plus

encore, il veut certainement réaliser l’infraction grâce à lui et doit donc être punissable. En

revanche, cette volonté n’est certainement pas systématique. En effet, l’individu qui en

séquestre un autre n’a pas nécessairement la volonté de s’associer à ce dernier quand celui-ci

se rend alors coupable de désertion par exemple. Il faut alors se demander dans chaque cas si

l’existence d’une volonté de s’associer au fait délictueux réalisé par la personne contrainte

peut être caractérisée ou non mais, quoi qu’il en soit, aucune participation réciproque ne

pourra être relevée dans de telles hypothèses337

.

75. Bilan. – De façon générale, le participant non imputable et celui victime d’une

erreur de fait ou d’une contrainte physique ne seront pas responsables, à l’instar de tout auteur

quel qu’il soit. En revanche, celui qui ne connaît aucune cause de non-imputabilité ou de non-

culpabilité reste punissable dès lors qu’il avait bien la volonté de s’associer à un individu pour

commettre un acte délictueux. Le caractère intentionnel de la participation ne vient ainsi pas

restreindre le champ d’application de la coaction de ce point de vue. La même interrogation

pouvant se poser quant à la participation des personnes morales, il convient de voir si une

conclusion identique s’impose.

336 Exemple emprunté à B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 458.

337 Ce cas de figure se rapproche du reste de celui de l’auteur médiat (v. supra n° 71), sans pour autant se

confondre avec. En effet, alors que l’auteur médiat utilise un instrument humain parfaitement inconscient de son

rôle, tel n’est pas le cas en l’espèce : la personne contrainte a conscience de l’illicéité de son acte bien qu’elle

n’ait pas la volonté de le réaliser.

Page 79: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

79

B- La participation des personnes morales

76. Application de la théorie de la réalité. – Admis par le nouveau Code pénal et

généralisé par la loi Perben II338

, le principe de la responsabilité des personnes morales a

longtemps été débattu. Un des principaux arguments évoqués à l’encontre de cette admission

était précisément de faire valoir qu’en tant que fiction juridique, la personne morale ne

pouvait manifester aucune volonté délictuelle, cette aptitude étant par essence réservée aux

personnes physiques339

. Mais avec l’éviction de la théorie de la fiction au profit de celle de la

réalité340

, ce reproche perdait en pertinence. De plus, en consacrant le principe d’une

responsabilité pénale des personnes morales, le législateur reconnaît indirectement la capacité

de ces groupements à revêtir l’élément moral d’une infraction, tout du moins à travers le

prisme de son organe ou représentant. Dès lors, la question n’est pas de savoir si les personnes

morales peuvent manifester une intention et donc, de ce point de vue, être des participants à

l’infraction, mais plutôt de déterminer si elles possèdent une volonté autonome ou si la

caractérisation de leur élément moral se confond avec celle des personnes physiques organes

et représentants agissant pour leur compte. La solution ne sera pas sans incidence en termes

de participation criminelle. Ainsi, si l’on considère que les organes et représentants de la

personne morale, dont on exige qu’ils aient commis l’infraction341

, sont la personne morale

elle-même, admettre que cette dernière puisse participer à l’infraction qu’ils commettent

338 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO 10 mars

2004, p. 4567. 339

V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc, n° 572. 340

En particulier depuis l’arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 1954 : D. 1954,

jur., p. 217 note G. LEVASSEUR ; JCP G 1954, II, 7978 concl. P. LEMOINE. V. également S. BROS, La quasi-

personnalité morale, in La personnalité morale, ouvrage collectif, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2010,

p. 49 et s. ; J.-CH. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, in Le risque pénal

dans l’entreprise, Litec, 2003, p. 112 et 113 ; G. WICKER, Les fictions juridiques. Contribution à l’analyse de

l’acte juridique, LGDJ, 1997, n° 220 et s. ; G. WICKER, Rép. civ. Dalloz, v° Personnes morales, 1998, n° 11 et

s. ; G. WICKER, La théorie de la personnalité morale depuis la thèse de Bruno Oppetit, Etudes à la mémoire du

professeur Bruno Oppetit, LexisNexis, 2009, p. 691.

Sur la thèse de la réalité technique : L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale. Son application au droit

français, tome 1, réimpr., LGDJ, 1998, n° 45 et tome 2 ; J.-CH. PAGNUCCO, L’action sociale ut singuli et ut

universi en droit des groupements, LGDJ/Fondation Varenne, coll. des Thèses, 2006, n° 140 et s. ; J.

PAILLUSSEAU, Le droit moderne de la personnalité morale, RTD civ. 1993, p. 705; R. SALEILLES, De la

personnalité juridique, réimpr., Ed. La mémoire du droit, coll. Références, 2003, p. 567 et s. et 626 et s. ; G.

WICKER, Les fictions juridiques. Contribution à l’analyse de l’acte juridique, préc., n° 215. 341

L’article 121-2 du Code pénal prévoit en effet que les personnes morales sont pénalement responsables des

infractions commises « pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Page 80: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

80

semble bien artificiel puisque leurs comportements se confondent342

. En revanche, si l’on

imagine que la personne morale possède une volonté autonome, indépendante de celle des

personnes physiques agissant pour son compte, l’idée d’une participation criminelle de la

personne morale est tout à fait concevable.

77. Recherche de la nature de la responsabilité des personnes morales. – Seulement,

le législateur n’a pas expliqué le fondement retenu pour reconnaître cette responsabilité. Les

auteurs se divisent alors pour l’expliquer343

: pour certains, ce serait une responsabilité

indirecte ou par ricochet344

, pour d’autres, une responsabilité par représentation345

, pour

d’autres encore, une responsabilité directe serait concevable346

. Il convient alors de déterminer

la nature de cette forme de responsabilité pour établir la possibilité d’une participation

criminelle ou non.

78. Exclusions : responsabilité du fait d’autrui et responsabilité « par ricochet » ou

indirecte. – L’article 121-2 du Code pénal dispose que « les personnes morales, à l'exclusion

de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des

infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Or, parce que

cet article fait suite à l’article 121-1 érigeant en principe la responsabilité du fait personnel et

qu’il n’y apporte aucune dérogation expresse, la doctrine majoritaire rejette généralement

l’idée d’une responsabilité du fait d’autrui de la personne morale347

. En outre, faute de créer

342 V. J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, in Le risque pénal dans

l’entreprise, PH. CONTE, C. GIRAUD-VAN GRAVER, J.-H. ROBERT, J.-C. SAINT-PAU, Litec, 2003, p. 71 et s., n°

125, p. 82, pour qui « Si les organes ou représentants ne sont pas autrui, mais la personne morale elle-même, il

reste cependant que les personnes physiques qui composent les organes se distinguent de ceux-ci. C’est la raison

pour laquelle leur responsabilité peut être conjointement engagée avec celle de la personne morale (art. 121-2,

al. 3) alors qu’il est inconcevable d’envisager une coaction entre l’organe et la personne morale, le premier

étant le bras criminel de la seconde ». 343

Pour une présentation de ces différents courants, v. notamment J. TRICOT, Le droit pénal à l’épreuve de la

responsabilité des personnes morales : l’exemple français, Rev. sc. crim. 2012, p. 19. 344

V. notamment F. DESPORTES, J.-Cl. Pénal Code, Responsabilité pénale des personnes morales, art. 121-2,

2001, n° 105 et rapport sous Cass. crim. 2 déc. 1997 : JCP G 1998, II, 10023. 345

V. notamment J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc. 346

V . notamment J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, art. 121-2, 2010. 347

V. notamment PH. CONTE, La responsabilité des personnes morales au regard de la philosophie pénale, in

La personne juridique dans la philosophie du droit pénal, LGDJ, 2003, p. 109 ; F. DESPORTES, , J.-Cl. Pénal

Code, préc., n° 196 ; J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 124.

Contra B. BOULOC, Existe-t-il une responsabilité pénale du fait d’autrui, RCA, Hors-série nov. 2000, La

responsabilité du fait d’autrui. Actualité et évolutions, p. 36 ; J. POUYANNE, L’auteur moral de l’infraction,

PUAM, 2001, spéc. n° 478 et 481 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p. 494 ; A. TEANI, La

responsabilité pénale du fait d’autrui, thèse Bordeaux IV, 2007 ; G. WICKER, « Personne morale », préc., n° 85.

Page 81: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

81

un nouveau mode de participation à l’infraction348

, la responsabilité des personnes morales ne

peut également s’analyser comme une responsabilité indirecte.

79. Admission : conceptions autonomistes de la personne morale. – Deux

propositions retiennent alors l’attention, en ce qu’elles considèrent toutes deux la personne

morale comme autonome.

Selon une première conception, la responsabilité des personnes morales

s’apparenterait à une responsabilité par représentation. En effet, la personne morale ne serait

rien d’autre que l’organe ou le représentant, et sa responsabilité ne s’expliquerait que par une

technique d’imputation particulière. Fait des organes ou représentants et fait de la personne

morale ne feraient qu’un. On ne pourrait alors considérer que la personne morale se rend

complice des agissements commis par son organe ou représentant et inversement, puisque

précisément, leurs agissements ne font qu’un. Plus généralement, la personne morale ne

pourrait pas être considérée comme participant à l’infraction de son organe ou représentant.

Pour autant, cela n’empêche aucunement de caractériser une éventuelle participation, avec

une autre personne morale ou avec une personne physique qui ne serait pas un organe ou un

représentant, ou même avec une personne physique composant l’organe dès lors que l’on se

souvient qu’un organe peut être collectif. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles cette

solution est particulièrement séduisante, dans la mesure où elle ne confond pas pour autant

responsabilité de la personne morale et responsabilité des personnes physiques agissant pour

son compte. Les solutions relatives aux délibérations de conseils municipaux, organe collectif

composé de plusieurs personnes physiques, en témoignent. Ainsi la jurisprudence a-t-elle

considéré que des faits de discrimination résultant d’une délibération d’un conseil municipal

ne pouvaient être imputés aux élus ayant exprimé un vote favorable mais permettaient

d’engager la responsabilité de la commune349

. Cette solution semble ainsi démontrer que les

personnes morales peuvent avoir une volonté distincte de celle des personnes physiques qui

en composent l’organe ou le représentant ; elles peuvent ainsi avoir une volonté autonome de

348 V. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 360 et s.

349 Cass. crim., 11 mai 1999, Bull. n° 93: D. 2000, Somm. p. 113, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE; Dr. pén. 1999,

com. n° 140, obs. M. VERON ; JCP 2000, I, 207, n° 1, obs. M. VERON ; Rev. sc. crim. 2000, p. 194, obs. B.

BOULOC, et p. 197, obs. Y. MAYAUD.

Page 82: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

82

celles-ci et donc caractériser un élément moral à part entière350

. Partant, il est envisageable

qu’elles aient la volonté de s’associer à autrui, personne morale ou personne physique, voire à

une personne composant cet organe, même si la participation à l’infraction commise par

l’organe ou le représentant lui-même semble pour sa part difficilement envisageable. Une

décision, à cet égard, est significative : l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 17 décembre

2002351

. En l’espèce, la Cour de cassation a considéré qu’un maire et son adjoint pouvaient

être déclarés coupables de discrimination, parce qu’ils avaient « personnellement participé à

l’infraction », et ce « indépendamment du vote de la délibération du conseil municipal ».

Certes, les juges ne se prononcent pas sur le titre d’imputation en jeu ici (le maire et son

adjoint sont-ils complices ou coauteurs ?). Cependant, en admettant qu’une personne physique

membre de l’organe participe à l’infraction de la personne morale, on peut imaginer que la

proposition puisse être retournée dès lors que l’on a admis que la personne morale pouvait

disposer d’une volonté autonome. La personne morale peut ainsi avoir la volonté de

s’associer, même avec une personne physique membre de l’organe qui la représente et donc

caractériser un élément moral à part entière.

Mais alors, pourquoi ne pas aller plus loin et considérer que la responsabilité de la

personne morale doit s’analyser comme une responsabilité directe ? C’est là la seconde

conception autonomiste, plus audacieuse encore, de la responsabilité des personnes morales.

En ce sens, certains auteurs font valoir que la référence aux organes ou représentants ne serait

plus une condition de la répression352

. Il suffirait alors de constater une « faute diffuse » de la

personne morale353

. Une telle reconnaissance serait fort utile en ce qu’elle permettrait de lutter

efficacement contre la criminalité d’entreprise en particulier, dans ces hypothèses où

l’anonymat de l’auteur ou encore les dilutions des mécanismes de décision sont légion. Mais

en faisant expressément référence aux organes et représentants, l’article 121-2 du Code pénal

interdirait le recours à cette théorie354

. Cependant, certains auteurs font valoir que rien ne

350 Dans le même sens, V. Y. MAYAUD, obs. sous Cass. crim., 11 mai 1999, préc., qui considère que par cette

décision, « on ne peut mieux souligner l’autonomie des personnes morales résultant de leur volonté propre ». 351

Cass. crim., 17 déc. 2002, Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD. 352

V. notamment J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, préc. 353

Cette théorie a d’ailleurs été consacrée dans d’autres matières telles que le droit civil ou encore le droit

administratif. En droit pénal, certains systèmes juridiques l’ont adoptée, tels que la Belgique, dont le Code pénal

dispose ainsi, dans son article 5, que « toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui

sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits

concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte ». 354

V. notamment L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la

responsabilité pénale des personnes morales, Dr. pén. 2009, Etude 14, spéc. n° 13.

Page 83: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

83

s’opposerait à envisager, outre sa responsabilité par représentation, la responsabilité par action

de la personne morale, fondée sur l’article 121-1 du Code pénal. « Il existerait deux règles de

fond : une responsabilité pénale du fait personnel par action fondée sur l’article 121-1 ; une

responsabilité pénale par représentation fondée sur l’article 121-2 »355

. Ainsi, la « faute

diffuse » relèverait de l’article 121-1 du Code pénal et n’aurait pas besoin du truchement de

l’organe ou du représentant pour que soit retenue la responsabilité de la personne morale (ce

qui limiterait, par essence, les infractions qu’elle serait susceptible de commettre au champ

des infractions relevant du droit pénal des affaires et du droit pénal technique356

) ; et, à côté de

cette responsabilité du fait personnel de la personne morale par action, coexisterait une

responsabilité du fait personnel par représentation fondée sur l’article 121-2 du Code pénal (et

dont le champ d’application ne serait pas réduit aux infractions d’affaire et techniques).

80. Reconnaissance d’une volonté autonome de la personne morale. – Malgré le fait

qu’elle n’ait jamais consacré cette théorie357

, la Cour de cassation avait pourtant paru

s’engager sur cette voie. En effet, elle a semblé reconnaître l’existence d’une volonté

autonome de la personne morale : elle a d’abord admis que l’infraction soit imputée à la

personne morale sans même que son organe ou représentant soit identifié, puis a accepté de

rechercher la faute de la personne morale elle-même, bien qu’elle passe toujours par

l’intermédiaire de ses organes ou représentants.

81. Identification de l’organe ou du représentant non nécessaire. – Initialement, les

juges exigeaient que soit caractérisé chez l’organe ou le représentant l’élément moral de

l’infraction. Ainsi la Cour de cassation, dans son arrêt du 2 décembre 1997358

, avait-elle

reproché à la Cour d’appel de Limoges de ne pas avoir recherché « si le directeur général de

la société, organe de la personne morale avait eu personnellement connaissance de

l'inexactitude des faits relatés dans les attestations et si l'élément intentionnel du délit était

355 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 151, note n° 64.

356 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 151.

357 Elle a même été expressément rejetée, v. notamment Cass. crim., 2 déc. 1997, préc. V. également Cass.crim.,

18 janv. 2000, D. 2000, p. 636, note J.-C. SAINT-PAU ; Les Petites affiches 2000, n° 241, p. 18, note C.

DUCOULOUX-FAVARD ; 7 mai 2002, JurisData n° 2002-013184. V. surtout, plus récemment, Cass. crim., 11

avril 2012, Bull. n° 94 et 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-84415, envisagés infra n° 82-1. 358

Cass. crim., 2 déc. 1997, Bull. n° 408 ; JCP G 1998, IV, 1820 ; JCP G 1998, II, 10023, rapp. F. DESPORTES ;

JCP E 1998, p. 948, note PH. SALVAGE ; Rev. sc. crim. 1998, p. 536, note B. BOULOC.

Page 84: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

84

ainsi caractérisé ». La caractérisation de l’infraction chez l’organe ou le représentant était

donc nécessaire à la répression de la personne morale.

Cependant, les juges du fond ont peu à peu atténué cette exigence, si bien que la

Chambre criminelle, dans un arrêt du 20 juin 2006, a approuvé la Cour d’appel de ne pas

avoir précisé l’identité de l’auteur d’un homicide involontaire « dès lors que cette infraction

n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants » 359

.

Cette présomption d’imputation de l’infraction aux organes ou représentants360

a par la suite

été confirmée puisqu’étendue aux infractions intentionnelles. Dans un arrêt du 25 juin 2008,

la Cour de cassation a en effet approuvé la condamnation de sociétés pour faux et complicité

de faux en écritures privées au motif que ces infractions « s’inscrivent dans le cadre de la

politique commerciale des sociétés en cause, et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour

le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants »361

. Il n’est donc plus

nécessaire d’identifier l’organe ou le représentant de la personne morale pour imputer une

infraction à cette dernière dès lors que les faits impliquent leur réalisation par ces personnes

physiques362

. Il s’agit alors d’un premier pas vers la reconnaissance d’une volonté autonome

de la personne morale363

.

82. Recherche d’une faute commise par la personne morale par l’intermédiaire

d’un organe ou représentant. – Poursuivant cette évolution, la Cour de cassation a ensuite

recherché l’existence de la faute chez la personne morale elle-même en considérant que celle-

ci s’incarne en ses organes ou représentants. Ainsi, dans un arrêt du 25 avril 2006, la Chambre

criminelle a approuvé la condamnation pour blessures involontaires et infraction relative à la

359 Cass. crim., 20 juin 2006, Bull. n° 188, D. 2007, p. 617, note J.-C. SAINT-PAU ; JCP G 2006, II, 10199, note E.

DREYER ; Dr. pén. 2006, comm. 128, note M. VERON ; D. 2007, p. 1624, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2006,

p. 825, obs. Y. MAYAUD ; Rev. sociétés 2006, p. 895, obs. B. BOULOC ; RPDP 2007, p. 407, note B. DE LAMY. 360

Dans le même sens, v. notamment B. DE LAMY, note sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., RPDP 2007,

p. 407; E. DREYER, note sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., JCP G 2006, II, 10199 ; J.-C. SAINT-PAU, note

sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., D. 2007, p. 617. 361

Cass. crim., 25 juin 2008, Bull. n° 167 ; Dr. pén. 2008, comm. 140, note M. VERON ; RPDP 2008, p. 858, note

PH. BONFILS ; Rev. sociétés 2008, p. 873, note H. MATSOPOULOU ; Rev. sc. crim. 2009, p. 89, obs. E. FORTIS ;

JCP E 2009, p. 1308, note M.-C. SORDINO. 362

La Cour de cassation avait du reste refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de

constitutionnalité mettant en cause cette interprétation au regard du principe de précision de la loi pénale : Cass.

crim., 11 juin 2010, pourvoi n° 09-87884, D. 2010, p. 1712 ; D. 2010, p. 2732, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE, T.

GARE et S. MIRABAIL ; D. 2011, p. 1859, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2011, p. 177, obs. B. DE LAMY ; Dr.

pén. 2010 comm. 111, obs. M. VERON ; JCP G 2010, p. 1030, obs. J.-H. ROBERT ; JCP G 2010, p. 1031, obs. H.

MATSOPOULOU. 363

PH. BONFILS, note sous Cass. crim., 25 juin 2008, préc., s’interroge d’ailleurs en ce sens en concluant son

commentaire de la sorte : « Le droit pénal se rallierait-il à la théorie de la réalité des personnes morales ? ».

Page 85: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

85

sécurité des travailleurs d’un responsable de production ainsi que de son entreprise en relevant

que lui et sa société, « par ses organes ou représentants, ont commis des fautes entrant dans

les prévisions de l'article 121-3 du Code pénal »364

. La solution, et surtout sa formule, ont été

réitérées par la suite365

. Or, cette formule sous-entend que la personne morale, parce qu’elle

s’incarne dans ses organes et représentants, commet elle-même l’infraction366

. Comme le

montre un auteur, l’article 121-2 du Code pénal pourrait être réécrit de la sorte : « Les

personnes morales sont responsables des infractions qu’elles commettent au moyen de leurs

organes et représentants »367

. Certes, c’est toujours par le truchement de l’organe ou du

représentant que l’être moral réalisait l’infraction, mais il s’agisssait certainement là d’un pas

vers la consécration de la théorie de la faute diffuse.

82-1. Rejet par la Cour de cassation de la responsabilité directe des personnes

morales. – Cependant, en l’état du droit positif, la référence à un organe ou représentant de la

personne morale est toujours nécessaire. C’est pourquoi même si elle s’est engagée sur cette

voie, la Cour de cassation ne peut consacrer purement et simplement la responsabilité directe

des personnes morales. Dans un arrêt rendu le 11 avril 2012368

et confirmé le 2 octobre

2012369

, elle a ainsi explicitement rejeté ce fondement. En l’espèce, alors qu’une personne

morale était poursuivie pour homicide involontaire et manquement à une obligation de

sécurité, la Cour d’appel avait retenu la responsabilité de celle-ci au motif qu’elle n’avait pas

dispensé une formation pratique et appropriée, et avait ainsi « créé la situation ayant permis

la réalisation du dommage ou n’[avait] pas pris les mesures permettant de l’éviter ». Or, la

Chambre criminelle casse la décision, retenant qu’« en se prononçant ainsi, sans mieux

rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou

représentants de la société, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au

364 Cass. crim., 25 avr. 2006, pourvoi n° 05-83407 ; JurisData n° 2006-033669.

365 Cass. crim., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-83551 ; JurisData n° 2006-034775. V. également Cass. crim. 12 juin

2007, pourvoi n° 06-86220; JurisData n° 2007-040033. 366

Cette solution met d’ailleurs à mal la thèse selon laquelle la responsabilité des personnes morales serait une

responsabilité indirecte ou par ricochet : v. supra n° 78. A contrario, elle semble reprendre les théories de

l’organe et de la représentation : pour une explication détaillée de ces théories, v. notamment N. STONESTREET,

La notion d’infraction pénale, thèse Bordeaux IV, 2009, n° 295 et s. 367

J.-H. ROBERT, note sous Cass. crim., 24 mai 2005, Dr. pén. 2005, comm. 151. V. également M.-L. RASSAT,

Droit pénal général, préc., n° 421. 368

Pourvoi n° 10-86.974, D. 2012, p. 1381, note J.-C. SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc.

crim. 2012, p. 375, note Y. MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER. 369

Préc. La motivation est mot pour mot identique à celle du 11 avril 2012.

Page 86: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

86

sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ». Cet arrêt

a été présenté comme l’aboutissement de l’arrêt rendu le 11 octobre 2011370

dans lequel la

Cour de cassation aurait renoncé à la présomption d’imputation qu’elle avait jusque là posée à

l’égard de la personne morale371

. Pourtant, la solution ne paraît pas aussi claire que cela est

suggéré. En effet, s’il est indéniable qu’elle rejette toute responsabilité directe de la personne

morale, il n’est pas certain qu’elle revienne sur la présomption d’imputation de l’infraction la

personne morale372

.

Quoi qu’il en soit, et pour ce qui intéresse la démonstration, il est ainsi indéniable que

la personne morale, parce qu’elle est un auteur à part entière, peut revêtir l’élément moral

d’une infraction, quelle qu’elle soit. Elle peut donc témoigner d’une intention.

83. Importance de la qualité de l’associé de la personne morale. – Dès lors, la

question relative à la capacité des personnes morales à manifester une volonté de s’associer à

un fait délictueux et donc à être un participant à ce dernier ne peut que trouver une réponse

positive. Le caractère intentionnel de la participation n’exclut donc pas une éventuelle

coaction entre la personne morale et autrui. Pour autant, rechercher la qualité de l’associé au

fait délictueux n’est pas sans importance. En effet, si une personne morale décide de

s’associer à une autre entité morale pour réaliser une infraction, la question présente peu

d’intérêt : il suffira de caractériser une infraction et un fait de participation à celle-ci, fait de

participation qui sera recherché en l’organe ou le représentant puisque celui-ci incarne la

personne morale.

En revanche, dès lors qu’il est question de la participation entre une personne physique

et une personne morale, il convient de s’interroger sur la qualité de la personne physique en

question. En effet, le Code pénal précise, certes, que « la responsabilité pénale des personnes

morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits »373

.

Cependant, cette disposition ne règle pas toutes les questions. Si la personne physique n’est ni

un organe, ni un représentant de la personne morale, aucune difficulté particulière ne semble à

déplorer : il s’agira simplement de caractériser un fait de participation de la personne

370 Cass. crim., 11 oct. 2012, pourvoi n° 10-87212, D. 2011, p. 2841, obs. B. BOMBLED, note N. RIAS ; AJ pén.

2012, p. 35, note B. BOULOC ; Rev. sociétés 2012, p. 52, note H. MATSOPOULOU ; Rev. sc. crim. 2011, p. 825,

obs. Y. MAYAUD ; RTD com. 2012, p. 201, obs. B. BOULOC. 371

N. RIAS, note sous Cass. crim., 11 oct. 2012, préc., D. 2011, p. 2841. 372

Sur ce point, v. infra n° 308. 373

C. pén., art. 121-2 al. 3.

Page 87: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

87

physique à l’infraction commise par la personne morale grâce à son organe ou représentant.

Imaginons ainsi qu’une organisation extrémiste se rende coupable d’assassinat car son

dirigeant, afin de mettre en œuvre la doctrine de l’organisation, élimine ses opposants374

.

L’individu ayant fourni, en connaissance de cause, les armes utilisées, pourrait être poursuivi

pour complicité. En revanche, si la personne physique poursuivie en tant qu’auteur ou

complice de l’infraction est un organe ou représentant de la personne morale, il est alors

nécessaire, pour envisager la participation de la personne morale, de constater chez cet organe

ou représentant une volonté de réaliser l’infraction pour le compte de la société ainsi qu’une

volonté de s’y associer ou de la réaliser pour lui-même également. Or, a priori, ces deux

intentions semblent incompatibles. Cependant, un auteur a justement démontré que

l’incompatibilité n’était qu’apparente, « dès lors que les faits ne sont pas forcément commis

en même temps »375

. Il prend ainsi l’exemple d’une société ayant une activité commerciale qui

louerait des locaux à son dirigeant pour que celui-ci y exerce illégalement la profession

d’expert-comptable, sans aucun lien avec l’objet de la société. L’acte de complicité – la

fourniture de moyens – étant constitué avant la réalisation de l’infraction, il est possible de

caractériser « deux intentions distinctes »376

. La participation de la personne morale à

l’infraction réalisée par l’organe ou le représentant est alors concevable.

84. Conclusion de la section 2. – La volonté de s’associer apparaît ainsi comme une

condition caractéristique de la participation puisqu’elle en justifie la répression. C’est en effet

parce que le participant a conscience et volonté de s’associer à un fait qu’il sait être

infractionnel qu’il peut être sanctionné. Or, aussi fondamentale que soit cette exigence, elle ne

conduit cependant pas à restreindre outre mesure le champ d’application de la participation.

Quant aux personnes physiques d’abord, la participation pourra se fonder sur une

infraction commise par des personnes caractérisant des causes subjectives d’irresponsabilité,

même s’il est vrai que ces dernières ne sont pas susceptibles, pour leur part, d’être des

participants à l’infraction377

.

En revanche, cette dernière limitation ne se retrouve pas quant aux personnes morales

ensuite. En effet, dès lors que l’on admet que leur responsabilité pénale se fonde sur une

374 Exemple emprunté à F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 594.

375 J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 113.

376 Ibid.

377 Excluant dès lors la coaction, faute de réciprocité dans la volonté de s’associer : v. infra n° 92 et s.

Page 88: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

88

responsabilité du fait personnel, il est parfaitement concevable de s’associer à l’infraction

commise de la sorte. Surtout, en vertu des conceptions autonomistes de la responsabilité

pénale des personnes morales, ces dernières caractérisent une véritable intention. Partant, elles

peuvent s’associer à l’infraction réalisée par autrui, que cet autrui soit une personne morale ou

une personne physique, voire un de ses organes ou représentants.

Page 89: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

89

Conclusion du chapitre 1

85. Participation et pluralité d’intervenants. – En tant que mode de participation

criminelle, la coaction exige ainsi une pluralité d’intervenants au titre de son élément matériel.

Elle est alors susceptible de mettre en jeu deux types d’infractions : les infractions collectives

par nature, qui exigent une pluralité d’intervenants à titre d’élément constitutif, et les

infractions commises collectivement qui incriminent des comportements individuels que les

circonstances ont amené à réaliser à plusieurs. Or, l’analyse de ces différentes catégories a

démontré que c’est au sein de ces dernières que s’épanouit la coaction. Elles sont en effet les

seules à permettre une prise en compte de la spécificité de ce titre d’imputation, là où les

infractions collectives par nature brouillent les frontières entre action, complicité et coaction.

86. Participation et volonté de s’associer. – Mais surtout, parce qu’elle est un mode de

participation criminelle, la coaction impose de constater un lien étroit entre ses intervenants.

Or, ce lien est fondé sur l’élément moral de la participation : le coauteur doit témoigner d’une

volonté de s’associer. Pour autant, cette exigence ne conduit pas à restreindre outre mesure le

champ d’application de la coaction, puisque personnes physiques comme personnes morales

pourront être qualifiées de participants à l’infraction.

87. Si ces différents éléments s’induisent de la nature de mode de participation

criminelle de la coaction, encore faut-il réfléchir à l’objet de cette participation, qui pourrait

permettre d’identifier ce mode d’imputation particulier au sein de la participation criminelle.

Il s’agit alors de voir que la coaction s’analyse en un mode de participation à une infraction

unique.

Page 90: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr
Page 91: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

91

Chapitre 2- Une participation à une infraction unique

88. Mode de participation criminelle et objet de la participation. – Si la coaction, à

l’instar de la complicité, s’apparente à un mode de participation criminelle, il apparaît

nécessaire de s’interroger sur l’objet de cette participation. Celle-ci s’entend-elle d’une

participation à un fait délictueux, un fait ayant « figure de délit »378

ou, plus généralement,

d’une participation à une infraction ? Cette dernière proposition suppose ainsi de répondre à

une autre question : que faut-il entendre par le terme « infraction » 379

? De façon générale,

cette notion désigne un « comportement actif ou passif prohibé par la loi »380

et s’appréhende

comme la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral381

. Comme il a

pu l’être évoqué précédemment382

, ce dernier aspect cristallise de nombreux débats doctrinaux

sur lesquels il ne sera pas nécessaire de revenir.

89. Mode de participation criminelle et participation à l’infraction. – Il est, a priori,

incontestable que les participants à une action criminelle partagent un certain comportement,

et donc la matérialité de leurs actes383

, ce dont témoigne la définition même du terme

« participation »384

. En revanche, cette conclusion est loin de s’imposer avec la même force si

l’on raisonne sur l’état d’esprit avec lequel les agents s’associent à cet acte. En effet, les

motivations de chacun sont souvent différentes385

. Surtout, s’il est nécessaire que tous aient eu

la volonté de s’associer à autrui pour être qualifiés de participants386

, il n’est aucunement

378 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, JCP

1952, I, 1034. 379

Sur cette question, très abondamment étudiée, v. notamment A.-CH. DANA, Essai sur la notion d’infraction

pénale, LGDJ, Bibliothèque de droit criminel, 1982; N. STONESTREET, La notion d’infraction pénale, thèse,

Bordeaux, 2009. V. également J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 103 et s. 380

G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc. 381

Quant à l’élément légal, il s’apparente à la définition de l’infraction. Son existence en tant qu’élément

constitutif à part entière de l’infraction a beaucoup été questionnée en doctrine, mais l’objet n’est pas ici de

revenir sur ces débats. Il sera seulement rappelé qu’il peut être compris comme englobant les éléments matériel

et moral. En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 219. 382

V. supra n° 60. 383

Au moins en partie, v. infra n° 278 et s., spéc. n° 293. 384

V. supra n° 26. 385

Cependant, les mobiles sont par principe indifférents en matière pénale : v. par exemple Cass. crim., 11 déc.

1924, DP 1925.1.87 ; 8 déc. 1998, Bull. n° 336. 386

V. supra n° 53.

Page 92: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

92

exigé que cet autrui ait eu la volonté ou même la conscience d’en faire de même. Ainsi,

participation n’implique pas conscience et volonté réciproques de s’associer. En définitive, ce

serait exclure là l’exigence d’une entente en matière de participation, et offrir la possibilité

d’une discordance entre les différentes conceptions que chacun des agents se fait de

l’infraction. Sachant que certaines incriminations ne se distinguent que par le contenu de leur

élément moral387

, l’importance de cette conclusion se fait alors jour : si tous les individus ne

partagent pas nécessairement à la fois l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction,

c’est que tous n’y participent pas. A défaut, certains ne participeraient alors qu’à un « fait

délictueux ».

90. Participation à l’infraction et coaction. – Se dessine ainsi l’éventualité d’un

critère de distinction entre les différents modes de participation criminelle : certains

s’entendraient d’une véritable participation à une infraction alors que d’autres ne seraient que

des participations à des faits matériels délictueux. Or, parce qu’ils ont en commun l’élément

moral de l’infraction388

(ainsi que son élément matériel389

), il semble que les coauteurs

puissent s’analyser comme des participants à une infraction unique. La coaction nécessite, en

effet, une entente entre ses différents participants, gage du partage de cet élément

psychologique. L’entente agit alors comme un véritable révélateur de la participation

réciproque et de l’infraction unique, dont il convient d’étudier l’exigence (Section 1). En

outre, parce qu’elle est un critère distinctif de la coaction, ses caractères méritent d’être

étudiés afin de voir leur impact sur la notion de coaction (Section 2).

387 Il en va ainsi du meurtre et de l’homicide involontaire par exemple : le résultat de ces infractions est

identique, (la mort) ; l’élément matériel est également identique (le fait de donner la mort) ; seul l’élément moral

permet de distinguer ces deux infractions (intention de tuer pour la première contre absence de cette intention

dans la seconde). 388

V. infra n° 91 et s. 389

V. infra n° 280 et s., spéc. n° 291.

Page 93: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

93

Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs

91. Critère de distinction avec la complicité. – Dans le sens commun, l’entente

s’analyse comme le « fait de s’accorder » avec autrui390

. Or, l’existence d’un tel accord ne se

vérifie pas nécessairement en ce qui concerne les rapports unissant le complice et l’auteur

principal, et conduit donc à faire de l’entente un critère de distinction entre coaction et

complicité.

Envisagée comme un accord entre deux ou plusieurs individus, l’entente suppose alors

une réciprocité dans la conscience et la volonté de coopération391

. Et c’est cette réciprocité

dans la volonté de s’associer qui apparaît comme le propre de la coaction : chaque coauteur

est conscient de la participation de l’autre et souhaite coopérer à son action. De là vont se

nouer des liens étroits entre coauteurs, plus qu’entre complice et auteur principal. La

nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs (§1) conduira ainsi à une

inévitable identité de qualifications entre eux (§2).

§1- Une nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs

92. Comparaison entre complicité et coaction. – Si les coauteurs doivent

nécessairement avoir la conscience et la volonté de s’associer à autrui pour être considérés

comme tels, il n’en va pas de même en ce qui concerne l’auteur principal à l’égard de son ou

de ses éventuel(s) complice(s). En effet, alors que la complicité est indifférente à toute entente

(A), la coaction, elle, est soumise à sa caractérisation (B).

390 Le grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2

e éd., 2001.

391 L’entente se définit également comme la « compréhension réciproque entre des êtres » : ibid. (site internet)

Page 94: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

94

A- La complicité indifférente à une entente

93. Divergences doctrinales. – Il est communément admis que l’entente permet de

distinguer auteur et coauteur. En revanche, pour certains392

, elle ne serait pas un moyen de

différencier complice et coauteur, dans la mesure où la complicité, de même que la coaction,

impliquerait nécessairement une entente entre l’auteur principal et son complice393

. Pourtant,

la doctrine n’est pas unanime en la matière394

, c’est pourquoi il apparaît intéressant de

rechercher si la complicité doit nécessairement supposer un concert frauduleux avec l’auteur

de l’infraction ou non.

94. Complicité et infraction exigeant un dol spécial pour sa constitution. – La

solution retenue par la jurisprudence en matière de complicité d’infractions exigeant un dol

spécial pour leur constitution pourrait apporter des éléments de réponse. En effet, lorsqu’une

infraction exige un mobile particulier à titre d’élément constitutif, la Cour de cassation semble

considérer que ce mobile n’a pas à être partagé par le complice de cette infraction pour que

son acte puisse être réprimé. Il en va de la sorte en matière de crime contre l’humanité : dans

l’affaire qui lui a été soumise le 23 janvier 1997, la Chambre criminelle a ainsi affirmé que

« le dernier alinéa de l’article 6 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg

n’exige pas que le complice de crimes contre l’humanité ait adhéré à la politique

d’hégémonie idéologique des auteurs principaux »395

. Certes, cette solution bénéficie d’un

argument textuel en sa faveur : l’alinéa relatif aux « dirigeants, organisateurs, provocateurs

ou complices » n’exige pas expressément la présence de mobiles particuliers en leur

personne396

. Il pourrait alors être rétorqué que cette solution ne vaut que pour cette infraction

particulière, et qu’en droit commun, auteur et complice doivent partager ce dol spécial397

.

Mais il semble que cela ne soit pas le cas. Ainsi, en matière de banqueroute, alors que la

392 V. notamment F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 225 et s.

393 C. GIRAULT, Le relâchement du lien de concertation entre l’auteur principal et le complice, D. 2008, chron.

n° 25, p. 1714 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 337 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la

responsabilité pénale, préc., n° 225 et s. 394

Pour des auteurs considérant que l’entente n’est pas une condition de la complicité, v. notamment S.

FOURNIER, préc., n° 115 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420. 395

Cass. crim., 23 janv. 1997, Bull. n° 32 ; D. 1997, jur. p. 147, note J. PRADEL; J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE,

La définition juridique de la complicité de crime contre l’humanité au lendemain de l’arrêt de la Chambre

criminelle du 23 janvier 1997, D. 1997, chron. p. 249 ; JCP G 1997, II, n° 22812, note J.-H. ROBERT. 396

V. J. PRADEL, note sous Cass. crim., 23 janv. 1997, préc., D. 1997, Jur. p. 147. 397

Ibid.

Page 95: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

95

constitution de l’infraction implique notamment que le débiteur ait voulu éviter ou retarder

l’ouverture de la procédure, il n’est pas exigé que le complice partage cette volonté. Il suffira

qu’il ait connaissance du caractère ruineux du crédit, de l’état de cessation des paiements et de

la volonté du débiteur de retarder l’ouverture de la procédure398

, sans pour autant vouloir lui-

même retarder cette dernière. C’est l’hypothèse d’un banquier qui facilite le recours à des

moyens ruineux pour procurer des fonds à l’entreprise tout en connaissant les trois critères

précités399

.

Doit-on s’étonner de cette solution ? Les auteurs qui lui sont hostiles400

soutiennent

généralement que c’est là incriminer un simple dol éventuel, et non une intention, chez le

complice. Mais cette affirmation est contestable. La solution ne conduit pas toujours, en effet,

à incriminer une forme de complicité par imprudence. En réalité, dans les exemples précités,

même si le complice ne partage pas le mobile poursuivi par l’auteur, il ne peut nier qu’il sait

participer à une infraction401

. De fait, il revêt donc l’élément intentionnel de la complicité : il

possède bien la conscience et la volonté de s’associer à l’action criminelle d’autrui. Il n’est

ainsi pas nécessaire d’exiger qu’il partage le dol spécial poursuivi par l’auteur402

. En outre, le

second argument invoqué pour décrier cette solution revient à montrer que le complice

emprunte l’infraction commise par l’auteur principal, emprunt qui ne serait possible qu’à

condition que l’élément moral entre les deux agents soit identique, et donc que tous deux

partagent le dol spécial exigé pour la constitution de l’infraction. Mais là encore, l’argument

ne semble pas décisif puisque les textes relatifs à la complicité ne font aucun cas de cette

exigence. D’ailleurs, si l’on considère que le complice emprunte l’infraction réalisée par

l’auteur principal, c’est précisément parce qu’il ne réunit pas en sa personne tous les éléments

constitutifs de l’infraction, ce qui ferait de lui un auteur. Dès lors, pourquoi ne pas considérer

qu’il emprunte également le dol spécial de l’auteur et n’a pas donc pas à le posséder lui-

même403

?

398 CA Saint-Denis de la Réunion, 17 déc. 1998, D. 1999, p. 609, note D.R. MARTIN.

399 V. R. KOERING-JOULIN, L'élément moral de la complicité par fourniture de moyens ruineux, D. 1980, chron.

231 ; Cass. crim., 30 oct. 1989, Dr. pén. 1990.88. 400

J. PRADEL, note sous Cass. crim., 23 janv. 1997, préc. ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la

participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952, p.117, n° 22. 401

Cela est d’autant plus vrai qu’il connaît même la nature exacte de cette infraction, et ne se contente pas de

s’associer à une infraction quelle qu’elle soit. 402

Dans le même sens, PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420. 403

D’autant plus que dans une telle hypothèse, il n’emprunte pas l’élément moral dans son ensemble : il

témoigne toujours du dol général et n’emprunte qu’une partie seulement de l’élément moral, le dol spécial.

Page 96: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

96

Quoi qu’il en soit, il semble dès lors difficile de considérer qu’auteur et complice

doivent nécessairement s’être entendus sur la commission de l’infraction. Tout du moins

l’étendue du concert frauduleux est-elle quelque peu circonscrite : elle n’inclut pas les

mobiles. Cette analyse renseigne donc plus sur l’étendue de l’entente en matière de complicité

que sur son exigence.

95. L’entente, non nécessaire à la répression de la complicité de complicité. – C’est

alors vers les solutions en matière de complicité indirecte qu’il faut se tourner. En effet, la

jurisprudence n’exige nullement que l’auteur principal soit au courant d’une éventuelle aide

apportée par un individu à son complice. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’il

connaisse l’existence du complice de son complice. Pour preuve, dans son arrêt du 15

décembre 2004, la Cour de Cassation considère que « l’aide ou l’assistance apportée en

connaissance de cause à l’auteur de l’escroquerie, même par l’intermédiaire d’un autre

complice, constitue la criminalité incriminée par l’article 121-7 du code pénal »404

. Il n’y a

donc pas obligatoirement une entente entre l’auteur principal et son complice, ou tout du

moins cette entente n’a-t-elle pas à être particulièrement précise.

96. L’entente, une condition non prévue par le Code pénal. – Mais surtout,

considérer que l’entente est nécessaire entre le complice et l’auteur principal revient à ajouter

une condition à la définition de la complicité retenue par le Code pénal. Si le complice doit

s’être associé « sciemment » à l’auteur, le texte ne dit rien de l’état d’esprit de ce dernier.

L’auteur peut même ne pas avoir conscience de l’existence de son auxiliaire : l’exemple

retenu par les défenseurs de ce point de vue est celui du malfaiteur qui pose une échelle pour

faciliter l’accomplissement d’un vol, alors même que le voleur croit « à un heureux

hasard »405

. La complicité pourra être retenue à l’égard de celui qui a mis en place l’échelle

dès lors qu’il a entendu, comme dans notre exemple, aider à la commission de cette infraction.

Evidemment, cette hypothèse pourrait être qualifiée de cas d’école, et il est vrai qu’elle se

rencontrera peu souvent en pratique : généralement, le complice et l’auteur principal se seront

mis d’accord sur la commission de leur forfait. Pour autant, cet argument ne doit pas

404 Cass. crim., 15 déc. 2004, Bull. n° 322; D. 2005, Jur. 2128; JCP G 2005, II, 10050, obs. Y. MARECHAL ; Rev.

sc. crim. 2005, p. 298, obs. G. VERMELLE. 405

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420.

Page 97: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

97

convaincre d’ajouter à la loi en considérant que la complicité implique un concert frauduleux

avec l’auteur principal. L’entente est donc indéniablement un critère de distinction entre la

complicité et la coaction car cette dernière doit être, pour sa part, soumise à la caractérisation

d’une entente.

B- La coaction soumise à une entente

97. Exigence doctrinale. – La doctrine est unanime quant à la condition d’entente en

matière de coaction : celle-ci est nécessaire. Les coauteurs doivent ainsi avoir agi avec

« connivence »406

, ce mode de participation criminelle apparaissant comme une « coopération

passagère »407

. C’est même une exigence essentielle, GARRAUD allant jusqu’à dire qu’« il faut

aussi et surtout qu’ils aient agi de concert, d’un commun accord, qu’ils aient coopéré à la

perpétration du délit. Sans cela, le seul lien qui puisse être établi entre les délits distincts, qui

ont été commis, est celui de connexité et non celui de la coopération »408

.

98. Exigence jurisprudentielle. – La jurisprudence n’est pas en reste puisqu’elle prend

soin de relever que les coauteurs ont agi « ensemble et de concert »409

, « d’un commun

accord » ou « participé à une action concertée »410

. Là encore, les termes employés ne

manquent pas de renseigner sur l’idée de réciprocité précédemment évoquée. Et la Cour de

cassation relève d’ailleurs expressément cette exigence lorsqu’elle caractérise l’ « assistance

réciproque » entre les différents coauteurs411

: cette assistance réciproque doit bien sûr

s’entendre matériellement412

, mais aussi psychologiquement. En effet, l’aide, comme

l’assistance, comportent deux versants : elles ne se réduisent pas à un aspect matériel mais

comprennent une véritable dimension morale. Ces deux aspects se retrouvent ainsi dans

l’utilisation qui est faite de ces termes en matière juridique, la répression de ce qui est

406 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., spéc. p. 796.

407 Ibid.

408 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, Tome III, 3

ème éd., Paris, Sirey, 1916, n°

901. 409

V. Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269 ; v. également Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chr. ; 14 janv. 1921, S.

1922, I, p. 235. 410

Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195. 411

V. notamment Cass. crim., 8 juill. 1813, préc. ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22. 412

V. infra n° 281 et s.

Page 98: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

98

couramment dénommé l’aide morale en cas de complicité en témoignant413

. Or, si l’on

raisonne à partir du simple point de vue psychologique, en imposant la réciprocité de

l’assistance chez les coauteurs, la jurisprudence exige alors de caractériser une entente les

unissant.

99. Particularisme des personnes morales. – Dès lors que l’on considère que la

personne morale dispose d’une volonté autonome414

, la question de l’entente ne semble pas, a

priori, poser de difficultés particulières. Il est tout à fait concevable d’imaginer un accord

unissant deux personnes morales, ce qu’atteste la répression de l’entente pratiquée à des fins

anticoncurrentielles415

. Rien ne s’oppose alors, en principe, à caractériser une entente entre

elles en vue de la commission d’autres infractions, quelles qu’elles soient. Mais si l’on

s’interroge sur une éventuelle coaction entre une personne morale et une personne physique,

la question précédemment évoquée ressurgit : il convient de distinguer selon que la personne

physique en cause est un organe ou un représentant de la personne morale ou non. En effet, si

elle ne revêt pas cette qualité, la personne physique peut alors s’accorder avec la personne

morale, incarnée par son organe ou représentant pour commettre une infraction. En revanche,

si la personne physique dont on recherche la culpabilité s’analyse précisément comme un

organe ou représentant de la société, n’est-il pas bien artificiel de considérer qu’elle s’accorde

avec la personne morale qu’elle incarne ? La personne morale s’entendrait alors avec elle-

même…416

Certes, ce raisonnement peut sembler relever du truisme, mais si l’on considère

que la personne physique a besoin de la personne morale pour commettre l’infraction,

l’absurdité du mécanisme n’est peut-être qu’apparente. Il serait en effet possible de

413 V. infra n° 197 et s.

414 V. supra n° 76 et s.

415 C. com., art. L. 420-1. Celui-ci dispose que « Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect

d’une société du groupe implantée hors de France lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet

d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées,

conventions, ententes expresses ou tacites ou coalition, notamment lorsqu’elles tendent à

1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;

2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou

leur baisse ;

3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 416

La question soulève alors de nombreuses interrogations sur la nature du lien existant entre la personne

physique organe ou représentant de la personne morale et cette personne morale. Cependant, il n’appartient pas

d’en traiter ici. Sur ce point, v. notamment G. WICKER, La théorie de la personnalité morale depuis la thèse de

Bruno Oppetit, Etudes à la mémoire du professeur Bruno Oppetit, préc. ; G. WICKER, Rép. civ. Dalloz, v°

Personne morale.

Page 99: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

99

caractériser deux intentions différentes chez la personne physique : celle de réaliser

l’infraction, mais aussi celle de s’associer à la personne morale, certes représentée par elle-

même, pour commettre cette infraction. Quant à la réciprocité de cette intention, elle existerait

alors nécessairement puisque la personne morale s’incarne dans la personne physique en

cause.

100. Bilan. – Quoi qu’il en soit, l’entente n’est nécessaire qu’en matière de coaction.

Elle peut alors apparaître comme un critère de distinction avec la complicité, même si toutes

deux imposent une volonté de s’associer à autrui417

. Un auteur avait déjà entrevu cette

conclusion, en écrivant que « l’entente se distingue de la simple « conscience et volonté de

coopérer avec autrui » ; elle suppose plus ; il faut une véritable résolution d’agir arrêtée

ensemble »418

. Or, si elle « suppose plus », les liens que l’entente permet de tisser entre

coauteurs sont également plus étroits : elle entraîne inévitablement une identité de

qualifications entre eux.

§2- Une nécessaire identité de qualifications entre coauteurs

101. Démarche. – Là encore, il convient de s’intéresser en premier lieu à la théorie de

la complicité, plus abondamment étudiée, afin de déterminer si les conclusions en la matière

peuvent s’appliquer ou non à la coaction et donc apporter à la construction de sa notion.

Ainsi, de façon très générale, il est possible de considérer le complice comme celui qui facilite

l’action de l’auteur principal de l’infraction, en connaissance de cause, sans réaliser lui-même

les éléments constitutifs de l’incrimination. Il se crée alors un lien entre ces deux agents, que

la doctrine a tenté d’expliquer de différentes manières. Or, selon la théorie retenue,

l’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur peut apparaître (A). En

revanche, les aspects expliquant cette possibilité ne se retrouvent pas en ce qui concerne la

417 Dans le même sens, v. R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 23, pour

qui « D’une manière générale, l’intention doit être plus précise chez le coauteur que chez le complice. Pour le

coauteur, c’est plus que la simple volonté intentionnelle qui est requise. C’est le concert frauduleux, la

résolution criminelle concertée ». 418

Ch. DUPEYRON, L’infraction collective, Rev. sc. crim. 1973, p. 357, n° 9.

Page 100: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

100

coaction. Ce constat n’est ainsi pas valable pour ce qui est de ce dernier mode d’imputation :

toute disparité de qualification entre coauteurs est impossible (B).

A- L’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur principal

102. Théories en présence. – Un des points d’intérêts de la doctrine concernant la

complicité a été d’expliquer de quelle façon réprimer les actes du complice. En effet, ceux-ci

sont « généralement dépourvus de criminalité propre »419

. Comment alors les appréhender

pénalement ? Plusieurs théories ont été avancées à cette fin. Parmi elles, le Code pénal a

choisi d’appliquer la conception de l’emprunt de criminalité, qui ne permet aucunement

d’envisager une disparité entre les actes du complice et ceux de l’auteur principal (1). Mais

d’autres solutions sont envisageables, permettant une telle disparité (2).

1- Une disparité inenvisageable selon la théorie de l’emprunt de criminalité

103. Unité d’infraction. – La théorie de l’emprunt de criminalité se fonde sur le constat

selon lequel les actes du complice, pris isolément, ne sont pas constitutifs d’une infraction

pénale420

. Ainsi, renseigner une personne sur les habitudes d’autrui, par exemple, ne

419 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1 : Cujas, 7

ème éd., 1997, n° 537.

420 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 477 et s. ; B. BOULOC, préc., n° 336 et

s. ; P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, t. 1, Dalloz, 2ème

éd. avec mise à jour 15

nov. 1975, n° 775 et s. ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, coll. U, 7ème

éd.,

2004, n° 405 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 550 et s. ; W. JEANDIDIER, Droit

pénal général, Montchrestien, 2ème

éd., 1991, n° 286 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 382 et s. ; R.

MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 536 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 425

et s. ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 368 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 351 et

361 ; PH. SALVAGE, Droit pénal général, PUG, 5ème

éd., 2001, n° 163 et s., J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 5 et s. ; S.

FOURNIER, Rép. pén. Dalloz, v° Complicité ; E. GARCON, Code pénal annoté, Sirey, éd. M Rousselet, M. Patin et

M. Ancel, 1959, art. 59 et 60 ; A. DECOCQ, Droit pénal général, A. Colin, 1971, p. 234 et s. ; R. VOUIN et J.

LEAUTE, Droit pénal et procédure pénale, PUF, 2ème

éd. 1965, p. 41 et s. ; J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure

pénale, LGDJ, 21ème

éd., 2012, n° 168 et s. ; G. LEVASSEUR, A. CHAVANNE, J. MONTREUIL, B. BOULOC et H.

MATSOPOULOU, Droit pénal et procédure pénale, Sirey, 14ème

éd., n° 245 et s. ; J. BORRICAND, Droit pénal,

Masson 1973, p. 145 et s. ; R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, t. 3, Sirey, 3ème

éd.

1913 à 1935, n° 884 et s. ; H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité de droit criminel et de législation pénale

comparée, Sirey, 3ème

éd., 1947, n° 427 et s. ; G. VIDAL et J. MAGNOL, Cours de droit criminel et de science

pénitentiaire, Rousseau et Cie, t. 1, 2ème

éd., 1902, n° 394 et s. ; M. PUECH, Droit pénal général, Litec, 1988, n°

1010 et s. ; Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n° 86 et s. ; J. PRADEL et A.

VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 4ème

éd., 1994, n° 33 et s. ; G. LEVASSEUR, Droit

pénal général complémentaire, Dalloz, 1960, p. 348 et s. ; B. ZLATARIC, La participation criminelle et les

Page 101: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

101

correspond à aucune incrimination pénale. Ce n’est que par référence à l’infraction de l’auteur

principal que ces actes prennent une « coloration pénale »421

, infraction dont ils vont

emprunter la criminalité. Une seule infraction lierait donc les deux agents. Pour poursuivre

l’exemple, le fait de renseigner une personne sur les habitudes d’autrui en sachant que ces

informations vont servir à commettre un cambriolage tombe, en revanche, sous le coup de la

loi pénale.

Au sein de cette conception, quelques variantes existent, l’emprunt de criminalité

pouvant être absolu si le complice est soumis aux mêmes peines que l’auteur principal ou

relatif si sa pénalité est atténuée.

Il est communément admis que le Code pénal français retient la théorie de l’emprunt

absolu de criminalité422

, même si l’emprunt de pénalité n’est plus de mise depuis l’entrée en

vigueur du nouveau Code pénal423

. Ainsi l’article 121-6 dispose-t-il que « Sera puni comme

auteur [et non plus comme l’auteur] le complice de l’infraction au sens de l’article 121-7. »,

ce dernier le complétant de la sorte : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui

sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou

de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».

Mais cette théorie a dévoilé des limites, tant sur le plan conceptuel que fonctionnel.

104. Critiques conceptuelles. – En premier lieu, d’un point de vue conceptuel, un

auteur montre ainsi que c’est une sorte de « souillure »424

, permettant de faire « passer

magiquement »425

la criminalité de l’auteur principal au complice, qui expliquerait le système

d’emprunt de criminalité. Les termes employés témoignent du discrédit jeté sur

différentes formes de complicité, RID pén. 1967, p. 157 et s. ; P. SAVEY-CASARD, La réglementation de la

complicité dans la partie spéciale du Code pénal de 1810, Rev. sc. crim. 1970, p. 547 et s. 421

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 537. 422

V. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 340 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 11 ; contra J.

CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc., pour qui

l’ancien Code pénal consacrait plutôt l’emprunt de pénalité. 423

Ainsi, le complice encourt désormais les mêmes peines que s’il avait été l’auteur principal de l’infraction, et

non plus la peine à laquelle était exposé précisément l’auteur principal, en vertu de la nouvelle rédaction de

l’article 121-6 du Code pénal . V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Présentation des dispositions du

nouveau Code pénal, loi n° 92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992, JCP G 1992, 3615, n° 27; J. LARGUIER, Droit

pénal général, Dalloz, 21ème

éd., 2008, p. 85 et 86 ; J. PRADEL, Le nouveau Code pénal (partie générale) (loi n°

92-683 du 22 juillet 1992), ALD 1993, n° 31. 424

J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc. 425

Ibid.

Page 102: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

102

l’expression… En effet, selon lui, le Code pénal consacrerait plutôt un emprunt de pénalité.

Mais cette assertion n’est plus vraie depuis la nouvelle rédaction de l’article 121-6426

. C’est

pourquoi d’autres mettent en exergue le fait que, plus qu’un emprunt de criminalité, le droit

français consacrerait un emprunt de qualification427

: « Ce que le complice emprunte au

délinquant, c’est l’acte matériel et surtout la qualification pénale des faits ». En effet, l’acte

matériel du complice, pris isolément, ne pourrait recevoir de qualification pénale faute d’être

un élément constitutif à part entière de l’infraction. Ce n’est que l’acte de l’auteur, parce qu’il

réalise matériellement cette dernière, qui permettrait cette qualification, devenant commune

aux deux protagonistes. Dès lors, à suivre ce raisonnement, aucune distinction avec la

coaction ne serait envisageable de ce point de vue, les coauteurs répondant également à la

même qualification pénale428

.

Mais une autre critique est avancée. Selon celle-ci, le postulat fondant la théorie de

l’emprunt de criminalité serait erroné dans la mesure où il serait faux de considérer qu’il

existe une différence de nature entre les actes du complice (innocents) et ceux de l’auteur

principal (criminels) : « Il n’y a pas une action criminelle par nature qui infecte toutes les

autres, mais un ensemble d’actions, criminelles non pas à raison de leur nature intrinsèque,

mais à cause des circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu et du préjudice qu’elles ont

ou auraient pu déterminer »429

. Une telle analyse semble assez convaincante tant il est vrai

que les actes du complice ne sont pas nécessairement innocents, loin de là : le fait de fournir

une arme à feu à autrui, par exemple, est-il réellement dénué de toute criminalité intrinsèque ?

Plus encore, l’individu qui offre une somme d’argent à un individu pour qu’il en assassine un

autre commet-il là un acte innocent ? Cette analyse semble d’autant plus pertinente que sur le

plan fonctionnel, certaines insuffisances de la théorie de l’emprunt de criminalité ont

également été mises en avant.

105. Critiques fonctionnelles. – Ainsi, en second lieu, d’un point de vue fonctionnel, le

système de l’unité d’infraction ne permettrait pas d’appréhender pénalement des

comportements pourtant moralement choquants et démontrant une dangerosité certaine. En

effet, même si la jurisprudence n’a jamais exigé la répression effective de l’auteur

426 V. supra n° 103.

427 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 333.

428 V. infra n° 117 et s.

429 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 9.

Page 103: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

103

principal430

, elle impose la constatation d’une infraction principale punissable. Sans celle-ci,

le complice n’a aucune criminalité à emprunter et doit rester impuni. Les arrêts

emblématiques en témoignant sont ceux rendus par la chambre criminelle le 25 octobre 1962,

Lacour et Schieb431

. Les faits étaient globalement similaires : un individu (Lacour dans la

première espèce, Schieb dans la seconde) avait remis des sommes d’argent (et un pistolet pour

Schieb) à un autre afin que celui-ci assassine son épouse. Cependant, ayant été pris de

remords (Lacour) ou dénoncé trop tôt (Schieb), l’homme n’avait pas agi. A défaut d’acte

tendant directement et immédiatement à la consommation de l’infraction432

, la tentative ne

pouvait être retenue, et il n’existait alors aucun fait principal punissable sur lequel la

complicité aurait pu venir se greffer. La Cour de cassation a donc considéré qu’ « il n’est pas

possible de retenir […] le crime de complicité de tentative d’assassinat,[…], la complicité ne

se concevant que s’il y a eu un fait punissable ». Bien évidemment, aussi justifiée

juridiquement que puisse paraître la solution, l’impunité de cette simple tentative de

complicité a soulevé de vives critiques puisque ces individus avaient commis, pour leur part,

la totalité des actes devant conduire au crime et que leur répression ne dépendait plus alors

que de l’action d’autrui433

.

Même si aujourd’hui les sieurs Lacour et Schieb tomberaient sous le coup de l’article

221-5-1 du Code pénal incriminant le mandat criminel434

, il reste que cet article n’élimine pas

toute possibilité d’impunité dans des hypothèses voisines435

.

430 V. par exemple Cass. crim., 10 avril 1975, Bull. n° 89, « La culpabilité du complice est indépendante de celle

de l’auteur principal ; la condamnation est suffisamment justifiée à son égard, si la décision qui la prononce

constate l’existence du délit et en relève les éléments constitutifs, alors même que la condamnation de l’auteur

principal ne serait pas encore effective ». 431

Cass. crim., 25 oct. 1962, Bull. n° 292 et 293. V. notamment D. 1963.221, note P. BOUZAT ; JCP G 1963, II,

12985, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1963, p. 553, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands arrêts de la

jurisprudence criminelle, préc., n° 88 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, 6ème

éd., Paris, Dalloz, 2007, n° 33, p. 415. 432

Sur la définition de la tentative, v. notamment : B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 243 et s. ; PH.

CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 324 et s. ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC,

Droit pénal général, préc., n° 449 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 380 et s. 433

V. notamment R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le hasard peut-il être arbitre de

la répression ?, Rev. sc. crim. 1959, p. 454 et s. ; C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité, Mélanges PATIN,

p. 153 et s. 434

Celui-ci, mis en place par la loi, dispose : « Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de

lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un assassinat ou un

empoisonnement est puni, lorsque ce crime n'a été ni commis ni tenté, de dix ans d'emprisonnement et de

150 000 Euros d'amende ». 435

V. A. PONSEILLE, L’incrimination du mandat criminel ou l’article 221-5-1 du Code pénal issu de la loi du 9

mars 2004, Dr. pén. 2004, chron. n° 10.

Page 104: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

104

De plus, il a été démontré que la théorie de l’emprunt de criminalité se comprenait si

on l’appliquait à l’élément matériel de l’infraction, mais souffrait de lacunes certaines si l’on

raisonnait sur l’élément moral de l’infraction436

et que l’on imaginait une discordance entre

l’intention de l’auteur principal et celle de son complice437

. En effet, il est possible qu’un

même acte matériel réponde à des qualifications différentes selon l’état d’esprit de l’auteur.

Ainsi en va-t-il de l’acte homicide : si son auteur a voulu la mort de la victime, il s’agira d’un

meurtre ; si ce résultat n’était pas souhaité, il s’agira d’un homicide involontaire. Or, en cas de

participation, il est concevable que l’auteur n’ait pas voulu la mort de l’individu alors que son

complice la recherchait. Que faire alors ? « Sans meurtre, pas de complicité de meurtre »438

conclut alors le père de cet exemple pour montrer l’imperfection de la théorie de l’emprunt de

criminalité.

Devant ces insuffisances, d’autres solutions ont été mises en avant, permettant de

dissocier les qualifications retenues à l’égard du complice et de l’auteur principal.

2- Une disparité envisageable selon les autres conceptions de la complicité

106. Solutions alternatives à l’emprunt de criminalité. – En dissociant les

qualifications applicables au complice et à l’auteur principal, certaines insuffisances évoquées

sont évitées. C’est ainsi que le droit positif, de façon marginale, a mis en place des solutions

alternatives à l’application de l’emprunt de criminalité. La théorie de la complicité délit

distinct (a) ainsi que celle de l’emprunt de matérialité (b) ont donc été respectivement utilisées

par le législateur et la jurisprudence.

a) La théorie du délit distinct

107. Pluralité d’infractions. – En vertu de la théorie du délit distinct439

, la

responsabilité de chacun des participants doit être considérée séparément, de façon autonome,

sans qu’aucun lien ne soit fait avec la responsabilité ou l’action des autres agents. Chaque

436 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 12 et s.

437 V. infra n° 111 et s.

438 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 12.

439 V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 539 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal

Code, Art. 121-6 et 121-7, 2005, n° 8 et s.

Page 105: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

105

protagoniste est alors jugé pour une incrimination autonome : le complice pour son

« infraction de complicité », et l’auteur pour sa propre infraction. Plusieurs infractions seront

donc constituées440

, et la répression sera facilitée dans la mesure où il ne sera pas nécessaire

d’établir un quelconque lien entre elles.

108. Applications en droit positif. – Cette conception est parfois appliquée en droit

positif français. Ainsi le législateur consacre-t-il de nombreuses dispositions à la répression

autonome de certaines formes de complicité, notamment la provocation à certaines

infractions441

. Le plus souvent, ces incriminations particulières se sont révélées nécessaires

car permettant de saisir des comportements qui ne pourraient l’être en vertu du droit commun

de la complicité. Mais cette théorie n’a jamais été pleinement consacrée en raison d’une

insuffisance majeure.

109. Insuffisance. – La théorie de la « complicité délit distinct » a effectivement été

décriée car elle conduit nécessairement à nier l’idée même de complicité. Un auteur a ainsi pu

écrire « la notion d’une complicité entièrement détachée de l’action de l’auteur aurait

quelque chose de contradictoire en soi. On n’est pas complice de façon absolue ; on est

complice de quelqu’un ou de quelque chose. Une complicité sans relation avec un acte

principal serait un non-sens. »442

. C’est pourquoi une nuance a été apportée à cette théorie,

afin de considérer la complicité comme un délit certes distinct, mais surtout conditionné.

110. Délit conditionné. – La complicité apparaîtrait alors comme un « délit-cadre, apte

à venir encadrer tous les autres délits » qui exigerait la constatation d’un acte délictueux

préalable, à l’instar du recel par exemple. Mais cet acte délictueux n’aurait pas à réunir tous

440 La complicité ne pourra donc apparaître, en aucun cas, comme un mode de participation à une infraction.

441 V. notamment pour le Code pénal : la provocation à la commission d’un assassinat ou d’un empoisonnement,

art. 221-5-1 ; le fait de provoquer un mineur à faire usage de stupéfiants, à la consommation habituelle de

boissons alcoolisées, à la mendicité, à commettre des crimes ou des délits, art. 227-18 à 227-21 ; la provocation à

la trahison ou à l’espionnage, art. 411-11, la provocation à la rébellion, art. 433-10. En outre, d’autres codes

contiennent des dispositions similaires (v. notamment C. santé publ., art. L. 3633-3 pour la provocation à l’usage

de stimulants sportifs ; C. just. milit., art. 414 pour la provocation à la désertion) ainsi que des lois spéciales (v.

notamment L. 29 juil. 1881, art. 23 et 24 pour la provocation publique et collective par voie de presse ; L. 15 juil.

1845, art. 17 pour la provocation aux attentats contre la circulation de chemin de fer). 442

J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc.

Dans le même sens, v. G. AUSCALER et W. WOLTER, De la participation criminelle, RID pén. 1957, p. 49 et s.,

spéc. p. 51 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc. n° 8.

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les éléments constitutifs d’une infraction. Il suffirait qu’il ait « figure reconnaissable de

délit »443

. Bien que cette conception de CARBONNIER n’ait jamais été consacrée par le Code

pénal, cette dernière idée selon laquelle la constatation d’une infraction ne serait pas

nécessaire à la répression du complice n’est pas sans rappeler une autre conception de la

complicité, attachée au seul emprunt de la matérialité de l’acte de l’auteur principal, qui a pu

être retenue par la jurisprudence.

b) La théorie de l’emprunt de matérialité

111. Conception objective. – La théorie de l’emprunt de matérialité tend à considérer

que l’acte du complice ne se greffe pas sur l’infraction de l’auteur principal mais seulement

sur son acte matériel. Partant, il n’est pas nécessaire que le complice partage l’élément moral

de ce dernier pour être punissable, tant qu’il a accompli des actes de participation constitutifs

de la complicité (intention de s’associer et actes positifs d’aide ou d’assistance ou

d’instigation444

).

Cette conception a pu être utilisée pour justifier la sanction du complice en dépit du

trouble mental sous lequel l’auteur principal avait agi, ou de son état de contrainte morale445

.

Pourtant, si la solution est admise sans difficulté par la jurisprudence446

, la plupart des auteurs

ne la fondent pas de la sorte. En effet, dans de telles hypothèses, ce n’est pas en raison d’une

absence de constitution de l’élément moral, et donc de l’infraction, que l’auteur principal ne

serait pas punissable mais plutôt car une de ses conditions d’imputation lui ferait défaut447

.

Raisonner ainsi évite le détour de l’emprunt de matérialité : l’infraction principale existe bel

et bien, et le complice peut l’emprunter dans son ensemble.

112. Discordance entre les intentions du complice et de l’auteur principal. – C’est

alors dans une autre situation que cette théorie a révélé son utilité. En effet, un auteur a

montré que des discordances entre les intentions du complice et de l’auteur principal étaient

443 Cette dernière idée n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle qui sera développée par la conception objective de

la complicité : v. infra n° 111 et s. 444

Sur la définition en droit positif de la complicité, v. supra n° 56. 445

V. notamment E. GARCON, Code pénal annoté, Tome I, 2ème

éd. De M. ROUSSELET, M. PATIN et M. ANCEL,

Paris, Recueil Sirey, 1956, articles 59 et 60, n° 118, p. 162. 446

V. notamment Cass. crim., 27 nov. 1845, DP 1846, 5, 94. 447

Sur ce point, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 198.

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107

envisageables448

, précisément car la complicité n’exige pas une entente entre les participants

quant au comportement délictueux.

Certaines hypothèses étaient évoquées depuis longtemps, comme celle du complice

ignorant à quoi servirait l’aide apportée à l’auteur principal, ou celle du complice pensant

participer à une infraction déterminée alors qu’une autre est commise par l’auteur principal, et

les solutions paraissaient établies : dans la première hypothèse, la complicité par imprudence

n’étant pas concevable, l’individu ne peut être qualifié de complice ; dans la seconde, il

convient de distinguer selon que l’infraction commise par l’auteur principal porte atteinte à la

même valeur protégée que celle envisagée par le complice ou non. Si l’intérêt protégé est

identique, le complice pourra être poursuivi. Dans le cas contraire, il devra être relaxé. Par

exemple, un individu, pensant s’associer à un vol, indique les horaires de présence de ses

voisins dans leur maison à un tiers. Or, ce dernier, afin de faciliter son vol, les assassine. Le

premier individu croyait participer à une atteinte à la propriété alors que c’est une atteinte à la

vie qui a eu lieu : sa complicité ne devrait pas être retenue à l’égard du meurtre corrélé avec le

vol449

. En revanche, si l’infraction projetée et celle réalisée protègent toutes deux la même

valeur, comme l’escroquerie et l’abus de confiance, le complice sera punissable450

.

Mais une autre hypothèse a été mise en exergue : celle dans laquelle « un des agents a

été animé d’une intention méchante tandis que l’autre se voit taxer seulement

d’imprudence »451

. L’utilité de la théorie de l’emprunt de matérialité prendrait alors tout son

sens.

113. Intention criminelle chez l’un, simple imprudence chez l’autre. – L’exemple

célèbre pris par cet auteur est celui d’un chasseur affirmant à un autre la présence d’un animal

dans un fourré, alors même qu’il sait que ce dernier cache en réalité une personne qu’il

souhaite tuer. Si, suivant les conseils de son compagnon, le chasseur tire et atteint

mortellement sa cible, il ne pourra être qualifié d’auteur de meurtre, à défaut d’intention de

tuer de sa part. Que devient alors l’instigateur du coup de feu mortel ? Il ne peut être complice

448 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 26 et s.

449 Cependant, il serait envisageable de la retenir à l’égard du vol : v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la

responsabilité pénale, préc., n° 202 qui montre ainsi que « si le complice emprunte une infraction imputable aux

faits commis par l’auteur, il n’emprunte pas l’infraction imputée à ce dernier ». 450

V. E. GARCON, Le Code pénal annoté, préc., n° 294 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –

Droit pénal général, préc., n° 483 ; J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 30. 451

J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 31.

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de meurtre à suivre la théorie de l’emprunt de criminalité, faute de meurtre. C’est pourquoi

l’auteur évoqué suggère que le complice n’emprunte que l’élément matériel commis par

l’auteur principal et conserve son propre élément moral. Dans cette hypothèse, le chasseur

ayant tué l’individu pourrait se voir imputer un homicide involontaire alors que l’instigateur

serait poursuivi pour complicité de meurtre, son intention de tuer étant caractérisée.

C’est ce que d’autres auteurs452

ont expliqué différemment par le concept de

« dépendance limitée ». Ils ont ainsi démontré qu’il convenait, en vertu de cette théorie, de

distinguer entre le côté subjectif et le côté objectif de l’acte. Quant au premier, la participation

serait un délit distinct, alors que quant au second, le lien de dépendance existerait toujours. Ils

poursuivent : « De cette manière la participation à un délit d’autrui se transforme en

participation à un acte d’autrui ».

Or, depuis quelques années, la jurisprudence consacre parfois ce raisonnement.

114. Arrêt de la Chambre criminelle du 8 janvier 2003. – La théorie de l’emprunt de

matérialité a reçu une application remarquée dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le

8 janvier 2003453

. En l’espèce, un homme était poursuivi pour exportation illicite de

stupéfiants pour avoir transporté de la cocaïne dans la roue de secours de son véhicule, alors

qu’un autre l’était pour complicité de ce même délit pour avoir mis en relation cet individu

avec le fournisseur de stupéfiants et donné des instructions sur les modalités de la livraison.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir relaxé le premier pour défaut

d’intention coupable (preuve ayant été faite de son ignorance quant à la marchandise

transportée) et retenu la responsabilité du second (chez qui la connaissance de la nature des

marchandises transportées ne faisait pas de doute) en considérant que le fait principal

punissable, l’exportation illicite de stupéfiants, était caractérisé. Le motif de la Chambre

criminelle est en effet sans équivoque : « dès lors que l’existence d’un fait principal

punissable, soit l’exportation illicite de stupéfiants, a été souverainement constatée par la

cour d’appel, la relaxe en faveur de Y… n’exclut pas la culpabilité d’un complice ».

452 G. AUSCALER et W. WOLTER, De la participation criminelle, préc., p. 51 et 52.

453 Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC; D. 2003, Jur. p. 2661, note

E. GARCON; D. 2004, Somm. 310, obs. B. DE LAMY, JCP G 2003, II, 10159, note W. JEANDIDIER.

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109

115. Appréciation critique de la solution. – Cette solution, qui témoigne certainement

de la volonté répressive de la Cour454

, a suscité de vives critiques d’une partie de la doctrine,

celle-ci allant jusqu’à la qualifier de « condamnation au mépris des règles de la

complicité »455

et déplorant la « dénaturation du droit de la complicité »456

. En effet, ces

auteurs reprochent à la Cour de cassation de mettre de côté l’élément moral de l’infraction,

alors même que l’exportation illicite de stupéfiants, en tant que délit, exige une intention

criminelle457

. Or, ce n’est pas là sa position habituelle : les magistrats considèrent

généralement que la complicité n’est établie « qu’autant qu’il y a un fait principal punissable

dont l’existence est établie en tous ses éléments constitutifs »458

, et qualifient le plus souvent

le complice d’auteur moral dans de telles hypothèses459

.

En outre, la conception objective poserait des difficultés en ce qui concerne les

infractions qui ne se différencient que par leur psychologie460

(par exemple homicide

volontaire, homicide involontaire et violences ayant entraîné la mort sans intention de la

donner). En effet, pour reprendre l’exemple précédemment évoqué des deux chasseurs, le fait

principal ne peut être le même selon que l’on se place du point de vue de l’auteur ou du

complice, mais reste quoi qu’il en soit punissable, à la différence de l’espèce ayant donné lieu

à l’arrêt du 8 janvier 2003 : même si l’auteur n’a pas voulu porter atteinte à l’intégrité

physique de la victime, il existe bien un fait principal punissable en soi, l’homicide

involontaire. Le problème tiendrait alors au fait que la culpabilité de l’auteur principal puisse

également être retenue. Cependant, cette critique mérite d’être relativisée, la difficulté n’étant

pas insurmontable. Comme il l’a été dit, il est ainsi tout à fait possible de distinguer entre les

intentions respectives de l’auteur principal et du complice et d’en faire une application

distributive afin de déterminer quelle qualification leur sera imputable : l’élément moral de

chacun servira à déterminer l’infraction retenue.

454 Il aurait en effet été particulièrement choquant que l’instigateur de la manœuvre échappe à toute répression

grâce à l’innocence de l’auteur principal. 455

E. GARCON, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2003, Jur. p. 2661. 456

W. JEANDIDIER, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, préc., D. 2003, Jur. p. 2661, n° 8. 457

En vertu de l’article 121-3 du Code pénal, « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le

commettre ». 458

Cass. crim., 4 mars 1998, Bull. n° 83. 459

Cependant, la pertinence de ce dernier argument est discutable car cette qualification d’auteur moral conduit

également à dénaturer la complicité telle qu’envisagée par le Code pénal : v. infra n° 232. 460

B. DE LAMY, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, préc., D. 2004, Somm. 310.

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110

C’est pourquoi la critique la plus pertinente reste certainement celle tirée du non

respect du principe de légalité criminelle. En effet, le Code pénal exige expressément que la

complicité se greffe sur une infraction, et non sur un simple fait matériel. L’alinéa 1er

de

l’article 121-7 dispose ainsi qu’ « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui… »,

son alinéa 2 poursuivant en précisant qu’est complice celui qui « aura provoqué à une

infraction ». Même si certains ont considéré que ces textes n’avaient pas une « signification

restreinte »461

, rien ne permet de l’affirmer avec certitude et il reste que les termes employés

s’y opposent.

Malgré ces critiques, la solution sera confirmée par un arrêt du 15 décembre 2004 dans

lequel la Chambre criminelle admet la responsabilité de l’instigateur d’une infraction fiscale

en dépit de la relaxe de l’auteur principal pour défaut d’intention462

. Pour autant, la Cour de

cassation n’a pas renoncé à appliquer la théorie de l’emprunt de criminalité, et il faut donc

considérer, à l’instar d’un auteur, que les deux conceptions coexistent, l’emprunt de

matérialité venant « suppléer la conception juridique lorsque celle-ci est défaillante »463

. Dès

lors, dans cette hypothèse, la complicité pourra s’analyser comme une participation à un fait

délictueux, et non à une infraction.

116. La complicité distincte d’un mode de participation à une infraction unique. –

Ainsi, ne pas exiger d’entente entre le complice et l’auteur principal, c’est permettre

d’envisager la complicité comme une participation à un fait délictueux et non à une infraction,

et laisser la place à une éventuelle discordance entre les qualifications qui seront reprochées

au complice et à l’auteur principal464

. La jurisprudence l’a du reste admis dans une autre

hypothèse, alors même que l’intention de commettre une infraction était présente tant chez le

complice que chez l’auteur principal. Elle a en effet réprimé un individu pour complicité de

faux et usage du sceau de l’Etat alors que l’auteur avait été, pour sa part, condamné du chef

461 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 897.

462 Cass. crim., 15 déc. 2004, JurisData n° 2004-027401 ; Dr. pén. 2005, Comm. 79, obs. J.-H. ROBERT.

463 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 372.

464 Dans le même sens, v. S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, préc., n° 15, selon

qui le nouvel article 121-6 du Code pénal « n’impose pas avec la même rigueur l’identité de qualification ».

L’auteur envisage ici l’exemple du chasseur en décidant un autre à tirer sur un individu alors que le provoqué

pense viser un animal pour considérer qu’ « il n’y a plus d’obstacle de principe à ce que le complice puisse, dans

certains cas, encourir les peines attachées à une qualification qui ne serait pas exactement identique à celle

applicable à l’auteur principal ».

Page 111: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

111

d’escroquerie465

. Dans une telle hypothèse, plusieurs infractions étaient alors être constituées,

les unes à l’égard du complice, l’autre à l’égard de l’auteur principal. La complicité ne peut

donc s’analyser, de façon générale, comme un mode de participation à une infraction, et

encore moins comme un mode de participation à une infraction unique466

. Or, cet argument ne

se retrouve pas en ce qui concerne la coaction, ses participants ne pouvant subir une disparité

de qualifications.

B- L’impossibilité d’une disparité de qualifications entre coauteurs

117. Entente sur l’infraction. – Dès lors que l’on exige une entente entre les

participants, il serait tentant de croire que toute discordance entre les qualifications qu’ils

encourront est impossible. Pour autant, dans les exemples précités467

, il existait bien une

entente entre le complice et l’auteur principal, mais aucune identité de qualifications, car

l’accord ne portait que sur un comportement matériel. Or, en matière de coaction, il est

nécessaire que l’entente porte sur l’infraction dans son ensemble (ce qui inclut son élément

psychologique)468

: l’objet de l’entente nécessaire à la caractérisation d’une coaction est donc

plus large que celui éventuellement présent en matière de complicité. Cette exigence d’un

accord relatif à l’infraction n’a jamais été discutée en doctrine, et s’explique notamment par

les rapports d’égalité unissant les coauteurs469

. En revanche, il n’est évidemment pas exigé

que l’accord entre coauteurs porte également sur les mobiles de l’infraction lorsque ces

derniers ne sont pas nécessaires à sa caractérisation.

Partant, si l’entente porte sur l’infraction dans son ensemble, les discordances

éventuelles envisagées précédemment470

entre les intentions respectives des participants ne

peuvent plus apparaître, et il devrait nécessairement en découler une identité de qualifications

entre coauteurs471

.

465 Cass. crim., 28 févr. 1952, S. 1953, 1, p. 141.

466 Bien qu’elle puisse l’être : l’individu qui fournit une arme à autrui en sachant qu’elle est destinée à tuer autrui

participe, certes, au fait délictueux, mais plus largement, à l’infraction de l’auteur principal. 467

V. supra n° 113 et s. 468

Sur le fait de savoir si l’infraction doit s’entendre comme incluant les circonstances aggravantes ou non, v.

infra n° 347 et s. 469

V. infra n° 279 et s. 470

V. supra n° 112. 471

Il pourrait toutefois être objecté qu’il est concevable, en cas d’entente préalable et donc d’infraction

intentionnelle (v. infra n° 121), que l’infraction effectivement réalisée diffère de celle sur laquelle les

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112

C’est d’ailleurs là l’intérêt de la coaction mis en exergue par un auteur, selon qui « si,

improbable hypothèse, la jurisprudence venait à abandonner l’unité de qualification des

infractions imputées à l’auteur et au complice, cette unité de répression établie entre les

coauteurs donnerait une nouvelle utilité à la notion de coaction »472

.

118. Conclusion de la section 1. – Dans la mesure où chaque coauteur, en tant que

participant à l’infraction, témoigne d’une volonté de s’associer, la rencontre de ces volontés

donne lieu à une véritable entente entre eux. Partant, aucune disparité de qualifications n’est

envisageable : les coauteurs participent à la même infraction. Ce caractère apparaît alors

comme un critère de distinction par rapport à la complicité : celle-ci ne supposant pas une

entente entre le complice et l’auteur principal, elle n’entraîne pas nécessairement une identité

de qualifications entre eux. Le complice pourra ainsi être poursuivi pour une infraction alors

que l’auteur principal sera paradoxalement répréhensible du chef d’une autre qualification.

L’entente apparaît donc comme une condition nécessaire de la coaction, véritable

critère distinctif de ce mode d’imputation. Il convient alors de s’interroger sur le fait de savoir

si l’objet de cette entente revêt une importance.

participants s’étaient initialement accordés. Mais il faut alors se rappeler que la coaction suppose une

concomitance (v. infra n° 283), limitant alors ces divergences.

En effet, si tous les coauteurs sont présents lors de la commission de l’infraction, ils peuvent choisir, en

connaissance de cause, de s’associer, ou non, à la réalisation de la nouvelle infraction. Il convient là encore de

distinguer deux cas de figure : le ou les autres participants ne s’émeuvent pas de la nouvelle infraction réalisée,

et il est possible de caractériser une entente de fait constitutive de coaction, ou alors, ce ou ces autres participants

témoignent positivement de leur refus de s’associer à cette infraction (en tentant de l’empêcher, ou en refusant de

poursuivre leurs méfaits), et on ne devrait pas pouvoir les considérer comme des coauteurs. Cette dernière

affirmation doit être nuancée selon que l’infraction effectivement réalisée était prévisible au regard de celle

projetée (distinguer selon la nature intentionnelle ou non de l’infraction reprochée) : si tel était le cas, les

participants devraient pouvoir en répondre en tant que coauteurs, dans les mêmes conditions que celles retenues

en matière de complicité dans des hypothèses similaires (V. infra n° 353 et s.).

Il est cependant vrai que la concomitance n’implique pas nécessairement une unité de lieu (V. infra

n° 284). Dans cette hypothèse, il faudrait alors raisonner de même : soit l’infraction effectivement commise porte

atteinte à la même valeur protégée que celle initialement envisagée, et les individus pourront être considérés

comme des coauteurs, soit c’est une valeur différente qui est en jeu, et la coaction ne devrait être retenue, les

deux individus s’analysant alors comme de simples auteurs juxtaposés. 472

J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 372.

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113

Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs

119. Entente et restriction apparente du champ d’application de la coaction. –

Exiger une entente en matière de coaction pourrait conduire à restreindre le champ

d’application de ce mode de participation à l’infraction : en imposant un accord entre ses

différents agents, la coaction pourrait sembler, de prime abord, ne concerner que les

infractions dont le résultat aurait été prévu par les participants. Seules certaines incriminations

seraient alors susceptibles de connaître des coauteurs. Mais c’est en réalité ajouter à la

définition de l’entente, son objet étant totalement indifférent à sa constatation.

120. Entente réfléchie ou instantanée. – De même, l’entente ne suppose qu’un accord

entre au moins deux personnes, rien de plus. Or, un accord peut tout aussi bien résulter

d’âpres négociations qu’être instantané. Et l’entente criminelle ne déroge pas au constat.

Ainsi, l’entente peut précéder la commission de l’infraction ; elle est donc réfléchie

(ou tout au moins quelque peu pensée), et résulte d’une concertation entre les divers

coauteurs. Mais elle peut également lui être concomitante ; l’entente est alors spontanée, quasi

instantanée, non réfléchie. L’entente s’entend en effet d’un accord de volontés, sans exiger

que celui-ci se soit exprimé formellement et préalablement à l’infraction. Il s’agit par exemple

de l'hypothèse dans laquelle deux individus, attirés par un objet dans une vitrine, décident

soudainement de s'en emparer. La question de la possibilité d’une entente non réfléchie a

d’ailleurs pu être posée, notamment quant à savoir si des coauteurs pouvaient commettre un

meurtre ou si ce dernier ne se transformait pas nécessairement en assassinat en raison de cette

exigence d’entente. A cet égard, un auteur473

cite un arrêt de la Cour de Cassation de

Belgique474

qui a admis la coexistence de complices et de coauteurs dans un meurtre simple.

La préméditation475

ne serait donc pas une condition de l’entente, ce qui se comprend

parfaitement. De façon plus générale, les caractères de l’entente sont alors indifférents et ne

viennent pas limiter le nombre d’infractions susceptibles d’être commises en coaction. Mais il

n’en va peut-être pas de même s’agissant de l’objet de l’entente. L’entente peut en effet porter

473 R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 23.

474 C. Cass., 29 sept. 1871.

475 V. infra n° 123.

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114

sur différents objets, ce qui n’est pas sans influence sur les types d’infractions susceptibles de

connaître de la coaction. Il convient ainsi de traiter des objets possibles de l’entente (§1) avant

de montrer les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente (§2).

§1- Les objets possibles de l’entente

121. Entente sur le résultat infractionnel et entente sur l’acte infractionnel. –

S’interroger sur les objets possibles de l’entente revient à se demander sur quoi celle-ci doit

porter pour pouvoir caractériser une coaction. Que faire, par exemple, si les conséquences de

l’action des participants dépassent ce qu’ils avaient prévu lors de l’entente ? Pourra-t-on

toujours les considérer comme des coauteurs de l’infraction effectivement réalisée ? Ces

questions rejoignent celle de l’élément moral de l’infraction et conduisent à se demander si les

coauteurs doivent avoir nécessairement voulu l’infraction effectivement réalisée, au-delà de

celle sur laquelle ils s’étaient entendus. Il s’agit alors de savoir si l’entente doit porter sur le

résultat infractionnel (A) ou s’il suffit qu’elle porte sur l’acte infractionnel (B) pour

caractériser la coaction.

A- L’entente sur le résultat infractionnel

122. Infractions en jeu. – Lorsque des individus s’accordent sur le résultat de

l’infraction, ils tendent leur volonté vers celui-ci, et s’entendent ainsi sur la réalisation d’une

infraction intentionnelle476

, que cette entente soit réfléchie ou spontanée. En revanche, le

résultat d’une infraction non intentionnelle étant par définition non recherché, il serait

inconcevable que la coaction porte sur de telles incriminations dès lors que l’on exigerait de

l’entente qu’elle porte exclusivement sur le résultat infractionnel.

Dans une telle hypothèse, le spectre de la coaction, bien qu’apparemment réduit aux

infractions intentionnelles, n’en demeurerait pas moins vaste pour autant, car aucune autre

limitation ne serait à déplorer. En effet, ce type d’infractions permet d’englober aussi bien les

comportements de commission, exigeant un acte positif en tant qu’élément constitutif, que

d’omission, se contentant d’une simple abstention de la part de ses participants. Or, s’il est

476 L’intention étant définie comme la volonté tendue vers le résultat pénal : v. notamment PH. CONTE et P.

MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 213.

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115

tout à fait envisageable de s’entendre sur la réalisation d’une infraction de commission telle

que le meurtre par exemple, il l’est également en ce qui concerne les infractions d’omission.

Ces dernières imposant une obligation d'agir, si deux personnes tenues à cette obligation se

concertent et décident de s'abstenir d'intervenir, elles pourront être considérées comme des

participants à l'infraction en question. Ainsi, le fait pour deux individus de décider,

sciemment, de ne pas intervenir alors qu’ils aperçoivent une personne se noyer s’analyse bien

comme une abstention intentionnelle réprimée par l’article 223-6 du Code pénal, abstention

concertée. La jurisprudence a d’ailleurs affirmé depuis longtemps, et à maintes reprises, la

répression de la complicité d’infractions d’abstention477

, notamment dans le cas d'abstentions

dans la fonction, c'est-à-dire d'hypothèses dans lesquelles les individus étaient tenus d'agir en

vertu d'une obligation professionnelle478

, dans la mesure où une entente pouvait être constatée

entre eux. Par exemple, la Chambre criminelle a considéré que le fait, pour un expert

comptable d'omettre de vérifier et de redresser la comptabilité de son client était constitutif de

complicité de fraude fiscale479

. Dans ces différents cas de figure, l’entente n’a pas à être

matérialisée, extériorisée. Il s’agit d’une véritable collusion480

, « d’une entente à mi-mot,

d’une entente parfois muette, mais cependant très réelle et aux effets palpables, puisque

l’auteur sait qu’il peut compter sur le silence approbateur d’un tiers et qu’il a les mains

libres »481

.

En outre, dès lors que l’entente porte sur le résultat infractionnel, elle permet

d’appréhender le comportement de celui qui provoque un tiers ou lui donne des instructions

afin qu’il commette une infraction, c’est-à-dire le comportement de l’instigateur, envisagé par

le Code pénal comme un complice482

. L'instigateur, parfois qualifié d'auteur moral, se définit

comme celui qui donne des instructions à un individu, l'auteur matériel, ou le provoque par

divers moyens, afin qu'il réalise une infraction. L'exemple classique est celui de l'homme

offrant une somme d'argent à un tueur à gages dans le but qu'il exécute son épouse. Il existe

477 Certes, la complicité ne requiert pas nécessairement une entente (v. supra n° 93 et s.). Cependant, l’entente

n’est pas exclusive de la complicité, et il est alors possible de la constater entre un complice et un auteur

principal. 478

V. notamment pour des tapages nocturnes non contenus par les débitants de boissons : Cass. crim., 14 nov.

1924, D. 1925, I, 332 ; 15 janv. 1974, Bull. n° 22 ; 17 févr. 1988, Bull. n° 80. 479

Cass. crim., 15 janv. 1979, Bull. n° 21; RJ com., 1982, p. 293, note B. BOULOC. 480

Sur le concept de collusion, v. A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP G

1983, I, 3124. 481

A. VITU, obs. sous Cass. crim., 19 déc. 1989, Rev. sc. crim. 1990, p. 775. 482

C. pén., art. 121-7.

Page 116: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

116

bien une concertation entre ces deux protagonistes. Pour autant, dire que la coaction permet

d’englober le comportement de l’auteur moral ne signifie pas nécessairement que ce dernier

doive être considéré comme un coauteur. Comme il l’a été vu483

, si la complicité n’exige pas

d’entente en tant qu’élément constitutif, cette dernière peut toutefois (et bien souvent) se

concevoir dans ce mode de participation. Dès lors, ce sont d’autres données qui permettront

de trancher quant à savoir si l’auteur moral doit être considéré comme un simple complice ou

comme un véritable coauteur484

.

123. Comparaison avec la préméditation. – Quoi qu'il en soit, dès lors que l'on

raisonne sur une entente relative au résultat de l’infraction, la parenté avec la préméditation

est évidente485

. Cette dernière constitue en effet une circonstance aggravante définie par

l’article 132-72 du Code pénal comme « le dessein formé avant l’action de commettre un

crime ou un délit déterminé ». Elle implique ainsi également une certaine préparation. Et dans

le cas où l’infraction projetée par les coauteurs connaît de la circonstance de préméditation,

l’établissement d’une entente préalable portant sur le résultat de l’infraction permettra de

prouver l’existence de cette circonstance.

Pour autant, la comparaison entre entente et préméditation doit s’arrêter là. En effet, la

préméditation n’est qu’une circonstance aggravante, ce qui n’est pas le cas de l’entente : la

préméditation doit donc être expressément prévue par un texte d’incrimination pour pouvoir

être réprimée. En revanche, l’entente n’est pas un mode particulier de commission de

l’infraction à proprement parler, mais permet simplement de révéler ce particularisme. Elle

n’est donc pas soumise au principe de légalité criminelle et peut alors, potentiellement,

concerner toute infraction.

De plus, il est admis que la préméditation n’a pas à être particulièrement soignée et

longue. Ainsi un auteur considère-t-il que « la préméditation est moins une affaire de temps

dans l'action que d'intensité dans l'intention »486

, exprimant par là que la préméditation, avant

d’être une question de temps consacré au projet criminel, est davantage une question de

maturation de ce dernier. Mais elle implique nécessairement un minimum de préparation. Or,

483 V. supra n° 93 et s.

484 En particulier la question de la dépendance matérielle et de la concomitance: v. infra n° 279 et s.

485 En ce sens, v. R. LEGROS, préc., n° 23, pour qui le concert frauduleux s’analyse comme « une sorte de

préméditation commune ». 486

Y. MAYAUD, Rép. pén. Dalloz, v° Le meurtre, 2006, n° 171.

Page 117: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

117

cela n’est pas vrai de l’entente : celle-ci peut être contemporaine de la perpétration de

l’infraction487

.

Enfin, alors que la préméditation s’entend généralement de la prévision du résultat

infractionnel, l’entente peut ne porter que sur l’acte infractionnel.

B- L’entente sur l’acte infractionnel

124. Absence de prévision des conséquences de l’acte. – Il est concevable que des

individus s’accordent seulement sur l’acte ou les actes qu’ils entendent commettre, soit que

les conséquences de ces actes leur semblent indifférentes, soit qu’elles aient dépassé leurs

prévisions, ou encore qu’ils ne les aient même pas envisagées. Le résultat effectivement

réalisé n’a ainsi pas été décidé d’un commun accord par les participants, seuls leurs actes l’ont

été. L'entente sur l’acte infractionnel permet donc d'appréhender des hypothèses qui ne

pourraient l'être si l'on raisonnait simplement sur une entente sur le résultat infractionnel. Il a

ainsi été établi que cette dernière impliquait nécessairement la caractérisation d'infractions

intentionnelles. Or, l'entente sur l’acte infractionnel permet, pour sa part, d'englober aussi bien

les infractions intentionnelles que non intentionnelles. Il convient de distinguer ainsi deux

hypothèses, selon qu’aucun résultat pénal n’avait été voulu par les individus ou qu’un résultat

pénal avait été envisagé par ces derniers mais qu’il a dépassé leurs prévisions.

125. Entente sur un acte imprudent. – L’entente portant exclusivement sur l’acte à

effectuer laisse place à des comportements d'imprudence ou de négligence inenvisageables

lorsque l'entente porte sur le résultat infractionnel. Il est ainsi possible de partager un état

d'esprit imprudent, en particulier en ce qui concerne les imprudences conscientes. Celles-ci

désignent des infractions dont l'élément moral suppose un dol éventuel, c'est-à-dire qu'elles

n'exigent pas la volonté de causer le résultat dommageable, mais impliquent la conscience,

chez ses auteurs, de la possibilité de survenance de celui-ci. Un auteur488

prend ainsi

l'exemple du directeur d'une compagnie aérienne qui, sachant que l'appareil n'est pas en

parfait état, décide néanmoins de faire décoller l'avion. Il n'a évidemment pas l'intention de

causer la mort des passagers, mais sait que celle-ci est envisageable.

487 V. supra n° 120.

488 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 283.

Page 118: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

118

Or, deux personnes pourraient partager cet état d'esprit, et la jurisprudence admet

classiquement que l'on puisse s'associer à la commission d'une imprudence consciente489

,

même si elle fluctue quant au mode d'imputation à retenir entre les différents agents490

:

coauteurs, complice par provocation et auteur matériel, auteurs direct et indirect.

126. Entente sur un acte intentionnel. – Mais alors que l’hypothèse précédente

concernait des individus n’ayant absolument pas voulu causer de résultat pénal, il est

concevable que certains aient recherché un résultat pénal mais que celui-ci ait dépassé leurs

prévisions. Pourraient-ils alors être considérés comme des participants à l’infraction

effectivement réalisée ?

Prenons deux exemples : des individus en frappent un autre qui décède alors que ce

n’était pas l’intention des participants aux violences ; deux individus placent une bombe dans

un bâtiment afin de le détruire et malgré toutes les précautions prises pour vérifier que le

bâtiment est vide, ils tuent un individu s’y trouvant. Dans la première situation, il semble

possible de considérer que l’objet de protection sociale effectivement atteint par les individus

est le même que celui qu’ils souhaitaient toucher (les personnes), justifiant là de les considérer

comme des coauteurs des violences mortelles491

. Surtout, l’infraction de violences mortelles

est précisément prévue pour les hypothèses dans lesquelles la mort de la victime est

intervenue alors que ce n’était pas le résultat recherché par ses agresseurs, et donc que le

résultat atteint a dépassé les prévisions de ces derniers. Dans la seconde situation, la valeur

sociale atteinte (la vie) est différente de celle envisagée par les malfaiteurs (l’intégrité des

biens) et la solution semble alors plus délicate. Doit-on ainsi considérer que deux infractions

ont été commises : une destruction de bien présentant un danger pour les personnes492

, et un

homicide involontaire493

? Ce dernier pourra-t-il être imputé aux deux individus en tant que

coauteurs dès lors qu’ils s’étaient entendus sur l’acte ayant conduit à la mort de la victime ? Il

n’y a, a priori, aucune raison de refuser cette solution, d’autant plus que l’homicide

involontaire a eu lieu par l’intermédiaire d’une infraction intentionnelle grave, dangereuse

489 V. infra n° 151 et s.

490 Sur cette question, v. infra n° 151 et s.

491 Comp. les solutions relatives à la communication des circonstances aggravantes : v. infra n° 345 et s.

492 C. pén., art. 322-6 qui dispose que « La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant

à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger

pour les personnes est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende ». 493

C. pén., art. 221-6.

Page 119: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

119

pour les personnes, commise en coaction, et que l’on pourrait ainsi rapprocher d’une

imprudence consciente. Mais le Code pénal répond à ces interrogations puisque l’article 322-

10 dispose que « L'infraction définie à l'article 322-6 est punie de la réclusion criminelle à

perpétuité et de 150000 euros d'amende lorsqu'elle a entraîné la mort d'autrui ». Il ne fait

ainsi aucune distinction selon que la mort a été recherchée ou non, et l’on ne voit donc pas

pourquoi rejeter la coaction dans une telle hypothèse dès lors qu’une entente portant sur la

réalisation de l’acte de l’infraction est relevée.

127. Preuve de l’entente. – Quoi qu’il en soit, l’entente sur l’acte infractionnel pourrait

ainsi suffire à caractériser une coaction. Certes, la preuve de l’entente pourra apparaître

délicate, en particulier lorsque cette dernière sera spontanée. Tout va déprendre, en réalité, de

savoir si elle a été extériorisée ou non.

128. Accord extériorisé. – Si l'accord entre les participants a été extériorisé, sa preuve

va être facilitée, y compris en matière d'infractions non intentionnelles. Cela pourra se

traduire par le fait que chacun réalise positivement le même acte d'imprudence, l'un suivant

l'exemple de l'autre (deux conducteurs se doublent tour à tour dans un virage, la compétition

entre eux valant une forme d’accord), mais on pourrait aussi concevoir l'hypothèse dans

laquelle, sans que les actes réalisés aient été identiques, l'accord a été succinctement

formalisé : la proposition émise verbalement par un agent est suivie d'effet. C'est le cas par

exemple du passager d'une voiture qui conseille au conducteur de brûler un feu rouge, celui-ci

s'exécutant. Le passage à l'acte du conducteur suite au conseil du second occupant de

l'automobile permet bien de caractériser une entente.

129. Accord tacite. – En revanche, si l'accord n'a pas été extériorisé de la sorte, le

simple fait de prendre part à l'infraction en connaissance de cause devrait permettre de

présumer l'entente entre les protagonistes car il la matérialise. Le fait de participer

spontanément et consciemment à l'infraction implique, en effet, une adhésion morale à celle-

ci et la volonté de s'y associer. Cela est d'autant plus vrai s'il est établi que les différents

participants se connaissaient mais cet élément n'est en rien nécessaire. Ainsi en est-il de

l'homme qui prendrait part spontanément à un « passage à tabac » : qu'il connaisse ou non les

Page 120: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

120

agresseurs initiaux, dès lors que ceux-ci ne s'opposent pas à son intervention, une entente

tacite entre eux pourrait être caractérisée. De ce point de vue, les scènes uniques de violence

n’excluent donc pas la coaction494

.

130. N'exiger qu'une entente entre coauteurs, sans égard à son objet, produit ainsi des

conséquences importantes quant aux hypothèses dans lesquelles ce mode de participation est

susceptible d'être retenu.

§2- Les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente

131. Unicité de l'infraction commise en coaction. – Il a été précédemment établi que

la coaction s'entendait d'une participation à une infraction, notamment en raison de l'entente

existant entre ses agents, et impliquait inévitablement une identité de qualifications entre eux.

Pour autant, identité de qualifications ne signifie pas que deux infractions, semblables, ne

puissent être constituées. Celles-ci seraient simplement juxtaposées495

. L’exemple peut être

ainsi pris de deux agents dérobant des objets dans un château496

: si chacun se trouve dans une

aile différente de la bâtisse, et ignore la présence de l’autre, ils pourront tous deux être

poursuivis pour vol. Cependant, il y a bien là deux vols, non un vol commun. En effet,

puisque la participation s'entend d'une participation à un ensemble497

, et que la coaction se

greffe nécessairement sur une infraction498

, ce mode d'imputation devrait alors s'analyser

comme une participation à une infraction unique. En outre, considérer que la coaction n'est

qu'une simple juxtaposition d'infractions ne permettrait pas de rendre compte du lien

indissociable unissant les coauteurs, et dont l'entente est l'un des éléments. D'ailleurs, cette

dernière est traditionnellement considérée comme un moyen, pour la jurisprudence, de réduire

494 En revanche, la réponse sera plus délicate quand il s’agira de s’intéresser à l’objet de l’entente : sur quoi doit-

elle porter ? Sur l’infraction projetée ? L’entente doit-elle aller jusqu’à s’accorder sur les mobiles de

l’infraction ? Sur ses conséquences imprévues ? Mais comment s’entendre sur ce qu’on ne peut prévoir… ? De

plus, quand l’entente est instantanée comme dans notre exemple, le contenu de l’accord est peut-être différent

selon chacun des protagonistes (l’un pense s’associer à un « avertissement » et l’homme est tué, volontairement

ou non … Devra-t-il en répondre, selon quels critères ?) Ces questions seront traitées ultérieurement : v. infra

n° 363 et s. 495

En ce sens, v. notamment Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc. 496

Exemple emprunté à F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 258. 497

V. supra n° 26. 498

V. supra n° 88 et s.

Page 121: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

121

à l'unité ce qui apparaît à première vue comme pluralité. En effet, lorsque différentes actions

contribuent à un même dommage, les juges ont tendance à mêler les différentes actes afin de

les considérer globalement. Ce raisonnement ne fait alors que conforter l'idée selon laquelle la

coaction ne peut s'analyser comme une simple juxtaposition d'infractions.

132. L'entente, moyen de réduire la pluralité à l'unité. – En effet, dans l'hypothèse

d'un dommage causé en groupe, il est parfois délicat de déterminer la part de criminalité de

chacun des participants, « tant les actions se fondent les unes dans les autres »499

. C'est

particulièrement la question du lien de causalité qui engendre des difficultés : comment

caractériser celui-ci à l'égard de chaque protagoniste alors même qu'on ne sait qui a causé le

résultat infractionnel ? La jurisprudence a généralement recours à une technique, qualifiée de

finaliste par un auteur500

, afin de considérer que les différents agissements des intervenants ne

forment qu'une seule et unique infraction, dont le lien de causalité avec le dommage pourra

être établi avec certitude. Une « cause unique »501

émerge alors. Or, cette technique ne peut, a

fortiori, qu'être approuvée dès lors qu'une entente est établie entre les participants, cet accord

ne faisant que renforcer l'indivisibilité de cette cause502

.

Qui plus est, en se contentant d'une entente sur l’acte infractionnel, la coaction peut se

retrouver aussi bien en matière d’infractions intentionnelles que non intentionnelles503

. La

réduction de l'unité à la pluralité se fait alors dans deux grandes séries d'hypothèses,

fréquemment relevées en jurisprudence : lors de violences collectives (A), ainsi que lors de ce

qui est généralement appelé une imprudence commune (B).

499 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, préc., spéc. p. 794.

500 PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités

et la méthode du droit, Dr. pén. 2005, chron. n° 8. Selon cet auteur, cette méthode selon laquelle « la fin

recherchée est davantage susceptible d'expliquer un phénomène que la cause efficiente de celui-ci », présente le

mérite d'éviter l'impunité d'individus dont le lien de causalité entre leurs agissements et le résultat infractionnel

ne pourrait être établi, au contraire de la méthode déterministe, exigeant que la causalité entre chaque participant

et le résultat infractionnel soit établie. 501

A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc.,

n° 704 et s. 502

Sur cette notion, v. infra n° 138 et s. 503

V. supra n° 121 et s.

Page 122: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

122

A- La coaction envisageable en cas de violences collectives

133. Scène unique de violences et complicité corespective. – Dès lors que l'on parle

de violences collectives, c'est sur l'infraction de violences, commise par plusieurs participants,

que l’on raisonne. Elle est appréhendée par la circonstance aggravante de réunion aux articles

222-8 8° du Code pénal pour les violences mortelles, 222-12 8° du même code pour celles

ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours et 222-13 8° pour

celles ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou aucune

incapacité de travail. Ces violences peuvent aussi bien résulter d'une concertation préalable,

d'une certaine prévision entre les participants (ce sera par exemple l'hypothèse d'une

« expédition punitive » orchestrée par différents individus afin de venger un membre de leur

bande) ou d'une inspiration collective spontanée. Or, la coaction se contentant d'une entente

instantanée504

, elle est toujours envisageable dans ces différentes hypothèses. Cela est d'autant

plus vrai que la doctrine comme la jurisprudence considèrent les différents comportements

des protagonistes de façon globale, comme formant un tout indivisible, une « scène unique ».

Là encore, la coaction s'entendant d'une participation à une infraction unique505

, son

adéquation à ce cas de figure mérite d'être soulignée. Pourtant, en dépit de toute logique, c'est

souvent la complicité qui est retenue comme mode de participation dans ces hypothèses. La

jurisprudence, quand il est impossible de déterminer avec certitude quel participant a porté le

coup le plus grave à la victime, considère en effet que tous les auteurs des violences sont

complices les uns des autres et donc de celui qui a porté le coup le plus grave. Mais cette

théorie dite de la complicité corespective, loin d'emporter l'adhésion doctrinale sur le plan des

principes juridiques, ne peut être approuvée tant elle entraîne de difficultés. Surtout, c’est

uniquement de la notion de coaction que peut relever la participation à une scène unique de

violences (1), permettant ainsi de rejeter définitivement la complicité corespective (2).

1- La théorie de la scène unique de violences

134. Hypothèses. – Dans l'hypothèse où différents individus ont porté des coups à une

même victime, il est souvent délicat de déterminer avec certitude si les blessures – voire la

504 V. supra n° 120.

505 V. supra n° 88 et s.

Page 123: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

123

mort – en résultant, sont le fruit d'une personne en particulier ou de l'action conjuguée des

différents agents. Ainsi en va-t-il de l’hypothèse dans laquelle plusieurs personnes en frappent

une autre sans qu’il soit possible de déterminer si la mort de la victime est dûe à l’un des

coups portés ou à leur ensemble. Il s’agit encore du cas dans lequel deux frères, munis de

couteaux, avaient participé à une rixe au cours de laquelle deux personnes ont été blessées par

arme blanche ; il a été prouvé que l’un d’entre eux avait porté les coups de couteau à un

individu, mais aucune certitude n’était établie quant à l’identité de l’auteur des blessures de la

seconde personne506

. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les violences aient atteint

physiquement leur victime pour caractériser une telle scène, la participation à une manœuvre

collective d’intimidation suffisant à constituer l’infraction507

.

Dans ces différentes situations, plutôt que de dissocier les différents comportements, la

jurisprudence considère généralement qu’elle se trouve face à une scène unique, permettant de

considérer tous les protagonistes comme des coauteurs. Le raisonnement retenu alors mérite

d’être approfondi (a) afin de pouvoir établir le fondement de la solution (b).

a) Raisonnement retenu

135. Suffisance de la participation à une scène unique de violences. – En réalité,

dans les hypothèses envisagées, c’est la question du lien de causalité entre le comportement

en cause et le résultat infractionnel qui entraîne des difficultés. Pour reprendre l’un des

exemples précédents, un seul des projectiles, lancé par une seule personne donc, a provoqué

les blessures de la jeune femme. L’infraction n’est donc caractérisée qu’à l’égard d’un seul

époux, sans que l’on sache de qui il s’agit. Or, faute de pouvoir établir avec certitude le lien

de causalité unissant chaque protagoniste au résultat pénal, l'adage in dubio pro reo508

devrait

conduire à l'impunité des deux agents509

. Si cette solution a parfois été retenue en

506 Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.

507 V. Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 69, note Y. MAYAUD; D. 2005, p. 2986,

spéc. p. 2989. Dans le même sens, Cass. crim. 6 fév. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER ; Dr. pén. 2002.69,

obs. M. VERON. 508

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, A. Colin, 4ème

éd., n° 40 et 41 ; J.

LARGUIER, Procédure pénale, Dalloz, 22ème

éd., 2010, p. 336 et 337 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit

criminel-Procédure pénale, Cujas, 5ème

éd., n° 142 et s. ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 10ème

éd., n° 192 ;

G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 18ème

éd., n° 123. 509

En ce sens, v. notamment PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel :

l'établissement des responsabilités et la méthode du droit, préc., n° 5; Y. MAYAUD, « Violences volontaires »,

Rép. pén., Dalloz, 2008, n° 62.

Page 124: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

124

jurisprudence510

, elle demeure cependant très rare. En effet, une méthode qualifiée parfois de

« finaliste »511

lui est préférée, consistant à considérer l'ensemble des comportements

délictueux comme un tout. A cet égard, la Cour de cassation retient classiquement que

« lorsque des blessures ont été faites volontairement par plusieurs prévenus au cours d'une

scène unique de violences, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit

nécessaire, pour les juges du fond, de préciser la nature des coups portés par chacun des

prévenus sur chacune des victimes »512

. Dès lors, le travail du juge est facilité : la preuve de la

participation à une scène unique de violences au cours de laquelle la victime a été blessée va

permettre d'établir la culpabilité du prévenu. C'est ainsi que, dans une espèce où un homme

avait été frappé à coups de hache et de couteau par ses deux neveux, et alors même que l'un

d'eux niait sa culpabilité, la Chambre criminelle a décidé que tous deux étaient coauteurs de

violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours, dès lors

que « la victime a été blessée au cours d'une scène unique de violences à laquelle [ils ont]

participé »513

.

136. Maintien de la responsabilité individuelle. – Il serait tentant de considérer qu'une

responsabilité collective est alors consacrée, contraire au principe retenu par le Code pénal

dans son article 121-1514

. Mais tel n'est pas le cas. Le raisonnement consiste, certes, à

considérer les différents comportements comme tellement mêlés qu'ils forment un ensemble

indivisible, mais s'intéresse surtout à la participation de chacun à ce tout. C'est parce que cette

participation individuelle peut être établie que chacun peut être puni, et ce n'est pas là

répondre du fait d'autrui mais bien de ses propres actions. La jurisprudence exige d’ailleurs

expressément une « participation active » à la scène515

. La somme des actions individuelles

forme une « scène unique », scène unique dont le lien de causalité avec le dommage est lui

510 V. par exemple CA Aix-en-Provence, 14 mars 2001, JurisData n° 2001-143774. Dans cette espèce, un

véhicule, pris dans une manifestation, avait été détérioré suite à des coups portés sur sa carrosserie par des

manifestants. Un individu identifié comme ayant posé sa main sur le toit du véhicule a été relaxé par la Cour, au

motif selon lequel il n’avait pu de ce fait et à lui seul causer les importants dommages qui lui étaient reprochés

initialement. 511

PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités et

la méthode du droit, préc., n° 8 et s. 512

V. notamment Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195, D. 1972, somm. 202, Rev. sc. crim. 1973.879, obs. J.

LARGUIER ; Cass. crim., 10 avr. 1975, Bull. n° 90. 513

Cass. crim., 12 janv. 2010, inédit, pourvoi n° 09-82928, Gaz. pal. 2010, n° 84, p. 20, obs. S. DETRAZ. 514

Celui-ci dispose en effet que « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». 515

Cependant, cette participation active est parfois réduite à la simple présence des individus sur les lieux des

violences, la jurisprudence ayant condamné pour violences collectives de simples spectateurs de la scène.

Page 125: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

125

bien plus aisé à établir516

. Ainsi, comme le soutient un auteur517

, la fusion des différentes

actions forme une nouvelle matérialité et « c'est par la causalité que la pluralité disparaît ».

Reste alors à distinguer le mécanisme permettant de fondre la pluralité des comportements en

une unité, de son fondement.

b) Fondement de la solution

137. S'il est indiscutable que la causalité explique la solution retenue, ce constat ne doit

pas masquer que cette action unique a pour socle la notion d'entente518

. Certes, la notion

d’indivisibilité a parfois été utilisée en jurisprudence dans de telles hypothèses et pourrait

permettre de définir et d’encadrer les hypothèses de scènes uniques de violences. Mais elle se

révèle en réalité insuffisante, des discordances entre les éléments moraux des différents

protagonistes pouvant parfois être caractérisées, alors même que leurs actions pourraient être

considérées comme indivisibles. Or, en cas d'absence d’entente en revanche, il semble bien

difficile, voire impossible, de caractériser une scène unique. Etablir l’insuffisance de

l’indivisibilité (α) ainsi que la nécessité d’une entente (β) permettra ainsi de montrer que seule

l’entente, combinée à une unité spatio-temporelle, permet de fonder les scènes uniques de

violence, et que les scènes uniques de violence relèvent donc de la coaction, non de la

complicité.

516 Sur la causalité et la coaction, v. infra n° 172 et s.

Comme le montre J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, Mélanges en l’honneur du

Professeur J.-H. ROBERT, LexisNexis, 2012, p. 679, n° 20, « La causalité est […] concrètement établie en deux

phases successives. Il est d’abord constaté rétrospectivement que l’ensemble des comportements fautifs formant

la scène criminelle (infraction globale) a été une condition nécessaire du résultat redouté : c’est la causalité

constitutive de l’infraction ; il est ensuite observé que chaque personne peut être reliée au groupe par un fait

personnel de participation (au sens de l’article 121-1 du code pénal) : c’est la causalité participative ». 517

Y. MAYAUD, « Violences volontaires », préc., n° 63. 518

Contra Y. MAYAUD, « Violences collectives », préc., n° 63, pour qui « La solution est indépendante de toute

entente ». Il cite à cet égard les observations de G. LEVASSEUR (Rev. sc. crim. 1975 p. 1016) commentant l'arrêt

rendu par la Chambre criminelle le 25 février 1975 (Bull. n° 65) qui relève que « Des violences exercées par

plusieurs personnes sur une ou plusieurs autres peuvent constituer un fait unique sans qu'il y ait eu

nécessairement préméditation ou concertation préalable ». Mais comme il l'a été démontré précédemment (v.

supra n° 120), la notion d'entente ne se limite pas à ces hypothèses de prévision et peut très bien être spontanée.

Page 126: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

126

α) L’insuffisance de l’indivisibilité

138. L’indivisibilité comme critère de la scène unique. – La jurisprudence a déjà

envisagé de faire de l’indivisibilité un critère permettant de caractériser une scène unique de

violences. Ainsi, dans une espèce jugée par la Chambre criminelle le 28 juillet 1969519

, un

individu, G., s'était posté devant un camion pour lui barrer la route dans le but que ses

occupants lui règlent sa marchandise. Le chauffeur du véhicule, D., à la demande de son

passager, B., en était alors descendu et avait poussé violemment son créancier, qui tombait au

sol. Mais B., ayant pendant ce temps pris la place du conducteur, démarrait alors le camion et

blessait G. à la jambe. En première instance, D. fut condamné pour violences volontaires, et

B., le conducteur, pour coups et blessures volontaires. Mais la Cour d'appel d'Angers ne retint

contre ce dernier que le délit de blessures involontaires de l'article 320 de l'ancien Code pénal,

au motif selon lequel la précaution qu'il avait prise, faire descendre D. du camion afin qu'il

écarte G. du camion, était incompatible avec l'intention de porter atteinte à l'intégrité

corporelle de la victime. Elle ajoute, en outre, que B., lorsqu'il avait démarré le véhicule, «ne

savait pas que G., qu'il ne voyait plus, se trouvait sur son chemin ». Les poursuites à

l'encontre de chacun d’entre eux étaient donc dissociées. Cependant, la Cour de cassation

casse cette décision, lui reprochant d'avoir « arbitrairement dissocié l'événement final, d'une

série de faits dont il était la conclusion et dont elle établissait le caractère intentionnel ». De

plus, « les faits retenus à la charge de D. et ceux relevés à l'encontre de B. ayant été commis

dans le même trait de temps, dans le même lieu et ayant été déterminés par le même mobile,

les juges d'appel ne pouvaient attribuer aux premiers un caractère intentionnel et aux seconds

une cause involontaire ».

La Chambre criminelle considère ainsi les deux participants comme des coauteurs de

l'infraction intentionnelle, en se fondant sur l'indivisibilité de leurs actes. En effet, en se

référant aux faits commis « dans le même trait de temps, dans le même lieu et ayant été

déterminés par le même mobile », c'est une définition de cette dernière, issue de la procédure

pénale, qu'elle donne520

.

519 Bull. n° 239, préc.

520 Certes, l’indivisibilité n’est pas définie par le Code de procédure pénale (à la différence de la connexité,

prévue par l’article 203, et dont elle est souvent rapprochée car toutes deux entraînent une prorogation de

compétence des juridictions : v. infra n° 376 et s.), et c’est donc à la jurisprudence qu’est revenu le soin de

donner un contenu à la notion. Après avoir étudié de nombreuses décisions en la matière, un auteur (M. GOBERT,

Page 127: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

127

139. Solution insatisfaisante. – Cependant, ce faisant, la Cour semble admettre que

l’indivisibilité entraîne nécessairement la caractérisation d’une coaction. L’indivisibilité a en

effet pu être envisagée comme un critère de distinction entre le complice et le coauteur521

.

Ainsi, lorsque l’indivisibilité entre différents faits réalisés par différents protagonistes serait

établie, il faudrait considérer ces derniers comme des coauteurs. En cas de simple connexité,

ils seraient de simples complices. Cependant, ce critère a rapidement montré ses limites522

,

pour deux raisons principales. En premier lieu, la notion d’indivisibilité suscite de grandes

difficultés de définition, et le problème de qualification de la coaction ne ferait alors que se

déplacer vers celui de la qualification de l’indivisibilité, sans que la réponse en soit plus aisée.

Pour preuve, il arrive que le recel soit qualifié en jurisprudence d’indivisible avec l’infraction

principale alors que l’article 203 du Code de procédure pénale le cite expressément comme un

cas de connexité. En second lieu, l’étude de la jurisprudence révèle que l’indivisibilité ne se

limite pas à la coaction et englobe en son sein des hypothèses de complicité523

. C’est ainsi par

exemple qu’ont pu être considérés comme indivisibles un abus de confiance et la complicité

du délit d’achat de vote au conseil d’administration et à l’assemblée générale d’une société

destinée à permettre sa commission524

.

De plus, une partie de la doctrine émet des réserves quant à cette solution525

,

considérant que l'indivisibilité ne doit pas nécessairement conduire à une unité de

qualification. Des différences entre individus peuvent subsister malgré la réunion des trois

unités, tant dans la matérialité de leurs comportements que dans la culpabilité des agents526

.

D'ailleurs, en jurisprudence, l'indivisibilité n'a jamais eu pour conséquence l'identité de

La connexité dans la procédure pénale française : JCP G 1961, I, 1607) a tenté de systématiser les solutions, et

montre ainsi que l’indivisibilité s’entend d’une unité spatio-temporelle à laquelle s’ajoute une unité de dessein ou

un lien de cause à effet entre les faits reprochés, c’est-à-dire que l’indivisibilité existerait lorsque les faits

commis sont liés par une relation encore plus étroite que celle résultant de la connexité.

Plus généralement, sur la connexité et l’indivisibilité, v. infra n° 374 et s. 521

V. notamment J.-P. DOUCET, note sous Cass. crim., 28 juill. 1969, Gaz. pal. 1969, 2, p. 364 ; G. LEVASSEUR,

Violences volontaires au cours d’une altercation volontairement provoquée, Rev. sc. crim. 1970, p. 96. 522

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 252. 523

B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale,

préc., n° 125 ; M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc.; J. PRADEL, Procédure

pénale, préc., n° 91 ; J.-CL. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, préc, n° 903. 524

Cass. crim., 15 janv. 1990, Bull. n° 22. 525

V. Y. MAYAUD, Violences involontaires, préc., n° 68 ; A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre

infractions, Essai d'une théorie générale, préc., n° 546 et s. 526

V. Y. MAYAUD, Violences involontaires, préc.

Page 128: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

128

qualification527

, en particulier car des faits commis par une seule personne peuvent tout à fait

être indivisibles et relever de plusieurs qualifications pénales. Ainsi, les délits de bris de

clôture et de coups volontaires commis par un individu afin de réaliser un vol sont

indivisibles528

.

Mais alors, à défaut d’entraîner une coaction, peut-on tout du moins considérer que

l’indivisibilité permettrait de caractériser une scène unique ? Là encore, cette conclusion est

contestable. Il est en effet nécessaire d’établir une entente minimale afin que les protagonistes

partagent l’élément moral de l’infraction.

β) La nécessité d’une entente

140. Entente quant à l’élément moral. – La décision précédemment évoquée peut

sembler étonnante et la caractérisation d'une scène unique de violences fort contestable. La

précaution prise par B. montre en effet une absence d'intention de commettre des violences,

ou du moins pas à un tel stade (rouler avec un camion sur autrui), ce qui est moins évident

pour D. Ils ne partagent donc pas le même élément moral, à savoir l’intention de commettre

des violences. Et c’est certainement là la clé pour définir la scène unique de violences. Cette

dernière ne devrait pas se contenter d’une indivisibilité, mais exiger en outre une entente

minimale, relativement à l’élément moral de l’infraction en cause. Ainsi, dès lors que

l’élément moral des différents participants réunis en un même temps et un même lieu est

identique (l’intention de commettre des violences), une scène unique de violences pourrait

être caractérisée. En revanche, si l’élément moral diffère (l’un a l’intention de porter des

coups tandis que l’autre non, comme dans l’exemple cité), les événements devraient alors

être dissociés, et ne pas relever d’une scène unique. C’est en réalité ce que semble admettre la

jurisprudence lorsqu’elle définit la scène unique de violences comme une « pluralité d’actes

matériels de même nature, accomplis en même temps par un ou plusieurs agents animés d’une

même détermination » 529

, cette « même détermination » devant se comprendre comme une

identité entre les éléments psychologiques de l’infraction, même spontanée et tacite, non

527 Ainsi, par exemple, sont « indivisibles » les faits constitutifs d’un recel de choses et ceux constitutifs de

l’infraction d’origine correspondante : Cass. crim. 15 mars 2006, Bull. 2006, n° 78. 528

Cass. crim., 15 nov. 1928, D.P. 1932, 1, 56. 529

Cass. crim., 14 déc. 1955, préc.

Page 129: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

129

comme une identité de mobiles. Or, c’est ce qu’a semblé confondre la Cour dans l’affaire

étudiée : les deux individus voulaient certainement faire avancer leur camion, mais ils

n’avaient pas tous deux l’intention de commettre des violences pour y parvenir.

141. Absence d’identité absolue entre éléments moraux. – Pour autant, exiger un

partage de l’élément moral ne revient pas à exiger une entente absolue, une véritable adhésion

quant aux circonstances de l’infraction. Si tel était le cas, la scène unique serait quasiment

impossible à établir. C’est simplement l’intention de commettre des violences, c’est-à-dire le

dol général, qui doit être prise en compte, non la connaissance de circonstances plus précises

comme par exemple les moyens utilisés. Ainsi, dans l’hypothèse où de nombreux individus

passeraient à tabac un homme, à mains nues, et où l’un d’eux lui porterait un coup de couteau,

sans que l’on sache lequel, il ne faudrait pas considérer qu’à défaut d’entente sur l’usage

d’une arme entre les participants, la scène unique ne pourrait être caractérisée. L’intention de

commettre des violences est en effet bien présente chez tous les protagonistes, et la question

de l’usage de l’arme, et de la connaissance par les autres de cet usage, relève d’un autre

domaine, relatif aux circonstances aggravantes de l’infraction, non à la caractérisation d’une

scène unique.

142. Bilan. – Ainsi, pour compléter ce qui a été dit précédemment, non seulement

l'entente n'exclut pas la qualification de scène unique de violences, mais elle la fonde. Les

différents participants accomplissent donc en commun une même infraction, unique,

répondant en cela à la définition de la coaction. Pourtant, la jurisprudence en fait parfois de

simples complices, tentant par là, de façon malheureuse car non nécessaire530

, de contourner

les difficultés liées à l’absence de certitude quant à l’auteur du coup mortel par exemple. Cette

théorie de la complicité corespective doit ainsi être rejetée.

530 Il est en effet logique de considérer qu’en tant que coauteurs, ils empruntent la matérialité des actes accomplis

par chacun (v. infra n° 326 et s.), rendant alors inutile et fort artificiel le détour par la théorie de la complicité.

Page 130: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

130

2- Le rejet de la complicité corespective

143. Définition. – La théorie de la complicité corespective531

a été développée au

XIXème siècle. Elle consiste à considérer tous les participants à une infraction comme

complices les uns des autres, afin de faciliter leur répression. La jurisprudence a ainsi établi

que « le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui

consomment l’action et devient, par la force des choses, légalement son complice »532

.

Cette théorie présentait un intérêt certain lorsque la répression était fondée sur le

système de l’emprunt de pénalité, puisque le coauteur encourait alors la même peine que celle

qui lui aurait été infligée s’il n’avait été que complice de l’infraction. Ainsi, si une

circonstance aggravante personnelle était encourue par un des participants, elle se

communiquait aux autres. De même, si un individu était gravement blessé ou décédait suite à

des violences collectives sans que l’on sache quel agent avait porté le coup le plus grave, tous

ses agresseurs étaient passibles de la peine la plus élevée.

144. Perte d’intérêt pour la notion. – Mais aujourd’hui, l’application de cette théorie

est de plus en plus rare. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal et la nouvelle

rédaction de l’article relatif à la complicité, elle a perdu en utilité, les hypothèses où elle

présente encore un intérêt se limitant aujourd’hui au domaine des violences collectives.

Néanmoins, cette évolution ne peut qu’être louée tant cette conception présentait

d’insuffisances et mériterait d’être menée à son terme, pour laisser place à une imputation

unique fondée sur la coaction. En effet, la complicité corespective s’analyse non seulement

comme une théorie dépassée (a), mais également comme une théorie contestable (b).

531 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; F. DESPORTES et

F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 566 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 274 ; J. PRADEL, Droit

pénal général, préc., n° 409 et 449. 532

Cass. crim., 9 juin 1848, arrêt Igneux, S. 1848, I, p. 527 ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence

criminelle, Cujas, 1976, n° 96 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz,

7ème éd., 2009, n° 36 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, n° 87 ; Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1861, I, p. 368 ;

Cass. crim., 10 janv. 1952, JCP G 1952, IV, p. 38.

Page 131: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

131

a) Une théorie dépassée

145. Utilité. – Sous l’empire de l’ancien Code pénal, la théorie de la complicité

corespective a trouvé à s’appliquer, au-delà de l’hypothèse des violences collectives, afin de

permettre que se communiquent entre participants certaines aggravations propres à l’un

seulement d’entre eux. Considérant généralement les coauteurs comme des auteurs

d’infractions distinctes, une telle transmission de circonstances personnelles ne pouvait se

concevoir. Mais l’article 59 de l’ancien Code pénal, considéré comme le siège de l’emprunt

de pénalité, permettait quant à lui un tel mécanisme. Il disposait en effet que le complice

serait puni « comme l’auteur » de l’infraction. De là, la jurisprudence déduisait que le

complice encourait la même peine que celle dont était passible l’auteur principal. Assimiler le

coauteur à un complice permettait alors de le réprimer aussi sévèrement que son associé et de

consacrer une solidarité répressive533

.

146. Application en matière de parricide. – C’est ainsi que ce mécanisme a été utilisé

en particulier en matière de parricide. Alors que cette infraction tombait sous le coup de la

peine capitale534

, celui qui participait concomitamment et activement au crime en compagnie

du fils ou de la fille de la victime n’encourait que la réclusion criminelle à perpétuité, au titre

du meurtre commis en réunion535

. La jurisprudence, considérant cette solution injuste, faisait

alors de ce coauteur un complice, passible dès lors de la peine capitale536

.

147. Solution désuète. – Cependant, cette solution a perdu tout intérêt avec la loi du 9

octobre 1981 supprimant la peine capitale : qu’ils aient été coauteurs ou complices, les

participants à un parricide encouraient alors la réclusion perpétuelle. En outre, l’hypothèse

plus générale visant à faire supporter au coauteur l’aggravation tenant à la personne de son

associé en en faisant un complice est devenue inutile après la refonte du Code pénal. La

nouvelle rédaction de l’article 121-6 dispose ainsi que le complice sera puni « comme

auteur », et non plus « comme l’auteur ». Du fait de la modification du texte, la théorie de

533 V. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 36.

534 C. pén. anc., art. 299 et 302 al. 1.

535 C. pén. anc., art. 304 al. 3.

536 Cass. crim., 20 avril 1827, Bull. n° 92 ; Cass. crim., 16 juill. 1835 : Bull. n° 292; Cass. crim., 19 juin 1848,

Bull. n° 178; Cass. crim., 24 mars 1853, Bull. n° 110 ; Cass. crim., 30 sept. 185, Bull. n° 490; Cass. crim., 11 mai

1866, Bull. n° 135 ; Cass. crim., 10 janv. 1952, préc.

Page 132: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

132

l’emprunt de pénalité est définitivement abandonnée, et le complice n’encourt plus alors les

circonstances aggravantes personnelles de l’auteur de l’infraction537

. Pour poursuivre

l’exemple du parricide, le complice du fils de la victime devra être puni comme s’il avait été

auteur de l’infraction, c’est-à-dire comme s’il avait été auteur d’un meurtre, sans que

l’infraction puisse être aggravée par la circonstance d’ascendance538

. Il n’y aurait donc aucun

intérêt à malmener les notions et à le considérer comme un complice plutôt que comme un

coauteur, bien au contraire539

.

De ce point de vue, la théorie de la complicité corespective apparaît donc comme

dépassée540

. Mais quoi qu’il en soit, même si elle conserve une application en matière de

violences collectives, il est à souhaiter qu’elle disparaisse, tant elle semble contestable.

b) Une théorie contestable

148. De façon majoritaire541

, la doctrine semble aujourd’hui s’accorder pour montrer

que la théorie de la complicité corespective ne conserve qu’un intérêt résiduel, en matière de

violences collectives. Ainsi, dans l’hypothèse où un homme décède ou se trouve grièvement

blessé suite à un passage à tabac sans que l’on puisse établir l’auteur du coup décisif, ce

mécanisme permet d’imputer à tous les participants le résultat des violences, en occultant

toute question relative à la causalité542

. Le motif employé par la Cour de cassation est toujours

le même : « le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui

consomment l’action et devient, par la force des choses, légalement son complice »543

. Si du

point de vue juridique ce raisonnement est contesté par de nombreux auteurs, l’intérêt

répressif avancé pour justifier la solution suffit généralement à calmer les voix s’élevant

contre l’emploi de cette théorie. Pourtant, là encore, cet argument peut être balayé. En effet, la

537 En ce sens, v. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz, 2006,

n° 575. 538

C. pén., art. 221-4. 539

Restaurer la véritable qualification de coauteur à l’individu pourrait en effet permettre de lui faire emprunter

certaines circonstances personnelles de son associé, sous certaines conditions : v. infra n° 326 et s. 540

Elle serait même condamnée pour certains : v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,

préc., n° 406. 541

Contra v. notamment X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 153, pour qui « La construction est

acceptable car il ne s’agit jamais de décider du principe de la responsabilité pénale des participants, mais

seulement de la qualification pénale de leur geste : complicité ou coaction. ». 542

Dans le même sens, v. M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, préc., n° 96. 543

Cass. crim., 9 juill. 1848, préc.

Page 133: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

133

théorie de la complicité corespective est contestable tant du point de vue de la technique

juridique (α) que de son intérêt répressif (supposé…) (β).

α) Critique technique de la théorie

149. Contradiction entre les qualifications de complice et d’auteur pour un même

fait. – D’un point de vue juridique, la théorie de la complicité corespective conduit bien

évidemment à brouiller les frontières entre les modes de participation criminelle, dans une

matière où les difficultés sont déjà légion544

. En outre, la compatibilité avec le principe de

personnalité des peines a pu être discutée545

. Mais surtout, il convient de rappeler, à l’instar

d’un auteur546

, qu’ « il est impossible qu’un individu soit à la fois coauteur et complice dans

une même infraction ». Or, en traitant les différents agents comme complices les uns des

autres, la jurisprudence les considère en même temps comme de potentiels auteurs, et leur fait

endosser les qualités d’auteur et de complice pour la même infraction. L’absurdité du

raisonnement est à son comble : comment un même comportement pourrait s’analyser à la

fois comme un acte de complicité et comme un acte d’action547

? En outre, l’auteur

précédemment évoqué548

démontre que certes, « la coopération directe entraîne sans doute, a

fortiori, l’assistance, mais elle est bien plus, et, par conséquent, autre chose que

l’assistance »549

. La théorie de la complicité corespective revient en réalité à incriminer la

participation à l’infraction en tant que telle, sans distinguer entre ses formes. Là encore, ce

constat ne peut qu’être décrié. Mais s’il l’a été, il a souvent été occulté par l’intérêt répressif

du raisonnement. Pourtant, à ce titre également, la solution est contestable.

544 En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; S. FOURNIER,

« Complicité », préc., n° 25 ; C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes,

préc., n° 575. V. également supra n° 9 et 11. 545

V. J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, préc., p. 436; PH. SALVAGE, Les

infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités et la méthode du droit,

préc., n° 14. 546

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 904. 547

Comp. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 578, selon qui

chaque coauteur réalisant sa propre infraction, « il n’y aurait, à cet égard, aucune incohérence à considérer que

chacun participe à sa propre infraction à titre principal et à celle des autres à titre accessoire ». En revanche,

l’auteur prône également le rejet de la théorie de la complicité corespective en raison de l’indivisibilité des actes

commis par les auteurs et complices dans une telle situation, indivisibilité devant conduire à appliquer les règles

du concours idéal. Or, la valeur protégée par les violences et la complicité de violences étant la même, les

qualités de coauteur et de complice ne devraient pouvoir être retenues cumulativement. 548

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 904. 549

C’est nous qui soulignons.

Page 134: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

134

β) Absence d’intérêt répressif de la théorie

150. Usage de la théorie de la complicité inutile. – Souvent justifiée par un intérêt

répressif550

, la solution ne résiste pas à l’analyse. Cet argument lui-même, qui voudrait que

l’opportunité et la nécessité de punir sévèrement des délinquants associés à une entreprise

délictueuse permettent de combler les lacunes techniques du raisonnement, ne tient pas. En

effet, il n’est pas nécessaire de passer par la théorie de la complicité corespective pour

imputer le résultat dommageable le plus grave à tous les participants : la coaction est

suffisante et a le mérite de ne pas déformer les concepts. Ainsi, parce qu’elle est un mode de

participation criminelle, la coaction permet d’emprunter des éléments constitutifs de

l’infraction à ses autres coauteurs551

, et donc de considérer que chacun emprunte le coup le

plus grave qui a été porté. Il n’est pas nécessaire que chaque coauteur ait accompli l’ensemble

des éléments constitutifs de l’infraction pour être punissable. Le détour par la théorie de la

complicité, en plus d’être fort contestable juridiquement, est donc inutile si on retient un

critère finaliste : la répression se suffirait tout à fait de la coaction.

Le même constat vaut en matière d’imprudence commune.

B- La coaction envisageable en cas d’imprudence commune

151. Hypothèses. – L’imprudence commune, c’est-à-dire la réalisation par plusieurs

personnes d’une infraction involontaire, peut s’analyser comme le pendant des violences

collectives, dans son versant non intentionnel. C’est ainsi l’hypothèse dans laquelle plusieurs

personnes, par des fautes non intentionnelles, concourent au dommage d’une victime sans que

l’on puisse déterminer précisément quelle faute a produit ce dommage. Les enjeux soulevés

sont identiques à ceux évoqués en matière de violences collectives : faute de pouvoir établir

avec certitude le lien de causalité unissant chaque faute pénale au résultat infractionnel, faut-il

relaxer tous les individus ou les punir ? La jurisprudence n’a pas longtemps hésité, et si elle a

550 D’ailleurs, quand elle pourrait jouer en faveur des agents, la jurisprudence ne la retient pas : v. M. PUECH, Les

grands arrêts de la jurisprudence criminelle, préc., n° 95. 551

V. infra n° 326 et s.

Page 135: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

135

d’abord refusé de sanctionner les imprudents552

, elle a rapidement préféré tous les

condamner553

.

152. Fautes successives et fautes conjuguées. – Les situations dans lesquelles

plusieurs fautes d’imprudence contribuent à la production du même dommage sont très

nombreuses et reflètent des réalités distinctes. C’est ainsi que malgré le caractère involontaire

des infractions en cause, une entente peut parfois être caractérisée entre les différents fautifs,

laissant éventuellement place à la caractérisation d’une coaction. Pourtant, aucune

classification fondée sur un tel critère n’a été mise en place, l’entente relative aux infractions

involontaires étant une question très débattue554

. Pour tenter de clarifier les solutions en

matière d’imprudence commune, un auteur555

a mis en lumière une distinction entre deux

grandes séries d’hypothèses : soit les différentes fautes pénales à l’origine du résultat

dommageable peuvent être dissociées d’un point de vue spatio-temporel – il parle alors de

fautes concurrentes –, soit elles ne le peuvent – il parle alors de fautes conjuguées556

–. Bien

qu’elle ne soit pas fondée sur l’entente, cette distinction peut se révéler utile quant à la

coaction puisque le second cas de figure rappelle l’hypothèse des violences collectives

volontaires précédemment évoquées et pourrait alors en être le pendant en matière

involontaire. En revanche, lorsque les fautes pénales n’apparaissent pas comme étroitement

mêlées, on ne peut caractériser de scène unique, et considérer leurs auteurs comme des

participants à la même infraction semble bien artificiel. Il faut ainsi commencer par exclure

les fautes concurrentes du champ d’étude (1) pour mieux montrer que ce sont les fautes

552 Cass. crim., 22 mars 1966, JCP G 1967, II, 14970, note A. RIEG ; Rev. sc. crim. 1968, p. 67, obs. A. LEGAL :

en l’espèce, alors que quatre jeunes gens étaient poursuivis pour incendie involontaire après avoir fumé dans une

grange, la Cour de cassation refuse de caractériser l’infraction à leur égard, considérant qu’ « à défaut de

pouvoir établir une faute personnelle à la charge de l’un quelconque de prévenus, le doute devait bénéficier à

tous ». 553

Cass. crim., 7 mars 1968, Bull. n° 81; Rev. sc. crim. 1968, p. 628, obs. G. LEVASSEUR : en l’espèce, la

chambre criminelle a approuvé la condamnation de deux enfants ayant projeté des clous en direction d’un de

leurs camarades et l’ayant ainsi accidentellement blessé, alors même qu’il était établi qu’un seul de ces clous

avait effectivement atteint la victime. 554

V. supra n° 124 et s. 555

Y. MAYAUD, v. notamment Violences involontaires et responsabilité pénale, Coll. Dalloz Référence, Dalloz,

2003 ; Les fautes conjuguées, une notion originale aux effets limités, Rev. sc. crim. 1999, p. 323. V. également

Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité pénale ?, Une

certaine idée du droit, Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 475. 556

Mais toutes sont des fautes communes : « les fautes communes ne doivent pas être systématiquement

ramenées à des fautes conjuguées », Y. MAYAUD, Les fautes conjuguées, une notion originale aux effets limités,

Rev. sc. crim. 1999, p. 323.

Page 136: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

136

conjuguées, parce qu’elles laissent parfois place à une entente, qui permettent d’envisager la

coaction (2).

1- Exclusion des fautes concurrentes

153. Les fautes concurrentes, également appelées fautes successives, ne permettent pas

de qualifier leurs auteurs de coauteurs. En effet, ceux-ci agissent indépendamment les uns des

autres, sans aucune entente (b). Mais pour justifier cette affirmation, encore faut-il, au

préalable, définir les comportements envisagés (a).

a) Définition

154. Fautes successives. – Les fautes concurrentes participent d’une approche

chronologique des faits ayant conduit au dommage. Elles s’analysent ainsi comme des fautes

successives, aisément identifiables car non commises dans un même cadre spatio-temporel.

Même s’il est possible que ce type de faute soit commis par un seul auteur557

, c’est

évidemment l’hypothèse dans laquelle ils sont plusieurs qui intéresse la coaction.

Il en va ainsi du cas où un piéton est blessé suite à un accident de la route provoqué

par un conducteur imprudent. Il est transporté en ambulance à l’hôpital, mais en chemin, le

véhicule médical subit également un choc. Enfin, une fois parvenu à l’hôpital, le blessé est

victime d’une faute médicale de la part du chirurgien l’opérant et décède. Se pose alors la

question de savoir à qui imputer ce décès : au chirurgien ? Au second conducteur ? Au

premier ? Il est sûr que chacun d’entre eux a commis une faute pénale, mais on ne peut

connaître le résultat précis de cette faute : sans le second choc ou la faute du médecin, il n’est

ainsi pas exclu que la victime ait survécu, ou soit malgré tout décédée558

. Cependant, une

certitude peut être établie : toutes ces fautes sont des antécédents nécessaires du résultat final,

557 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 757

et s. 558

Pour des exemples jurisprudentiels, v. notamment, concernant des accidents du travail, Cass. crim., 14 déc.

1967, Bull. n° 326 ; 27 janv. 1971, Bull. n° 28 ; Rev. sc. crim. 1971, p. 942, obs. G. LEVASSEUR ; concernant des

opérations chirurgicales, Cass. crim., 14 janv. 1971, Bull. n° 13 ; ou encore dans le domaine maritime, Cass.

crim., 30 mai 1980, Bull. n° 166 ; Rev. sc. crim. 1981, obs. G. LEVASSEUR.

Page 137: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

137

le décès. C’est là appliquer la théorie de l’équivalence des conditions559

pour établir le lien de

causalité entre chaque comportement et son résultat. Or, la jurisprudence admet de façon

constante que si la causalité doit être certaine, elle n’a pas pour autant à être directe et

exclusive560

.

155. Corrélation et absence de coaction. – Ces différentes fautes permettent ainsi

d’imputer à leurs auteurs respectifs l’infraction finale. Comme elles sont successives, ce n’est

pas la concomitance qui les unit, mais un lien de « corrélation »561

, permettant de « respecter

[l’] identité »562

de chaque faute. Pour l’auteur évoqué, c’est là reconnaître « l’hypothèse […]

classique de la coactivité, selon laquelle plusieurs personnes peuvent, par leurs fautes

respectives, contribuer à la production d’un même dommage »563

. Pour autant, si ce constat se

comprend lorsque l’on envisage la coaction comme une simple juxtaposition d’actions, il ne

peut être approuvé si l’on considère ce mode d’imputation comme une véritable participation

à l’infraction. En effet, à défaut d’entente entre les auteurs de chaque faute, on ne peut les

qualifier de coauteurs.

b) Absence d’entente

156. Incompatibilité entre l’entente et les situations évoquées. – Dans les hypothèses

évoquées, les événements s’enchaînent, le plus souvent sans même que les protagonistes ne se

connaissent. Aucune entente préalable à l’infraction ne peut donc être établie. En outre, le

constat est le même s’agissant d’une entente instantanée : comment concevoir une adhésion,

même muette et spontanée, à une suite d’événements non intentionnels ? S’il est certainement

559 Sur les différentes théories de la causalité, v. notamment A. DECOCQ, Droit pénal général, Paris, Coll. U,

Armand Colin, 1971, p. 186 ; M. NAGUIB HOSNI, Le lien de causalité en droit pénal, thèse, Imp. Université du

Caire, 1955 ; M. MAHDAVI SABET, Essai sur la notion de lien de causalité en droit pénal français, thèse, Paris II,

1987 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Tome I, 7ème

éd., Paris, Cujas, 1997, n° 565, p. 706. ; CH.

QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité civile, Dalloz, NBT, 2010, n° 14 et s. 560

Cass. crim., 14 fév. 1996, Bull. n° 78, Rev. sc. crim. 1996, p. 856, obs. Y. MAYAUD. Certes, ces décisions sont

antérieures à la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, et

qui vient modifier les conditions d’engagement de la responsabilité des personnes physiques en cas de faute

d’imprudence. Cependant, même si cette loi distingue selon que la causalité est directe ou indirecte, elle

maintient l’exigence de l’établissement préalable d’un lien de causalité certain. Or, ce dernier pourra encore être

établi par l’application de la théorie de l’équivalence des conditions. 561

Y. MAYAUD, obs. sous Cass. crim., 14 fév. 1996, préc., Rev. sc. crim. 1996, p. 856. 562

Ibid. 563

Ibid.

Page 138: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

138

concevable de constater une entente quant à un état d’esprit imprudent lorsque des faits

simultanés conduisent au dommage564

, cela n’est plus le cas quand ce sont différentes fautes,

s’étalant dans le temps, qui concourent à ce dernier. L’entente, même de fait, implique une

direction de la volonté (volonté de s’associer) et donc une connaissance, même erronée, du

rôle que tiendra son coparticipant, incompatibles avec les situations décrites ici. En effet,

comment l’auteur d’un accident de la route pourrait-il savoir que la personne qu’il vient de

percuter sera également victime d’une faute médicale de la part du chirurgien devant

l’opérer ? Et, a fortiori, comment pourrait-il décider de s’y associer ?

D’ailleurs, le terme même de « fautes concurrentes » témoigne de l’absence d’entente.

Si l’adjectif « concurrent » peut désigner le fait d’apporter son concours565

, il évoque

également une opposition d’intérêts en contradiction avec toute idée d’entente.

157. Simple juxtaposition d’actions. – Ainsi, même en raisonnant sur une simple

entente de fait, les fautes successives ne permettent pas d’envisager la coaction. Pour

reprendre l’exemple précédent, les différents conducteurs ainsi que le chirurgien sont chacun

auteurs de l’homicide involontaire, leurs actions successives sont juxtaposées, mais en aucun

cas ils ne peuvent être qualifiés de coauteurs de l’infraction.

En revanche, la réponse semble moins tranchée lorsque les fautes d’imprudence à

l’origine d’un dommage relèvent du même cadre spatio-temporel, et constituent ainsi des

fautes conjuguées.

2- Exigence de fautes conjuguées

158. A la différence des fautes concurrentes, les fautes conjuguées permettent

d’appréhender leurs auteurs comme des coauteurs car elles laissent place à la caractérisation

d’une entente. Pour autant, ce n’est pas parce qu’une entente est envisageable dans ces

hypothèses qu’elle est nécessairement présente. Il existe en réalité deux grands cas de figure,

selon que les fautes conjuguées sont unies par un lien plus ou moins fort. C’est pourquoi il

apparaît nécessaire de définir ce type de fautes (a), afin de montrer que ce n’est qu’à la

condition supplémentaire d’une entente que la coaction sera envisageable (b).

564 V. infra n° 159.

565 Dont il a déjà été démontré qu’il ne se confondait pas avec l’entente : v. supra n° 96.

Page 139: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

139

a) Définition

159. Fautes simultanées. – Les fautes conjuguées, parfois également appelées fautes

simultanées, s’analysent comme une technique jurisprudentielle visant à établir un lien de

causalité entre différentes fautes non intentionnelles, proches d’un point de vue spatio-

temporel, et les dommages subis par la victime. Plus précisément, elles « s’entendent de la

participation commune de plusieurs personnes à une action dangereuse, et de la création

d’un risque grave pour les tiers du fait de cette action »566

. Elles se déroulent en un même lieu

et dans un même trait de temps, si bien qu’il apparaît impossible de déterminer laquelle a

effectivement causé le dommage567

.

C’est ainsi l’hypothèse de deux conducteurs imprudents qui heurtent une victime l’un

après l’autre sans que l’on ne sache lequel a causé le décès de celle-ci568

. C’est encore le cas

d’un groupe de chasseurs tirant sans visibilité dans la même direction et touchant un

promeneur, sans que l’on ne puisse déterminer l’auteur du coup de feu ayant atteint ce dernier.

Les exemples sont nombreux569

, et la jurisprudence reprend généralement le motif

suivant pour retenir la responsabilité de tous les participants : les agents « ont participé

ensemble à une action dangereuse et créé, par leur commune imprudence, un risque grave

dont un tiers a été la victime »570

.

160. Distinction avec les fautes « aux effets conjugués ». – Mais le vocabulaire utilisé

par la Cour de cassation peut être trompeur. Ainsi la jurisprudence a-t-elle plusieurs fois

retenu « les négligences et inobservations des règlements imputables à chacun des prévenus

et dont les effets conjugués ont été la cause directe de la mort de [la victime] »571

. Cette

référence aux « effets conjugués » des différentes fautes pourrait laisser croire que ces

566 Y. MAYAUD, Violences involontaires et responsabilité pénale, préc., n° 61.61, p. 191.

567 V. Y. MAYAUD, Les « fautes conjuguées », une notion originale aux effets limités, chron. sous Cass. crim., 4

nov. 1998, Rev. sc. crim. 1999, p. 323, selon qui les fautes conjuguées présentent entre elles « un lien

doublement unitaire, à la fois dans le temps et dans l’espace ». 568

Cass. crim., 12 avr. 1930, Bull. n° 214. 569

Par exemple, concernant un homicide involontaire par trafic de stupéfiants : CA Limoges, 4 juin 1997, Rev.

sc. crim. 1998, p. 549, chr. Y. MAYAUD ;concernant des imprudences lors de la pratique du bobsleigh : CA

Chambéry, 8 mars 1956, JCP G 1956, II, 9224, obs. R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956, p. 532, obs. A. LEGAL. 570

Cass. crim., 23 juillet 1986, Bull. n° 243, JCP 1987, II, 20897, note J. BORRICAND; Gaz. pal. 1987, Jur. p.

104, note J.-P. DOUCET. 571

V. notamment : Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326 (concernant la mise en circulation de viande avariée ) ;

concernant des imprudences lors de travaux de construction : Cass. crim., 27 janv. 1971, Bull. n° 28 (concernant

des imprudences lors de travaux de construction ).

Page 140: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

140

dernières s’apparentent à des fautes conjuguées. Pourtant, il n’en est rien. Ainsi, dans l’arrêt

rendu par la Chambre criminelle le 14 décembre 1967 relatif à la mise en circulation de

viande avariée, les juges reprennent ce motif. Or, en l’espèce, trois fautes distinctes et

successives avaient été commises par trois personnes différentes : l’une avait abattu le poulain

chez elle et non à l’abattoir, le vétérinaire, sachant l’animal malade, n’avait procédé à aucune

analyse, et enfin, la troisième n’avait pas déclaré en mairie que le poulain avait été abattu en

dehors de l’abattoir. Après avoir ingéré la viande, plusieurs personnes s’étaient trouvées

malades, et l’une d’entre elles était décédée.

Il est certain que ces différentes fautes, loin d’être simultanées, se succèdent dans le

temps. Elles sont d’ailleurs en parfaite adéquation avec la définition donnée précédemment

des fautes successives, qui, comme le relève un auteur, procèdent moins « d’une unité

d’action, que d’une complémentarité d’effets »572

. Elles ne devraient donc pas être qualifiées

de fautes conjuguées573

.

161. Conscience de s’associer non nécessaire. – Quoi qu’il en soit, face à de réelles

fautes conjuguées et comme en matière de violences collectives, la Cour de cassation fusionne

les comportements fautifs pour n’en retenir qu’un dont le lien de causalité avec le dommage

sera plus aisé à établir574

. En réalité, il semble donc que ce soit le fait d’avoir participé à une

action dangereuse que sanctionne la jurisprudence. Pourtant, si un tel raisonnement peut être

admis575

, il serait excessif de conclure à une nécessaire participation des différents agents à

l’infraction. En effet, il est certes concevable de s’associer à une imprudence et donc de

participer à une infraction non intentionnelle576

, mais les différentes hypothèses de fautes

conjuguées ne permettent pas toujours de caractériser cette volonté, ni même une simple

conscience de s’associer. Ainsi, dans le premier exemple relatif aux chocs successifs, le

second conducteur ne pouvait prévoir le heurt précédent, et ne pouvait donc vouloir y

participer. De ce fait, il ne peut s’analyser comme un coauteur de l’homicide involontaire,

mais simplement comme un de ses auteurs. A ce titre, il semble alors peut-être excessif et

trompeur de parler de « commune imprudence », l’imprudence se contentant parfois d’être

572 Y. MAYAUD, Les « fautes conjuguées »,une notion originale aux effets limités, préc.

573 Contra X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 159.

574 Sur la causalité, v. infra n° 177 et s.

575 V. A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n°

769 et s. 576

V. supra n° 57.

Page 141: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

141

simultanée (ou quasi simultanée). Ainsi, si la coaction peut être envisagée dans le cadre des

fautes conjuguées, elle ne sera pas nécessairement caractérisée. Il faut pour ce faire constater

une entente nécessaire à l’établissement d’une véritable imprudence commune.

b) Exigence supplémentaire d’une entente

162. Entente spontanée. – Pour distinguer entre de simples fautes d’imprudence

simultanées et une véritable imprudence commune, c’est en réalité à l’existence ou à

l’absence d’une entente entre les différents agents qu’il convient de se référer. Bien

évidemment, comme il l’a été vu577

, il est question de la caractérisation d’une entente

spontanée. Dans le même sens, mais sans aller aussi loin, un auteur parle ainsi de « scène

unique [présente] psychologiquement »578

.

Si l’on reprend alors les exemples précédents relatifs aux chocs successifs entre une

victime et des véhicules ainsi qu’aux chasseurs blessant un promeneur, la différence entre les

deux situations apparaît : tandis que les conducteurs ne savent rien de l’imprudence commise

par l’autre, les chasseurs, eux, sont témoins de leurs fautes respectives et s’y associent

consciemment, même si la décision est prise en une fraction de seconde et non réfléchie.

Du reste, et de même qu’en matière intentionnelle concernant la participation à une

scène unique de violences579

, le fait que les différents protagonistes ne se connaissent pas

n’empêche aucunement de caractériser une entente spontanée. L’exemple des chasseurs en

témoigne : ils n’ont pas à appartenir au même groupe pour réaliser une imprudence commune.

De même, il est possible d’imaginer pareille situation en matière de collisions successives

également : ce sera par exemple le cas de deux conducteurs de voitures puissantes qui,

circulant sur l’autoroute, décident tacitement de se livrer à une course et heurtent un troisième

véhicule suite aux risques pris.

163. Sanction de l’excitation à l’imprudence. – Dans ces hypothèses d’entente

spontanée, c’est l’excitation mutuelle qui crée le risque et invite à l’imprudence qui est

sanctionnée. C’est d’ailleurs là, d’après un auteur, l’unique justification de la répression de

577 V. supra n° 124 et s.

578 J. LARGUIER , Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation

ou de causalité , Rev. sc. crim. 1973, p. 882 et s., spéc. p. 884. 579

V. supra n° 134 et s.

Page 142: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

142

ceux qui n’ont en réalité causé aucun dommage. Il considère ainsi qu’« une telle solution ne

peut se justifier rationnellement, semble-t-il, que dans des circonstances […] où les activités

dangereuses constituant des fautes joueraient en même temps le rôle d’excitation consciente à

l’égard des autres participants, poussant ceux-ci à agir de la même manière, ou à

continuer »580

.

L’exemple type de cette situation est celui du passager d’un véhicule encourageant le

conducteur à accélérer ou doubler une autre voiture sans visibilité ou encore à passer un feu

rouge. Les exemples jurisprudentiels sont nombreux581

. Or, dans ces hypothèses, les juges

fluctuent quant à la qualification à retenir à l’égard des deux agents : sont-ils coauteurs, auteur

et complice, auteurs direct et indirect582

, voire conducteur de droit et conducteur de fait583

?

Pour répondre à cette question, il conviendrait en premier lieu de caractériser l’entente

unissant le passager et le conducteur. Or, celle-ci est loin d’être obligatoire, en particulier si le

passager prend de lui-même les commandes du véhicule, ce dont témoigne l’arrêt rendu par la

Chambre criminelle le 22 juin 2005584

. En l’espèce, alors que la conductrice doublait un

camion sur une voie rapide, son passager a brusquement tiré le frein à main, provoquant un

accrochage avec le camion. Fort logiquement, la Cour le considéra comme un conducteur de

fait, et donc comme le seul auteur de l’infraction de mise en danger d’autrui de l’article 223-1

du Code pénal. Surtout, et en second lieu, il serait nécessaire de s’interroger sur l’existence

d’un fait unique puisque comme le montrent certains585

, auteurs direct et indirect ne

participent pas à la même infraction, mais réalisent chacun une infraction distincte,

respectivement d’imprudence simple et d’imprudence qualifiée. Ils ne pourront donc être

qualifiés de participants à la même infraction. Toutefois, si la faute qualifiée est considérée

non comme un élément constitutif de l’infraction mais comme une condition de son

imputation comme le montrent d’autres586

, il serait alors possible de caractériser un fait

580 J. LARGUIER , Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation

ou de causalité , préc., spéc. p. 884. 581

V. notamment Cass. crim., 18 mars 2003, Bull. n° 70 ; Dr. pén. 2003, Comm. 95, obs. M. VERON ; CA Reims

7 juil. 2004, Dr. pén. 2005, comm. 142, obs. M. VERON. 582

Sur cette question, v. I. MOINE-DUPUIS, Complicité et contribution à une infraction non intentionnelle, un

choix trop libre, Rev. pénit. dr. pén. 2005, p. 277 ; F. ROUSSEAU, Complice ou auteur indirect d'une infraction

non intentionnelle ?, Dr. pénal 2007, Etude n° 11. 583

Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192; Rev. sc. crim. 2006, Chron. p. 73, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE. 584

Préc. 585

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 328 et s. 586

J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, in Le risque pénal dans

l’entreprise, Litec, 2003, n° 177.

Page 143: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

143

unique. Plus encore, « la distinction entre l’auteur direct et indirect, dans le domaine des

infractions non intentionnelles dommageables, ferait écho à la distinction, plus générale,

entre l’auteur et le complice »587

. Or, la première solution paraît préférable. En effet, en

considérant la faute qualifiée comme une condition d’imputation, il semble que l’on exige la

caractérisation d’une faute simple et donc l’existence d’un auteur direct au titre de la

constitution de l’infraction. Pourtant, il est possible de concevoir des exemples dans lesquels

aucune faute simple ne peut être retenue, ce dont la jurisprudence témoigne588

. Ainsi, la

chambre criminelle a considéré qu’étaient auteurs indirects des homicides et blessures non

intentionnels de plusieurs employés, intervenus suite à l’explosion d’une chaudière, un chef

d’entreprise et un inspecteur de l’APAVE alors même qu’aucune faute simple et donc

qu’aucun auteur direct n’avaient été retenus589

. Dès lors, il semble préférable de considérer

qu’auteurs direct et indirect réalisent chacun une infraction distincte, et ne peuvent, en

conséquence, être qualifiés de participants à une infraction commune590

.

164. Par conséquent, ce n’est que lorsqu’ils s’associent à un fait unique et ont la volonté

de le faire que les agents devraient être qualifiés de participants à l’infraction. Dans une telle

hypothèse, le passager ne devrait donc pas pouvoir être auteur de l’infraction (faute de réaliser

lui-même les éléments constitutifs de l’infraction), mais serait nécessairement coauteur ou

complice. Quant à savoir quelle qualification préférer entre les deux, cela relève d’autres

critères591

.

165. Conclusion de la section 2. – Ainsi, si les coauteurs sont soumis à l’exigence

d’une entente, l’objet de cette dernière est en revanche indifférent. Que l’entente porte sur le

résultat ou sur l’acte infractionnels, la coaction pourra être sanctionnée. Partant, ce titre

587 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 328, citant en ce sens J.-C. SAINT-PAU,

La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, préc., p. 112 et 113 et I. MOINE-DUPUIS, Complicité

et contribution à une infraction non intentionnelle, un choix trop libre, RPDP 2005, p. 277. 588

Dans le même sens, F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 329 et s. 589

Cass. crim., 13 févr. 2001, Bull. n° 41. 590

Dans le même sens, v. E. DREYER, La causalité directe de l’infraction, préc., selon qui « il aurait fallu

inventer un mode de participation nouveau » dans de telles hypothèses. V. également F. ROUSSEAU,

L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 329, selon qui « l’imputation de l’infraction à l’auteur

indirect ne constitue pas une imputation participative ». 591

V. infra Titre 2. (Tout dépendra en particulier des relations unissant les participants : si des liens de

subordination existent, les qualifications d’auteur principal et complice devraient être préférées à celle de

coauteurs : voir plus spécialement n° 237 et s.).

Page 144: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

144

d’imputation peut concerner des infractions intentionnelles comme non intentionnelles. Il

permet alors la répression des violences collectives et des imprudences communes, sous

réserve qu’une entente soit caractérisée entre les différents protagonistes.

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145

Conclusion du chapitre 2

166. L’exigence d’une entente entre coauteurs. – Parce qu’elle est nécessaire à la

coaction, l’entente apparaît donc comme un critère de définition de ce mode de participation.

Certes, elle n’est certainement pas un critère de distinction entre complicité et coaction

puisque complice et auteur principal peuvent avoir en commun une volonté de s’associer,

mais elle est au moins un critère d’exclusion : à défaut d’entente, aucune coaction ne sera

envisageable, tandis que la complicité reste concevable. Surtout, l’entente fonde l’objet de la

coaction, en montrant que ce dernier ne peut être qu’une même et unique infraction. En

participant à la même infraction, les coauteurs tombent alors nécessairement sous le coup de

la même qualification pénale. En revanche, cette conséquence ne se retrouve pas s’agissant de

la complicité, laissant entrevoir une autre différence entre ces deux titres d’imputation : parce

que l’entente n’est pas nécessaire à la complicité, elle permet que le complice ne participe

qu’au fait matériel délictueux réalisé par l’auteur principal, et non à l’infraction dans son

ensemble. L’unité de qualifications entre complice et auteur principal n’est ainsi pas

automatique, et l’absence d’exigence d’une entente entre ces deux agents laisse au contraire

place à une éventuelle disparité entre les qualifications qui leur seront reprochées.

167. L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs. – Exiger une entente entre

coauteurs ne conduit cependant pas à restreindre le champ d’application de ce mode de

participation criminelle. En effet, l’entente pouvant porter aussi bien sur le résultat que sur

l’acte infractionnels, elle n’empêche pas d’envisager une coaction à l’égard d’infractions

intentionnelles comme non intentionnelles. Plus encore, cette indifférence à l’objet de

l’entente permet non seulement de réprimer les violences collectives et imprudences

communes, mais aussi de justifier pleinement leur répression.

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147

Conclusion du titre 1

168. Un mode de participation criminelle. – En tant que mode de participation

criminelle, la coaction se rapproche de la complicité. Comme cette dernière, elle s’épanouit au

sein des infractions commises collectivement. Surtout, toutes deux exigent une volonté de

s’associer, condition de leur qualification de modes de participation criminelle.

169. Un mode de participation à une infraction unique. – Pour autant, ces deux titres

d’imputation ne peuvent être assimilés. En effet, la coaction est soumise à la caractérisation

d’une entente entre coauteurs alors que la complicité n’impose pas une telle relation entre le

complice et l’auteur principal. Cette réciprocité dans la volonté de s’associer, propre à la

coaction, crée alors une véritable interdépendance entre coauteurs qui implique que la

coaction ne peut se concevoir qu’à l’égard d’une infraction unique. Mais cette infraction

unique possède un particularisme. En effet, chaque coauteur, pour être qualifié comme tel,

doit également démontrer des traits communs avec la qualification d’auteur de l’infraction. A

ce titre, il doit faire sienne l’infraction afin qu’elle puisse être considérée non comme

l’infraction d’autrui mais comme sa propre infraction. Dès lors, la coaction s’analyse non

seulement comme un mode de participation criminelle, mais surtout comme un mode de

participation à sa propre infraction.

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149

Titre 2- Un mode de participation à sa propre infraction

170. Insuffisances d’un simple critère subjectif. – Dire que la coaction s’analyse

comme un mode de participation à sa propre infraction, c’est à première vue s’appuyer sur le

courant subjectiviste pour la définir. En effet, les chantres de ce dernier considèrent comme

auteur ou coauteur celui qui a agi animo auctoris, c’est-à-dire avec la volonté d’accomplir sa

propre infraction, par opposition à celui agissant animo socii, c’est-à-dire avec la volonté de

s’associer à l’infraction d’autrui, qui ne sera qu’un simple complice592

. ROUX énonçait ainsi

que « le coauteur est celui qui agit dans son intérêt propre et pour la satisfaction d’un intérêt

personnel ; il commet son crime ou son délit ; en un mot, il a l’âme d’un auteur (animus

auctoris). Le complice, au contraire, est celui qui n’intervient que dans l’intérêt et pour le

compte d’autrui, qui participe à un crime ou à un délit qui lui est étranger ; en d’autres

termes, il a l’esprit d’un auxiliaire (animus socii) »593

. Or, ce critère a été beaucoup décrié, à

juste titre d’ailleurs. Ainsi, comment connaître, de façon sûre, l’état d’esprit des différents

agents ? En outre, comme le font remarquer différents auteurs594

, il est souvent bien illusoire

de croire que l’agent lui-même se soit interrogé quant à savoir s’il ne faisait que s’associer à

l’infraction d’autrui, ou s’il commettait sa propre infraction. Dès lors, la mise en application

concrète d’un tel critère se révèlerait impossible. Pour autant, malgré la pertinence de ces

critiques, il ne faut peut-être pas l’évincer trop rapidement. En effet, plutôt que de choisir les

investigations dans les pensées des agents comme point de départ du raisonnement, peut-être

conviendrait-il d’en faire une conséquence. Il faudrait ainsi déduire l’état d’esprit de

l’individu à partir d’indices matériels qui, eux, permettraient de dire s’il a commis sa propre

infraction ou s’est associé à celle d’autrui. C’est d’ailleurs couramment ce que fait le juge afin

592 Sur la distinction entre complice et coauteur selon le courant subjectiviste, v. supra n° 7. V. également

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554). 593

J.-A. ROUX, note sous Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, I, 41. 594

V. notamment P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de

participation à l’infraction, RID pén. 1957, p. 175; L. JIMENEZ DE ASUA, L’orientation moderne des notions

d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, RID pén. 1957, p.493 et s. ; R. MERLE et A. VITU,

préc., n° 554.

Page 150: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

150

de retenir l’élément moral ayant prévalu à la commission d’une infraction : l’utilisation d’une

arme à feu, en fonction des circonstances, permet ainsi de déduire l’intention homicide d’un

agent par exemple. La jurisprudence n’hésite d’ailleurs pas à déclarer que « l’élément

intentionnel résulte de la nature même du délit et n’a pas besoin d’être affirmé par le

juge »595

. Plus précisément, ce sont les circonstances de fait, laissées à l’appréciation

souveraine des juges du fond, qui vont permettre de révéler la volonté du comportement ou

non. Par exemple, la Cour de cassation a admis que l’intensité du coup donné à la victime

pouvait faire présumer l’animus necandi de son auteur596

. Cette solution permet ainsi

d’affirmer que « le comportement est en quelque sorte la préfiguration du résultat, y compris

dans sa dimension psychologique et morale »597

. Dès lors, le même raisonnement peut être

appliqué à la question du titre d’imputation, afin de déterminer si un comportement doit être

analysé comme faisant état d’une participation à sa propre infraction ou à celle d’autrui.

171. Combinaison avec des critères objectifs. – Mais quid alors de ces indices

matériels pour dire qu’il y a participation à sa propre infraction et donc coaction ? Peut-être

convient-il de se tourner vers la définition de l’auteur, qui, lui, réalise sa propre infraction. Il

est ainsi celui qui, par ses actes matériels, produit le résultat infractionnel. L’infraction est

sienne car, par ses actes individuels, il la cause. Il détient donc un véritable pouvoir d’action

sur l’infraction. Mais plusieurs personnes peuvent disposer d’un tel pouvoir sur une même

infraction. Il semble alors parfaitement logique que cet aspect se retrouve dans la coaction, le

terme même de coaction invitant évidemment à utiliser le sens de celui d’action pour le

définir. Le coauteur serait donc également doté d’un pouvoir d’action sur l’infraction, à ceci

près qu’il le détient avec au moins un autre individu598

.

Reste alors à préciser ce qu’est ce pouvoir d’action. Avoir un pouvoir d’action, c’est

être capable d’influer sur le déroulement des événements. Appliqué à l’infraction, c’est alors

être en mesure de contrôler le déroulement de l’infraction, sa réalisation, et donc son résultat.

Raisonner en termes de pouvoir d’action renvoie donc au comportement du coauteur mais

aussi au lien de causalité existant entre ce comportement matériel et le résultat de l’infraction.

595 Cass. crim., 16 janv. 1947, Bull. n° 23.

596 Cass. crim., 9 janv. 1990, Bull. n° 15 ; Rev. sc. crim. 1990, p. 337, obs. G. LEVASSEUR.

597 Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 228, p. 247 in fine.

598 Cet exercice à plusieurs pourrait remettre en cause l’idée d’un véritable pouvoir d’action : celui-ci existe-il

réellement lorsqu’il est partagé ? La réponse est positive dès lors qu’il y a une égalité entre les différents

participants : v. infra n° 279 et s.

Page 151: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

151

Or, chacun de ces aspects a déjà été envisagé par la doctrine en tant que critères objectifs de

définition du coauteur599

. Ainsi, qualifier la coaction de participation à sa propre infraction

revient à mêler des critères objectifs et subjectifs ou plus exactement, à traduire

matériellement le critère subjectif, pour la définir. Etre coauteur suppose alors, comme il vient

de l’être dit, d’être en mesure d’influer sur la façon de réaliser l’infraction, mais également sur

le résultat de celle-ci. Or, déterminer la nature exacte de l’influence du coauteur sur le résultat

de l’infraction permettra de généraliser quel type d’actes permet d’atteindre ce résultat. C’est

pourquoi il convient de s’intéresser en premier lieu à la participation du coauteur au résultat

infractionnel collectif (Chapitre 1), avant de voir sa participation au comportement

infractionnel collectif (Chapitre 2).

599 V. infra n° 3.

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153

Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif

172. Considérer que le coauteur participe à sa propre infraction, c’est exiger qu’il ait

une influence sur celle-ci. En effet, pour prendre part à l’infraction, encore faut-il qu’il

démontre son rôle sur cette dernière. Or, cette influence se traduit d’abord par une

participation au résultat de l’infraction collective. En d’autres termes, il convient de s’assurer

que le comportement du coauteur pourra être mis en relation avec le résultat de l’infraction

collective en tant que cause de celui-ci.

De prime abord, il semble assez évident, voire relever d’un truisme, de dire qu’il faut

que le coauteur soit une cause de l’infraction. En effet, à défaut, comment pourrait-on le lier à

cette dernière, de quoi serait-il coauteur, et pourquoi le punir ? Malgré l’évidence de cette

affirmation, elle mérite d’être approfondie. Il n’est ainsi pas suffisant d’énoncer que le

coauteur doit avoir causé l’infraction, ce constat doit être affiné. Suffit-il que le coauteur soit

une cause de l’infraction parmi d’autres ou doit-il être une cause précise, telle que

déterminante ou directe600

? Il convient alors de démontrer l’exigence d’une contribution

causale à l’infraction collective chez le coauteur (Section 1) pour mieux apprécier l’intensité

de cette contribution (Section 2).

Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction

173. Considérer qu’un participant à une infraction doit s’analyser comme une cause de

celle-ci semble à première vue relever de l’évidence. En prenant part à celle-ci, il en est

nécessairement à l’origine, au moins de façon éloignée. Ainsi, celui qui donne des indications

sur les habitudes des occupants d’une maison contribue au vol commis dans cette dernière, en

le facilitant. Pourtant, certains auteurs et certaines décisions jurisprudentielles ont parfois pu

faire douter de cette nécessité d’un lien de cause à effet entre les actes du participant et

600 Sur le sens de ces différents termes, v. infra n° 229 et 230.

Page 154: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

154

l’infraction effectivement commise, en particulier en matière de complicité. Dès lors, s’il était

avéré que cette dernière forme de participation était réellement moins exigeante que la

coaction quant à la certitude du lien de causalité l’unissant à l’infraction réalisée, cette

exigence d’une contribution causale à l’infraction pourrait apparaître comme un critère

distinctif entre complicité et coaction. Il convient donc de s’intéresser à cette condition à

l’égard de chacune des formes de participation, en recherchant d’abord l’exigence de causalité

en matière de coaction (§1), puis en matière de complicité (§2).

§1- L’exigence de causalité en matière de coaction

174. Pour certains, la coaction n’est rien de plus qu’une juxtaposition d’actions. Sans

adhérer à cette définition601

, il faut pourtant admettre que la coaction se rapproche

nécessairement de l’action. En effet, outre l’argument étymologique602

, tout comme cette

dernière, elle s’apparente à une cause de l’infraction. Ce caractère n’a jamais été discuté en

doctrine tant il semble évident, si bien que les auteurs ne s’interrogent généralement pas à son

sujet, préférant débattre de la nature ou encore des caractères pouvant définir le lien de

causalité unissant les actes du coauteur au résultat pénal. Or, bien que l’exigence de ce lien de

causalité ne soit pas discutée, il reste que sa caractérisation n’est pas aussi aisée qu’en cas

d’unique protagoniste. Si l’exigence d’une contribution causale en matière de coaction est

empruntée à l’action (A), elle n’en demeure pas moins adaptée à ce mode d’imputation (B).

A- Une exigence empruntée à l’action

175. L’auteur, cause du résultat infractionnel. – De façon générale, l’auteur d’une

infraction se définit comme celui qui l’accomplit, c’est-à-dire celui qui en réalise les éléments

constitutifs. En d’autres termes, c’est celui qui produit le résultat infractionnel. Il en est donc

la cause. D’ailleurs, le lien de causalité entre ses agissements et le résultat est une des

conditions de sa répression. Le législateur le prévoit parfois expressément. Ainsi considère-t-il

qu’en cas de faute d’imprudence, « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le

601 V. supra n° 55.

602 V. supra n° 14.

Page 155: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

155

dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du

dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables

pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une

obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit

commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité

qu'elles ne pouvaient ignorer »603

. Implicitement, ce texte démontre l’exigence de causalité en

distinguant entre le caractère direct ou indirect de celle-ci. Plus clairement encore, certains

textes incriminent le fait de « causer » la mort ou des blessures à autrui604

.

Du reste, la jurisprudence est particulièrement vigilante sur ce point : elle exige

expressément une causalité certaine605

et n’hésite pas à approuver la relaxe d’individus

poursuivis pour homicide involontaire lorsque le lien de causalité entre leurs agissements et le

décès n’est pas certain606

.

Condition essentielle de l’action, la causalité entre les actes de l’agent et le résultat de

l’infraction doit donc nécessairement se retrouver en matière de coaction. D’ailleurs, en droit

civil, la coaction se définit généralement comme l’action conjuguée de plusieurs personnes

ayant engendré un dommage607

. C’est donc principalement par son pouvoir causal qu’est

défini le coauteur, témoignant du rôle central de ce critère.

176. Suffisance d’une causalité concrète en matière d’action. – Mais dans

l’hypothèse où il n’y a qu’un seul protagoniste, et donc un auteur unique, la question de la

causalité pose généralement moins de difficultés que lorsque plusieurs individus sont

concernés. On raisonne en effet sur une causalité concrète, en s’interrogeant sur le fait de

603 C. pén., art. 121-3.

604 C. pén., art. 221-6, 222-19 et s.

605 V. notamment Cass. crim., 11 déc. 1957, Bull. n° 829, JCP 1958, II, 10423 : « les juges saisis d’une poursuite

pour homicide et blessures involontaires ne sauraient retenir cette infraction à la charge du prévenu qu’à la

condition que l’accident survenu se rattache de façon certaine, même indirectement, par une relation de cause à

effet avec la faute reprochée au prévenu » ; 24 oct. 1973, Bull. n° 378, D. 1973, IR 222 : la répression des

homicides et blessures non intentionnels, si elle n’exige pas un lien de causalité direct et immédiat entre

l’imprudence du prévenu et le décès ou les blessures de la victime, « encore faut-il que l’existence de ce lien soit

certaine » ; v. également Cass. crim., 5 oct. 2004, Bull. n° 230, D. 2005, Pan. 1525, obs. S. MIRABAIL, AJ pén.

2005, p. 25, obs. J. COSTE, Gaz. Pal. 2004, 2, 3831, concl. PH. COMMARET, Rev. sc. crim. 2005, p. 71, obs. Y.

MAYAUD ; 14 mai 2008, Bull. n° 112, D. 2009, Pan. 128, obs. T. GARE, AJ pén. 2008, p. 371, obs. C. DUPARC,

Dr. pén. 2008, Comm. 111, obs. M. VERON. 606

V. notamment Cass. crim., 25 avr. 1967, Bull. n° 129, Gaz. Pal. 1968, I, 343 ; 8 janv. 1985, Gaz. Pal. 1986, I,

Somm. 124 ; 10 janv. 1991, Dr. pén. 1991, p. 169, Rev. sc. crim. 1992, p. 77, obs. G. LEVASSEUR ; 22 mars

2005, Dr. pén. 2005, p. 103, obs. M. VERON. 607

V. notamment B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Obligations, T. 1, Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème

éd., 1996.

Page 156: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

156

savoir si le comportement de l’individu a effectivement engendré le résultat pénal en

question : sans son acte, ce résultat aurait-il eu lieu ? Si la réponse est positive, le lien de

causalité ne pourra être établi, si elle est négative, il le pourra. Ainsi, c’est le fait que

l’individu ait effectivement produit le résultat incriminé qui est pris en compte, peu importe

qu’il en ait été la cause adéquate608

.

Cependant, dès lors qu’il y a pluralité de participants, de nouvelles difficultés peuvent

s’ajouter aux précédentes : les comportements sont parfois tant entremêlés qu’ils rendent

impossible d’établir avec certitude le lien de causalité unissant chaque participant au résultat.

Cette exigence a donc dû être adaptée à la coaction.

B- Une exigence adaptée à la coaction

177. Caractérisation d’une cause unique. – Il a précédemment été établi que la

coaction se fondait sur une infraction unique. Pour autant, cela ne signifie pas qu’on ne puisse

décomposer cette dernière en différents comportements. On pourra par exemple identifier

deux actions dans un vol commis par deux coauteurs : l’un anéantit les systèmes de sécurité,

tandis que l’autre s’empare de l’objet convoité. Il conviendra alors d’établir un lien de

causalité entre chacun de ces comportements et le résultat légal de l’infraction, c’est-à-dire le

fait que le bien d’autrui ait été soustrait en l’espèce. La démarche est ainsi la même qu’en

matière d’action. A défaut d’établir cette contribution causale du participant à l’infraction,

celui-ci ne pourra être sanctionné, malgré la caractérisation d’une entente entre lui et son

associé. Cependant, et spécialement en matière de coaction, des hypothèses plus délicates se

présentent parfois, rendant impossible de distinguer entre les différents actes de chacun tant

ils sont entremêlés. Dès lors, si on ne peut établir quel acte a été commis par quel individu, il

sera a fortiori impossible de déterminer le lien de causalité unissant chaque comportement au

résultat de l’infraction.

Or, il a été vu que la jurisprudence, face à cette situation, « globalisait » les

comportements pour ne plus identifier qu’une seule infraction. La conséquence logique quant

au lien de causalité est alors la suivante : celui-ci sera établi par rapport au groupe dans son

ensemble, facilitant ainsi sa caractérisation. C’est ainsi que la doctrine parle parfois de

608 Sur ce point, v. infra n° 220 et s.

Page 157: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

157

« l’émergence d’une cause unique »609

. En effet, « la fusion des agissements répréhensibles

permet de ne retenir qu’une cause unique, celle formée par le bloc unifié des infractions, pour

le résultat dommageable »610

. Cette méthode est utilisée aussi bien pour les infractions

intentionnelles que les imprudences communes.

178. Infractions intentionnelles. – Certes, en matière intentionnelle, on a parfois

reproché à ce raisonnement de créer de toutes pièces le lien de causalité, quand un seul des

protagonistes peut être à l’origine du résultat611

. C’est par exemple l’hypothèse dans laquelle

deux personnes jettent des pierres en direction d’une autre et qu’un seul projectile atteint la

victime612

, ou encore celle dans laquelle deux individus tirent chacun avec une arme à feu sur

un autre qui n’est touché mortellement que par une unique balle613

. Si l’on appliquait

strictement les principes de droit pénal général, il faudrait en réalité considérer dans de tels

cas qu’il existe une infraction consommée et une infraction tentée. Pourtant, ne pouvant

déterminer quel individu est à l’origine du dommage, la Cour de cassation les considère

comme coauteurs des violences ou du meurtre, venant ainsi créer de toutes pièces le lien

unissant le résultat de l’infraction et l’acte de l’individu dont la pierre ou la balle n’a pas

touché la victime. Il y aurait là un artifice contestable, qui viendrait en outre contredire

l’exigence d’une contribution causale du coauteur. Cependant, on peut considérer avec un

auteur que « l’une des actions est la cause effective de l’infraction, mais toutes deux sont les

causes de la création de cette situation collective dangereuse. C’est pourquoi, la fusion des

causes donne naissance à une cause unique reprochée aux deux individus »614

. De plus, il a

été vu que l’entente unissant les différents participants pourrait permettre de justifier une telle

solution615

. Mais le même auteur déplore ce mécanisme, considérant qu’il « porte atteinte aux

principes juridiques de la responsabilité pénale, en punissant un individu qui n’a pas commis

d’infraction pénale, par une utilisation trop extensive de la dépendance par la causalité »616

.

609 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 704

et s. 610

A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 713. 611

PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d’un groupe informel : l’établissement des responsabilités et

la méthode du Droit, préc., n° 13. 612

Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566 ; 12 oct. 1961, Bull. n° 399, Rev. sc. crim. 1963, p. 103, obs. G.

LEVASSEUR. 613

Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269. 614

A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 724. 615

En faisant le parallèle avec la théorie de la scène unique de violences : v. supra n° 134 et s. 616

A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 725.

Page 158: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

158

Toutefois, cette critique pourrait être relativisée dans la mesure où ce raisonnement pourrait

ne relever que d’une règle de preuve, non d’une règle de fond. Serait ainsi établie une simple

présomption de causalité entre chaque individu et le résultat de l’infraction, présomption qui

devrait demeurer réfragable. Il serait alors possible pour un individu du groupe de prouver

qu’il n’a pu causer l’infraction en question. En outre, dans de tels cas, les comportements des

agents sont dirigés vers le même but, et surtout fondamentalement interchangeables617

. En

réalité, tous se représentent dans l’action618

, chacun acceptant implicitement de répondre des

actes de l’autre. Il est alors peut-être excessif de considérer que celui qui n’a pas atteint la

victime n’a pas commis d’infraction pénale. Ce n’est que le hasard qui fait que le résultat

pénal est atteint ou non. Enfin, face à une infraction intentionnelle, la solution se comprendrait

d’autant mieux que l’infraction manquée est généralement réprimée par le biais de la

tentative. Ainsi, l’individu qui n’a pas touché la victime a au moins commis une tentative, que

l’on pourrait envisager de punir619

, et ce de façon d’autant plus justifiée que la coaction

n’exige pas l’accomplissement de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, mais

peut se contenter de l’accomplissement, par un des coauteurs, du commencement d’exécution

de l’infraction collective620

. Certes, les infractions de violences ne se prêtent

traditionnellement pas à la répression de leur tentative, mais ne peut-on pas du moins

l’envisager ? Un auteur propose ainsi « par dérogation à l’article 121-4 du Code pénal, une

répression différenciée de l’infraction tentée et de l’infraction consommée du fait de

l’impossibilité de connaître, pour ce types d’infractions, la gravité du dommage avant la

consommation de l’infraction »621

. Surtout, en raisonnant en termes de probabilités et par

référence à la nature abstraitement causale de l’acte en cause, une telle répression serait

envisageable622

. En effet, il faudrait alors se demander quel était, abstraitement, le potentiel

causal de l’acte, c’est-à-dire quelles conséquences l’acte de violence envisagé était susceptible

617 Sur l’interchangeabilité et la coaction, v. infra n° 282 et 488.

618 Sur l’idée de représentation dans l’action, v. supra n° 13.

619 Dans l’exemple précédent relatif au meurtre, il est ainsi indéniable que l’on peut au moins reprocher à

l’individu dont la balle n’aurait pas atteint sa cible une tentative de meurtre. 620

V. infra n° 292 et 293. 621

R. PARIZOT, L’incrimination du délit de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel

exemple de méprise à l’égard des principes du droit pénal, D. 2009, chron., p. 2701 et s., spéc., p. 2702. 622

Même s’il est certain qu’elle serait fort délicate à mettre en œuvre. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit en aucun cas

ici de prôner la répression de la tentative de violences mais seulement de justifier davantage la répression

d’infractions par le biais de la coaction lorsque l’on se trouve dans l’impossibilité de déterminer quel individu a

concrètement causé le résultat redouté.

Page 159: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

159

de produire sur un individu moyen placé dans les mêmes circonstances623

. La solution est

enfin confortée par l’analogie possible avec l’article 332-4 du Code pénal réprimant la

tentative de destruction, dégradation et détérioration alors même que cette dernière

incrimination s’analyse, à l’instar des violences, comme une infraction de résultat624

.

179. Infractions non intentionnelles. – En matière non intentionnelle, et plus

particulièrement concernant les imprudences conscientes, le raisonnement est identique : la

jurisprudence fusionne les différents comportements pour ne retenir qu’une cause unique625

.

Mais cette technique est ici encore moins contestable qu’en matière d’infractions

intentionnelles. En effet, c’est en réalité la participation à une action collective dangereuse

que sanctionne la jurisprudence. Ainsi, cette participation constitue une faute, et c’est par

rapport à cette faute antérieure que va pouvoir être établi le lien de causalité à l’égard du

risque d’atteinte aux tiers. Or, si ce risque se réalise, l’infraction pourra être imputée aux

différents participants précisément eu égard à leur faute commune d’imprudence, et au lien de

causalité ainsi révélé. Mais là encore, il importe que cette règle ne se transforme pas en règle

de fond afin de respecter l’exigence d’un lien de causalité réel entre le dommage et le

comportement fautif. Ainsi, parce que cette présomption de causalité sera réfragable, chaque

individu pourra prouver qu’il n’a pu commettre le résultat reproché, et donc qu’il ne peut en

être coauteur. Si cette présomption ne pouvait être renversée, il y aurait alors un risque que le

lien de causalité entre un individu et l’infraction soit créé de toutes pièces, ruinant l’exigence

de causalité pourtant nécessaire à l’établissement d’une participation.

180. Le constat d’un lien de causalité entre les actes de chaque participant et le résultat

de l’infraction est donc une exigence en matière de coaction. Reste à voir si tel est le cas en

matière de complicité.

623 Plus généralement, sur la nature abstraitement causale d’un acte, v. V. MALABAT, Appréciation in abstracto et

appréciation in concreto en droit pénal, préc., n° 35 et s. V. également, sur la distinction entre causalité concrète

et causalité abstraite, J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, préc., spéc. n° 17 et s. 624

C’est-à-dire une infraction dont la qualification légale est fonction de la gravité du résultat pénal

effectivement atteint : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 321.

Plus généralement, sur les infractions de résultat, v. M.-A. RAYMOND, Les infractions de résultat, thèse

Bordeaux IV, 2010. 625

V. supra n°132 et s.

Page 160: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

160

§2- L’exigence de causalité en matière de complicité

181. Exigence discutée. – Savoir si l’acte du complice doit nécessairement s’apparenter

à une cause de l’infraction pour être répréhensible est une question qui a été débattue. En

effet, que faire si une personne fournit une arme à un individu afin qu’il en exécute un autre et

que l’auteur principal décide de ne pas s’en servir ? L’arme apportée aura été totalement

inutile à la commission de l’assassinat, et on ne pourra alors qualifier sa fourniture de cause

de l’infraction. Doit-on pour autant ne pas inquiéter un individu qui a démontré sa dangerosité

en cherchant à s’associer, en connaissance de cause, à la commission d’un crime, alors même

que ce n’est pas de son propre fait qu’il n’a pu être effectivement une cause de ce dernier626

?

La doctrine est divisée quant à la réponse à y apporter. En effet, pour beaucoup627

, il faut

« établir que le fait imputé au participant accessoire a contribué de façon effective à la

réalisation de cette infraction »628

. Pourtant, d’éminents auteurs considèrent que cette

contribution causale effective n’est nullement nécessaire629

. Ainsi, « pour traditionnelle

qu’elle soit, la question semble n’avoir jamais été résolue »630

. Or, il semble que les principes

mêmes du droit pénal imposent que les actes du complice soient en relation de causalité avec

l’infraction réalisée par l’auteur principal, à tel point que cette condition a pu être qualifiée

d’ « exigence de bon sens »631

(A). Le droit positif lui-même semble du reste confirmer cet

impératif (B).

626 Les questions soulevées là sont importantes et reprennent en réalité le débat plus général de savoir où

commencer et où arrêter la répression, c’est-à-dire où fixer le seuil de l’illicite. En effet, le droit ne peut réprimer

les comportements trop éloignés de la commission de l’infraction sans risquer d’atteindre les libertés

individuelles, c’est pourquoi la réponse dépend généralement de la valeur sociale en cause et du degré de

protection qu’on souhaite lui conférer. Sur ce point, v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 319. 627

V. notamment P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de

participation à l’infraction, RID pén. 1956, p. 168 ; R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal

français, t. 3, 3ème

éd., n° 900 ; J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1979, p. 75. 628

A. LEGAL, Rev. sc. crim. 1959, p. 490. 629

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 549, selon qui « peu importe que le fait du

complice ait joué un rôle causal, ou qu’il ne l’ait pas joué, dans le résultat de l’infraction ». 630

PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25. 631

A. NASRI, La place de la causalité dans la complicité : étude critique, RRJ 2006, n° 4, p. 2419, spéc. p. 2421.

Page 161: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

161

A- Une exigence imposée par la cohérence du droit pénal

182. Causalité et responsabilité pénale du fait personnel. – L’exigence de causalité

entre les actes du complice et l’infraction réalisée ressort en premier lieu du principe de

responsabilité pénale du fait personnel632

. En garantissant que « nul n’est responsable

pénalement que de son propre fait » dès le premier article du Code pénal, le législateur

français rejette ici toute responsabilité pénale du fait d’autrui633

. Ce faisant, il impose que tout

individu soit puni pour les faits qu’il a lui-même commis ou tout du moins auxquels il a lui-

même participé. C’est alors une véritable exigence de causalité qui est posée entre les faits

reprochés à l’individu et l’infraction commise634

. Ainsi, « le principe même de la

responsabilité n’existe pas sans la causalité »635

.

183. Causalité et emprunt de criminalité. – En second lieu, l’exigence de causalité

entre les actes du complice et l’infraction réalisée par l’auteur principal s’explique par l’idée

même d’emprunt de criminalité. En ce sens, un auteur fait valoir que « si l’acte du complice

n’a en rien participé à la réalisation de l’infraction principale, en dépit de son activité

sciemment accomplie, aucun lien matériel n’existe entre les deux protagonistes et la

criminalité de l’un ne saurait se transmettre à l’autre »636

. Le lien entre criminalité d’emprunt

et causalité est ainsi fréquemment relevé par la doctrine637

.

632 Dans le même sens, v. P.-A. BON, Quelques réflexions sur la causalité en droit pénal, RPDP 2006, p. 291,

spéc. p. 293. V. également M.-H. GALMARD, L’incrimination de la pratique du « vidéolynchage » ou la rupture

du lien de causalité entre l’acte de complicité et l’infraction principale, RPDP 2007, p. 583, qui reproche à

l’incrimination du « vidéolynchage », ou « happy slapping » de ne pas exiger la démonstration d’un lien de

causalité entre l’acte du complice et l’infraction commise. Elle considère alors que « sont ainsi mis à mal, la

notion même de complicité et le principe de la personnalité des délits et des peines ». 633

Sur cette dernière, v. notamment B. BOULOC, La responsabilité pénale du fait d’autrui, Colloque Cedidac,

Lausanne 2001, p. 107 ; G. LEVASSEUR, La responsabilité pénale pour autrui, rapport à la société de législation

comparée, nov. 1975, C. rendu J. Sacotte, Rev. sc. crim. 1976, p. 1076 ; A. TEANI, La responsabilité pénale du

fait d’autrui, thèse Bordeaux IV, 2007. 634

Du reste, ce fondement justifie également l’exigence de causalité en matière de coaction. Il semblait

cependant important de le rappeler s’agissant de la complicité pour laquelle l’exigence de causalité a été plus

débattue qu’à l’égard de la coaction. 635

Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité pénale ?, Une

certaine idée du droit, Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 475. 636

P.-A. BON, La causalité en droit pénal, LGDJ, 2006, n° 235. 637

V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 337 in fine ; W. JEANDIDIER, Droit pénal général,

2ème

éd., Montchrestien, Domat droit privé, 1991, p. 312 ; PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de

complicité, préc., p. 40.

Page 162: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

162

184. Causalité et acte antérieur ou concomitant à l’infraction. – Enfin, si la

complicité se caractérise par des actes antérieurs ou concomitants à l’infraction638

, c’est

précisément parce que ce n’est qu’à cette condition que ces actes pourront être en lien de

causalité avec l’infraction639

. Cette caractéristique explique d’ailleurs que le recel ne puisse

être considéré comme un mode de participation à l’infraction. En effet, faute d’intervenir

avant ou pendant la réalisation de l’infraction, le receleur ne peut, par essence, prendre part à

cette dernière car il n’en est en aucune façon une cause quelconque640

.

185. Exigence de certitude du lien de causalité. – Si le complice doit nécessairement

s’inscrire dans une relation de causalité avec l’infraction commise, encore faut-il que cette

causalité soit certaine, exigence commune à toute preuve en droit pénal641

. Pour établir cette

certitude causale, différentes conceptions sont envisageables. Il est ainsi traditionnellement

distingué entre différentes théories, dont celles de la causalité adéquate et de l’équivalence des

conditions. En vertu de la première, il convient de ne retenir comme causes du dommage que

celles qui, selon le cours naturel des choses, étaient à même de produire le résultat considéré.

Cette théorie revient donc à se livrer à un « pronostic objectif rétrospectif »642

et à tenir

compte du « pouvoir abstraitement causal de l’acte »643

en raisonnant sur la prévisibilité du

résultat infractionnel. Quant à la seconde, elle invite à considérer comme des causes de

l’infraction tous les éléments qui en sont des conditions sine qua non, c’est-à-dire ceux sans

lesquels l’infraction n’aurait pas eu lieu644

. Cette dernière théorie permet alors de remonter

plus loin dans le processus causal. Surtout, elle démontre que l’absence d’exclusivité des

causes d’une infraction ne remet pas en question la certitude du lien causal. Autrement dit, la

638 En ce sens, v. l’ensemble des ouvrages de droit pénal général.

639 En ce sens, v. notamment T. GARE et C. GINESTET, Droit pénal – Procédure pénale, Dalloz, Hypercours, 5

ème

éd., 2008, n° 234. 640

Dans le même sens, v. X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 272, note 24 : « Par

définition, le receleur est un intervenant postérieur à l’infraction, il ne peut donc pas, du point de vue de la

causalité, être un participant ». Contra, car considérant que le recel a pu avoir un rôle causal du point de vue

criminologique, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 427. 641

En ce sens, v. F. DEFFERARD, La provocation, Rev. sc. crim. 2002, p. 233, spéc. p. 240. 642

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 569 citant M. RUMELIN. 643

V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, préc. n° 35, p. 34. Plus

généralement, sur cette théorie, v. CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité

civile, préc., n° 80 et s. 644

Sur cette théorie, v. notamment J. CARBONNIER, Droit civil, tome IV, Les obligations, 21ème

éd., coll. Thémis

Droit privé, PUF, Paris, 1998, n° 216, p. 377 ; V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in

concreto en droit pénal, préc., n° 34 ; CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la

responsabilité civile, préc., n° 19 et s.

Page 163: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

163

certitude du lien de causalité ne s’oppose pas à la caractérisation d’une pluralité de causes de

l’infraction.

Cette exigence de certitude du lien de causalité unissant les actes du complice à

l’infraction réalisée par l’auteur principal, induite des principes mêmes du droit pénal, est du

reste confirmée par le droit positif.

B- Une exigence confirmée en droit positif

186. L’exigence d’un lien de causalité unissant les actes du complice à l’infraction

réalisée par l’auteur principal est confirmée aussi bien par la loi (1) que par la jurisprudence

(2).

1- Une exigence légale

187. Exigence textuelle implicite. – Le Code pénal ne se prononce pas explicitement

sur la question de la causalité en matière de complicité dans la mesure où il n’emploie pas les

termes de « cause » ou d’ « origine de l’infraction » lorsqu’il traite de ce mode de

participation. Pourtant, les définitions qu’il donne du complice ne peuvent laisser de place au

doute quant à l’exigence d’un lien de causalité entre les actes du complice et l’infraction

réalisée, tant en ce qui concerne la complicité par aide et assistance (a) que la complicité par

instigation (b).

a) En matière de complicité par aide et assistance

188. En premier lieu, s’agissant de l’alinéa 1er

de l’article 121-7 visant la complicité par

aide et assistance, le législateur considère comme complice d'un crime ou d'un délit « la

personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la

consommation ». Or, le fait de faciliter s’analyse nécessairement en termes de causalité.

Faciliter, c’est permettre à quelqu’un d’agir en faisant moins d’efforts, de façon plus aisée.

Appliqué à la complicité, c’est donc permettre à l’auteur de réaliser plus aisément l’infraction,

Page 164: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

164

ce qui exige un rôle causal à l’égard de cette dernière. D’ailleurs, un auteur645

montre que

sous l’ancien code pénal646

, la complicité s’entendait du fait d’avoir « procuré un moyen qui

aura servi à l’action », et non d’un moyen qui aurait pu y servir, témoignant là de la nécessité

de la causalité647

.

Le constat est le même en matière de complicité par instigation.

b) En matière de complicité par instigation

189. En second lieu, s’agissant de l’alinéa 2 de l’article 121-7 visant la complicité par

instigation, là encore le législateur n’est pas particulièrement explicite quant à l’exigence de

causalité. Il dispose simplement qu’ « est également complice la personne qui par don,

promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou

donné des instructions pour la commettre ».

190. Provocation à l’infraction. – Concernant la provocation, elle s’analyse comme un

comportement antérieur à l’infraction qu’elle veut susciter, elle a alors nécessairement un rôle

causal dans le déroulement de celle-ci648

. Cela est d’autant plus vrai que c’est précisément ce

rôle causal qui permet de distinguer la provocation à une infraction du simple conseil, non

punissable. En effet, ce dernier n’implique aucun pouvoir de persuasion, et n’est en aucun cas

un acte causal d’une infraction. En ce sens, un auteur montre qu’ « en son absence, les faits se

seraient normalement déroulés de façon identique »649

.

191. Fourniture d’instructions. – Quant à la fourniture d’instructions, le même auteur

fait remarquer avec justesse que le texte d’incrimination renseigne quelque peu sur l’exigence

de causalité en la matière. En effet selon lui, bien que « discrète », « l’allusion au rôle causal

645 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, t. 3, préc., n° 930.

646 C. pén. anc., art. 60 al. 2.

647 C’est nous qui soulignons.

648 Dans le même sens, v. notamment G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., qui la définit comme un « fait

causal »; PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25, n° 7, pour qui

« la provocation est un type d’action qui […]est censé avoir eu un rôle causal ». 649

PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, préc., n° 9. Précédemment et dans le même sens,

il écrit que « le simple conseil n’est pas constitutif de responsabilité, car, du fait de sa nature, il ne se situe pas

sur le plan des moyens de parvenir à l’infraction et n’est donc pas susceptible d’avoir joué un rôle causal dans

la réalisation de celle-ci ».

Page 165: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

165

[…] n’en est pas moins réelle »650

. Il se fonde ainsi sur le fait que le législateur évoque les

instructions données « pour commettre » l’infraction, imposant ainsi que celles-ci aient joué

un rôle dans la réalisation du fait délictueux. D’ailleurs, à l’instar de la distinction entre

provocation et conseil, c’est l’idée de causalité qui permet de différencier instructions et

simples renseignements : imprécis ou dénués d’utilité, ces derniers ne sont pas punissables651

.

En outre, il est possible de se demander si la fourniture d’instructions ne s’apparente pas à une

forme d’aide, imposant alors, à ce titre, une contribution causale à l’infraction. La délimitation

de ces deux cas de complicité652

se révèle en effet délicate. Or, la Cour de cassation n’éclaire

pas le sujet en faisant une interprétation extensive de la notion d’instructions pour des besoins

répressifs. Ainsi, dans un arrêt rendu le 7 septembre 2004653

, la Chambre criminelle considère

qu’en louant des motocyclettes et quads au public et en fournissant des instructions quant à

leur utilisation, l’exploitant du circuit non autorisé se rend complice par instigation de la

contravention de circulation de véhicules motorisés en dehors des voies de circulation. En

effet, sauf disposition contraire, la complicité par aide ou assistance n’est punissable que si

elle se rattache à un crime ou un délit, alors que l’instigation peut porter sur des

contraventions. Caractériser ce dernier mode de complicité était donc le seul moyen pour les

juges d’atteindre l’exploitant. Cependant, alors que la location du matériel pouvait plutôt

s’apparenter à une fourniture de moyens et donc à une forme d’aide, la Cour contribue ce

faisant à brouiller les frontières entre fourniture d’instructions et aide et assistance654

. Or,

selon un auteur, elle ne fait là que remplacer une confusion par une autre, puisque pour lui,

« cette évolution se substituera à la jurisprudence ancienne qui utilisait, dans le même

emploi, la coaction là où la complicité aurait dû avoir sa place »655

. Néanmoins, si la

650 Ibid.

651 Dans le même sens, v. notamment J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 346. Pour des exemples, v.

notamment Cass. crim., 24 déc. 1942, S. 1944, 1, p.7 (un individu conseillant à sa maîtresse d’avorter au moyen

« d’injections », sans autre précision) ; Cass. crim., 21 sept. 1994, Bull. n° 302 ; Dr. pén. 1995, comm. 2, obs. M.

VERON ; Rev. sc. crim. 1995, p. 343, obs. B. BOULOC. 652

Sur la distinction entre modes et cas de complicité, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 416. 653

Cass. crim., 7 sept. 2004, JurisData n° 2004-025104, Dr. pén. 2004, comm. 174, note J.-H. ROBERT. 654

Dans le même sens, J.-H. ROBERT, préc., regrette que les juges ne se soient pas saisis « de l’occasion pourtant

belle d’expliquer la différence entre les instructions et l’aide et l’assistance ». 655

J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 346.

Page 166: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

166

question est intéressante d’un point de vue notionnel656

, elle n’empêche pas, bien au contraire,

de considérer que les instructions doivent être une cause de l’infraction.

192. Exigence d’un effet. – Enfin, et concernant aussi bien la provocation que la

fourniture d’instructions, il ne faut pas oublier que, comme toute forme de complicité, elles

impliquent de pouvoir identifier un fait principal punissable. En d’autres termes, l’instigation

exige que la provocation ou les instructions aient été suivies d’effet, c’est-à-dire qu’elles aient

conduit à la consommation ou à la tentative de l’infraction envisagée657

. A défaut en effet, il

ne s’agirait que d’une tentative de complicité, non punissable658

. Dès lors, ce mode de

complicité impose une relation de causalité certaine avec l’infraction.

193. La jurisprudence ne manque d’ailleurs pas de relever l’existence de ce lien de

causalité, et exige qu’il soit démontré et expressément constaté.

2- Une exigence jurisprudentielle

194. La Cour de cassation veille à ce que le lien de causalité entre les actes du complice

et l’infraction réalisée soit établi. En attestent son refus de sanctionner la participation

inutilisée (a) et sa recherche de l’existence d’un encouragement moral à l’infraction dans les

actes du complice (b).

a) Le refus de sanctionner la participation inutilisée

195. Hypothèses. – La participation inutilisée correspond à l’éventualité dans laquelle

l’auteur principal décide délibérément de ne pas utiliser les moyens ou instructions fournis par

son associé, ou n’est pas en mesure de le faire, alors même qu’ils étaient efficaces ou

pertinents pour la réalisation de l’infraction. Le complice a ainsi entièrement réalisé ses actes

656 Et surtout, elle va revêtir une importance relativement à la question de l’instigateur : le provocateur a un rôle

causal bien plus fort que celui qui donne des instructions. Seul lui devrait être qualifié d’auteur moral,

l’instructeur se rapprochant davantage d’un simple complice du point de vue de l’intensité causale. Sur la

distinction entre complicité et coaction du point de vue de l’intensité causale, v. infra n° 172 et s. 657

Exception faite de certaines incriminations autonomes de provocations qui prévoient expressément que ces

dernières n’ont pas à être suivies d’effet pour être punissables. V. notamment les articles 411-11 (provocation à

la trahison et à l’espionnage) et 434-15 (subornation de témoin) du Code pénal. 658

V. supra n° 105.

Page 167: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

167

d’exécution. Pour autant, peut-il être punissable alors même que ces actes n’ont pas été

profitables à l’infraction ? L’exigence d’un lien de causalité entre les actes du complice et

l’infraction semble, a priori, s’y opposer, ce que la jurisprudence confirme. La Cour de

cassation exige en effet l’utilisation effective du moyen remis par l’associé pour sanctionner

ce dernier au titre de la complicité.

196. Exigence jurisprudentielle de l’utilisation du moyen remis. – Pour preuve, elle

considère comme complice celui qui a fourni une arme, certes factice, « en vue de servir au

crime de vol commis par l’auteur principal et qui, effectivement, y a servi »659

. L’emphase

apportée au terme « effectivement » témoigne de l’importance accordée à la caractérisation du

rôle causal du complice. En effet, à défaut, les juges refusent de caractériser la complicité.

Ainsi ont-ils considéré que « la remise d’un objet non utilisé ne suffit pas à caractériser la

complicité du délit »660

.

Certes, d’autres décisions ont pu faire croire que cette solution n’était plus, en

particulier celle rendue par la Chambre criminelle le 13 mars 1963661

. En l’espèce, alors qu’il

était reproché à la décision de condamnation de ne pas avoir constaté l’utilisation effective

des documents fournis par le comparse, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Néanmoins, il

est important de noter que ce rejet est motivé par le fait qu’un autre acte caractéristique de la

complicité pouvait être retenu à l’encontre du demandeur : « il n’importe que ne soit pas

constatée l’utilisation faite […] des attestations à lui remises, […], dès lors que l’aide et

l’assistance apportées à Charbonnier, auteur principal, se trouvent suffisamment

caractérisées par la lettre adressée au notaire […] ». On ne peut donc en conclure que les

juges admettent la répression de la complicité lorsque l’aide apportée n’a pas été utilisée662

.

Cette solution témoigne alors de l’attachement de la jurisprudence à la causalité entre

les actes du complice et l’infraction réalisée : à défaut d’utilisation de l’aide apportée par un

individu, celui-ci ne démontre aucun impact sur l’infraction. Le lien de causalité entre les

659 Cass. crim., 27 mai 1963, Bull. n° 188.

660 Cass. crim., 13 janv. 1954, D. 1954, p. 128 ; Rev. sc. crim. 1954, p. 372, obs. J. HUGUENEY. Il s’agissait en

l’espèce d’une femme qui avait remis un tube en caoutchouc à une autre afin que cette dernière l’utilise pour

pratiquer un avortement sur elle-même. Cependant, le matériel n’avait pas servi. 661

Bull. n° 116. 662

Dans le même sens, v. J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du

fait principal, Rev. sc. crim. 1984, p. 489.

Page 168: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

168

actes de l’agent et l’infraction commise n’étant alors pas établi, aucune participation ne peut

être retenue.

En outre, d’autres types de décisions attestent également de l’exigence

jurisprudentielle d’un lien de causalité en matière de complicité: celles recherchant la

caractérisation d’un encouragement moral à l’infraction de la part du complice.

b) La recherche d’un encouragement moral

197. Participation inefficace. – Dans certains cas, la jurisprudence sanctionne des

comportements au motif qu’ils ont constitué un encouragement moral pour l’auteur de

l’infraction. L’encouragement moral vient alors marquer la causalité unissant les actes du

complice à l’infraction dans des hypothèses où elle faisait matériellement défaut, et explique

la répression du complice. A travers cette justification, la Cour de cassation admet de

sanctionner des hypothèses de participation pourtant inefficace, en ce que le moyen fourni par

le complice n’a pas permis d’atteindre le résultat escompté ou que ses instructions étaient

erronées. Il s’agit par exemple du fait de procurer à l’auteur principal une arme défectueuse

ou une clé « doublement fausse »663

ne permettant pas de pénétrer dans le bâtiment à

cambrioler, ou encore des renseignements précis relatifs aux habitudes d’une future victime se

révélant inexacts. Par essence, ces actes n’ont pu causer matériellement l’infraction.

198. Tentative de complicité et complicité de tentative. – En réalité, deux possibilités

se présentent : soit l’inefficacité de la participation a été comblée par l’auteur principal (qui

aura utilisé un autre moyen par exemple) et l’infraction a pu être consommée, soit cette

inefficacité a empêché la réalisation de l’infraction, et l’infraction a été manquée. De prime

abord, ces deux hypothèses invitent alors à réfléchir à la tentative, mais en des termes

différents.

Quand l’infraction a pu être consommée, c’est parce que l’auteur, face à l’inefficacité

des moyens ou des instructions fournis, est parvenu de lui-même à pallier cette difficulté.

« L’aspirant complice » n’a aucunement facilité la consommation de l’infraction. Faute d’une

663 Expression empruntée à J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du

fait principal, Rev. sc. crim. 1984, p. 489.

Page 169: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

169

participation causale, il ne devrait donc être qualifié de complice et demeurer simple

comparse, non punissable. En effet, son rôle se limite alors à une tentative de complicité664

.

En revanche, quand l’infraction aura été manquée, une tentative pourra être retenue à

l’encontre de l’auteur principal. Plus précisément, comme le souligne un auteur665

, c’est le

problème de la tentative d’infraction impossible qui se pose dans cette hypothèse. Si la

question de l’infraction impossible est fort débattue en doctrine666

, il reste que sa répression

est admise en jurisprudence667

, tout du moins en ce qui concerne le sujet qui nous intéresse,

les moyens inefficaces. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle approuvé la condamnation pour

tentative d’avortement d’une personne ayant administré à une femme enceinte des injections

incapables de provoquer l’avortement voulu668

. Dès lors, si l’utilisation de moyens

insusceptibles de produire le résultat escompté s’analyse en une tentative punissable, la

fourniture de ces mêmes moyens s’apparente nécessairement à la complicité de cette tentative,

et peut, à ce titre, être punie.

199. Encouragement moral. – Cependant, une telle distinction n’est pas pertinente car

elle laisse trop de place au hasard et à la débrouillardise de l’auteur alors que les actes commis

par son associé sont les mêmes dans les deux cas. C’est pourquoi la jurisprudence ne la retient

pas et raisonne sur l’encouragement moral. Elle considère en effet qu’alors même que la

participation à l’infraction a été inefficace d’un point de vue matériel, elle a pu être causale

dans la mesure où elle a constitué un encouragement moral pour l’auteur principal, en le

confortant dans sa résolution criminelle. Certes, cette solution a été décriée car l’aide morale

apportée par le complice serait difficile à mettre en lumière et ne démontrerait pas une

causalité marquée. La critique était d’autant plus aisée que la référence à l’encouragement

moral était déjà contestée s’agissant de la répression de la complicité par abstention669

.

664 V. infra n°482 et s.

665 J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du fait principal, préc.

666 V. notamment A. BESSON, Le délit impossible, Rev. critique 1929, p. 332 et s. ; A. PROTHAIS, Tentative et

attentat, LGDJ, Bibliothèque de sciences criminelles, 1985, passim ; A. VARINARD, La théorie de l’infraction

impossible : vers la disparition d’un mythe doctrinal, in Mélanges offerts à A. CHAVANNE, 1990, p. 165 et s. 667

Cass. crim., 16 janv. 1986, « Perdereau », Bull. n° 25, JCP G 1987, II, 20774, note G. ROUJOU DE BOUBEE ;

D. 1986, jur. p. 265, note D. MAYER et C. GAZOUNAUD ; Rev. sc. crim. 1986, p. 839, obs. A. VITU. V. également

Cass. crim., 23 juil. 1969, Bull. n° 234, D. 1970, jur. P. 361, note G. ROUJOU DE BOUBEE ; Rev. sc. crim. 1970, p.

656, obs. P. BOUZAT. 668

Cass. crim., 9 nov. 1928, D. 1929, 1, 97, note A. HENRY. 669

Mais d’ailleurs, là encore, la causalité peut expliquer les solutions retenues : v. PH. SALVAGE, Le lien de

causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25 et s., spéc. n° 11 et s. Pour cet auteur en effet, la

Page 170: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

170

Cependant, il ne semble pas que les critiques puissent être aussi vives en l’espèce :

contrairement à l’hypothèse de la complicité par abstention qui se caractérise évidemment par

une absence de comportement matériel, le complice a ici extériorisé sa volonté criminelle. On

ne peut alors reprocher à la jurisprudence d’incriminer une simple intention. Néanmoins, une

limite a été mise en exergue : en considérant que l’aide apportée par le complice est un

encouragement moral, c’est moins une aide apportée à l’infraction qu’à l’auteur principal dont

il est question. Or, l’article 121-6 envisage l’assistance à l’infraction et non à l’auteur,

contrairement à l’article 60 de l’ancien Code pénal qui visait « ceux qui auront, avec

connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'auront

préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée ». Mais il semble que cet

argument puisse être relativisé : en aidant l’auteur, on facilite nécessairement l’infraction…

La participation inefficace pourrait donc toujours être considérée comme un encouragement

moral, causal de l’infraction670

.

200. Facilitation de la préparation de l’infraction. – En outre, sans même passer par

le détour de l’encouragement moral, il suffit de se référer au texte d’incrimination de la

complicité : celui-ci réprime le fait de faciliter la préparation de l’infraction ; les

comportements visés sont alors très larges et il est possible de considérer que le fait de fournir

un moyen ou des instructions, même inefficaces, entre dans ce champ d’application. Sans

aider à la consommation de l’infraction, ce comportement permet au moins de faciliter sa

préparation.

201. Comparaison avec la participation inutilisée. – Ainsi, la caractérisation de

l’existence d’un encouragement moral matérialisé à travers des actes inefficaces démontre la

recherche d’un lien de causalité entre les actes du complice et l’infraction réalisée.

L’argument pourrait d’ailleurs se retrouver s’agissant de la participation inutilisée et justifier

alors sa répression. Certes, comme le fait remarquer un auteur, « les deux situations […] ne

simple présence sur les lieux de l’infraction ne saurait suffire à constituer un cas de complicité. En revanche,

« est complice celui dont la présence paraît influencer la réalisation de l’infraction par l’auteur » alors que

« n’est pas complice celui dont la présence est considérée comme indifférente à la réalisation de l’infraction ». 670

Il faut tout de même noter que pour un auteur (J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 344), ce

raisonnement revient à transformer l’aide et l’assistance en provocation. Cependant, cette affirmation semble

quelque peu excessive dans la mesure où la provocation doit être matérialisée par des adminicules strictement

définis par la loi pour être sanctionnée (don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir). En outre,

le pouvoir causal déterminant la caractérisant fait défaut lors d’un simple encouragement moral : v. infra n° 232.

Page 171: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

171

sont pas semblables. Dans le cas du moyen inefficace, l’auteur principal est allé jusqu’au

bout de ses possibilités, en s’appuyant sur le concours, qu’il espérait plus efficient, du

complice, alors que dans les autres hypothèses, l’auteur principal, changeant d’avis, a

renoncé à utiliser ce que lui avait procuré son compère »671

. Cependant, les arguments

exposés en matière de participation inefficace se retrouvent concernant la participation

inutilisée. Ainsi, là encore, une telle participation peut s’analyser comme un encouragement

moral à la réalisation de l’infraction672

. De même, elle facilite la préparation de l’infraction673

.

Surtout, exiger l’utilisation du moyen remis ou des instructions fournies revient à trop faire

dépendre la criminalité du complice des agissements de l’auteur principal. En effet, alors que

la contribution causale du complice est déjà dépendante de l’existence d’un fait principal

punissable674

, il serait excessif de la soumettre en outre à une décision de l’auteur principal

relative à l’utilisation des moyens fournis. La cohérence des solutions jurisprudentielles

semblerait ainsi imposer d’admettre la sanction de la participation inutilisée lorsque celle-ci

aura pu être considérée comme constitutive d’un encouragement moral pour l’auteur

principal.

202. Maintien de l’exigence d’un lien de causalité. – Quoi qu’il en soit, en s’appuyant

sur l’aide morale fournie à l’auteur principal, la jurisprudence témoigne de l’exigence de

causalité entre les actes du complice et l’infraction réalisée, même si la causalité constatée est

alors éloignée du résultat pénal. Certes, cette justification pourrait se retrouver pour de

nombreux comportements, mais elle n’est pas dénuée de contenu pour autant. Ainsi, il est des

hypothèses dans lesquelles on ne pourra la retenir, en particulier dans le cas où l’infraction

671 J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du fait principal, préc.

672 C’est d’ailleurs la justification parfois donnée à un arrêt souvent présenté comme admettant la répression de

la complicité dans l’hypothèse où l’aide apportée n’a pas été utilisée : Cass. crim., 17 mai 1962, Bull. n° 200, D.

1962, 473 ; Rev. sc. crim. 1962, p. 102, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Grands arrêts, t. 1, p. 442. Sur cette

justification, v. notamment J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1984, p. 489. 673

Dans le même sens, J. LARGUIER, préc. 674

En effet, dès lors que le complice a accompli tous les actes qu’il devait, si l’auteur renonce à commettre

l’infraction, le complice bénéficiera également de cet abandon. Il est ainsi classiquement enseigné que si le droit

pénal permet de réprimer la complicité de tentative, il n’en va pas de même pour la tentative de complicité.

Partant, si le complice se définit comme celui qui participe à l’infraction d’autrui, il est nécessairement

dépendant de l’existence de cette infraction d’autrui pour être considéré comme un participant à cette dernière :

faute d’infraction d’autrui, il ne participe à rien. Il n’a donc aucune influence autonome sur la réalisation

effective de l’infraction. Dans le même sens, v. R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le

hasard peut-il être arbitre de la répression ?, Rev. sc. crim. 1959, p. 455, pour qui « Comment admettre que la

répression de cette complicité puisse désormais dépendre d’un fait ou d’un événement entièrement extérieur à

lui, sur lequel il ne possède aucun pouvoir ? ».

Page 172: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

172

effectivement réalisée n’a aucun lien avec celle projetée. C’est par exemple la situation d’un

individu offrant de l’argent à un autre afin qu’il dérobe un bijou dans une demeure ; or, une

fois à l’intérieur, le provoqué décide de tuer les propriétaires. Il n’est pas possible de dire que

la provocation au vol a facilité le meurtre ni même qu’elle a apporté une aide morale à

l’auteur puisque, précisément, l’infraction consommée est différente de celle prévue. C’est

aussi l’hypothèse dans laquelle des instructions ont été données afin de tuer quelqu’un en

particulier mais l’auteur décide, sans en informer son associé, de changer de victime. En ce

sens, un arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1977675

refuse de considérer une femme qui

avait donné des instructions à son amant afin qu’il assassine son époux complice de

l’homicide commis car ce dernier avait eu lieu à l’égard d’une autre victime. Là encore, en

raison de ce changement de victime, les instructions fournies par la femme n’avaient en aucun

cas pu faciliter l’accomplissement du meurtre effectivement réalisé puisque les informations

données concernaient son époux. Aucun lien de causalité ne pouvait ainsi être établi entre les

agissements du fournisseur d’instructions et l’infraction réalisée676

. Comme le constate un

auteur, « on doit considérer en réalité qu’à l’égard de la personne dont la mort avait été

d’abord décidée, il y a eu, de la part de cet auteur principal, désistement volontaire, et qu’il

n’y a donc plus de fait principal auquel puisse se rattacher la participation de celui qui avait

entendu être complice »677

.

203. Bilan. – Même si c’est parfois de façon éloignée avec le résultat pénal, la

contribution causale du participant à l’infraction est donc toujours exigée, tant en matière de

coaction que de complicité : il doit être une cause de l’infraction. Certes, ce constat ne permet

pas de distinguer entre ces deux titres d’imputation, mais il permet d’entrevoir un autre

éventuel critère de différenciation : celui de l’intensité de cette contribution causale.

675 Cass. crim., 10 mars 1977, Bull. n° 91, D. 1977, I.R., p. 237, note M. PUECH ; Complicité non punissable en

cas de changement de victime, Rev. sc. crim. 1979, p. 75, obs. J. LARGUIER. 676

Cet argument peut du reste justifier la solution au titre de la comparaison avec celle retenue à l’égard de

l’auteur du meurtre. Il peut en effet sembler paradoxal de ne pas punir le complice en cas de changement de

victime alors même que l’auteur d’un meurtre qui aura commis une erreur sur l’identité de la victime sera tout-

de-même poursuivi pour meurtre : seule l’absence de causalité entre les actes du complice et le meurtre semble

justifier un tel paradoxe. 677

J. LARGUIER, obs. sous Cass. crim., 10 mars 1977, préc., Rev. sc. crim. 1979, p. 75.

Page 173: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

173

Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction

204. Dans la mesure où le coauteur participe à sa propre infraction, il semble être celui

qui possède un pouvoir d’action sur le résultat de celle-ci assez intense pour la faire sienne.

Au contraire, parce que le complice participe à l’infraction d’autrui, son pouvoir d’action sur

le résultat infractionnel, son rôle causal, peut se contenter d’être plus ténu. En réalité, ces

propos esquissent la distinction entre les participants principaux et les participants secondaires

à l’infraction, maintes fois évoquée en doctrine678

. L’intensité causale de la participation

pourrait alors apparaître comme un critère distinctif entre coaction et complicité. D’ailleurs,

certains auteurs défenseurs d’un critère objectif de différenciation, l’ont envisagé depuis

longtemps déjà679

. Il apparaît alors que le coauteur accomplit des actes qui portent en eux-

mêmes la potentialité du résultat redouté. C’est ainsi raisonner en termes de causalité

adéquate : l’acte du coauteur est celui qui, selon le cours naturel des choses, était à même

d’engendrer le résultat pénal. C’est pourquoi sa contribution causale à l’infraction peut être

qualifiée de déterminante : en ce sens, la coaction est conditionnée à l’intensité du lien causal

(§2). Mais ce n’est que mis en parallèle avec la complicité que ce constat prend toute son

importance puisque cette dernière apparaît en revanche satisfaite par une contribution causale

indirecte (§1).

§1- La complicité satisfaite par une contribution causale indirecte

205. Des textes d’incrimination larges. – Si l’exigence d’un rôle causal du complice

dans la réalisation de l’infraction est indiscutable, elle reste néanmoins souple. En effet, en

évoquant cette nécessité de façon simplement implicite680

, les textes d’incrimination relatifs à

la complicité ne posent pas de condition particulière en la matière. Il faut alors considérer que

la complicité se satisfait tout à fait d’une causalité lâche entre sa caractérisation et le fait

principal punissable. Ainsi, le fait de fournir une arme à l’auteur principal est certainement

678 V. supra n° 6.

679 Ibid.

680 V. supra n° 187 et s.

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174

une cause permettant la réalisation d’un meurtre, mais n’en est pas la cause déterminante,

celle-ci s’apparentant au fait de réaliser l’acte homicide sur l’individu. En réalité, la

complicité s’analyserait alors en termes d’équivalence des conditions681

. En ne permettant pas

d’opérer un tri entre les différents comportements à l’origine du dommage, et plus

précisément ici, de l’infraction, cette théorie conduit à remonter très loin dans le processus

causal. Dès lors, de nombreux événements vont être susceptibles de sanction pénale s’ils

peuvent être rattachés à l’infraction commise, peu important qu’ils en soient éloignés. Pour

preuve, il est envisageable de réprimer à ce titre aussi bien l’encouragement moral (A) que la

complicité de complicité (B).

A- La répression du simple encouragement moral

206. Caractère non déterminant. – Comme il l’a été rappelé, un encouragement moral

peut s’analyser comme une forme d’aide682

, et en ce sens contribuer à l’infraction. Cependant,

cette intervention n’est certainement pas déterminante du passage à l’acte de l’auteur

principal : elle ne fait pas naître le projet criminel dans l’esprit du délinquant, ni ne lui apporte

une aide indispensable à l’exécution de son infraction (un objet utile à la commission de

l’infraction et dont il ne disposait pas par exemple). Elle vient plutôt renforcer la volonté de

l’individu. Sans elle, ce dernier serait passé à l’acte quoi qu’il en soit, mais peut-être plus

difficilement. Un lien de causalité peut alors être établi entre l’encouragement moral et l’acte

de l’auteur principal, mais il n’est certainement pas particulièrement déterminant. Or,

précisément parce que ce lien peut apparaître comme mince, il importe de veiller à ce qu’il

existe réellement.

207. Encouragement moral par un acte positif. – En effet, l’existence même de

l’encouragement moral peut parfois être contestée. Quand l’encouragement moral se

matérialise par un acte positif, sa réalité ne devrait pas être remise en cause. L’hypothèse de la

fourniture d’un moyen non utilisé par l’auteur principal en témoigne : certes, ce moyen, en

lui-même, n’aura pas facilité la réalisation de l’infraction, mais il aura certainement

renforcé l’auteur dans sa détermination, et en ce sens, l’individu aura contribué au résultat

681 V. supra n° 185.

682 V. supra n° 197 et s.

Page 175: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

175

infractionnel683

. En revanche, quand l’encouragement moral n’est caractérisé par aucun acte

positif, sa contribution causale à l’infraction est encore plus ténue.

208. Encouragement moral par une abstention. – En toute logique, une abstention ne

cause rien684

. Il est ainsi classiquement enseigné que le témoin passif d’une noyade n’est pas

cause de la mort de l’individu puisqu’en son absence, la mort serait tout de même survenue685

.

Le même constat peut être appliqué à la complicité : une omission ne peut s’analyser en un

acte de complicité punissable (le truisme est d’ailleurs, à cet égard, fort évocateur…), et

doctrine686

comme jurisprudence687

sont d’ailleurs en ce sens.

Toutes deux s’accordent néanmoins pour distinguer deux hypothèses : celle dans

laquelle le spectateur de l’infraction a réellement adhéré au projet criminel, et celle dans

laquelle il se sera contenté de ne pas s’opposer à la réalisation de l’infraction, en toute

neutralité688

. Généralement, ces différents cas recoupent la distinction entre l’abstention dans

l’action, assimilable à un véritable acte positif, et l’abstention pure et simple, qui ne devrait

pouvoir caractériser un fait de complicité689

. Pourtant, la jurisprudence considère parfois de

véritables abstentions pures et simples comme des faits de complicité, au motif qu’elles

constitueraient un encouragement moral pour l’auteur principal.

209. Abstentions dans l’action. – Concernant les abstentions dans l’action, si un

individu ne s’oppose pas à la commission d’une infraction alors même qu’une obligation

légale ou un devoir professionnel lui imposerait d’agir, son abstention pourrait être assimilée

à un acte positif. Un douanier qui, en connaissance de cause, « ferme les yeux » sur les vols

683 V. supra n° 201.

684 En ce sens, v. notamment H. CAPITANT, in Beudant, Cours de droit civil français, 1

ère éd., Les contrats et les

obligations¸appendice, n° 1168 et s. ; contra v. par exemple, H. L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité de la

responsabilité civile, t. 1, 6ème

éd., n° 527. 685

Exemple cité par PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 308. 686

V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 551 ; PH. CONTE

et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 414 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc. n° 345. 687

V. notamment Cass. crim., 30 nov. 1810, Bull. n° 154 ; 15 janv. 1948, Bull. n° 10, JCP 1948, II, 4268, note R.

B. ; S. 1948, 1, 81, note A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n°

92 ; Cass. crim., 21 oct. 1948, Bull. n° 242 ; 27 déc. 1960, Bull. n° 624 ; 14 fév. 1983, inédit, pourvoi n° 82-

11919. 688

V. notamment R. BERAUD, « L’omission punissable », S. J., 1944, I, n° 433. 689

Sur la distinction entre abstention dans l’action et abstention pure et simple, v. notamment D. REBUT,

L’omission en droit pénal – Pour une théorie de l’équivalence entre l’action et l’inaction, thèse Lyon III, 1993,

n° 110 et s. ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 308 et s. V. également, en

droit civil, PH. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7207 ; G. VINEY et P. JOURDAIN,

Traité de droit civil – Les conditions de la responsabilité, n° 456.

Page 176: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

176

des marchandises dont il avait la garde se rend donc complice de ces vols690

. De même, le

débitant de boissons qui n’intervient pas pour faire cesser le tapage causé par des tiers dans

son établissement se rend complice de ces tapages691

. Enfin, la complicité de présentation de

comptes annuels inexacts sera également retenue à l’encontre du comptable qui ne fait pas

figurer dans les comptes certaines sommes que son devoir lui impose pourtant de porter692

. Et

les exemples en la matière sont légion.

En réalité, ces hypothèses sanctionnent bien plus qu’un encouragement moral : loin de

s’analyser comme une simple attitude passive, l’abstention constitue ici un véritable concours

positif venant faciliter la réalisation de l’infraction. La Cour de cassation le souligne d’ailleurs

dans certaines de ses motivations, considérant que l’attitude du prévenu n’avait pas

consisté en une simple abstention mais en une véritable « action positive »693

. Un auteur a

ainsi systématisé ces solutions à travers la notion de collusion qui, pour être punissable, exige

le pouvoir de s’opposer effectivement à l’infraction (pouvoir d’origine légale ou

contractuelle) ainsi que la volonté de laisser l’auteur principal accomplir cette infraction694

,

cette collusion matérialisant l’aide apportée à la commission de l’infraction695

. Ainsi, pour cet

auteur, « est complice celui dont la présence paraît influencer la réalisation de l’infraction

par l’auteur. C’est en ce sens que l’on peut dire que le complice a joué un véritable rôle

positif. Et l’on peut ajouter que ce rôle sera plus facilement admis si le spectateur était un

professionnel dont la qualité était connue et dont l’influence s’est de ce fait trouvée

accrue »696

. Dès lors, le professionnel dispose d’une capacité d’influence abstraite car « ses

conseils ou son silence sont de nature à influencer le comportement de son client »697

. Ici

690 V. Cass.crim., 27 oct. 1971, Bull. n° 284, Gaz. Pal. 14-15 janv. 1972, Somm., note J.-P. D. ; Rev. sc. crim.

1972, p. 375, obs. A. LEGAL, et p. 385, obs. A. VITU. 691

Cass. crim., 14 nov. 1924, S. 1925, 1, p. 332 ; 8 juil. 1949, JCP 1949, II, p. 5128, note A. COLOMBINI, S.

1949, 1, p. 186, Rev. sc. crim. 1950 p. 50, obs. L. HUGUENEY ; 15 janv. 1974, Bull. n° 22 ; 17 fév. 1988, Bull.

n° 80. 692

Cass. crim., 9 nov. 1992, Dr. pén. 1993, p. 138, obs. J.-H. ROBERT ; Cass. crim., 18 mai 2001, inédit, pourvoi

n° 10-87.768, Rev. des sociétés 2011, p. 711, note T. GRANIER. 693

V. A. VITU, obs. sous Cass. crim., 27 oct. 1971, préc., Rev. sc. crim. 1972, p. 385. 694

A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP 1983, I, 3124. Sur la volonté de

laisser commettre l’infraction, l’auteur montre d’ailleurs que si la négligence peut constituer un élément de

preuve de l’intention criminelle, l’abstention d’un professionnel, à elle seule, ne devrait en aucun cas permettre

de déduire sa mauvaise foi. Sur ces éléments, v. supra n° 56. V. également M. BENEJAT, La responsabilité

pénale professionnelle, Dalloz, NBT, 2011, n° 340, qui regrette que « la règle de preuve [tende] à se transformer

en règle de fond ». 695

Du reste, il convient de ne pas oublier que l’aide ou l’assistance sont des termes suffisamment larges pour

englober aussi bien les actes positifs que les abstentions : v. supra n° 206 et s. 696

PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25, n° 12. 697

M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, préc., n° 340.

Page 177: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

177

encore, à l’instar des solutions prônées en matière de collusion698

, la qualité de professionnel

n’est qu’un élément de preuve parmi d’autres du rôle actif du spectateur d’une infraction.

210. Abstentions pures et simples. – En revanche, lorsque l’abstention ne s’insère pas

dans une activité professionnelle, il est plus délicat de l’assimiler à un acte positif constitutif

d’aide morale. Parfois, le fait d’avoir simplement accompagné l’auteur principal sur le lieu de

commission de l’infraction pourra caractériser cet acte positif699

, ce que la doctrine ne manque

pas de relever. Un auteur considère ainsi qu’ « il peut se faire qu’à elle seule la présence sur

les lieux du prévenu […] ait eu pour résultat d’accroître l’audace des malfaiteurs ou

d’affaiblir la résistance de leur victime. Cette attitude physiquement passive comporte alors

une aide psychologique positive et efficace qui doit être prise en considération au même

titre »700

. La caractérisation d’un tel encouragement moral sera certainement perceptible

quand un individu en aura accompagné un autre sur le lieu de commission de l’infraction, tout

en connaissant le projet criminel de l’auteur principal. En réalité, dans cette hypothèse, il

serait même envisageable de considérer que le fait d’avoir accompagné autrui puisse

constituer l’acte positif exigé en matière de complicité. Cette solution a du reste été retenue

par la Cour de cassation dans un célèbre arrêt : elle a ainsi considéré que le fait pour un

homme d’avoir accompagné sa maîtresse chez une avorteuse constituait un acte de complicité

du délit d’avortement illégal, alors même que l’homme ne partageait pas le choix de sa

compagne701

. Plus encore, quand la présence sur les lieux est fortuite, ou du moins ne résulte

pas d’un choix conscient et délibéré, il serait d’autant plus discutable de déceler l’influence de

cette présence sur la réalisation de l’infraction. Ainsi, l’individu qui se contente de ne pas

s’opposer à la commission d’un vol ne peut être considéré comme un complice de ce vol702

.

Son intervention (ou plus exactement son absence d’intervention) n’a en effet en rien modifié

le cours des événements qui se déroulaient devant lui, il a été ce que la doctrine nomme

généralement « un spectateur neutre ». De même, la personne assistant à un passage à tabac,

même si elle n’esquisse aucun signe de réprobation ou de crainte, ne devrait pouvoir être

698 V. A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, préc.

699 Pour des exemples, v. P. BOUZAT, note sous Cass. crim. 5 nov. 1941, S. 1942, I, p. 89.

700 A. LEGAL, Rev. sc. crim., 1972, p. 376.

701 Cass. crim., 5 nov. 1941, préc.

702 Cass. crim., 23 nov 1905, Bull. n° 514.

Page 178: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

178

considérée comme témoignant une certaine approbation et donc un encouragement moral,

faute pour elle de démontrer positivement cette approbation703

.

211. Causalité indirecte. – Quoi qu’il en soit, si ces abstentions sont à l’origine du

résultat infractionnel, elles n’en sont certainement pas des causes déterminantes. Certes,

l’inaction des individus aura « donné [aux auteurs principaux] l’assurance de pouvoir [agir]

sans être inquiétés »704

, mais le lien de causalité entre cette inaction et l’infraction doit être

considéré comme éloigné. Certains auteurs montrent ainsi qu’elles mettent en jeu la théorie de

l’équivalence des conditions705

, non celle de la causalité adéquate.

Ces adhésions morales ne peuvent alors s’analyser comme des actes indispensables,

nécessaires à la commission de l’infraction. En matière d’abstention dans la fonction, les

individus ne font que créer une situation de tranquillité : les malfaiteurs auraient certainement

été moins sereins pour commettre l’infraction, mais ils l’auraient cependant réalisée. Leurs

actes s’analysent comme de simples actes de facilitation, sans influence déterminante sur la

commission de l’infraction. Et si l’on considère les omissions pures et simples, ce constat

n’est que plus juste : l’influence causale d’une telle abstention sur la réalisation de l’infraction

est particulièrement ténue.

Or, cette sanction d’une causalité éloignée du résultat pénal se retrouve dans la

répression de la complicité de complicité.

B- La répression de la complicité de complicité

212. Définition. – La complicité de complicité, également appelée complicité

successive ou en chaîne, ou encore complicité indirecte, peut se définir comme « un acte de

complicité [qui] se rattache à ce qui n’est en soi qu’un autre acte de complicité »706

. Elle

s’analyse donc comme une relation entre au moins trois individus707

: l’auteur principal, le

complice, et le complice de ce complice. Autrement dit, « le complice de second plan ne s’est

703 En revanche, il serait évidemment envisageable de lui reprocher l’infraction de non-obstacle à la commission

d’un crime ou d’un délit de l’article 223-6 du Code pénal, sous réserve que les conditions en soient remplies. 704

V. A. VITU, obs. sous Cass crim. 27 oct. 1971, préc. 705

P.-B. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 150 et s. ; J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie

de l’infraction, préc., n° 14. 706

J. LARGUIER, La complicité de complicité, Rev. sc. crim. 1976, p. 708. 707

Mais peut évidemment compter plus d’intervenants.

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179

pas associé à l’acte de l’auteur mais à l’acte du complice de premier plan »708

. Dès lors, cette

forme de complicité implique que l’auteur n’ait pas connaissance de l’intervention du

complice en bout de chaîne709

.

213. Divergences doctrinales. – La doctrine est divisée quant à savoir si cette forme de

complicité doit faire l’objet d’une répression pénale. Pour certains, le principe d’interprétation

stricte710

, voire littérale711

, de la loi pénale, commanderait son impunité. Cependant, il n’est

pas certain que cet argument soit utilisé à bon escient. En effet, la lecture du Code pénal

démontre que rien ne s’oppose à la sanction de la complicité en chaîne : parce que le

législateur n’a pas expressément envisagé cette hypothèse et parce qu’il reste muet quant à

l’intensité causale exigée en matière de complicité, la complicité de complicité n’a, en réalité,

qu’à répondre aux conditions classiques posées par les articles 121-6 et 121-7 du Code pénal

pour être réprimée. Faute de texte traitant de la complicité indirecte, le principe

d’interprétation stricte ne peut donc être invoqué en la matière, ni, a fortiori, celui de

l’interprétation littérale712

. C’est pourquoi, sur le même fondement, une autre partie de la

doctrine admet de sanctionner cette forme de complicité. Ainsi, selon GARRAUD, « il faut que

le complice ait volontairement provoqué à la perpétration de l’acte incriminé, qu’il l’ait aidé,

qu’il l’ait facilité. Mais cette condition est suffisante ; et il importe peu que l’instigation ou

l’assistance ait été directe, dans le sens de relation directe ou sans intermédiaire, entre

l’auteur et le complice »713

.

214. Solutions jurisprudentielles. – Du reste, bien que parfois considérée comme

fluctuante, la jurisprudence n’a pourtant jamais hésité à sanctionner les hypothèses de

complicité de complicité. Dès 1844, elle a ainsi affirmé que « celui qui, affectant de ne pas se

mettre en rapport direct avec l’auteur principal du crime, donne à un tiers les instructions

nécessaires pour commettre ce crime, afin qu’il les transmette à celui qui doit le commettre,

708 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 552.

709 En effet, dès lors que l’auteur principal a connaissance de l’intervention d’un individu, ce dernier devient

nécessairement son complice direct. 710

PH. SALVAGE, « Complicité, Art. 121-6 et 121-7 », J.-Cl. Pén. Code, 1998, n° 29. 711

E. GARCON, Code pénal annoté, Sirey, 1952, art. 60, n° 276. 712

Dans le même sens, v. P.-A. BON, La causalité en matière pénale, préc. 713

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, T. II, 2ème

éd., Sirey, 1898, p. 664, n° 677.

Page 180: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

180

est aussi coupable que s’il les donnait lui-même directement »714

. Des décisions ultérieures

ont pu laisser penser que la Cour de cassation était revenue sur cette position initiale715

, mais

en réalité, il n’en était rien. Ces arrêts étaient en effet, pour la plupart, des arrêts de cassation

pour insuffisance de motifs. La Chambre criminelle n’y a ainsi jamais posé de règle théorique

affirmant l’impunité de la complicité de complicité. Au contraire, elle n’a fait que reprocher

aux juridictions du fond de ne pas avoir suffisamment caractérisé l’ensemble des éléments

constitutifs de la complicité. Et lorsque les éléments de fait permettent de prouver l’existence

d’une complicité indirecte, la Cour n’hésite pas à réprimer cette dernière. Elle a ainsi affirmé

en 2004 que « l’aide ou l’assistance apportée en connaissance de cause à l’auteur […], même

par l’intermédiaire d’un autre complice, constitue la complicité incriminée par l’article 121-7

du Code pénal »716

.

215. Conception extensive du lien de causalité. – Dès lors, en admettant la répression

de la complicité en chaîne, le droit positif retient, à juste titre certainement, une conception

extensive du lien de causalité unissant complice et infraction principale. L’expression même

de complicité indirecte, du reste, en rend compte : la complicité est retenue alors même

qu’elle n’est pas, par essence, directement liée à l’infraction principale717

. Certes, il n’est pas

sûr que l’on puisse remonter indéfiniment la chaîne des causalités, ne serait-ce que dans un

souci de protection des libertés individuelles ; il a ainsi été démontré qu’il n’était pas

souhaitable de réprimer des comportements dont le lien de causalité avec la réalisation de

l’infraction était si ténu qu’il permettait en réalité de douter de son existence même718

. La

certitude de la causalité doit ainsi demeurer un rempart contre une répression excessive de

comportements ne traduisant pas une dangerosité avérée.

Il demeure cependant qu’en admettant que le lien de causalité entre l’acte du complice

et celui de l’auteur principal soit distendu, l’influence du complice sur l’infraction s’étiole

nécessairement. En effet, plus l’acte de celui-ci est éloigné de la consommation de

714 Crim. 23 mai 1884, Bull. n° 179.

715 V. notamment Cass. crim., 17 nov. 1944, Rev. sc. crim. 1946, p. 67, chron. L. HUGUENEY. Mais pour cet

auteur, la Cour de cassation choisit ici de consacrer l’impunité de la complicité de complicité. V. également

Cass. crim. 29 nov. 1946, Gaz. Pal. 1947, p. 25 ; Cass. crim. 1er

sept. 1987, Bull. n° 308, Rev. sc. crim. 1990, p.

325, note A. VITU. 716

Cass. crim., 15 déc. 2004, JCP 2005, II, 10050, note J.-Y. MARECHAL. 717

Sur le lien entre causalité directe et intensité causale, v. infra n° 229. 718

V. supra n° 214.

Page 181: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

181

l’infraction, plus son pouvoir d’action sur cette dernière est soumis à des aléas et se trouve

alors limité.

216. Un pouvoir d’action sur l’infraction limité. – Quelle que soit la proximité

causale unissant les actes du complice à ceux de l’auteur principal et donc l’influence que

pourraient exercer les premiers sur la commission de l’infraction, il n’en demeure pas moins

qu’en ne réalisant pas lui-même les éléments constitutifs de cette dernière, le complice est

nécessairement soumis à l’intervention de l’auteur principal pour que le fait délictueux soit

commis. Sans cette intervention, et quelqu’abouti que soit le concours du complice,

l’infraction ne pourra voir le jour. Dès lors, la contribution causale du complice à l’infraction

dépend de l’existence d’un fait principal punissable, et le pouvoir d’action du complice sur le

résultat infractionnel est donc nécessairement limité719

. De ce point de vue, l’intensité causale

pourrait devenir un critère discriminant entre complicité et coaction.

§2- La coaction conditionnée à une contribution causale déterminante

217. En matière de coaction, le lien de causalité unissant les actes du participant au

résultat infractionnel ne peut se contenter d’être certain. Il doit, en outre, et nécessairement,

revêtir une certaine intensité, une certaine force. Si cette exigence a été systématisée par de

nombreux auteurs720

, encore faut-il la préciser. En effet, l’intensité causale est une notion

floue, qui impose d’être qualifiée afin de représenter un critère de définition fiable. Aussi

convient-il de s’intéresser à l’exigence d’une intensité causale (A) pour mieux définir quelle

est l’intensité causale exigée (B).

719 Ce pouvoir d’action limité s’explique d’ailleurs parce que la théorie de l’équivalence des conditions régit les

rapports unissant complice et auteur principal et que la tentative de complicité n’est pas punissable, faute

d’existence d’un fait principal punissable : v. infra n° 482 et s. 720

V. infra n° 218 et s.

Page 182: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

182

A- L’exigence d’une intensité causale

218. Participation principale et participation secondaire. – Parce qu’elle est parente

de l’action, la coaction suppose non seulement un lien causal avec le résultat infractionnel,

mais surtout un lien causal intense. En effet, il est traditionnellement admis que si le complice

est une des causes de l’infraction en ce qu’il aide l’auteur principal, il n’en est pas LA cause au

sens scientifique du terme, dans la mesure où ce sont les actes de l’auteur qui produisent

concrètement le résultat infractionnel721

, non ceux du complice722

. Or, ce critère causal

comme moyen de distinguer complice et coauteur a été très tôt envisagé parmi les tenants

d’une conception objective de la coaction723

. Beaucoup d’auteurs distinguent ainsi entre les

participants principaux et les participants secondaires à l’infraction, revenant en cela à

appliquer un critère causal. En ce sens, JOUSSE et MUYART DE VOUGLANS montrent qu’au

XVIIIème siècle, la répression distinguait entre les participants de première zone et les

participants subalternes724

. De même, DONNEDIEU DE VABRES expose qu’ « il y a, tout

d’abord, ceux qui ont joué dans l’entreprise un rôle essentiel : ce sont les auteurs

principaux725

; il y a, d’autre part, ceux qui n’ont joué dans la commission de ce délit qu’un

rôle secondaire et accessoire : ce sont les complices »726

.

Mais aussi éminents que soient ses partisans, le courant causaliste n’emporte pas

l’adhésion de l’ensemble de la doctrine, la majorité des auteurs lui préférant un autre courant

se référant « à la structure juridico-matérielle des différents agissements individuels »727

. En

d’autres termes, pour ces derniers auteurs, alors que les coauteurs réaliseraient l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction, ce ne serait pas le cas des complices. Pourtant, les

critiques relevées à l’encontre du courant causaliste peuvent paraître quelque peu excessives.

Il semble ainsi évident que celui qui fournit une arme ou indique les habitudes d’un

individu à autrui joue assurément un rôle causal moindre dans l’assassinat ou le vol qui

s’ensuivent que celui qui appuie sur la détente ou soustrait les objets de valeur en profitant de

721 Précisons que nous considérons ici que toutes les infractions ont un résultat, qu’il soit matériel ou juridique :

v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 312 et s. 722

Cela s’explique car en réalité, seul l’auteur réalise l’infraction. 723

V. supra n° 6. 724

Cités par D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 45. 725

Certes, l’auteur ne parle pas ici expressément de coauteurs mais comme il l’a été vu, les auteurs principaux

renvoient généralement aux coauteurs. 726

H. DONNEDIEU DE VABRES, Droit criminel, 1947, n° 425. 727

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 554.

Page 183: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

183

l’absence de leur propriétaire728

. Dans ces hypothèses, il s’agit de déterminer celui dont les

actes ont eu un rôle de premier plan, et celui dont les actes sont apparus plus secondaires. Si

cette distinction entre des participations principales et des participations secondaires est ainsi

partagée par de nombreux auteurs, tous sont pourtant loin de s’accorder sur les critères et

définitions à donner de ces notions.

219. Imprécision des critères de définition. – Ainsi, les canonistes séparaient les

coopérateurs nécessaires de ceux dont la participation n’avait pas été déterminante de

l’infraction729

. Au XVIème siècle, les criminalistes italiens évoquaient les individus ayant été

la « cause prochaine » de l’infraction par opposition à ceux en ayant été la « cause

éloignée »730

. Quant à la doctrine française, au XVIIIème siècle, JOUSSE et MUYART DE

VOUGLANS tout en distinguant participation matérielle et participation intellectuelle, allaient,

s’agissant plus particulièrement de JOUSSE, jusqu’à évoquer le critère de la nécessité de l’acte

de coopération, le caractère irremplaçable de l’individu pour l’exécution de l’infraction pour

distinguer coopérateurs et complices731

. Pour GARRAUD encore, « il ne faut confondre ni les

causes avec les conditions, ni les causes déterminantes avec les causes occasionnelles »732

. Il

conviendrait alors de distinguer les actes de « participation directe » des actes de

« participation accessoire »733

, et plus précisément, en cas de participation concomitante à

l’infraction, les actes nécessaires à la commission de ceux ne l’étant pas734

.

Et les exemples en la matière pourraient être multipliés. On dénombre ainsi quasiment autant

de définitions des participants principaux et secondaires que d’auteurs s’étant intéressés à la

question. Or, il faut ici le concéder, bien souvent, aucune précision n’est donnée quant à

728 En ce sens, v. notamment A. CHAUVEAU et F. HELIE, n° 281 p. 443, pour qui « il est évident que, sur le refus

de cette assistance, les individus qui avaient résolu le crime se seraient procuré ailleurs d’autres armes […] ». 729

V. P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, thèse Paris, 1963, p. 19 et s. 730

Plus précisément, leur système était le suivant : l’agent ayant élaboré l’acte (c’est-à-dire celui que nous

nommons aujourd’hui classiquement l’instigateur) était nécessairement qualifié d’auteur ; quant à celui qui avait

coopéré à l’action, c’est alors qu’il convenait d’opérer une distinction selon qu’il en avait été la cause prochaine

ou la cause éloignée. V. FARINACIUS , Praxis et theoria criminalis, et alia opera criminalia, éd. de Nuremberg,

S. D., quaestio 130, n° 42 et 54, cité par P. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, préc., p. 669. V.

également P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, préc., p. 19 et s. 731

Sur ces points, v. supra n° 6. V. également D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 45 et s., qui analyse

précisément les propos de ces auteurs et en tire les conclusions énoncées ici. 732

Préc., n° 882. 733

Ibid. n° 950 p. 125. 734

Ibid. n° 950 p. 126.

Page 184: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

184

savoir à partir de quand l’acte est en lien direct avec l’infraction, nécessaire à celle-ci, ou en

est déterminant.

220. Effort de systématisation. – Cependant, quelles que soient les dénominations

employées, il semble possible de les regrouper en deux grandes catégories : certaines

semblent renvoyer à la théorie de la causa proxima ou cause prochaine735

alors que d’autres

paraissent renvoyer à celle de la causalité adéquate. En vertu de la première, seules les causes

proches, en relation directe et immédiate avec le dommage doivent être retenues. Or, c’est

évidemment ce à quoi semble renvoyer la distinction entre coauteurs et complices selon qu’ils

apparaissent comme des causes prochaines ou éloignées de l’infraction736

. En vertu de la

seconde, il convient de ne retenir comme causes du dommage que celles qui, selon le cours

naturel des choses, étaient à même de produire le résultat considéré. Or, dès lors que l’on

raisonne sur une cause nécessaire, déterminante ou encore prépondérante, il s’agit bien de se

demander quelle était celle qui renfermait, selon le cours normal des choses, la capacité

abstraite d’un tel résultat. Distinguer coauteur et complice selon l’intensité causale reviendrait

donc à appliquer les théories de la cause prochaine ou de la causalité adéquate, déjà fort

développées par la doctrine.

221. Insuffisance supposée de cette systématisation. – Pourtant, cet argument ne

suffit pas à convaincre de la pertinence de l’analyse. Effectivement, la théorie de la causa

proxima ne résoud pas la question de l’intensité causale : la cause immédiate de l’infraction

n’est pas nécessairement celle qui apparaît comme la cause prépondérante du résultat

infractionnel. Par exemple, lors d’une rixe, il est loin d’être certain que le dernier coup porté

avant que la victime ne décède soit celui qui a entraîné sa mort. En outre, et de façon

constante, la jurisprudence n’exige pas que le lien de causalité unissant un acte à son auteur

soit direct et immédiat pour le réprimer737

, ce qui empêcherait alors de retenir un tel critère738

.

735 V. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 571, p. 714.

736 V. supra n° 219.

737 En effet, le législateur lui-même refuse d’appliquer la théorie de la causa proxima à la définition de l’auteur

dans la mesure où il sanctionne expressément l’auteur indirect d’une faute d’imprudence qualifiée à l’article 121-

3 du Code pénal. 738

P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 659.

Page 185: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

185

Quant à la théorie de la causalité adéquate, parce que susceptible de différentes

conceptions739

, elle manquerait de fiabilité et soumettrait la qualification de coauteur ou

complice à l’arbitraire des juges. En outre, comment distinguer une cause déterminante de

l’infraction d’une cause qui ne le serait pas ? Toutes les causes ne sont-elles pas nécessaires

au résultat infractionnel ?

222. Absence évoquée de hiérarchie entre les causes en droit pénal. – C’est pourquoi

pour certains, cause et condition s’identifient en droit pénal, et « toutes les conditions du

résultat sont donc par suite de même valeur »740

. Il serait par conséquent impossible, et

d’ailleurs inopportun, de réaliser un tri parmi les différentes causes du résultat infractionnel.

Seul l’enchaînement causal serait à même d’expliquer ce dernier, sans qu’une cause puisse

apparaître comme plus nécessaire ou déterminante qu’une autre.

223. Possibilité de distinguer entre les différentes causes de l’infraction. –

Cependant, comme l’a fait remarquer un auteur, « il ne faut pas confondre l’équivalence des

conditions du point de vue causal avec le jugement de valeur que l’on porte sur chacune de

ces conditions. L’équivalence logique et abstraite de ces facteurs ne signifie nullement leur

équivalence objective et légale. Dans la réalité, il est possible de distinguer l’importance

objective des différents rôles que chaque facteur, donc chaque participant, a effectivement

joués dans la réalisation de l’infraction »741

. Ainsi, si la théorie de l’équivalence des

conditions permet de résoudre la question de la certitude du lien de causalité et avec elle celle

du cercle des personnes qualifiables de participants à l’infraction742

, elle n’interdit en rien de

considérer une cause comme prépondérante par rapport à une autre dans l’apparition du

résultat infractionnel.

739 V. P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 625, note n° 1040, qui évoque plutôt « les théories de la

causalité adéquate, puisqu’elle présente autant de visages que d’auteurs s’y étant intéressés ». 740

F. von LISZT, Traité de droit pénal allemand, traduit sur la 17ème

édition allemande (1908), Bibliothèque

internationale de droit privé et de droit criminel, Paris, 1911, §29, II, p. 186. Poursuivant son raisonnement,

l’auteur admet « [nier] la force réelle (reale Kraft) d’une cause se séparant des conditions, et produisant ainsi le

résultat (la causa efficiens en opposition avec la condition sine qua non) », §29 ,VI, 2°, p. 191. Dans le même

sens, v. von BURI, Zur Lehre von der Teilnahme an dem Verbrechen und der Begaenstigung, Berlin, 1860, cité

en note de bas de page par R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 881, p.

15. 741

K.-K. ABDULNOUR, La distinction entre co-activité et complicité, Etude de doctrine et de jurisprudence en

Suisse, en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967, p. 37. 742

V. supra n° 185.

Page 186: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

186

224. Absence évoquée d’adéquation par rapport à la notion d’auteur. – En outre,

d’aucuns font remarquer qu’il est des hypothèses dans lesquelles un individu est qualifié

d’auteur alors même qu’en raisonnant selon la théorie de la causalité adéquate, son acte ne

pouvait conduire au résultat effectivement provoqué. Les violences en sont l’illustration

parfaite : un individu en pousse légèrement un autre qui, déséquilibré, fait une mauvaise

chute, se cogne contre un coin de table, et décède. A suivre la théorie de la causalité adéquate,

le fait de pousser autrui ne peut, selon le cours normal des choses, entraîner sa mort. Pourtant,

l’auteur de cet acte sera bien considéré comme auteur de violences mortelles743

. Or, selon une

partie de la doctrine, « une même façon de causalité qui justifie la qualification d’une

personne comme auteur lorsqu’elle a agi toute seule ne peut pas en même temps conduire à la

complicité par le simple fait que cette personne a agi en concours avec d’autres »744

.

Cependant, cet argument peut être contesté à un double titre.

225. Hypothèses de définition de l’auteur par référence à la théorie de la causalité

adéquate. – En premier lieu, la théorie de la causalité adéquate est en réalité utilisée dans de

nombreuses hypothèses afin de définir l’auteur. Ainsi, le droit positif considère régulièrement

comme des auteurs ceux qui n’ont pas été les causes concrètes du résultat redouté, mais

avaient le potentiel causal pour l’être. Par exemple, en matière de tentative, c’est bien ce

potentiel causal de l’acte qui justifie la répression et la qualification d’auteur d’une tentative

alors même que ce dernier n’a pas concrètement causé le résultat redouté. Le raisonnement est

ici fondé sur la théorie de la causalité adéquate : parce que, selon le cours normal des choses,

l’acte de l’auteur devait produire le résultat infractionnel, il doit être réprimé sous la

qualification de tentative. La jurisprudence n’en dispose pas autrement lorsqu’elle définit le

commencement d’exécution comme l’acte qui tend directement à la réalisation de

l’infraction745

. Cet acte de commencement d’exécution doit donc logiquement s’entendre d’un

743 Ce qui est le propre des infractions de résultat : v. M.-A. RAYMOND, Les infractions de résultat, thèse

Bordeaux IV, 2010. 744

P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à

l’infraction, RID pén. 1956, p. 167 et s., spéc. p. 174. Dans le même sens, R. MERLE et A. VITU, Traité de droit

criminel, préc., n° 554, p. 697 qui constatent que « ce critère n’est guère satisfaisant, car il se peut que la

relation de causalité adéquate ne se rencontre pas dans l’activité pénale d’un individu agissant seul, et pourtant,

l’on ne saurait raisonnablement refuser à un tel individu la qualité d’auteur ». 745

V. infra n° 292.

Page 187: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

187

acte ayant le pouvoir causal d’entraîner le résultat redouté746

, et son auteur sera auteur d’une

tentative.

De même, l’incrimination des provocations non suivies d’effet poursuit une logique

identique : parce que l’acte du provocateur a le pouvoir causal abstrait d’engendrer un résultat

dommageable, il est érigé en infraction autonome avant même que la valeur à protéger ne soit

atteinte. Ainsi, par exemple, le législateur sanctionne la provocation à la trahison et à

l’espionnage même si elle n’a pas été suivie d’effet parce qu’un tel comportement porte en lui

le pouvoir causal de conduire à ces actes tant redoutés. C’est ainsi en raisonnant par rapport

au pouvoir causal abstrait de son acte que l’individu sera déclaré ou non auteur de l’infraction

de provocation à la trahison et à l’espionnage.

Enfin, en cas de violences commises en groupe ayant entraîné la mort d’un individu, il

a été vu que les différents actes sont analysés par la jurisprudence comme une scène unique

ayant produit le dommage, et ce même dans l’hypothèse où il est indéniable qu’un seul des

participants a pu donner le coup mortel. Peu importe alors de déterminer quel est l’auteur de

ce coup, seul le potentiel causal tiré du fait que plusieurs personnes frappent en même temps

autrui sera pris en compte. Or, lorsque plusieurs individus rouent de coups un autre, il est

prévisible que ce dernier subisse de graves blessures, voire décède.

Ainsi, dans ces différentes hypothèses, sont qualifiés d’auteurs des individus qui n’ont

pas concrètement causé le dommage, mais en étaient abstraitement des causes adéquates.

226. Absence d’adéquation entre la notion d’auteur et de coauteur. – En second lieu

et surtout, considérer que le coauteur ne peut se définir comme l’agent étant la cause adéquate

du résultat pénal parce que l’auteur n’est pas nécessairement une telle cause adéquate de

l’infraction procède en réalité d’une confusion entre la notion d’auteur et celle de coauteur. En

effet, puisque le coauteur est une notion autonome, indépendante et différente de celle

746 Cependant, la jurisprudence ne respecte pas toujours ce principe puisqu’elle admet la répression de certains

comportements par le biais de la tentative en cas d’impossibilité de fait, c’est-à-dire dans l’hypothèse où les

moyens utilisés pour réaliser l’infraction étaient inefficaces : v. par exemple Cass. crim. 5 nov. 1928 : DP 1929,

I, p. 97, note A. HENRY ; JCP G 1929, p. 239, note R. GARRAUD concernant la répression d’une tentative

d’avortement avec des procédés inefficaces. Pour une explication générale de cette solution, v. V. MALABAT,

Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, préc., n° 155, qui admet la répression dans

une telle hypothèse dès lors qu’un individu moyen placé dans les mêmes circonstances aurait cru également à

l’efficacité des moyens employés.

Plus généralement, sur la conception causaliste du commencement d’exécution, v. V. MALABAT, Appréciation n

abstracto et in concreto en droit pénal, préc., n° 139 et s.V. également infra n° 225.

Page 188: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

188

d’auteur747

, on ne peut leur appliquer les mêmes critères de définition. Une conclusion

identique semble d’ailleurs pouvoir être retenue s’agissant de l’argument opposé à la théorie

de la causa proxima et visant à l’exclure au motif qu’un auteur n’est pas nécessairement la

cause directe et immédiate de l’infraction : le coauteur ne se résumant pas à un simple auteur

juxtaposé, les critères de définition de l’auteur n’ont pas à lui être appliqués.

227. Adéquation au sens commun de la distinction entre participation principale et

participation secondaire. – Enfin, distinguer coauteur et complice selon l’intensité de leur

participation causale a le mérite de se conformer à l’idée que se fait généralement tout un

chacun des rôles respectifs de l’auteur et du complice. En effet, le complice est classiquement

vu comme un agent subalterne, dont le rôle a simplement consisté à exécuter les ordres de

l’auteur, alors que ce dernier apparaît comme la véritable cause de l’infraction. Certes, il est

évident que ce dernier argument est loin d’être décisif. Cependant, à une époque où le

législateur se targue de vouloir simplifier le droit pour le rendre plus accessible aux

justiciables748

, une telle adaptation ne saurait être déplorée.

Plus généralement, aucun argument majeur ne semble donc s’opposer à utiliser le

critère causal comme distinctif des notions de coauteur et de complice. Mais comme il l’a été

rapidement évoqué, différentes conceptions de l’intensité causale exigée sont envisageables,

c’est pourquoi il convient à présent de définir précisément cette dernière. Or, si le coauteur se

rapproche de l’auteur en ce qu’il réalise sa propre infraction, les critères utilisés pour

distinguer complice et auteur devraient permettre de différencier coauteur et complice.

B- L’intensité causale exigée

228. Si l’on peut sans doute adhérer à certains des reproches adressés à la théorie de la

causa proxima749

, il a précédemment été souligné que les critiques formulées à l’encontre de

747 V. supra n° 55.

748 V. Loi n° 2007- 1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et Loi n° 2009-526 du 12 mai

2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures. V. également Loi n° 2011-525

du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. 749

En particulier celui visant à considérer que la cause la plus proche du résultat infractionnel n’est pas

nécessairement celle qui a eu la plus grande importance dans la survenance de ce résultat : v. supra n° 229.

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la causalité adéquate n’étaient pas nécessairement pertinentes750

. Pour autant, il importe de

préciser quelles causes doivent être considérées comme adéquates afin d’en faire un critère

exploitable par le juge751

.

229. Difficultés engendrées par la notion de cause directe. – La cause qui, selon le

cours normal des choses, était à même d’entraîner l’infraction peut tout d’abord s’entendre

comme la cause directe de celle-ci. Cependant, à nouveau, une question de définition se pose.

En effet, encore faut-il s’entendre sur le sens de l’adjectif « direct ». Or, ce dernier ne renvoie

pas aux mêmes idées selon qu’il est employé par le législateur ou la jurisprudence, et même,

selon les infractions auxquelles il se rapporte : alors que dans certaines hypothèses il semble

renvoyer à la théorie de la causalité adéquate, dans d’autres, il vise plutôt celle de la causa

proxima. Les exemples de la tentative et de la loi du 10 juillet 2000 pourront en convaincre.

Ainsi, en matière de tentative, le commencement d’exécution est traditionnellement

défini comme « l’acte qui tend directement et immédiatement à la consommation de

l’infraction »752

. L’adjectif « directement » semble ici renvoyer à une idée de proximité

causale et donc d’intensité causale. En effet, on peut aisément imaginer que les termes

« directement » et « immédiatement » renvoient à deux réalités différentes – soit une idée de

proximité causale et une idée de proximité temporelle753

– sauf à considérer que la

jurisprudence ne fait état ici que de redondances dont la pertinence serait éminemment

discutable. Pour donner du sens à ces deux termes, il faut alors considérer que le

commencement d’exécution se définit en réalité par une combinaison des théories de la causa

proxima et de la causalité adéquate : l’adjectif « immédiatement » renvoie à la première alors

que « directement » renvoie à la seconde.

750 V. supra n° 225 et 226.

751 Sur les principales différences entre les conceptions de la théorie de la causalité adéquate, v. notamment P.-A.

BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 625 et s. ; CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, , Essai sur la causalité en droit de

la responsabilité civile, Dalloz, NBT, 2010, n° 80 et s. 752

V. notamment Cass. crim., 3 mai 1974, Bull. n° 157, D. 1973, Somm. 20 ; 5 juin 1984, Bull. n° 212. 753

En ce sens, v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 333 ; D.

REBUT, Rép. pén., Dalloz, 2009, n° 22. V. également X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 167, pour qui

« directement » renverrait à une proximité dans l’espace alors que « immédiatement » renverrait à une proximité

dans le temps.

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190

En revanche, l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal754

, pour sa part, semble faire

référence à la théorie de la causa proxima lorsqu’il vise la cause directe du dommage. En

disposant que « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais

qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui

n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi

qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de

prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée

et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer »,

ce texte semble considérer que les personnes physiques seront regardées comme des causes

indirectes du dommage si une « situation » s’intercale entre eux et ce dernier. A contrario,

faute de « situation » venant s’intercaler, la causalité sera envisagée comme directe. C’est

donc ici considérer que la cause la plus proche du dommage en est la cause directe755

.

Pourtant, la jurisprudence elle-même s’écarte parfois de cette définition pour qualifier de

cause directe le « paramètre déterminant » du dommage, alors même qu’il n’est pas intervenu

en dernier dans le processus causal, revenant ainsi à une application de la théorie de la

causalité adéquate756

.

Ainsi, le terme « direct » renvoyant à différentes réalités en droit positif, son utilisation

afin de préciser la notion de cause adéquate de l’infraction semble, pour le moins, peu

pertinente. Il faut alors se tourner vers une autre définition de la cause adéquate.

230. Choix d’une cause déterminante. – Cette dernière peut ainsi s’entendre d’une

cause nécessaire de l’infraction. Cependant, une telle terminologie ne permet pas réellement

de faire un tri entre les différentes causes du dommage puisqu’elle revient simplement à

constater la certitude du lien de causalité, non son intensité. En effet, il a été vu que pour

établir la certitude de ce lien, il convient d’appliquer la théorie de l’équivalence des conditions

754 Mis en place par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000. Sur cette loi, v. par exemple PH. CONTE, Le lampiste et

la mort, Dr. pén. 2001, chr. 2, p. 10 ; Y. MAYAUD, La causalité directe dans les violences involontaires, cause

première ou « paramètre déterminant » ?, Rev. sc. crim. 2002, p. 100. 755

V. V. MALABAT, Droit pénal spécial, préc., n° 184. V. également J. PRADEL, Droit pénal spécial, préc., n° 89. 756

V. Cass. crim., 25 sept. 2001, Bull. n° 188 : en l’espèce, suite à un accident de la route ayant entraîné le décès

d’un individu, le conducteur du véhicule poursuivi pour homicide involontaire soutenait que la cause directe de

l’accident était l’apparition d’un sanglier sur la chaussée, dernier élément à intervenir dans le processus causal.

Pourtant, la Cour de cassation a retenu que sa vitesse excessive était la cause directe de l’accident car elle l’avait

empêché de contrôler son véhicule dans de telles circonstances.

Page 191: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

191

et de retenir comme causes de l’infraction tous les antécédents, précisément nécessaires, de

cette dernière. Il est alors possible de retenir comme causes adéquates les antécédents non

seulement nécessaires mais surtout déterminants de l’infraction. Certains auteurs ont

d’ailleurs envisagé un tel critère en considérant que l’individu ayant fourni une aide

« déterminante » à l’auteur devait être qualifié de coauteur alors que celui dont l’aide n’aurait

pas été « déterminante » devait être qualifié de complice757

. Or, il semble que l’utilisation

d’un tel terme puisse être approuvée dans la mesure où ce vocable n’est pas soumis à un aléa

d’interprétation comme peut l’être celui de « direct » ; il renvoie indiscutablement à une idée

de force causale. En effet, l’adjectif « déterminant » peut être défini comme ce qui

« détermine une action », ce qui est « décisif »758

. Du reste, un auteur a montré que la

jurisprudence a déjà utilisé un tel critère en qualifiant de coauteur d’exercice illégal de la

médecine l’individu qui avalisait les prescriptions médicales fournies par des personnes ne

disposant pas du titre de médecin au motif que son concours avait été « décisif »759

.

231. Cause déterminante et dommages causés en groupe. – Ainsi, le coauteur

s’analyse nécessairement comme une cause déterminante de l’infraction, au même titre

qu’une autre personne agissant avec lui. Les coauteurs seraient donc chacun des causes

déterminantes de l’infraction. Cette idée de cause déterminante de l’infraction peut d’ailleurs

fonder les solutions relatives aux violences collectives et à l’imprudence commune. En effet,

il est vrai que dans ces hypothèses, le comportement de chacun, envisagé de façon

individuelle, pourrait apparaître simplement comme une des causes, plus ou moins éloignées,

de l’infraction. Mais comme démontré précédemment760

, c’est sur leurs comportements

envisagés dans leur ensemble qu’il convient de raisonner, cet ensemble formant la cause

unique de l’infraction. Or, considérés dans leur ensemble, ces comportements sont bien la

cause déterminante du résultat pénal.

232. Le cas particulier de la provocation à l’infraction. – Mais alors, est-ce à dire

que dès lors que deux personnes agissant d’un commun accord sont des causes déterminantes

757 J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 446.

758 Le Petit Larousse, 2010.

759 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 124, à propos de l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 17

décembre 1859 (Bull. n° 281). 760

V. supra n° 177 et s., et infra n° 421.

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de l’infraction, elles sont nécessairement coauteurs de celle-ci ? En droit positif, la réponse

négative est de mise. A cet égard, l’exemple de la provocation à l’infraction est révélateur. En

effet, celle-ci est traditionnellement considérée par le législateur français comme un cas de

complicité761

. Or, ce qui caractérise la provocation, c’est certainement son pouvoir causal :

sanctionnée seulement si elle s’accompagne de certains procédés destinés à la rendre plus

efficace762

, elle est bien plus qu’une simple incitation à l’infraction. Le rôle du provocateur est

ainsi déterminant, si bien qu’à suivre notre raisonnement, provocateur et provoqué devraient

être considérés comme coauteurs. D’ailleurs, le provocateur est parfois considéré comme un

auteur à part entière tant par le législateur lui-même, que par la jurisprudence, et une partie de

la doctrine n’hésite pas à le qualifier d’auteur moral763

. En effet, de nombreuses

incriminations, telles que la provocation à la trahison ou à l’espionnage764

ou encore la

provocation de mineurs à un crime ou un délit765

, érigent le provocateur en auteur principal766

,

et la jurisprudence en fait parfois de même alors que la loi lui imposerait de le considérer

comme un simple complice, analysant alors le provocateur et le provoqué comme des

coauteurs. De nombreux arrêts en témoignent, et ce depuis fort longtemps767

, en particulier en

761 C. pén ., art. 121-7, qui dispose qu’ « Est également complice la personne qui par don, promesse, menace,

ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la

commettre ». 762

Les « don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir » sont expressément visés par l’article

121-7. 763

Sur cette notion, v. J. POUYANNE, L’auteur moral de l’infraction, PUAM, 2003. 764

C. pén., art. 411-11. 765

C. pén., art. 227-21. 766

Il s’agit ici d’exemples tirés du Code pénal, mais les provocations incriminées de façon autonome sont loin

d’être limitées à ce dernier. Ainsi, les codes de justice militaire, des impôts, de la consommation, de la sécurité

sociale ou encore de la santé publique en connaissent également, avec par exemple et respectivement, les

provocations à la désertion et à commettre des actes contraires à la discipline (C. just. mil., art. L 321-18), au

refus de l’impôt (C. gén. imp., art. 1747 al. 2), à l’emploi de choses dans un but de falsification (C. consom., art.

L 213-3 al. 1er

4°), à se soustraire à la législation en matière de sécurité sociale (C. séc. soc., art. L 652-7 al. 2) ou

encore à consommer des stupéfiants (C. santé pub., art. L 3421-4). En outre, des lois spéciales prévoient

également l’incrimination de certaines provocations, comme la loi du 1er

juin 1965 dans son article 2 qui

sanctionne la provocation au dopage dans le domaine sportif, et surtout la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de

la presse dans ses articles 23 et suivants qui sanctionnent différentes provocations à des infractions commises par

la voie d’un média. 767

V. par exemple Cass. crim., 8 juil. 1813, Bull. n° 150 ; Cass.crim., 12 fév. 1874, D. 1875, I, p. 482 : celui qui

fait fabriquer un faux est coauteur du crime de faux ; Cass. crim., 26 juin 1885, Bull. n° 186 (arrêt Diard) : celui

qui ordonne à ses conducteurs et cochers de transformer les roues de ses voitures pour les adapter aux rails de

chemin de fer afin de pouvoir emprunter ces derniers est auteur du délit contraventionnel d’utilisation de rails de

chemin de fer ; Cass. crim., 31 oct. 1889, Bull. n° 225 (arrêt Tissot) : est coauteur d’une violation de sépulture

perpétrée par les ouvriers qu’il employait l’individu qui a eu « la direction personnelle des travaux de la

tranchée ».

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193

droit pénal des affaires768

. Parfois même, l’auteur matériel – le provoqué donc – est considéré

comme un simple complice, en particulier lorsqu’il s’agit d’un subordonné du provocateur,

les juges poussant là à son paroxysme leur interprétation contra legem. Par exemple,

l’individu ayant réalisé une fraude sur une quantité de denrées grâce à une balance faussée fut

considéré comme le complice de l’infraction alors que celui qui avait fourni ladite balance fut

qualifié d’auteur769

. Face à ces difficultés, une partie de la doctrine milite pour la suppression

de la provocation en tant que cas de complicité et son incrimination à titre autonome770

.

Cependant, quelle que soit l’opinion qu’on en ait de façon générale, il n’est pas certain que la

solution aujourd’hui retenue par le législateur soit à déplorer en ce qui concerne la coaction771

.

En effet, la provocation ne répond pas aux autres critères nécessaires pour retenir ce mode

d’imputation, en particulier parce qu’en lui-même, le provocateur ne porte pas atteinte à la

valeur protégée : pour que cette atteinte soit effective, il est entièrement dépendant du

comportement d’un autre individu. De ce point de vue, la provocation rejoint bien la

768 V. par exemple Cass.crim., 4 déc. 1974, Gaz. Pal. 1975, I, Som. 93 ; Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén.

1996, comm. n° 223, obs. J.-H. ROBERT. 769

Cass. crim., 13 juin 1902, Bull. n° 220 (arrêt Gairaud ). En l’espèce, l’individu ayant fourni la balance était en

outre présent sur les lieux, ce qui aurait d’autant plus pu conduire à considérer les deux agents comme des

coauteurs. Cependant, en se fondant sur la théorie de la peine justifiée, l’arrêt a considéré que la distinction entre

le complice et le coauteur n’avait pas d’intérêt. 770

D’ailleurs, cette idée a tant fait son chemin que l’avant-projet de révision du Code pénal faisait de

l’instigation (et donc de la provocation, celle-ci étant un cas particulier d’instigation : v. PH. CONTE et P.

MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 416) un cas d’action. L’article 121-6 du projet soumis au

Sénat en première lecture était en effet ainsi rédigé : « Est instigateur la personne qui, par don, promesse, ruse,

menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir :

1° sciemment fait commettre par un tiers les faits incriminés.

2° provoque directement un tiers à commettre un crime, lors même qu’en raison de circonstances indépendantes

de la volonté de l’instigateur, la provocation n’est pas suivie d’effet.

L’instigateur de l’infraction est passible des mêmes peines que l’auteur de l’infraction. »

Cependant, bien que soutenu par la majorité de la doctrine ainsi que le gouvernement, ce projet ne vit jamais le

jour car il fut violemment rejeté par le Parlement. Ce dernier y voyait en effet un danger majeur, le risque de

dénonciation calomnieuse : une personne pourrait ainsi en accuser une autre de l’avoir provoquée à commettre

une infraction, sans rien risquer elle-même puisque l’infraction n’aurait pas été commise, et la plupart des

parlementaires considéraient ainsi ce texte comme trop attentatoire aux libertés publiques. Pourtant, cette

affirmation peut être remise en cause. En effet, non seulement une condamnation pour provocation non suivie

d’effet doit toujours se fonder sur des preuves, mais en outre, ce type de provocation est déjà incriminé et

sanctionné dans certains textes autonomes, sans que les risques envisagés par le Parlement soient avérés. Du

reste, des textes spécifiques réprimant de façon autonome la provocation non suivie d’effet n’ont cessé de se

multiplier depuis ce projet avorté (le plus marquant étant sans doute l’article 221-5-1 du Code pénal créé par la

loi du 9 mars 2004 et incriminant ce qu’il est convenu d’appeler le « mandat criminel ») sans que l’on dénote une

quelconque hausse du nombre de dénonciations calomnieuses, ce qui témoigne de l’absence de pertinence de

l’argument relatif à ce risque. 771

En revanche, l’incrimination autonome de l’instigation, en tant que mode d’imputation sui generis serait

certainement souhaitable.

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194

définition de la complicité donnée précédemment772

. Ainsi, bien que cause déterminante de

l’infraction, le provocateur ne peut être qualifié de coauteur. Là encore, la causalité ne peut

apparaître comme un critère distinctif entre la complicité et la coaction, sauf à admettre que la

provocation ne devrait pas être considérée comme un cas de complicité mais plutôt comme un

mode d’imputation à part entière.

772 V. supra n° 216.

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195

Conclusion du chapitre 1

233. L’exigence d’une contribution causale à l’infraction. – En tant que mode de

participation à l’infraction, la coaction implique que le coauteur dispose d’un véritable

pouvoir sur le résultat de l’infraction. Ce n’est en effet qu’à cette condition qu’il est possible

de considérer qu’il y a pris part. Mais dans la mesure où complices et coauteurs sont tous

deux des participants à l’infraction, chacun d’entre eux s’apparente nécessairement à une

cause de l’infraction. Cette exigence d’une contribution causale à l’infraction ne permet donc

pas de distinguer entre ces deux modes d’imputation.

234. L’intensité de la contribution causale à l’infraction. – Cependant, parce que le

coauteur s’analyse également comme un participant à sa propre infraction, il se rapproche

inévitablement de la définition de l’auteur. Dès lors, la coaction implique un rôle causal

important dans la réalisation de l’infraction. Plus précisément, la coaction est conditionnée à

l’existence d’une contribution causale déterminante dans la réalisation de l’infraction. Cet

impératif permet alors de distinguer ce titre d’imputation de la complicité puisque celle-ci se

satisfait pour sa part d’une contribution causale plus éloignée du résultat de l’infraction. Ainsi,

tandis que le complice prend part indirectement au résultat de l’infraction, le coauteur en est

une cause déterminante.

Cette différence devrait se traduire matériellement quant aux actes d’exécution. Or, il a

été relevé que le complice ne disposait pas de la faculté de s’assurer que les instructions ou les

moyens qu’il a remis allaient être utilisés, ce qui n’est pas le cas du coauteur (à défaut, il ne

serait pas une cause déterminante de l’infraction). En effet, si l’influence du coauteur sur le

résultat de l’infraction collective est aussi forte, c’est parce qu’il a nécessairement une

influence identique sur le comportement infractionnel.

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Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif

235. Le coauteur, maître de l’action. – Considérer que chaque coauteur doit participer

au comportement infractionnel collectif ne suffit certainement pas à faire de l’infraction leur

infraction : si la coaction s’analyse comme un mode de participation à sa propre infraction et

non à l’infraction d’autrui, il semble que la nature de cette influence ne puisse être

quelconque. En effet, en réalité, toute participation criminelle implique une influence sur le

comportement infractionnel. Plus encore, c’est cette influence qui justifie la répression des

participants. Il a ainsi été vu que tous les participants sont soumis à une exigence de causalité

unissant leur comportement à l’infraction commise. Sans cette relation, aucune participation à

l’infraction ne peut être retenue contre eux773

. Dès lors, pour que la participation s’analyse

comme une participation à sa propre infraction et non à l’infraction d’autrui, cette influence

doit traduire une certaine indépendance, une autonomie. Ce n’est qu’à cette condition que le

coauteur pourra être considéré comme le « maître de l’action ».

236. Autonomie et pluralité de participants. – Néanmoins, il pourrait être objecté que

l’autonomie n’est que toute relative dans la mesure où les « maîtres de l’action » sont

plusieurs. En réalité, ce serait là méconnaître le sens du terme « autonomie ». Ce dernier

pouvant se définir comme la « possibilité de décider, pour un organisme, un individu, sans en

référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité »774

, il est envisageable que

plusieurs personnes disposent d’une telle possibilité. La garde collective en responsabilité

civile témoigne également de cette potentialité : alors que la garde implique un pouvoir

d’usage, de direction et de contrôle sur la chose, c’est-à-dire une indépendance dans

l’utilisation de celle-ci, la Cour de cassation a admis que plusieurs personnes puissent avoir la

qualité de cogardiens de la chose dès lors qu’elles disposaient d’un même pouvoir sur celle-ci

au moment de la production du dommage775

. Certes, les coauteurs, parce qu’ils doivent

773 V. supra n° 173 et s.

774 Le Petit Larousse, 2010.

775 V. notamment Civ. 2

ème, 25 nov. 1999, Bull. II, n° 181 pour l’abattage d’un arbre par plusieurs personnes. V.

également en matière d’accidents de chasse, Civ. 2ème

, 5 fév. 1960, D. 1960, p. 305, note H. ABERKANE ; Civ.

3ème

, 13 mars 1975, Bull. II, n° 88, RTD civ. 1975, p. 543, obs. G. DURRY.

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198

nécessairement s’être entendus sur l’infraction776

, se concertent et donc réfèrent de leurs

décisions les uns aux autres. Cependant, un pouvoir de décision peut très bien s’exercer en

concertation. Partant de cette définition, l’influence du coauteur peut s’interpréter

négativement comme une absence de subordination à la volonté d’autrui. Dès lors, les actes

du coauteur se caractériseraient en ce qu’ils témoigneraient d’une véritable indépendance

morale. Reste alors à les définir de façon positive, c’est-à-dire à déterminer de quelle manière

l’influence du coauteur va se traduire matériellement. Or, l’indépendance morale des

coauteurs ne peut masquer les liens particuliers les unissant. En effet, même s’ils ne sont pas

soumis à la volonté d’autrui dans la réalisation de l’infraction, les coauteurs ont pour

spécificité de réaliser une infraction collectivement, ce qui transparaît nécessairement d’un

point de vue matériel. Cette réalisation collective de l’infraction implique alors une certaine

dépendance matérielle entre coauteurs. A l’indépendance morale entre coauteurs (Section 1)

répond donc une dépendance matérielle (Section 2).

Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs

237. Justification de l’étude. – Considérer que l’influence du coauteur sur le

comportement réalisé lors de l’infraction collective impose son indépendance morale peut, a

priori, surprendre. Une telle affirmation fait en effet ressurgir des considérations

apparemment psychologiques lors de l’étude de ce qui apparaît a priori comme la matérialité

de la coaction. Cependant, le terme de « comportement » ne renvoie pas seulement aux actes

de l’infraction collective mais englobe également l’état d’esprit dans lequel ceux-ci sont

commis. En outre, comme il l’a précédemment été montré, les données psychologiques

doivent être déduites d’éléments de fait objectivement constatables pour être punissables777

.

776 V. supra n° 91 et s.

777 V. supra n° 170.

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199

Or, l’indépendance morale du coauteur peut être constatée matériellement à travers son

absence de subordination à la volonté d’autrui.

238. Indépendance et absence de subordination. – En effet, l’indépendance peut se

définir de façon générale comme une absence de subordination à quelque chose778

ou

quelqu’un779

. Ainsi, en ce sens, l’escroquerie, par exemple, est subordonnée à l’existence de

procédés trompeurs : il s’agit ici de dire que sans ces procédés, l’infraction d’escroquerie ne

pourra être caractérisée. Mais comme il vient de l’être souligné, la subordination peut

également s’entendre d’une dépendance par rapport à autrui : d’ailleurs, dans le vocabulaire

juridique, la subordination renvoie généralement à un lien de dépendance juridique entre

l’employeur et le salarié dans la mesure où le lien de subordination est un des critères de

qualification du contrat de travail780

.

239. Coaction et absence de subordination à la volonté d’autrui. – Cette dualité

d’objets de la subordination peut se retrouver en matière de coaction. En effet, considérer que

la coaction se caractérise par une absence de subordination semble entraîner deux

conséquences majeures : non seulement elle n’est pas soumise à l’existence d’un fait principal

punissable, mais il semble également qu’elle ne puisse non plus se développer dans le cadre

d’une relation interpersonnelle. En réalité, si ces idées étaient avérées, la coaction impliquerait

alors une absence de subordination à la volonté d’autrui781

.

778 La subordination se définissant elle-même comme « la dépendance d’une chose par rapport à une autre » :

v. Le Petit Larousse, 2010. 779

La subordination pouvant également être définie comme « l’ordre établi entre les personnes et qui les rend

dépendantes des autres » : Ibid. 780

A. COEURET, B. GAURIAU, M. MINE, Droit du travail, Sirey, 2ème

éd., 2009, n° 264 ; A. MAZEAUD, Droit du

travail, Montchrestien, 8ème

éd., 2012, n° 536 et s. ; J. PELISSIER, G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail,

Dalloz, 23ème

éd., 2011, n° 193 et s. 781

Il est en effet possible de considérer l’existence d’un fait principal punissable comme également soumise à la

volonté d’autrui dans la mesure où ce qui explique que ce fait principal existe ou non, c’est généralement la

volonté de son auteur : soit il décide de passer à l’action et il existe, soit il renonce au stade des actes

préparatoires et cet acte n’existe pas. Il serait également possible de penser à l’hypothèse où le fait principal

n’existe pas en raison de l’absence d’élément moral de son auteur : mais là encore, c’est bien justement car

l’intention (et donc la volonté du résultat) a fait défaut à l’auteur que ce fait principal n’est pas punissable. Là

encore, son existence est donc subordonnée à la volonté d’autrui. Néanmoins, cette subordination à l’existence

d’un fait principal punissable ayant été évoquée précédemment (v. supra n° 216), elle ne fera pas ici l’objet de

développements.

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200

240. Subordination de fait et subordination juridique. – La subordination à la

volonté d’autrui peut alors s’entendre d’une subordination de fait ou d’une subordination

juridique.

La première renvoie à un lien de dépendance s’établissant entre deux individus en

dehors de tout lien hiérarchique. Il s’agit par exemple des liens pouvant s’établir au sein d’une

même famille ou d’un couple, ou de la dépendance pouvant unir les membres d’une secte à

leur gourou, ou encore de liens de dépendance économique entre plusieurs personnes. Il est

ainsi envisageable qu’un individu soit tellement sous l’influence d’autrui que celui-ci le

convainque de commettre une infraction, ou encore qu’un client pousse un entrepreneur au

bord de la faillite à en faire de même tant ce dernier avait besoin que ses stocks soient écoulés.

Quant à la seconde, la subordination juridique, elle est considérée de façon générale

comme le fait de devoir se référer à une autorité hiérarchique782

. Or, ces deux formes de

subordination laissent entrevoir la même interrogation : la personne placée sous la

dépendance morale d’une autre pourra-t-elle être considérée comme coauteur de celle-ci ou

cette dépendance, peu important qu’elle soit de fait ou juridique, devra-t-elle précisément

exclure ce titre d’imputation ? Pour y répondre, il paraît approprié de ne prendre pour

exemple de raisonnement que la subordination juridique, et plus spécifiquement les relations

au sein de l’entreprise. En effet, cet exemple est typique du lien de subordination pouvant

s’établir entre différents sujets de droit. En outre, il est certainement le plus pertinent tant les

hypothèses d’infractions commises au sein de l’entreprise sont fréquentes783

.

241. Relations au sein de l’entreprise. – La subordination juridique concerne en effet

principalement les relations au sein de l’entreprise. La question qui se pose ainsi est de savoir

qui va voir sa responsabilité pénale engagée en cas d’infraction commise au sein de

l’entreprise – le chef d’entreprise ? Ses préposés ? Des tiers (clients par exemple) ? – et à

quelles conditions. De façon plus spécifique et pour ce qui est de notre étude, il s’agit de

savoir si chef d’entreprise et préposés pourraient être regardés comme des coauteurs de

l’infraction ainsi réalisée ou si l’exigence d’une absence de subordination à la volonté d’autrui

les en empêcherait. Mais la question ne s’arrête pas là tant les notions d’entreprise et d’autrui

782 En ce sens, v. par exemple G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., selon qui la subordination juridique se

définit comme une « situation de dépendance du travailleur placé sous l’autorité de celui pour lequel il effectue

une tâche et qui, par ex., lui donne des instructions […] ». 783

Mais les raisonnements qui suivront pourront être transposés aux hypothèses de subordination de fait.

Page 201: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

201

peuvent être entendues de manière large. En effet, autrui, en renvoyant à toute personne autre

que soi, semble pouvoir être entendu comme faisant référence aux personnes physiques

comme morales. En outre, le droit communautaire, par l’intermédiaire de sa jurisprudence,

définit l’entreprise comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment

du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »784

, permettant alors

d’envisager les relations unissant deux personnes morales au sein d’une même entreprise. Il

apparaît alors que la condition d’absence de subordination à la volonté d’autrui puisse

s’appliquer aux relations unissant les personnes morales comme les personnes physiques.

Quant aux relations se jouant entre les personnes physiques et morales, il semble nécessaire

de distinguer selon que l’on s’intéresse aux liens unissant les salariés à la personne morale ou

à ceux unissant plus spécialement les organes ou représentants de la personne morale à cette

dernière.

242. L’absence de subordination entre personnes physiques et personnes

morales. – S’agissant des rapports entretenus entre les salariés et la personne morale, il paraît

discutable de les placer sur le terrain de la subordination : certes, lorsque le Code du travail

vise « l’employeur », on considère généralement qu’il fait référence à la personne morale

plutôt qu’à la personne physique, du moins lorsque l’entreprise est exploitée par un

groupement pourvu de la personnalité juridique. Les salariés d’une société, parce que

contractuellement liés à elle, seraient donc placés dans une relation de subordination à son

égard. Cependant, ce n’est pas cette dernière qui donne directement les instructions aux

personnes physiques la composant, ou dispose d’une autorité sur eux (sauf à admettre une

personnification quelque peu excessive de la personne morale). Ce pouvoir passe

nécessairement par le truchement d’une personne physique785

. Dès lors, le lien de

subordination du personnel de la société se caractérise plutôt à l’égard de la personne

physique qui a autorité sur lui que de la personne morale en elle-même.

S’agissant plus spécialement des relations entre un organe ou un représentant de la

personne morale et cette même personne morale, la question peut être encore davantage

784 CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec. CJCE 1991, I, p.

1979. 785

A rapprocher : G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, Actes du XXème colloque de

l’AFDP, à paraître, pour qui « si le salarié est contractuellement lié à la société, c’est le chef d’entreprise qui

exerce en son nom et pour son compte les droits contractuels et les pouvoirs dont elle est titulaire ».

Page 202: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

202

discutée. Certains auteurs, adoptant une analyse contractuelle de la situation des dirigeants de

la personne morale, considèrent en effet ce dirigeant comme le mandataire de la personne

morale786

. Pour preuve, les dirigeants sont nommés et peuvent être révoqués par les

associés787

, ils répondent des fautes commises dans la gestion788

, ou encore, ils doivent rendre

compte de leur gestion aux associés789

. De plus, parce qu’il doit agir dans l’intérêt de la

personne morale790

, le dirigeant ne serait pas libre à son égard791

. Partant, plus généralement,

la personne morale exercerait une autorité sur ses organes et représentants792

. La

subordination, et donc l’absence d’égalité, caractérisant leurs relations devrait alors exclure

toute coaction entre eux. Cependant, cette approche n’est pas partagée par l’ensemble de la

doctrine. Il est ainsi remarqué que le dirigeant dispose d’une grande liberté dans ses choix de

gestion793

. En outre, il est contestable de considérer que la personne morale exerce une

véritable autorité sur le dirigeant. Il s’agit plutôt d’un simple contrôle, qui intervient qui plus

est a posteriori, et surtout, qui se distingue ainsi de la surveillance qu’exerce un commettant

sur ses préposés794

. C’est pourquoi « une personne physique ne peut être à la fois dirigeante

de la personne morale et subordonnée »795

. Partant, si une infraction est commise par le

dirigeant, dans la mesure où il n’est pas possible de considérer que la personne morale

disposait d’une véritable autorité sur lui, la coaction entre cette personne morale et l’organe

ou le représentant reste envisageable.

786 V. notamment F. DEBOISSY, Le contrat de société, in Travaux de l’Association H. Capitant, Le contrat,

Journées brésiliennes, t. LV, 2005, Société de législation comparée, 2008. 787

C. civ., art. 2003 et 2004. 788

C. civ., art. 1992. 789

C. civ., art. 1993. 790

A défaut, il est envisageable de retenir, par exemple, l’abus de biens sociaux à son égard. Quant au droit civil,

l’action ut singuli ou ut universi serait envisageable. Sur ces différents points, v. notamment M. COZIAN, A.

VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, 24ème

éd., Litec, coll. Manuels, 2011, n° 287 et s., 301, 389 et s. ;

G. WICKER, Personne morale, Rép. civ. Dalloz, n° 79 et s. 791

En ce sens, v. notamment A. BORIES, La responsabilité civile des personnes morales, RRJ 2006, p. 1329 ; A.

TEANI, La responsabilité pénale du fait d’autrui, th. Bordeaux IV, 2007, n° 272 et s. 792

En ce sens, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie

générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, n° 512, selon qui l’autorité est alors

« fonctionnelle ». 793

V. notamment L. MICHOUD, La personnalité morale, t. 2, n° 189 ; B. STARCK, Essai d’une théorie générale

de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, L. Rodstein, Paris,

1947, p. 265 et s. ; V. WESTER-OUISSE, Critique d’une notion imprécise : la faute du dirigeant de société

séparable de ses fonctions, D. aff. 1999, p. 782, spéc. p. 786. 794

N. STONESTREET, La notion d’infraction, thèse Bordeaux IV, 2010, n° 331. 795

V. WESTER-OUISSE, Critique d’une notion imprécise : la faute du dirigeant de société séparable de ses

fonctions, préc.

Page 203: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

203

Reste alors à s’intéresser plus spécifiquement aux relations de subordination pouvant

exister au sein de l’entreprise entre personnes physiques (§1) ainsi qu’à celles entre personnes

morales (§2).

§1- L’absence de subordination entre personnes physiques au sein de l’entreprise

243. S’agissant des relations de subordination entre personnes physiques, elles se

nouent généralement dans le cadre de l’entreprise entendue au sens du droit du travail, c’est-à-

dire comme la « réunion, sous l’autorité de l’employeur ou de ses préposés, de travailleurs

salariés poursuivant sous une forme juridique variable une activité commune, cadre dans

lequel le droit du travail contemporain a organisé la collectivité du personnel et aménagé ses

rapports avec le chef d’entreprise »796

. Ainsi, pour déterminer si le chef d’entreprise peut se

rendre coauteur d’une infraction en compagnie d’un de ses préposés, il semble important en

premier lieu de se pencher sur la détermination du chef d’entreprise (A). Ce n’est alors qu’en

second lieu qu’il faudra rechercher quel type d’infractions il est susceptible de commettre au

sein de l’entreprise en tant que coauteur, c’est-à-dire qu’il conviendra d’envisager la

détermination des infractions d’entreprise (B).

A- Détermination du chef d’entreprise

244. Réalisme du droit pénal. – Si le chef d’entreprise peut être considéré de façon

générale comme la personne placée à la tête de l’établissement797

, cette définition mérite

d’être affinée. En effet, celui qui apparaît à première vue comme le chef d’entreprise ne

dispose pas nécessairement d’un pouvoir effectif sur les individus présents dans

l’établissement. Or, en la matière, le droit positif est indiscutablement empreint de réalisme :

il considère ainsi qu’au chef d’entreprise peuvent être assimilés ceux qui exercent

effectivement un pouvoir de direction au sein de l’établissement s’agissant de la mise en

796 G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Entreprise ».

797 Les termes de « chef d’entreprise » seront employés de façon générique pour désigner celui qui est à la tête de

l’établissement, même si d’autres terminologies seraient envisageables : v. par exemple celle de « décideur » :

M. DELMAS-MARTY, Le droit pénal, l’individu et l’entreprise : culpabilité « du fait d’autrui » ou du

« décideur » ?, JCP G 1985, I, 3218 ; v. également M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, préc.

Page 204: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

204

œuvre de la responsabilité pénale. Tel est le cas des dirigeants de fait798

ainsi que des préposés

délégataires.

245. Dirigeant de fait. – Le dirigeant de fait est défini par le Code du commerce

comme « toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la

direction, l’administration ou la gestion d’une société sous le couvert et au lieu et place de ses

représentants légaux »799

. Il est ainsi assimilé par le législateur lui-même au dirigeant de droit

à travers de nombreux textes800

, et est donc responsable dans les mêmes conditions. Par

conséquent, en cas d’infraction réalisée au sein de l’entreprise, dirigeant de droit et dirigeant

de fait pourraient être considérés comme des coauteurs si les conditions de ce mode de

participation sont réunies. En effet, dès lors que tous deux se sont entendus sur la commission

de l’infraction et qu’ils apparaissent comme la cause déterminante de cette dernière, rien ne

semble s’opposer à une imputation en tant que coauteurs. Cependant, peut-être la solution

mérite-t-elle que l’on s’y attarde davantage. Ainsi, dans l’hypothèse où l’infraction exigerait

au titre de ses éléments constitutifs la qualité de dirigeant, il est possible de s’interroger sur la

pertinence d’une telle solution : ne revêt-elle pas un caractère artificiel dans la mesure où le

dirigeant de fait, même s’il peut être qualifié de la sorte, n’a pas juridiquement la qualité

exigée par le texte d’incrimination (sauf dans les cas où la loi le prévoit expressément) ? Il

semble pourtant que considérer le dirigeant de fait comme un coauteur du dirigeant de droit

soit acceptable, au contraire, puisque justement, c’est le réalisme du droit pénal qui l’impose,

et qu’en tant que mode de participation, il est concevable que le coauteur emprunte une

qualité lui faisant défaut à son coauteur801

.

Il demeure néanmoins que dans l’hypothèse où le dirigeant de droit n’est qu’un prête-

nom, deux objections principales pourraient faire douter de la caractérisation d’une coaction.

798 Pourraient d’ailleurs être assimilés à ces derniers les administrateurs provisoires et judiciaires puisqu’ils

encourent, en vertu des articles L 622-1 III et L 631-12 du Code de commerce, la même responsabilité que le

dirigeant de l’entreprise qu’ils administrent, que l’infraction résulte de leur propre fait (Cass. crim., 28 nov.

1995, deux arrêts, Dr. pén. 1996 comm. n° 88 et n° 164, obs. J.-H. ROBERT ; 1er

déc. 1998, JurisData n° 005085)

ou de celui d’un préposé (Cass. crim. 3 mars 1998, Bull. n° 82). 799

C. com., art. L. 245-16 pour les sociétés par actions. V. également C. com., art. L. 241-9, L. 244-4, L. 245-16

et L. 246-2. 800

V. par exemple les articles 223-15-2 (abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse), 314-7

(organisation frauduleuse de l’insolvabilité) et 433-18 (usage irrégulier de qualité) du Code pénal, ou encore les

articles L 246-2 (émission illicite d’actions) et L. 653-1 (faillite personnelle) du Code de commerce. 801

V. infra n° 329 et s.

Page 205: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

205

En premier lieu, dans la mesure où dans un tel cas, par définition, il ne prend aucune

part active dans les décisions de l’entreprise, le caractère déterminant de son rôle pourrait être

discuté. Cependant, il est généralement placé à un tel poste parce que le dirigeant de fait ne

pouvait revêtir officiellement cette qualité, en raison d’une interdiction d’exercer l’activité

professionnelle en cause à laquelle il aurait par exemple été condamné. Le rôle du dirigeant de

droit est alors déterminant dans une telle hypothèse puisque, sans lui, l’activité de l’entreprise

n’aurait pu exister.

En second lieu, il pourrait être fait valoir que la caractérisation d’une entente entre

dirigeant de droit et dirigeant de fait est fort artificielle. En effet, si le dirigeant n’est jamais

présent, ne s’occupe absolument pas des affaires de l’entreprise et même n’en a aucune

connaissance, comment imaginer une entente avec le dirigeant de fait qui apparaît alors

comme la seule personne à détenir un pouvoir de direction effectif ? Néanmoins, l’objection

n’est peut-être qu’apparente. Ainsi, quand le dirigeant de droit accepte sa fonction, il sait

pertinemment que son rôle se bornera à celui de prête-nom, et que le véritable pouvoir de

direction sera exercé par un autre individu, dirigeant de fait. Partant, il est possible de

considérer qu’il accepte par avance de s’associer aux décisions que celui-ci prendra, et

réciproquement : le dirigeant de fait sait qu’il associe à ses décisions le dirigeant de droit.

Dans cette perspective, une entente pourrait donc être caractérisée entre eux802

.

La jurisprudence ne s’y est pas trompée et a consacré depuis longtemps et de façon

constante cette solution, notamment dans des affaires relatives à la répression du travail

dissimulé803

, mais également en matière d’homicide involontaire en considérant que « les

gérants de droit ou de fait d’une même société peuvent être simultanément coupables

d’homicide involontaire en cas de décès d’un salarié causé par un manquement à la

réglementation relative à la sécurité des travailleurs »804

. Dirigeant de droit et dirigeant de

fait peuvent donc apparaître comme des coauteurs, mais surtout, les solutions relatives à une

802 Il faut tout de même préciser que cette idée voulant que le dirigeant de droit accepte par avance les décisions

prises par le dirigeant de fait doit être réservée aux décisions d’entreprise, c’est-à-dire à celles en lien avec

l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, pour prendre un exemple quelque peu caricatural, si le

dirigeant de fait commettait un assassinat au sein de l’entreprise, on ne devrait pouvoir l’imputer au dirigeant de

droit. En outre, il est envisageable de considérer qu’une dépendance morale puisse exister entre dirigeant de droit

et dirigeant de fait (dans l’hypothèse d’une entreprise tenue par la mafia par exemple). 803

V. dernièrement : Cass. crim., 2 fév. 1999, JurisData n° 1999-001690 ; 3 juin 2008, Dr. pén. 2008, chron. 9,

spéc. n° 9, obs. M. SEGONDS ; 12 mai 2009, JurisData n° 2009-048280, Dr. pén. 2009, chron. 10, spéc. n° 9, obs.

M. SEGONDS (« en l’espèce, les prévenus, dirigeant de droit et dirigeante de fait, avaient employé un directeur

commercial sans s’être soumis à l’obligation de déclaration préalable à l’embauche »). 804

Cass. crim., 12 sept. 2000, Bull. n° 268 ; TPS 2001, n° 5 ; Rev. sc. crim. 2001, p. 159, obs. Y. MAYAUD.

Page 206: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

206

éventuelle coaction entre le chef d’entreprise et un de ses préposés leur seront applicables à

tous deux.

246. Préposé délégataire. – En outre, une autre catégorie de personnes au sein de

l’entreprise pourra également se voir appliquer les solutions relatives à la coaction entre le

chef d’entreprise et ses préposés : les préposés délégataires805

. En effet, lorsque la délégation

de pouvoirs du chef d’entreprise à un de ses préposés est valable806

, elle a pour conséquence

de transférer la responsabilité du chef d’entreprise délégant sur ce préposé délégataire807

.

Leurs responsabilités sont alors alternatives808

, et le risque pénal pesant jusque-là sur le chef

d’entreprise est ainsi déplacé vers le préposé délégataire dont la responsabilité pénale pourra

être engagée dans les mêmes conditions que celle du chef d’entreprise809

. Ainsi, là encore, les

solutions applicables à une éventuelle coaction entre le chef d’entreprise et un de ses préposés

pourront être transposées aux relations unissant un préposé délégataire et un préposé

quelconque.

En conséquence, lorsque les développements suivants viseront le chef d’entreprise, il

faudra garder à l’esprit que pourraient lui être assimilés les dirigeants de fait et préposés

délégataires.

B- Détermination des infractions d’entreprise

247. Notion. – Pour poursuivre le raisonnement quant à savoir si chef d’entreprise et

préposé pourraient être qualifiés de coauteurs d’une infraction commise au sein de

l’entreprise, il paraît nécessaire d’étudier plus précisément les infractions susceptibles d’être

commises dans ce cadre. Or, il semble que l’infraction commise au sein de l’entreprise puisse

805 Sur la délégation de pouvoir du chef d’entreprise, v. notamment F. DOUCHEZ, B. DE LAMY et M. SEGONDS,

La délégation de pouvoir du chef d’entreprise : principes et actualités, Dr. pén. 2010, dossier n° 6 ; E. DREYER,

Les pouvoirs délégués afin d’exonérer pénalement le chef d’entreprise, D. 2004, p. 937. 806

Pour être valable, la délégation de pouvoirs est soumise à différentes conditions : le préposé doit ainsi être

pourvu de la compétence, des moyens ainsi que d’une autorité suffisante, avoir accepté cette mission, et la

délégation doit avoir un objet limité et posséder une certaine durée et stabilité. V. A. COEURET et E. FORTIS,

Droit pénal du travail, LexisNexis, 2012, n° 312 et s. 807

V. A. COEURET, La nouvelle donne en matière de responsabilité, Dr. soc. 1994, p. 627. 808

Cass. crim., 27 oct. 1976, Bull. n° 303. 809

Le même mécanisme pourra d’ailleurs être reproduit par le préposé délégataire, la subdélégation étant

admise , sans même que le chef d’entreprise ait à donner son autorisation : V. notamment Cass. crim., 8 fév.

1983, D. 1983, p. 639, note H. SEILLAN et Cass. crim., 30 oct. 1996, Bull. n° 389.

Page 207: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

207

revêtir les caractères de toute infraction et relever en cela du droit pénal commun, mais

également qu’elle puisse concerner plus spécifiquement le domaine propre au droit pénal du

travail. En effet, cette branche du droit pénal vise précisément le chef d’entreprise en le

sanctionnant pour ce que certains nomment des « infractions de fonction », c’est-à-dire

qu’ « il est puni ès-qualités si des manquements ont été constatés alors qu’il était tenu de

veiller à l’application de la loi dans son entreprise. Peu importe que ces manquements n’aient

occasionné aucun dommage »810

. Ces infractions se retrouvent ainsi principalement en

matière d’hygiène et de sécurité en vertu de l’article L. 4741-1 du Code du travail mais pas

seulement811

. Or, ce qui révèle l’existence de telles infractions, c’est en réalité le fait des

préposés, c’est-à-dire l’action ou l’abstention d’autrui, d’où la possibilité de s’interroger sur

une éventuelle coaction entre ces préposés et le chef d’entreprise. Cependant, il semble que

cette question puisse être résolue si l’on se réfère à la rédaction des articles ici en cause. En

effet, les textes du Code du travail visent fréquemment « l’employeur », c’est-à-dire le

titulaire d’une certaine autorité dans l’entreprise812

. Dès lors, ils exigent cette qualité au titre

de leurs éléments constitutifs et le simple préposé ne la revêtant pas ne peut se voir imputer

une quelconque infraction. Il serait ainsi abusif de considérer que le chef d’entreprise

participe à l’infraction de son préposé, faute précisément d’une infraction de la part de ce

dernier813

. Il y a ainsi un unique auteur à l’infraction, le chef d’entreprise, sans aucun

participant. Partant, aucune coaction ne pourra être établie entre lui et son préposé.

En outre, lorsque l’infraction n’exige pas une qualité particulière pour sa constitution,

différents cas de figure sont envisageables selon par exemple la nature de l’infraction réalisée

(intentionnelle ou non intentionnelle) ou encore selon que le préposé a connaissance ou non

810 E. DREYER, L’imputation des infractions en droit pénal du travail, Rev. sc. crim. 2004, p. 813, n° 2.

811 V. C. MASCALA, La responsabilité pénale du chef d’entreprise, Les petites affiches, 19 juil. 1996, n° 87,

p. 16. 812

Certains auteurs lui préfèrent d’ailleurs l’ancienne rédaction qui visait, outre l’employeur, le chef

d’établissement, et permettait ainsi de montrer clairement la dualité envisageable de responsables entre

personnes physiques et personnes morales : v. A. COEURET et E. FORTIS, Droit pénal du travail, préc., n° 247. 813

Dans le même sens, v. E. DREYER, L’imputation des infractions en droit pénal du travail, préc., n° 10 : « le

fait d’autrui reste parfaitement neutre. Il n’apparaît pas délictueux : l’application du texte dont la violation est

dénoncée n’incombait pas au préposé mais au chef d’entreprise. Ce qui justifie sa responsabilité. Il n’y a donc

pas « emprunt » par le chef d’entreprise de la « criminalité » de son préposé. C’est sur sa tête que les

conséquences sont tirées de la violation constatée. Rien à voir avec une quelconque complicité par provocation

ou instruction. De même, la coaction ne saurait être retenue entre le chef d’entreprise (auteur moral) et son

préposé (auteur matériel). Outre le fait que cette dissociation semble bien hasardeuse, le chef d’entreprise est

responsable, à titre primaire, sans que l’on puisse lui reprocher un comportement de conséquence à l’égard de

son préposé ». Il pourrait cependant être relevé qu’à l’instar de la théorie de l’emprunt de matérialité, il serait

envisageable de considérer que le chef d’entreprise emprunte non l’infraction de son préposé mais son fait

délictueux. Cependant, les écueils de cette conception pourraient se retrouver en la matière : v. supra n° 115.

Page 208: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

208

de ce qu’il est en train d’accomplir une infraction. Il semble que ces hypothèses se

cristallisent autour de deux questions qu’il faudra donc étudier successivement : l’infraction

ordonnée au préposé par le chef d’entreprise (1) et l’infraction permise au préposé par le chef

d’entreprise (2).

1- L'infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise

248. Exigence de la conscience d’accomplir une infraction chez le préposé. – Dans

l’hypothèse où le chef d’entreprise ordonne à son préposé de commettre une infraction, deux

cas de figure peuvent se présenter : le préposé peut avoir conscience d’accomplir un acte

répréhensible ou n’en avoir aucune idée. Dans cette dernière situation, la question de la

coaction entre le chef d’entreprise et son préposé ne se pose pas puisque ce dernier ne peut

être qualifié de participant à l’infraction à défaut de conscience de s’associer à une

infraction814

. En revanche, la question présente un intérêt pour l’étude dès lors que le préposé

a conscience que l’ordre qui lui a été donné le conduit à accomplir une infraction.

249. Hypothèse classique de provocation à l’infraction en vertu du Code pénal. –

La solution semble clairement établie par le Code pénal. En effet, en définissant l’auteur

comme « la personne qui commet les faits incriminés »815

et le complice comme « celui qui,

par […] ordre […] aura provoqué à une infraction »816

, le législateur semble considérer que

le préposé sera auteur juridique de l’infraction ainsi commise et que le chef d’entreprise en

sera le complice, excluant ainsi toute coaction.

250. Iniquité de la solution. – Cependant, la pertinence d’une telle solution pourrait

être remise en cause. N’est-il pas en effet discutable d’assimiler la situation de celui qui aura

814 A fortiori, il n’aura pas la volonté de s’associer indispensable à la participation : v. supra n° 53 et s.

Cependant, la question de la réalisation de l’infraction à titre d’auteur pourra néanmoins être posée. En effet, s’il

est vrai que le préposé pourrait invoquer dans une telle hypothèse l’erreur de droit, il faut se souvenir que celle-ci

doit être inévitable pour empêcher la constitution de l’infraction et ainsi faire obstacle à la responsabilité pénale

de son auteur. Or, la jurisprudence apprécie de façon très sévère ce caractère inévitable, qui plus est lorsque celui

qui l’invoque est un professionnel, ce qui est le cas du préposé. Cependant, certains ont montré que la sévérité de

la jurisprudence en la matière pourrait être infléchie au regard de l’appréciation concrète de l’erreur de droit

devant être faite en vertu de l’article 122-3 du Code pénal : v. V. MALABAT, La responsabilité pénale du

subordonné, in Mélanges dédiés à B. Bouloc, Les droits et le Droit, Dalloz, 2007, p. 681 et s., spéc. p 687. 815

C. pén., art. 121-4. 816

C. pén., art. 121-7.

Page 209: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

209

par exemple accepté une somme d’argent pour accomplir une infraction à celle de l’individu

qui aura accepté par peur de perdre son emploi817

? Certes, dans les deux hypothèses, les

individus ont conscience de s’associer à une infraction. Néanmoins, tous deux n’éprouvent

certainement pas le même enthousiasme à le faire, le second pouvant plutôt même éprouver

quelques réticences. Si juridiquement la solution paraît argumentée, elle peut ainsi sembler

plus contestable d’un point de vue moral.

251. Causes d’exclusions de la responsabilité du préposé envisageables. – Plusieurs

mécanismes peuvent alors être envisagés afin d’empêcher la responsabilité pénale du préposé

dans une telle situation818

.

Tout d’abord, le fait justificatif tiré du commandement de l’autorité légitime819

pourrait être invoqué. Cependant, l’autorité légitime s’entend d’une autorité publique820

et ne

peut donc concerner les relations unissant le chef d’entreprise à son préposé821

, excluant par là

toute justification de ce dernier.

Ensuite, un autre fait justificatif pourrait être invoqué, celui de l’état de nécessité822

.

En effet, puisque ce dernier exclut la responsabilité pénale de celui qui accomplit une

infraction rendue nécessaire afin de ne pas subir un péril, il serait envisageable de considérer

que le préposé, en état de dépendance économique823

par rapport à son employeur, commet

817 Cette dernière situation pourrait d’ailleurs être assimilée à celle de l’individu qui accepterait de commettre

une infraction sous la menace ou en raison d’un abus d’autorité ou de pouvoir d’autrui. Les développements

consacrés à l’infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise pourraient donc leur être étendus. 818

Sur ces différents points, v. V. MALABAT, La responsabilité pénale du subordonné, préc., spéc. p. 687 et s. 819

C. pén., art. 122-4 al. 2. 820

Cass. crim., 27 janv. 1859, S. 1859, 1, p. 364; Cass. crim., 28 avril 1866, DP 1866, 1, 356 ; Cass. crim. 26

juin 2002, Bull. n° 148 ; D. 2003, somm. 172 ; obs. M. SEGONDS ; Dr. pén. 2002, comm. n° 133, obs. M.

VERON ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93 ; obs. B. BOULOC ; RTD com. 2003, p. 177, obs. B. BOULOC ; Cass. crim., 8

mars 2005, Bull. n° 77. 821

Cass. crim., 13 mars 1997, Bull. n° 107, Rev. sc. crim. 1997, p. 828, obs. B. BOULOC ; Ass. Plén., 14 déc.

2001, Bull. n° 269, D. 2002, p. 1230, note J. JULIEN. 822

C. pén., art. 122-7. 823

Sur la notion de dépendance économique, v. la matière civile où la notion est parfois envisagée parmi les

vices du consentement : Civ. 1ère

, 30 mai 2000, D. 2000, jur. 879, note J.-P. CHAZAL ; JCP 2001, II, 10461, note

G. LOISEAU ; Contrats Conc. Consom. 2000, n° 142, obs. L. LEVENEUR ; RTD civ. 2000, p. 827, obs. J. MESTRE

et B. FAGES ; ibid., p. 863, obs. P.-Y. GAUTIER ; Civ. 1ère

, 3 avril 2002, D. 2002, jur. 1860, note J.-P. GRIDEL et

J.-P. CHAZAL ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. FRANCON ;

RTD com. 2004, p. 267, note F. POLLAUD-DULIAN. ; Les Petites affiches 2004, n° 120, p. 5, note M. BOIZARD ;

Les Petites affiches 2004, n° 213, p. 14, note G. KESSLER.

V. également les différents projets de réforme du droit des obligations : art. 1114-3 de l’avant-projet de réforme

du droit des obligations selon lequel il y a violence « lorsqu’une partie s’engage sous l’epire d’un état de

nécessité ou de dépendance, si l’autre partie exploite cette situation de faiblesse en retirant de la convention un

avantage excessif », art. 63 du projet gouvernemental qui invite à la même conclusion « lorsqu’une partie abuse

Page 210: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

210

l’infraction afin de ne pas perdre son emploi. Cependant, les conditions d’admission de ce fait

justificatif sont strictes dans la mesure où le danger redouté doit être actuel ou imminent. Or,

il est certainement difficile d’établir de tels caractères s’agissant de la perte d’un emploi, et la

jurisprudence refuse ainsi généralement de considérer que des difficultés financières

constituent un danger actuel ou imminent824

.

Enfin, pourrait être soulevée la contrainte du préposé. Cette cause de non-

responsabilité pénale est généralement définie comme un événement supprimant la liberté de

l’agent825

, se rapprochant de la force majeure en droit civil : « le délinquant n’a pu faire

autrement que de commettre une infraction »826

. Cependant, là encore, ses conditions

d’admission sont très strictes. En particulier, la contrainte doit avoir été irrésistible pour

exclure la responsabilité d’un individu827

, et ici également, la jurisprudence se montre de

façon générale très exigeante quant à la caractérisation de cette condition828

. S’il est vrai

qu’elle a parfois admis, de façon contestable donc, que le préposé placé dans une telle

situation pouvait être déclaré irresponsable pénalement en raison de la contrainte ayant pesé

sur lui829

, elle considère traditionnellement que l’obéissance ne peut constituer une

contrainte830

.

de la situation de faiblesse de l’autre pour lui faire prendre, sious l’empire d’un état de nécessité ou de

dépendance, un engagement qu’elle n’aurait pas contracté en l’absence de cette contrainte » ; art. 66 du projet

de l’Académie des sciences morales et politiques selon lequel « lorsqu’un contractant, en exploitant l’état de

nécessité ou de déendance de l’autre partie, ou sa situation de vulnérabilit caractérisée, retire du contrat un

avantage manifestement excessif, la victime peut demander au juge de rétablir l’équilibre contractuel. Si ce

rétablissement s’avère impossible, le juge prononce la nullité du contrat » (la dépendance économique, dans ce

dernier projet, n’est d’ailleurs pas considérée comme un vice du consentement mais y est évoquée au titre de la

« lésion qualifiée »). 824

V. Poitiers, 11 avril 1997, D. 1997, jur. 512, note A. WAXIN, Rev. sc. crim. 1998, p. 110, obs. R. OTTENHOF. 825

B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 457 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 364 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 661 ; J. PRADEL, Droit

pénal général, préc., n° 485. Plus généralement, v. supra n° 66. 826

J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485. 827

Il s’agit là de l’exigence textuelle, l’article 122-2 visant « la force ou la contrainte à laquelle [la personne]

n’a pu résister », mais la jurisprudence n’hésite pas à la doubler, en s’employant parfois à établir également son

imprévisibilité : v. par exemple Cass. crim. 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note J.-A. ROUX s’agissant d’un

marin n’ayant pu invoquer la contrainte pour justifier qu’il n’ait pas regagné son navire car ivre, il avait été

conduit au poste de police. V. également J.-H. ROBERT, Les personnes physiques pénalement responsables des

infractions commises à l’occasion du fonctionnement des entreprises, JCP CI 1975, II, 11716. 828

Si bien qu’il est traditionnellement enseigné qu’elle refuse d’admettre la contrainte dans des hypothèses où

seul un héros aurait résisté : v. l’affaire Genty, Cass. crim., 20 avril 1934, S. 1935, 1, p. 398. Pour des exemples

moins caricaturaux mais tout aussi sévères, v. également : Cass. crim., 28 déc. 1900, DP 1901, 1, p. 81, note A.

LE POITTEVIN ; aff. Rozoff, Cass. crim., 8 févr. 1936, DP 1936, 1, p. 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES. 829

Cass. crim., 15 et 28 juin 1917, S. 1920, 1, p. 329, note J.-A. ROUX. En outre, pour exclure la responsabilité

du préposé, elle a également parfois considéré que l’infraction ne profitait qu’à l’employeur, justifiant alors la

responsabilité exclusive de ce dernier : Cass. crim., 12 déc. 1956, Bull. n° 836. Cependant, là encore, la

Page 211: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

211

Ainsi, il semble qu’aucune cause légale ne puisse exonérer le préposé de sa

responsabilité.

252. Position de la jurisprudence : interversion des modes d’imputation entre chef

d’entreprise et préposé. – Pour autant, la jurisprudence prend en compte la situation

particulière du préposé. En effet, bien souvent, elle considère que le chef d’entreprise est le

véritable auteur de l’infraction et que son préposé en est un simple complice831

, voire que ce

dernier n’encourt aucune sanction pénale832

.

253. Critique de la position jurisprudentielle. – Cependant, cette solution, qui semble

cantonnée au droit pénal des affaires833

, est clairement contra legem. Il faut alors se demander

si considérer le chef d’entreprise comme un auteur et son préposé comme un complice

pourrait se justifier d’un point de vue juridique. Si le préposé pouvait se voir imputer

l’infraction en tant que complice, il devrait revêtir les caractères d’un participant à

l’infraction834

, et notamment avoir la volonté de s’associer au chef d’entreprise. Or, cette

volonté peut être remise en cause. En effet, si le préposé accepte de se conformer à un ordre

qu’il sait illégal, c’est généralement par peur de la sanction qui pourrait accompagner son

refus. En conséquence, considérer qu’il s’est associé à l’infraction de façon libre835

est

certainement illusoire. En réalité, la dépendance qu’il entretient par rapport à son chef

d’entreprise empêche de le regarder comme témoignant d’une volonté libre dès lors qu’il

répond aux ordres de son supérieur hiérarchique. Il semble alors erroné de le considérer

comme un participant à l’infraction de ce dernier. D’ailleurs, la jurisprudence considère

pertinence de la solution peut être remise en cause, en particulier au regard du principe classique d’indifférence

des mobiles en droit pénal. 830

V. notamment Cass. crim., 20 sept. 1894, DP 1899, 1, 350 ; Cass. crim., 14 janv. 1980, Bull. n° 21. 831

V. notamment Cass. crim., 14 janv. 1980, préc. 832

V. notamment Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, note J.-H. ROBERT : en l’espèce, le délit

de colportage et de démarchage illicite avait été imputé à titre de complice au dirigeant de la personne morale qui

envoyait des individus se rendre chez d’éventuels souscripteurs par la Cour d’appel, alors que les auteurs

principaux – les individus se rendant physiquement chez les souscripteurs – avaient été relaxés pour défaut

d’intention frauduleuse. Mais la Cour de cassation, par une substitution de motifs, a considéré que le dirigeant

était en réalité l’auteur principal du délit reproché. 833

En ce sens, v. notamment P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 514. Or, ce cantonnement de la

solution au droit pénal des affaires sans que cela soit justifié d’une quelconque façon sur le plan juridique

témoigne certainement de la spécificité de la question de l’imputation en la matière et de la nécessité de lui

donner un contenu clair, en modifiant la répression de l’instigation ou en condamnant les solutions contra legem

de la jurisprudence. 834

Celui-ci étant nécessairement un participant en raison de sa volonté de s’associer : v. supra n° 53 et s. 835

Condition de caractérisation de la participation, v. supra n° 60 et s.

Page 212: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

212

également que la participation implique une indépendance. Ainsi, dans une solution rendue

par la Cour de cassation le 3 juin 2008836

, la chambre criminelle a affirmé que « le prévenu

avait personnellement participé à l’infraction en accomplissant des actes de gestion en toute

indépendance et sous le couvert des organes statutaires de la société » au sujet d’un individu

s’étant livré à l’exécution d’un travail dissimulé. A contrario, cette motivation laisse penser

que la solution n’aurait pas été la même en cas de dépendance du prévenu à l’égard des

organes statutaires de l’entreprise et que sa participation à l’infraction serait discutable, voire

inexistante.

De plus, en matière de délégation de pouvoir, il est généralement admis que le

délégataire qui n’a pas d’indépendance à l’égard du chef d’entreprise ne pourra voir sa

responsabilité engagée en cas de faute d’un préposé, mais que seule la responsabilité du chef

d’entreprise pourra être recherchée837

. Cette solution, parce qu’elle permet de montrer que

l’exercice de l’autorité implique l’indépendance, semble témoigner, a contrario, de la

nécessaire dépendance de celui qui est soumis aux ordres.

254. Proposition : maintien de la solution légale. – Ainsi, la participation à

l’infraction semble bien soumise à une absence de subordination à autrui. Or, faute d’être un

participant à l’infraction, le préposé ne peut alors être un complice, ni même un coauteur. En

revanche, le chef d’entreprise peut toujours être un participant à l’infraction de son préposé,

sa volonté de s’associer à ce dernier étant indiscutable et surtout libre. Cependant, cette

volonté n’étant pas réciproque, le chef d’entreprise ne pourra s’analyser comme un coauteur

de l’infraction ainsi commise, mais seulement comme un complice. La solution prônée par

l’article 121-7 du Code pénal semble donc s’imposer : le préposé doit s’analyser comme un

auteur à part entière de l’infraction qu’il a acceptée de commettre, même par crainte d’une

sanction, et son chef d’entreprise en sera le complice par provocation. La solution peut

sembler sévère à l’égard du préposé mais rejeter sa responsabilité reviendrait à occulter le

libre-arbitre de l’individu. Certes, le préposé est en situation de dépendance par rapport au

chef d’entreprise ; néanmoins, il n’en perd pas toute capacité de résistance. Admettre une telle

solution conduirait en outre à traiter de la même façon celui qui a refusé d’obéir et celui qui a

836 Pourvoi n° 07-85.871, Dr. pén. 2008, chron. 9, n° 9.

837 Sur ce point, v. notamment A. COEURET et E. FORTIS, Droit pénal du travail, préc., n° 316 et s.

Pour un exemple en jurisprudence, v. notamment Cass. crim., 7 juin 2011, pourvoi n° 10-84283, A. COEURET, La

délégation de pouvoirs et les responsabilités pénales dans l’entreprise, RJS 01/12, chron. p. 5.

Page 213: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

213

accepté sans rechigner. Cela revient alors à encourager l’obéissance irraisonnée. Du reste, il

ne faut pas oublier que qualifier un individu d’auteur d’une infraction ne conduit pas à lui

appliquer une peine plus sévère que si le mode d’imputation avait été différent. Le principe de

personnalisation des peines permettra de prendre en compte la situation particulière du

préposé ainsi que celle du chef d’entreprise et d’assurer l’équité. Enfin, il est même

envisageable que le Ministère public, en vertu du principe d’opportunité des poursuites838

, ne

poursuive pas le préposé placé dans une telle situation839

.

255. Bilan. – Quoi qu’il en soit, ces détours par l’étude de l’action du préposé et de la

complicité de son chef d’entreprise en cas d’infraction ordonnée par celui-ci à celui-là ont

permis de montrer que la subordination d’un individu empêchait, dans cette hypothèse, de le

considérer comme un participant à l’infraction et donc comme un coauteur de celle-ci. Reste à

voir si ce dernier constat se vérifie lorsque l’infraction est simplement permise au préposé par

la négligence du chef d’entreprise.

2- L’infraction permise au préposé par le chef d’entreprise

256. Par son manque de surveillance, son inattention ou sa négligence, le chef

d’entreprise peut donner l’occasion au préposé de commettre une infraction. La responsabilité

pénale de chacun d’entre eux pourra alors être engagée, laissant penser à l’existence d’une

coaction entre les deux agents (a). Pourtant, il ne s’agit que d’une apparence, la coaction du

chef d’entreprise et de son préposé dans une telle hypothèse étant en réalité impossible (b).

a) L’apparente coaction du chef d’entreprise et de son préposé

257. Hypothèses envisageables. – Si le chef d’entreprise n’exerce pas efficacement son

pouvoir de direction840

, le préposé, laissé à lui-même, peut être amené à commettre une

838 C. proc. pén., art. 40 al. 1

er.

839 En ce sens, v. M. DELMAS-MARTY, Le droit pénal, l’individu et l’entreprise : culpabilité « du fait d’autrui »

ou du « décideur » ?, JCP G 1985, I, 3218 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 528.

V. également J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 369. 840

Il est ici pris le parti selon lequel la responsabilité du dirigeant, parfois qualifiée de « responsabilité du fait

d’autrui », repose en réalité sur une faute personnelle de sa part : l’infraction du préposé a été permise par sa

faute de surveillance. En ce sens, v. R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 470 ; B. BOULOC, Droit pénal

Page 214: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

214

infraction. Ce défaut de surveillance pourrait s’analyser comme une faute d’imprudence du

chef d’entreprise. Quant au préposé, deux situations sont envisageables : le manque de

direction du chef d’entreprise peut le conduire lui-même à relâcher sa vigilance et à causer

ainsi un dommage, mais peut également être l’occasion pour lui de commettre délibérément

une infraction. Or, les deux situations peuvent laisser place à une éventuelle coaction entre le

chef d’entreprise et le préposé. Il convient donc de s’intéresser successivement à l’hypothèse

où la négligence du chef d’entreprise a permis au préposé de commettre une infraction non

intentionnelle (α) puis à celle où cette négligence a été l’occasion de commettre une infraction

intentionnelle (β).

α) En cas d’infraction non intentionnelle du préposé

258. L’hypothèse est la suivante : un chef d’entreprise commet une faute de négligence,

donnant ainsi l’occasion à son préposé d’en commettre une autre, et un dommage en découle.

Pour la jurisprudence, le chef d’entreprise est responsable de ce dommage, tout comme son

préposé. A première vue, cette solution laisse croire que tous deux sont considérés comme

coauteurs de l’infraction réalisée. D’ailleurs, dès lors que tous deux ont commis une faute

d’imprudence, il ne semble pas y avoir de difficulté particulière pour leur imputer la même

infraction. Certes, des auteurs ont fait valoir que la solution ne se comprendrait que pour les

infractions dont la matérialité n’est pas précisément définie, telles que l’homicide ou les

violences non intentionnelles. Effectivement, selon eux, quand l’infraction exige un

comportement de commission pour sa constitution, un tel raisonnement pourrait conduire à

sanctionner le dirigeant pour un fait d’omission (la faute de négligence du chef d’entreprise

ayant permis celle de son préposé pouvant s’apparenter à une omission) et donc à réprimer

général, préc., n° 389 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440 ; M.

DELMAS-MARTY et G. GUIDICELLI-DELAGE, Droit pénal des affaires, PUF, 2000, p. 57 ; F. DESPORTES et F. LE

GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 531; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 370 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 528 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 292 ;

J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 415 et 422 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 380 ; F.

ROUSSEAU, La répartition des responsabilités dans l’entreprise, Rev. sc. crim. 2010, p. 805. V. également, dans

le même ordre d’idées, les auteurs pour qui le dirigeant répond en réalité du mauvais exercice de son pouvoir sur

le préposé : A. COEURET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, Dr. soc. 1975, p. 396 ; PH. CONTE et P.

MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 435 ; M. DELMAS-MARTY et G. GUIDICELLI-DELAGE,

Droit pénal des affaires, préc., p. 59 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 370. Sur les différents

fondements de la responsabilité pénale du chef d’entreprise envisageables, v. par exemple F. ROUSSEAU,

L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 266 et s.

Page 215: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

215

une commission par omission841

, pourtant rejetée en jurisprudence842

. Cependant, cet

argument peut être relativisé dans la mesure où l’omission du dirigeant dans cette hypothèse

est loin d’être pure et simple ; au contraire, elle s’inscrit dans le cadre de sa fonction de chef

d’entreprise et peut donc s’analyser comme une abstention dans la fonction, assimilable alors

à l’action843

.

Ainsi, parce que la jurisprudence leur impute la même infraction en raison de leur

faute personnelle, il serait envisageable que chef d’entreprise et préposé soient coauteurs de

l’infraction considérée. Le raisonnement est le même lorsque le préposé commet une

infraction intentionnelle.

β) En cas d’infraction intentionnelle du préposé

259. Solution jurisprudentielle. – Quand, par manque de surveillance, le chef

d’entreprise permet à son préposé de commettre une infraction intentionnelle, la jurisprudence

n’hésite parfois pas à le sanctionner pour cette même infraction intentionnelle. Par exemple,

elle a imputé le délit de vente de substances vénéneuses sans ordonnance à un pharmacien

alors que c’est son préposé qui était l’auteur juridique de l’infraction844

.

260. Contestation de la solution. – La solution pourrait ainsi laisser penser à une

coaction entre les deux agents, le préposé encourant lui aussi la sanction pénale en raison de

sa réalisation de l’infraction. Pourtant, elle ne manque pas de surprendre, car elle revient à

imputer une infraction intentionnelle au chef d’entreprise alors même qu’il n’a commis

841 V. M.-E. CARTIER, Notion et fondement de la responsabilité du chef d’entreprise, in La responsabilité du fait

de l’entreprise, Masson, 1977, p. 45 ; A. COERET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, préc. ; M.

DELMAS-MARTY et G. GIUDICELLI-DELAGE, Doit pénal des affaires, préc., p. 58 ; J.-A. ROUX, obs. sous Cass.

crim., 1er

déc. 1923, S. 1924, 1, p. 281. 842

V. la célèbre affaire dite de la « Séquestrée de Poitiers » : CA Poitiers, 20 nov. 1901, D. 1902, p. 81, note G.

LE POITTEVIN ; v. également plus récemment Cass. crim. 1er

mars 2006, Bull. n° 58. D’ailleurs, dans sa grande

majorité, la doctrine approuve cette solution : v. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 335 ;

B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 227 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,

préc., n° 311 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 436 ; Y. MAYAUD, Droit pénal

général, préc., n° 201 et 202 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n°

483 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 366 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 262 ; J.-H.

ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 205 et 206. 843

V. supra n° 209. 844

Cass. crim., 30 nov. 1944, D. 1945, jurispr. p. 162. Pour d’autres exemples, v. également Cass. crim. 6 oct.

1955, Bull. n° 388 (en matière de pollution de cours d’eau) ; Cass. crim., 17 oct. 1967, Bull. n° 250 (en matière

de fausse déclarations de recettes cinématographiques).

Page 216: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

216

qu’une négligence. C’est pourquoi elle est particulièrement décriée en doctrine845

. En effet,

comment imaginer que le chef d’entreprise soit à même d’empêcher la commission d’une

infraction par son préposé dès lors que ce dernier est déterminé à passer à l’acte ? Même en

exerçant efficacement son pouvoir de direction, il est impossible de prévenir un tel acte. En

poursuivant le raisonnement, cela revient en réalité à justifier la responsabilité du chef

d’entreprise par un système de garantie846

. Certains auteurs font ainsi valoir que le dirigeant

« assume un devoir de garantie à l’égard des tiers, qu’il s’agisse de son personnel ou de sa

clientèle » : au regard de ce résultat qu’est le devoir de garantie, l’infraction serait alors

intentionnelle car faute d’exercer son pouvoir de prévention, le chef d’entreprise sait

nécessairement qu’il viole ce devoir de garantie847

. Cependant, le résultat de l’infraction est

alors déplacé, ce que ces auteurs admettent eux-mêmes848

. En outre, si en matière de

responsabilité civile un tel système est concevable, il n’en est pas de même en matière de

responsabilité pénale, fondée sur la faute du responsable.

Ces nombreuses critiques laissent alors entrevoir que, quelle que soit la nature de

l’infraction réalisée par le préposé, toute coaction entre ce dernier et le chef d’entreprise

semble impossible.

β) L’impossible coaction du chef d’entreprise et de son préposé

261. Arguments. – Deux arguments principaux semblent s’opposer à toute coaction

entre le chef d’entreprise et son préposé : l’absence d’infraction unique commise par eux,

ainsi que l’absence de volonté de s’associer à l’infraction chez le préposé.

262. Absence d’infraction unique. – En premier lieu, il semble le plus souvent

difficile de caractériser une infraction unique commune au chef d’entreprise et à son préposé.

845 R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 473 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 381 ; PH.

CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit

pénal général, préc., n° 527 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 529 ;

J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 414 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 380 ; J.-H. ROBERT,

Droit pénal général, préc., p. 367 et 368 ; v. également PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 36 in fine ; A.

LEGAL, La responsabilité pénale du fait d’autrui et les infractions intentionnelles, Rev. sc. crim. 1968, p. 325. 846

En ce sens, v. PH. BRUN, Responsabilité civile extra-contractuelle, Litec, 2ème

éd., 2009, n° 437 ; M. FABRE-

MAGNAN, Droit des obligations. 2- Responsabilité civile et quasi-contrats, PUF, coll. Thémis, 2e éd., 2010,

n° 130. 847

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440. 848

Ibid.

Page 217: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

217

Lorsque le préposé commet une infraction intentionnelle, le raisonnement a été amorcé

précédemment : la jurisprudence impute au chef d’entreprise une infraction intentionnelle

alors qu’il n’a commis qu’une faute non intentionnelle. Il semblerait alors moins contestable

de considérer qu’il a commis une infraction non intentionnelle dans l’hypothèse où sa faute

pourra s’analyser comme qualifiée (il a en réalité créé la situation ayant permis la réalisation

du dommage, ce qui n’est pas sans rappeler la définition de l’auteur indirect d’une infraction

non intentionnelle de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal849

) et que son préposé, lui, a

commis une infraction intentionnelle. Dès lors, n’ayant pas commis la même infraction, leur

infraction ne peut être commune.

Lorsque le préposé commet une infraction non intentionnelle, il est, là encore, la

plupart du temps impossible de considérer que cette infraction est commune avec celle du

chef d’entreprise. Certes, ce dernier commet également une faute d’imprudence et il serait

alors possible d’envisager que cette imprudence est commune aux deux agents. Cependant, il

s’agit généralement ici de fautes d’imprudence distinctes, de fautes concurrentes850

. Par

exemple, imaginons le chef d’exploitation d’un domaine skiable qui ne respecte pas la

réglementation en vigueur et ne pose pas de barrières de sécurité le long des pistes. Or, un de

ses préposés, suite à une mauvaise manœuvre d’un chasse-neige, pénètre sur une piste en

raison de l’absence de barrières de sécurité, et percute un skieur qui décède. Tous deux ont

commis une faute non intentionnelle. Pour autant, il ne s’agit certainement pas de la même

faute. En réalité, l’un peut être qualifié d’auteur direct de l’homicide involontaire (le préposé),

alors que le chef d’exploitation sera qualifié d’auteur indirect de ce dernier et punissable

seulement en cas de faute qualifiée. A nouveau, ils n’ont pas commis la même infraction et

aucune imprudence commune ne peut donc être relevée à leur encontre851

. Certes, il serait

envisageable d’imaginer un autre cas de figure, laissant place à une imprudence commune.

Ainsi, prenons les mêmes faits, à ceci près que lors de la manœuvre du chasse-neige, le chef

d’exploitation est présent et enjoint à son préposé de reculer alors que faute de visibilité, il ne

peut savoir si la voie est libre. Dans une telle hypothèse, il semble que la même faute

849 Ce dernier dispose en effet que «les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais

qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les

mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon

manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le

règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité

qu'elles ne pouvaient ignorer ». 850

V. supra n° 153 et s. 851

V. supra n° 151 et s.

Page 218: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

218

d’imprudence puisse être relevée à l’encontre des deux protagonistes qui plus est dans le

même espace-temps, laissant alors place à une coaction entre eux. Toutefois, il ne pourra en

être le cas car un autre caractère propre à la coaction vient à manquer dans ce cas de figure : la

volonté réciproque de s’associer.

263. Absence de volonté réciproque de s’associer. – Ainsi, en second lieu et surtout, il

est difficile de considérer que l’élément moral de la participation est constitué dans de telles

hypothèses. En effet, la participation est intentionnelle et implique une véritable volonté de

s’associer852

. Or, les rapports unissant le préposé et le chef d’entreprise font douter de

l’existence de cette dernière tant chez le premier que chez le second.

Quant à la volonté du préposé de s’associer à son dirigeant, il a été vu qu’en cas

d’infraction ordonnée par le second au premier, cette volonté était particulièrement discutable

en raison du manque d’indépendance du préposé. Le raisonnement est le même si l’ordre

donné par le chef d’entreprise ne visait pas la commission d’une infraction intentionnelle mais

a entraîné la réalisation d’un dommage en raison d’une faute non intentionnelle : le préposé,

soumis à l’autorité hiérarchique et au pouvoir de sanction du dirigeant, est dépourvu de

l’indépendance nécessaire à la caractérisation d’une volonté de s’associer853

. Enfin, si le chef

d’entreprise permet l’infraction du préposé par son manque de surveillance, justement parce

qu’il ne lui a donné aucune instruction pertinente, toute entente semble faire défaut, excluant

alors la coaction854

.

Quant à la volonté du dirigeant de s’associer à son préposé, elle est plus aisée à

envisager mais également contestable. Certes, il pourrait être fait valoir que lorsque le chef

d’entreprise embauche son préposé, il le choisit, et donc, dans une certaine mesure, accepte de

s’y associer. De par sa fonction, il sait qu’il prend ainsi le risque que ce préposé commette une

infraction dans le cadre de l’entreprise. Cependant, il est peut-être excessif de considérer qu’il

accepte alors de s’associer à n’importe quelle infraction commise par ce dernier. Cela est vrai

s’agissant de l’hypothèse dans laquelle le préposé commet une infraction non intentionnelle,

852 V. supra n° 53 et s.

853 Pour autant, ce constat ne doit pas remettre en cause l’admission de sa responsabilité à titre d’auteur. En effet,

le préposé témoigne indiscutablement d’une volonté (il a du reste été démontré qu’aucune contrainte ni fait

justificatif ne pouvaient être retenus à son égard : v. supra n° 251 ; de plus, nier cette volonté reviendrait à

occulter son libre-arbitre : v. supra n° 254). Cependant, c’est la volonté de s’associer qui lui fait ici défaut en

raison de son absence d’indépendance, empêchant dès lors de constater une coaction. 854

Sur l’exigence d’une entente en matière de coaction, v. supra n° 91 et s.

Page 219: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

219

mais l’est encore plus dans le cas où il commettrait une infraction intentionnelle. Quel serait

en effet le fondement de sa responsabilité ? Son pouvoir de choisir le préposé ? Un tel

fondement ne semble pas envisageable d’un point de vue théorique comme pratique :

imaginer que chaque chef d’entreprise participe au choix de chacun de ses préposés est

utopique… Le risque créé par le chef d’entreprise ? L’incompatibilité de ce fondement avec

les principes de responsabilité pénale n’est plus à démontrer855

. Cette absence de fondement

solide à une telle responsabilité montre alors le défaut d’un tel raisonnement.

264. Contestation de l’existence d’une « imputation participative de

subordination ». – Ainsi, faute de volonté de s’associer entre le chef d’entreprise et le

préposé, aucune coaction ne peut être caractérisée à leur égard. Plus encore, c’est l’existence

d’une quelconque participation de l’un à l’infraction de l’autre qui peut être remise en cause.

Pourtant, certains auteurs considèrent que la responsabilité pénale du dirigeant pourrait

s’analyser comme « un nouveau mode de participation à l’infraction qui, à côté des modes

classiques que constituent la complicité et la coaction, aurait pour vocation spécifique de

s’appliquer au cadre collectif et hiérarchisé de l’entreprise pour la répression des infractions

qui sont liées à son fonctionnement »856

, une « imputation participative »857

à part entière.

Toutefois, dès lors que l’on considère que la participation implique nécessairement la volonté

de s’associer à autrui, il est difficile d’adhérer à une telle analyse, du moins dans les

hypothèses dans lesquelles le dirigeant laisse son préposé livré à lui-même en ne lui donnant

aucun ordre ou instruction.

265. L’absence d’égalité, cause de l’impossibilité d’une coaction. – Pour conclure et

revenir plus précisément à la coaction, dans les hypothèses laissant place à une participation,

aucune coaction n’a pu être retenue à l’encontre du chef d’entreprise et de son préposé en

raison de l’absence d’indépendance du second à l’égard du premier. Or, cette absence

d’indépendance s’explique par le lien de subordination les unissant, c’est-à-dire par leur

absence d’égalité au sens hiérarchique du terme. Cela est d’autant plus vrai qu’il est tout à fait

855 Pour une explication, v. notamment A. COEURET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, Dr. soc.

1975, p. 396. 856

A. COEURET, La décentralisation du pouvoir dans l’entreprise et le droit du travail, préc., n° 345. 857

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 272 et s., et La répartition des

responsabilités dans l’entreprise, préc. Pour cet auteur, cette imputation participative particulière devrait se

nommer « subordination ».

Page 220: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

220

envisageable que deux préposés, à égalité sur le plan hiérarchique, soient considérés comme

des coauteurs s’ils en réunissent les conditions : par exemple, deux préposés non délégataires

pourraient commettre une imprudence commune858

. En réalité, cette exigence d’égalité entre

les participants pour caractériser une coaction n’est pas propre aux relations hiérarchiques les

unissant, elle peut être étendue aux relations unissant les personnes morales au sein de

l’entreprise859

.

§2- L’absence de subordination entre personnes morales au sein de l’entreprise

266. Notion d’entreprise au sens large. – Si « l’entreprise n’est pas définie par le

droit »860

, le législateur utilise pourtant souvent ce terme, tant « l’entreprise est une réalité –

une entité – économique et sociale fondamentale »861

. Certes, elle ne jouit pas de la

personnalité morale, mais peut « comporter un ou plusieurs établissements »862

qui, pour leur

part, en bénéficieront. Le sens large de la notion d’entreprise permet alors d’envisager la

question des groupes de sociétés, et plus précisément les rapports unissant filiales et sociétés

mères, voire grands-mères863

.

267. Position du problème. – Quand les personnes morales sont absolument

indépendantes entre elles car elles n’appartiennent en aucun cas au même groupe, la question

de la subordination ne se pose pas. En revanche, elle présente un intérêt particulier s’agissant

des groupes de sociétés. En effet, le groupe, en tant que tel, n’a pas la personnalité juridique,

et les personnes morales qui le composent sont juridiquement indépendantes. Pourtant, on ne

peut nier l’existence de liens entre ces dernières, liens qui peuvent faire douter de leur

autonomie et permettent de s’interroger sur une éventuelle subordination des filiales aux

858 En revanche, la jurisprudence refuse d’admettre la co-délégation (Cass. crim., 2 oct. 1979, Bull. n° 198 ; Cass.

crim., 23 nov. 2004, D. 2005, p. 1521, note M. SEGONDS ; Rev. sc. crim. 2005, p. 321 ; Cass. crim., 12 déc. 2006,

inédit, pourvoi n° 05-87.125) alors qu’elle aussi aurait permis d’envisager une coaction entre co-délégataires. 859

Surtout, il ne faut pas oublier qu’elle peut également être étendue aux situations de subordination de fait (v.

supra n° 240) : pour les mêmes raisons, subordonnant et subordonné de fait ne pourront être qualifiés de

coauteurs. 860

J. PAILLUSSEAU, La notion de groupe de sociétés et d’entreprises en droit des activités économiques, D. 2003,

p. 2346, n° 12. 861

J. PAILLUSSEAU, La notion de groupe de sociétés et d’entreprises en droit des activités économiques, D. 2003,

p. 2346, n° 2. 862

G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Entreprise ». 863

Pour une utilisation de cette expression, v. notamment G. DECOCQ, note sous CJUE, 20 janv. 2011, n° C-

90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés 2011, n° 137.

Page 221: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

221

sociétés mères. Appliquée à la matière pénale, la question revêt une importance significative

dans deux domaines spécifiques : le droit pénal du travail ainsi que les pratiques

anticoncurrentielles. En effet, il est possible d’imaginer qu’un salarié ait été victime d’un

accident au sein de l’entreprise, causé par une faute de négligence imputable à la filiale, faute

de négligence elle-même permise par une faute imputable à la société mère864

. De façon plus

évidente, peut-on, par exemple, imputer à une filiale et à sa société mère, au titre de la

coaction, l’infraction d’atteinte involontaire à l’intégrité physique commise sur un salarié de

ladite filiale en raison du non-respect de la législation applicable en matière de port des

équipements de sécurité sur un chantier, alors même que la violation de la législation avait été

exécutée en concertation entre les deux sociétés ? De même, une question similaire se pose

dans l’hypothèse où une société mère, aux côtés de sa filiale, participe à une entente illicite de

concert avec une troisième société, tierce aux rapports unissant le groupe. Les trois sociétés

pourront-elles alors être qualifiées de coauteurs de l’entente illicite ou les liens unissant la

société mère à sa filiale empêcheront-ils de caractériser entre elles l’égalité devant régir les

rapports entre coauteurs865

? Pour déterminer si une coaction est envisageable entre une

société mère et sa filiale, il appartient donc de s’intéresser plus précisément aux relations que

celles-ci entretiennent en matière de pratiques anticoncurrentielles (A) et de droit pénal du

travail (B).

A- En matière de pratiques anticoncurrentielles

268. Exemple des ententes illicites. – Les pratiques anticoncurrentielles sont

traditionnellement envisagées par les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce

s’agissant du droit interne ainsi que des articles 81 et suivants du Traité instituant la

864 Peu important que ces différentes fautes soient directement imputables à la filiale ou à la société mère ou

qu’elles le soient par l’intermédiaire de leur organe ou représentant, selon la conception retenue de la

responsabilité des personnes morales : v. supra n° 79 et s. 865

Certes, en apparence, les pratiques anticoncurrentielles ne relèvent pas du domaine pénal, qui n’intervient

qu’ « à titre résiduel »865

en la matière. Les sanctions administratives et civiles lui sont préférées, et il appartient

aux juridictions commerciales et à l’Autorité de la concurrence865

en droit interne, ainsi qu’à la Commission des

Communautés européennes en droit communautaire de traiter de ces questions. Cependant, le droit de la

concurrence est généralement qualifié de droit quasi répressif, les sanctions qui y sont attachées sont souvent

désignées comme « para pénales », et le pouvoir de sanction détenu par les autorités administratives

indépendantes – dont fait partie l’Autorité de la concurrence – est considéré par la Cour européenne des Droits

de l’Homme comme appartenant à la matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention. Dès lors, son étude

se justifie pleinement.

Page 222: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

222

Communauté européenne866

s’agissant du droit communautaire. De façon générale, la

question sera traitée ici en prenant pour exemple la pratique des ententes dont l’objet ou

l’effet est de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence sur un marché, mais les

réflexions et conclusions énoncées pourraient être étendues à l’ensemble des pratiques

anticoncurrentielles867

, dans la mesure de leur pertinence à la situation en cause. En effet,

lorsqu’elles impliquent un groupe de sociétés, les ententes illicites mettent en lumière deux

aspects différents, ce que ne permettent pas de traiter toutes les pratiques anticoncurrentielles :

l’entente illicite peut ainsi avoir lieu entre des sociétés du groupe et une ou des sociétés

tierce(s)868

– il s’agit d’accords extérieurs au groupe –, mais elle peut également avoir lieu

entre les sociétés du groupe seulement – il s’agit alors d’accords intra-groupe –.

269. Accords intra-groupe. – En premier lieu, concernant les accords intra-groupe,

lorsque la filiale ne dispose pas d’une autonomie à l’égard de sa société mère, il est certain

qu’elle est alors dépendante des décisions de cette dernière. Dès lors, comment imaginer

qu’elle a eu un quelconque choix dans le fait de prendre part à l’entente mise en place par sa

société mère ? Dans une telle hypothèse, faute d’exercer une volonté autonome, la

subordination de la filiale devrait empêcher que l’on puisse la qualifier de coauteur de la

pratique anticoncurrentielle. La solution semble d’ailleurs acquise en droit positif. En effet,

droit communautaire et droit interne s’accordent, dans un tel cas, pour faire bénéficier la

filiale d’une immunité lorsqu’elle ne dispose d’aucune autonomie869

. Cette référence à

l’absence d’autonomie de la filiale démontre ainsi, a contrario, son exigence pour caractériser

une participation. En revanche, si la filiale dispose d’un pouvoir de décision autonome quant à

sa politique commerciale, rien ne devrait s’opposer à ce qu’elle puisse être qualifiée de

coauteur de la pratique anticoncurrentielle commise avec sa société mère. Ce constat ne fait

que se renforcer lorsque l’on étudie les accords extérieurs au groupe.

866 Devenus aujourd’hui les articles 101 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

depuis le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007. 867

Et notamment à l’abus de position dominante dans la mesure où il peut être réalisé par un groupe de sociétés. 868

Cette ou ces sociétés tierce(s) pourrai(en)t alors être qualifiée(s) de coauteur(s) de la filiale, de la société mère

ou des deux selon la solution qui sera retenue. 869

En droit communautaire, v. CJCE 24 oct. 1996, Viho Europe, Rec. 5482 ; TPICE 6 juil. 2000, Sté VW et Audi,

aff. T-62/98.

En droit interne, v. notamment Cass. com., 12 mars 1996, BOCC 22 oct. 1996 ; CA Paris, 25 janv. 1994, BOCC

9 fév. 1994, p. 60, Contrats, conc., consom. 1994, n° 51, obs. L. VOGEL ; CA Paris, 19 mai 1999, Contrats,

conc., consom. 1999, n° 160, obs. M. MALAURIE-VIGNAL.

Page 223: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

223

270. Accords extérieurs au groupe. – En second lieu, concernant les accords

extérieurs au groupe, il est alors question de se demander à qui imputer la pratique

anticoncurrentielle commise par une société appartenant à un groupe. A la société mère ? A sa

filiale ? Aux deux ? A nouveau, en toute logique, il semble nécessaire de distinguer selon que

la filiale dispose d’une certaine autonomie ou non. En effet, si la société mère contrôle la

politique commerciale de sa filiale, comment imaginer une quelconque égalité entre les deux

personnes morales ? Comme précédemment, il conviendrait alors de distinguer selon que ces

dernières peuvent être considérées comme indépendantes ou non, et plus précisément, selon

que la politique commerciale de la filiale est subordonnée aux décisions de sa société mère ou

non. Faute d’autonomie, la subordination constatée devrait empêcher de caractériser une

égalité et donc une coaction. Or, précisément, le droit de la concurrence dispose de critères

permettant d’établir l’autonomie ou non de la filiale, utiles à cette fin.

271. Caractérisation de l’autonomie de la filiale au sens du droit de la

concurrence. – L’objet n’est pas ici d’étudier précisément les critères permettant d’établir

l’indépendance ou non d’une filiale à l’égard de sa société mère, mais simplement d’en

montrer les principaux éléments, afin d’établir leur objectivité matérielle. L’autonomie se

traduisant matériellement, son constat peut ainsi témoigner de l’objectivité du critère de

caractérisation de l’égalité nécessaire à la détermination de la coaction.

Ainsi, le constat de l’autonomie de la filiale se fait a contrario, par miroir de ce qui

caractérise l’absence d’autonomie. En effet, le droit communautaire a posé une présomption

de dépendance de la filiale lorsqu’elle est détenue à 100% par sa société mère870

, ou grand-

mère871

, présomption reprise par le droit interne mais appliquée de façon moins systématique,

en tenant compte d’autres éléments de fait872

. Quand cette présomption ne peut trouver à

s’appliquer car le capital n’est pas détenu à 100% mais dans une proportion moindre, d’autres

indices matériels pourront permettre de déterminer l’absence d’autonomie de la filiale, tels

870 CJCE, 25 oct. 1983, aff. C-107/82, Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft AEG-Telefunken AG c/ Commission

CE, Rec. CJCE 1983, p. 03151. 871

TPICE, 18 déc. 2008, aff. T-85/06, General Quimica SA, Repsol SA, Repsol YPF SA c/ Commission CE, att.

n° 81 et 82. 872

V. par exemple Cons. conc., déc. n° 2000-D-6, 13 févr. 2001, Pratiques constatées dans le secteur de la vente

d’espaces publicitaires télévisuels : BOCC 2001, p. 166.

Page 224: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

224

que par exemple l’obligation de reddition des comptes ou l’émission de directives par la

société mère873

.

272. Proposition. – Dès lors, grâce à ces critères, si une autonomie peut être constatée

entre la filiale et sa société mère, aucune difficulté particulière ne devrait être relevée : il suffit

de regarder si les autres conditions de la coaction sont réunies pour imputer une pratique

anticoncurrentielle à ces deux personnes morales au titre de la coaction, ainsi qu’à la ou aux

société(s) tiers.

En revanche, à défaut d’autonomie entre elles, la subordination de la filiale à sa société

mère devrait être constatée, empêchant alors l’imputation de l’infraction au titre de la coaction

aux sociétés du même groupe, mais non à la société mère et à la ou aux sociétés tiers.

273. Solutions en droit positif. – Du reste, il semble que la jurisprudence soit en ce

sens puisqu’elle considère de façon générale qu’en l’absence d’autonomie de sa filiale, seule

la société mère sera condamnée874

. En revanche, si une autonomie de la filiale peut être

démontrée, celle-ci sera sanctionnée ainsi que sa société mère si cette dernière a approuvé ou

participé à la pratique anticoncurrentielle875

. Dans cette dernière hypothèse, une coaction entre

les deux personnes morales peut alors être envisagée. De façon plus générale, l’Autorité de la

concurrence a pu énoncer, dans son rapport pour 2008, qu’ « au sein d’un groupe, une

pratique d’entente sera imputée, soit à une filiale en raison de son rôle effectif dans la

réalisation de la concertation, soit à la société mère, si la filiale ne fait qu’exécuter des

décisions prises par cette dernière »876

, ou aux deux si chacune a participé à la pratique. Les

solutions internes semblent donc devoir être approuvées.

En revanche, le droit communautaire ne semble pas faire une telle distinction et

impute l’infraction aux deux sociétés, peu important que la filiale ne puisse être considérée

comme autonome par rapport à sa société mère. En effet, la CJUE considère que dans le cas

où une société mère exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de sa

filiale, elle sera tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à cette dernière pour

873 V. F. CHAPUT, L’autonomie de la filiale en droit des pratiques anticoncurrentielles, Contrats, conc., consom.,

2010, Etude n° 1, en partic. n° 16 et s. 874

Ch. com., 8 déc. 1992, BRDA 1993/1 ; Paris, 24 juin 1993, BRDA 1993/13, p. 2. 875

Cons. conc. 5 nov. 1991, Secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi, BOCC 3 janv. 1992. 876

Cité par F. CHAPUT, L’autonomie de la filiale en droit des pratiques anticoncurrentielles, Contrats, conc.,

consom., 2010, Etude n° 1.

Page 225: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

225

pratique anticoncurrentielle877

. Un auteur commentant l’arrêt écrit ainsi que « la société mère

est considérée comme un coauteur responsable et non comme un tiers devant répondre des

faits d’autrui »878

. Plus encore, le TPICE a explicitement énoncé qu’une entreprise de conseil

pouvait être considérée comme coauteur d’une infraction lorsqu’elle contribue à la mise en

œuvre d’une entente, même de façon subordonnée, accessoire ou passive, en ne pouvant

ignorer le caractère anticoncurrentiel des comportements en cause879

. Or, une telle solution,

dont rien ne s’opposerait à ce qu’elle soit étendue aux relations unissant les sociétés d’un

groupe, ne peut qu’être décriée tant la coaction ne devrait pouvoir être retenue en cas de

subordination. Comme il l’a été vu, c’est l’existence même d’une participation quelle qu’elle

soit qui peut être remise en cause en cas de subordination parce qu’il est difficile de

caractériser la volonté du subordonné de s’associer au chef d’entreprise880

. Toutefois, il ne

s’agit pas pour autant de conclure à l’impossibilité de toute imputation à son égard puisqu’il

est envisageable par exemple, de même que pour ce qu’il en est s’agissant des liens entre

personnes physiques au sein de l’entreprise, que l’infraction puisse lui être imputée au titre de

l’action alors que le subordonnant – la société mère pour ce qui nous intéresse – se verra

qualifié de complice, voire d’auteur (il y aurait alors deux actions juxtaposées, celle de la

société mère, et celle de sa filiale).

Mais il n’y a pas qu’en droit de la concurrence que les rapports de subordination

unissant une filiale à sa société mère peuvent avoir un impact sur la caractérisation d’une

coaction entre elles.

B- En matière de droit pénal du travail

274. Intérêt de l’étude. – Comme précédemment, il s’agit ici de se demander dans

quelle mesure l’infraction commise par une filiale peut être imputée à sa société mère, et plus

particulièrement si toutes deux peuvent se voir qualifiées de coauteurs de l’infraction ainsi

réalisée. A priori, la question semble similaire à celle évoquée en matière de pratiques

anticoncurrentielles, et évoquer le droit pénal du travail ne serait donc que l’occasion de

877 CJUE, 20 janv. 2011, aff. n° C-90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés, 2011, n° 137, note G.

DECOCQ. 878

G. DECOCQ, note sous CJUE, 20 janv. 2011, préc., Bull. Joly Sociétés, 2011, n° 137. 879

TPICE, 8 juil. 2008, aff. T-99/04, AC Treuhand AG : JOUE n° C 209, 15 sept. 2008, p. 49 ; Contrats, conc.,

consom., 2008, comm. 235, note G. DECOCQ. 880

V. supra n° 253.

Page 226: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

226

traiter d’un exemple supplémentaire relatif à une éventuelle coaction entre deux personnes

morales appartenant au même groupe. Mais il s’agit ici de droit pénal au sens strict et non de

matière pénale, permettant alors de vérifier si les conséquences envisagées en droit de la

concurrence sont applicables en l’espèce. En outre, cette matière révèle une particularité en ce

que les infractions qu’elle réprime exigent parfois la qualité d’employeur pour pouvoir être

imputées à leur auteur881

. Ainsi, dès lors qu’une seule société peut être qualifiée d’employeur

– la filiale à laquelle les salariés sont liés contractuellement –, on ne voit pas comment une

quelconque coaction pourrait être caractérisée entre cette filiale et sa société mère, cette

dernière, par définition, ne pouvant être considérée comme employeur puisque les salariés ne

lui sont pas contractuellement liés.

275. Théorie des co-employeurs. – Un auteur a proposé d’appliquer la théorie des co-

employeurs, chère au droit du travail, au droit pénal, afin de permettre d’imputer l’infraction

aux deux sociétés au titre de la coaction882

. La Chambre sociale de la Cour de cassation a en

effet construit cette notion afin d’offrir aux salariés une pluralité de débiteurs lorsque leur

employeur nominal883

– celui avec lequel ils sont contractuellement liés – n’est plus en

mesure de remplir ses obligations en raison de difficultés économiques884

. Or, « s’il est

possible d’imputer à la société dominante devenue ce co-employeur les obligations qui pèsent

sur sa filiale, il est certainement possible de lui imputer également les infractions qui avaient

été, à première vue, commises pour le compte de la filiale »885

. Ainsi, appliquée à la matière

pénale, la théorie permettrait de voir des coauteurs d’une infraction là où l’existence de co-

employeurs serait admise886

. Evidemment, encore faudra-t-il satisfaire aux exigences relatives

à la responsabilité des personnes morales (et tout dépendra alors de savoir si on se contente

881 V. par exemple l’article L 2146-2 du Code du travail qui dispose que « Le fait pour l'employeur de

méconnaître les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8, relatives à la discrimination syndicale, est puni

d'une amende de 3 750 euros. », ou encore son article L 4741-3 qui énonce que « Le fait pour l'employeur de ne

pas s'être conformé aux mesures prises par l'inspecteur du travail en application de l'article L. 4731-1 est puni

d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. ». 882

G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, Actes du XXème Colloque de l’AFDP, à paraître. 883

Terminologie empruntée au Professeur AUZERO, Les co-employeurs, in Les concepts émergents en droit des

affaires, sous la direction d’E. LE DOLLEY, LGDJ, 2010, p. 43 et s. 884

Sur cette théorie, v. P.-H. ANTONMATTEI, Groupe de sociétés : la menace du co-employeur se confirme, Sem.

soc. Lamy 2011, n° 1484, p. 12 ; G. AUZERO, Les co-employeurs, préc. ; G. LOISEAU, Coemploi et groupes de

sociétés, JCP S 2011, 1528 ; P. MORVAN, Le licenciement des salariés d’une filiale (action Aspocomp). Entre

employeur et co-employeurs, JCP S 2010, 1407; E. PESKINE, Réseaux d’entreprises et Droit du travail, LGDJ,

Bibl. de Droit social, 2008. ; B. REYNES, Groupes de sociétés : la théorie du coemploi, JCP S 2012, 1292. 885

G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, préc. 886

L’auteur ne peut être plus clair : « Les co-employeurs seraient ainsi des co-auteurs ».

Page 227: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

227

d’une faute diffuse887

ou si l’identification des organes ou représentants est nécessaire), mais

l’obstacle tenant à l’exigence de la qualité d’employeur serait ainsi contourné.

276. Contestation de la transposition de la théorie des co-employeurs à la coaction

pénale. – Pour autant, aussi séduisant que soit le raisonnement, il semble qu’il puisse être

contesté au regard de la définition donnée de la coaction. Effectivement, la situation de co-

emploi se déduit classiquement de l’effectivité de l’exercice du pouvoir de direction sur les

salariés. Il s’agit alors de prouver qu’un lien de subordination juridique unit les salariés non

seulement à la filiale employeur nominal, mais aussi à la société mère. Plus récemment, la

situation de co-emploi a également été retenue en vertu d’une approche plus économique, en

conséquence de la confusion entre deux sociétés du groupe888

. Or, dans ces hypothèses,

l’autonomie de la filiale peut être remise en cause. Les décisions soulignent ainsi

généralement la « confusion des intérêts, des activités et de la direction » des sociétés889

, et,

comme le relève un Conseiller à la Chambre sociale de la Cour de cassation, « cette confusion

établit que l’employeur avec lequel le salarié a conclu un contrat de travail ne dispose en

réalité d’aucune autonomie de décision et, par là, que l’autorité qu’il exerce sur son

personnel est partagée avec un autre, qui lui dicte sa conduite [… ] »890

. A première vue, ces

propos peuvent laisser croire que le pouvoir de direction, plus que partagé, est en réalité

exercé par la seule société mère, qui pourrait alors être qualifiée d’employeur de fait, alors

que la filiale serait l’employeur de droit, de même qu’il existe des dirigeants de droit et des

dirigeants de fait891

. Cependant, il semble tout de même qu’il y ait une différence entre les

deux situations : alors que le dirigeant de fait n’a aucun pouvoir sur le dirigeant de droit, que

ce soit un pouvoir économique ou autre, la société mère a bien un pouvoir sur sa filiale, celui

de s’immiscer dans sa gestion. De plus, l’instauration d’un dirigeant de droit et d’un dirigeant

de fait dans une société est établie à l’origine, ce qui n’est pas le cas concernant une société

887 Contra cette possibilité, G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, préc.

888 En ce sens, v. P. LAGESSE et N. LAURENT, Quelle responsabilité sociale pour les groupes de sociétés lors du

dépôt de bilan de leurs filiales ?, JCP G 2009, I, 101. V. également G. AUZERO, Les co-employeurs, préc., spéc.

n° 12. 889

V. notamment Cass. soc., 11 juil. 2000, pourvoi n° 98-40.196, TPS 2000, n° 348 ; 19 juin 2008, pourvoi

n° 07-42547. 890

P. BAILLY, Actualité des licenciements économiques, Sem. Soc. Lamy 2011, n° 1504, p. 6. Dans le même sens,

l’auteur relève plus loin que la société « détermine la politique économique et sociale d’une entreprise, en

prenant à sa place les décisions les plus graves en matière d’emploi ». 891

Sur les dirigeants de droit et de fait et la coaction, v. supra n° 245.

Page 228: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

228

mère et une filiale, qui sont des personnes juridiques distinctes, dont l’une dispose de la

faculté d’intervenir dans la gestion de l’autre, mais dont le rôle n’est pas nécessairement prévu

originellement. Ce pouvoir d’immixtion dans la gestion d’une société devrait alors conduire à

rejeter l’analogie avec les dirigeants de fait et de droit et à privilégier le constat d’un rapport

de domination entre les deux sociétés. En effet, si la filiale ne dispose pas d’autonomie, si sa

conduite lui est dictée par une autre, c’est bien qu’elle est en état de subordination au sens

large par rapport à sa société mère, ou tout du moins, qu’aucune égalité ne peut être relevée

avec sa société mère quant à la gestion de ses salariés. Ainsi, si l’on veut bien admettre que la

coaction se caractérise par une indépendance morale entre les coauteurs892

, l’assimilation des

co-employeurs à des coauteurs apparaît particulièrement discutable893

.

277. Autre proposition. – La transposition de la théorie des co-employeurs en droit

pénal ne permettrait donc pas de contourner la difficulté relative à l’exigence de la qualité

d’employeur pour imputer l’infraction à une personne morale. Pour autant, il ne faudrait pas

nécessairement en conclure que toute imputation au titre de la coaction est impossible entre

une société mère et sa filiale dès lors que le texte d’incrimination vise l’employeur. En effet,

cet obstacle peut être contourné en acceptant que la caractérisation d’une coaction permette au

coauteur qui ne revêtirait pas la qualité exigée d’emprunter cette circonstance au coauteur qui

la possèderait894

. L’existence de la qualité d’employeur chez chacun des participants n’étant

alors pas une condition de caractérisation de la coaction, cette dernière pourrait être constatée

entre deux sociétés appartenant au même groupe. Les conclusions retenues en matière de

pratiques anticoncurrentielles peuvent alors être reprises895

: si l’autonomie de la filiale par

rapport à sa société mère est avérée, la coaction pourra être qualifiée (sous réserve que les

autres conditions en soient remplies) ; si tel n’est pas le cas, aucune coaction ne pourra être

retenue (mais là encore, l’imputation de l’infraction à chacune des sociétés au titre de l’action

sera envisageable).

892 V. supra n° 237 et s.

893 En outre, si l’imputation à la filiale ainsi qu’à sa société mère d’obligations pesant normalement sur celle-ci

peut s’expliquer par la logique indemnitaire de protection des salariés en droit du travail, la logique poursuivie

par le droit pénal n’est pas la même. Il ne faut pas en déduire pour autant qu’aucune imputation à la société mère

d’une infraction réalisée par sa filiale n’est possible, mais simplement qu’elle ne devra pas se faire au titre de la

coaction, dont les conséquences sont particulièrement lourdes (v. infra Partie 2), dès lors qu’une situation de co-

emploi sera établie. 894

V. infra n° 329 et s. 895

V. supra n° 272.

Page 229: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

229

278. Conclusion de la section 1. – Il apparaît ainsi que l’influence du coauteur sur le

comportement infractionnel se définit négativement par l’indépendance morale dont il fait

preuve. Par conséquent, son rôle ne doit pas être dicté par l’autorité d’autrui, tant en ce qui

concerne les relations entre personnes physiques que celles entre personnes morales, et peu

important que cette autorité soit juridique ou de fait. L’exemple des relations au sein de

l’entreprise a ainsi permis d’en témoigner. Aucune coaction ne peut en effet être constatée

entre un chef d’entreprise et son préposé. Quant aux relations entre personnes morales

appartenant à un même groupe de sociétés, il importe de distinguer selon que ces différentes

personnes morales peuvent être considérées comme autonomes les unes par rapport aux autres

ou non. Si elles le peuvent, l’imputation au titre de la coaction sera envisageable, mais elle se

révèlera au contraire impossible en cas de domination de l’une des personnes morales sur

l’autre.

Les coauteurs se caractérisent ainsi par une égalité a priori, seule à même de leur

assurer l’interdépendance propre à la notion de coaction. En effet, une véritable

interdépendance entre deux individus ne peut exister que si ceux-ci sont unis par des liens de

dépendance réciproque et non à sens unique896

. Or, l’autorité dont dispose un individu sur un

autre, qu’elle soit juridique ou de fait, empêche de considérer qu’il existe une telle réciprocité

dans la dépendance, celui subissant l’autorité étant nécessairement dépendant de celui la

possédant.

Mais l’interdépendance entre coauteurs n’implique pas seulement leur indépendance

morale. En effet, parce qu’ils participent à une infraction collective, leurs comportements sont

alors mêlés au sein de cette dernière, renforçant ainsi l’interdépendance qui les caractérise

d’un point de vue matériel. Positivement, l’influence du coauteur sur le comportement

infractionnel devrait donc se traduire par une dépendance matérielle de sa part.

896 Le grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2

e éd., 2001, définit en effet l’interdépendance

comme une « dépendance réciproque ».

Page 230: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

230

Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs

279. Dans la mesure où la coaction se rapproche de l’action en ce que le coauteur

participe à sa propre infraction, il a été vu que le coauteur ne devait pas être subordonné à la

volonté d’autrui afin que l’infraction demeure sienne. L’indépendance morale source d’égalité

entre coauteurs, en tant que donnée psychologique, doit alors se traduire matériellement.

Certes, l’exemple des relations de travail ne pose pas de difficulté majeure en la matière dès

lors qu’il y est question d’une subordination juridique. L’existence d’un contrat de travail, ou

du moins des différents indices permettant de le qualifier de la sorte, traduit matériellement la

dépendance morale existant entre un chef d’entreprise et son préposé. De même, s’agissant

des groupes de société, différents éléments de fait permettent de s’assurer de l’indépendance

de la filiale. Cependant, dans l’hypothèse où une simple subordination de fait serait

envisageable, l’établissement de son absence, nécessaire à la caractérisation d’une coaction,

se révèle plus délicat.

Or, une des façons d’assurer cette égalité serait que chacun ait besoin de l’autre pour la

réalisation de l’infraction, créant ainsi, de facto, l’égalité nécessaire à l’existence d’une

coaction. La dépendance matérielle entre coauteurs serait ainsi garante d’une influence égale

entre coauteurs sur les modalités d’exécution de l’infraction collective. Une telle affirmation

permet alors de proposer une définition des actes de coaction. Mais elle invite également à

réfléchir plus particulièrement au sort réservé aux personnes morales. En effet, la réalisation

matérielle de l’infraction passe nécessairement par le truchement d’une personne physique.

Partant, la question de l’articulation des responsabilités entre la personne morale et cette

personne physique, et spécialement celle de leur imputation de l’infraction au titre de la

coaction présente un intérêt majeur. Proposer une définition des actes de coaction (§1)

implique ainsi de réfléchir à la transposition de cette définition à la responsabilité des

personnes morales (§2).

Page 231: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

231

§1- Définition des actes de coaction

280. L’infraction collective ne se réduisant pas à une somme d’infractions individuelles,

chaque coauteur lui apporte inévitablement des éléments. Dès lors, chacun a besoin de son

coparticipant afin de la réaliser. Ce besoin réciproque implique alors une mise en commun des

moyens de réaliser l’infraction, permettant que chacun œuvre pour l’infraction collective. La

coaction doit alors se caractériser par des actes d’assistance réciproque entre coauteurs (A).

En outre, afin qu’aucun ne prenne le pas sur les autres et que l’égalité se maintienne entre les

différents coauteurs, il semble nécessaire que chacun dispose de la même capacité

d’intervention dans la réalisation de l’infraction. Dès lors, la coaction semble imposer que les

actes des participants soient concomitants (B).

A- Des actes d’assistance réciproque

281. Solutions jurisprudentielles. – Il a été vu que dès l’instant où la dépendance entre

les participants était unilatérale, seule la complicité pouvait trouver à s’appliquer897

. A

contrario, la coaction impliquerait soit une indépendance totale entre les coauteurs dans la

matérialité de l’infraction, soit une dépendance accrue, à double sens, c’est-à-dire réciproque.

Or, puisque considérer les coauteurs comme des acteurs totalement indépendants pourrait être

compris comme une manière de nier les liens les unissant (en particulier l’entente et le fait

qu’ils réalisent une infraction unique898

), il serait alors possible d’envisager les coauteurs

comme des individus dépendants des autres participants : chacun aurait besoin d’autrui et cela

se traduirait matériellement par le fait qu’ainsi chacun se devrait d’aider son coparticipant.

Du reste, il semble que la jurisprudence soit en ce sens. Elle a ainsi pu relever

« l’assistance réciproque »899

existant entre les coauteurs et considérer que « tous les auteurs

d’une même infraction s’aidaient nécessairement et s’assistaient réciproquement »900

.

Cependant, la Cour de cassation en tire parfois pour conclusion que tous peuvent alors être

897 V. supra n° 237 et s.

898 V. supra n° 91 et s.

899 V. notamment Cass. crim., 31 juil. 1818, Jurispr. gén., Dalloz, V° Attentats aux mœurs n° 129 ; 29 janv.

1820, Jurispr. gén., Dalloz, V° Attentats aux mœurs n° 130 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 17 avril 1857, Bull. n°

155. 900

Cass. crim., 31 juil. 1818, préc.

Page 232: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

232

considérés comme des complices901

. Or, il n’est certainement pas nécessaire de rappeler ici à

quel point les deux formes de participation ne doivent pas être confondues902

. La Chambre

criminelle l’admet d’ailleurs elle-même lorsqu’elle énonce, sous forme d’attendu de principe,

que « dans les actes de complicité, on a toujours distingué ceux qui, extrinsèques à l’acte,

tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, et ceux qui, par la simultanéité

d’action et l’assistance réciproque, constituent la perpétration même ; que lorsque ces

derniers ont été commis, il existe bien moins des complices que des coauteurs »903

.

282. « Participation plurale différenciée » et « participation plurale

indifférenciée ». – En réalité, il semble que cette assistance réciproque recouvre deux types

de situations, dans lesquelles chacun des participants a besoin de l’autre : soit chaque coauteur

a un rôle précis, déterminé, soit aucun n’a de rôle prédéterminé, les rôles étant

interchangeables au gré des circonstances904

. Or, ces deux hypothèses révèlent la forte

dépendance unissant leurs participants. En effet, quand chacun a un rôle distinct à tenir, la

répartition des tâches s’explique certainement par les qualités ou les aptitudes différentes de

chaque participant905

. Par exemple, l’abus de biens sociaux suppose la qualité de gérant

lorsqu’il est commis dans le cadre de sociétés à responsabilité limitée en vertu de l’article L

241-3 4° du Code de commerce906

; de même, il est possible d’imaginer une escroquerie

impliquant pour la manœuvre frauduleuse de parler la langue allemande, qu’un seul des

participants maîtrise. Par ailleurs, lorsque les rôles sont indifférenciés, il ne faudrait pas croire

à une dépendance moindre entre les coauteurs : même dans cette dernière hypothèse, tous ont

besoin les uns des autres afin de pouvoir se remplacer les uns les autres, et de garantir ainsi la

bonne marche de l’infraction (sa rapidité, son efficacité). Un auteur qualifie ces deux

situations de « participation plurale différenciée », et de « participation plurale

901 V. notamment Cass. crim., 8 juil. 1813, préc. ; 9 juin 1848, S. 1848, I, 527 ; 15 juin 1860, S. 1861, I, 398.

902 V. supra n° 17 et 19.

903 Cass. crim., 9 nov. 1860, Bull. n° 229.

904 Cette idée d’interchangeabilité des rôles est d’ailleurs un des critères justifiant que les coauteurs se

représentent dans l’action pour D. ALLIX (Essai sur la coaction, préc., n° 136 et s.). Cependant, outre le fait que

considérer que les rôles sont interchangeables lorsqu’ils sont minutieusement prédéfinis est discutable, il ne faut

pas oublier que la théorie de la représentation dans l’action témoigne de certains écueils en matière pénale : v.

supra n° 13. 905

Qualités et aptitudes qui peuvent être exigées pour la constitution de l’infraction ( une « qualité de droit »

pourrait-on dire) ou simplement utiles à la réalisation de celle-ci (une « qualité de fait »), ce dont témoignent

respectivement les exemples pris par la suite. 906

Sur la possibilité, pour un seul des coauteurs, de posséder la qualité exigée par le texte d’incrimination : v.

infra n° 329 et s.

Page 233: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

233

indifférenciée »907

et semble considérer que cette assistance réciproque entre coauteurs

pourrait ainsi justifier certaines solutions jurisprudentielles ayant retenu des coauteurs dans

des espèces où chaque participant n’avait pas personnellement réalisé l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction908

. Il apparaît que ce constat puisse être confirmé par

l’analyse du second caractère des actes de la coaction, la concomitance.

B- Des actes concomitants

283. Considérer que les actes de coaction doivent être concomitants peut entraîner des

confusions avec les actes de complicité dans la mesure où ceux-ci peuvent également

s’entendre d’actes concomitants909

, c’est pourquoi il convient de définir la concomitance (1)

avant de s’intéresser plus précisément à la distinction entre les actes de coaction et ceux de

complicité (2).

1- Définition de la concomitance

284. Définition négative. – Dans un sens général, la concomitance s’entend d’actes

commis dans le même temps, de façon simultanée910

. Dès lors, de façon négative, les actes

antérieurs à la réalisation de l’infraction et ceux qui lui sont postérieurs ne peuvent pas relever

du champ d’application de la coaction. Cette conclusion permet de conforter davantage

l’exclusion de la provocation à l’infraction du champ de la coaction dans la mesure où un tel

comportement est nécessairement préalable à la commission de l’infraction. En outre, elle

permet également de confirmer l’exclusion du recel et des cas d’agissements postérieurs à

l’infraction commis afin d’honorer une promesse effectuée antérieurement à cette

réalisation911

.

907 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 114 et s.

908 Dans ces espèces, la jurisprudence prend alors le contrepied des solutions par lesquelles elle a considéré que

les coauteurs, parce qu’ils s’aidaient et s’assistaient de façon réciproque, pouvaient être considérés comme des

complices : v. supra n° 143 et s. 909

La complicité étant définie par l’article 121-7 du code pénal comme « la personne qui sciemment, par aide ou

assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » (c’est nous qui soulignons). 910

Le Grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2e éd., 2001, définit ainsi la concomitance comme

un « rapport de simultanéité ». 911

Comportement relevant de la complicité : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 415 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 386; J. PRADEL, Droit pénal général, préc.,

n° 440 et 441; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 347.

Page 234: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

234

Enfin, la concomitance n’implique pas une unité de lieu912

, même s’il est vrai que la

plupart du temps, les coauteurs se trouveront au même moment sur le lieu de commission de

l’infraction. A cet égard, il est possible de prendre pour exemple une espèce ayant donné lieu

à un arrêt de la Chambre criminelle le 27 mai 2004. La Cour de cassation a ici considéré que

sont coauteurs du délit d’abus de faiblesse les individus ayant réalisé, certes chacun de leur

côté, mais de façon coordonnée, divers prélèvements bancaires aux dépens de la tante de l’un

d’eux, en état de vulnérabilité913

. En procédant chacun de leur côté à ces retraits de fonds,

aucune unité de lieu ne pouvait être établie. Pour autant, la décision met en exergue la

simultanéité d’action, en exécution d’un plan coordonné, qui vient justifier la qualification de

coaction. Les actes concomitants n’ont ainsi pas à se doubler d’une unité de lieu pour

caractériser ce mode de participation.

285. Définition positive. – Reste alors à définir de façon positive la concomitance. Il

apparaît ainsi que les actes concomitants à l’infraction sont ceux qui en accompagnent la

réalisation, et s’entendent alors d’une unité temporelle. De prime abord, la question ne fait pas

débat, aussi bien en doctrine qu’en jurisprudence. Les auteurs enseignent classiquement que

les coauteurs sont ceux qui ont exécuté leurs actions « de façon concomitante »914

. Quant à la

jurisprudence, il n’est ainsi pas rare pour les juges de relever la « simultanéité d’action »915

,

l’« aide concomitante » des coauteurs ou encore leur action « conjointe »916

.

286. Difficultés de mise en œuvre. – Pourtant, cette définition peut sembler

insuffisante si l’on se souvient que toutes les infractions ne se réalisent pas en un seul trait de

temps. En effet, la notion de concomitance doit nécessairement être mise en parallèle avec

l’infraction en cause : selon la matérialité exigée par le texte d’incrimination, la réalisation de

l’infraction sera susceptible d’être plus ou moins étalée dans le temps, et les actes

concomitants pourront ainsi apparaître plus ou moins nombreux. En cas d’infraction

instantanée, la notion de concomitance ne semble ainsi pas soulever de difficulté particulière :

912 Contra D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 151 qui écrit ceci : « Simultanéité d’action : seront réputés

coauteurs ceux qui sont présents au temps et au lieu de l’infraction […] ». 913

Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. n° 141, Rev. sc. crim. 2004, p. 881, note Y. MAYAUD. 914

PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403. 915

V. notamment Cass. crim., 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 9 nov. 1860, Bull. n° 229. 916

V. notamment Cass. crim., 29 janv. 1829, préc.

Page 235: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

235

l’infraction se réalisant en un seul trait de temps917

, il s’agit alors d’être présent à l’instant

précis de commission de l’infraction. En revanche, dès lors que l’infraction est continue,

c’est-à-dire que sa réalisation s’étale dans le temps918

, les actes susceptibles d’être considérés

comme concomitants sont bien plus nombreux. Par exemple, la séquestration arbitraire,

infraction continue, se distingue des violences légères, infraction instantanée, par la durée de

l’immobilisation de la personne919

. Mais il pourrait être envisageable de caractériser un acte

concomitant à la séquestration qui n’aurait été que très bref, et ne revêtirait pas la durée

exigée pour envisager une séquestration920

.

287. Concomitance et infraction complexe. – En outre, en cas d’infraction complexe,

une nouvelle difficulté peut être mise en exergue : ce type d’infraction imposant la

caractérisation d’au moins deux comportements distincts pour sa constitution921

, un acte

concomitant à l’infraction s’entend-il d’un acte concomitant à chacun des actes exigés par le

texte d’incrimination ou peut-on imaginer qu’il soit suffisant que cet acte soit commis en

même temps qu’un seul des actes nécessaires à la constitution de l’infraction ? Un exemple

concret permettra d’apprécier plus aisément les deux solutions. Ainsi, l’escroquerie est

classiquement considérée comme un modèle d’infraction complexe dans la mesure où elle

exige que soient caractérisés deux actes différents : des manœuvres frauduleuses ainsi qu’une

remise. La question est alors la suivante : si deux individus, X et Y, d’un commun accord,

décident de monter un plan afin de tromper d’autres individus et de les déterminer à leur

remettre de l’argent, dans l’hypothèse où X a commis des manœuvres frauduleuses avec

917 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 230 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 203 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 92 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal

général, préc., p. 208. 918

V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 231 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 203 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 93 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal

général, préc., p. 209. 919

En ce sens, v. Cass. crim., 6 févr. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER. 920

La coaction pourrait tout de même être caractérisée dans une telle hypothèse grâce à la possibilité pour le

coauteur d’emprunter certains éléments constitutifs absents chez lui, mais présents chez son coauteur : v. infra

n° 326 et s. 921

V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 237 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 209 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 208. V. également L.

ROUSVOAL, L’infraction composite (Essai sur la complexité en droit pénal), thèse, Rennes, 2011, spéc. n° 384

et s.

Page 236: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

236

l’aide de Y mais que seul X était présent lors de la remise des sommes d’argent, Y pourra-t-il

être considéré comme coauteur de l’escroquerie aux côtés de X922

?

Pour y répondre, il convient de montrer en premier lieu que la jurisprudence considère

généralement le tiers de mauvaise foi qui participe aux manœuvres comme un complice,

même s’il était présent au moment du mensonge de son associé. Pour autant, il n’est pas

certain que cette solution soit la plus pertinente. En effet, elle laisse entendre que l’auteur

principal a réalisé pour sa part l’ensemble des éléments constitutifs. Cependant, si la

manœuvre frauduleuse est considérée comme réalisée, c’est généralement et précisément

grâce à l’intervention du tiers. En effet, il est de jurisprudence constante que le simple

mensonge n’est pas constitutif d’une manœuvre frauduleuse, sauf à ce qu’il soit corroboré par

un fait extérieur lui donnant force et crédit923

, ce fait extérieur pouvant s’analyser comme

l’intervention d’un tiers, de bonne ou de mauvaise foi. Sans l’intervention du tiers, aucune

manœuvre ne pourra donc être caractérisée. Autrement dit, l’acte du soi-disant auteur

principal n’est pas criminel en lui-même (comme devrait l’être l’acte d’un auteur au sens de

l’analyse classique), il ne le devient qu’une fois associé à celui du tiers (de mauvaise foi pour

ce qui nous intéresse ici). En réalité, dans une telle hypothèse, il est possible de considérer

qu’il y a véritablement deux mensonges dont leurs auteurs se confortent mutuellement. Une

vraie interdépendance unit alors ces participants924

en ce que chacun a besoin de l’autre pour

réaliser l’infraction, interdépendance qui, alliée à la concomitance de leur aide, devrait plutôt

conduire à les considérer comme deux coauteurs.

Mais alors, et en second lieu, pourquoi ne pas aller plus loin et entendre la

concomitance de façon encore plus large ? Dès lors qu’un individu est présent lors de la

réalisation de l’un seulement des actes de l’infraction, l’infraction est toujours dans sa phase

d’exécution. Ainsi, il est envisageable de considérer qu’il a agi de façon simultanée avec

autrui, et la question évoquée précédemment devrait trouver une réponse positive. Si les

autres conditions en sont réunies, la coaction serait alors envisageable. Une telle conception

pourrait d’ailleurs être étendue aux infractions d’habitude.

922 L’interrogation est la même si on imagine que seul X réalise les manœuvres frauduleuses et que tous deux

sont présents lors de la remise de l’argent. 923

V. notamment Cass. crim., 20 juil. 1960, Bull. n° 382. 924

Dès lors que le tiers est de mauvaise foi, sa connaissance de l’infraction implique généralement qu’il ait la

volonté de s’y associer et donc qu’il soit un participant (v. supra n°53), mais pas nécessairement (s’il est

subordonné à son employeur par exemple : v. supra n° 243 et s.).

Page 237: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

237

288. Concomitance et infractions d’habitude. – En effet, une infraction d’habitude est

un type d’infraction qui exige la répétition d’au moins deux actes identiques pour être

caractérisée925

. Il est alors possible d’envisager que la présence d’un individu lors d’un seul de

ces actes permette de caractériser une concomitance. Par exemple, la personne qui prendrait

part à l’établissement d’un diagnostic une unique fois tout en sachant que son associé a

commis un tel acte au moins deux fois pourrait alors encourir la sanction prévue par l’article

L. 4161-1 du Code de la santé publique.

289. Ainsi, dès lors que l’individu participe à la réalisation d’un des éléments

constitutifs de l’infraction, rien ne s’oppose à admettre la concomitance et donc à envisager la

coaction. Mais une conception aussi large de la concomitance brouille encore davantage les

frontières entre coaction et complicité dans la mesure où cette dernière peut également

correspondre à des faits concomitants. C’est pourquoi il convient maintenant de s’intéresser à

la distinction entre les deux formes de participation en cas de concomitance.

2- Distinction avec la complicité

290. Concomitance et cause déterminante. – Le complice étant défini par le

législateur comme la personne qui aide ou facilite la consommation de l’infraction, les

hypothèses de concomitance cristallisent toutes les difficultés de distinction entre la coaction

et la complicité. Pour tenter de les résoudre, il peut être utile de se servir des développements

précédents afin de voir si leur association peut permettre de dégager un critère précis de

distinction entre les deux formes de participation quant à leur matérialité. Différents éléments

permettant d’extérioriser l’état d’esprit de chacun des participants et de déterminer s’ils

revêtent l’animo auctori ou l’animo socii ont été vus jusqu’à présent. Ainsi, la complicité se

caractérisant par une certaine dépendance à l’égard de l’auteur principal, en cas d’actes

concomitants réalisés par un subordonné et son chef d’entreprise, seule la complicité devrait

pouvoir être retenue à l’égard du subordonné926

. Mais un tel constat ne résout pas la question

dans les hypothèses dans lesquelles aucun lien de subordination ne peut être trouvé, sauf à

925 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 235 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit

pénal général, préc., n° 209 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 94 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général,

préc., p. 209. V. également C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal, thèse Bordeaux IV, 2011, n° 13. 926

V. supra n° 243 et s.

Page 238: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

238

considérer qu’elles relèveraient alors toutes de la coaction. Cependant, puisque le

comportement du coauteur s’analyse comme une cause déterminante de l’infraction927

, il

convient de coupler cette exigence au caractère de concomitance étudié. Or, il est loin d’être

certain que tous les faits concomitants puissent être considérés comme des causes

déterminantes de l’infraction. Seuls des actes particulièrement proches de l’infraction du point

de vue de leur intensité causale vont donc pouvoir relever de la coaction.

291. Actes constitutifs de l’infraction. – De façon évidente, les éléments matériels

constitutifs de l’infraction sont à la fois des causes déterminantes de celle-ci et lui sont

concomitants. Ainsi, si des individus réunissant les conditions jusqu’à présent évoquées

commettent chacun les actes matériels constitutifs de l’infraction, la coaction devra être

retenue. D’ailleurs, cette solution ne fait pas débat dans la doctrine française puisque celle-ci

définit classiquement le coauteur comme celui qui réunit en sa personne l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction commise à plusieurs928

. Pour autant, il n’est pas certain

que l’on puisse se contenter de cette définition tant elle paraît réductrice929

. Etant donné que la

concomitance a été définie de façon large et peut alors englober les hypothèses dans

lesquelles l’acte a été concomitant à un seul des éléments constitutifs de l’infraction930

, il

semble envisageable de considérer comme un acte de coaction la réalisation d’un seul des

éléments matériels constitutifs de l’infraction, sans exiger la réunion de tous ces éléments

matériels en la personne de chaque coauteur. Ainsi, la réalisation de manœuvres frauduleuses

en matière d’escroquerie, même sans être accompagnée de la remise de fonds à l’auteur de ces

manœuvres, pourrait s’analyser comme un acte de coaction plutôt que comme un acte de

complicité. La réalisation d’un des actes matériels constitutifs de l’infraction relèverait ainsi

de la coaction.

292. Actes de commencement d’exécution. – Enfin, il semble qu’un autre type d’actes

puisse être considéré comme présentant les qualités de concomitance avec l’infraction et de

927 V. supra n° 217 et s.

928 V. supra n° 3.

929 V. supra n° 14.

930 V. supra n° 284 et s. Certes, en principe, les éléments constitutifs d’une infraction doivent être réunis en

même temps pour pouvoir caractériser la constitution de l’infraction, ce qui pourrait faire douter de l’affirmation.

Néanmoins, chaque coauteur pouvant emprunter des éléments constitutifs à l’autre (v. infra n° 326 et s.), et la

coaction impliquant une concomitance, il faut alors considérer que les éléments constitutifs de l’infraction

collective auront nécessairement été réunis au même moment.

Page 239: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

239

cause déterminante de celle-ci : les actes relevant de l’élément matériel de la tentative, c’est-à-

dire de commencement d’exécution de l’infraction. En effet, le commencement d’exécution

est précisément défini comme « l’acte qui tend directement et immédiatement à la

consommation de l’infraction ». Or, les adverbes « directement » et « immédiatement »

renvoient respectivement aux idées d’intensité causale et de concomitance931

, révélant alors

des actes de coaction telle que définie jusqu’à présent. Un auteur considère ainsi que « les

actes qui qualifient la tentative punissable sont, dans leur essence, des actes de coauteur »932

.

Dans le même sens, un autre énonce que « le coauteur, contrairement au complice, doit

commettre une partie de l’infraction collective qui lui est imputée, cette parcelle d’infraction

pouvant se contenter d’une tentative punissable »933

. Face à des actes d’aide concomitante à

l’infraction, il conviendrait donc de se demander si ces actes peuvent être considérés comme

des actes de commencement d’exécution ou non. Dans l’affirmative, leur exécutant devrait

être qualifié de coauteur ; dans la négative, il serait un simple complice. Par exemple,

classiquement, le fait d’entrer par effraction dans un lieu peut être analysé comme une

tentative de vol. Dès lors, celui qui force la serrure d’une habitation afin de permettre à

d’autres individus d’y pénétrer et de dérober des objets, même s’il ne soustrait pas lui-même

lesdits objets, pourrait être qualifié de coauteur. Dans l’hypothèse où les actes en cause

s’apparenteraient à des actes préparatoires, seule la complicité pourrait en revanche être

envisagée934

.

293. Commencement d’exécution de l’infraction collective. – En outre, afin de

prendre en compte une des spécificités de la coaction – celle de se greffer sur une infraction

commise collectivement935

–, le commencement d’exécution devrait être apprécié au regard

de l’infraction collective. Ainsi, pour savoir si un acte correspond à un acte de coaction, il

faudrait se demander s’il peut s’analyser en un acte de commencement d’exécution de

l’infraction en cause, que celle-ci soit envisagée en tant qu’infraction simple ou surtout en tant

qu’infraction collective. Dès lors, certaines actions, bien que ne constituant pas l’amorce

931 V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 333.

932 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. 3, n° 950, p. 125. Sur le lien entre

coaction et commencement d’exécution, v. également D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172 et s. 933

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 256. 934

Il est vrai que la distinction entre commencement d’exécution et actes préparatoires de l’infraction est parfois

délicate à établir. Cependant, cette critique peut être relativisée : v. infra n° 295. 935

V. supra n° 30 et s.

Page 240: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

240

matérielle de l’infraction, pourraient être sanctionnées à travers la coaction parce qu’elles

révèlent en réalité un commencement d’exécution d’infraction collective. Un arrêt de la

Chambre criminelle rendu le 4 août 1927 témoigne de ce raisonnement. En l’espèce, un

individu, Riegler, qui avait détourné l’attention d’un bijoutier a été considéré comme coauteur

d’une tentative de vol alors même qu’il n’avait esquissé aucun geste en direction des

bijoux936

. La Cour de cassation a en effet établi que « les manœuvres auxquelles il avait eu

recours avec l’intention de commettre le vol de concert avec Adolphe constituaient un

commencement d’exécution du vol » et a expressément refusé la complicité. En l’espèce,

Riegler n’avait certes émis aucun signe d’approche des atours, mais au regard de l’infraction

de vol prise en tant qu’infraction collective, c’est-à-dire en raisonnant sur le plan d’action des

individus937

, son acte était bien tendu directement et immédiatement vers la consommation de

l’infraction938

. L’individu était d’ailleurs allé au bout de ses actes d’exécution, ceux-ci devant

irrémédiablement conduire à l’infraction.

Du reste, lorsque la jurisprudence admet la répression de deux individus pour

violences commises avec arme alors qu’il n’est pas établi lequel d’entre eux a atteint la

victime, elle admet ce faisant que l’agent soit « considéré comme coauteur des coups qu’il n’a

peut-être pas portés lui-même »939

. Mais en réalité, la solution peut apparaître parfaitement

justifiée par le fait qu’en participant « à une action concertée en vue de porter des coups »940

,

l’individu, lui-même armé d’un couteau, et bien qu’il ne soit pas établi qu’il ait porté le coup

en cause, a au moins réalisé le commencement d’exécution de l’infraction collective de

violences avec arme.

294. Exclusion des abstentions en cas d’infraction de commission. – Pour autant, si

raisonner à l’égard du commencement d’exécution de l’infraction collective peut conduire à

une appréciation large des comportements retenus au titre de la coaction, il n’est pas

admissible de sanctionner grâce à cette conception large n’importe quel type de

936 Cass. crim., 4 août 1927, S. 1929, 1, 33, note J.-A. ROUX.

937 Pour des développements en ce sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172 et s. V. également X.

PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 336. 938

Dans le même sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172, selon qui «Constituant la mise en œuvre

de ce dessein, les manœuvres de Riegler traduisaient un engagement irrévocable dans l’action délictueuse et

menaient à ce titre directement, sinon immédiatement, au délit ». 939

J. LARGUIER, Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation ou

de causalité, préc. 940

Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.

Page 241: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

241

comportement, sans égard à la matérialité de l’infraction collective en cause. En particulier, il

ne devrait pas être possible de sanctionner des abstentions par ce biais dès lors que l’infraction

en question est une infraction de commission. Par exemple, la jurisprudence a déjà retenu le

délit d’entrave à la liberté du travail contre celui qui avait menacé autrui mais également

contre ceux qui étaient seulement présents lors des faits941

. Or, s’il est vrai que la solution

peut se comprendre au regard du plan d’action des malfaiteurs et de l’entente les unissant942

,

cette sanction de certaines abstentions participatives à travers la coaction, alors même que

l’infraction reprochée aux agents était une infraction de commission, est particulièrement

discutable. Elle revient en effet à sanctionner une commission par omission pourtant rejetée

par ailleurs943

. Même en raisonnant non pas sur l’élément constitutif de l’infraction en cause

mais sur son commencement d’exécution, il serait particulièrement contestable de considérer

qu’une abstention peut constituer le commencement d’exécution d’une infraction de

commission. Celui-ci doit au moins se traduire matériellement afin d’expliciter l’infraction

projetée et surtout tentée, ce que la doctrine, comme la jurisprudence, n’ont jamais contesté.

En effet, à défaut, comment savoir si l’abstention en cause caractérise le commencement

d’exécution d’une infraction contre les personnes, les biens ou encore l’Etat par exemple ? Du

reste, la Cour de cassation est revenue sur sa position puisqu’elle a considéré qu’ « en

l’absence de preuve d’un rôle actif joué dans la volonté d’empêcher les victimes de circuler

librement ou de les isoler du monde extérieur », des individus ayant participé à un

mouvement de grève pendant lequel les dirigeants d’une société avaient été séquestrés ne

pouvaient être qualifiés de coauteurs de séquestration944

. Ainsi, dans l’hypothèse où

l’infraction réalisée est une infraction de commission, aucune abstention ne devrait pouvoir

caractériser un acte de coaction945

.

295. Bilan. – S’il est vrai que le critère fondé sur le caractère déterminant de l’acte

pouvait faire l’objet de quelques réserves car parfois difficile à établir, il semble que couplé à

celui de celui de la concomitance et défini à travers l’élément matériel de la tentative, ces

941 Cass. crim., 14 janv. 1921, D. 1922, I, p. 235. V. également Cass. crim., 21 janv. 1962, Bull. n° 68.

942 Pour une étude approfondie de la décision et sa justification par l’existence d’un plan d’action unissant les

individus, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 166 et s. V. également X. PIN, Le consentement en

matière pénale, préc., n° 301 et s. 943

V. en particulier l’affaire dite de la « séquestrée de Poitiers » : v. supra n° 258 note 839. 944

Cass. crim., 6 sept. 1989, Dr. pén. 1990, comm. n° 55. 945

En revanche, il serait envisageable de retenir la complicité dans de telles hypothèses dans la mesure où

certaines abstentions peuvent caractériser ce mode de participation : v. supra n° 208 et s.

Page 242: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

242

critiques puissent être relativisées. En effet, une telle définition de l’acte de coaction ne crée

pas de nouvelles difficultés d’appréciation pour les juges et ne fait en réalité que se superposer

à celles déjà existantes en matière de tentative. Or, malgré les critiques adressées à la

définition du commencement d’exécution par la doctrine, il faut reconnaître que cela

n’empêche pas la jurisprudence de rendre des solutions cohérentes en la matière,

transposables dès lors à la coaction946

. Il appartient alors de voir si cette définition peut être

étendue à la responsabilité des personnes morales.

§2- Transposition à la responsabilité des personnes morales

296. La responsabilité des personnes morales suscite nécessairement des interrogations

dès lors qu’est en jeu la réalisation matérielle de l’infraction puisque celle-ci passe

inévitablement par le truchement d’au moins une personne physique, et ce quel que soit le

fondement envisagé de cette responsabilité. Effectivement, seul un être de chair et de sang est

à même de réaliser l’infraction, « tant il lui faut « un bras, une main », pour réaliser

matériellement une infraction »947

. Il s’agit alors de se demander si la ou les personne(s)

physique(s) en question ainsi que la personne morale pourront se voir imputer l’infraction

commise pour le compte de l’entité morale au titre de la coaction dès lors que l’on considère

que la coaction s’entend de la réalisation d’un élément constitutif ou du commencement

d’exécution de l’infraction collective. A cette fin, il convient de distinguer les deux

conceptions autonomistes précédemment évoquées948

, selon donc que l’on considère que la

personne morale réalise une infraction par représentation (A) ou directement (B).

946 De plus, un auteur à montré qu’une distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution serait

envisageable au regard de la causalité : J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, préc.,

n° 32. 947

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 370. Dans le même sens, v. C.

DUCOULOUX-FAVARD, Quatre années de sanctions pénales des personnes morales, D. 1998, chron. p. 395 ; F.

DESPORTES, Les conditions d’imputation d’une infraction à une personne morale, CJEG 2000, p. 426; D. DHOL,

Recherches sur un dédoublement de la personnalité en droit pénal (à propos d’une responsabilité pénale de la

personne morale qui n’exclut pas celle du dirigeant personne physique), in Mélanges B. Mercadal, F. Lefebvre,

2002, p. 373: J.-P. GRIDEL, La personne morale en droit français, RID comp. 1990, p. 495; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 638 ; J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des

personnes morales, réalité ou fiction, préc., n° 135 et 137. 948

V. supra n° 79 et s.

Page 243: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

243

A- La responsabilité par représentation de la personne morale

297. Hypothèses envisageables. – Si l’on raisonne sur la responsabilité des personnes

morales en tant que responsabilité par représentation, différentes hypothèses dans lesquelles

une coaction entre l’entité morale et des personnes physiques est envisageable peuvent être

distinguées. En effet, dans la mesure où l’article 121-2 du Code pénal exige, pour retenir la

responsabilité d’une personne morale, que l’infraction soit commise pour son compte, par un

organe ou représentant, la personne physique ayant participé à l’infraction commise au sein de

l’entreprise est susceptible de revêtir trois statuts distincts : elle peut être membre d’un organe

collectif de la personne morale, elle peut n’être ni un organe, ni un représentant de la personne

morale, ou enfin, elle peut être qualifiée d’organe ou représentant de la personne morale949

.

298. Personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale. –

Lorsqu’une personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale participe

à une infraction imputable à cette dernière, la question de la coaction ne semble pas poser de

grande difficulté. En effet, elle se rapproche en réalité de l’hypothèse dans laquelle la

personne physique n’est pas un organe ou un représentant de la personne morale, puisque par

définition, l’organe collectif ne peut se réduire à une seule personne physique. En outre, il a

été vu que dans un tel cas, l’existence d’une volonté autonome de la personne morale ne

pouvait être discutée950

. Or, quant à la matérialité de l’infraction, il semble qu’il en aille de

même : c’est bien l’organe collectif qui réalise l’infraction pour le compte de la personne

morale. L’infraction ne peut être imputée à l’organe collectif s’il ne dispose pas de la

personnalité juridique, ni à chacun de ses membres en raison du caractère collégial et secret

du vote. En revanche, si une personne physique, même membre de l’organe en question,

remplit les conditions pour être qualifiée de coauteur de l’infraction ainsi commise, rien ne

devrait empêcher son imputation à ce titre. La jurisprudence fournit, du reste, une illustration

pouvant inviter à une telle réflexion. Ainsi, dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la

Chambre criminelle le 17 décembre 2002951

, un maire et son adjoint ont été déclarés

949 Cette dernière hypothèse est certes la plus évidente mais dans la mesure où elle cristallise de nombreuses

difficultés, elle sera étudiée en dernier lieu. Au contraire, celle concernant la personne physique membre d’un

organe collectif de la personne morale trouvant une réponse plus aisée sera étudiée en premier lieu. 950

V. supra n° 79. 951

Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.

Page 244: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

244

coupables de discrimination aux côtés de la commune, représentée par son conseil municipal,

pour avoir « personnellement participé à l’infraction » sur le fondement des articles 225-1 et

225-2 du Code pénal. En l’espèce, la décision d’accorder une prime de naissance subordonnée

à ce que l’un des parents bénéficiaires soit de nationalité française ou ressortissant européen

avait été adoptée par le conseil municipal de Vitrolles. Si la seule présence au sein du conseil

municipal ne pouvait suffire à se voir imputer à titre personnel le délit de discrimination, des

agissements distincts, venant caractériser une participation individuelle au délit, le pouvaient.

Il est vrai que les juges ne se sont pas prononcés expressément sur le titre d’imputation en jeu,

mais la coaction aurait pu être retenue, tout au moins à l’égard de l’adjoint. Ainsi, en premier

lieu et quant à l’élément matériel de la coaction, il pouvait être relevé que les actes de

l’adjoint et du conseil municipal représentant la personne morale étaient susceptibles d’être

analysés comme des actes d’assistance réciproque, dans la mesure où chacun avait besoin de

l’autre (l’un car il était le seul à pouvoir engager la commune, l’autre car il fallait que

quelqu’un présentât le projet au vote). De plus, s’agissant du caractère concomitant de leurs

actes, l’adjoint était présent lors de la délibération du conseil municipal et, en tant que

rapporteur du projet et en le soumettant au vote, son acte pouvait alors être considéré comme

un commencement d’exécution de l’infraction de discrimination. En revanche, le maire avait

agi en amont de la consommation de l’infraction, car, bien qu’absent lors de la délibération du

conseil municipal, il avait affirmé être à l’origine du projet en cause. La qualification de

complice par instruction, retenue à son égard par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence952

, ou de

complice par provocation953

aurait donc été préférable. Enfin, sans l’ensemble de ces actes, la

discrimination n’aurait certainement pas eu lieu, ce qui démontre alors que les différents

acteurs en présence avaient un pouvoir d’action sur le résultat de l’infraction. En second lieu

et quant à l’élément moral de la coaction, l’existence d’une volonté autonome de la personne

morale permet de caractériser sa volonté de prendre part à l’infraction, volonté que l’on

retrouve inévitablement chez l’adjoint au maire dans la mesure où il a besoin de la personne

morale pour réaliser l’infraction de discrimination. La réciprocité irriguant les conditions

matérielles et psychologiques de la participation, il semble alors que la coaction pouvait être

retenue entre la personne morale et l’adjoint au maire. Cet exemple semble alors confirmer,

de façon plus générale, la possibilité d’une coaction entre une personne morale et une

952 CA Aix-en-Provence, 18 juin 2001, JurisData n° 2001-169339, JCP G 2002,IV, 2173.

953 Par abus d’autorité par exemple.

Page 245: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

245

personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale et ayant réalisé

l’infraction pour le compte de cette dernière. Cette solution suscite peu de difficultés puisque

l’autonomie de la personne morale à l’égard des personnes physiques susceptibles d’en être

les coauteurs est patente dans une telle hypothèse. Or, cette autonomie se retrouve lorsque la

personne physique susceptible d’être coauteur de la personne morale n’en est ni un organe, ni

un représentant.

299. Personne physique ni organe, ni représentant de la personne morale. – A

priori, rien ne s’oppose à ce qu’un cumul de responsabilités puisse exister entre une personne

morale et une personne physique qui n’en soit ni un organe, ni un représentant, comme un

préposé non délégataire par exemple. La combinaison des articles 121-1, 121-2 et 121-7 du

Code pénal permet ainsi d’envisager une telle solution, sans que cela soit discuté en

doctrine954

. Cependant, admettre un cumul des responsabilités pénales ne signifie pas pour

autant admettre l’existence d’une infraction commise en état de coaction : évidemment,

l’infraction peut avoir été le fait d’un auteur et d’un complice955

, mais surtout, le cumul de

responsabilités ne signifie pas l’existence d’une infraction unique. Il pourrait ainsi laisser

place au constat de deux actions indépendantes. Il faut alors se demander si, dans une telle

hypothèse, les conditions de la coaction sont nécessairement remplies.

Tout d’abord, il s’agit alors de savoir si l’on est en présence d’une infraction unique ou

non. Concernant les infractions non intentionnelles, et dans le cas d’un acte commis par un

organe ou représentant qui aurait indirectement causé le résultat infractionnel, la réponse peut

se révéler négative. Effectivement, alors que la personne morale devra répondre de sa faute

simple quel que soit le caractère du lien de causalité unissant l’acte commis par l’organe ou

représentant au résultat, la personne physique n’aura commis une infraction qu’à la condition

que sa faute soit qualifiée, si cette dernière ne présente qu’un lien de causalité indirect avec le

résultat956

. Dès lors, la personne morale ayant commis une imprudence simple et la personne

954 En ce sens, v. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 617. V. également

J.-CH. SAINT-PAU, La responsabilité pénale d’une personne agissant en qualité d’organe ou représentant d’une

personne morale, Les droits et le Droits : Mélanges dédiés à B. BOULOC, Dalloz, 2006, p. 1011 et s. 955

La personne morale pouvant être indifféremment l’un ou l’autre : en ce sens, v. supra n° 76 et s. 956

En vertu de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal selon lequel, s’agissant des fautes non intentionnelles, « les

personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la

situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont

responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation

Page 246: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

246

physique une imprudence qualifiée, deux infractions distinctes, et non une infraction unique,

peuvent être relevées957

.

Dans les autres cas, c’est-à-dire que l’infraction soit intentionnelle ou d’imprudence

simple, il conviendra de prouver qu’une entente unit la personne morale et la personne

physique. Or, grâce au mécanisme de représentation, une telle preuve semble possible : il

s’agira en réalité de démontrer la volonté de s’associer de la personne morale à travers celle

de son organe ou représentant. Si une entente peut être retenue entre ces derniers et le préposé

non délégataire (pour poursuivre sur cet exemple), une infraction unique pourrait être relevée.

Mais en raison de la technique de la représentation, cette question met inévitablement en jeu

une relation entre trois personnes : la personne morale, son organe ou représentant, et la

personne physique n’étant ni organe ni représentant. Dès lors, elle implique une nouvelle

interrogation : pourra-t-on imputer, au titre de la coaction, l’infraction ainsi commise, non

seulement au préposé non délégataire et à la personne morale, mais aussi à la personne

physique organe ou représentant grâce à laquelle l’imputation à la personne morale a été

possible ? Quant aux conditions matérielles de la coaction, elles mettent en lumière la même

difficulté : il convient toujours de se référer aux actes commis par l’organe ou le représentant,

et à nouveau, elles mettent en jeu une relation entre trois personnes juridiques. Pour y

répondre, il convient alors de voir, plus simplement, si une infraction peut être imputée au

titre de la coaction à une personne morale ainsi qu’à son organe ou représentant personne

physique ayant réalisé l’infraction pour son compte.

300. Personne physique organe ou représentant de la personne morale. – Si l’on

considère que l’organe ou le représentant est la personne morale, envisager l’existence d’une

coaction entre ces deux personnes juridiques paraît revenir à s’interroger sur une question

étonnante : la personne physique organe ou représentant peut-elle être coauteur d’elle-même ?

L’absurdité de la formule révèle ainsi l’embarras du juriste en la matière958

. En effet, alors que

la coaction exige une pluralité de participants, le mécanisme de la représentation le place dans

une étrange situation : l’organe ou représentant, en tant que représentant de la personne

particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et

qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». 957

Sauf à considérer qu’une seule infraction existe mais qui peut être imputée différemment : v. supra n° 163. 958

Sans compter que la condition d’indépendance morale nécessaire à la caractérisation de la coaction (v. supra

n° 237) fera ainsi défaut.

Page 247: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

247

morale, réalise l’infraction pour elle, et dans le même temps, il remplit généralement les

conditions pour en être lui-même qualifié d’auteur. Du reste, l’alinéa 3 de l’article 121-2 du

Code pénal disposant que « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle

des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits […] » a précisément été

introduit afin d’assurer de la possibilité d’un cumul de responsabilités entre la personne

morale et son organe ou représentant. Néanmoins, comme il l’a été remarqué

précédemment959

, admettre un cumul de responsabilités ne signifie pas pour autant admettre la

caractérisation d’une coaction entre les agents dont les responsabilités s’additionnent. En

effet, le cumul de responsabilités pourrait laisser place au constat de deux actions

indépendantes. La question est alors la suivante : apprécier les conditions de la responsabilité

de la personne morale et de l’organe ou représentant sur la seule tête de ce dernier permet-il

de caractériser la réciprocité nécessaire à la coaction ?

301. Elément psychologique de la coaction. – L’élément psychologique de la coaction

semble poser moins de difficultés que son élément matériel. En effet, il implique de

déterminer si une entente unit l’organe ou représentant et la personne morale, c’est-à-dire,

finalement, si l’organe ou représentant s’est entendu avec lui-même pour réaliser l’infraction

en cause. Bien que l’interrogation puisse paraître ridicule de prime abord, une analogie avec

l’hypothèse dans laquelle la personne morale serait complice de son organe ou représentant

semble pourtant démontrer son intérêt. Effectivement, un auteur a imaginé le cas où la

personne morale fournirait à son organe ou représentant le moyen de réaliser une infraction960

.

Plus précisément, il prend l’exemple d’une société qui louerait un local à son dirigeant afin

que celui-ci y exerce illégalement la profession d’expert-comptable, parfaitement étrangère à

l’objet de la société. Or, les faits n’étant pas nécessairement commis dans le même temps,

l’auteur considère que deux intentions distinctes peuvent coexister chez la personne

physique : « celle de commettre le délit principal et celle, en tant qu’organe de la société,

d’être complice de ce délit principal », ce que la jurisprudence semble d’ailleurs admettre961

.

Transposée à la coaction, la solution impliquerait alors de montrer que deux intentions

cohabitent chez l’organe ou le représentant, dans le même temps. Mais la difficulté n’est peut-

959 V. supra n° 299.

960 J.-Y. MARECHAL, Responsabilité pénale des personnes morales, préc., n° 112 et s.

961 V. les exemples cités par , J.-Y. MARECHAL, Responsabilité pénale des personnes morales, préc., n° 114.

Page 248: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

248

être pas insurmontable : pour caractériser chez l’organe ou représentant deux intentions

distinctes (celle qu’il revêt en tant que personne physique, et celle qu’il revêt en tant que

personne ayant la capacité d’engager la responsabilité de la personne morale), il est possible

de considérer que les fonctions de l’organe ou représentant impliquent sa conscience

d’engager la responsabilité pénale de la personne morale en cas d’infraction commise pour

son compte. De ce point de vue, la coaction entre la personne morale et son organe ou

représentant serait concevable.

302. Elément matériel de la coaction. – En revanche, quant à l’élément matériel de la

coaction, il faudrait apparemment pousser la fiction juridique à son paroxysme pour envisager

une coaction entre la personne morale et son organe ou représentant dans l’hypothèse où la

responsabilité pénale des personnes morales serait une responsabilité par représentation.

Effectivement, quelle que soit l’infraction en cause, la personne morale a nécessairement

besoin de son organe ou représentant pour réaliser matériellement l’infraction, pour en être le

bras armé, à moins de croire à ce que certains qualifient d’ « anthropomorphisme

absurde »962

. S’il est ainsi indiscutable que la personne physique aide et assiste la personne

morale dans l’exécution de l’infraction, la réciproque est plus difficile à concevoir : en quoi la

personne morale aide-t-elle son organe ou représentant dans la consommation de l’infraction ?

En outre, si elle agit par représentation de cet organe ou représentant, pourrait-on concevoir

qu’il s’aide lui-même ? Là encore, la dissociation de qualités chez la personne physique

suscite des difficultés, qu’une nouvelle analogie avec la complicité pourrait éclairer. A cet

égard, l’exemple précédemment utilisé963

est évocateur : en fournissant un local à son organe,

la personne morale aide bien son organe à consommer l’infraction. Appliquée à la coaction, la

solution impose alors de concevoir une aide concomitante de la personne morale. Or, là

encore, il est possible d’envisager un tel cas de figure. Imaginons par exemple que l’organe

utilise les moyens financiers de la société afin de réaliser une escroquerie massive qui

profiterait à la personne morale: le « prêt » de cette dernière pourrait bien caractériser l’aide

concomitante nécessaire au constat d’une coaction. La coaction entre la personne morale et

son organe ou représentant serait ainsi quasi automatique dès lors que ce dernier commettrait

une infraction pour le compte de la première, sauf à démontrer que l’acte de la personne

962 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 600.

963 V. supra n° 301.

Page 249: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

249

morale ou de la personne physique relèverait de la complicité. Sévère, la solution pourrait

pourtant se comprendre au regard des responsabilités pesant sur cette personne physique en

raison de ses fonctions. Surtout, elle n’impliquerait pas que les deux personnes soient

systématiquement poursuivies964

, mais seulement qu’elles le soient systématiquement sous la

qualification de coauteur965

.

303. Exclusion de la coaction. – Il faut cependant réserver l’hypothèse des infractions

non intentionnelles, qui n’impliquent pas nécessairement la caractérisation d’une infraction

unique entre la personne morale et son organe ou représentant. En effet, lorsque le lien de

causalité entre l’acte et le résultat infractionnels est indirect, seule une imprudence qualifiée

permettra d’engager la responsabilité de la personne physique, alors qu’une imprudence

simple engagera celle de la personne morale966

. Dans une telle hypothèse, personne morale et

organe ou représentant ne pourraient alors être qualifiés de coauteurs, mais respectivement

d’auteur d’une imprudence simple et d’auteur d’une imprudence qualifiée967

.

En outre, et plus généralement, il ne faut pas perdre de vue que la coaction exige un

pouvoir d’action autonome sur la réalisation de l’infraction. Or, la personne morale est, par

essence, totalement dépendante de la réalisation de l’infraction par son organe ou représentant

puisqu’il en est « le bras armé ». De ce point de vue, elle ne devrait donc s’analyser en un

coauteur.

Enfin, et même à considérer que cette dernière objection ne serait pas déterminante

dans la mesure où le principe même de responsabilité des personnes morales l’impliquerait, la

technique d’imputation entre les coauteurs ne serait pas la même. En effet, alors que l’un des

coauteurs se verrait imputer l’infraction via sa commission directe, l’autre se la verrait

imputer via la représentation. Or, faute d’égalité entre les éventuels participants dans la

964 En vertu de l’opportunité des poursuites par exemple.

965 De même qu’il n’est pas nécessaire que l’auteur principal soit effectivement poursuivi pour que son complice

soit qualifié comme tel : v. notamment PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 33 et s. 966

L’article 121-3 alinéa 4 dispose en effet qu’en cas de faute d’imprudence, « les personnes physiques qui n’ont

pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la

réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement

s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou

de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un

risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ». La distinction entre la causalité directe et

indirecte ne s’applique donc pas aux personnes morales. 967

Sauf à considérer qu’il existe une seule infraction mais qui serait imputée différemment pour les personnes

physiques et les personnes morales : comp. supra n° 163.

Page 250: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

250

technique d’imputation, la caractérisation d’une coaction devient discutable. Pour cette même

raison, la coaction entre la personne morale et une personne physique qui n’en serait ni organe

ni représentant précédemment évoquée968

est également contestable, de même que celle entre

une personne morale et une personne physique quelle qu’elle soit.

En revanche, si l’on raisonne sur la responsabilité des personnes morales en tant que

responsabilité directe, il n’est pas certain que ces objections se retrouvent.

B- La responsabilité directe de la personne morale

304. Pour déterminer si la responsabilité directe des personnes morales permet

d’envisager une coaction entre celles-ci et des personnes physiques, il semble nécessaire de

revenir en premier lieu sur ce fondement de la responsabilité des personnes morales (1), avant

de s’intéresser à son éventuelle compatibilité avec la notion de coaction précédemment établie

(2).

1- Le fondement de la responsabilité directe des personnes morales

305. Infractions visant l’employeur en tant qu’auteur. – Comme il l’a été vu969

,

raisonner sur la responsabilité des personnes morales entendue comme une responsabilité

directe revient à considérer que l’entité commet une infraction sans représentation, de façon

autonome, sans nécessairement passer par le truchement d’une personne physique. De prime

abord, l’affirmation peut sembler étonnante puisque l’entité morale semble incapable, par

essence, d’accomplir une infraction970

. Pourtant, il a été justement remarqué que certaines

infractions permettaient d’envisager une telle solution. Ainsi, les infractions relatives à

l’hygiène et à la sécurité au travail971

, en ce qu’elles visent l’employeur en tant qu’auteur, sont

commises directement par la personne morale car elle seule peut être qualifiée d’employeur,

968 V. supra n° 299.

969 V. supra n° 79 et s.

970 V. supra n° 296.

971 C. trav., art. L. 4741-1 et s.

Page 251: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

251

et ne peuvent passer par l’imputation à un organe ou représentant personne physique qui ne

pourrait être qualifié de la sorte972

.

306. Faute diffuse. – De même, la dilution des acteurs dans une entreprise peut

conduire à une impossibilité d’attribuer la faute pénale en cause à un organe ou représentant

déterminé. Pourtant, l’existence d’une infraction pénale dans un tel cas ne fait aucun doute et

l’on pourrait alors regretter que l’opacité régnant dans la prise de décision empêche sa

répression. C’est pourquoi certains auteurs ont pu plaider en faveur de la sanction de la « faute

diffuse » de la personne morale, c’est-à-dire de la « faute imputable à l’entreprise mais dont il

n’est pas établi qu’elle ait été commise par un organe ou un représentant identifié »973

. Cette

faute permettrait ainsi d’imputer directement à la personne morale, sur le fondement de

l’article 121-1 du Code pénal, les infractions dues à sa structure ou à son organisation

défectueuse. Plus encore, elle se retrouverait chaque fois que l’infraction exige au titre de ses

éléments constitutifs la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la

loi ou le règlement : la personne morale étant celle qui, en dernier lieu, dispose de l’aptitude à

faire respecter une telle obligation, son inaction impliquerait nécessairement sa

responsabilité974

.

307. Apparente admission progressive par la Cour de cassation. – Alors qu’elle l’a

longtemps rejetée975

, la Cour de cassation a paru s’engager depuis peu sur la voie de

l’admission de la responsabilité directe des personnes morales. Effectivement, dans un

premier temps, elle a considéré que l’imputation à la personne morale pouvait être présumée

lorsque l’infraction n’avait pu être commise que par un organe ou un représentant976

, ce qui

peut se comprendre tant la solution s’apparente en réalité à une règle de preuve classique977

:

972 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, Gaz. Pal. 30-31 mars

2011, note sous Cass. crim. 22 févr. 2011. 973

J.-C. SAINT-PAU, La faute diffuse de la personne morale, obs. sous Cass. crim., 29 avr. 2003, D. 2004, p. 167. 974

J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, préc., spéc. p. 10. 975

V. par exemple Cass. crim., 29 avr. 2003 et la note précitée. V. également supra n° 80 note 357. 976

V. supra n° 81. 977

J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, préc., spéc. p. 9 ; J.-C.

SAINT-PAU, note sous Cass. crim., 11 avril 2012, D. 2012, p. 1381.

V. également B. DE LAMY et M. SEGONDS, Responsabilité pénale des personnes morales, J.-Cl. Pénal des

affaires. Notions fondamentales, fasc. 7, 2011, n° 43, qui doutent de la pertinence de la solution en raison de

l’absence de précision entourant l’établissement de cette présomption ainsi que de sa non-conformité avec le

principe de légalité criminelle. S’agissant de ce premier argument, il n’est peut-être pas déterminant tant il paraît

Page 252: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

252

dès lors que cette présomption de fait demeure réfragable, il semble délicat de la contester.

Mais la Chambre criminelle a ensuite affirmé que « la prévenue n’a pas veillé à la véracité du

message publicitaire »978

ou encore que « la prévenue ne pouvait ignorer compte tenu de sa

spécificité professionnelle »979

la tromperie qu’elle avait commise, la prévenue étant en

l’espèce une personne morale. Dans ces deux affaires, les magistrats semblent réellement

personnifier l’être moral en raisonnant à son égard comme ils le feraient pour une personne

physique, ce dont témoigne la présomption de mauvaise foi due à sa qualité de professionnel

posée à son encontre980

. Certes, la référence aux organes et représentants est toujours présente

puisque la Cour de cassation relève par exemple que « si l’arrêt [de la Cour d’appel] ne

précise pas son identité, l’auteur du manquement à l’obligation de vérifier la conformité du

produit mis en vente ne peut être qu’un organe ou un représentant de la société »981

.

Cependant, si certains craignent que les juges ne fassent bientôt plus aucune référence à la

commission de l’infraction par un organe ou représentant982

, d’autres auteurs, souhaitant aller

au terme de l’évolution ainsi amorcée, appellent le législateur de leurs vœux et prônent la

suppression pure et simple de cette condition983

.

308. Rejet jurisprudentiel de la responsabilité directe des personnes morales. –

Pourtant, logiquement au regard des conditions posées par l’article 121-2 du Code pénal, la

Chambre criminelle a explicitement rejeté ce fondement dans un arrêt du 11 avril 2012

confirmé le 2 octobre 2012984

. Néanmoins, il n’est pas certain que cette décision remette en

cause la présomption d’imputation d’une infraction à une personne morale985

. En effet, la

Cour de cassation ne se prononce pas sur cette dernière. Il peut ainsi être avancé qu’elle n’a

envisageable que la Cour de cassation soit amenée à préciser des critères permettant d’établir la présomption, et

surtout, tant que cette dernière peut être renversée. Quant au second, il est également contestable dans la mesure

où cette présomption ne constitue, précisément, qu’une règle de preuve, admise à ce titre par la jurisprudence

nationale comme européenne. 978

Cass. crim., 24 mars 2009, pourvoi n° 08-82691 ; JurisData n° 2009-049707 ; Dr. pén. 2009, comm. 84, obs.

J.-H. ROBERT. 979

Cass. crim., 1er

déc. 2009, pourvoi n° 09-82140 ; JurisData n° 2009-050985 ; Dr. pén. 2010, comm. 74, obs.

M. VERON ; D. 2010, p. 1163, note C. MASCALA ; JCP G 2010, n° 25, 689, J.-H. ROBERT. 980

En ce sens, v. B. DE LAMY et M. SEGONDS, Responsabilité pénale des personnes morales, J.-Cl. Pénal des

affaires, Notions fondamentales, fasc. 7, 2011, n° 44. 981

Cass. crim., 1er

déc. 2009, préc. 982

V. notamment L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la

responsabilité pénale des personnes morales, Dr. pén. 2009, Etude 14, spéc. n° 13. 983

J.-Y. MARECHAL, Plaidoyer pour une responsabilité pénale directe des personnes morales, JCP G 2009,

n° 38, 249. 984

V. supra n° 82-1. 985

En ce sens, v. J.-C. SAINT-PAU, note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, préc.

Page 253: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

253

fait que rappeler que cette présomption devait se fonder sur des éléments tangibles démontrant

que la faute n’avait pu être le fait que d’un organe ou d’un représentant. Surtout, il s’agit

d’une simple présomption de fait, au sujet de laquelle il est difficile de concevoir une

opposition des juges. En réalité, il paraît possible de considérer que la Cour serait devenue

« plus exigeante au regard de la motivation des juges du fond »986

.

Quoi qu’il en soit, ce rejet de la responsabilité directe des personnes morales invite à

prôner avec plus de force une modification législative consacrant ce fondement, ou du moins

à l’admettre en vertu de l’article 121-1 du Code pénal987

. En effet, cette dernière solution

permettrait certainement d’envisager la caractérisation d’une coaction entre une personne

morale et une personne physique.

2- Compatibilité avec la notion de coaction

309. Egalité dans la technique d’imputation. – De façon évidente, raisonner sur une

responsabilité directe, c’est-à-dire par commission, des personnes morales permet de rejeter

l’objection précédemment établie quant à la possibilité d’une coaction entre une personne

morale et une personne physique, objection tenant à l’absence d’égalité dans la technique

d’imputation de l’infraction.

310. Autonomie de la personne morale par rapport à la personne physique. –

Surtout, considérer que la responsabilité pénale des personnes morales s’analyse comme une

responsabilité directe revient à regarder l’entité morale comme commettant elle-même

l’infraction. Dès lors, elle ne s’incarne pas dans la personne physique mais s’en émancipe, ce

dont témoigne la faute diffuse. En effet, dans une telle hypothèse, une faute peut être retenue à

l’égard de la personne morale alors même qu’aucune ne peut l’être à l’encontre d’une

personne physique déterminée qui aurait réalisé l’infraction pour son compte. Véritablement

personnifiée comme si elle s’apparentait à un être de chair et de sang, la personne morale

démontre ainsi une indépendance manifeste à l’égard des personnes physiques qui la

représentent. Partant, l’existence d’une autonomie a priori entre la personne morale et les

personnes physiques la représentant devrait permettre de retenir une coaction entre elles.

986 C. MASCALA, note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, préc., D. 2012, p. 1698.

987 V. supra n° 79.

Page 254: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

254

S’agissant d’une personne physique qui ne serait ni un organe, ni un représentant de la

personne morale, ou qui serait simplement membre d’un organe collectif de cette dernière,

aucune difficulté majeure ne semble exister quant à caractériser une coaction avec la personne

morale. Il faudra simplement vérifier que les critères précédemment établis sont vérifiés988

.

En revanche, la coaction entre un organe ou un représentant et la personne morale

paraît, paradoxalement, plus délicate à établir. Indubitablement, l’autonomie de la personne

physique à l’égard de la personne morale devrait faciliter l’imputation à ce titre. Cependant, il

ne faut pas oublier que la responsabilité directe de la personne morale est invoquée pour

imputer à celle-ci des fautes tenant à sa structure ou à son organisation, en particulier lorsqu’il

est difficile d’identifier un organe ou un représentant qui aurait commis une telle faute.

Certes, du point de vue de la responsabilité de la personne morale, l’argument n’est pas

déterminant puisque l’on pourrait imaginer que la personne morale soit poursuivie en tant que

coauteur de l’infraction commise alors même que son coparticipant ne serait pas identifié, de

même qu’un complice peut être poursuivi alors même que l’auteur principal de l’infraction

n’aurait pas été identifié989

. Toutefois, même si l’on considère dans une telle hypothèse que

c’est la personne morale elle-même qui a commis l’infraction, il faut bien avouer que cette

réalisation passe nécessairement par une personne physique. Or, si l’on parvient à identifier

cette dernière et si elle est donc celle qui a commis l’infraction pour le compte de la personne

morale, on pourrait douter de la pertinence de l’imputation au titre de la coaction :

l’autonomie de la personne morale impliquée par ce fondement serait mise à mal. Plus encore,

la présomption d’imputation de l’infraction aux organes et représentants de l’entreprise

pourrait conduire, à terme, à présumer ceux-ci coauteurs de l’infraction réalisée par la

personne morale990

.

311. Autonomie matérielle et autonomie juridique entre coauteurs. – Pour résoudre

ces apparentes contradictions, il semble alors nécessaire de préciser l’autonomie exigée par la

coaction. En effet, la solution ne sera pas la même selon que l’autonomie requise entre les

coauteurs est matérielle ou juridique.

988 En particulier l’entente, le caractère déterminant de la participation et l’indépendance morale entre coauteurs :

v. supra n° 91 et s. 989

V. infra n° 303 note 965. 990

Contra L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la responsabilité

pénale des personnes morales, pour qui l’anonymat de l’organe implique de renoncer à possibilité de le

poursuivre en tant que coauteur ou complice, n° 10.

Page 255: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

255

L’autonomie nécessaire à la caractérisation d’une coaction peut d’abord s’entendre

comme une autonomie matérielle. Dès lors, elle implique que deux personnes distinctes aient

physiquement pris part à l’infraction. Pour savoir si l’autonomie ainsi conçue permet

d’envisager une coaction entre la personne morale et une personne physique qui en serait un

organe ou un représentant, il paraît alors nécessaire de distinguer deux hypothèses selon que

la personne physique qui a commis l’infraction pour le compte de la personne morale est

identifiée ou non. Dans ce dernier cas, c’est-à-dire si la personne physique n’est pas identifiée,

la question de la coaction ne se pose apparemment pas. Néanmoins, cette conclusion n’est

qu’apparente dans la mesure où, de même qu’il n’est pas nécessaire que l’auteur principal soit

identifié pour que la complicité soit punissable, il est parfaitement envisageable de poursuivre

une personne au titre de la coaction alors même que son coauteur ne serait pas identifié. Ainsi,

bien que la personne physique ayant agi pour le compte de la personne morale ne soit pas

identifiée, retenir la responsabilité de cette dernière au titre de la coaction serait concevable.

Cependant, la responsabilité de la personne morale étant, de fait, inévitablement passée par le

truchement de la personne physique, aucune autonomie matérielle ne pourra être constatée

entre ces deux personnes. Partant, la coaction devrait être exclue. Pour la même raison, même

si la personne physique est identifiée, aucune coaction ne devrait être retenue entre elle et la

personne morale, faute d’autonomie matérielle.

Mais l’autonomie nécessaire à la caractérisation d’une coaction peut aussi s’entendre

comme une autonomie juridique, c’est-à-dire qu’elle impliquerait simplement que deux

personnes juridiques aient pris part à l’infraction sans exiger qu’elles soient physiquement

distinctes. En vertu de cette conception, la coaction entre la personne morale et la personne

physique serait par conséquent concevable. En effet, si le truchement de la personne physique

est alors, de fait, nécessaire à la commission de l’infraction, juridiquement, son intervention

n’est absolument pas exigée pour retenir la responsabilité de la personne morale991

. Partant,

une autonomie juridique pouvant être constatée entre la personne morale et la personne

physique, toutes deux pourraient être qualifiées de coauteurs, sous réserve de remplir les

autres conditions propres à cette qualification992

.

991 S’agissant toujours de l’hypothèse, non consacrée par le législateur et même contra legem, selon laquelle la

responsabilité pénale des personnes morales serait une responsabilité directe. 992

En particulier l’entente, le caractère déterminant de la participation et l’indépendance morale entre coauteurs :

v. supra n° 91 et s.

Page 256: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

256

312. Choix de l’autonomie juridique. – En retenant la conception matérielle de

l’autonomie, la responsabilité directe de la personne morale ne présenterait qu’un intérêt

limité : elle ne servirait en réalité qu’à pallier des difficultés probatoires. En effet, elle

permettrait simplement d’imputer à la personne morale une infraction commise pour son

compte sans nécessairement rechercher la personne physique l’ayant matériellement

commise, hypothèse il est vrai particulièrement utile lorsqu’il serait précisément impossible

de déterminer quelle personne physique était en cause. Cependant, la présomption

d’imputation précédemment envisagée993

satisfait pleinement cette fonction en autorisant à

considérer, en fonction des circonstances, que certaines infractions n’ont pu être commises

que par un organe ou un représentant. Dans le cadre d’une consécration de la responsabilité

directe des personnes morales, il serait ainsi envisageable de transposer cette solution en

présumant, par exemple, que certaines infractions n’ont pu être commises que pour le compte

de la personne morale994

.

En revanche, raisonner sur une autonomie juridique pour caractériser la coaction

donnerait certainement un véritable intérêt à faire de la responsabilité pénale des personnes

morales une responsabilité directe. En effet, l’autonomie juridique permet de retenir ce mode

d’imputation entre une personne morale et une personne physique et ainsi, les conséquences

tirées de la caractérisation d’une coaction pourront être appliquées aux relations les unissant,

en permettant une répression accrue995

. En outre, toute personne physique, sans égard à sa

qualité, c’est-à-dire peu important qu’elle soit organe ou représentant de la personne morale

ou non, pourra être déclarée coauteur d’une personne morale dès lors qu’elle aura commis

l’infraction pour le compte de cette dernière. Certes, admettre le principe d’une responsabilité

pénale directe des personnes morales pourrait être vu comme une humanisation excessive de

la personne morale, poussant l’artifice à son paroxysme. Toutefois, dans la mesure où le

principe même de la responsabilité pénale des personnes morales relève déjà de l’artifice pour

beaucoup996

, il est difficile de justifier de ne pas l’exploiter au maximum une fois acquis, au

993 V. supra n° 81 et 307.

994 En effet, consacrer la responsabilité directe des personnes morales ne revient pas pour autant à supprimer

toute condition à cette responsabilité, à défaut de quoi la responsabilité deviendrait objective. Il faudrait alors

conserver l’exigence d’une infraction commise pour le compte de la personne morale, gage de la vertu

sanctionnatrice et non indemnitaire du droit pénal. 995

Le régime de la coaction apparaissant en effet comme répressif : v. infra Partie 2. 996

V. PH. CONTE, La responsabilité pénale des personnes morales au regard de la philosophie du droit pénal,

La personne juridique dans la philosophie du droit pénal, dir. J.-H. ROBERT et S. TZITZIS, LGDJ, coll. Panthéon-

Assas, 2003, p. 109 ; J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie

Page 257: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

257

contraire. Admettre la responsabilité pénale directe des personnes morales permettrait ainsi

d’envisager la coaction entre une personne morale et une personne physique, à condition que

l’autonomie nécessaire à ce mode de participation soit envisagée comme une autonomie

juridique.

générale de la responsabilité juridique, préc., spéc. n° 533 ; V. WESTER-OUISSE, Dérives anthropomorphiques

de la personnalité morale : ascendances et influences, JCP G 2009, I, 137.

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259

Conclusion du chapitre 2

313. Si la coaction implique une influence du coauteur sur le comportement mis en

œuvre lors de l’infraction collective, elle exige surtout que cette influence soit équivalente à

celle témoignée par son coauteur afin que chacun puisse considérer l’infraction collective

comme sienne, et non comme celle d’autrui. L’influence du coauteur sur le comportement de

l’infraction collective doit alors démontrer son autonomie. Deux conséquences ont ainsi

découlé de cette affirmation.

314. Indépendance morale du coauteur. – D’abord, l’autonomie du coauteur dans le

comportement infractionnel a été défini négativement comme son absence de subordination à

la volonté d’autrui. Le coauteur doit ainsi faire preuve d’une véritable indépendance morale à

l’égard de ses coparticipants pour pouvoir être qualifié comme tel et donc ne pas être

subordonné à l’autorité d’autrui. L’exemple des relations au sein de l’entreprise, typique des

relations d’autorité, a permis d’en témoigner. Entre personnes physiques, l’exigence

d’indépendance morale du coauteur exclut ainsi toute coaction entre un chef d’entreprise et

son préposé dès lors que l’infraction est réalisée dans le cadre de l’entreprise. Entre personnes

morales, elle implique alors de s’interroger sur l’existence d’une véritable indépendance entre

elles, question particulièrement sensible en matière de groupes de sociétés. Plus généralement,

rien ne s’oppose à étendre cet exemple à toute relation d’autorité entre individus, que cette

autorité soit juridique ou simplement de fait.

315. Dépendance matérielle du coauteur. – Ensuite, l’autonomie du coauteur dans le

comportement infractionnel s’analyse comme un facteur d’égalité entre ces différents

participants. En effet, elle crée une interdépendance entre eux dans la matérialité de

l’infraction, chacun ayant besoin de l’autre pour la réaliser. Cette dépendance matérielle du

coauteur permet alors de définir les actes constitutifs de la coaction, gages de cette égalité,

comme des actes d’assistance réciproque, concomitants, et pouvant ainsi s’entendre des actes

constitutifs de l’infraction en cause et, partant, de l’infraction collective, mais aussi d’actes

qui en constitueraient le commencement d’exécution. Il n’est donc pas nécessaire que le

coauteur accomplisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction collective pour être

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260

qualifié comme tel, il suffit qu’il la commette en partie, en en réalisant, par exemple, le

commencement d’exécution. Cette définition tenant à la matérialité de la coaction pouvait

faire douter de sa transposition à la responsabilité pénale des personnes morales et, plus

particulièrement, de la compatibilité de cette dernière avec l’exigence d’une autonomie entre

les coauteurs dans la réalisation de l’infraction. En effet, dans la mesure où toute action ou

abstention de la personne morale passe nécessairement par le truchement d’une personne

physique, l’autonomie de la personne morale et donc son éventuelle qualification de coauteur,

semblait mise à mal. Pourtant, en raisonnant sur une autonomie juridique et non matérielle

entre coauteurs, c’est-à-dire en considérant que la coaction imposerait que deux personnes

juridiques prennent part à l’infraction mais sans exiger qu’elles soient distinctes

physiquement, l’autonomie de la personne morale indispensable à la caractérisation de la

coaction devient envisageable. Enfin, pour parfaire la condition d’égalité entre coauteurs, il

paraissait souhaitable que personnes morales et personnes physiques se voient imputer

l’infraction grâce à la même technique. A cette fin, il est apparu que seul le fondement de la

responsabilité pénale directe des personnes morales permettait une telle solution. Bien que

non consacré par le législateur comme la jurisprudence, il serait le seul à autoriser une

imputation d’une infraction au titre de la coaction entre personnes morales et personnes

physiques.

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261

Conclusion du titre 2

316. Distinction de la complicité - rapprochement de l’action. – Considérer que le

coauteur participe à sa propre infraction permet de mettre en exergue le particularisme de ce

titre d’imputation, marqué par l’interdépendance entre les participants. En effet, le coauteur se

rapproche de l’auteur en ce qu’il exige une influence sur le résultat de l’infraction collective

mais également sur le comportement infractionnel, et de facto, il assoit ses différences avec la

complicité. Mais surtout, les relations qu’il noue avec ses coparticipants sont toujours

déterminantes de sa qualification en ce qu’elles révèlent des liens étroits, empreints de

réciprocité.

317. Une participation au résultat infractionnel collectif. – En premier lieu, la

coaction implique ainsi d’avoir participé au résultat infractionnel collectif et donc d’avoir

apporté sa contribution causale à l’infraction. Certes, l’affirmation est également valable pour

la complicité et ne permet donc pas de distinguer ces deux modes de participation criminelle.

Cependant, alors que la complicité se contente d’une contribution causale indirecte l’unissant

à l’infraction, la coaction exige une contribution causale déterminante. Cette condition la

rapproche alors de l’action, sans pour autant adhérer parfaitement à la définition donnée de la

causalité pour cette dernière. En effet, tandis que l’action s’attache généralement à

caractériser une causalité concrète entre l’auteur et le résultat de l’infraction, la coaction se

satisfait d’une causalité plus abstraite, revenant à se demander si le coauteur a été une des

causes déterminantes de l’infraction, même s’il est impossible de prouver qu’il en a été la

cause concrète. Cette situation se retrouve notamment dans l’hypothèse des dommages causés

en groupe, lorsqu’il est illusoire de déterminer quel acte précis a entraîné le résultat

infractionnel. Par exemple, en matière de violences collectives, il est généralement impossible

d’établir quel coup a concrètement causé la mort de la victime (si tant est qu’il y en ait

uniquement un). Pourtant, il est permis de considérer que l’ensemble des acteurs des violences

a été la cause déterminante de la mort de la victime. Dès lors, le lien de causalité entre les

différents comportements ayant conduit au résultat infractionnel peut être globalisé en matière

de coaction, ce qui se justifie pleinement au regard de l’interdépendance unissant les

comportements des coauteurs.

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318. Une participation au comportement infractionnel collectif. – En second lieu, la

coaction implique, au même titre que l’action, de participer au comportement infractionnel

collectif. A cette fin, le coauteur doit disposer d’une autonomie par rapport à ses

coparticipants afin que l’influence de chacun puisse être considérée comme équivalente. Deux

considérations apparemment paradoxales permettent alors de s’en assurer : le coauteur doit

témoigner d’une indépendance morale à l’égard de ses coparticipants, tout en caractérisant

une dépendance matérielle à leur égard. Ce n’est qu’à ces deux conditions qu’une véritable

interdépendance entre coauteurs, spécificité de ce mode d’imputation, pourra être constatée.

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263

Conclusion de la partie 1

319. Mode de participation à une infraction. – L’objectif de l’étude de la notion de

coaction était de montrer sa spécificité et son autonomie par rapport à l’action et à la

complicité. En tant que mode de participation à sa propre infraction, la coaction emprunterait,

certes, des caractères à chacune d’entre elles, mais pour mieux apparaître comme un mode

d’imputation sui generis, aux caractères propres, et dont l’interdépendance de ses participants

serait le socle. Regardée à l’aune de cette définition, la coaction implique en premier lieu de

participer à une infraction. La pluralité de participants, inhérente à l’exigence d’une

participation, doit donc se doubler d’une entente unissant ces participants. En effet, ce n’est

qu’à cette condition que tous prennent part à la même infraction, unique, gage encore plus fort

du lien les rassemblant.

320. Mode de participation à sa propre infraction. – En second lieu, la coaction

implique de participer à sa propre infraction. Pour être utilisable, cette affirmation a priori

tournée vers la psychologie du participant doit se traduire matériellement. Ainsi, le coauteur

participe au résultat infractionnel collectif en ce qu’il en apparaît comme une cause

déterminante, mais également au comportement infractionnel collectif. Ce dernier témoigne

en effet de l’interdépendance existant entre les coauteurs puisque loin de se satisfaire d’une

subordination lors de l’infraction, il exige au contraire une indépendance morale couplée à

une dépendance matérielle entre les coauteurs afin que l’aide apportée par chacun dans la

réalisation de l’infraction ne soit pas à sens unique mais bien réciproque.

La notion de coaction a donc vocation à affirmer son autonomie en insistant sur

l’interdépendance unissant ses participants. Reste alors à voir si le particularisme de la notion

pourrait se retrouver dans son régime.

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Partie 2- LE REGIME DE LA COACTION

321. Intérêt répressif de la coaction en tant que notion autonome. – Du fait de la

définition donnée de la coaction, il est envisageable que son régime soit plus répressif que

celui de l’action et de la complicité et en révèle ainsi l’intérêt principal. En effet, la pluralité

de participants ainsi que le rôle déterminant du coauteur dans la réalisation et le résultat de

l’infraction pourraient laisser croire à une dangerosité accrue de celui-ci, imposant une

répression plus contraignante que pour d’autres modes de participation à l’infraction.

D’ailleurs, l’intérêt répressif de la coaction par rapport à la complicité est généralement mis

en avant par la doctrine et pourrait même justifier les solutions jurisprudentielles ayant

malmené la distinction traditionnelle entre ces deux modes d’imputation997

. Pourtant, de tels

détours jurisprudentiels ne sont pas nécessaires si l’on veut bien déduire le régime de la notion

de coaction précédemment établie. En effet, la force du lien unissant les coauteurs pourrait

entraîner une répression plus sévère de ces derniers, sans besoin de dévoyer la notion ainsi

posée. Or, ce lien se traduit par deux caractères principaux de la coaction : l’interdépendance

entre les coauteurs et le fait qu’ils participent à une infraction unique, collective. En

conséquence, ces éléments devraient logiquement affecter le régime de ce mode d’imputation.

Il appartient alors de s’intéresser à l’influence de l’interdépendance entre coauteurs (Titre 1)

et de la participation à une infraction collective (Titre 2) sur le régime de la coaction.

997 V. supra n° 9.

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267

Titre 1- L’influence de l’interdépendance entre coauteurs

sur le régime de la coaction

322. L’interdépendance entre coauteurs constatée au stade de la définition de ce mode

de participation devrait, en toute logique, se retrouver dans les règles gouvernant le régime de

ce dernier.

Sur le plan substantiel, il est possible d’imaginer par exemple que certains éléments de

la responsabilité du coauteur puissent se transmettre entre coauteurs. L’interdépendance entre

coauteurs impliquerait donc la possibilité d’une véritable communication entre eux.

Sur le plan procédural, l’étroitesse des liens unissant les coauteurs devrait conduire à

lier leur sort. En effet, seul un tel mécanisme serait susceptible d’assurer une communauté de

sort entre les coauteurs. Partant, l’interdépendance entre coauteurs supposerait une véritable

solidarité procédurale entre eux, la solidarité étant ici entendue comme la « communauté de

sort entre certains droits, [la]corrélation de mécanismes »998

.

Il convient alors d’étudier la pertinence d’une telle hypothèse en s’intéressant à la

responsabilité soumise à la communication pénale entre coauteurs (Chapitre 1), puis à la

procédure soumise à la solidarité pénale entre coauteurs (Chapitre 2).

998 G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Solidarité », 5°.

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269

Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale

323. L’idée d’emprunt entre coauteurs. – L’interdépendance entre coauteurs,

indispensable à leur caractérisation, devrait nécessairement produire des conséquences

s’agissant de leur répression. Plus encore, la notion de coaction a été caractérisée par les

relations de réciprocité et d’interdépendance unissant les différents coauteurs. Or, il a été vu

que l’acte de coaction d’une infraction consommée pouvait se contenter d’être un acte de

commencement d’exécution de l’infraction collective999

. Mais cela n’est vrai que si un autre

ou d’autres coauteurs, pour leur part, vont au bout des actes d’exécution de l’infraction, à

défaut de quoi seule une tentative de coaction pourrait être caractérisée1000

. Partant, il faut

alors considérer que le coauteur qui n’a accompli que le commencement d’exécution de

l’infraction collective emprunte à ses coparticipants l’élément matériel consommé de cette

même infraction collective1001

.

324. Distinction envisageable avec l’emprunt caractéristique de la complicité. –

L’idée d’emprunt pourrait faire penser à la complicité, le complice empruntant, selon les

conceptions retenues, la criminalité, la pénalité, voire la matérialité de l’infraction à l’auteur

principal1002

, et l’autonomie de la coaction serait mise à mal quant à son régime. Cependant, il

n’en est rien. En effet, en matière de complicité, l’emprunt devrait se dérouler d’une façon

déterminée, immuable : le complice emprunte la criminalité, la pénalité, ou la matérialité de

l’infraction à l’auteur de l’infraction. En revanche, l’inverse n’est pas vrai : l’auteur principal

ne devrait pouvoir emprunter quoi que ce soit à son complice, son acte étant punissable en

tant que tel. L’emprunt doit ainsi avoir lieu à sens unique, le complice empruntant

nécessairement à l’auteur principal. Mais la coaction, caractérisée par une interdépendance

entre coauteurs et des relations à double sens les unissant, ne répond pas à la même logique.

999 V. supra n° 292 et s.

1000 V. infra n° 481 et s.

1001 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, Paris, 2009, n° 243

et s. 1002

V. supra n° 102 et s.

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Ainsi, l’emprunt lui-même devrait être à double sens et, donc, réciproque. En réalité, plus

qu’un emprunt, il s’agit alors d’une communication.

325. La communication pénale entre coauteurs. – L’étroitesse des liens unissant les

coauteurs a pour conséquence que les actes commis par chacun d’entre eux, leur criminalité,

irriguent l’infraction collective. L’idée d’une communication pénale semble alors plus juste

pour décrire les liens unissant les coauteurs au stade de la constitution de l’infraction

collective. Chacun, pris dans son individualité, apporte à l’infraction sa propre criminalité, qui

va se mêler à celle des autres pour s’y fondre et réaliser un tout unique, l’infraction

collective1003

. Dès lors, si les coauteurs peuvent se communiquer leur propre criminalité, ils

« contaminent » nécessairement les autres. Les circonstances afférentes à l’un se

communiqueront ainsi à l’autre. La sévérité du régime de la coaction apparaît à nouveau :

chaque coauteur peut transmettre sa criminalité à l’autre et ainsi lui faire craindre une

répression plus sévère. Par exemple, si l’un des coauteurs est chargé d’une mission de service

public, cette circonstance, à supposer qu’elle soit envisagée par le législateur, devrait avoir

des conséquences non seulement sur sa propre répression, mais également sur celle des autres.

Or, cette qualité peut être envisagée comme un élément constitutif de l’infraction, il s’agira

par exemple de l’article 432-4 du Code pénal qui incrimine « le fait, par une personne

dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans

l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou

d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle ». Mais elle peut

également être érigée en circonstance aggravante de l’infraction : c’est notamment le cas des

violences, pour lesquelles l’article 222-8 7° du Code pénal prévoit une aggravation

lorsqu’elles sont commises « par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée

d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions

ou de sa mission ». Cette distinction selon que la qualité en cause est un élément constitutif ou

une circonstance aggravante de l’infraction devra-t-elle alors avoir un impact sur la

1003 La communication pénale entre coauteurs aurait ainsi pu être considérée comme une conséquence de la

participation à une infraction collective. Cependant, même s’il est vrai que l’entente est liée à la fois à

l’interdépendance entre coauteurs et au fait qu’ils participent à une seule et même infraction, elle est avant tout le

socle de l’interdépendance qui, à son tour, justifie la caractérisation d’une infraction unique, collective. Il faut

alors considérer, en réalité, que l’infraction collective résulte de l’interdépendance entre coauteurs et donc que la

communication pénale est d’abord une conséquence de l’interdépendance entre coauteurs avant d’être une

conséquence de la participation à une infraction collective.

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271

communication pénale entre coauteurs1004

? Plus généralement, il appartient ainsi de se

demander si la communication pénale entre coauteurs pourra avoir lieu quel que soit l’objet

sur lequel elle porte, et quelle que soit la nature de ce dernier. L’étude de la communication

des éléments constitutifs de l’infraction collective (Section 1) sera, par conséquent, le

préalable à celle de la communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective

(Section 2).

1004 Il est vrai que cette distinction pourrait être remise en cause dans la mesure où certains auteurs considèrent

que la circonstance aggravante devient un véritable élément constitutif de l’infraction aggravée . Cependant,

cette conception peut être rejetée : v. infra n° 348.

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273

Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction

collective

326. Exclusion de la communication de l’élément moral. – Pour déterminer si les

coauteurs peuvent se communiquer des éléments constitutifs de l’infraction collective, il

semble nécessaire de s’interroger sur l’élément matériel de cette dernière. En effet, l’élément

psychologique de l’infraction doit être recherché en chacun et il est difficile d’imaginer que

l’intention ou l’imprudence de l’un puisse « contaminer » l’autre. Deux remarques doivent

alors être faites.

327. Entente et condition de la communication pénale. – En premier lieu, il a été

relevé que l’exigence d’une entente entre coauteurs empêchait une divergence entre les

éléments moraux de chacun des coauteurs1005

. En conséquence, cette condition de

caractérisation de la coaction constitue, indirectement, une condition de la communication

entre coauteurs1006

: à défaut d’entente sur les éléments constitutifs de l’infraction, aucune

coaction ne pourra être constatée et ainsi, aucune communication pénale ne devra avoir lieu.

Par exemple, si l’un des éventuels coauteurs ignorait la qualité d’un autre alors même que

cette qualité était un élément constitutif de l’infraction collective commise (s’agissant d’une

infraction de violation d’un secret professionnel par exemple), il faudrait en réalité rejeter la

qualification de coauteur. En effet, la coaction exige une entente sur un résultat ou un acte

infractionnels. Or, si un individu ignore précisément la qualité revêtue par un de ses

coparticipants alors que cette qualité justifie et fonde l’infraction, la connaissance même de

l’existence d’une infraction peut être remise en cause. A défaut d’avoir su qu’il participait à

une infraction, l’individu ne pourra alors pas être qualifié de coauteur. Plus précisément,

quand un individu viole un secret professionnel, c’est l’atteinte à ce secret ainsi qu’à la

confiance qui pouvait être placée dans la profession qui est réprimée. Or, si un individu

1005 V. supra n° 117.

1006 A la différence de l’entente sur les circonstances aggravantes qui, pour sa part, apparaît comme une limite à

la communication pénale des circonstances aggravantes puisque la caractérisation d’une coaction n’implique en

aucun cas une entente sur ces circonstances : v. infra n° 358.

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participe à cette violation en contribuant à révéler l’information en cause mais qu’il ignore

parfaitement que son associé est tenu au secret, il n’a aucune conscience de violer la loi

pénale. Partant, on ne pourra considérer qu’il a participé à l’infraction de violation du secret

professionnel, et il ne pourra pas, a fortiori, en être qualifié de coauteur. La communication

pénale ne se justifie qu’en raison de l’existence d’une coaction et donc d’une entente sur les

éléments constitutifs de l’infraction commise.

328. Communication pénale et infractions à l’élément matériel complexe. – En

second lieu, la communication pénale ne peut concerner que les éléments constitutifs relatifs à

l’élément matériel de l’infraction collective. C’est alors s’agissant des infractions pour

lesquelles ce dernier est complexe que la question révèle tout son intérêt. En effet, lorsque

l’élément matériel exige la réunion de plusieurs conditions – comme une pluralité d’actes ou

une qualité particulière associée à un certain comportement –, la communication pénale

pourrait permettre d’alléger les conditions de répression des coauteurs en admettant que

chacun d’entre eux n’ait pas à réunir en sa personne toutes ces conditions. Autrement dit,

chaque coauteur n’aurait pas à réaliser lui-même l’ensemble de ces conditions dès lors que

l’absence d’une de ces conditions serait palliée par sa présence chez un autre des coauteurs.

Deux types d’infractions mettant en jeu un élément matériel composé doivent alors être

étudiés1007

: les infractions attitrées (§1) et les infractions complexes (§2).

§1- Les infractions attitrées

329. Définition : qualité personnelle érigée en élément constitutif de l’infraction. –

Certaines infractions, parfois appelées infractions attitrées1008

, exigent au nombre de leurs

éléments constitutifs la présence d’une qualité particulière chez leur auteur. Par exemple,

l’abus de biens sociaux prévu par l’article L. 241-3 4° du Code de commerce implique d’avoir

été commis par un dirigeant de la société afin de pouvoir être retenu. De même, la violation

1007 Comp. L. ROUSVOAL, L’infraction composite, thèse Rennes, 2011.

1008 Pour une utilisation de cette expression, v. notamment H. MATSOPOULOU, Responsabilité pénale des

personnes morales et infractions du droit pénal des affaires, in Dépénalisation de la vie des affaires et

responsabilité pénale des personnes morales, M. DAURY-FAUVEAU, M. BENILLOUCHE, PUF, coll. CEPRISCA,

2010, p. 81 ; J.-H. ROBERT, note sous Cass. crim., 31 mai 2012, Dr. pén. 2012, comm. 132.

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275

du secret professionnel envisagée par l’article 226-13 du Code pénal impose d’avoir été

commise par une personne dépositaire d’un secret. Enfin, les infractions prévues par le

chapitre II du titre III du livre IV du Code pénal ne peuvent avoir été commises que par une

personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ainsi,

pour qu’une telle infraction puisse être reprochée à des coauteurs, il faut alors se demander

s’il est nécessaire que chacun d’entre eux revête la qualité exigée ou s’il suffit que seul l’un

d’entre eux en fasse état.

330. Position doctrinale classique : exigence de la qualité requise chez chaque

coauteur. – En vertu de la conception classique de la coaction, chaque coauteur devant réunir

sur sa tête l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, la réponse devrait

nécessairement être positive. Pour pouvoir être qualifié de coauteur, chaque individu devrait

donc revêtir la qualité exigée par le texte d’incrimination à titre d’élément constitutif.

D’ailleurs, la question est si peu débattue qu’elle n’est généralement pas envisagée par la

doctrine. S’agissant de l’abus de biens sociaux par exemple, certains considèrent ainsi que

« les personnes, autres que les dirigeants, qui ont sciemment apporté une aide ou une

assistance à l’auteur des abus ne peuvent être retenues que dans les liens de la complicité,

sauf, bien entendu, si une gestion de fait est caractérisée à leur égard »1009

.

331. Proposition : suffisance de la qualité requise chez un seul des coauteurs. –

Pourtant, si l’on considère la coaction non comme une simple juxtaposition d’actions mais

comme un mode de participation à sa propre infraction1010

, cette position n’est pas immuable.

En effet, en tant que participant à l’infraction, le coauteur n’a pas nécessairement à réaliser

lui-même l’ensemble de l’infraction, il doit simplement y prendre part. Dès lors, et sous

réserve de respecter les conditions relatives à la caractérisation d’une coaction1011

, il est

envisageable qu’il puisse emprunter la qualité lui faisant défaut à son coparticipant1012

. Cette

solution est d’autant plus justifiée lorsque l’individu qui ne revêt pas la qualité nécessaire à la

constitution de l’infraction s’entoure sciemment d’un individu la possédant, précisément afin

1009 A. LEPAGE, P. MAISTRE DU CHAMBON et R. SALOMON, Droit pénal des affaires, Litec, 2

ème éd., 2010, n° 779.

1010 V. supra Partie 1.

1011 C’est-à-dire l’entente, la participation déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la

participation autonome au comportement infractionnel collectif : v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1012

Contra PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403.

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276

de pouvoir réaliser l’infraction en question. Les infractions exigeant une qualité

professionnelle particulière au titre de leurs éléments constitutifs en fournissent une

illustration topique1013

. Par exemple, l’article 432-15 du Code pénal réprime « le fait, par une

personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un

comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou

soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en

tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa

mission ». Il est alors possible d’imaginer qu’un individu s’allie à un notaire pour détruire un

acte sous-seing privé remis à ce dernier à raison de ses fonctions car il lui serait défavorable.

Classiquement, le notaire étant seul dépositaire public, il est l’unique personne à pouvoir

répondre de ce délit. Quant au second individu, faute de revêtir la qualité exigée, il ne pourrait

qu’être qualifié de complice, ce dernier mode d’imputation n’exigeant pas de caractériser la

qualité professionnelle requise par le texte d’incrimination. Mais si l’on considère que le

coauteur peut emprunter la qualité professionnelle au notaire, il devrait pouvoir être réprimé

au titre de la coaction si les conditions en sont remplies1014

, ce qui semble le cas ici.

De prime abord, il pourrait être relevé que cette conclusion contrevient à la règle selon

laquelle l’intention ne peut suppléer l’absence d’élément matériel de l’infraction. Pourtant,

l’objection doit être nuancée. En effet, la caractérisation d’une entente entre coauteurs,

justification de la communication pénale, se fonde nécessairement sur des éléments

matériels1015

. Partant, ce n’est pas seulement l’existence de l’élément psychologique qui

justifie cette solution mais bien sa matérialisation. Surtout, la communication pénale des

éléments constitutifs de l’infraction collective ne s’explique pas seulement par le constat

1013 Dans le même sens, M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, thèse Bordeaux, 2010, n° 129,

qui s’interroge de la sorte : « Pourquoi […] ne pas appliquer la qualification professionnelle à celui qui agit

précisément en raison d’une qualité professionnelle ? ». 1014

En effet, en l’espèce, il semble bien que l’on puisse constater une entente entre les deux individus, et donc

une infraction unique. En outre, si aucune autorité juridique ou de fait n’est relevée entre eux et si tous deux ont

participé de façon concomitante à la destruction de l’acte sous-seing privé et en sont des causes déterminantes, la

coaction sera établie. Sur ces différentes conditions, v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1015

V. supra n° 127 et s. et 170.

Du reste, la répression de l’encouragement moral en matière de complicité témoigne du fait que l’élément moral

(considéré ici comme la volonté de s’associer) peut pallier l’absence de causalité matérielle dès l’instant où il

s’est matérialisé (à travers une abstention dans la fonction ou parce que des actes de participation, bien

qu’inefficaces, ont été commis : v. supra n° 209 et 197). Pourquoi alors ne pas considérer que l’entente peut

pallier l’absence d’un élément matériel dès lors qu’elle s’est matérialisée ?

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d’une entente entre coparticipants1016

, mais plus généralement par l’établissement d’une

coaction. Or, cet établissement est soumis à la caractérisation de conditions supplémentaires à

celle de l’existence d’une entente, conditions objectives telles que la participation

déterminante des coauteurs au résultat infractionnel collectif ou encore leur participation

autonome au comportement infractionnel collectif1017

.

332. Position jurisprudentielle : exigence de la qualité requise chez un seul des

coauteurs. – Considérer que le coauteur peut emprunter la qualité requise par le texte

d’incrimination est d’ailleurs une solution qui a été retenue en jurisprudence. En effet, la Cour

de cassation a admis d’imputer le délit de publicité de nature à induire en erreur à celui qui,

bien que n’ayant pas la qualité d’annonceur requise par le texte d’incrimination, a toutefois

accompli une partie des actes constitutifs de l’infraction avec des individus revêtant cette

qualité1018

. Sa position est particulièrement claire puisqu’après avoir approuvé la Cour d’appel

d’avoir considéré le prévenu comme « coauteur de l’infraction », elle a justifié sa solution en

estimant que « si l’article 44 de la loi du 27 décembre 1973, inséré aux articles L. 121-1 à L.

121-7 du Code de la consommation, prévoit, en matière de publicité de nature à induire en

erreur, la responsabilité des dirigeants de la personne morale ayant la qualité d’annonceur,

il ne fait pas obstacle à ce que soit aussi retenue la responsabilité de ceux qui ont, avec ces

dirigeants, accompli les actes matériels constitutifs de l’infraction ».

333. Parallèle avec les dommages causés en groupe. – Du reste, lorsqu’elle utilise la

théorie de la scène unique de violence ou celle des fautes conjuguées, c’est en réalité le même

mécanisme que la jurisprudence utilise. En effet, lorsqu’un dommage est le fait de plusieurs

individus, et bien qu’il soit établi que seul l’un des comportements a pu causer

scientifiquement le dommage, elle n’hésite pourtant pas à imputer l’infraction en cause à

l’ensemble des participants1019

. Plus encore, la solution est d’autant plus remarquable qu’elle

ne vise pas nécessairement à résoudre des difficultés relatives à la causalité, c’est-à-dire à

imputer l’infraction à l’ensemble des participants faute de pouvoir déterminer lequel est à

1016 Sinon elle devrait être appliquée dès lors qu’existe une telle entente entre participants, ce que la complicité

n’exclut pas : elle y est simplement indifférente (v. supra n° 93 et s.). 1017

V. en particulier supra n° 230 et n° 235 et s.. 1018

Cass. crim., 18 mai 1994, Bull. n° 195, D. 1994, IR 179 ; Contrats, conc., consom. 1994, p. 180, obs.

RAYMOND. 1019

V. supra n° 131 et s. et 177 et s.

Page 278: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

278

l’origine du dommage1020

. Pour preuve, la Chambre criminelle a par exemple imputé au titre

de la coaction le délit de violences ayant entraîné une incapacité de plus de vingt jours en

raison d’un coup de bâton à deux individus alors qu’il était établi que l’un d’entre eux l’avait

simplement giflé tandis que le second lui assénait le coup de bâton, et que leurs rôles

respectifs étaient parfaitement identifiés1021

. La Cour de cassation admet ici de considérer

celui qui n’a fait que gifler la victime comme coauteur du coup de bâton ; partant, elle

considère implicitement qu’il emprunte cet acte à son coauteur1022

. Certes, dans une telle

hypothèse, il n’est pas question d’une qualité particulière nécessaire à la constitution de

l’infraction et présente chez l’un seulement des coauteurs. Pourtant, le parallèle peut être fait :

dès lors qu’un coauteur peut emprunter une certaine matérialité à son coparticipant, rien ne

justifie qu’il ne puisse lui emprunter tout élément constitutif de l’infraction. Si la qualité de

l’auteur de l’infraction en est un, elle doit alors pouvoir être empruntée.

334. Rapprochement avec la complicité. – La question de la parenté avec la

complicité est alors inévitable. En effet, cette forme de participation à l’infraction permet

également d’emprunter certains éléments à l’auteur principal. Plus encore, le terme d’emprunt

est caractéristique de la complicité, que l’on considère que le complice emprunte la

criminalité, la pénalité, ou la matérialité de l’infraction à l’auteur principal1023

. La possibilité

d’imputer au complice une infraction qu’il ne pourrait réaliser à titre d’auteur principal faute

de revêtir la qualité nécessaire à la constitution de l’infraction a ainsi été largement débattue.

Pour certains, admettre une telle imputation serait impossible dès lors que le Code pénal punit

le complice « comme auteur » et non plus « comme l’auteur » : s’il avait été auteur, il n’aurait

pu être puni, et ne doit donc pas l’être en tant que complice. Cet argument est ainsi soulevé en

matière d’abus de biens sociaux afin de refuser la répression de l’individu, non dirigeant

1020 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 243.

1021 Cass. crim., 22 mai 1957, Bull. n° 436.

1022 Il serait possible de se demander pourquoi l’emprunt joue ici dans le sens le plus grave. La réponse tient

certainement à deux éléments. En premier lieu, la spécificité des infractions de résultat implique d’imputer le

résultat effectivement produit, peu important que ce résultat ait été prévu ou voulu par ses auteurs, coauteurs ou

complices. Si l’emprunt entre coauteurs se faisait dans un sens leur étant favorable, le résultat effectivement

produit ne pourrait être imputé, ce qui est inenvisageable : la réalisation de violences en groupe ne doit pas

conduire à éluder la responsabilité pénale de ses participants (v. supra n° 135). En second lieu, un souci de

politique criminelle peut expliquer la répression de celui qui participe en connaissance de cause à des violences

graves même si lui ne réalise pas matériellement un acte de violence aussi grave : sa participation à travers la

gifle matérialisait ici son approbation au coup de bâton porté. 1023

V. supra n° 102 et s.

Page 279: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

279

social, qui aiderait un tel dirigeant à commettre cette infraction1024

. Il faudrait alors que

chaque participant à l’infraction caractérise en sa personne la qualité requise par le texte

d’incrimination. Cependant, outre le fait que l’article 121-6 du Code pénal fait certainement

davantage référence à la peine encourue par le complice qu’aux conditions de sa

responsabilité1025

, une telle conception ne fait que peu de cas de l’idée de participation.

Effectivement, le fait de participer à une infraction se distingue du fait de la réaliser, et

n’exige donc pas de réunir l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction1026

. C’est

précisément là toute la spécificité et l’intérêt de la notion de participation à l’infraction. Ainsi,

pour poursuivre sur l’exemple de l’abus de biens sociaux, d’autres auteurs considèrent que sa

complicité peut être le fruit de tout individu, peu important qu’il ne soit pas dirigeant

social1027

, et que « là réside le principal intérêt de la complicité, lequel permet de retenir dans

la prévention des individus qui ne pourraient pas être poursuivis comme auteurs à défaut

d’exercer en droit ou en fait les fonctions exigées à ce titre »1028

. Quant à la jurisprudence,

elle a très tôt admis que « si la qualité personnelle de l’auteur d’une infraction est un élément

constitutif et nécessaire de celle-ci, cette circonstance n’exclut en rien la complicité de tiers

dans les termes de l’article 60 du Code pénal »1029

. En outre, de même que sous l’ancien

Code pénal1030

, elle déclare complice d’abus de biens sociaux l’individu qui ne revêt pourtant

pas la qualité de dirigeant social1031

. La solution est également la même en matière de

violation du secret professionnel1032

. Dès lors, si le complice n’a pas à revêtir la qualité exigée

1024 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 594.

1025 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal génral, préc., n° 488 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n°

360 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 424 ; F. DESPORTES et F.

LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 389 ; R. MERLE et

A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal géneral, préc., n° 545 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n°

454 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 356. La

nouvelle rédaction de l’article 121-6 aurait en effet eu pour but de prendre en compte la responsabilité pénale des

personnes morales en dissociant le sort du complice et de l’auteur : il n’y aurait en effet aucun sens à condamner

une personne physique à la dissolution ou une personne morale à de l’emprisonnement. 1026

Dans le même sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 424. V.

également F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 196. 1027

V. notamment D. REBUT, « Abus de biens sociaux », Rép. Pén. Dalloz, 2010, n° 219. 1028

Ibid. Dans le même sens, v. également PH. BONFILS, RPDP 2006, Chr. III, p. 123 pour qui une telle solution

est « souhaitable ». 1029

Cass. crim., 13 mars 1936, DH 1936, p. 254 ; Rev. sc. crim. 1936, p. 410, obs. J. MAGNOL. 1030

Cass. crim., 5 sept. 1988, Rev. Sociétés 1989, p. 76, note W. JEANDIDIER. 1031

Cass. crim., 20 mars 1997, Dr. pén. 1997, comm. n° 131, obs. J.-H. ROBERT ; JCP E 1997, II, 1033, note J.-

H. ROBERT. 1032

Cass. crim., 25 janv. 1968, Bull. n° 25; D. 1968, jurispr. p. 153, JCP G 1969, II, 15425; Gaz. Pal. 1968, 1,

jurispr. p. 164; Rev. sc. crim. 1968, p. 344. Les juges relèvent que « le journaliste qui fournit à l’auteur d’une

Page 280: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

280

par le texte d’imputation pour être punissable, la solution semble, à première vue, semblable à

celle précédemment admise en matière de coaction. Pourtant, il n’en est rien, et les

développements précédents permettent de mieux rendre compte de la différence opposant les

deux modes d’imputation.

335. Distinction avec la complicité. – En effet, dans chacun des exemples cités, il

s’agissait pour le complice d’emprunter une qualité lui faisant défaut à l’auteur principal. Cet

emprunt se justifie ainsi par le fait que le complice est un participant à l’infraction, et que dès

lors qu’il s’associe intentionnellement à autrui, il doit en supporter les conséquences1033

. En

revanche, il n’a jamais été question qu’une qualité présente chez lui supplée son absence chez

l’auteur principal. En d’autres termes, considérer que l’absence de la qualité requise pour la

constitution de l’infraction chez le complice n’empêche pas sa répression dès lors que l’auteur

principal dispose de cette qualité ne signifie nullement que la réciproque soit vraie : le fait que

le complice revête la qualité nécessaire à la constitution de l’infraction ne permettra pas de

pallier l’absence de cette qualité chez l’auteur principal. En effet, aucun fait principal

punissable ne pourra être retenu, et donc aucune complicité ne pourra s’y greffer1034

. Cette

solution est parfaitement en adéquation avec l’idée selon laquelle l’auteur principal, n’est pas,

par définition, un participant à l’infraction. Il ne peut donc emprunter un quelconque élément

à autrui et doit alors réunir lui-même l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. La

jurisprudence ne s’y est pas trompée puisqu’elle refuse de retenir la responsabilité de l’auteur

d’un transfert de fonds provenant de l’étranger, sans déclaration, en raison de sa nationalité

allemande puisque cette obligation de déclaration ne s’impose qu’aux ressortissants français

et alors même qu’un individu français aurait pu être qualifié de complice à son égard dans la

mesure où il avait facilité ledit transfert1035

. Ainsi, seul le complice peut emprunter à l’auteur

principal, et la réciproque n’est pas vraie. L’auteur principal est le seul à avoir un pouvoir

d’action direct sur l’infraction et son résultat et donc seul à pouvoir transmettre cette

coloration pénale à son complice : la transmission a lieu à sens unique.

violation du secret professionnel (juré) les moyens de révéler au public les faits secrets dont il est dépositaire se

rend complice par fourniture de moyens ». 1033

V. infra n° 84. 1034

V. notamment S. FOURNIER, « Complicité », Rép. pén., Dalloz, 2001, n° 50. 1035

Cass. crim., 25 juin 1998, Dr. pén. 1998, comm. n° 145, obs. J.-H. ROBERT.

Page 281: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

281

Or, le mécanisme est nécessairement tout autre en matière de coaction car il implique

une transmission à double sens : chaque coauteur peut transmettre à l’autre la qualité (ou plus

généralement l’élément constitutif) lui faisant défaut. En outre, cette idée peut

paradoxalement justifier d’imputer une infraction à un individu alors même que sa qualité

devrait l’empêcher de se la voir reprocher. Un arrêt du XIXème siècle, et dont les faits

pourraient être repris aujourd’hui, en fait état. En l’espèce, il s’agissait de trois individus qui,

alors qu’ils ne possédaient aucun diplôme en la matière, établissaient des diagnostics et

prescrivaient des remèdes. Or, un officier de santé avalisait ces prescriptions en les

transcrivant sur ses propres ordonnances. Tous furent poursuivis pour exercice illégal de la

médecine, mais une question délicate se posait : la qualité d’officier de santé de l’un des

individus n’empêchait-elle pas de le condamner pour cette infraction ? En première instance,

il fut condamné au titre de la complicité. Mais la Cour d’appel fit valoir que l’infraction

n’étant à l’époque qu’une contravention, sa complicité ne pouvait être réprimée faute de

disposition en ce sens. L’officier de santé fut donc relaxé. Toutefois, la Chambre criminelle de

la Cour de cassation, dans son arrêt du 17 décembre 18591036

, considéra ce dernier non

comme un simple complice mais comme un coauteur de l’infraction en ces termes : « S’il ne

juge, ni ne prescrit… s’il abdique complètement, si sa présence n’est plus qu’un artifice, et

s’il se borne à couvrir de son nom et de sa signature la pratique illégale d’un tiers, il devient

par une participation solidaire le coopérateur de celui-ci et l’un des auteurs de la violation de

la loi ». Comme il l’a été remarqué, en relevant la « participation solidaire » du prévenu à

l’infraction, la Cour de cassation « souligne le caractère indivisible de leur action.

L’infraction commise solidairement était leur œuvre à tous » 1037

. L’idée d’une

communication pénale entre coauteurs est alors prégnante. En effet, non seulement les

relations de réciprocité propres à la définition de la coaction doivent nécessairement se

retrouver s’agissant de son régime, mais les rapports d’égalité unissant les coauteurs

commandent aussi une telle solution. C’est là le particularisme du régime de la coaction :

chaque coauteur apporte à l’infraction et est ainsi susceptible de la faire évoluer1038

, ce qui se

communiquera à l’ensemble des coauteurs. Cette solution, loin d’être cantonnée à l’hypothèse

1036 Bull. n° 281.

1037 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 124.

1038 D’autant plus que la coaction exige une concomitance : v. supra n° 283 et s.

Page 282: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

282

des infractions attitrées, se révèle également particulièrement utile en matière d’infractions

complexes.

§2- Les infractions complexes

336. Les infractions complexes sont dénommées de la sorte en ce qu’elles imposent la

caractérisation d’au moins deux comportements pour leur constitution1039

. Parmi elles peuvent

être distinguées celles qui supposent deux comportements distincts et celles qui nécessitent la

répétition de deux actes identiques. C’est alors distinguer entre les infractions complexes

stricto sensu (A) et les infractions d’habitude (B)1040

.

A- Les infractions complexes stricto sensu

337. L’exemple de l’escroquerie. – Il a précédemment été vu que l’infraction

complexe permettait d’apprécier largement la condition de concomitance et pouvait ainsi

laisser place à la caractérisation d’une coaction1041

. Mais elle permet en outre de mettre son

intérêt répressif en exergue. En effet, dans l’exemple précédemment imaginé où deux

individus corroborent chacun le mensonge de l’autre afin de déterminer leur victime à leur

remettre des fonds1042

, ce n’est que la combinaison des comportements des deux agents qui

permet de retenir l’infraction d’escroquerie : pris isolément, aucun de leur comportement n’est

punissable. En se confortant mutuellement dans leur mensonge, ils témoignent ainsi non

seulement des rapports d’interdépendance les unissant, mais également de la communication

pénale propre à la coaction : chacun emprunte à l’autre une part de crédibilité, c’est-à-dire le

moyen de donner force et crédit à son mensonge. La réciprocité de l’emprunt entre coauteurs,

et donc la communication pénale, est ici frappante. Mais ce mécanisme pourrait se révéler

utile pour d’autres infractions complexes.

1039 V. supra n° 287.

1040 Sur cette distinction, v. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 237, qui met en parallèle

infraction d’habitude et infraction complexe « proprement dite ». 1041

Ibid. 1042

Ibid.

Page 283: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

283

338. Application aux appels téléphoniques malveillants et au harcèlement moral. –

Ainsi, l’infraction relative aux appels téléphoniques malveillants prévue par l’article 222-16

du Code pénal exige que ceux-ci soient destinés à troubler la tranquillité d’autrui, mais surtout

réitérés1043

. Si l’on considère que deux appels suffisent à remplir la condition de

réitération1044

, il est alors possible de caractériser l’existence de coauteurs dans l’hypothèse où

un individu, désirant nuire à autrui, passe un tel appel, et s’entend avec un autre pour qu’il en

fasse de même, dans le même but. Certes, dans une telle hypothèse, chacun d’entre eux n’aura

passé qu’un appel malveillant et la condition de réitération pourrait alors faire défaut.

Cependant, en raison de l’entente unissant les protagonistes, les deux comportements peuvent

être réduits à l’unité et une infraction unique, collective, se fait alors jour. Partant, il est

possible de raisonner sur l’ensemble des appels téléphoniques, et de considérer ainsi que

chaque coauteur emprunte à son coparticipant le second appel téléphonique malveillant. Les

deux individus pourront ainsi se voir imputer le délit d’appels téléphoniques malveillants bien

qu’ils n’aient chacun passé qu’un unique appel.

Un raisonnement parfaitement identique pourrait également être tenu en matière de

harcèlement moral. Cette infraction exige en effet des agissements répétés pour être

constituée1045

. Si la répétition devrait théoriquement se suffire de deux actes, il est vrai qu’une

telle hypothèse est rare en pratique : généralement, le harcèlement moral s’entend d’une

succession d’actes répétés1046

. Dès lors, en se fondant sur la communication pénale entre

coauteurs, il serait possible d’imaginer qu’un individu ayant émis par deux fois des reproches

injustifiés à un salarié, actes à eux seuls difficilement qualifiables de harcèlement moral, soit

qualifié de coauteur de l’individu qui aurait, par exemple, affecté régulièrement la victime à

des tâches pour lesquelles elle est surqualifiée, sous réserve que les conditions relatives à la

caractérisation d’une coaction soient remplies. Certes, une telle solution élargit

considérablement le champ d’application de la coaction au détriment de celui de la

1043 L’article 222-16 est en effet rédigé de la sorte : « Les appels téléphoniques malveillants réitérés ou les

agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d'autrui, sont punis d'un an d'emprisonnement et de 15000

euros d'amende ». 1044

E. DREYER, Droit pénal spécial, Ellipses, coll. Cours magistral, 2ème

éd., 2012, n° 473 ; V. MALABAT, Droit

pénal spécial, préc., n° 443. 1045

L’article 222-33-2 du Code pénal dispose en effet que « Le fait de harceler autrui par des agissements

répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à

ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel,

est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ». 1046

P. MISTRETTA, « Harcèlement », Rép. pén., Dalloz, 2007, n° 50.

Page 284: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

284

complicité. Ce dernier apparaît ainsi résiduel dans la mesure où seules les hypothèses

d’absence d’entente entre participants et de fourniture d’instructions peuvent s’y retrouver1047

,

les cas de fourniture de moyens étant difficilement envisageables pour cette infraction1048

.

Cependant, même sans retenir une telle conception de la coaction, les cas de complicité de

harcèlement moral sont déjà particulièrement rares, ce dont témoigne le silence de la doctrine

comme de la jurisprudence en la matière.

Ainsi, ces quelques exemples mettent en lumière l’intérêt répressif de la coaction dès

lors qu’elle est conçue comme un mode de participation à sa propre infraction1049

. Mais ils

laissent également entrevoir l’intérêt qu’elle pourrait représenter s’agissant des infractions

d’habitude tant l’exigence d’actes répétés peut faire penser à ce dernier type d’infraction.

B- Les infractions d’habitude

339. Définition. – Les infractions d’habitude s’apparentent à des infractions complexes

en ce qu’elles exigent au moins deux actes matériels pour être constituées1050

. Elles en sont

d’ailleurs une forme particulière dans la mesure où elles supposent une condition

supplémentaire : l’acte répété doit être identique1051

. Par exemple, le fait de célébrer un

mariage religieux avant un mariage civil est réprimé lorsqu’il est commis « de manière

1047 Ce sera par exemple le cas d’un individu qui donne des renseignements personnels précis sur la victime à

l’auteur principal afin de l’aider à mener à bien son travail de sape. 1048

Il serait également possible d’imaginer une complicité par abstention de la part des collègues qui se taisent

face à cette situation. Cependant, cette qualification ne devrait pas être retenue dès lors que leur silence ne

démontre aucune adhésion ni aucun encouragement moral à l’infraction : v. supra n° 210. 1049

La solution peut du reste être rapprochée de celle évoquée par VON LISZT, Lehrbuch des Deutschen

Strafrechts, Trad. Franç., t. I, § 50, selon qui « dans les crimes dits composés, est co-auteur qui a commis même

un seul des actes d’exécution composant le crime ». 1050

V. supra n° 288. 1051

Il est vrai que la qualification du harcèlement moral précédemment étudiée, de ce point de vue, a été débattue

en doctrine. Certains auteurs considèrent ainsi qu’il est une infraction d’habitude exigeant « au moins le

renouvellement d’un acte identique au premier » (P. MISTRETTA, « Harcèlement », Rép. pén., préc., n° 48. V.

également les auteurs cités et notamment J. PRADEL et M. DANTI-JUAN, Droit pénal spécial, Cujas, 5ème

éd.,

2010, n° 454) alors que d’autres l’admettent en cas de conjonction d’actes de nature différente (V. notamment R.

OLLARD et F. ROUSSEAU, Droit pénal spécial, Bréal, 2011, p. 187). Cependant, sans réfuter l’existence de

l’infraction en cas de répétition d’actes identiques, il semble que la lecture du texte puisse permettre de retenir la

seconde solution (V. MALABAT, A la recherche du sens du droit pénal du harcèlement, Dr. soc. 2003, p. 493, n°

14) et donc de qualifier le harcèlement moral d’infraction complexe au sens strict.

Page 285: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

285

habituelle »1052

. De même, de nombreuses infractions visant à protéger l’exercice d’une

profession exigent que l’acte incriminé soit répété pour être constituées1053

.

340. Exigence classique de la répétition de l’acte chez chaque coauteur. – En vertu

de la conception classique de la coaction, la répétition de l’acte incriminé devrait être

caractérisée sur la tête de chaque coauteur afin de pouvoir lui imputer une telle infraction.

Ainsi, pour que des individus soient par exemple déclarés coauteurs de l’infraction d’exercice

illégal de la profession de médecin, il faudrait constater que chacun d’entre eux a réalisé au

moins deux fois une consultation médicale1054

. Au XIXème siècle, la jurisprudence exigeait

ainsi que l’habitude soit caractérisée chez chacun des coauteurs pour retenir une telle

infraction1055

.

341. Punissabilité du complice en cas de réalisation d’un seul acte d’assistance. –

S’agissant du complice, la jurisprudence a fluctué au cours du XIXème siècle. Elle a d’abord

considéré qu’il devait s’être associé à chacun des actes pour être qualifié comme tel1056

, avant

de revenir sur sa position et d’énoncer que « l’habitude nécessaire pour caractériser le délit

d’excitation à la débauche n’est pas exigée par l’article 60 pour constituer la complicité et

que lorsque le délit est légalement caractérisé à l’égard du proxénète, le séducteur qui a

provoqué, même par une seule remise d’argent, l’intervention du tiers, peut et doit être

déclaré complice »1057

. Enfin, toujours en matière d’excitation habituelle de mineurs à la

débauche1058

, elle a établi que « si l’habitude de l’excitation est nécessaire […] pour

constituer la culpabilité de l’auteur principal, elle n’est pas moins nécessaire pour constituer

celle de l’individu prévenu de s’être rendu son complice »1059

, ce que la doctrine semblait

1052 C. pén., art. 433-21.

1053 V. notamment l’exercice illégal de la profession de médecin (C. santé pub., art. L. 4161-1 1°) ou encore

l’exercice illégal de la profession de banquier (C. mon. fin., art. L. 511-5 al. 1). 1054

Sur l’exigence de deux actes en matière d’infractions d’habitude, v. C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en

droit pénal, thèse Bordeaux IV , 2011. 1055

V. Cass. crim., 8 juil. 1897, D. 1897, 1, p. 623 ; 17 mai 1851, D. 1851, 1, p. 303. 1056

Cass. crim., 28 avr. 1842, S. 1842, 1, p. 504. 1057

Cass. crim., 10 nov. 1860, Bull. n° 231. 1058

Alors réprimée par l’article 334 du Code pénal. 1059

Cass. crim., 20 août 1875, Bull. n° 275.

Page 286: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

286

approuver1060

. Cependant, au milieu du XXème siècle, la Cour de cassation a une nouvelle

fois modifié sa position et a retenu la complicité d’une infraction d’habitude bien que ledit

complice n’ait apporté son aide qu’à l’un seulement des faits constitutifs de l’infraction

d’habitude1061

. La solution est aujourd’hui établie et la Chambre criminelle n’hésite pas à

énoncer, sous des allures de motif de principe, que « pour être punissable, la complicité d’une

infraction d’habitude n’exige pas l’aide ou l’assistance du prévenu à au moins deux actes de

l’infraction principale »1062

.

Cette position se comprend aisément dès lors que la complicité est conçue comme un

mode de participation à l’infraction, et la doctrine l’approuve aujourd’hui largement1063

. En

effet, si le complice emprunte sa criminalité à l’auteur principal, cela signifie, a contrario,

qu’il n’a pas nécessairement à avoir une criminalité propre, et donc qu’il n’a pas à commettre

lui-même des actes répétés pour être qualifié de complice d’une infraction d’habitude. En

réalité, la justification est la même que celle donnée s’agissant de la question relative à

l’exigence ou non de la qualité constitutive de l’infraction chez ce participant1064

, et impose

donc des solutions similaires.

342. Proposition : admission de la commission d’un seul acte par le coauteur. –

Mises en parallèle, ces deux solutions relatives à la coaction et à la complicité ont pour

principal défaut de réserver un sort plus favorable au coauteur qu’au complice, ce que la

doctrine ne manque pas de relever1065

. Pourtant, il n’en serait rien si l’on admettait que la

coaction s’entend également d’un mode de participation à l’infraction. En effet, là encore, le

coauteur pourrait alors emprunter à son coparticipant l’acte faisant défaut à la caractérisation

de l’infraction sur sa tête. Ainsi, si un individu participe par un fait unique à une infraction

1060 E. GARCON, Code pénal annoté, nouvelle édition refondue et mise à jour par MM. Rousselet, Patin et Ancel,

t. 1, Sirey, 1952, art. 60, n° 85, p. 160, col. 1, énonçait ainsi que « dans les délits d’habitude, la loi ne punissant

pas un fait isolé, celui qui n’a coopéré qu’à un seul fait, ne peut être considéré comme complice ». 1061

Cass. crim., 29 janv. 1965, D. 1965, jurispr. p. 288, note R. COMBALDIEU ; Rev. sc. crim. 1965, p. 655, n° 2,

obs. L. HUGUENEY ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, p. 326. 1062

Cass. crim., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-85.054, JurisData n° 2008-043610, Dr. pén. 2008, comm. 89, par

J.-H. ROBERT ; D. 2008, p. 1665, note J. LASSERRE-CAPDEVILLE ; Rev. dr. banc. fin. 2008, comm. 129, note F.

CREDOT et T. SAMIN. V. également la même solution, mais qui ne rappelle pas le principe énoncé : Cass. crim.,

23 mars 2011, n° de pourvoi n° 10-84.314. 1063

En outre, comme le montre C. CLAVERIE, L’habitude en droit pénal, préc., n° 353, la solution témoigne

également de l’ « unité juridique de l’habitude ». Cette dernière forme en effet un ensemble indivisible qui

nécessite, pour y participer, d’avoir pris part à un des éléments de l’ensemble. 1064

V. supra n° 329 et s. 1065

V. notamment J. LASSERRE-CAPDEVILLE, note sous Cass. crim., 19 mars 2008, préc., D. 2008, p. 1665, n° 1.

Page 287: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

287

d’habitude tout en pouvant être qualifié de coauteur au regard des conditions précédemment

établies1066

, l’absence de répétition de son acte ne devrait pas empêcher de le réprimer en tant

que coauteur de l’infraction ainsi commise1067

. En effet, la réalisation d’un acte unique

pourrait être considérée comme le commencement d’exécution de l’infraction d’habitude

collective. Imaginons par exemple qu’un individu A participe à établir un diagnostic avec un

autre, B, coutumier d’une telle pratique, alors qu’aucun d’entre eux ne revêt le titre de

médecin. Sous réserve de respecter les conditions relatives à l’élément psychologique de

l’infraction, A pourra alors être qualifié de coauteur de l’infraction d’exercice illégal de la

profession de médecin puisqu’il emprunte la répétition de l’acte à B. Plus encore, il emprunte

en réalité le second acte à B, second acte constitutif de l’habitude. Dès lors, il est envisageable

d’aller plus loin : si A et B s’entendent pour réaliser l’infraction d’exercice illégal de la

médecine, et que chacun commet un seul acte médical, l’infraction pourrait leur être

reprochée au titre de la coaction. En effet, chacun a commis le commencement d’exécution de

l’infraction collective et peut ainsi emprunter un élément constitutif de l’infraction

consommée à son coauteur.

343. Distinction de la complicité. – La sévérité de la caractérisation d’une coaction par

rapport à l’action est ici particulièrement vive : elle permet d’imputer une infraction à des

individus au titre de la coaction alors qu’elle ne pourrait l’être au titre de l’action. Mais la

solution est également distincte de celle retenue en matière de complicité. En effet, à nouveau,

la communication pénale propre à la coaction justifie l’inutilité de caractériser la réitération de

l’acte ne serait-ce que chez un des coauteurs. En revanche, faute de communication pénale à

double sens entre le complice et l’auteur principal, seul le premier peut emprunter un élément

au second. La réciproque n’est absolument pas vraie : l’habitude constatée chez le complice

de participer à de telles infractions ne peut permettre de punir l’auteur principal qui n’aurait

commis que le premier acte nécessaire à l’habitude1068

. L’auteur principal devra donc avoir

réalisé l’habitude en sa personne pour que le complice puisse la lui emprunter. Or, la coaction

n’impose même pas une telle exigence : la communication pénale entre coauteurs permet de

1066 C’est-à-dire l’entente, la participation déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la

participation autonome au comportement infractionnel collectif : v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1067

Contra C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal, préc., n° 344. 1068

S. FOURNIER, « Complicité », préc., n° 51.

Page 288: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

288

ne pas avoir à caractériser l’habitude en la personne de chaque coauteur dès lors qu’elle peut

être constatée de façon collective.

344. Bilan. – La communication des éléments constitutifs de l’infraction entre

coauteurs, en plus d’être justifiée par l’interdépendance les unissant, a le mérite de ne pas leur

réserver un sort plus favorable qu’aux complices, critique souvent formulée lorsqu’on exige la

réunion des éléments constitutifs sur la tête de chaque coauteur1069

. Reste alors à apprécier si

ce constat se vérifie s’agissant de la communication des circonstances aggravantes de

l’infraction collective.

1069 V. notamment M. DALLOZ, « Circonstances aggravantes », Rép. pén., préc., n° 76.

Page 289: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

289

Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction

collective

345. Rejet de l’analyse classique des rapports entre coaction et circonstances

aggravantes. – Lorsque l’on raisonne selon la conception classique de la coaction qui exige

que chacun des coauteurs réunisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction sur sa

tête, la question des circonstances aggravantes devrait répondre à la même logique : pour

pouvoir imputer une circonstance aggravante à un coauteur, il faudrait pouvoir constater son

existence en sa personne. En ce sens, certains auteurs prônent l’indépendance des coactions,

imposant que chaque coauteur soit « jugé en fonction de son comportement propre, sans

considération pour celui des autres »1070

. Partant, la circonstance aggravante qui serait

caractérisée à l’encontre d’un coauteur ne peut être étendue à celui pour lequel elle n’est pas

constituée, et ce quelle que soit la nature de la circonstance aggravante1071

.

Cependant, il a été démontré que la coaction est loin de postuler une indépendance

entre coauteurs. Une telle considération procède en réalité d’une confusion entre les notions

d’auteur et de coauteur et ne donne aucune autonomie à la coaction. Au contraire, ce titre

d’imputation se caractérise par l’interdépendance unissant les coauteurs et s’analyse comme

un mode de participation à part entière1072

. Dès lors, ce dernier constat autorise à imaginer que

le coauteur puisse emprunter certains éléments à son coparticipant, et la communication des

circonstances aggravantes de l’infraction entre coauteurs est alors envisageable. Pour autant, il

n’est pas certain que cette communication, bien que possible, soit souhaitable quelles qu’en

soient les conditions. La communication pénale devra alors être encadrée. Certes, il pourrait

sembler surprenant d’étudier les conditions de la communication des circonstances

aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs dans la mesure où un tel encadrement

n’a pas formellement eu lieu s’agissant de la communication des éléments constitutifs de

1070 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 566. V.

également PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403. 1071

C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 566 et s.

Sur la possibilité de distinguer les solutions en fonction de la nature de la circonstance aggravante, v. infra n°

354 et s. 1072

Sur ces différents éléments, v. supra Partie 1.

Page 290: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

290

l’infraction collective. Cependant, il convient de noter que les deux situations se distinguent

nettement dès lors que l’on refuse de faire de la circonstance aggravante un élément

constitutif de l’infraction collective1073

. En effet, lorsque l’on raisonne sur la communication

des éléments constitutifs de l’infraction collective, une entente a déjà été caractérisée entre les

coauteurs, justifiant en partie la qualification de coaction1074

et donc la communication pénale.

Plus qu’une condition de la communication, l’entente en justifie pour partie l’existence et

l’encadre par là-même. En revanche, les circonstances aggravantes sont extérieures à

l’infraction collective. Partant, la caractérisation d’une coaction, qui exige simplement une

entente sur l’infraction collective, n’implique pas, a priori, qu’une telle entente ait eu lieu sur

ces circonstances aggravantes : il n’y a donc pas d’encadrement a priori de la communication.

Il paraît ainsi nécessaire de s’interroger sur ces conditions de la communication, étant entendu

que leur nature n’est alors pas cantonnée à l’entente.

Ainsi, si le principe d’une communication pénale des circonstances aggravantes de

l’infraction entre coauteurs peut être admis (§1), encore faut-il qu’il réponde à certaines

conditions (§2).

§1- Le principe de communication pénale entre coauteurs

346. L’affirmation selon laquelle la communication des circonstances aggravantes de

l’infraction collective est envisageable peut être étayée par le fait que la complicité, autre

mode de participation à l’infraction, permet également de concevoir une transmission des

circonstances aggravantes entre auteur principal et complice1075

. Pourtant, à l’instar de ce qui

a été écrit à propos des éléments constitutifs de l’infraction, la communication des

circonstances aggravantes entre coauteurs devrait se distinguer, dans son principe même, de

leur transmission entre auteur principal et complice, et assurer ainsi une véritable autonomie

au régime de la coaction. Il faut donc s’intéresser au mécanisme de communication des

1073 V. infra n° 348.

1074 En partie seulement, car la coaction exige la réunion d’autres conditions : en particulier la participation

déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la participation autonome au comportement

infractionnel collectif (v. supra n° 230 et n° 235 et s.). 1075

V. infra n° 350.

Page 291: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

291

circonstances aggravantes entre coauteurs (A) avant de démontrer en quoi elle se distingue de

la complicité (B).

A- Le mécanisme de la communication

347. La circonstance aggravante en tant qu’élément constitutif de l’infraction

aggravée. – Considérer la circonstance aggravante comme un élément constitutif à part

entière de l’infraction permet d’envisager une communication de celle-ci entre coauteurs. En

effet, traditionnellement, la circonstance aggravante est considérée comme distincte des

éléments constitutifs de l’infraction, ce que le législateur semble confirmer en exigeant qu’elle

fasse l’objet d’une question séparée1076

. Elle ne jouerait ainsi que sur la sanction des

individus1077

. Cependant, certains auteurs ont montré qu’elle pouvait être perçue comme

« l’élément d’une nouvelle infraction, […], l’infraction aggravée »1078

. Or, dès lors qu’il a été

admis que les coauteurs pouvaient se communiquer les éléments constitutifs de l’infraction,

cette théorie devrait conduire à considérer qu’en tant qu’élément constitutif de l’infraction

aggravée, la circonstance aggravante devrait également pouvoir se communiquer entre

coauteurs.

348. Inapplicabilité à la coaction. – Toutefois, faire de la circonstance aggravante

l’élément d’une nouvelle infraction conduit nécessairement à modifier les éléments de

l’infraction simple, et donc son acte et son résultat, voire son élément psychologique (en lui

adjoignant un dol spécial par exemple). Or l’entente sur l’acte ou le résultat infractionnel étant

le fondement de la coaction, il faudrait alors qu’elle porte sur un nouvel acte ou sur un

nouveau résultat pour que ce titre d’imputation soit caractérisé. Par exemple, le vol simple

suppose un acte de soustraction et le fait que la chose ait été soustraite comme résultat de

l’infraction. Mais cette infraction est aggravée notamment lorsqu’elle est précédée,

1076 C. pr. pén., art. 349.

1077 V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 889 et s. ; PH. CONTE et P.

MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 503 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –

Droit pénal général, préc., n° 823 et s. ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 714 et s. ; J. PRADEL, Droit

pénal général, préc., n° 679. 1078

C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 24. Dans

le même sens, v. notamment M. DALLOZ, Les circonstances aggravantes légales en droit criminel français, thèse

Nice, 2001, n° 48.

Page 292: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

292

accompagnée ou suivie de violences sur autrui1079

. L’infraction exige alors, outre l’acte de

soustraction, un acte de violence, ainsi qu’une incapacité totale de travail déterminée1080

en

supplément du fait que la chose ait été soustraite.

Caractériser une entente aussi précise se révèle alors particulièrement délicat : si

déterminer une entente sur la soustraction est envisageable, il est nécessairement plus difficile

d’en caractériser une portant sur une soustraction accompagnée de violences ayant entraîné

une incapacité totale de travail déterminée. Outre sa difficulté de mise en œuvre, cette

conception réduirait considérablement le champ d’application de la coaction : faute de

pouvoir constater une entente sur l’infraction aggravée et non plus simple, aucune coaction ne

pourrait être relevée en cas d’infraction réalisée avec une circonstance aggravante. La

coaction serait ainsi souvent cantonnée aux infractions simples.

349. Fondement classique de la communication et comparaison avec la

complicité. – Pourtant, si une telle conception se révèle difficilement praticable une fois

appliquée à la coaction, cela ne signifie pas pour autant que toute communication des

circonstances aggravantes entre coauteurs est impossible. Il faut simplement l’expliquer par

un autre fondement. D’ailleurs, la transmission de certaines circonstances aggravantes de

l’auteur vers le complice a toujours été admise, sous réserve de certaines conditions, en se

fondant sur l’emprunt de criminalité. La conception traditionnelle des circonstances

aggravantes peut donc laisser place à leur transmission. Or, en considérant que la circonstance

aggravante est indépendante de l’infraction simple, l’emprunt de la circonstance aggravante

reste envisageable, toujours en raison de l’interdépendance entre coauteurs, et de leur pouvoir

d’action déterminant sur l’infraction. Cependant, de même que s’agissant des éléments

constitutifs de l’infraction, la transmission des circonstances aggravantes entre coauteurs doit

se distinguer de celle entre auteur principal et complice.

1079 C. pén., art. 311-4, 311-5, 311-6 et 311-7.

1080 Selon que l’on raisonne sur l’article 311-4, 311-5, 311-6 ou 311-7 du Code pénal.

Page 293: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

293

B- La distinction avec la complicité

350. Communication à sens unique chez le complice. – Comme il l’a été montré

quant aux éléments constitutifs de l’infraction, la communication en matière de complicité ne

doit avoir lieu qu’à sens unique : seul l’auteur principal peut transmettre certaines

circonstances au complice. La proposition ne peut absolument pas être renversée. En effet, les

circonstances aggravantes réelles et mixtes1081

présentes chez l’auteur principal affectent

l’infraction que le complice emprunte. Ainsi, d’une part, le complice pourra se voir reprocher

ces circonstances aggravantes. Par exemple, l’usage d’une arme lors d’un vol devrait pouvoir

être imputé au complice dans la mesure où le fait sur lequel se greffe la complicité est alors un

fait de vol avec arme. De même, la circonstance relative à la qualité de l’auteur pourrait être

reprochée au complice, même s’il ne la caractérise pas lui-même1082

. La jurisprudence

traditionnelle1083

, comme plus récente1084

, est du reste en ce sens.

En revanche, et d’autre part, la réciproque ne devrait pas se vérifier : présentes

simplement chez le complice, ces circonstances ne colorent en aucun cas l’infraction et ne

peuvent donc être étendues à l’auteur principal, en aurait-il connaissance1085

. Ainsi, le fils qui

fournit une arme à autrui afin que ce dernier tue son père ne peut transmettre la circonstance

d’ascendance à l’auteur principal qui ne la caractérise pas. La solution a ainsi pu surprendre,

qui veut que le fils aidant à tuer son père encoure une peine moins sévère que celui qui aide

un fils à tuer son père. Elle n’était cependant pas discutée sous l’ancien Code pénal dans la

mesure où ce dernier consacrait l’emprunt de pénalité, mais avait conduit, en vertu de

considérations criminologiques et morales, à utiliser les théories contestables de la coactivité

et de la complicité corespectives1086

. Avec l’avènement du nouveau Code pénal, elle a été

remise en cause par une partie de la doctrine considérant que l’article 121-6 du Code pénal, en

disposant que le complice sera puni « comme auteur » et non « comme l’auteur », permettait

1081 Sur ces notions, v. infra n° 354 et s.

1082 En ce sens, v. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 563.

1083 V. notamment, Cass. crim., 25 oct. 1811, Bull. n° 141; 11 mai 1866, S. 1867, 1, 143 ; 23 avr. 1959, D. 1959,

jurispr. p. 338 ; 4 sept. 1976, Bull. n° 272 ; 2 févr. 1194, Bull. n° 50. 1084

Cass. crim., 7 sept. 2005, Bull. n° 219 ; D. 2006, Jur., p. 835, note E. DREYER. Cette décision a ainsi

expressément posé que « sont applicables au complice les circonstances liées à la qualité de l’auteur

principal ». 1085

Sur l’exigence de connaissance de la circonstance aggravante chez le complice : v. infra n° 366. Il faut en

outre remarquer que la simple connaissance de la circonstance n’implique pas nécessairement une entente à son

sujet, d’autant plus que l’auteur principal peut ignorer la participation du complice (v. supra n° 93 et s.). 1086

V. supra n° 9. V. également, sur la complicité corespective, supra n° 133.

Page 294: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

294

d’appliquer au complice la circonstance mixte qui aurait sa source en sa propre personne et

non en celle de l’auteur principal (la circonstance d’ascendance en l’espèce)1087

. Néanmoins,

si surprenante soit-elle au regard de considérations morales, la solution traditionnelle doit

prévaloir1088

eu égard aux règles gouvernant la participation à l’infraction1089

: parce que le

complice est un participant à l’infraction d’autrui, il ne peut qu’emprunter les circonstances

colorant cette infraction, et sa répression doit en dépendre. Cette dernière ne peut être

parfaitement autonome, dénuée de référence à la répression de l’infraction principale, sous

peine de nier toute idée de participation. En outre, la solution traditionnelle permet d’assurer

une cohérence avec celles retenues en matière de communication d’une qualité élément

constitutif de l’infraction1090

. Enfin, il ne faut pas oublier que la peine encourue n’est pas la

peine effectivement prononcée et que l’individualisation de la sanction pourra permettre de

moduler les solutions.

351. Communication à double sens chez le coauteur. – En revanche, en matière de

coaction, la communication des circonstances aggravantes doit s’effectuer à double sens,

puisque chaque coauteur nourrit l’infraction. Cette réciprocité dans la communication des

circonstances aggravantes, justifiée ainsi par le fait que chaque coauteur a un pouvoir d’action

sur la réalisation de l’infraction, apparaît en outre comme le pendant de l’interdépendance

entre coauteurs au stade de leur caractérisation. Comme le montre un auteur, « l’infraction

principale étant collective, tout coauteur peut faire évoluer la qualification globale des faits

Au contraire, le complice, lui, ne participe nullement à l’élaboration de cette qualification et

se contente de l’emprunter » 1091

. La distinction entre complices et coauteurs est alors patente.

En réalité, il est possible de considérer que seuls les coauteurs peuvent se voir appliquer une

véritable communication, impliquant une idée de réciprocité de la transmission des

circonstances aggravantes, alors qu’il serait préférable de parler de simple transmission des

1087 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 367 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,

n° 390, p. 415. 1088

En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 425 ; M.-L. RASSAT,

Droit pénal général, préc., n° 371 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 361. 1089

V. également F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-2, selon qui « d’une part,

toutes les aggravations de peine encourues par l’auteur se communiquent au complice et, à l’inverse, les causes

d’aggravation propres au complice ne peuvent être prises en compte. Il serait arbitraire d’appliquer une

proposition sans l’autre ». 1090

En effet, lorsque la qualité de l’auteur est un élément constitutif de l’infraction, la Cour de cassation

condamne le complice alors même qu’il ne revêtirait pas la qualité exigée : v. supra n° 334. 1091

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249.

Page 295: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

295

circonstances entre l’auteur principal et le complice, terme évoquant pour sa part l’idée

d’absence de réciprocité.

Quoi qu’il en soit, si le principe d’une communication pénale des circonstances

aggravantes de l’infraction collective est admis, cela ne signifie pas pour autant que cette

communication devra nécessairement avoir lieu. Il faut alors étudier les conditions dans

lesquelles ces éléments seront communicables entre coauteurs.

§2- Les conditions de la communication pénale entre coauteurs

352. Différents critères encadrant la communication pénale des circonstances

aggravantes sont envisageables (A), mais un seul peut être retenu (B).

A- Les critères envisageables

353. En matière de circonstances aggravantes, doctrine et jurisprudence distinguent

traditionnellement entre circonstances réelles et personnelles. L’étude de cette distinction en

tant que critère de communication entre coauteurs pourrait se révéler utile tant elle pourrait

justifier que le coauteur emprunte à son coparticipant certaines circonstances plutôt que

d’autres (1). Cependant, au regard de la notion de coaction précédemment établie, ce critère

souffre de certaines lacunes. Ainsi, il peut laisser place à une nouvelle proposition afin de

distinguer les circonstances communicables de celles qui ne le seraient pas, proposition

fondée sur l’étendue de l’entente entre coauteurs (2).

1- La distinction entre circonstances réelles et personnelles

354. Non-communication des circonstances personnelles. – La jurisprudence

distingue traditionnellement les circonstances « morales et personnelles » des circonstances

« matérielles » ou « réelles ». Les premières tiennent à la personne de l’agent, et ne

s’appliquent qu’au coauteur les revêtant. A cet égard, elles doivent faire l’objet d’une question

Page 296: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

296

distincte à l’égard de chaque coauteur en cour d’assises1092

. Il s’agit par exemple de la

circonstance de récidive, parfois qualifiée par la doctrine de circonstance « purement

personnelle »1093

.

Les auteurs approuvent généralement la solution1094

, d’autant plus qu’il a été observé

que ces circonstances affectent la responsabilité de l’agent, non l’infraction1095

. En retenant

cette dernière conception, il est logique que les conditions relatives à la responsabilité des

agents leur demeurent personnelles alors que celles relatives à l’infraction, parce qu’elle leur

est commune, puissent leur être étendues.

355. Communication des circonstances réelles. – Quant aux circonstances réelles ou

matérielles, elles tiennent aux faits entourant la commission de l’infraction simple1096

, et

s’étendent à tous, même ceux ne les ayant pas personnellement réalisées. S’agissant de ces

dernières, la Chambre criminelle dispose en effet qu’ « [elles] ne peuvent exister à l’égard de

l’un des auteurs sans exister à l’égard de l’autre »1097

. Dès lors, une fois relevées, elles

s’appliquent à tous les coauteurs, y compris ceux à l’égard desquels elles ne sont pas

personnellement caractérisées. Par exemple, la circonstance de port d’arme sera retenue à

l’encontre de tous les coauteurs d’un vol, y compris à l’encontre de celui n’ayant pas détenu

cette arme1098

, de même que la circonstance d’escalade1099

. Dès lors, une question unique,

commune à l’ensemble des coauteurs, peut être posée en cour d’assises à l’égard de ces

circonstances1100

.

356. Difficultés de mise en œuvre : les circonstances mixtes. – Cependant, cette

distinction est délicate à mettre en œuvre. Effectivement, la doctrine a mis en avant

1092 Cass. crim., 5 mars 1981, Bull. n° 83 ; 14 avr. 1999, D. 1999, somm. p. 323.

1093 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 5443 ; A. DECOCQ, Droit

pénal général, préc., p. 243 et 244 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 104. 1094

V. notamment C. JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 564. 1095

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249. 1096

Elles sont « inhérentes au fait même qui est un » : Cass. crim., 2 avr. 1898, Bull. n° 144 ; 8 mars 1972, Bull.

n° 89 ; 5 janv. 1973, Bull. n° 8 ; 15 nov. 1989, Bull. n° 421 ; 28 oct. 1992, Bull. n° 347. 1097

Cass. crim., 2 avr. 1898, préc. ; 22 déc. 1905, Bull. n° 570. 1098

Cass. crim., 4 janv. 1985, Bull. n° 9. Le motif de la Cour de cassation est d’ailleurs éloquent puisqu’elle y

considère que « la circonstance aggravante prévue par le second alinéa de l’article 384 du Code pénal est réelle

et inhérente au vol, et […] il suffit, pour qu’elle soit caractérisée qu’un seul des coauteurs de la soustraction

frauduleuse, ne fut-il pas l’un des accusés, ait été porteur d’une arme au moment de l’action ». 1099

Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288. 1100

Cass. crim.,11 janv. 1917, Bull. n° 7 ; 12 mars 1968, Bull. n° 83.

Page 297: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

297

l’existence d’une troisième catégorie de circonstances aggravantes, à mi-chemin entre les

circonstances personnelles et les circonstances réelles : les circonstances mixtes. Trouvant

leur source dans la personnalité de l’agent, elles affectent cependant l’infraction. Il s’agit par

exemple de la préméditation ou de la qualité d’ascendant. Cette catégorie de circonstances

aggravantes suscite deux difficultés principales.

En premier lieu, s’agissant des participants à l’infraction, la jurisprudence refuse

d’étendre au coauteur qui ne la revêtirait pas une telle circonstance, alors même que son

coparticipant en ferait état1101

, calquant ainsi son régime sur celui des circonstances

personnelles. En revanche, en matière de complicité, la jurisprudence applique généralement

le régime des circonstances réelles aux circonstances mixtes. Ainsi, sont par exemple

communiquées au complice la circonstance de préméditation1102

et celles tenant à une qualité

particulière de l’auteur1103

. La doctrine justifie généralement cette solution par l’emprunt de

criminalité : le complice empruntant la criminalité de l’auteur principal, tous les éléments qui

affectent l’infraction doivent lui être étendus. Toutefois, dans la mesure où complicité et

coaction sont toutes deux des modes de participation à l’infraction, une telle différence de

traitement ne se justifie pas, tout du moins s’agissant de la question de l’emprunt.

Effectivement, le caractère participatif de la coaction autorise également un tel emprunt et

devrait donc conduire à appliquer le régime des circonstances réelles aux circonstances mixtes

en matière de coaction également. Du reste, certains auteurs considèrent que ces

circonstances, parce qu’elles affectent l’infraction, doivent nécessairement pouvoir être

étendues à l’ensemble des coauteurs, y compris à ceux ne les caractérisant pas1104

. Une telle

solution permet enfin d’éviter l’utilisation particulièrement inopportune de la théorie de la

complicité corespective1105

. En effet, celle-ci est développée par la jurisprudence dans un but

répressif, afin d’éviter que la situation du coauteur ne soit plus favorable que celle du

complice : par exemple, si des individus commettent des violences sur une personne dont l’un

1101 V. notamment, s’agissant de la préméditation : Cass. crim., 3 janv. 1959, Bull. n° 16 ; 30 oct. 1996, Bull. n°

384, D. 1996, somm. 147, obs. J. PRADEL; 14 avr. 1999, pourvoi n° 98-84.081, D. 1999, somm. 323, obs. J.

PRADEL. V. encore, s’agissant de ses liens avec la victime : Cass. crim., 28 oct. 1975, Bull. n° 227. 1102

Cass. crim., 30 mai 1879, S. 1880, 1, p. 481 ; 5 juin 1956, Bull. n° 427 ; 2 fév. 1994, Bull. n° 50 ; 11 oct.

2000, JurisData n° 2000-006700. 1103

Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1860, 1, p. 600. 1104

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249. Il faut cependant remarquer que

l’auteur justifie cette solution en considérant que la circonstance mixte devient alors un élément constitutif de

l’infraction aggravée, ce que nous avons rejeté. 1105

V. supra n° 143 et s.

Page 298: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

298

des agresseurs est le conjoint, la jurisprudence classique devrait conduire à ne reprocher la

circonstance tenant à la qualité de conjoint de la victime qu’au coauteur la caractérisant. Les

juges retiennent donc généralement que tous les agresseurs sont complices les uns des autres

afin de pouvoir leur imputer à chacun cette circonstance. Mais si l’on considère que les

circonstances mixtes peuvent être reprochées à l’ensemble des coauteurs, la situation de ces

derniers ne sera pas plus enviable que celle des complices et ne nécessitera donc pas le

recours à cette théorie.

En second lieu, et de façon plus générale, la nature de certaines de ces circonstances

est controversée. Par exemple, certains estiment que la préméditation devrait s’analyser

comme une circonstance personnelle1106

. De même en est-il de la circonstance tenant aux

qualités d’ascendant, de descendant ou de conjoint1107

. Il est alors particulièrement délicat de

déterminer quel régime leur appliquer et donc de savoir si elles peuvent être étendues aux

participants à l’infraction ou non, solution qui ne peut satisfaire. Cependant, les décisions

rendues en matière de complicité laissent penser que pour la jurisprudence, la seule

circonstance personnelle quant à ses effets est la circonstance de récidive1108

. Toutes les autres

devraient donc se voir appliquer le régime des circonstances réelles.

357. Contestation de l’automaticité des solutions. – Surtout, et quelle que soit la

position retenue s’agissant des circonstances mixtes, beaucoup contestent l’automaticité de

ces solutions, aussi bien s’agissant de la complicité que de la coaction. En effet, il ne faudrait

pas conclure que dès lors que la communication des circonstances aggravantes est possible,

elle doit avoir lieu1109

. A cet égard, la doctrine déplore souvent que certaines circonstances,

même réelles, soient communiquées au complice alors que rien ne prouve qu’il en ait eu

connaissance s’il ne les réalise pas personnellement1110

. L’analyse doit être la même

s’agissant des coauteurs. A fortiori, si le coauteur n’a pas eu connaissance de cette

circonstance, les coparticipants ne peuvent s’être entendus à son sujet. Mais dès lors que la

1106 C. JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 593.

1107 Ibid. V. également S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, préc., n° 21.

1108 M. DALLOZ, « Circonstances aggravantes », Rép. pén., n° 78.

1109 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249.

1110 V. notamment F. DESPORTES et F. LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3; E. DREYER,

« Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut commettre à titre principal ? », note sous Cass.

crim., 7 sept. 2005, préc., D. 2006, p. 835, n° 8.

Page 299: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

299

communication pénale entre coauteurs se justifie par leur interdépendance1111

, et alors même

que l’interdépendance entre coauteurs est pour partie fondée sur l’entente1112

, l’absence de

cette dernière devrait impliquer l’impossibilité de communiquer les circonstances aggravantes

de l’infraction. En outre, et s’agissant des circonstances mixtes voire personnelles selon la

conception retenue, si des individus s’entendent, par exemple, pour tuer le père de l’un d’entre

eux, cette entente pourrait justifier que l’on impute la circonstance tenant à la qualité de

descendant à l’ensemble des coauteurs, y compris à celui n’étant pas le fils de la victime. Dès

lors, au-delà de la distinction fondée sur la nature des circonstances aggravantes, il semble

envisageable de fonder la communication de ces circonstances entre coauteurs sur l’existence

d’une entente à leur sujet.

2- L’étendue de l’entente

358. Distinction de l’entente en tant qu’élément constitutif de la coaction. – De

prime abord, il peut sembler étonnant de voir ressurgir la question de l’entente alors qu’elle

est apparue comme un des fondements de la coaction1113

. Pourtant, il n’y a aucune redondance

puisqu’elle est en réalité utile à deux stades distincts : elle sert en premier lieu à caractériser

l’existence d’une coaction, et apparaît donc d’abord comme un élément constitutif de cette

dernière, puis, en second lieu, c’est-à-dire une fois la coaction établie, elle permet de justifier

la communication des circonstances aggravantes. Cela est d’autant plus envisageable que

l’objet de l’entente n’est pas le même à chacune de ces étapes : alors qu’il s’agit de

caractériser une entente sur l’acte ou le résultat de l’infraction simple au stade de la

constatation d’une coaction, il s’agit ici de caractériser une entente sur un accessoire de cette

infraction simple.

359. Mécanisme. – Une fois ce principe admis, il faudrait donc considérer que toute

circonstance aggravante peut être communiquée entre coauteurs, dès lors qu’ils ont

connaissance de son existence. La circonstance relative au port d’arme lors d’un vol devrait

être communiquée à l’ensemble des coauteurs à condition que chacun ait été au courant de

1111 V. supra n° 323 et s.

1112 V. supra n° 91 et s.

1113 V. supra n° 91 et s.

Page 300: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

300

cette utilisation. De même, la circonstance de récidive devrait être imputée à tout coauteur,

bien qu’il ne la caractérise pas lui-même, dès lors qu’il a connaissance que son coauteur est

placé dans une telle situation. Cette solution aurait ainsi pour mérite d’éviter toute question

relative à la nature de la circonstance aggravante en cause.

360. Inapplication par la jurisprudence. – Pourtant, la jurisprudence ne l’applique

pas. Elle utilise simplement la distinction entre circonstances réelles et personnelles sans

accorder une quelconque importance à la connaissance ou non de la circonstance chez

l’ensemble des coauteurs. Ainsi, la circonstance de concomitance1114

, réelle, s’étend au

coauteur même s’il n’en a pas eu connaissance1115

, ce que dénoncent certains auteurs1116

.

361. Sévérité de la solution s’agissant des circonstances personnelles. – Pourtant, il

faut reconnaître que raisonner simplement sur l’existence d’une entente entre coauteurs sur la

circonstance aggravante, sans égard pour la nature de cette dernière, suscite des difficultés

s’agissant de certaines circonstances. L’exemple de la récidive permet de s’en convaincre. En

effet, la communication de la circonstance de récidive, même connue par chacun des

coauteurs, peut être discutée. Doit-on faire supporter à un coauteur la circonstance de récidive

caractérisée chez son coparticipant alors même que lui ne peut se la voir reprocher ? Parce

qu’elle est considérée comme une circonstance « purement personnelle », doctrine et

jurisprudence refusent une telle solution. Pourtant, il pourrait être fait valoir que l’individu

s’associant à une personne qu’il sait récidiviste la choisit en connaissance de cause, afin de

profiter de son expérience, et donc d’accroître ses chances de réussite. Dès lors, la dangerosité

des deux individus étant renforcée, elle pourrait d’autant plus justifier une communication de

la circonstance de récidive1117

. Enfin, la sévérité d’un tel régime pourrait avoir un effet

dissuasif sur les individus souhaitant s’associer à un récidiviste. Cependant, un auteur a

1114 Elle consiste en le fait d’accomplir concomitamment plusieurs infractions par une même personne. Par

exemple, en vertu de l’article 221-2 alinéa 1er du Code pénal, le meurtre est aggravé lorsqu’il est précédé,

accompagné ou suivi d’un autre crime. 1115

Cass. crim., 23 oct. 1946, Bull. n° 185 ; 16 oct. 1963, Bull. n° 284; 5 janv. 1973, Bull. n° 8; 15 nov. 1989,

Bull. n° 421. 1116

V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3, pour qui « la véritable

question est en réalité moins de savoir si telle ou telle circonstance aggravante doit, compte tenu de sa nature,

être appliquée ou non au complice, que de déterminer si le complice en connaissait l’existence ». 1117

Dans le même sens, v. E. DREYER, « Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut

commettre à titre principal ? », note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, préc., n° 8.

Page 301: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

301

montré que raisonner sur l’effet de la circonstance aggravante sur l’acte imposerait de vérifier

que celle-ci a concrètement eu un effet causal sur la réalisation de l’infraction, ce qui paraît

délicat1118

. En outre, étendre la circonstance de récidive aux coauteurs s’ils en avaient

connaissance se révèlerait certainement illusoire en pratique. Effectivement, les conditions

nécessaires à la caractérisation de cette circonstance sont complexes et il semble ainsi

particulièrement délicat de parvenir à prouver la conscience chez un des coauteurs de l’état de

récidive de son coparticipant1119

.

362. Opportunité de la solution. – Quoi qu’il en soit, si la solution est envisageable

d’un point de vue technique, il n’est peut-être pas certain qu’elle soit souhaitable des points de

vue criminologique et politique. Criminologiquement en effet, il peut sembler

particulièrement paradoxal de reprocher à deux individus d’être coauteurs de meurtre en état

de récidive alors même que l’un d’entre eux n’est pas, à titre personnel, en état de récidive.

Or, les différentes notions de participants établies avaient notamment pour intérêt de

correspondre aux représentations que s’en fait la criminologie1120

. Il serait donc inopportun de

réduire cet intérêt à néant lors de l’étude de leurs régimes respectifs. En outre, politiquement,

faire encourir la peine résultant de l’aggravation tenant à la récidive à un individu ne la

caractérisant pas semble peut-être excessif tant la sévérité de la loi est justifiée, dans une telle

hypothèse, par la personne même du délinquant. C’est parce que l’avertissement solennel de

la justice n’a pas eu d’effet sur lui qu’il doit encourir une peine plus sévère. En revanche, son

coparticipant n’a pas subi un tel avertissement, ce qui empêche de justifier une aggravation de

sa sanction.

De façon plus générale, ces remarques valent pour l’ensemble des circonstances

personnelles, dans la mesure où elles s’expliquent par des raisons tenant à la personnalité de

leur auteur et propres à chaque individu. Il semble alors particulièrement discutable de les

imputer à un coparticipant ne les revêtant pas, même s’il en a connaissance. Partant, si la

1118 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 593. Une

remarque similaire pourrait être faite s’agissant de la circonstance d’habitude, dont la nature de circonstance

personnelle a été contestée pour les raisons évoquées : en ce sens, v. S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le

droit de la complicité, préc., n° 19, pour qui l’habitude est une circonstance mixte. 1119

Sur les conditions de la récidive, v. notamment E. GARCON et V. PELTIER, Droit de la peine, Litec, 2010, n°

408 et s. Comp. E. DREYER, « Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut commettre à titre

principal ? », note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, préc., n° 8 pour qui la présomption d’ignorance de la

circonstance de récidive « évite une délicate question de preuve mais n’est guère justifiée au fond ». 1120

V. supra n° 227.

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302

communication des circonstances aggravantes fondée exclusivement sur l’existence d’une

entente entre coauteurs est également contestable, il semble alors préférable de retenir un

critère combinant à la fois la distinction entre circonstances réelles et personnelles et la

question de l’entente sur la circonstance aggravante en cause.

B- Le critère retenu

363. Combinaison des critères précédents. – Etant donné qu’il est reproché au

premier critère envisagé de ne pas faire cas de la question de l’entente entre coauteurs sur la

circonstance aggravante que l’on prétend leur communiquer, et au second de faire fi de la

distinction fondée sur la nature des circonstances, il est possible d’envisager de les mêler.

Ainsi, les circonstances personnelles, même connues de l’ensemble des coauteurs, ne

pourraient jamais leur être communiquées alors que les circonstances réelles et mixtes

pourraient être communiquées entre coauteurs, mais à la condition qu’ils en aient eu

connaissance. Cette conception est d’ailleurs retenue par une partie de la doctrine1121

.

364. Preuve de l’entente. – Il est vrai qu’un tel critère nécessite de « sonder les cœurs

et les esprits » afin de découvrir l’objet précis de l’entente. Pourtant, relevant d’une question

de preuve, il peut se satisfaire de présomptions. Ainsi, il est possible d’admettre l’existence

d’une entente sur une circonstance aggravante lorsque celle-ci était prévisible au regard de

l’infraction projetée1122

. Par exemple, l’effraction est une circonstance prévisible en matière

de vol. De même en est-il pour la préméditation s’agissant d’un meurtre projeté sur un

individu déterminé. En revanche, il est difficile d’admettre que des actes d’atteinte aux

personnes soient prévisibles lorsqu’un vol simple est envisagé. Ainsi, la solution qui

considère par exemple que la circonstance aggravante tenant à l’emploi de tortures ou d’actes

de barbarie doit être étendue à l’ensemble des coauteurs d’un assassinat et de vol qualifié1123

,

sans même rechercher si cette circonstance était connue de l’ensemble des coauteurs, doit être

contestée. Pour déterminer si une circonstance était prévisible pour le coauteur, il est possible

de s’appuyer, notamment, sur les solutions proposées en matière de complicité. En effet,

1121 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 226 et s.

1122 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 261.

1123 Cass. crim., 8 nov. 1989, Bull. n° 407.

Page 303: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

303

certains auteurs considèrent que ne peuvent être retenues contre le complice que les

circonstances qui portent atteinte à la même valeur que celle protégée par l’infraction

simple1124

. Dès lors, il serait possible de poser une présomption considérant que les

circonstances aggravantes portant atteinte à la même valeur que celle protégée par l’infraction

simple sont prévisibles et donc que les coauteurs se sont entendus dessus. Plus généralement,

il conviendrait ainsi de se demander si la circonstance était prévisible pour un individu moyen

placé dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire de porter une appréciation in abstracto1125

sur la prévisibilité de la circonstance. En cas de réponse positive, il existerait une présomption

d’entente entre coauteurs à son sujet. Mais cette présomption pourrait être renversée, en

prouvant que la circonstance n’était pas prévisible pour des raisons objectives ou subjectives.

Les coauteurs pourraient ainsi prouver que la circonstance, malgré sa prévisibilité in

abstracto, n’a pas été prévue : il s’agit par exemple de l’hypothèse dans laquelle des individus

projettent de cambrioler une entreprise gardée par des vigiles mais en prenant soin de s’y

rendre lors de la relève afin que personne ne soit présent ; or, les horaires changent et les

vigiles étant sur les lieux, des violences sont commises à leur égard. Abstraitement prévisible,

la circonstance de violences n’avait pourtant pas été prévue. Mais ils pourraient également

démontrer qu’aucune entente n’a eu lieu à l’égard de cette circonstance précisément parce

qu’ils s’étaient promis de ne pas la réaliser : c’est notamment le cas d’une promesse faite

entre les participants de ne pas utiliser d’arme pour effrayer autrui lors d’un vol.

En outre, certaines circonstances impliquent nécessairement que chacun des coauteurs

les connaisse car la coaction exige une concomitance : les circonstances tenant au lieu1126

ou

aux modalités de réalisation1127

de l’action et plus largement celles qui affectent de manière

nécessairement perceptible la réalisation de l’infraction sont ainsi nécessairement connues de

l’ensemble des coauteurs1128

.

1124 V. infra n° 366.

1125 Sur l’appréciation in abstracto, v. V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en

droit pénal, thèse Bordeaux, 1999. 1126

Par exemple la circonstance d’habitation ou de lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs,

marchandises ou matériels (v. notamment C. pén., art. 311-4 6°) ou encore celle de commission dans un véhicule

affecté au transport de voyageurs (v. notamment C. pén., art. 311-4 7°). 1127

Par exemple la circonstance de dissimulation du visage afin de ne pas être identifié (v. notamment C. pén.,

art. 222-12 15°). 1128

V. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 572 ;

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 261 ; A. LEGAL, Circonstances aggravantes

et participation criminelle, Rev. sc. crim. 1954, p. 756.

Page 304: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

304

365. Cohérence avec la complicité. – La solution ainsi retenue aurait en outre pour

mérite d’être cohérente avec les réponses apportées à la transmission au complice des

circonstances aggravantes de l’infraction, même si cette transmission ne peut avoir lieu qu’à

sens unique. En effet, doctrine et jurisprudence sont unanimes pour considérer que les

circonstances aggravantes personnelles demeurent propres à l’auteur principal et ne peuvent

donc être communiquées au complice1129

. Cette conclusion ne peut qu’être approuvée tant les

raisons ayant présidé à son adoption en matière de coaction se retrouvent ici1130

. En revanche,

le complice devrait pouvoir supporter toutes les circonstances aggravantes réelles de

l’infraction. En effet, dès lors que de telles circonstances affectent l’infraction, elles affectent

nécessairement le complice en vertu de l’emprunt de criminalité. Doctrine1131

et

jurisprudence1132

l’admettent là encore sans difficulté. Ainsi, la circonstance tenant à

l’escalade peut être étendue au complice d’un vol1133

, tout comme celle d’usage d’une

arme1134

. Quant aux circonstances mixtes, la solution est plus discutée. Dans la mesure où

elles affectent l’infraction1135

, elles devraient être transmises au complice en raison de

l’emprunt de criminalité. Si cette conclusion n’était pas débattue sous l’empire de l’ancien

Code pénal, certains auteurs la contestent aujourd’hui en se fondant sur une interprétation

littérale de l’article 121-6 du Code pénal. En effet, en disposant que le complice sera puni

« comme auteur » de l’infraction, ce dernier imposerait au juge de le sanctionner comme s’il

avait été lui-même l’auteur de l’infraction. Partant, les circonstances aggravantes mixtes,

parce qu’elles naissent en la personne de l’auteur principal de l’infraction, ne pourraient être

appliquées au complice s’il ne les caractérise pas1136

. Néanmoins, une telle interprétation est

1129 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 506 ; F. DESPORTES et

F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 559 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal

général, préc., n° 546 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 291 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc.,

n° 456 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 371; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 358. 1130

V. supra n° 361. 1131

R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 488 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 366 ; PH.

CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 425 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit

pénal général, préc., n° 564 ; S. FOURNIER, Rép. pén., préc., n° 140 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n°

390, p. 415 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel- Droit pénal général, préc., n° 546 ; J. PRADEL, Droit

pénal général, préc., n° 457 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 371 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal

général, préc., p. 358 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 105. 1132

Cass. crim., 26 janv. 1952, Bull. n° 32 ; 8 janv. 1981, Bull. n° 7. 1133

Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288. 1134

Cass. crim., 21 mai 1996, Bull. n° 206, Dr. pén. 1996, comm. n° 216, obs. M. VERON. 1135

V. supra n° 356. 1136

B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 367 ; F. DESPORTES et F. LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc.,

n° 562 ; S. FOURNIER, Le nouveau code pénal et le droit de la complicité, Rev. sc. crim. 1995, p. 475 ; J.

Page 305: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

305

contestable. En effet, la modification terminologique intervenue avec le nouveau Code pénal

s’explique principalement afin de permettre d’envisager la responsabilité pénale des

personnes morales, et aucune modification quant au régime des circonstances aggravantes

n’avait été souhaitée ou envisagée. En outre, une telle conception perd de vue que la

complicité est avant tout un mode de participation à l’infraction, qui implique donc, à ce titre,

de prendre une part de l’infraction, et ainsi de lui emprunter des éléments. Le complice prend

part à une infraction, il ne la réalise pas, à la différence d’un auteur, et l’on ne peut pas, en

conséquence, faire comme s’il avait été auteur de l’infraction lors de l’étude de son régime.

Cela reviendrait à confondre la répression de l’auteur et du complice, et peut-être, à terme

leurs notions1137

. Il semble alors nécessaire de considérer que le complice peut emprunter les

circonstances mixtes à l’auteur principal de l’infraction.

366. Exigence de connaissance de la circonstance aggravante par le complice. –

Cependant, de même qu’en matière de coaction, possibilité de communication ne signifie pas

automaticité de la communication. Ainsi, seules les circonstances connues du complice

devraient pouvoir lui être communiquées1138

. Pourtant, la jurisprudence ne partage pas cet

avis puisqu’elle considère que les circonstances réelles de l’infraction peuvent être

communiquées au complice même s’il les a ignorées1139

. Elle considère en effet qu’il « devait

prévoir toutes les qualifications dont le fait était susceptible, toutes les circonstances dont il

pouvait être accompagné »1140

. La solution est la même, malgré l’opposition d’une partie de

la doctrine1141

, s’agissant des circonstances mixtes puisque la Cour de cassation considère que

la préméditation peut être transmise au complice alors même qu’il n’en avait pas

connaissance1142

. Pour d’autres auteurs, la communication des circonstances aggravantes au

PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 458. Contra PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 425 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 336. 1137

Le sort réservé à la coaction en témoigne : la confusion entre son régime et celui de la complicité a conduit à

ne plus s’interroger sur la pertinence des qualifications de coauteur ou de complice en vertu de la théorie de la

peine justifiée, v. supra n° 9 et 506 et s. 1138

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité, préc., n° 228. 1139

Pour le complice d’un vol qu’il croit simple mais qui en réalité se révèle aggravé par le port d’une arme :

Cass. crim., 9 juin 1982, Bull. n° 155. 1140

Cass. crim., 31 déc. 1947, Bull. n° 270. 1141

V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3 ; M.-L. RASSAT, Droit

pénal général, préc., n° 371. V. également E. DREYER, Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il

ne peut commettre à titre principal ?, note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, D. 2006, p. 835. 1142

Cass. crim., 21 août 2002, inédit, pourvoi n° 02-83872, cité par J.-L. FIRON, La préméditation – Les

évolutions nécessaires d’une circonstance aggravante ancienne, Rev. pénit. 2005, p. 325. Plus généralement, la

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306

complice se justifierait seulement dans l’hypothèse où l’infraction aggravée commise par

l’auteur principal protège la même valeur sociale que celle protégée dans l’infraction

imaginée par le complice1143

. En réalité, de même qu’en matière de coaction, il semble que la

communication se justifie lorsque la circonstance ne pouvait être ignorée par le complice1144

car il était présent lors de sa réalisation, ou parce que cette circonstance était prévisible in

abstracto, c’est-à-dire par un individu moyen placé dans les mêmes circonstances1145

. Ce

critère permet ainsi une cohérence avec les solutions retenues en matière de complicité.

367. Conclusion de la section 2. – Ainsi, la communication pénale des circonstances

aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs doit être admise, sous réserve qu’elle

remplisse certaines conditions. Elle ne peut avoir lieu qu’à l’égard des circonstances réelles et

mixtes, et seulement dans l’hypothèse où le coauteur avait connaissance de l’existence d’une

telle circonstance. Là encore, même si elle se rapproche de la complicité tant dans son

principe que dans ses conditions de mise en œuvre, cette communication s’en distingue. En

effet, la réciprocité de cette communication, conséquence de l’interdépendance entre

coauteurs, est propre à la coaction et lui confère une véritable autonomie dans son régime.

Cour de cassation considère ainsi que « le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui

qualifient l’acte poursuivi, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui » : Cass. crim., 21 mai

1996, Dr. pén. 1996, n° 213, obs. M. VERON. 1143

J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 451 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 350. 1144

Sur l’exigence d’une approche subjective de la communication des circonstances aggravantes, v. E. DREYER,

note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, D. 2006, p. 835. 1145

Sur la preuve de la prévisibilité, voir les arguments développés s’agissant de la coaction : v. supra n° 364.

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307

Conclusion du chapitre 1

368. Le principe d’une communication pénale entre coauteurs. – L’interdépendance

entre coauteurs conduit à ce que chacun colore l’infraction et influe sur la qualification des

faits. Dès lors, elle justifie que s’établisse entre eux une véritable communication pénale, tant

s’agissant des éléments constitutifs de l’infraction que de ses circonstances aggravantes. La

solution peut sembler sévère de prime abord, mais lorsqu’un individu s’associe à quelqu’un

qui dispose d’un vrai pouvoir d’action sur l’infraction, comme l’est un coauteur, il doit savoir

que cet individu peut modifier la qualification pénale des faits. Il prend ainsi un risque qu’il

doit assumer et qui justifie une sévérité accrue dans sa répression.

369. La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective. – Ainsi,

puisque l’interdépendance entre coauteurs justifie que tous n’aient pas à accomplir l’ensemble

des éléments constitutifs de l’infraction collective, ces éléments constitutifs peuvent se

communiquer entre coauteurs. Une telle solution conduit alors à élargir le champ de la

répression s’agissant des infractions attitrées et complexes. En effet, l’individu ne possédant

pas la qualité exigée par le texte d’incrimination pourra néanmoins être poursuivi de ce chef

dès lors qu’il a pu être qualifié de coauteur et que son coauteur revêtait ladite qualité. De

même, s’agissant des infractions complexes, des coauteurs seront punissables même si chacun

n’a réalisé que l’un des éléments matériels exigés par le texte d’incrimination dans la mesure

où une fois réunis, leurs comportements permettent de caractériser l’infraction collective en

cause.

370. La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective. –

Mais l’interdépendance entre coauteurs permet également d’envisager une communication des

circonstances aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs. Pour autant, parce que les

circonstances aggravantes apparaissent comme un accessoire de l’infraction collective et non

comme un de ses éléments constitutifs, l’entente nécessaire à la caractérisation de l’infraction

collective ne les concerne pas. Il fallait alors préciser les conditions dans lesquelles cette

communication pouvait avoir lieu. Si plusieurs critères pouvaient être envisagés, seule une

Page 308: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

308

combinaison de ceux-ci a pu être retenue : la communication des circonstances aggravantes ne

doit concerner que les circonstances réelles et mixtes, uniquement si le coauteur en avait

connaissance. La solution permet ainsi de garantir une cohérence avec la complicité, tout en

assurant une véritable autonomie de la coaction. En effet, alors qu’entre un complice et un

auteur principal, seul ce dernier a une influence directe sur l’infraction commise, chacun des

coauteurs peut influer sur l’infraction. La communication pénale est donc ici nécessairement

réciproque.

Mais là n’est pas l’unique conséquence de l’étroitesse des liens unissant les coauteurs.

L’interdépendance les caractérisant devrait ainsi conduire à les traiter ensemble sur le plan

procédural. A la solidarité caractéristique de leurs relations répondrait ainsi une véritable

solidarité procédurale.

Page 309: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

309

Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs

371. Solidarité et indivisibilité. – Puisqu’il existe une véritable solidarité entre les

coauteurs lors de la réalisation de l’infraction, la logique voudrait que cette solidarité se

retrouve dans la procédure qui leur est appliquée. Dès lors, et pour s’assurer que

l’interdépendance propre à la notion de coaction produise des conséquences sur son régime

procédural, il semble nécessaire que les coauteurs soient jugés ensemble. Mais si plusieurs

mécanismes sont ainsi susceptibles de permettre une telle solution, seul celui relatif à

l’indivisibilité semble réellement répondre aux impératifs de la notion de coaction.

372. Solidarité et autorité de la chose jugée. – Cependant, si l’indivisibilité

procédurale doit être une conséquence nécessaire de la coaction, il demeure quelques

hypothèses dans lesquelles cette indivisibilité sera matériellement impossible à mettre en

œuvre. En conséquence, il appartient de s’interroger sur les solutions envisageables lorsque

cette indivisibilité n’aura pu être mise en place ab initio : que faire par exemple lorsque l’un

des coauteurs n’aura pu être jugé avec les autres car il n’avait pas été retrouvé à l’époque ? La

solution retenue à l’égard de ses coparticipants pourra-t-elle lui être appliquée ? Pourra-t-il la

contester ? Plus généralement, c’est ainsi à l’autorité de la chose jugée entre coauteurs qu’il

convient de s’intéresser.

373. L’indivisibilité entre coauteurs (Section 1) permettra ainsi de mieux appréhender

l’autorité de chose jugée entre coauteurs (Section 2).

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311

Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs

374. L’indivisibilité est souvent présentée comme une notion floue1146

, aux contours

méconnus1147

. En effet, si le Code de procédure pénale utilise ce terme dans son article

3821148

, il ne le définit jamais, au contraire de celui de « connexité » dont il est pourtant

souvent rapproché1149

. Pourtant, malgré ces difficultés de définition, il ne fait aucun doute que

l’indivisibilité s’appliquerait parfaitement à la coaction. Il faut ainsi s’attacher à la nécessité

d’une indivisibilité entre coauteurs (§1) pour mieux apprécier quels seront les effets de cette

indivisibilité sur les coauteurs (§2).

§1- La nécessité d’une indivisibilité entre coauteurs

375. Dans la mesure où l’indivisibilité est souvent rapprochée de la connexité, il

apparaît important de comparer les deux notions afin de démontrer en quoi la première est

préférable à la seconde. En effet, connexité et indivisibilité sont généralement rapprochées en

doctrine car toutes deux ont des effets sensiblement identiques, en permettant notamment de

proroger la compétence des juridictions1150

, et fondés sur une même justification : la bonne

administration de la justice. Cependant, ces effets ne sont qu’une faculté pour le juge en cas

de connexité alors qu’ils sont obligatoires en cas d’indivisibilité, c’est pourquoi il apparaît

nécessaire de distinguer les deux notions. Surtout, la définition donnée de ces deux notions

permet d’affirmer que si la connexité est envisageable entre coauteurs (A), l’indivisibilité lui

est préférable (B).

1146 J. PRADEL, L’instruction préparatoire, Cujas, Paris, 1990, p. 156.

1147 V. notamment S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, LexisNexis, 8

ème éd., 2012, n° 1306.

1148 Al. 4 : « la compétence du tribunal correctionnel s’étend aux délits et contraventions qui forment avec

l’infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ». 1149

Les deux notions sont effectivement étudiées ensemble dans la plupart des manuels de procédure et des

analyses doctrinales leur étant consacrées : v. notamment H. ANGEVIN, J.-Cl. Proc. pén., « Chambre de

l’instruction, Connexité et indivisibilité », art. 191 à 230, fasc. 50 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, coll.

Précis, 23ème

éd., 2012, n° 571 et s. ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 16ème

éd., 2011, n° 91 et s. 1150

Pour la connexité : en vertu des articles 210, 387 et 285 du Code de procédure pénale, la jonction des

procédures peut être ordonnée, ce qui est susceptible d’entraîner une prorogation de compétence lorsque les

affaires relèvent en principe de juridictions différentes. Pour l’indivisibilité, v. infra n° 388.

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312

A- La connexité envisageable

376. Définition. – Présente dans de nombreux articles du Code de procédure pénale1151

,

la connexité est définie à l’article 203 du même code. Ce dernier dispose en effet que « Les

infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs

personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en

différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles,

soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les

autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit

lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été,

en tout ou partie, recelées ». Il y aurait donc connexité entre infractions en cas d’unité de

temps et de lieu, d’unité de dessein, de relation de cause à effet entre elles ou lorsque l’une

d’entre elles a permis un recel de choses. En outre, la jurisprudence considère que ces quatre

hypothèses ne sont pas limitatives et a ainsi retenu la connexité « lorsqu’il [existait] entre les

faits des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus »1152

.

377. Lien avec la coaction. – La coaction répond ainsi à plusieurs de ces hypothèses.

En effet, celle visant la commission d’infractions « en même temps par plusieurs personnes

réunies » peut s’y appliquer puisque la coaction s’entend de la réalisation d’actes

concomitants pouvant avoir été commis sur un même lieu. De plus, le second cas de

connexité, correspondant à ce qui est couramment appelé la connexité « par unité de

dessein », peut également relever de la coaction dans la mesure où celle-ci exige une entente

entre les participants sur l’infraction commise, et ce d’autant plus que la condition de

concomitance propre à la coaction doit être entendue de façon extensive1153

. Ainsi la Chambre

criminelle a-t-elle retenu la connexité dans l’hypothèse de violences « commises en réunion

par plusieurs personnes, procédant d’une action concertée, déterminées par la même cause et

1151 V. notamment articles 285 et 286 relatifs à la cour d’assises, articles 382 alinéa 3, 387 et 467 relatifs aux

juridictions correctionnelles, 521 alinéa 4 relatif au tribunal et à la juridiction de proximité, 663 relatif au

dessaisissement du juge d’instruction ou encore 706-75 alinéa 2 relatif à la criminalité et à la délinquance

organisées. 1152

Cass. crim., 1er

mars 1907, Bull. n° 101 ; 12 juin 1954, Bull. n° 210 ; 6 janv. 1970, Bull. n° 11 ; 12 nov. 1981,

Bull. n° 302 ; 26 juil. 1988, Bull. n° 305 ; 28 mai 2003, Bull. n° 103 ; 7 juil. 2005, Bull. n° 206; 15 mars 2011,

inédit, pourvoi n° 10-81983. 1153

V. supra n° 283 et s.

Page 313: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

313

tendant au même but »1154

, c’est-à-dire dans une hypothèse de violences collectives. Or, ces

dernières devant être imputées à leurs auteurs au titre de la coaction1155

, la jurisprudence

témoignerait du lien entre coaction et connexité. Plus explicitement encore, elle a admis la

connexité dans une hypothèse de violences commises en réunion par des coauteurs1156

. Il faut

ainsi admettre que la coaction répond aux critères de la connexité. Partant, lorsque ce titre

d’imputation serait relevé, la connexité devrait nécessairement être retenue à l’égard de ses

participants.

378. Réserve. – Cependant, une réserve doit être apportée à ce constat. En effet,

l’article 203 du Code de procédure pénale vise la connexité entre plusieurs « infractions ». Or,

la coaction ne permet pas de caractériser plusieurs infractions mais intéresse la participation à

une seule infraction, collective1157

. Le fait de prendre part à une infraction au titre de la

coaction ne devrait donc pas, au sens strict, pouvoir être qualifié d’hypothèse de connexité

entre infractions comme le prévoit le texte, mais au mieux de connexité entre faits. Certes,

cette nuance n’est pas déterminante puisqu’il serait envisageable de modifier le texte en

considérant que les « faits » sont connexes dans les hypothèses visées. Néanmoins, elle

suggère que la connexité n’est peut-être pas la qualification procédurale la plus adaptée aux

coauteurs.

B- L’indivisibilité préférable

379. Définition jurisprudentielle. – Bien que le législateur évoque la notion

d’indivisibilité à l’article 382 du Code de procédure pénale1158

, il n’en donne aucune

définition. C’est donc à la jurisprudence qu’il est revenu de le faire. La Chambre criminelle a

ainsi très tôt affirmé que « l’indivisibilité entre les éléments d’une prévention suppose qu’ils

sont dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement

1154 Cass. crim., 22 oct. 1997, Bull. n° 345.

1155 V. supra n° 133 et s.

1156 Cass. crim., 22 fév. 2012, inédit, pourvoi n° 11-80858.

1157 V. supra n° 88 et s.

1158 Son alinéa 3 dispose en effet que « La compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et

contraventions qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ».

Page 314: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

314

intime, que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres »1159

.

D’autres décisions considèrent qu’il y a indivisibilité « lorsque les faits sont de nature à se

succéder naturellement »1160

, « lorsque les faits sont si intimement liés entre eux que l’une des

infractions est la suite nécessaire de l’autre »1161

, ou encore « lorsque les faits ont été commis

dans le même trait de temps, dans le même lieu, qu’ils ont été déterminés par le même mobile,

qu’ils procèdent de la même cause »1162

.

380. Difficultés de distinction avec la connexité. – Ces définitions rappellent ainsi

celle donnée de la connexité, ce que la doctrine ne manque pas de relever1163

. En outre, les

applications jurisprudentielles de l’indivisibilité participent également à l’incertitude quant à

la distinction entre les deux notions. En effet, des faits de violences réciproques volontaires

par exemple ont pu être considérés par la Cour de cassation comme indivisibles1164

alors

qu’elle les aura qualifiés de connexes dans une autre espèce1165

. De même, ont été jugés

connexes le délit d’association de malfaiteurs et les infractions commises en exécution de

l’entente établie entre les membres de cette association1166

alors qu’ont été considérés comme

indivisibles l’association de malfaiteurs commise en France et un crime commis à l’étranger

qu’elle visait à préparer1167

. Ces quelques illustrations témoignent ainsi du flou entourant la

définition de l’indivisibilité et son critère de distinction avec la connexité. Certes, les auteurs

sont unanimes pour considérer que l’indivisibilité implique un lien plus étroit entre les faits

que la connexité1168

. Cependant, cette affirmation ne résout pas les difficultés évoquées. C’est

pourquoi la doctrine s’est essayée à clarifier la situation en définissant elle-même la notion

d’indivisibilité afin de la délimiter par rapport à celle de connexité. Or, les différentes

solutions proposées permettent chacune d’envisager la pertinence de l’exigence d’une

indivisibilité procédurale entre coauteurs dès lors que la coaction est conçue comme un mode

1159 Cass. crim., 29 juil. 1875, Bull. n° 239. V. également Cass. crim., 28 mars 1914, Bull. n° 173 ; 18 juin 1947,

Bull. n° 159 ; 13 juin 1968, Bull. n° 196 ; 18 août 1987, D. 1988, somm. p. 194. 1160

Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 239. 1161

Cass. crim., 15 nov. 1928, DP 1932, 1, p. 56. 1162

Cass. crim., 15 oct. 1959, Bull. n° 435. 1163

V. notamment H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 52. 1164

Cass. crim., 13 fév. 1926, Bull. n° 64. 1165

Cass. crim., 17 janv. 1973, Bull. n° 24. 1166

Cass. crim., 27 nov. 1958, Bull. n° 699. 1167

Cass. crim., 20 fév. 1990, Bull. n° 84, D. 1991, jurispr. p. 395, note A. FOURNIER. 1168

V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Procédure pénale, Armand Colin, 4ème

éd., 2002, n° 125 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91.

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315

de participation à sa propre infraction. Si cette pertinence était avérée, l’exigence d’une

indivisibilité entre coauteurs devrait être admise. Il faut alors vérifier l’adéquation de la

coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité (1) puis son adéquation aux définitions

plus modernes de cette dernière (2).

1- L’adéquation de la coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité

381. Indivisibilité et unité d’infraction. – Pour certains auteurs, l’indivisibilité

suppose nécessairement l’unité d’infraction. Ainsi Garraud considère-t-il qu’elle « implique

toujours qu’un seul délit a été commis »1169

. De même, Hélie explique qu’elle suppose un seul

délit commis par plusieurs personnes1170

. Ce constat permettrait d’ailleurs de distinguer entre

indivisibilité et connexité, cette dernière supposant pour sa part une pluralité d’infractions

qu’elle viendrait lier. Du reste, cette conception peut être appuyée par un argument

sémantique dans la mesure où la jurisprudence vise généralement une indivisibilité entre des

faits là où la loi envisage une connexité entre des infractions1171

. Ainsi, la coaction, en ce

qu’elle suppose également une unité d’infraction1172

et une pluralité de faits, devrait entraîner

une indivisibilité, ce que ces auteurs admettent sans difficulté.

Cependant, d’autres auteurs ont montré que l’indivisibilité ne pouvait être réduite aux

hypothèses d’unité d’infraction, mais recouvrait également les situations dans lesquelles

plusieurs infractions pouvaient être relevées1173

. Ainsi, la doctrine explique classiquement que

si l’indivisibilité peut être le fruit de l’unité d’infraction, elle peut également résulter d’une

unité d’agent, ce dernier ayant commis plusieurs infractions1174

. D’autres définitions de

l’indivisibilité ont ainsi pu être proposées.

1169 Traité théorique et pratique d’instruction criminelle et de procédure pénale, Sirey, 1909, tome 2, p. 422. V.

également p. 397 : « l’indivisibilité implique l’unité de délit » et p. 409 « l’indivisibilité suppose l’unité de délit ;

elle en est le résultat ». 1170

Traité de l’instruction criminelle, 2ème

éd., n° 2359 p. 539. 1171

V. supra n° 378. 1172

V. supra n° 88 et s. 1173

V. notamment M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc., spéc. n° 7. 1174

V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; S. GINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,

préc., n° 1306 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91.

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316

382. Indivisibilité et condition sine qua non. – Il a par exemple été montré que

l’intensité du lien causal unissant les faits permet de distinguer indivisibilité et connexité1175

.

En vertu de cette conception, lorsque l’un des faits a été la condition sine qua non de la

réalisation de l’autre, tous deux devraient être considérés comme indivisibles sur le plan

procédural. Pour preuve, la jurisprudence considère que l’indivisibilité des faits suppose « un

lien tellement intime que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des

autres »1176

. A contrario, quand le fait n’aura pas été une condition sine qua non de la

réalisation de l’autre fait, mais simplement utile à cette dernière, la connexité pourrait être

retenue1177

. Or, dans la mesure où le coauteur a été défini comme un individu au pouvoir

causal déterminant, c’est-à-dire comme une condition sine qua non du résultat

infractionnel1178

, la coaction devrait, là encore, impliquer une indivisibilité procédurale telle

que définie ici. En revanche, parce que la complicité suppose une intensité causale indirecte

unissant le complice au résultat infractionnel, celle-ci pourrait n’entraîner qu’une connexité

entre les faits.

Toutefois, ce critère de distinction entre connexité et indivisibilité a également été

décrié en ce que la jurisprudence ne l’appliquait pas nécessairement, ou ne s’en contentait

pas1179

. En outre, sa difficulté de mise en œuvre a également été relevée : comment apprécier

qu’une infraction ne se comprenne sans l’autre1180

? C’est pourquoi certains auteurs ont tenté

de donner de nouvelles définitions à la notion d’indivisibilité.

1175 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, Dalloz, Nouvelle bibliothèque des thèses, 2008, n° 771.

1176 Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 54.

1177 Dans le même sens, O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 771. Poursuivant le

raisonnement, cet auteur considère qu’alors que l’indivisibilité implique une idée de nécessité dans la jonction

des poursuites, la connexité répond pour sa part à une idée d’utilité dans la jonction des poursuites (v. n° 774). 1178

V. supra n° 228 et s. 1179

O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 772. 1180

A cet égard, il pourrait tout de même être objecté qu’une infraction pourrait être considérée comme ne

pouvant se comprendre sans l’autre dans l’hypothèse où sa poursuite à titre autonome ne pourrait être envisagée

sans qu’il soit nécessaire de se référer à d’autres faits. En ce sens, v. O. DECIMA, L’identité des faits en matière

pénale, préc., n° 774, qui pose la question de la sorte : « L’appréciation isolée d’un des faits qui composent

l’action criminelle est-elle possible ? Si la réponse est positive, les faits doivent être considérés comme

connexes. Si elle est négative, les faits sont indivisibles ».

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317

2- L’adéquation de la coaction aux définitions modernes de l’indivisibilité

383. Nombre de liens entre les faits. – Tentant de systématiser les solutions

jurisprudentielles, un auteur a proposé une nouvelle définition de l’indivisibilité1181

. Selon lui,

l’indivisibilité devrait s’entendre de la réunion de deux critères de la connexité. Plus

précisément, il y aurait indivisibilité dans l’hypothèse où l’unité de temps et de lieu étant

réalisée, on constaterait en outre une unité de dessein ou une relation de cause à effet1182

. Il

s’agit alors de retenir plusieurs liens d’unité entre les faits1183

. Or, sans y adhérer parfaitement,

la notion de coaction établie pourrait relever de cette dernière définition si celle-ci était

comprise dans un sens large. En effet, bien que la coaction n’exige pas une unité de lieu, il a

été constaté qu’elle supposait une concomitance entre les actes du coauteur, concomitance

entendue largement1184

. L’unité de temps est donc respectée. En outre, dans la plupart des

hypothèses, une unité de lieu pourra également être constatée. Enfin, sans aller jusqu’à exiger

une unité de mobile, la coaction suppose une entente entre les coauteurs. Partant, en

considérant que l’unité de dessein nécessaire à la caractérisation de l’indivisibilité pourrait

s’entendre comme une entente sur l’acte ou le résultat infractionnel, sans imposer également

une identité de mobile, l’unité de dessein pourrait également être relevée entre coauteurs. Dès

lors, deux, voire trois liens d’unité pouvant être relevés entre les coauteurs, l’indivisibilité

telle que définie ici devrait être retenue à leur égard.

384. Critère fonctionnel. – Un dernier critère de distinction entre indivisibilité et

connexité doit être cité, qui témoigne, là encore, de son adéquation avec la notion de coaction.

Un auteur a en effet montré que l’indivisibilité permettait « de soumettre des faits distincts au

régime de faits identiques »1185

, et ainsi de réduire à une cause unique des causes de poursuite

multiples. Dès lors, il est concevable de considérer l’effet de l’indivisibilité comme un critère

de définition de celle-ci, c’est-à-dire d’utiliser un critère fonctionnel. Or, envisagée de la

sorte, la notion de coaction pourrait à nouveau témoigner de son adéquation avec

l’indivisibilité. Effectivement, il a été établi que la coaction pouvait conduire à réduire une

1181 M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc.

1182 V. spéc. n° 12.

1183 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 765 et 766.

1184 V. supra n° 283 et s.

1185 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 776.

Page 318: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

318

pluralité de causes à l’unité. Plus précisément, en matière de dommages causés en groupe,

l’entente s’analyse comme le moyen de faire émerger une cause unique lorsqu’il est

impossible de démêler les différents actes ayant conduit au résultat infractionnel, et donc les

différents liens de causalité unissant chaque individu à ce dernier, et permet ainsi de retenir

une coaction1186

. Ce sont donc des logiques semblables qui animent la coaction ainsi que

l’indivisibilité1187

, expliquant ainsi que la coaction doive entraîner une indivisibilité de la

procédure applicable aux coauteurs.

385. Fondement du lien entre coaction et indivisibilité : l’interdépendance entre

coauteurs. – Les principales définitions de l’indivisibilité convergent ainsi pour considérer

que la coaction doit entraîner l’indivisibilité. D’ailleurs, la doctrine acquiesce généralement à

cette affirmation1188

. Cependant, selon l’acception retenue de l’indivisibilité, la justification

d’un tel constat diffère. Or, s’il semble bien, par exemple, que l’on ne puisse nier les liens

existant entre unité d’infraction, et donc coaction, et indivisibilité, il n’est pas certain que

l’indivisibilité doive nécessairement s’analyser comme la conséquence de l’unité d’infraction.

Plus que cela, elle est certainement avant tout la conséquence de l’interdépendance entre les

comportements en cause. Un auteur relève en ce sens que « si ces infractions sont

juridiquement indivisibles, c’est parce qu’elles le sont d’abord au sens courant du terme »1189

,

c’est-à-dire qu’il est quasi impossible de dissocier les différents comportements en cause. En

réalité, c’est parce que les faits sont indivisibles qu’il convient de les traiter ensemble d’un

point de vue procédural1190

. Dès lors, la notion de coaction se caractérisant par

l’interdépendance unissant les coauteurs, une fois constatée, elle ne pourrait entraîner qu’une

indivisibilité. L’idée d’interdépendance pour expliquer l’indivisibilité procédurale n’est

d’ailleurs pas étrangère à la jurisprudence. Dans son célèbre arrêt de 1875 définissant cette

1186 V. supra n° 132 et n° 177 et s.

1187 Même s’il est vrai que le terme de cause n’est pas entendu dans le même sens dans les deux cas (alors qu’il

renvoie à la cause au sens de l’action en justice dans le premier, il évoque la cause au sens de la causalité dans le

second), le mécanisme de réduction de la pluralité à l’unité permet ce parallèle. 1188

V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Procédure pénale, Armand Colin, 4ème

éd., n° 125 ; M.-L. RASSAT, Traité de procédure pénale, PUF, 2001,

n° 108. Comp. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, préc., n° 709, qui distinguent

l’hypothèse d’indivisibilité de celle d’unité de fait délictueux, seule à concerner les participants à l’infraction. 1189

M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, JCP G 1961, I, 1607. 1190

Il convient d’ailleurs de noter que considérer que l’indivisibilité des faits doit entraîner une indivisibilité de

la procédure ne signifie nullement que l’indivisibilité de la procédure ne peut avoir lieu qu’à cette condition.

L’indivisibilité des faits n’est en effet pas la seule hypothèse dans laquelle il existe des liens si étroits entre les

faits que l’existence des uns ne pourrait se comprendre sans celle des autres .

Page 319: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

319

notion1191

, la Cour de cassation a en effet énoncé que l’indivisibilité entre des faits devait être

retenue lorsqu’ils sont « dans un rapport mutuel de dépendance ». Or, un rapport mutuel de

dépendance n’est rien d’autre qu’une façon différente de nommer une interdépendance.

Partant, c’est bien l’interdépendance entre coauteurs qui implique une indivisibilité

procédurale entre eux1192

.

386. Distinction avec la complicité. – Au contraire, bien que certains auteurs

considèrent la complicité comme indivisible du fait auquel elle se rapporte1193

, il est possible

de remarquer que l’on ne retrouve pas nécessairement une telle interdépendance en présence

d’un auteur principal et de son complice. La dépendance a en effet lieu à sens unique1194

. Il

serait alors envisageable que la complicité n’entraîne pas nécessairement une indivisibilité,

faute d’interdépendance, mais peut-être simplement une connexité. Du reste, les différentes

définitions de l’indivisibilité ne s’adaptent pas nécessairement à la notion de complicité. Par

exemple, tel sera le cas si l’on considère que l’indivisibilité impose de se greffer sur une

infraction unique. En effet, il a été vu que complice et auteur principal ne participaient pas

nécessairement à la même infraction1195

. De plus, les comportements du complice et de

l’auteur principal ne sont pas véritablement étroitement mêlés : les actes du complice sont

parfaitement autonomes de ceux de l’auteur principal, la complicité disposant d’ailleurs

d’éléments constitutifs propres. Les faits n’étant ainsi pas indivisibles, ils ne devraient pas

conduire à une indivisibilité procédurale. Mais une telle restriction de cette dernière en

matière de participation à la coaction est certainement appréciable tant ses effets sont

contraignants.

1191 Cass. crim., 29 juil. 1875, préc.

1192 Du reste, le droit civil rapproche également les notions d’indivisibilité et d’interdépendance en matière

d’ensembles contractuels afin d’exprimer le lien unissant deux contrats : v. notamment M. BACACHE,

« Indivisibilité », Rép. civ., Dalloz, 2009, n° 76 et les références citées. 1193

B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale,

préc., n° 125 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91 ; J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, préc.,

n° 903. 1194

V. supra n° 202, 335 et 343. 1195

V. supra n° 102 et s.

Page 320: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

320

§2- Les effets de l’indivisibilité entre coauteurs

387. L’indivisibilité est généralement invoquée afin que différents faits soient instruits

et jugés ensemble, donc en même temps et par les mêmes juges, permettant ainsi une bonne

administration de la justice. Elle a alors pour effet principal d’entraîner une jonction des

procédures (A). Mais d’autres effets peuvent lui être attachés, qui auront également un impact

sur les coauteurs (B).

A- Effet principal de l’indivisibilité entre coauteurs

388. Jonction des procédures obligatoire. – Traditionnellement, l’indivisibilité a pour

principal effet d’entraîner une jonction des procédures. Cette jonction est obligatoire1196

,

expliquant que la chambre de l’instruction ne puisse ordonner le renvoi de prévenus

d’infractions indivisibles devant des juridictions différentes1197

. Partant, une telle jonction sera

obligatoire en présence de coauteurs. Cette solution est évidemment particulièrement

appréciable puisque tous participent à la même infraction et que leurs comportements sont

étroitement mêlés. Il serait donc difficilement concevable de les juger séparément. Dès lors,

cette jonction de procédures pourra entraîner une prorogation de compétence, faisant ainsi

échec aux règles classiques d’attribution de compétence1198

. Certes, l’article 383 du Code de

procédure pénale énonce que la compétence du Tribunal correctionnel à l’égard d’un prévenu

« s’étend à tous coauteurs et complices », pouvant ainsi laisser penser que le constat d’une

jonction de procédures fondée sur l’indivisibilité entre coauteurs ne présente que peu

d’intérêt. Cependant, ce texte n’est en réalité qu’une application particulière du principe

d’indivisibilité1199

et ne concerne que la compétence territoriale du Tribunal correctionnel1200

.

Il ne dispose d’aucun équivalent s’agissant de la Cour d’assises ou du Tribunal de police, tout

1196 Contrairement à ce qu’il en est s’agissant de la connexité, pour laquelle le jonction est simplement facultative

(v. notamment Cass. crim., 19 sept. 1861, Bull. n° 213 ; 4 janv. 1957, Bull. n° 8 ; 13 fév. 1974, Bull. n° 64 ; 23

mars 1982, Bull. n° 85). 1197

Cass. crim., 21 oct. 1940, Bull. n° 240 ; 15 oct. 1959, Bull. n° 435. 1198

Dans la mesure où une telle prorogation sera envisagée par la loi : v. par exemple, s’agissant de la

compétence matérielle, les articles 181 et 214 (cour d’assises), 382 alinéa 3 (tribunal correctionnel) et 521 alinéa

4 (tribunal de police) du Code de procédure pénale. 1199

En ce sens, v. M. ROYO, « Point trop n’en « faux »… sur le banc des accusés ! », D. 2006, p. 352, note sous

CA Toulouse, 14 avr. 2005. 1200

A. MARON, « Tribunal correctionnel, Compétence et saisine », J.-Cl. Proc. pén., art. 381 à 392-1, Fasc. 15,

n° 84.

Page 321: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

321

comme des juridictions d’instruction, et ne règle pas les difficultés relatives aux prorogations

des autres types de compétence (personnelle et matérielle). Les principes applicables en

matière d’indivisibilité vont alors permettre de résoudre ces questions, que ce soit s’agissant

du conflit existant entre une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception (1), ou

de celui pouvant surgir entre deux juridictions de droit commun (2).

1- Le conflit entre une juridiction de droit commun et une juridiction

d’exception

389. Principe. – En premier lieu, si une juridiction de droit commun et une juridiction

d’exception sont compétentes, la prorogation s’effectue classiquement à l’égard de la

juridiction de droit commun. En effet, cette dernière dispose d’une plénitude de juridiction1201

.

390. Le cas particulier des juridictions pour mineurs. – Cependant, ce principe est

mis à mal en cas d’infractions commises à la fois par des majeurs et des mineurs. Ainsi, si un

majeur s’entoure d’un coauteur mineur pour commettre une infraction, ce dernier devra

nécessairement être jugé par une juridiction pour mineurs. Quant à son coauteur majeur, il

devra être renvoyé devant la juridiction de droit commun, mais pourra également être jugé par

la cour d’assises des mineurs, qui verra donc sa compétence prorogée, dans l’hypothèse où le

mineur accusé aura 16 ans ou plus. En revanche, face à un délit, les majeurs ne peuvent être

jugés par le Tribunal pour enfants en vertu de l’article 9 alinéa 3 de l’ordonnance de 1945. Il y

a ainsi nécessairement une disjonction des poursuites. Cependant, la loi du 10 août 20111202

instituant un Tribunal correctionnel pour mineurs1203

, prévoit pour sa part la compétence de ce

dernier pour juger des majeurs complices et coauteurs de mineurs1204

, évitant ainsi cette

disjonction des poursuites. Sans juger de l’opportunité de la mise en place d’une telle

juridiction, beaucoup décriée en doctrine1205

, il faut néanmoins reconnaître que cette solution

1201 En ce sens, v. notamment M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc., n° 21.

1202 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le

jugement des mineurs, JO n° 0185 du 11 août 2011. 1203

Ce Tribunal correctionnel pour mineurs aura en charge les mineurs récidivistes âgés de seize à dix-huit ans

au moment des faits et poursuivis pour avoir commis des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement :

Ord. 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 1. 1204

Ord. 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 3. 1205

V. notamment « Adapter la justice pénale des mineurs : entre modifications raisonnables et innovations

fondamentales, 70 propositions », Rapport remis au garde des Sceaux, La Doc. fr., 2009, p. 138 et 139.

Page 322: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

322

a pour mérite de permettre une jonction des procédures applicables aux majeurs et aux

mineurs. Du reste, les travaux de la commission Varinard ayant inspiré la réforme avaient

précisément relevé l’intérêt de ce tribunal afin d’éviter une disjonction des poursuites dans

une telle hypothèse1206

.

Il demeure pourtant que, considéré dans sa globalité, le système alors mis en place,

s’agissant de la jonction de procédures tout du moins, confine au non-sens : si le mineur ayant

agi en état de coaction avec un majeur relève de la Cour d’assises, cette dernière pourra

connaître des deux individus ; la solution sera la même si le mineur relève du Tribunal

correctionnel pour mineurs ; en revanche, s’il relève du Tribunal pour enfants, les procédures

devront être disjointes. Or, aucun critère objectif ne justifie une telle différence de traitement.

391. Proposition : prorogation de compétence de la juridiction pour mineurs

obligatoire. – Il est évidemment parfaitement logique que les mineurs ne puissent être jugés

par une juridiction pour majeurs dans la mesure où leur privilège de juridiction a été consacré

par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la

République1207

, ainsi que par différents textes internationaux1208

. Cependant, permettre une

disjonction de procédures peut conduire à des solutions peu conciliables, voire

contradictoires. Dès lors, imposer une jonction des procédures et confier l’affaire à la même

juridiction, spéciale lorsque des mineurs sont impliqués, permettrait de limiter ce risque. Du

reste, la doctrine relève, s’agissant du crime commis conjointement par un majeur et des

mineurs, qu’ « en pratique, pour éviter des verdicts peut-être inconciliables, l’habitude est

d’éviter la disjonction et de choisir la seconde solution [c’est-à-dire celle consistant à

renvoyer le majeur devant la cour d’assises des mineurs], plus simple à tous les égards »1209

.

La jurisprudence a en outre admis que la juridiction pour mineurs restait compétente à l’égard

des majeurs qui comparaissent devant elle, peu important que le mineur justifiant la

compétence de cette juridiction disparaisse de la procédure avant l’audience (la cour ayant par

1206 PH. BONFILS, La réforme du droit des mineurs par la loi du 10 août 2011, D. 2011, p. 2286, spéc. n° 7.

1207 Cons. const., 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953, Gaz. Pal. 4-5 sept. 2002, p. 3, note J.-E. SCHOETTL.

1208 V. PH. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, coll. Précis, 1

ère éd., 2008, n° 1245.

1209 A. VITU, Juridiction compétente pour juger, en cas de crime, un mineur et des coaccusés majeurs, Rev. sc.

crim. 1990, p. 59. V. également, s’agissant du Tribunal correctionnel pour mineurs, PH. BONFILS, La réforme du

droit des mineurs par la loi du 10 août 2011, préc., n° 12 : « Sur ce point, cette juridiction permettra d’éviter la

disjonction des procédures, qui, en pratique, se révèle souvent très gênante pour la compréhension des faits et

l’identification des responsabilités au sein d’un groupe d’individus ».

Page 323: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

323

exemple ordonné une disjonction pour des raisons procédurales)1210

. Admettre une

prorogation de compétence pourrait, et devrait, ainsi être non plus une simple faculté mais une

véritable obligation en présence de coauteurs majeurs et mineurs, et ce quelle que soit la

juridiction dont relèvent ces derniers1211

. Cette proposition assurerait une cohérence des

solutions à leur égard et répondrait à l’interdépendance les unissant.

392. Le cas particulier des juridictions militaires. – De même, une difficulté similaire

se pose au sujet des juridictions militaires. En effet, l’article L. 121-8 du Code de justice

militaire dispose que « la compétence du tribunal aux armées s’étend à tous auteurs ou

complices lorsque l’un d’eux est justiciable de ces juridictions ». Bien qu’il n’envisage pas

une hypothèse d’indivisibilité ou de connexité, il mentionne une prorogation de compétence

applicable aux coauteurs1212

, que l’interdépendance les unissant justifie pleinement. En effet,

pour les mêmes raisons que celles évoquées s’agissant des coauteurs majeurs et mineurs, la

solution doit être approuvée en ce qu’elle rend obligatoire la prorogation de compétence de la

juridiction spéciale.

En réalité, il existe ainsi de nombreuses exceptions au principe de plénitude de

juridiction des juridictions de droit commun, à tel point que certains auteurs s’interrogent

quant à savoir si ces exceptions n’auraient pas vidé le principe de son sens1213

.

Certes, la compétence spéciale des juridictions est généralement fondée sur la

personne (mineur ou militaire ici), et la proposition vise à l’étendre à des faits. Cependant,

cette extension est alors fondée sur la qualité particulière de l’un des coauteurs qui imposait

de le soumettre à une juridiction spéciale. Or, les faits commis par cette personne étant

indivisibles de ceux commis par ses coauteurs, c’est finalement d’une extension quant aux

personnes dont il s’agit. Il serait du reste envisageable que dans un tel cas de figure, la

composition des juridictions spéciales soit quelque peu adaptée afin de prendre en compte

1210 Cass. crim., 4 juil. 1989, Cheraa, inédit, cité par A. VITU, Juridiction compétente pour juger, en cas de

crime, un mineur et des coaccusés majeurs, préc. 1211

Il est vrai que la composition du Tribunal pour enfants pourrait se révéler être un inconvénient à cette

prorogation dans la mesure où elle met en jeu des acteurs dévoués aux questions de l’enfance. Cependant, il

serait envisageable de l’adapter en cas de coaction avec des majeurs. 1212

Il faut d’ailleurs noter que contrairement à de nombreux textes du Code de procédure pénale qui visent les

« auteurs, coauteurs ou complices » d’une infraction, ce texte ne mentionne pas expressément les coauteurs.

Cependant, les coauteurs étant assimilés à des auteurs en vertu de leur définition classique, il peut être admis que

le texte les vise implicitement. 1213

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n° 710.

Page 324: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

324

plus efficacement les personnes ne relevant traditionnellement pas de la compétence de ces

juridictions.

393. En second lieu, traditionnellement, l’indivisibilité et la prorogation de compétence

posent la question de savoir quelle juridiction privilégier lorsque deux juridictions de droit

commun sont susceptibles d’être compétentes.

2- Le conflit entre deux juridictions de droit commun

394. Lorsque deux juridictions de droit commun sont en conflit en raison de

l’indivisibilité unissant les coauteurs, il est possible de distinguer selon que ce conflit

s’explique en raison de leur compétence matérielle ou de leur compétence territoriale.

395. Conflit entre deux juridictions de droit commun et compétence matérielle. –

S’agissant de la compétence matérielle des juridictions, l’interrogation pourrait paraître, a

priori, manquer de pertinence lorsqu’elle est appliquée à la coaction. En effet, fondée sur la

nature de l’infraction, la compétence matérielle n’a généralement pas à être prorogée en

présence de coauteurs : parce que la division tripartite des infractions détermine la

compétence des juridictions d’instruction et de jugement1214

, les coauteurs devraient

nécessairement être soumis au même juge. En effet, ils réalisent la même infraction, et donc la

même contravention, le même délit, ou le même crime. Cependant, une hypothèse de

prorogation de la compétence matérielle en présence de coauteurs pourrait être envisagée.

Ainsi, si une circonstance aggravante faisant changer l’infraction de nature était caractérisée à

l’égard de l’un des coauteurs mais pas des autres, le lien d’indivisibilité unissant les différents

comportements devrait conduire à proroger la compétence de l’une des juridictions. Par

exemple, si un vol est commis par des individus agissant en qualité de coauteurs et que l’un

d’entre eux commet en outre des tortures et actes de barbarie sur la victime sans que les autres

en aient connaissance, les coauteurs du vol ne pourront être qualifiés de coauteurs du vol

1214 En vertu de l’article 79 du Code de procédure pénale pour les juridictions d’instruction, et des articles 231

pour la Cour d’assises, 381 pour le Tribunal correctionnel et 521 pour le Tribunal de police du même code.

Page 325: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

325

accompagné de tortures et actes de barbarie. Or, cette dernière infraction étant un crime1215

,

elle relève de la compétence de la Cour d’assises alors que le vol, même commis en réunion,

relève du Tribunal correctionnel1216

. Dès lors, dans la mesure où les faits de vol commis en

coaction ainsi que les tortures et actes de barbarie sont étroitement mêlés, l’indivisibilité

devrait être retenue et conduire à une jonction de procédures. Dans une telle hypothèse, il

faudra alors appliquer les solutions classiques : quand deux juridictions de droit commun de

degré différent sont susceptibles d’être compétentes, la prorogation a lieu au profit de la plus

élevée. Pour poursuivre l’exemple, ce sera alors la Cour d’assises qui sera compétente.

396. Conflit entre deux juridictions de droit commun et compétence territoriale. –

En outre, une prorogation de la compétence territoriale d’une juridiction serait envisageable

en présence de coauteurs, ce que confirme d’ailleurs l’article 383 du Code de procédure

pénale1217

. En effet, classiquement, la compétence territoriale d’une juridiction est déterminée

à raison « du lieu de l’infraction, [de] celui de la résidence de l’une des personnes

soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, [de] celui du lieu d’arrestation d’une de ces

personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée par une autre cause et [de] celui du

lieu de détention d’une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une

autre cause »1218

. Le juge compétent sera ainsi généralement celui du lieu de l’infraction. Or,

celui-ci peut être déterminé de différentes façons, et s’entendre du lieu du résultat1219

de

l’infraction comme de celui de réalisation d’un des actes constitutifs de l’infraction. Ainsi, en

matière de coaction, et dans la mesure où il n’est pas nécessaire que chacun des coauteurs

accomplisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction collective, il est possible

d’imaginer que chacun d’entre eux réalise un élément constitutif dans des lieux différents,

relevant de deux ressorts de juridiction distincts. De même, le résultat peut se produire dans

un ressort de juridiction encore différent. Par exemple, il a été vu que le fait, pour deux

personnes, d’effectuer des prélèvements coordonnés sur le compte d’une personne vulnérable

pouvait être qualifié d’abus de faiblesse réalisé en coaction, bien que ces prélèvements aient

1215 En vertu de l’article 311-10 du Code pénal qui punit de réclusion criminelle à perpétuité le vol précédé,

accompagné ou suivi soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d’actes de barbarie. 1216

Celui-ci étant effectivement un délit en vertu de l’article 311-4 du Code pénal qui punit de cinq ans

d’emprisonnement le vol commis en réunion. 1217

V. supra n° 388. 1218

C. proc. pén., art. 52 s’agissant des juridictions d’instruction, et art. 382 s’agissant du tribunal correctionnel.

Le principe est quelque peu différent pour le tribunal de police : V. art. 522 al. 1 et 2. 1219

V. notamment Cass. crim., 3 mars 1976, Bull. n° 80.

Page 326: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

326

eu lieu en des endroits différents1220

. Or, il est envisageable que ces retraits se soient déroulés

depuis des endroits relevant de deux ressorts de juridiction distincts, et que le résultat de

l’infraction ait eu lieu dans un ressort encore différent. Partant, deux, voire trois juridictions

seraient susceptibles d’être territorialement compétentes. Dans une telle situation, une des

juridictions devra donc se dessaisir au profit de l’autre1221

.

Quant à l’éventuel conflit de compétence pouvant surgir entre une juridiction française

et une juridiction étrangère, il impose de s’interroger sur la localisation de l’infraction. Si

celle-ci ne suscite pas de discussion particulière lorsque l’infraction a été intégralement

réalisée en France, des difficultés surgissent lorsqu’elle a été commise en partie seulement en

France et pour le reste sur le territoire d’un ou d’autres Etat(s), hypothèse pouvant notamment

se présenter en cas d’infraction complexe1222

. L’article 113-2 du Code pénal répond à cette

question en disposant que « l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République

dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». Partant, la coaction ne

semble pas poser de difficulté particulière s’agissant de cette localisation de l’infraction. En

effet, le fait que les juridictions françaises puissent connaître des infractions dont un seul des

éléments constitutifs se serait réalisé en France justifie alors qu’elles puissent attraire le

contentieux relatif aux infractions réalisées en coaction dès lors que l’un des éléments

constitutifs de l’infraction collective se serait réalisé en France. Il n’est alors pas nécessaire

d’exiger que ce coauteur ait accompli l’ensemble des éléments constitutifs de cette infraction

sur le territoire français. La technique contestable de la jurisprudence consistant jusqu’alors à

assimiler le coauteur à un complice1223

afin d’étendre la compétence territoriale des

juridictions françaises n’a ainsi plus lieu d’être1224

.

1220 V. supra n° 284.

1221 L’affaire pourra ainsi être portée devant la juridiction la plus à même de traiter efficacement l’affaire, parce

que le rassemblement des preuves sera plus aisé par exemple (V. notamment J. PRADEL, Procédure pénale, préc.,

n° 93).

En principe, un tel conflit de compétence devrait donner lieu à la procédure de règlement des juges (C. proc. pén.

art. 657 à 661). Cependant, en pratique, un des juges se dessaisit généralement au profit de l’autre : v.

notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 551 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, préc.,

n° 1323 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 144 et s. 1222

Sur cette notion, v. supra n° 287. 1223

Cass. crim., 16 déc. 1926, S. 1928, I, 155. 1224

En effet, l’acte de complicité accompli à l’étranger, même par un étranger, relève traditionnellement de la

compétence des juridictions françaises s’il est l’accessoire d’un fait principal commis en France (V. A. HUET et

R. KOERING-JOULIN, Droit pénal international, PUF, coll. Thémis, Paris, 2005, n° 129). De plus, en vertu de

l’article 113-5 du Code pénal, « La loi pénale française est applicable à quiconque s'est rendu coupable sur le

territoire de la République, comme complice, d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger si le crime ou le délit

Page 327: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

327

397. Impossibilité pour le juge d’être saisi par des individus s’auto-désignant

coauteurs. – L’indivisibilité procédurale entre coauteurs devra donc conduire à certaines

prorogations de compétence. Pour autant, elle ne doit pas mettre à mal les principes classiques

de procédure, et permettre une prorogation quelles qu’en soient les formes. Ainsi, elle ne peut

justifier que le juge se saisisse lui-même ou soit saisi par des personnes se désignant elles-

mêmes comme coauteurs de l’infraction.

La seconde question a en effet été soulevée devant les juges du fond à l’occasion de

faits de « fauchage volontaire »1225

. En l’espèce, quelques personnes étaient poursuivies pour

avoir détruit volontairement des champs de maïs génétiquement modifié. Le jour de

l’audience devant le Tribunal correctionnel, 222 autres individus ont alors demandé à être

jugés en même temps que ces dernières, pour avoir commis avec elles les faits reprochés. Il

appartenait ainsi aux juges de déterminer si les poursuites pouvaient être étendues à ces

coauteurs auto-désignés. En première instance, ceux-là avaient admis une telle solution en se

fondant sur l’article 383 du Code de procédure pénale disposant que la compétence du

tribunal correctionnel « s’étend à tous les coauteurs et complices ». Cependant, les juges

d’appel, pour leur part, ont considéré qu’ils ne pouvaient être saisis par des individus se

désignant eux-mêmes comme responsables.

398. Justification de la solution. – En effet, traditionnellement, il est admis que la

juridiction de jugement est saisie in rem mais aussi in personam1226

. Partant, la comparution

volontaire d’un prévenu « est impuissante à mettre en mouvement l’action publique »1227

. La

solution est classique, la Cour de cassation ayant par le passé refusé qu’un individu se

constitue « prévenu volontaire »1228

. Plus généralement, elle se justifie au regard de deux

grandes séries de considérations.

est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la

juridiction étrangère ». 1225

V. notamment CA Toulouse (3ème

ch. appels correctionnels), 14 avr. 2005, préc. 1226

V. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, PUF, 2011, n° 542 ; B. BOULOC,

Procédure pénale, préc., n° 840 et 841 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 834. 1227

CA Toulouse, 14 avr. 2005, préc. 1228

Cass. crim., 19 mars 1997, JCP G 1998, I, 105, obs. A. MARON.

Page 328: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

328

En premier lieu, en faisant un parallèle avec la procédure civile, il pourrait être relevé

que ces coauteurs auto-désignés ne disposent ni de la qualité, ni de l’intérêt à agir1229

. En

effet, en vertu de l’article 1er

du Code de procédure pénale, l’action publique ne peut être mise

en mouvement que par le Ministère Public ou la partie lésée, et seul le premier peut

l’exercer1230

. Cette action est donc attitrée1231

, et ne peut ainsi être mise en mouvement ou

exercée par d’autres personnes que celles prévues par la loi. Partant, des individus qui s’auto-

désignent comme auteurs de l’infraction, parce qu’ils ne relèvent pas des personnes visées par

la loi, ne peuvent mettre en mouvement l’action publique. En outre, s’agissant de l’action

civile, elle « appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement

causé par l'infraction » selon l’article 2 du même code. A nouveau, dans la mesure où les

auteurs de l’infraction ne sont pas, par définition, ceux qui ont personnellement souffert du

dommage qu’ils ont causé, ils ne peuvent également mettre en mouvement l’action civile. Les

personnes se désignant comme auteurs ou coauteurs de l’infraction ne disposent ainsi pas de

la qualité pour agir devant le juge pénal. Mais quoi qu’il en soit, et pour poursuivre la

comparaison avec la procédure civile, aucun intérêt à agir n’aurait pu être relevé.

Effectivement, traditionnellement défini comme l’avantage ou l’utilité qu’un plaideur peut

retirer de l’action1232

, l’intérêt à agir ne peut exister en l’espèce dès l’instant où la personne

poursuivie ne peut retirer aucun avantage d’une condamnation pénale.

En second lieu, la solution doit également être approuvée puisqu’un texte de

compétence ne peut conduire à attribuer le pouvoir juridictionnel1233

. C’est pourtant ce

qu’avaient conclu les juges de première instance. En effet, au nom de l’article 383 du Code de

procédure pénale, ils avaient estimé que la compétence du tribunal correctionnel pouvait être

1229 C. proc. civ., art. 31. Ce texte de nature réglementaire ne s’applique toutefois pas en procédure pénale.

1230 Celui-ci dispose en effet que :

« L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les

fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.

Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le

présent code. » 1231

Sur la distinction entre actions attitrées et actions banales, v. notamment L. CADIET et E. JEULAND, Droit

judiciaire privé, Lexis-Nexis, 7ème

éd., 2011, n° 368 et 369. 1232

L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, préc., n° 356. V. également H. CAPITANT, Vocabulaire

juridique, V° Intérêt ; R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, Sirey, 2ème

éd., 1949, n° 27 ; H. SOLUS

et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III : Procédure de première instance, Sirey, 1991, n° 266. 1233

Sur la distinction entre compétence et pouvoir juridictionnel, v. notamment L. CADIET et E. JEULAND, Droit

judiciaire privé, préc., n° 106, qui montrent que « La notion de compétence ne se confond pas avec la notion de

pouvoir juridictionnel. Le pouvoir juridictionnel est l’aptitude d’une juridiction, considérée en elle-même, à

trancher un litige par application des règles de droit ; elle n’implique aucune comparaison entre l’aptitude

respective de deux ou plusieurs juridictions ».

Page 329: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

329

étendue à l’ensemble des coauteurs et justifiait ainsi que le juge se saisisse à l’égard des

coauteurs auto-désignés. Cependant, ce texte ne vise qu’à étendre la compétence territoriale

de cette juridiction, et ne permet en aucun cas au juge pénal de se saisir lui-même ou d’être

saisi par qui que ce soit d’autre que le Ministère public ou la victime de l’infraction. Partant,

la solution de la Cour d’appel de Toulouse doit être approuvée. Plus généralement, la

prorogation de compétence induite par l’indivisibilité procédurale entre coauteurs ne peut

ainsi justifier que le juge pénal puisse se saisir lui-même ou être saisi par des individus se

prétendant coauteurs d’une infraction.

Mais si la jonction de procédures et la prorogation de compétence susceptible de

l’accompagner est l’effet principal de l’indivisibilité procédurale, elle en possède d’autres qui

pourront également avoir un impact important sur les coauteurs.

B- Effets secondaires de l’indivisibilité entre coauteurs

399. Hormis le fait que la jonction de procédures est obligatoire lorsqu’une indivisibilité

est constatée, il est classiquement admis que cette dernière emporte les mêmes effets que la

connexité1234

. Elle est donc susceptible d’avoir des effets notamment sur l’appel ou sur

l’amnistie de certains faits1235

. Cependant, l’étude impose ici de se limiter aux conséquences

que peut produire l’indivisibilité intéressant les coauteurs. Ainsi, dans la mesure où les

coauteurs participent à la même infraction, et donc à la même contravention ou au même délit,

l’article 467 du Code de procédure pénale disposant que le tribunal statuera « à charge

d’appel sur le tout » en cas de contravention connexe à un délit ne trouve à s’appliquer en cas

de coaction. Un constat identique peut être fait s’agissant de l’amnistie : ainsi, en cas de

connexité entre deux infractions et lorsque l’une d’entre elles est amnistiée, le bénéfice de

l’amnistie profitera à celui qui répond à ses conditions. Mais cette hypothèse ne peut se

présenter s’agissant des coauteurs puisque tous participent à la même infraction.

En revanche, les effets relatifs à la prescription de l’action publique (1) et à la

solidarité (2) présentent un intérêt quant à la coaction qu’il convient alors de mettre en

exergue.

1234 H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 62 ; S. GUINCHARD et J.

BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1306. 1235

H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 49 et 50.

Page 330: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

330

1- La prescription de l’action publique

400. Point de départ du délai. – Constater une indivisibilité entre différents faits

permet de repousser le point de départ du délai de prescription de l’infraction. En effet, celui-

ci courra à partir du dernier acte indivisible constaté. La jurisprudence a d’ailleurs, semble-t-

il, appliqué une telle solution en matière de coaction puisqu’elle a considéré que les recels

successifs d’un même objet, « réitérés par des individus différents en exécution de la même

résolution criminelle pour atteindre le même but [devait] les faire considérer comme les

éléments d’une seule infraction, dont le caractère continu fait apparaître chacun des

receleurs successifs, non pas comme auteur d’un délit distinct, mais comme coauteur d’un

même délit »1236

.

Certes, la solution est explicitement fondée sur la qualité de coauteurs. Mais elle

pourrait peut-être masquer un raccourci : c’est parce que les faits sont indivisibles qu’une

coaction a pu être relevée. Celle-ci conduisant à une indivisibilité procédurale dont l’un des

effets est de permettre de repousser le point de départ du délai de prescription au dernier fait

indivisible, il fallait alors considérer que ce point de départ était en l’espèce repoussé au jour

où le dernier receleur s’était dessaisi de l’objet (envers un individu de bonne foi).

Cependant, à s’y intéresser plus attentivement, la solution pourrait être remise en

cause. En effet, il semble particulièrement délicat de constater une entente entre les divers

receleurs en l’espèce, parce que les recels successifs ont ici formé une véritable chaîne. Si un

concert frauduleux pourrait être établi entre deux maillons de celle-ci dès l’instant où l’un des

receleurs a transmis à l’autre l’objet en question, il est difficile de considérer qu’une telle

entente existe entre deux receleurs n’ayant eu aucun contact entre eux. Cette preuve devient

de plus en plus difficile lorsque l’on multiplie les receleurs impliqués et que l’on raisonne sur

les individus en bout de chaîne. L’entente est alors absolument impalpable et qualifier les

différents receleurs de coauteurs devrait être impossible. L’existence d’une interdépendance

entre les comportements, comme celle d’une infraction collective, ne peuvent ainsi être

relevées. Il y aurait en réalité plusieurs recels1237

. La justification de la solution1238

est de ce

1236 CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.

1237 V. cependant Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 380 pour qui « la solution consiste à réduire à

l’unité ce qui s’inscrit dans la pluralité et dans la durée, avec ce qu’elle permet de répression plus utile. […]

Page 331: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

331

fait contestable et conduit alors à s’interroger : existe-t-il vraiment un intérêt pour les

coauteurs à constater que l’indivisibilité peut permettre de repousser le point de départ du

délai de prescription de l’infraction ? Une réponse négative semble s’imposer. Effectivement,

et comme l’analyse de l’arrêt le suggère, parce que les coauteurs participent à une infraction

unique, le point de départ du délai de prescription est nécessairement déterminé en référence à

la consommation de l’infraction ou encore au jour où l’infraction a pu être découverte, jour

qui sera commun à l’ensemble d’entre eux1239

.

401. Interruption du délai. – En revanche, l’indivisibilité procédurale propre aux

coauteurs pourrait présenter un intérêt en ce qu’elle permet d’interrompre le délai de

prescription à l’égard de chacun d’entre eux. L’acte interruptif de prescription fait en effet

courir un nouveau délai de prescription1240

. On distingue ainsi classiquement l’effet que

produit cet acte sur les personnes de celui qu’il produit à l’égard de l’infraction1241

.

Quant à l’effet sur les personnes, il est absolu et impersonnel. Ainsi l’article 7 alinéa 2

du Code de procédure pénale dispose-t-il que l’action publique en matière de crime se prescrit

après dix années révolues à compter du dernier acte interruptif d’instance et qu’ « il en est

ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction

ou de poursuite »1242

. La jurisprudence admet alors qu’il produit ses effets à l’égard des

auteurs comme des coauteurs et complices1243

. Mais si cette précision se comprend s’agissant

Par la coactivité le lien est assuré entre les différents auteurs, qui sortent de leur isolement matériel pour rentrer

dans une solidarité de répression, tout comme sont effacées les distances entre le passé et le présent, les

infractions n’étant plus poursuivies dans leur individualité, mais dans ce qu’elles représentent d’unité de l’une à

l’autre.». Cette analyse peut être partagée mais à condition qu’une véritable coaction puisse être caractérisée : si

une entente entre les trois individus pouvait être établie (en particulier entre le premier et le troisième maillon),

l’existence d’une coaction pourrait être envisagée dans la mesure où il n’y aurait alors qu’un seul délit, collectif,

qui aurait pour point de départ de son délai de prescription le jour où le recel prend fin. 1238

Justification seulement car la solution peut se comprendre en considérant que le recel est un délit continu

dont la prescription ne commence à courir qu’au jour où le délit a pris fin. Or, il faut se rappeler que la

jurisprudence est particulièrement sévère à cet égard et conduit à en faire un délit quasi imprescriptible… En ce

sens, v. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, n° 187 ; v. également A.

LEPAGE, P. MAISTRE DU CHAMBON et R. SALOMON, Droit pénal des affaires, préc., n° 398 et s. 1239

V. infra n° 471. 1240

V. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, préc., n° 184 ; B. BOULOC,

Procédure pénale, préc., n° 218 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 243. 1241

V. notamment A. GIUDICELLI, « Prescription de l’action publique », note sous Cass. crim., 22 sept. 1998,

Rev. sc. crim. 1999, p. 344. V. également R. GARRAUD, Traité théorique et pratique d’instruction criminelle et

de procédure pénale, t. II, n° 536 et s. 1242

La solution est la même s’agissant des délits et contraventions puisque les articles 8 et 9 du même code qui

leur sont consacrés renvoient à l’article 7. 1243

Ch. réun., 27 fév. 1865, DP 1867, 1, 93 ; Cass. crim., 5 juil. 1993, Bull. n° 239.

Page 332: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

332

des complices puisque la complicité ne doit pas nécessairement entraîner une indivisibilité

procédurale1244

, elle n’était peut-être pas utile s’agissant des coauteurs. En effet, cet effet

absolu de l’acte interruptif à l’égard des personnes pourrait simplement être fondé sur

l’indivisibilité nécessaire à la coaction : dans la mesure où la jonction de procédures est

obligatoire entre coauteurs, il semble logique que les actes interruptifs affectant l’un des

coauteurs affectent les autres.

Quant à l’effet sur l’infraction, il est spécial : il est ainsi limité au fait visé dans l’acte

de poursuite ou d’instruction. En réalité, cet effet n’intéresse ainsi pas, à proprement parler, la

coaction dans la mesure où celle-ci s’entend de la participation à une infraction unique1245

.

Partant, peu importe cette restriction. Surtout, cette spécialité s’efface en cas d’infractions

connexes ou de faits indivisibles1246

. Dès lors, en cas de coaction, les faits étant

nécessairement indivisibles1247

, l’acte interruptif d’instance pourra étendre ses effets à tous les

faits de coaction.

Au fond, il n’est donc pas nécessaire de passer par cette distinction entre les effets de

l’acte interruptif quant aux personnes et quant à l’infraction s’agissant de l’indivisibilité : il

suffit de considérer qu’en cas d’indivisibilité, l’effet interruptif de l’acte s’étend à l’égard de

tous les faits indivisibles, et donc aux coauteurs1248

. Mais ce n’est pas là le seul effet de

l’indivisibilité puisque celle-ci pourrait également conduire à une solidarité entre coauteurs.

2- La solidarité entre coauteurs

402. Lien entre indivisibilité, solidarité et coaction. – La solidarité, qui veut que

plusieurs débiteurs soient obligés de payer une même dette, est traditionnellement considérée

comme un effet de l’indivisibilité unissant plusieurs faits ou infractions1249

. Ainsi,

l’indivisibilité s’analysant comme une conséquence de la coaction, cette dernière devrait

également entraîner une solidarité. Or, sans même passer par le détour de l’indivisibilité, le

Code de procédure pénale envisage une telle conséquence s’agissant des coauteurs. En effet, il

dispose que les personnes condamnées pour un même crime, un même délit, ou une même

1244 V. supra n° 386.

1245 V. supra n° 88 et s.

1246 V. A. GIUDICELLI, « Prescription de l’action publique », préc.

1247 V. supra n° 138.

1248 En ce sens, v. Cass. crim., 11 janv. 2006, pourvoi n° 05-82.055, Dr. pén. 2006, comm. 76, note A. MARON.

1249 V. notamment H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 62.

Page 333: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

333

contravention de cinquième classe sont tenues solidairement des restitutions et des

dommages-intérêts, et ajoute que le tribunal ou la cour d’assises peut, par décision spéciale et

motivée, ordonner que le prévenu qui s’est entouré de coauteurs ou de complices insolvables

sera tenu solidairement des amendes et des frais1250

. Mais de même qu’en matière

d’interruption du délai de prescription1251

, cette solidarité pourrait ainsi simplement être

fondée sur l’indivisibilité unissant les coauteurs.

Quoi qu’il en soit, si cette solidarité peut se comprendre lorsqu’elle est relative aux

dommages et intérêts, elle doit être remise en cause lorsqu’elle touche aux amendes pénales.

403. Solidarité des dommages et intérêts. – En prévoyant que les personnes

condamnées pour une même infraction1252

sont tenues solidairement des dommages et

intérêts, le législateur a instauré une véritable garantie d’indemnisation au profit des

victimes1253

. Ces dernières auront ainsi de meilleures chances de trouver un débiteur solvable

pour réparer leur préjudice. Du reste, cette solution montre tout son intérêt lorsque la coaction

constatée met en jeu une ou plusieurs personnes morales. En effet, en cas de coaction entre

une personne morale et une personne physique1254

, celle-là disposera généralement de

davantage de fonds que celle-ci. De même, et à l’instar des solutions retenues entre personnes

physiques, en cas de coaction entre deux personnes morales1255

, si l’une d’entre elles est

insolvable, l’autre pourra répondre de l’intégralité des dommages et intérêts dus. La solution

peut ainsi se comprendre par faveur pour la victime, et n’a d’ailleurs jamais été remise en

question par la doctrine si ce n’est pour s’interroger quant à savoir si l’application du droit

commun de la responsabilité civile ne serait pas préférable dans une telle hypothèse1256

.

1250 C. proc. pén., art. 375-2 s’agissant des crimes, 480-1 s’agissant des délits et 543 s’agissant des

contraventions de cinquième classe. 1251

V. supra n° 401. 1252

A l’exclusion des contraventions des quatre premières classes. 1253

Dans le même sens, v. notamment L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », J.-Cl. Proc. pén., art. 478

à 484, fasc. 20, 1999, n° 46. 1254

Pour des exemples, v. supra n° 296 et s. 1255

Pour des exemples, v. supra n° 266 et s. 1256

H. MATSOPOULOU, « Réparation intégrale du préjudice causé par un abus de biens sociaux et condamnation

solidaire des auteurs et complices aux dommages-intérêts », D. 2004, p. 1447. L’interrogation se justifiait ici par

le fait que l’arrêt commenté avait appliqué la solidarité à des auteurs et complices d’infractions distinctes, dont le

lien de connexité pouvait être discuté.

Page 334: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

334

Toutefois, la Cour de cassation, au visa de l’article 464 du Code de procédure pénale1257

,

refuse que le juge pénal règle la question de la contribution à la dette entre coauteurs1258

. Une

nouvelle procédure devra alors être engagée devant les juridictions civiles, conduisant à un

alourdissement procédural regrettable1259

.

En dépit de cette critique, la solidarité entre coauteurs pour le paiement des dommages

et intérêts peut ainsi se comprendre, et ne remet en aucun cas en cause le principe de

responsabilité individuelle1260

. La solution se révèle, en revanche, beaucoup plus contestable

lorsqu’elle s’applique à l’égard des amendes pénales.

404. Remise en cause de la solidarité des amendes pénales. – Certes, le législateur a

limité les hypothèses de solidarité entre coauteurs s’agissant du paiement de l’amende avec la

loi du 11 juillet 19751261

. En effet, alors qu’avant celle-ci, leur condamnation solidaire était

obligatoire, elle est depuis une simple faculté, ouverte seulement lorsque les autres

participants sont insolvables, et qui doit être justifiée par une « décision spéciale et

motivée »1262

. Cependant, même en tant que simple faculté, il demeure que cette solution viole

le principe de personnalité des peines pourtant consacré par la loi1263

, voire par le bloc de

constitutionnalité1264

. En effet, la solidarité des amendes pénales autorise le Trésor Public à

1257 Celui-ci fixant la compétence du juge pénal statuant sur les intérêts civils, la Cour de cassation semble

estimer que les questions qu’il ne règle pas expressément sont par définition exclues de ce champ de

compétence. 1258

La solution est classique : v. notamment Cass. crim., 22 juil. 1932, Bull. n° 184 ; 22 juin 1960, Bull. n° 330 ;

12 févr. 1985, Bull. n° 68 ; 22 janv. 2003, inédit, pourvoi n° 01-88.157; 16 oct. 2007, Bull. n° 244, AJ pén. 2007,

p. 542, obs. S. LAVRIC ; 7 avr. 2009, Bull. n° 65, AJ pén. 2009, p. 316, obs. C. DUPARC. La Cour a même refusé

de considérer que la décision par laquelle le juge pénal aurait malgré tout opéré un tel partage emportait autorité

de la chose jugée entre prévenus : Cass. crim., 22 juin 1960, Bull. n° 330 ; 22 déc. 1960, Bull. n° 607. 1259

Dans le même sens, v. L. BORE, J.-Cl. Proc. pén., art. 478 à 484, fasc. 20, 1999, n° 67 selon qui « Il serait

plus pratique d’admettre que le juge pénal peut se prononcer sur les éléments accessoires à l’action civile, et

notamment sur le partage de responsabilité entre les codébiteurs, afin de trancher toutes ces questions au cours

d’une seule et même procédure ». Il est vrai cependant que la solution présente un avantage lorsque tous les

coauteurs n’ont pas été poursuivis pénalement : « celui qui a payé à la victime l’intégralité du préjudice par elle

subi peut se retourner non seulement contre les autres débiteurs condamnés avec lui à réparation, mais

également contre les co-auteurs du dommage laissés en dehors des poursuites pénales » (PH. BONFILS, L’action

civile, Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM, 2000, n° 183). 1260

En ce sens, v. la motivation de la Cour de cassation pour refuser de renvoyer devant le Conseil

constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 480-1 du Code de procédure

pénale : Cass. crim., 6 avr. 2011, inédit, pourvoi n° 10-85.470. 1261

L. n° 75-624. 1262

En revanche, ces restrictions ne se retrouvent pas s’agissant des régimes spéciaux instituant une solidarité : v.

par exemple C. for., art. L. 134-3 ou encore C. rur., art. L. 228-42. 1263

En effet, en vertu de l’article 121-1 du Code pénal, « nul n’est responsable que de son propre fait ». 1264

S. FROSSARD, Quelques réflexions relatives au principe de la personnalité des peines, Rev. sc. crim. 1998,

p. 703. V. également F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, éd. Economica, 1996, n° 273.

Page 335: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

335

réclamer la totalité des amendes prononcées à l’encontre de chacun des coauteurs à un seul

d’entre eux. Le principe d’une action récursoire, consacré à l’égard des dommages et

intérêts1265

, pourrait peut-être permettre de limiter cette atteinte. Cependant, comme le montre

un auteur, « le solvens risque de se heurter à l’insolvabilité d’un ou plusieurs de ses coobligés

solidaires, et la charge de l’amende prononcée pèsera alors définitivement sur lui »1266

.

Surtout, c’est en réalité ce que suppose même le législateur dans la mesure où il dispose, de

façon maladroite1267

, que sera tenu solidairement des amendes l’individu qui se sera entouré

de coauteurs ou de complices précisément insolvables.

En outre, bien que la doctrine ait tenté de justifier cette solution par le caractère

pécuniaire de l’amende qui expliquerait que la solidarité apparaisse comme une garantie à

l’égard du Trésor1268

, il ne faut pas oublier que l’amende est une peine à part entière, et que

ces considérations ne peuvent donc être prises en compte à son égard. Plus encore, la

solidarité devient alors une véritable peine complémentaire1269

, un « indiscutable supplément

de peine »1270

pour les coauteurs. Il est vrai que la Cour de cassation censure généralement les

décisions ayant prononcé une telle solidarité pour insuffisance de motifs1271

, si bien que la

solution serait tombée en désuétude1272

, mais cette attitude ne fait que confirmer

l’inopportunité de la solution. Il conviendrait ainsi de supprimer purement et simplement cette

solidarité. L’indivisibilité entre coauteurs entraînerait ainsi une solidarité à leur égard pour le

paiement des dommages et intérêts mais non pour celui des amendes, conformément au

principe de personnalité des peines.

405. L’interdépendance procédurale devant traduire l’interdépendance substantielle qui

unit les coauteurs implique ainsi une indivisibilité de l’action exercée à leur encontre.

Plusieurs conséquences en découlent alors, dont le point commun est d’entraîner une véritable

solidarité entre coauteurs. Cependant, il est des hypothèses dans lesquelles cette solidarité va

1265 Cass. crim., 14 nov. 1898, DP 1899, 1, p. 65, concl. L. SARRUT ; 2

ème civ., 29 févr. 1956, JCP G 1956, II,

9384 ; 21 janv. 1976, D. 1976, somm. p. 39. 1266

L. BORÉ, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 55. Dans le même sens, v. S. FROSSARD, Quelques

réflexions relatives au principe de la personnalité des peines, préc. 1267

Plus généralement, sur la rédaction absconse de ces textes, v. J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1983, « Le domaine

de la solidarité pour le paiement des amendes pénales » , p. 649 et s. 1268

P. PETEL, De quelques atteintes au principe de la personnalité des peines, JCP G 1960, I, 1583. 1269

L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., spéc. n° 3 et 7. 1270

A. VITU, « Solidarité pénale et connexité », Rev. sc. crim. 1989, p. 723. 1271

V. notamment Cass. crim., 12 nov. 1981, Bull. n° 302 ; Rev. sc. crim. 1983, p. 649, obs. J. LARGUIER. 1272

L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 54.

Page 336: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

336

être mise à mal car il sera matériellement impossible de juger les coauteurs ensemble. Il faut

alors se demander si les faits établis à l’encontre d’un individu pourront être opposés à son

coauteur lors d’une seconde instance. Plus généralement, il convient ainsi de s’intéresser à

l’autorité de chose jugée entre coauteurs.

Page 337: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

337

Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs

406. L’interdépendance unissant les coauteurs devrait conduire à apprécier leur

culpabilité au cours d’une même instance, c’est pourquoi cette interdépendance doit se

traduire au stade procédural par une véritable indivisibilité. Cependant, il est des hypothèses

dans lesquelles cette réunion lors d’une même instance ne sera pas possible, parce que l’un

des coauteurs sera inconnu ou en fuite par exemple. L’efficacité même de la justice

commande alors que l’indivisibilité prônée ne conduise pas à ce que le cours de la justice soit

ralenti, voire immobilisé, jusqu’à ce que tous les coauteurs soient en état d’être jugés. Des

poursuites successives pour une même infraction, contre différents coauteurs, sont alors

susceptibles d’être engagées. Mais elles soulèvent inévitablement de nombreuses questions :

la décision rendue à l’égard des coauteurs déjà jugés aura-t-elle une influence sur celle que le

juge prononcera à l’égard du coauteur face à lui ? Ce dernier pourra-t-il contester les faits

établis lors de l’instance précédente ? Pourra-t-il contester sa participation même ? Plus

généralement, il s’agit ainsi de s’interroger sur l’autorité de la chose jugée au pénal sur le

pénal à l’égard des coauteurs (§1). Mais ce n’est alors envisager qu’un seul des aspects de

l’autorité de chose jugée. Effectivement, dans la mesure où l’action publique est indépendante

de l’action civile, il convient également de s’interroger sur les conséquences que pourrait

avoir la caractérisation d’une coaction pénale à l’égard d’une décision civile concernant des

coauteurs (§2).

§1- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal

407. Principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal. – Consacré dans

notre droit depuis plusieurs siècles1273

et issu de l’adage Non bis in idem, le principe d’autorité

de chose jugée au pénal sur le pénal répond à un besoin de sécurité juridique1274

. Il impose

1273 Déjà présent dans l’ancien Droit, il est expressément affirmé par les constitutions de 1791 et de l’an III, par

les Codes de 1791, de 1808, et aujourd’hui par l’article 6 du Code de procédure pénale (ainsi que par son article

368 s’agissant de la cour d’assises). Il est également consacré par l’article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la

Conv. E.D.H., l’article 14 § 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou encore les articles 54

à 58 de la Convention d’application des Accords de Schengen. 1274

J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1024.

Page 338: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

338

que l’individu ayant fait l’objet d’une décision ne puisse être poursuivi à nouveau pour les

mêmes faits. Pourtant, comme il l’a été remarqué, l’existence de coauteurs est susceptible de

poser des difficultés : une même infraction étant susceptible de donner lieu à des poursuites

successives à l’égard de coauteurs différents, la décision rendue en second pourrait remettre

en cause celle rendue en premier à l’égard d’un autre individu.

408. Limites à l’obligation de jonction de procédures et autorité de chose jugée. –

Cette éventualité est d’autant plus fréquente que l’on peut imaginer que certains coauteurs ne

soient pas découverts lors de la première instance. De plus, même si leur existence ne fait

aucun doute et qu’ils sont connus, la jurisprudence refuse que le juge sursoie à statuer sur les

faits dont il est saisi en attendant une décision sur une constitution de partie civile1275

ou

l’extradition d’un des participants1276

, bien que les faits en question soient indivisibles. La

Cour de cassation considère en effet que l’indivisibilité des poursuites en cas de pluralité de

délinquants ne peut s’appliquer qu’à des personnes en état d’être jugées1277

. Les cas dans

lesquels des coauteurs seraient amenés à être jugés au cours de deux instances distinctes sont

donc loin d’être des hypothèses d’école1278

et invitent nécessairement à réfléchir aux liens qui

vont pouvoir être établis entre eux, plus encore qu’en matière de complicité. En effet, la

coaction doit nécessairement entraîner une indivisibilité procédurale et donc une jonction de

procédures, censée limiter le risque de contrariété entre décisions. Devra-t-on alors considérer

que la décision prise à l’égard de l’un des coauteurs s’impose au juge lorsqu’il devra trancher,

postérieurement à cela, sur la participation d’un autre coauteur à l’infraction ? Ou au contraire

ce dernier sera-t-il libre de rejuger entièrement l’affaire, quitte à « déjuger » les premiers

magistrats et à s’exposer à des décisions contradictoires ?

Pour y répondre, il semble indispensable de se tourner vers les principes classiques de

procédure pénale en matière d’autorité de la chose jugée. Or, cette dernière est acquise

lorsqu’une triple identité peut être retenue.

1275 Cass. crim., 14 mars 1974, Bull. n° 115.

1276 Cass. crim., 29 juin 1976, Bull. n° 235. A. MARON (Dr. pén. 2006, Comm. 146) y voit d’ailleurs la

prévalence du principe de saisine in rem des juridictions correctionnelles sur le principe d’indivisibilité. 1277

Cass. crim., 29 juin 1976, préc. 1278

Dans le même sens, v. M. R. M. P., D. 1956, p. 501, note sous Cass. Crim., 9 févr. 1956, pour qui

« d’ailleurs, même si, à l’origine, les poursuites ont été simultanées, elles se séparent fréquemment, en cours de

procédure, notamment par le jeu des voies de recours, prennent des orientations différentes, et souvent se

terminent définitivement à l’égard des uns, tandis qu’elles continuent à l’égard des autres ».

Page 339: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

339

409. Autorité de chose jugée et triple identité. – Pour que l’autorité de chose jugée

puisse être invoquée en tant que fin de non-recevoir, l’affaire doit en effet présenter une triple

identité : identité d’objet, de cause et de parties1279

. Or, des coauteurs qui n’auraient pas été

jugés lors d’une première instance ayant réglé le sort d’un autre coauteur de l’infraction qui

leur est reprochée ne peuvent apparemment pas se prévaloir d’une telle identité. Certes,

l’affaire présentera une identité d’objet dès l’instant où l’objet de l’action pénale est toujours

l’application d’une peine en vertu de l’article 1er

du Code de procédure pénale. En outre,

l’identité de cause pourrait également être relevée dans la mesure où le cas évoqué est ici

celui dans lequel la décision relative à la coaction d’un individu serait susceptible d’avoir des

conséquences sur la caractérisation de la coaction d’un autre individu : le raisonnement

concerne ainsi, a priori, des faits indivisibles et la même infraction, et donc la même cause de

l’action1280

. En revanche, l’identité de parties fait certainement défaut dans une telle

hypothèse puisque les personnes poursuivies sont différentes. Mais il est alors envisageable

que les deux décisions successives soient contradictoires. Dans une telle hypothèse, les

premiers coauteurs jugés disposeraient-ils d’un recours afin que leur culpabilité soit

réexaminée ? L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives (A) est ainsi

susceptible d’entraîner un recours en révision de la part des premiers coauteurs jugés (B).

A- L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives

410. Relativité de la chose jugée. – Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour

considérer que peut être poursuivie pour les mêmes faits une personne autre que celle déjà

jugée1281

. En effet, l’autorité de chose jugée ne saurait justifier de brider le second juge dans

son pouvoir d’appréciation des faits. En outre, refuser cette solution reviendrait à mettre à mal

1279 Il s’agit là de la transposition de l’article 1351 du Code civil relatif à l’autorité de chose jugée en matière

civile, que la Cour de cassation ne manque pas de rappeler : v. notamment Cass. crim., 12 mai 2009, Di

Guiseppe, pourvoi n° 08-85.744. 1280

Il pourrait cependant être objecté que le fait d’avoir rejeté l’existence d’une coaction au cours d’une instance

pourrait permettre précisément de poursuivre à nouveau l’individu relaxé de ce chef sur un autre fondement,

celui de la complicité notamment. Mais la question est quelque peu différente car ce n’est alors pas la

caractérisation d’une coaction qui serait susceptible d’avoir des conséquences sur une instance ultérieure, mais

bien son absence, et les faits en cause ne seraient pas alors les mêmes. En outre, la juridiction de jugement avait

l’obligation de requalifier les faits, limitant ainsi ces cas de figure. 1281

V. notamment, pour la doctrine : B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 975 ; F. DESPORTES et L.

LAZERGES-COUSQUIER, Traité de procédure pénale, Economica, 2ème

éd., 2012, n° 1094 ; S. GUINCHARD et J.

BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 2657 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1031.

Pour la jurisprudence : Cass. crim., 7 mars 1839, Bull. n° 83 ; 5 févr. 1985, Bull. n° 59 ; 15 janv. 2008, Bull. n° 8.

Page 340: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

340

le principe du contradictoire. Effectivement, comment admettre qu’un individu se voie

opposer des affirmations qu’il n’a pu contester puisque précisément, il était absent du premier

procès1282

? Ce principe, en tant que garantie des droits de la défense1283

, ne saurait souffrir

qu’une telle atteinte lui soit infligée.

411. Débat quant à la limitation in favorem du principe d’autorité de chose jugée. –

Néanmoins, la doctrine est divisée quant à la portée à donner au principe d’autorité de chose

jugée au pénal sur le pénal. En effet, selon certains, il serait acceptable de limiter l’autorité de

la chose jugée dès lors que cette restriction serait favorable à l’individu poursuivi en

second1284

. Ainsi, lorsqu’un moyen objectif aurait fait obstacle à la condamnation de l’un des

participants à l’infraction (absence de fait délictueux ou acquisition de la prescription par

exemple), celui-ci devrait lier la décision de la juridiction ayant à connaître de ses

coparticipants lors de secondes poursuites et leur profiter. En revanche, les moyens personnels

tels que l’absence d’intention délictueuse par exemple ne pourraient leur profiter. Cependant,

comme le montrent certains auteurs, « la distinction est arbitraire » car ce serait ajouter à la

loi que d’admettre une telle solution1285

. C’est pourquoi une autre partie de la doctrine

considère que les poursuites successives doivent être absolument indépendantes les unes des

autres, sans distinguer selon que la décision précédente était favorable à l’individu poursuivi

en second ou non1286

.

412. Solution de la Cour de cassation : indépendance des poursuites successives. –

La Cour de cassation retient précisément cette solution. Elle juge ainsi que la relaxe de l’un

des coauteurs de l’infraction ne fait pas obstacle à la poursuite de son coauteur ou

1282 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, n° 892. V. également D. CARON, J.-Cl.

Proc. pén., Art. 6, fasc. 20, 2003, n° 55 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1031. 1283

V. notamment M. HEBRAUD, obs. sous CA Paris, 26 nov. 1955, RTD civ. 1956, p. 388. 1284

V. notamment C. GAVALDA, Aspects actuels du problème de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le

criminel, JCP G 1957, I, 1372, n° 41 et s. ; J.-A. ROUX, Cours de droit criminel français, t. II, p. 215 ; G. VIDAL

et J. MAGNOL, Cours de droit pénal et de science pénitentiaire, II, n° 674. 1285

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, préc. 1286

B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 975 ; P. BOUZAT et J. PINATEL, II, n° 1537 ; R. GARRAUD, Traité

d’instruction criminelle, VI, n° 2297 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, n°

892 ; J. ORTOLAN, Eléments de droit pénal, II, n° 1809 ; M.-L. RASSAT, Procédure pénale, n° 517 ; PH.

SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, art. 121-6 et 121-7, n° 124 et s.

Page 341: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

341

complice1287

. De même, elle admet que soit retenue à l’égard d’un complice « qui a fait

l’objet de la seconde poursuite, une circonstance aggravante du fait principal qui n’a pas été

retenue à l’égard des autres complices poursuivis pour la première fois »1288

ou encore que

soit retenue à l’encontre de l’auteur principal une circonstance aggravante qui n’a pourtant pas

été caractérisée à l’égard de ses complices précédemment condamnés par une décision

devenue définitive1289

. Il s’agissait dans ces espèces de la circonstance de port d’arme et de

celle de préméditation, circonstances respectivement réelle et mixte, dont il a été vu qu’elles

pouvaient se transmettre de l’auteur vers ses complices1290

. La solution pourrait alors

parfaitement être transposée aux coauteurs : il devrait être possible de retenir une circonstance

aggravante réelle ou mixte à l’égard d’un coauteur jugé lors de secondes poursuites alors

même que cette circonstance n’aurait pas été reprochée à son coauteur jugé lors d’un premier

procès1291

.

413. Risque de contradiction. – Quoi qu’il en soit, l’absence d’identité de parties

empêche de considérer qu’il y a autorité de chose jugée en cas de poursuites successives de

différents coauteurs d’une même infraction. Dès lors, les décisions prises lors des secondes

poursuites recèlent un risque de contradiction avec celles prises lors des premières.

Néanmoins, la Cour de cassation considère que dans une telle hypothèse, la contradiction des

1287 Cass. crim., 19 nov. 1958, Bull. n° 680, D. 1959, somm. p. 67. V. également, plus récemment, en matière de

complicité : Cass. crim., 15 janv. 2008, Bull. n° 8, AJ pén. 2008, p. 195, obs. C. SAAS, qui dispose que

l’acquittement d’un individu n’empêche pas la poursuite ultérieure d’un complice du même fait. 1288

Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405. 1289

Cass. crim., 18 mars 1998, Bull. n° 104, JCP G 1998, IV, 2633. 1290

V. supra n° 365. 1291

Cette indépendance entre les poursuites pourrait toutefois être relativisée s’agissant de l’autorité de la chose

jugée au pénal sur le civil. En effet, s’agissant de la solidarité applicable au paiement des dommages et intérêts,

la Chambre criminelle considère que les coauteurs poursuivis dans le cadre de la seconde procédure devront être

condamnés solidairement au paiement des condamnations prononcées contre les premiers (Cass. crim., 25 mars

1875, Bull. n° 102 ; 7 mars 1925, Bull. n° 86 ; 16 avr. 1970, Bull. n° 135). En effet, la solidarité s’applique de

plein droit en cas de silence de la juridiction (Cass. crim., 25 mars 1875, préc.). Mais, faute d’identité de parties

et donc d’autorité de chose jugée, « le second juge pourra évaluer le montant des dommages-intérêts à une

somme différente de celle fixée par le premier juge, et alourdir ainsi, par le biais de la solidarité l’obligation des

premiers condamnés » (L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », J.-Cl. Procéd. pén., préc., n° 16). Du

point de vue de la condamnation aux dommages et intérêts, l’autorité de chose jugée sera ainsi remise en cause.

Partant, cette solution jurisprudentielle est particulièrement contestable. Elle devrait d’autant plus disparaître que

le législateur a aujourd’hui supprimé l’automaticité des peines accessoires. L’article 132-17 du Code pénal

dispose en effet qu’ «Aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée ».

Dans le même sens, v. L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 16. (La disparition des peines

accessoires doit cependant être nuancée : v. E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1335. Mais quoi qu’il en

soit, l’auteur condamne vivement leur maintien).

Page 342: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

342

réponses données en cour d’assises « ne présente aucune violation de la loi »1292

. Surtout, le

caractère inconciliable de deux condamnations, tant pour un crime que pour un délit, est

précisément l’un des cas d’ouverture à révision1293

.

B- La possibilité d’un recours en révision

414. La révision pour décisions de condamnation inconciliables. – L’article 622 du

Code de procédure pénale offre la possibilité d’un recours en révision en cas de condamnation

pénale1294

dans quatre hypothèses1295

. La deuxième vise celle d’une contradiction entre deux

décisions et pourrait ainsi s’appliquer au cas de deux jugements ou arrêts ayant eu à juger du

sort de prétendus coauteurs de la même infraction. Mais la contradiction devant avoir eu lieu

entre deux décisions de condamnations, une telle hypothèse est a priori difficilement

envisageable en cas de coaction : comment imaginer une incompatibilité entre deux décisions

ayant chacune condamné un individu en tant que coauteur de la même infraction ? La

jurisprudence offre pourtant des exemples de telles situations. Ainsi, une première décision

avait condamné un individu pour vol en tant que coauteur de ce dernier, en relevant que ce vol

avait été commis par deux auteurs. Par la suite, deux autres individus ont reconnu être

coupables des mêmes faits et la décision fondant leur condamnation n’a jamais remis en cause

le fait que deux individus seulement aient participé à l’infraction. Si deux individus avaient

participé au vol, il ne pouvait à l’évidence y avoir trois coauteurs. Leurs condamnations

étaient donc inconciliables et la Chambre criminelle a ainsi admis la révision de l’arrêt ayant

1292 Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405.

1293 J. JEANDIDIER et J. BELOT, Les grandes décisions de la procédure pénale, PUF, coll. Thémis 1986, p. 231.

1294 Contrairement à certains systèmes étrangers tels qu’en Allemagne, Autriche ou encore en Norvège, le

législateur français (de même que les législateurs canadien, espagnol ou italien par exemple) n’admet pas la

révision in defavorem, c’est-à-dire à l’égard de décisions d’acquittement : v. J. PRADEL, La révision pour erreur

judiciaire (en droit comparé), R.P.D.P. 2001, p. 667 et s. 1295

Il dispose ainsi : « La révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute

personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque :

1° Après une condamnation pour homicide, sont représentées des pièces propres à faire naître de suffisants

indices sur l'existence de la prétendue victime de l'homicide ;

2° Après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un

autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve

de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné ;

3° Un des témoins entendus a été, postérieurement à la condamnation, poursuivi et condamné pour faux

témoignage contre l'accusé ou le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux

débats ;

4° Après une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la

juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. »

Page 343: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

343

condamné le premier prévenu, en précisant d’ailleurs « qu’aucune coopération ou aucun

concert » n’avait été relevé entre le premier et les deux derniers prévenus1296

. En revanche,

elle a logiquement refusé la révision dans l’hypothèse où une cour d’assises ayant condamné

deux individus pour vol qualifié, une autre cour d’assises, à l’occasion de poursuites

successives, avait condamné un troisième individu du chef de ce même vol, au motif qu’il

n’était pas établi que le vol n’ait été commis que par deux personnes, d’autant plus que le jury

avait déclaré les accusés coupables d’un vol commis par « deux ou plusieurs personnes »1297

.

L’admission de ce cas de révision en matière de coaction recouvre ainsi des

hypothèses spécifiques et par définition assez rares. Mais un autre cas de révision peut être

invoqué utilement par des individus qualifiés de coauteurs.

415. La révision pour fait nouveau. – Le 4° de l’article 622 du Code de procédure

pénale offre en effet un cas de révision lorsque « après une condamnation, vient à se produire

ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de

nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ». Ajouté aux trois autres par

une loi du 8 juin 18951298

, ce quatrième cas d’ouverture à révision est interprété de façon

extensive par la jurisprudence, en faisant ainsi le cas d’ouverture privilégié des

demandeurs1299

. Il permet en effet de prendre en compte de nombreuses situations. Parmi elles

peuvent être relevées des décisions ayant considéré comme un fait nouveau la décision de

relaxe ou d’acquittement d’un participant à l’infraction1300

. Ainsi, la Cour de cassation a

considéré que la découverte de l’absence de fait principal punissable lors de la poursuite de

l’auteur principal justifiait la demande en révision de la condamnation de son complice1301

.

Transposé à la coaction, il s’agirait ainsi de la situation dans laquelle un individu

aurait été condamné pour une infraction au titre de la coaction alors que son prétendu coauteur

1296 Cass. crim., 5 nov. 1989, Bull. n° 392, Rev. sc. crim. 1988, p. 550, obs. A. BRAUNSCHWEIG. V. également

Cass. crim., 11 juin 1869, Bull. n° 138, S. 1870, 1, p. 190 ; 2 févr. 1919, Bull. n° 33. 1297

V. notamment Cass. crim., 15 janv. 1902, Bull. n° 23, DP 1902, 1, p. 113, concl. M. BAUDOUIN. 1298

Elle-même modifiée par la loi n° 89-431 du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales. 1299

H. ANGEVIN, J.-Cl. Proc. pén., « Demandes en révision », Art. 622 à 626, fasc. 20, 2010, n° 70. 1300

V. notamment Cass. crim., 20 juin 1994, Bull. n° 246 ; 17 juin 1998, Bull. n° 197. L’hypothèse se rapproche

alors de celle visée par le 2° de l’article 622 puisque les deux décisions sont alors inconciliables mais elle en

diffère en ce qu’il s’agit ici non de deux condamnations mais d’une condamnation et d’une relaxe ou d’un

acquittement. 1301

Cass. crim., 14 nov. 1985, Bull. n° 357, Rev. sc. crim. 1986, p. 647, obs. A. BRAUNSCHWEIG ; 26 juin 1991,

Bull. n° 282 : 20 juin 1994, préc. ; 19 juin 2002, pourvoi n° 01-88.256, JurisData n° 2002-015351. V. également

Cass. crim., 24 mai 2006, Bull. n° 152, AJ pén. 2006, p. 316, obs. C. GIRAULT ; AJ pén. 2006, p. 369, obs. G.

ROYER. En dernière date, v. Cass. crim., 17 janv. 2007, Bull. n° 11.

Page 344: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

344

aurait pour sa part été relaxé de ce chef lors de poursuites différentes (successives ou même

disjointes, un seul d’entre eux choisissant d’utiliser les voies de recours par exemple).

Evidemment, pour que la révision soit envisageable, il est nécessaire que cette relaxe n’ait pas

été fondée sur des motifs personnels, mais qu’elle soit justifiée par une cause pouvant être

étendue aux coauteurs1302

(l’infraction est justifiée, ou prescrite par exemple1303

).

416. Bilan. – Deux cas d’ouverture à révision sont ainsi envisageables à l’égard

d’individus qualifiés de coauteurs et dont les poursuites auraient été successives ou disjointes.

La demande de révision, formulée par des personnes limitativement énumérées par le Code de

procédure pénale1304

, sera adressée à la commission de révision près la Cour de cassation, qui

décidera alors, s’il y a lieu, de saisir la chambre criminelle statuant comme Cour de

révision1305

. L’autorité de la chose jugée ne doit en effet pas conduire à ce que demeurent des

décisions inconciliables, au simple motif que l’un des auteurs présumés n’aurait pas été

retrouvé lors des premières poursuites ou qu’il aurait choisi de ne pas exercer les voies de

recours1306

. Il est donc inenvisageable que l’un des supposés coauteurs ne soit pas mis en

mesure de contester sa participation à l’infraction alors même qu’il était absent lors des

premiers débats l’ayant qualifié de la sorte. En d’autres termes, tout supposé coauteur devrait

pouvoir contester sa participation à l’infraction, même s’il n’était pas présent lors des

premiers débats ayant retenu cette qualification à son égard. Il faut alors voir s’il en est de

même s’agissant de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

1302 Dans le même sens, v. C. GUILLEMAIN, Révision et criminalité dépendante, La portée des décisions de

justice inconciliables, JCP G 2001, I, 295, spéc. n° 7, selon qui « pour que la révision soit valable, l’infraction

doit disparaître ». Cependant, cet auteur explique également que prononcer une relaxe ou un acquittement à

l’égard d’un seul individu n’est absolument pas contradictoire en matière de coaction car le sort des coauteurs est

parfaitement indépendant. 1303

V. infra n° 437 et s. et 462 et s. 1304

L’article 623 dispose en effet que : « La révision peut être demandée :

1° Par le ministre de la justice ;

2° Par le condamné ou, en cas d'incapacité, par son représentant légal ;

3° Après la mort ou l'absence déclarée du condamné, par son conjoint, ses enfants, ses parents, ses légataires

universels ou à titre universel ou par ceux qui en ont reçu de lui la mission expresse. » 1305

V. C. proc. pén., art. 623 et s. 1306

V. C. GUILLEMAIN, Révision et criminalité dépendante, La portée des décisions de justice inconciliables,

préc., n° 11.

Page 345: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

345

§2- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil

417. Principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. – Le principe selon

lequel la chose jugée au pénal a autorité sur celle jugée au civil date du XIXème siècle.

Consacré de façon définitive par la jurisprudence dans l’arrêt Quertier rendu par la Chambre

civile de la Cour de cassation le 7 mars 18551307

, il est depuis constamment rappelé par la

jurisprudence1308

. Bien que son fondement soit discuté et son principe contesté1309

, il demeure,

en particulier s’agissant de la qualification des faits et de la déclaration de culpabilité ou de

non-culpabilité d’un individu.

Dès lors, le fait d’avoir établi une coaction pénale pourrait avoir un impact en matière

civile si des coauteurs venaient à être jugés par une juridiction civile : cette dernière ne

pouvant remettre en cause la participation à l’infraction ainsi établie, elle devrait en tirer les

conséquences sur le plan civil, notamment quant à la réparation du préjudice de la victime.

Cependant, le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil a un effet relatif,

c’est-à-dire qu’il ne peut s’imposer à l’égard des personnes qui n’étaient pas parties à

l’instance pénale1310

. Il faut alors s’intéresser aux hypothèses d’absence d’autorité de la chose

jugée au pénal sur le civil alors qu’une coaction pénale a été établie (A) avant de voir

l’exigence d’une telle autorité dans cette situation (B).

A- L’absence d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil

418. L’hypothèse d’absence d’identité entre les défendeurs. – Des mêmes faits

pouvant être le fruit de l’action conjuguée de différents coauteurs, il est possible d’imaginer

que certains fassent l’objet de poursuites civiles alors qu’ils n’ont pas été inquiétés par les

juridictions pénales pourtant saisies de l’affaire mais à l’égard d’autres participants.

Ainsi, imaginons qu’en vertu de l’opportunité des poursuites, le Ministère Public n’ait

pas souhaité poursuivre un individu B alors même que son coauteur A l’aurait été et aurait, en

1307 Bull. civ. n° 31 ; D. 1855, 1, p. 81; S. 1855, 1, p. 439.

1308 V. notamment Cass. 1

ère civ., 25 mars 1997, Bull. civ., I, n° 104 ; Cass. 2

ème civ., 25 mars 1998, Bull. civ., II,

n° 99 ; JCP G 1998, IV, 02156 ; Cass. soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-41.105, JurisData n° 2001-010272. 1309

La formule est empruntée à D. CARON, « Autorité de la chose jugée, Autorité de la chose jugée au pénal sur

le civil », J.-Cl. Procéd. Pén. Code, App. art. 6, fasc. 20, 2011. 1310

V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 983 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1039.

Page 346: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

346

outre, été condamné au titre de la coaction. Le juge civil amené ultérieurement à examiner la

même affaire ne pourrait nier la participation de A à l’infraction en vertu de l’autorité de la

chose jugée au pénal sur le civil ; mais il pourrait en revanche imputer ces mêmes faits à

B1311

. En effet, si les défendeurs lors des litiges pénal et civil ne sont pas les mêmes, l’autorité

de la chose jugée au pénal n’existe pas car alors « le juge civil ne statue pas sur le même

problème d’imputation que le juge pénal »1312

. Or, une telle hypothèse, bien que rare, serait

susceptible d’exister en matière de coaction.

Elle est en réalité d’autant plus envisageable que la coaction peut concerner des

affaires où un grand nombre de protagonistes seraient condamnables en tant que coauteurs

mais où le Ministère Public aura préféré n’en poursuivre que certains, à titre d’exemple. Il

faut se rappeler ici de l’affaire des faucheurs volontaires précédemment évoquée : en l’espèce,

plus de 400 personnes avaient participé à l’infraction de destruction du bien d’autrui ;

cependant seules certaines d’entre elles avaient été poursuivies1313

. La solution serait

d’ailleurs identique si le juge pénal avait refusé de caractériser la participation de l’individu

A : le juge civil pourrait alors caractériser la participation de B ou C1314

.

En revanche, dès l’instant où les faits ainsi que les défendeurs à l’action sont les

mêmes lors des litiges pénal et civil, le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le

civil aura vocation à s’appliquer.

B- L’exigence d’une autorité de la chose jugée au pénal sur le civil

419. L’imputation collective d’un dommage causé par le membre indéterminé d’un

groupe. – Exiger que la chose jugée au pénal s’impose sur celle jugée au civil suppose surtout

une identité de faits entre ces choses jugées. Or, l’un des points d’intersection qui se

retrouvent fréquemment entre les matières civile et pénale lorsque plusieurs défendeurs sont

en cause est certainement celui des dommages causés en groupe1315

. Ainsi, dans l’hypothèse

où un dommage a été causé en groupe sans que l’on puisse déterminer quel membre en était à

1311 Il serait d’ailleurs possible de considérer ici que la cause même de l’action est différente en ce que la

participation de B est un fait différent de celle de A. 1312

A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, LGDJ, 2010, n° 377. 1313

V. supra n° 397. 1314

A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, préc., n° 377. V.

également N. VALTICOS, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Thèse Paris, Sirey, 1953, n° 359. 1315

V. notamment J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie

générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, n° 310 et s.

Page 347: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

347

l’origine, la jurisprudence a recours à une présomption de causalité afin de relier les différents

membres de ce groupe au dommage. Or, dès lors qu’une coaction entre les membres d’un tel

groupe est établie, elle pourrait justifier l’établissement de cette présomption de causalité en

matière pénale (1), dont les conséquences seraient particulièrement prégnantes en matière

civile (2).

1- L’établissement d’une présomption de causalité en matière pénale

420. Hypothèses. – En cas de dommage causé par le membre indéterminé d’un groupe,

il a précédemment été énoncé que, dès lors que la participation d’un individu à une activité

dangereuse ainsi que la preuve que l’activité dangereuse en question avait causé le dommage

(de façon intentionnelle ou non) étaient constatées, une présomption de participation de

l’individu au dommage et donc de causalité avec celui-ci pouvait être établie. En effet, plutôt

qu’établir un lien de causalité entre chaque membre du groupe et le dommage, la

jurisprudence considère l’ensemble des comportements comme un tout, une scène unique,

dont le lien de causalité avec le dommage sera beaucoup plus aisé à établir1316

. En matière

intentionnelle, il s’agit par exemple de l’hypothèse dans laquelle deux personnes jettent des

pierres sur un individu, sans que l’on puisse déterminer quel projectile a atteint la victime. En

matière non intentionnelle, il s’agit par exemple du groupe de chasseurs tirant dans une même

direction et blessant un promeneur, sans que, là encore, on ne puisse déterminer qui est

l’auteur du coup de feu ayant touché l’individu.

421. Coaction et cause concrète du résultat pénal. – Cette présomption est parfois

présentée comme une règle de preuve1317

, dans la mesure où il est toujours envisageable de

démontrer que l’individu n’a pas été la cause concrète du dommage et, donc, qu’il n’encourt

pas de sanction pénale. Cependant, cette affirmation pourrait ne pas convaincre si l’on retient

une participation au titre de la coaction. En effet, raisonner sur une coaction et donc sur une

infraction collective implique nécessairement de globaliser les comportements en cause, et de

faire émerger une « cause unique », fusion des causes individuelles, qui devra être

1316 V. supra n° 177 et s.

1317 F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit pénal,

D. 2011, p. 1983, n° 11.

Page 348: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

348

déterminante du résultat pénal envisagé. Or, démontrer qu’un individu n’a pas été la cause

concrète du dommage ne signifie pas pour autant qu’il ne peut en être qualifié de coauteur. Il

pourra l’être si les comportements des coauteurs, pris dans leur ensemble, s’entendent d’une

cause déterminante du résultat pénal1318

. Cela est d’autant plus vrai qu’il n’est pas nécessaire

que l’ensemble des coauteurs d’une infraction accomplissent chacun tous les éléments

constitutifs de l’infraction collective : celui qui n’en aura commis que le commencement

d’exécution pourra être qualifié de coauteur1319

. Or, par hypothèse, ce dernier n’aura pas, pris

individuellement, causé concrètement le résultat infractionnel. Aussi, si l’on admettait que le

coauteur d’une infraction puisse s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pu,

concrètement, causer le dommage, la définition ainsi posée de la coaction perdrait toute

pertinence. Il faut alors considérer qu’en cas de dommage causé par le membre indéterminé

d’un groupe, si une coaction est établie entre les différents protagonistes du groupe, la

présomption de causalité entre le comportement de chacun des membres du groupe et le

dommage devient une règle de fond, et le résultat infractionnel doit leur être imputé à tous. La

sévérité de la solution se justifie tant en matière intentionnelle que non intentionnelle dans la

mesure où l’entente, propre à la coaction, qu’elle porte sur un acte ou sur un résultat

infractionnels1320

, entraîne une dangerosité accrue qui ne peut laisser indifférent, et surtout,

implique l’existence d’une infraction unique, collective.

422. Maintien de la règle de preuve en l’absence de coaction. – Pour autant, il ne

faudrait pas en conclure que tout membre d’un groupe se verra nécessairement imputer le

dommage causé par un de ses membres indéterminé, sans pouvoir renverser cette

présomption. Si aucune coaction ne peut être relevée entre les membres du groupe, faute

d’entente par exemple, la présomption doit demeurer une simple règle de preuve. A cet égard,

il est possible d’imaginer l’hypothèse dans laquelle deux chasseurs n’ayant pas prévu de

chasser ensemble se retrouvent par hasard à tirer sans visibilité dans la même direction, sans

aucune concertation. Si l’un de leurs tirs blesse un individu, les chasseurs ne pourront être

qualifiés de coauteurs car leur imprudence n’est pas commune ici, leurs fautes sont

1318 V. supra n° 217 et s., spéc. n° 230.

1319 V. supra n° 292 et 293.

1320 V. supra n° 121 et s.

Page 349: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

349

simplement concurrentes et non conjuguées1321

. Dès lors, là encore, la présomption de

causalité entre leurs comportements et le dommage devra pouvoir être renversée et demeurer

une simple règle de preuve.

423. Bien que cantonnée aux hypothèses dans lesquelles une coaction aura été retenue,

la solution témoigne d’une sévérité particulière à l’égard de ce mode de participation, d’autant

plus que cette transformation de la présomption de causalité en cas de dommage causé par le

membre indéterminé d’un groupe en règle de fond pourrait avoir des conséquences

intéressantes en matière civile, renforçant davantage la sévérité de la coaction.

2- Les conséquences en matière civile

424. Présomption de causalité en droit civil. – La matière civile connaît également la

question des dommages causés par le membre d’un groupe sans qu’il soit possible de

déterminer l’auteur de ce dommage, en particulier s’agissant des accidents de chasse ou des

jeux d’enfants ayant occasionné un dommage à autrui. Comme en matière pénale, après avoir

d’abord rejeté la responsabilité des membres du groupe faute de pouvoir établir avec certitude

le lien de causalité unissant chaque individu au dommage1322

, doctrine et jurisprudence ont

élaboré différentes théories afin de justifier l’imputation du dommage à l’ensemble du groupe,

en se fondant sur les articles 1382 et 1384 alinéa 1er

du Code civil. Il a ainsi été envisagé de

retenir la faute collective des membres du groupe1323

ou encore de considérer que ceux-ci

avaient la garde commune de la chose à l’origine du dommage (le ou les plombs en matière

d’accidents de chasse, le ballon par exemple en matière de jeux d’enfants)1324

. Mais, quel que

soit le fondement envisagé pour retenir la responsabilité de l’ensemble des membres du

groupe, la doctrine considère parfois que le rapport de causalité ainsi établi n’est qu’une règle

1321 Sur ces notions, v. supra n° 152 et s.

1322 Pour la doctrine, v. notamment G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la

responsabilité, LGDJ, 3ème

éd., 2006, n° 375. Pour la jurisprudence, v. notamment Cass. 2ème

civ., 4 janv. 1957,

D. 1957, 264 ; Cass. 2ème

civ., 9 oct. 1957, D. 1957, 708. 1323

Cass. 2ème

civ., 5 juin 1957, D. 1957, 493, note SAVATIER ; JCP G 1957, 10205, note ESMEIN ; Cass. 2ème

civ.,

6 mars 1968, Bull. civ. II, n° 76 ; Cass. 2ème

civ., 19 mai 1976, JCP G 1978, 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE,

1ère

esp. ; Bull. civ. II, n° 163 ; Cass. 2ème

civ., 2 avr. 1997, D. 1997, IR 105, Bull. civ. II, n° 112. 1324

V. notamment D. MAYER, La « garde » en commun, RTD Civ. 1975, p. 197. V. également Cass. 2ème

civ., 9

oct. 1957, D. 1957, 708; Cass. 2ème

civ., 15 déc. 1980, Bull. civ. II, n° 269; Cass. 2ème

civ., 1er avr. 1981, Bull.

civ. I, n° 24.

Page 350: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

350

de preuve. Cette présomption de causalité1325

doit alors rester simple et permettre à chacun de

s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pu causer le dommage1326

. La

jurisprudence retient d’ailleurs cette solution puisqu’elle admet d’écarter la responsabilité

d’un chasseur ayant prouvé que son tir n’avait pu être la cause des blessures de la victime1327

.

La parenté avec les solutions retenues en matière pénale permet alors de penser que la

transformation, en matière pénale, de la présomption de causalité en règle de fond pourrait

avoir des conséquences en matière civile.

425. Etablissement de la causalité civile. – En effet, la Cour de cassation considère

que le jugement de relaxe fondé sur l’absence de lien de causalité entre l’accident et les

blessures ne peut être contredit, tant sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que sur

celui de son article 1384 alinéa 1er1328

. Dès lors, la réciproque devrait également s’appliquer :

si le juge pénal considère le lien de causalité entre un comportement et un dommage établi, le

juge civil devrait en faire de même. C’est précisément ce que retient la Cour de cassation : le

lien de causalité établi par le juge pénal ne peut être remis en cause par le juge civil1329

.

Certes, les conceptions civiliste et pénaliste de la causalité auraient pu laisser entrevoir des

divergences quant à l’établissement du lien causal, mais refuser une telle distinction est

certainement justifié en ce que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil « contribue à

garantir la paix sociale comme la crédibilité de la justice »1330

.

Quoi qu’il en soit, l’autorité de chose jugée au criminel sur le civil va permettre de

transposer en matière civile la causalité établie en matière pénale alors même que les règles en

matière civile auraient pu être différentes, et ce d’autant plus que le juge civil n’établit pas

nécessairement la causalité de la même façon que le juge pénal. La causalité civile sera ainsi

établie de façon irréfragable. La conclusion se rapproche d’ailleurs de celle proposée par un

1325 V. PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2

ème éd., 2009, n° 261 ; G. VINEY et P.

JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, préc., n° 378. 1326

PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, préc., n° 361 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX,

Les obligations, Le fait juridique, t. 2, A. Colin, 13ème

éd., 2009, n° 165; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de

droit civil, Les conditions de la responsabilité, préc., n° 380 ; F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la

responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit pénal, préc. , n° 10. 1327

Cass. 2ème

civ., 9 mai 1976, 3ème

arrêt, JCP G 1978. II. 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE. 1328

Cass. 2ème

civ., 12 juin 1975, Bull. civ. II, n° 176 ; RTD civ. 1997, p. 334, note G. DURRY ; Cass. 2ème

civ., 21

oct. 1976, D. 1977, I. R., p. 14 ; Cass. 2ème

civ., 5 janv. 1978, D. 1978, I. R., p. 201, obs. C. LARROUMET ; Cass.

2ème

civ., 22 avr. 1992, Bull. civ., II, n° 127 ; D. 1992, jurispr. p. 353, note PH. BURGELIN ; Cass. 2ème civ., 31

mars 1993, Bull. civ., II, n° 130. 1329

Cass. 3ème

civ., 11 mai 2000, Bull. civ. III, n° 108. 1330

A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, préc., n° 387.

Page 351: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

351

auteur en matière civile, qui avait envisagé de faire de la responsabilité collective des

membres du groupe une règle de fond dès lors qu’une entente unissait ses membres1331

.

Certains voient dans une telle solution une forme de sanction des individus ayant participé à

une action collective dangereuse1332

, dont la finalité serait en accord avec un certain

renouveau de l’idée de punition en droit civil1333

. Cependant, outre le fait qu’il peut sembler

particulièrement contestable de dévoyer ainsi les fonctions traditionnelles des responsabilités

civile et pénale1334

, la solution n’a pas besoin d’une telle justification : elle s’explique ici par

le souci de cohérence entre les matières civile et pénale, allié à l’autorité de la chose jugée au

criminel sur le civil.

De plus, transposer en matière civile la causalité établie en matière pénale éviterait

toute question relative aux recours entre coauteurs au stade de la contribution à la dette. En

effet, leur faute pénale commune justifie non seulement que tous soient obligés à la dette,

mais aussi que tous y contribuent : aucune distinction selon la gravité des fautes, critère

traditionnellement utilisé pour régler cette difficulté, n’aurait à être mise en place puisqu’une

1331 H. ABERKANE, Du dommage causé par une personne indéterminée dans un groupe déterminé de personnes,

RTD civ. 1958, p. 516, spéc. n° 29 et s. Sur la responsabilité collective comme règle de fond, v. également G.

DURRY, note sous Civ. 2ème

, 9 mai 1976, RTD civ. 1977, 129 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, préc.,

n° 165.

En outre, le projet de réforme du droit de la responsabilité civile de l’Académie des sciences morales et

politiques se fonde également sur l’idée d’entente pour justifier l’imputation collective du dommage causé par le

membre indéterminé d’un groupe, même s’il considère la présomption de causalité ainsi établie comme une

simple règle de preuve. Il envisage en effet un article 12 rédigé comme suit : « Lorsqu’un dommage est causé

par un membre indéterminé d’un groupe de personnes agissant de concert, chacune en répond pour le tout, sauf

à démontrer qu’elle ne peut l’avoir causé ». Sans empêcher pour autant la création jurisprudentielle d’autres

présomptions de causalité fondées sur d’autres éléments (V. J.-S. BORGHETTI, « De la causalité », in Pour une

réforme du droit de la responsabilité civile, Sous la direction de F. TERRE, Dalloz, Coll. Thèmes et

Commentaires, 2011, p. 143 et s.), ce texte démontre ainsi que l’entente peut s’analyser comme un critère

efficace d’établissement d’une présomption de droit. Transformer la règle de preuve en règle de fond dès lors

qu’une coaction pénale, fondée sur une entente alliée à d’autres critères, serait caractérisée pourrait alors être

d’autant plus envisageable. 1332

En ce sens, V. G. DURRY, note sous Civ. 2ème

, 9 mai 1976, RTD civ. 1977, 129 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et

E. SAVAUX, préc., n° 165. 1333

V. notamment S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, 1995. V.

également F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, préc., n° 20, qui parle à cet

égard de « responsabilité normative ». 1334

V. notamment J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie

générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, spéc. Partie 2.

En outre, F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit

pénal, préc., n° 20 montre également que la solution nécessiterait de vérifier la capacité de discernement de

chaque individu du groupe et d’exiger un minimum de concertation. Mais l’auteur raisonne ici sur la

transformation de la responsabilité collective en règle de fond de façon générale ; dès lors que la solution est

cantonnée à la question de la coaction, qui vérifie ces deux aspects (pour l’imputabilité, v. supra n° 60 et s.; pour

l’entente, v. supra n° 91 et s.), cette objection disparaît.

Page 352: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

352

seule infraction pénale, commune, peut être relevée. Il conviendrait alors de partager la dette

par parts viriles.

426. Cantonnement de la solution à la coaction pénale. – Néanmoins, là encore, il

faut se garder d’étendre à l’excès cette solution : elle doit demeurer cantonnée aux hypothèses

dans lesquelles une coaction au sens pénal du terme aura été établie entre les membres du

groupe. Ainsi, si aucune coaction n’est caractérisée entre les membres du groupe, la

présomption de causalité établie par les juges répressifs, déjà simple règle de preuve en

matière pénale, devra demeurer une règle de preuve en matière civile également. Le courant

jurisprudentiel actuel relatif aux dommages survenus en matière médicale, représenté par

exemple par les solutions rendues à l’occasion de l’affaire du Distilbène1335

doit donc

s’attacher à ce que la présomption de causalité qui y est mise en œuvre reste une simple règle

de preuve.

1335 V. Cass. 1

ère civ., 24 sept. 2009, UCB Pharma et Novartis Santé Familiale, pourvois n° 08-10.081 et n° 08-

16.305, RTD civ. 2010, p. 111, note P. JOURDAIN ; D. 2010, p. 50, note P. BRUN, et 2672, note I. GELBARD-LE

DAUPHIN ; RDSS 2009, p. 1161, note J. PEIGNE ; RTD com. 2010, p. 415, note B. BOULOC ; JCP G 2009, n° 44,

381, note S. HOCQUET-BERG ; RCA 2009, étude 15, par C. RADE. V. également Cass. 1ère

civ., 28 janv. 2010, n°

08-18.837, RCA 2010, n° 80 ; D. 2010, p.2671, obs. I. GELBARD-LE DAUPHIN, et 2011, p. 39, obs. P. BRUN ;

RTD com. 2010, p. 776, obs. B. BOULOC.

Page 353: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

353

Conclusion du chapitre 2

427. L’indivisibilité entre coauteurs. – L’interdépendance liant les coauteurs se traduit

nécessairement sur le plan procédural en les soumettant à une véritable solidarité. En effet, les

comportements des coauteurs étant étroitement mêlés, la définition même de la coaction ne

peut se satisfaire d’une simple connexité et impose une indivisibilité entre coauteurs dans la

mesure où celle-ci suppose également un rapport mutuel de dépendance. L’indivisibilité

entraînera ainsi une jonction obligatoire des procédures les concernant, permettant que tous

soient jugés par les mêmes magistrats, et participant de la sorte à une meilleure administration

de la justice. En outre, l’indivisibilité justifie que l’acte interruptif de prescription adressé à

l’un des coauteurs étende ses effets aux autres et interrompe ainsi le délai de prescription à

leur égard également. Enfin, elle impose une solidarité entre coauteurs pour le paiement des

dommages et intérêts, solidarité qui ne peut toutefois être justifiée quant au paiement des

amendes pénales.

L’indivisibilité engendre ainsi des conséquences qui peuvent susciter des difficultés de

mise en œuvre et expliquent qu’on ne puisse l’imposer que dans peu d’hypothèses. De ce fait,

et parce que les définitions de l’indivisibilité et de la complicité ne convergent pas

nécessairement, il est logique de ne pas rendre obligatoire l’indivisibilité en matière de

complicité qui, pour sa part, ne se caractérise pas par une interdépendance des

comportements. Surtout, l’indivisibilité reflète une sévérité particulière à l’égard de la

coaction. En effet, en permettant que l’acte interruptif d’instance pris à l’égard de l’un étende

ses effets aux autres, elle place les coauteurs dans une solidarité de répression qui leur est

défavorable puisque le délai de prescription sera reconduit pour tous, y compris pour ceux

n’ayant pas été visés par l’acte interruptif. De même, la solidarité dans le paiement des

dommages et intérêts peut être considérée comme une forme de sanction civile des coauteurs,

s’ajoutant à leur condamnation pénale.

428. L’autorité de chose jugée entre coauteurs. – Toutefois, cette solidarité

procédurale est susceptible de connaître des limites. En effet, malgré l’indivisibilité

procédurale unissant les coauteurs, il peut arriver que ces derniers ne puissent être jugés

Page 354: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

354

ensemble, parce que l’un aura exercé des voies de recours alors que l’autre y aura renoncé, ou

encore parce que l’un d’entre eux sera en fuite. Le principe d’autorité de chose jugée sera

alors mis en balance face à celui du contradictoire notamment. Aussi, le principe d’autorité de

chose jugée ne peut conduire à ce qu’un individu qualifié de coauteur alors qu’il était absent

lors des débats ne puisse contester sa participation à l’infraction. Partant, l’absence d’identité

de parties lors de poursuites successives autorise à ce que les faits, bien qu’identiques, soient

jugés lors d’une nouvelle instance. Mieux encore, l’éventuelle contradiction de décisions qui

pourrait en résulter ouvre la possibilité d’un recours en révision. Le principe d’autorité de la

chose jugée au pénal sur le pénal impose donc des aménagements en matière de coaction afin

qu’un coauteur absent des premiers débats soit mis en mesure de se défendre et que ne

demeurent pas des décisions inconciliables.

En outre, le principe d’autorité de chose jugée au pénal sur le pénal se double d’un

principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil. Dès lors, la caractérisation d’une

coaction pénale a nécessairement des incidences sur les affaires civiles mettant en cause des

individus qualifiés de coauteurs par les juridictions pénales. Ce constat est particulièrement

vrai en matière de dommages causés en groupe, que leur commission ait été intentionnelle ou

non : dès l’instant où un dommage aura été considéré comme l’œuvre de coauteurs au sens

pénal, le juge civil ne pourra nier leur participation au dommage et devra considérer comme

établie la causalité entre leurs comportements et le dommage.

Page 355: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

355

Conclusion du Titre 1

429. Une responsabilité soumise à la communication pénale entre coauteurs. –

L’interdépendance constatée entre coauteurs commande ainsi une sévérité particulière dans

leur régime. D’une part, en imposant une communication pénale entre eux des éléments

constitutifs de l’infraction collective, elle élargit le champ de leur répression. De plus, la

possibilité de leur imputer certaines circonstances aggravantes de l’infraction collective

participe également de cette sévérité accrue : bien que soumise à conditions, cette éventuelle

communication se fait à double sens, chaque coauteur étant susceptible de colorer l’infraction.

La distinction avec la complicité prend alors tout son sens dans la mesure où, si cette dernière

forme de participation permet au complice d’emprunter certaines circonstances pourtant

réalisées par l’auteur principal, la réciproque n’est pas nécessairement vérifiée. La solution

permet alors de ménager une cohérence dans la répression des modes de participation tout en

assurant l’autonomie de la coaction.

430. Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs. –D’autre part,

l’interdépendance entre coauteurs se retrouve également quant à la procédure à laquelle ils

sont soumis, qui témoigne ainsi d’une véritable solidarité entre eux. Or, là encore, cette

solidarité procédurale entraîne une sévérité particulière à l’égard des coauteurs.

Effectivement, parce que la définition de la coaction dicte une indivisibilité entre ses acteurs,

les effets de celle-ci vont s’étendre à tous ces derniers, conduisant alors à interrompre le délai

de prescription pour tous ou encore à leur imposer, notamment, une solidarité en matière de

paiement de l’amende. A la communication d’éléments de fond répond ainsi une

communication procédurale entre coauteurs, qui s’impose dans un souci de bonne

administration de la justice. Toutefois, cette solidarité procédurale connaît des limitations

lorsqu’il est impossible de juger tous les coauteurs en même temps. Le principe d’autorité de

la chose jugée ne peut alors mettre à mal les principes essentiels de procédure, en particulier

les droits de la défense. Le coauteur absent lors des premiers débats pourra ainsi remettre en

cause sa participation lors d’une nouvelle instance, ce qui sera susceptible d’ouvrir un recours

en révision au premier jugé dans l’hypothèse où les décisions seraient inconciliables. En

revanche, si le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil permet au juge

Page 356: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

356

civil de connaître d’une affaire déjà examinée par le juge pénal, il exige que la coaction

établie par ce dernier ne puisse être niée et emporte établissement du lien de causalité entre les

coauteurs et le dommage : à nouveau, la solidarité procédurale témoigne de la sévérité des

conséquences qu’implique l’interdépendance entre coauteurs.

Mais l’interdépendance entre coauteurs n’est pas la seule spécificité reconnue à la

coaction. Effectivement, cette dernière a avant tout été définie comme un mode de

participation à une infraction collective, ce qui n’est pas sans susciter de nouvelles

conséquences sur son régime.

Page 357: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

357

Titre 2- L’influence de la participation à une infraction

collective sur le régime de la coaction

431. Lien entre infraction collective et entente. – La coaction a été définie comme un

mode de participation criminelle dont l’objet serait nécessairement une infraction

collective1336

. Partant, cet objet particulier devrait entraîner des conséquences spécifiques sur

ce titre d’imputation1337

. Or, là encore, il semble que cet impact traduise une sévérité

particulière à l’égard de ce mode de participation à l’infraction.

432. Infraction collective et participation à une infraction unique. – L’infraction

collective est ainsi, et avant tout, une infraction unique. Partant, tout élément qui affecte cette

infraction va nécessairement avoir des conséquences sur l’ensemble de ses participants et

donc sur ses coauteurs. Par exemple, si un élément constaté à l’égard d’un coauteur fait

disparaître l’infraction, parce que celle-ci est commune aux coauteurs, elle devra disparaître à

l’égard de tous.

Assurément, la même conclusion pourrait a priori être tirée s’agissant de la

complicité. Néanmoins, cette dernière ne se greffe pas nécessairement sur une infraction

collective ou unique1338

. De plus, même si tel est le cas, ce constat ne remettrait pas

obligatoirement en cause la sévérité particulière de la coaction : pour reprendre le même

exemple, en admettant que la disparition de l’infraction à l’égard de l’auteur principal

bénéficie également au complice, la coaction ne serait pas nécessairement plus favorable que

la complicité. En effet, pour aboutir à une telle conclusion, il faut nécessairement se référer

1336 Même s’il est vrai que la justification de cette infraction collective est fondée sur un élément subjectif,

l’entente : v. supra n° 91 et s. 1337

Certes, l’existence de cette infraction collective est fondée sur l’entente unissant les coauteurs, de même que

cette dernière justifiait l’existence d’une interdépendance entre eux. Il serait alors possible d’invoquer le

caractère artificiel de la distinction selon laquelle certains éléments du régime seraient déterminés par

l’interdépendance entre coauteurs alors que d’autres le seraient par la participation à une infraction collective.

Cependant, l’entente crée ici un élément parfaitement objectif puisqu’elle permet de caractériser l’existence

d’une seule et même infraction, élément objectif dont les caractères devraient nécessairement avoir un impact sur

le régime applicable aux coauteurs. 1338

V. supra n° 102 et s.

Page 358: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

358

aux autres caractères déduits de la participation des coauteurs à une infraction collective : si

ceux-ci entraînent pour leur part une sévérité accrue de la coaction, il est alors possible de

retenir une sévérité globale de l’influence de la participation à une infraction collective sur le

régime de la coaction.

433. Infraction collective et participation à sa propre infraction. – En outre,

l’infraction collective en jeu n’est pas n’importe quelle infraction collective : parce que la

coaction se définit comme une mode de participation à sa propre infraction, l’infraction

collective est d’abord l’infraction collective des coauteurs, et non celle d’autrui, la

rapprochant en cela de l’infraction commise par un auteur. Dès lors, ce constat devrait

emporter des conséquences quant à la répression de la coaction dans la mesure où l’action est

réprimée plus largement que la complicité par exemple.

434. Il convient alors de préciser ces incidences en étudiant l’influence de la

participation à une infraction unique (Chapitre 1) puis de la participation à sa propre

infraction (Chapitre 2) sur le régime de la coaction.

Page 359: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

359

Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le

régime de la coaction

435. Exclusion des causes d’aggravation de responsabilité. – Il a été montré qu’en

participant à une infraction collective, les coauteurs participent avant tout à une infraction

unique, qui leur est commune. Ainsi, les causes qui vont affecter cette infraction devraient

nécessairement se répercuter sur l’ensemble de ses participants, et donc sur ses coauteurs. Or,

différentes circonstances sont susceptibles de toucher l’infraction, en l’aggravant ou en la

faisant disparaître, et donc d’être communes aux coauteurs. Parmi elles, il serait possible

d’envisager notamment les circonstances aggravantes puisque, comme il l’a été dégagé, elles

viennent colorer l’infraction lorsqu’elles sont réelles ou mixtes1339

. Cependant, outre le fait

que la communication de ces circonstances s’explique par l’interdépendance entre

coauteurs1340

, leur caractérisation ne conduit pas à constater l’existence d’une infraction

unique. En effet, il a été vu que la théorie selon laquelle la circonstance aggravante permettrait

de caractériser une nouvelle infraction pouvait être discutée1341

. Considérée comme un simple

accessoire de l’infraction, elle ne l’affecte ainsi pas directement et ne peut s’étendre

automatiquement à tous les coauteurs.

436. Distinction entre les causes de neutralisation de l’infraction. – Reste alors la

question des causes susceptibles d’entraîner la disparition de l’infraction. Dès l’instant où

elles s’attachent à l’infraction et non à la personne de l’un des participants, les auteurs y

classent traditionnellement les faits justificatifs tels que la légitime défense ou l’autorisation

de la loi1342

. Mais d’autres causes sont susceptibles d’avoir un effet objectif sur la

responsabilité des participants parce qu’elles sont extérieures à la personnalité de ces derniers

et jouent sur l’infraction elle-même. Par exemple, l’amnistie de certains faits, en ce qu’elle

empêche de les considérer comme délictueux, s’attache à première vue à l’infraction et non à

1339 V. supra n° 355 et 356.

1340 V. supra n° 322 et s.

1341 V. supra n° 348.

1342 V. infra n° 437.

Page 360: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

360

chacun de ses participants, pris individuellement. Plus généralement, ces causes semblent

pouvoir être distinguées selon qu’elles entraînent une justification de l’infraction ou son oubli.

Or, quel que soit leur fondement, toutes devraient se communiquer entre coauteurs dès lors

qu’elles jouent sur l’infraction. Il convient alors de vérifier cette hypothèse en s’intéressant à

la justification commune de l’infraction entre coauteurs (Section 1) ainsi qu’à son oubli

commun (Section 2).

Page 361: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

361

Section 1- La justification commune de l’infraction

437. Définition des faits justificatifs. – Les faits justificatifs sont traditionnellement

définis comme des circonstances de réalisation d’un acte ou d’une omission entraînant

l’irresponsabilité de leur auteur alors que la commission de cet acte ou de cette omission, hors

ces circonstances, serait traditionnellement répréhensible. Il est classiquement distingué entre

les faits justificatifs généraux et les faits justificatifs spéciaux. Les premiers sont dits généraux

en ce qu’ils sont susceptibles de s’appliquer à toute infraction. Il s’agit ainsi de l’ordre de la

loi ou du commandement de l’autorité légitime1343

, de la légitime défense1344

et de l’état de

nécessité1345

. Quant aux seconds, ils ne s’appliquent qu’à une incrimination particulière. Par

exemple, l’exceptio veritatis ou exception de vérité peut justifier le délit de diffamation1346

.

438. Divisions doctrinales. – La doctrine ne s’accorde toutefois pas sur le fondement et

sur l’effet de ces causes d’irresponsabilité. Alors que pour certains, les faits justificatifs, qu’ils

soient généraux ou spéciaux, s’apparenteraient à des causes subjectives d’irresponsabilité, la

majorité des auteurs les considère comme des causes objectives d’irresponsabilité. Les

conséquences de l’adoption de l’une ou l’autre de ces conceptions sont importantes en matière

de participation à l’infraction, et plus particulièrement de coaction. En effet, si le fait

justificatif est considéré comme une cause subjective d’irresponsabilité, son existence devra

être appréciée individuellement, en chaque participant. En revanche, s’il est considéré comme

une cause objective d’irresponsabilité, son effet pourrait se produire erga omnes, c’est-à-dire

à l’égard de tous les participants à l’infraction1347

. En réalité, il semble que la justification de

l’infraction commise par les coauteurs soit nécessairement commune dans la mesure où il

convient de rejeter les conceptions subjectives des faits justificatifs (§1) pour adhérer aux

conceptions objectives de ceux-ci (§2).

1343 C. pén., art. 122-4.

1344 C. pén., art. 122-5 et 122-6.

1345 C. pén., art. 122-7.

1346 L. 29 juil. 1881, art. 35.

1347 Sur ces différents points, v. infra n° 451 et 460.

Page 362: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

362

§1- Le rejet des conceptions subjectives des faits justificatifs

439. Causes de disparition ou de non-imputation de l’infraction. – Différentes

conceptions peuvent être relevées au sein même de l’approche subjective des faits justificatifs.

Alors que pour certains, ces derniers joueraient sur la constitution de l’infraction en

empêchant la constatation de son élément moral, selon d’autres, ils empêcheraient son

imputation.

440. Faits justificatifs et contrainte. – Ainsi, une partie de la doctrine rapproche les

faits justificatifs de la notion de contrainte morale1348

. En vertu de cette analyse, l’agent ayant

agi sous l’empire d’un fait justificatif aurait été contraint de faire face à un péril imminent,

comme poussé par une force irrésistible. Dès lors, l’existence d’un fait justificatif devrait être

recherchée dans la personne de chacun des participants et aucune communication ne pourrait

avoir lieu à leur égard entre coauteurs. Les faits justificatifs auraient ainsi nécessairement un

effet in personam.

441. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs à la contrainte. – Cependant, une

telle conception ne peut être approuvée. En effet, comme l’ont montré certains auteurs, les

faits justificatifs laissent demeurer la liberté de l’agent et ne peuvent donc être assimilés à la

contrainte1349

. Ainsi, l’autorisation de la loi offre précisément une faculté à l’individu : il est

autorisé à commettre une infraction mais n’en a aucunement l’obligation1350

. De même,

l’individu agissant en état de légitime défense n’est nullement obligé à le faire par une force

irrésistible. Enfin, comme il l’a été remarqué1351

, les conditions de proportionnalité et de

1348 A.-C. DANA, Essai sur la notion d’infraction, LGDJ, 1982, p. 144 et s. Rappr. du droit civil où certains

auteurs assimilent les faits justificatifs à la force majeure : v. PH. LE TOURNEAU et alii, Droit de la responsabilité

et des contrats, Dalloz, coll. Action, 8e éd., 2010/2011, n° 1973.

1349 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 283 ; G. ROUJOU DE

BOUBEE, Essai d’une théorie générale de la justification, Ann. Fac. Toulouse 1982, spéc. p. 19. S’agissant plus

précisément de la légitime défense, v. C. MASCALA, J.-Cl. Pénal Code, art. 122-5 et 122-6, 2002, n° 10. 1350

Dans le même sens, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une

théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 585, qui considéère du reste que « la plupart, sinon tous

les faits justificatifs, peuvent être analysés comme des formes d’autorisation de la loi ». 1351

G. RABUT, Plaidoyer en faveur de l’élément injuste, Pour l’intégration du concept d’antijuridicité dans la

théorie française de l’infraction, Travaux de l’Institut de sciences criminelles et de la justice, n° 1, Cujas, p. 63,

spéc. n° 12 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 164.

Page 363: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

363

nécessité propres à de nombreux faits justificatifs1352

démontrent que l’agent placé dans une

telle situation doit précisément disposer de sa capacité à maîtriser son acte, c’est-à-dire de sa

liberté d’agir. Cela est d’ailleurs d’autant plus vrai que l’état de nécessité est généralement

présenté comme se distinguant de la contrainte en ce qu’il laisse celui qui l’invoque libre de

faire un choix1353

. Assimiler les faits justificatifs à la contrainte morale doit donc être rejeté.

442. Faits justificatifs et mobile légitime : disparition de l’élément intentionnel. –

D’autres auteurs ont alors proposé d’associer les faits justificatifs à la notion de mobile

légitime1354

. L’existence d’un fait justificatif devrait ainsi être considérée comme témoignant

d’un mobile louable, honorable, qui ferait disparaître l’élément intentionnel de l’infraction, et

donc cette dernière. La Cour d’appel d’Amiens s’était d’ailleurs appuyée sur cette analyse

afin d’exonérer de sa responsabilité la femme ayant volé du pain pour nourrir son enfant dans

l’affaire Ménard1355

.

443. Faits justificatifs et mobile légitime : cause de non-imputation. – Tout en se

fondant sur l’idée de mobile légitime, un autre auteur considère que ce dernier, loin de

supprimer l’élément intentionnel de l’infraction justifiée, devrait être considéré comme une

cause extérieure à l’infraction, c’est-à-dire comme une cause autonome de non-imputation à

l’agent1356

. Ainsi, c’est l’existence d’une « conscience justificative » chez l’individu qui

permettrait de l’exonérer de sa responsabilité, mais l’infraction serait néanmoins constituée.

1352 Ces conditions sont expressément prévues s’agissant de la légitime défense et de l’état de nécessité, mais

pourraient être généralisées à l’ensemble des faits justificatifs : v. M. LACAZE, La réprobation objective en droit

pénal – Apport de la notion à la théorie de l’infraction et perspectives civilistes, in Travaux de l’Institut de

sciences criminelles et de la justice, Vol. 1, Cujas, 2011, p. 257 ; X. PIN, L’infraction juste, Mélanges en

l’honneur du Professeur J.-H. ROBERT, LexisNexis, Paris, 2012, p. 585 ; M.-C. SORDINO, De la proportionnalité

en droit pénal, Mélanges en l’honneur du Professeur J.-H. ROBERT, préc., p. 711.

V. également E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1135 et s. ; R. MERLE, Droit pénal général

complémentaire, PUF, Paris, 1957, p. 114 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 231 et s. ; J. PRADEL,

Droit pénal général, préc., n° 309 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 127 et s. 1353

V. notamment R. BERNARDINI, L’intention coupable en droit pénal, th. Nice, 1976, n° 419 ; B. BOULOC,

Droit pénal général, préc., n° 428 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 273 ;

Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 458 ; R. MERLE, Droir pénal général complémentaire, préc., p. 121 ;

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 467 ; G. VIDAL et J. MAGNOL,

Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, t. 1, Rousseau, Paris, 1947, n° 185. 1354

V. notamment J.-P. GAGNIEUR, Du motif légitime comme fait justificatif, thèse Paris, 1941 ; P.-E. TROUSSE,

Le mobile justificatif, RD pén. crim. 1962-1963, p. 418 ; A. YOTOPOULOS MARANGOPOULOS, Les mobiles du

délit, LGDJ, 1979, p. 230 et s. Sur cette théorie, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,

Nouvelle Bibliothèque des thèses, Dalloz, 2009, n° 132 et s. 1355

Amiens, 22 avr. 1899, S. 1899, 2, 1, note A. ROUX ; DP 1899, 2, p. 329, note L. JOSSERAND. 1356

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale , préc., n° 132 et s.

Page 364: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

364

444. Conséquences potentielles sur les coauteurs. – Le mobile légitime est, par

essence, propre à chaque individu. Partant, assimiler les faits justificatifs à un tel mobile

imposerait de vérifier sa présence chez chacun des participants, et donc chez chacun des

coauteurs. Il ne pourrait alors y avoir de communication pénale des faits justificatifs entre ces

derniers. En effet, aucune communication pénale entre coauteurs ne pouvant avoir lieu

s’agissant des circonstances aggravantes relatives au mobile ayant inspiré l’infraction1357

, la

réciproque commanderait logiquement qu’aucune communication pénale n’ait alors lieu

s’agissant des faits justificatifs de l’infraction dès lors qu’ils sont également fondés sur un

mobile particulier1358

.

De même, envisagés comme des causes de non-imputation à l’agent, les faits

justificatifs ne jouent en rien sur le caractère délictueux du fait et devraient donc, là encore,

opérer in personam. C’est du reste ce que l’auteur évoqué propose, en considérant que

« chaque participant à l’infraction doit invoquer son propre fait justificatif, indépendamment

de celui éventuellement retenu au bénéfice de l’auteur »1359

. Il conviendrait alors de vérifier

en la personne de chaque coauteur s’il caractérise un fait justificatif ou non, sans que le

constat de son existence chez l’un préjuge de son existence chez l’autre.

Toutefois, cet effet in personam des faits justificatifs peut être remis en cause dans la

mesure où l’assimilation de ces derniers au mobile légitime est contestable, et ce, que le

mobile légitime soit considéré comme une composante de l’élément intentionnel de

l’infraction ou comme une cause de sa non-imputation à l’agent.

445. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs au mobile légitime entendu comme

une composante de l’élément moral. – Le mobile est par principe indifférent en droit pénal.

Même légitime, il est ainsi loin de faire disparaître l’intention, cette dernière existant toujours

et laissant donc subsister l’infraction, aussi légitime que soit le motif l’ayant inspirée1360

. Par

ailleurs, un tel fondement pourrait conduire à exclure les infractions non intentionnelles du

1357 Dans la mesure où ces circonstances sont personnelles : v. supra n° 345 et s., spéc. n° 363 et s.

1358 Il pourrait cependant être objecté que la communication pénale jouerait alors in favorem, ce qui la justifierait.

1359 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 168.

1360 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 274 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 383 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 477 ; Y. MAYAUD, Droit

pénal général, préc., n° 221 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n°

591 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 505 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 286 ; J.-H.

ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 321.

Page 365: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

365

champ des infractions susceptibles d’être justifiées. Or, les infractions d’imprudence

consciente, c’est-à-dire celles dont l’élément moral implique d’avoir envisagé le résultat

dommageable sans pour autant l’avoir voulu1361

, devraient pouvoir être justifiées1362

. Par

exemple, les violences mortelles prévues par l’article 222-7 du Code pénal exigent

précisément que la mort de la victime n’ait pas été intentionnelle. Mais que faire alors si elles

ont été commises en état de légitime défense ? Fonder la légitime défense sur l’existence d’un

mobile légitime n’impliquerait-il pas que la mort de l’assaillant ait été voulue ? En réalité,

cette objection pourrait être contournée en considérant qu’il suffit que l’acte de riposte ait été

volontaire, et donc que les faits justificatifs valent pour toutes les infractions volontaires,

qu’elles soient intentionnelles ou non, ce que la Cour de cassation a admis s’agissant de l’état

de nécessité par exemple1363

. Surtout, la référence à un mobile légitime mettrait à mal

l’exigence de proportionnalité de la riposte en matière de légitime défense ou d’état de

nécessité en justifiant a priori tous les excès dès lors qu’ils ont été commis sous l’empire d’un

mobile noble, ce que les auteurs ne manquent pas de souligner1364

. Les faits justificatifs ne

peuvent donc être assimilés à un mobile légitime faisant disparaître l’infraction.

446. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs au mobile légitime entendu comme

une cause de non-imputation. – En outre, même lorsque le mobile légitime est considéré

comme une cause de non-imputation à l’agent, il ne peut fonder les faits justificatifs. En effet,

sa caractérisation impose de sonder les esprits, et la rend dès lors bien plus difficile et

aléatoire qu’une conception proposant de caractériser les faits justificatifs en fonction de

données extérieures à l’agent et objectives1365

. Mais la difficulté de mise en œuvre de cette

conception ne peut justifier à elle seule son rejet. Ainsi, des considérations relatives à

l’essence même des faits justificatifs l’expliquent. En effet, ces derniers jouent certainement

1361 V. supra n° 56.

1362 La jurisprudence admet d’ailleurs cette solution (v. par exemple, pour l’autorisation de la loi, Cass. crim., 5

janv. 2000, Bull. n° 3, D. 2000, p. 780, note B. DE LAMY ; Rev. sc. crim. 2000, p. 606 obs. Y. MAYAUD et p. 817,

obs. B. BOULOC), excepté s’agissant de la légitime défense (Cass. crim., 16 fév. 1967 « Couzinet », JCP1967, II,

n° 15034, note R. COMBALDIEU) .

Plus généralement, sur l’admission de la justification des imprudences : v. notamment E. DREYER, Droit pénal

général, préc., n° 1134 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 429. 1363

V. notamment Cass. crim., 5 janv. 2000, D. 2000, jurispr. p. 780, note B. DE LAMY. Mais elle le refuse

s’agissant de la légitime défense : Cass. crim., 16 févr. 1967, arrêt dit Couzinet, JCP G 1967, II, n° 15034, note

R. COMBALDIEU. 1364

R. BERNARDINI, L’intention coupable en droit pénal, préc., n° 400 et s. ; « Légitime défense », Rép. pén.,

Dalloz, 2007, n° 16. 1365

Dans le même sens, v. J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 309, p. 275.

Page 366: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

366

davantage sur les circonstances de la commission de l’infraction, communes aux participants,

que sur le mobile de chacun. D’ailleurs, la conscience justificative est définie comme la

« conscience, au moment des faits, des circonstances entourant la commission de l’infraction

et propres à constituer [le fait justificatif] »1366

. Cette référence aux circonstances de

commission de l’infraction témoigne du glissement nécessaire vers une conception objective

des faits justificatifs. De plus, pour juger de la légitimité du mobile, l’auteur propose de se

référer à deux critères matériels – la proportion et la nécessité1367

–, critères là encore

objectifs. Partant, n’est-ce pas admettre implicitement que, plus que le mobile, ce sont les

circonstances objectives entourant la commission de l’infraction qui expliquent la justification

de cette dernière ? Il serait ainsi préférable de raisonner sur une conception objective des faits

justificatifs.

§2- L’adhésion aux conceptions objectives des faits justificatifs

447. Disparition de l’infraction. – Pour avoir rejeté les conceptions subjectives, et à

suivre la doctrine majoritaire, la justification relèverait plutôt d’une conception objective1368

,

ce que confirmait d’ailleurs l’ancien code pénal en considérant que le fait justificatif faisait

disparaître l’infraction1369

. A priori, les faits justificatifs, en s’attachant aux faits délictueux en

eux-mêmes et non à la personnalité de leur auteur, devraient alors se communiquer à

l’ensemble des participants à ces faits. Ils devraient ainsi opérer in rem. Or, dans la mesure où

les coauteurs participent à la même infraction, si l’infraction disparaît, tous deviennent, par la

force des choses, irresponsables. Toutefois, même si la doctrine reconnaît généralement les

faits justificatifs comme des causes objectives d’irresponsabilité, tous les auteurs ne

s’accordent pas sur le mécanisme expliquant cette irresponsabilité objective. Ainsi, parmi les

théories objectives postulant la disparition de l’infraction justifiée, certaines considèrent que

le fait justificatif va avoir un impact sur l’élément légal de l’infraction alors que d’autres

1366 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 144.

1367 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 157.

1368 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 399 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 240 et s. ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1129 et 1144 ; E. LE POINTE, De

l’impunité à la non-punissabilité. A propos d’une tentative de destruction de la théorie des faits justificatifs, D.

1978, chron. p. 225 ; Justifié, donc irresponsable. Contribution à la théorie darwinienne de la variation des

espèces, D. 1996, chron. p. 247 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n°

438 ; X. PIN, L’infraction juste, préc. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 309 et s. 1369

C. pén. anc., art. 327 et 328.

Page 367: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

367

démontrent qu’il joue plutôt sur son élément injuste. Il faut alors voir si la justification de

l’infraction sera commune aux coauteurs quel que soit le fondement retenu, en s’intéressant à

la disparition de l’infraction expliquée par la neutralisation de son élément légal (A) ou de son

élément injuste (B).

A- La neutralisation de l’élément légal

448. Explication. – Pour certains auteurs1370

, les faits justificatifs se rattachent à

l’élément légal de l’infraction en ce qu’ils le suppriment1371

: le législateur, dans certaines

circonstances particulières, admet ainsi des dérogations à la loi pénale. En réalité, il s’agit

alors de la résolution d’un conflit de normes : une règle légale générale proscrit un certain

comportement alors qu’une autre l’admet dans certaines hypothèses. En vertu de la règle

specialia generalibus derogant, la seconde devra alors prévaloir sur la première, et

l’infraction sera justifiée1372

. Par exemple, s’il est en principe prohibé de commettre des

violences sur autrui en vertu des articles 222-7 et suivants du Code pénal, cet acte perd son

caractère délictueux lorsqu’il répond à l’attaque illégitime d’un individu, parce que l’article

122-5 du même code autorise une telle action lorsqu’elle remplit des conditions particulières.

La société n’a en effet aucun intérêt à punir un acte que la loi admet par ailleurs, d’autant plus

que cet acte se sera révélé utile ou au moins indifférent pour elle1373

.

449. Exigence d’un support légal. – Toutefois, fondée sur le principe de la légalité

criminelle, une telle conception recèle nécessairement une difficulté : en imposant une

neutralisation d’un texte légal par un autre texte spécial, elle impose que tout fait justificatif

1370 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 399 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 241 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 438. 1371

R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 431. 1372

E. LE POINTE, Le diagnostic judiciaire des faits justificatifs, Rev. sc. crim., 1969, p. 547 ; De l’impunité à la

non-punissabilité. A propos d’une tentative de destruction de la théorie des faits justificatifs, D. 1978, chron. p.

225 ; Justifié, donc irresponsable. Contribution à la théorie darwinienne de la variation des espèces, D. 1996,

chron. p. 247 ; G. ROUJOU DE BOUBEE, Essai d’une théorie générale de la justification, Annales de l’Université

des sciences sociales de Toulouse, t. XXX, 1982, p. 11. 1373

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; E. DREYER,

Droit pénal général, préc., n° 1129 et s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 398 et s.; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 431 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p.

370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 249 et s. V. également M. LACAZE, Réflexions sur le concept

de bien juridique protégé par le droit pénal, LGDJ, Coll. Fondation Varenne, Paris, 2009, n° 552 et s.

Sur l’utilité ou l’indifférence pour la société de l’infraction justifiée, v. plus spécialement infra n° 457.

Page 368: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

368

soit prévu par la loi1374

. Or, l’expérience démontre que la création de faits justificatifs par la

jurisprudence a parfois été nécessaire. Ainsi le « bon juge Magnaud » avait-t-il relaxé la

femme qui avait volé du pain pour nourrir son enfant1375

en faisant référence à la contrainte

morale, et des décisions postérieures avaient évoqué l’absence d’intention coupable pour

admettre une relaxe dans des hypothèses similaires1376

. Cependant, ces fondements n’étaient

pas satisfaisants pour les raisons évoquées précédemment, c’est pourquoi la Cour de cassation

a été amenée à créer un fait justificatif autonome, celui de l’état de nécessité1377

. Ce n’est que

le nouveau Code pénal qui consacrera légalement ce nouveau fait justificatif. Or, la

jurisprudence a aujourd’hui tendance à admettre de nouveaux faits justificatifs pourtant non

prévus par le législateur. Par exemple, la Chambre criminelle a admis l’existence d’un fait

justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense, en matière de violation du secret de

l’instruction1378

, ou encore, plus récemment, en matière de vol dans l’hypothèse où un salarié

produisait en justice des documents qu’il avait soustraits à son employeur afin de se défendre

dans un litige l’opposant à celui-ci1379

. Les juges ont alors créé de toutes pièces les faits

justificatifs en question1380

, alors même que le fondement supposé de cette justification serait

celui d’une neutralisation de l’incrimination par un texte légal : faute de support légal au fait

justificatif, le texte d’incrimination ne devrait pouvoir être neutralisé1381

.

1374 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 244.

1375 T. Corr. Château-Thierry, 4 mars 1899, S. 1899, II, 1, note J.-A. ROUX.

1376 V. notamment Amiens, 22 avr. 1898, S. 1898, 2, note J.-A. ROUX ; T. Corr. Cherbourg, 6 fév. 1945, S. 1945,

2, p. 81. 1377

Cass. crim., 28 juin 1958, D. 1958, p. 693, note M.R.M.P. ; JCP G 1959, II, 10941, note J. LARGUIER ; Rev.

sc. crim. 1959, p. 111, obs. A. LEGAL. 1378

Cass. crim., 11 juin 2002, Rev. sc. crim. 2002, p. 619, obs. J. FRANCILLON ; Rev. sc. crim. 2002, p. 881, obs.

J.-F. RENUCCI ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93, obs. B. BOULOC ; D. 2004, p. 317, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2002, 2,

10161, note E. DREYER ; Dr. pén. 2002, com. 135, obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 2002, p. 1745, note Y. MONNET. 1379

Cass. crim., 11 mai 2004, Bull. n° 117, D. 2004, jurispr. 2327, note H. K. GABA; Rev. sc. crim. 2004, p. 866,

obs. G. VERMELLE ; Rev. pénit. dr. pén. 2004, p. 875, note J.-C. SAINT-PAU. 1380

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, n° 126. On notera toutefois que le législateur

limite parfois le champ d’application de certaines infractions par les droits de la défense. Il s’agit notamment du

cas de la violation du secret de l’instruction (C. proc. pén., art. 11) et de la révélation d’informations issues

d’une information en cours (C. pén., art. 434-7-2). Dans ces hypothèses, les droits de la défense s’analysent

comme un fait justificatif spécial (Y. CAPDEPON, Essai d’une théorie générale des droits de la défense, thèse

Bordeaux IV, 2011, n° 657 et s.). 1381

Sauf à considérer que ce fait justificatif est tiré d’une norme générale de défense, auquel cas il s’agirait alors

d’une hypothèse particulière d’autorisation de la loi (Y. CAPDEPON, Essai d’une théorie générale des droits de la

défense, préc., n° 698. Comp. J.-CH. SAINT-PAU, Droit au respect de la vie privée et droit pénal, Dr. pén. 2011,

Etude 20, p. 34, n° 25. Adde Y. MAYAUD, Les droits de la défense, cause d’irresponsabilité pénale, Mélanges

Gassin, PUAM 2007, p. 293 et s.).

Page 369: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

369

450. Admission de la création jurisprudentielle en vertu de l’interprétation in

favorem des faits justificatifs. – Quoi qu’il en soit, cette objection peut être relativisée. En

effet, dans la mesure où le fait justificatif joue in favorem, c’est-à-dire en faveur des intérêts

de la personne poursuivie, sa création par la jurisprudence doit être admise1382

. Permettant

alors la disparition de l’élément légal, l’infraction n’existe plus. Le fait justificatif produit

ainsi un effet in rem, par opposition à l’effet in personam des causes subjectives

d’irresponsabilité.

451. Application à la coaction : effet erga omnes. – L’effet in rem des faits

justificatifs est unanimement admis par les partisans de la neutralisation de l’élément légal de

l’infraction1383

. Ils en déduisent alors que le fait justificatif profite à tous les participants à

l’infraction. En réalité, il produit un effet erga omnes. Cette conséquence est parfaitement

logique dès lors que le mode de participation s’appuie sur une infraction unique : dans la

mesure où des individus prennent part à la même infraction, si celle-ci est neutralisée par un

texte de loi ou une interprétation jurisprudentielle favorable, leur comportement n’a alors plus

de socle sur lequel fonder leur répression. Ainsi, dès l’instant où les coauteurs participent à la

même infraction, en vertu de cette conception, le fait justificatif produira ses effets à l’égard

de tous. Pourtant, certains auteurs doutent de cet effet erga omnes en faisant valoir le

caractère mixte des faits justificatifs. Il concèdent ainsi que l’origine du fait justificatif est

bien extérieure à l’individu, mais qu’il suppose tout de même « une certaine attitude de la

part de celui-ci, attitude qui, dans des hypothèses il est vrai exceptionnelles, peut ne pas avoir

existé chez un complice ou un coauteur, dont la responsabilité pénale sera alors

engagée »1384

. Ils prennent ainsi l’exemple d’un individu qui en vise deux autres d’une arme

factice. Si ces derniers lui tirent dessus alors que l’un d’entre eux ignorait que l’arme était

factice mais que l’autre le savait, seul le premier devrait bénéficier de la légitime défense. Les

sorts des coauteurs seraient ainsi dissociés, remettant en cause l’effet erga omnes des faits

justificatifs. Toutefois, cette hypothèse peut faire douter de l’existence d’une véritable

coaction entre les deux individus. En effet, il n’est pas certain qu’ils participent à une

1382 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 173.

1383V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 288 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 438 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p.

356. 1384

F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 693.

Page 370: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

370

infraction unique. Pour que cela soit le cas, il est nécessaire d’établir une entente entre eux.

Or, bien que celle-ci puisse être spontanée et non réfléchie1385

, il est particulièrement

discutable d’en caractériser une dans le cas présent. Le fait de tirer sur autrui en état de

légitime défense relève plutôt d’une réaction instinctive, tandis que celui qui tire sur autrui en

sachant que l’arme qui le vise est factice a nécessairement davantage réfléchi à son action, si

bien que la circonstance de préméditation serait même envisageable à son égard. Ainsi,

l’existence d’une participation à une infraction unique, et donc d’une coaction, est

particulièrement contestable dans une telle hypothèse, et ne remet pas en cause l’effet

commun des faits justificatifs à l’égard des coauteurs dès lors qu’une infraction unique ne

peut être constatée.

452. Absence de distinction avec la complicité. – Pourrait alors être envisagée une

distinction avec la complicité. En effet, comme il l’a été remarqué1386

, celle-ci ne se greffe pas

nécessairement sur une infraction. Il suffit parfois qu’elle se fonde sur un fait infractionnel :

un individu pourrait ainsi être complice d’un homicide intentionnel alors que l’auteur

principal ne pourrait être poursuivi que pour homicide non intentionnel. Les sorts du complice

et de l’auteur principal étant de la sorte dissociés, un effet in personam des faits justificatifs

serait envisageable. Cependant, quand la complicité se greffe sur un fait infractionnel, ce qui

empêche de caractériser l’existence d’une infraction unique, c’est la divergence entre les

éléments moraux de l’auteur principal et du complice, comme dans l’exemple précédent. Il est

également possible de penser aux faits ayant donné lieu à la décision de la Chambre

criminelle du 8 janvier 2003 dans laquelle un individu avait été condamné pour complicité

d’exportation illicite de stupéfiants alors que l’auteur principal n’avait pu être inquiété faute

d’élément moral1387

. Mais dans ces différentes hypothèses, l’existence de l’élément légal de

l’infraction ne pose pas de difficulté, au contraire : c’est précisément parce que le fait

témoigne d’une apparence infractionnelle que la complicité est punissable. Partant, la

neutralisation de ce fait ne devrait à son tour pas poser de difficulté. Ainsi, à défaut de fait

infractionnel, la complicité ne pourra être répréhensible. Considérer que le fait justificatif

1385 V. supra n° 120.

1386 V. supra n° 103 et s.

1387 V. supra n° 114.

Page 371: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

371

neutralise l’élément légal de l’infraction permet donc qu’il produise ses effets erga omnes,

peu important le mode de participation à l’infraction justifiée en cause.

453. Mais les auteurs considérant que le fait justificatif fait disparaître l’infraction ne

l’expliquent pas tous par la neutralisation de l’élément légal. En effet, l’existence même d’un

tel élément constitutif de l’infraction est contestée par beaucoup au motif, notamment, qu’il se

confondrait avec le principe de la légalité criminelle1388

. Ainsi, pour certains, si l’infraction

justifiée perd son caractère infractionnel, c’est en raison de l’absence d’élément injuste. Il faut

alors voir si ce fondement permet de communiquer le fait justificatif à l’ensemble des

coauteurs.

B- La neutralisation de l’élément injuste

454. L’élément injuste en tant qu’élément constitutif de l’infraction. – S’appuyant

sur la doctrine allemande, certains auteurs ont fait valoir que les faits justificatifs faisaient

disparaître l’élément injuste de l’infraction1389

. En vertu de cette conception, une infraction

n’est punissable que si elle revêt un caractère injuste, élément constitutif à part entière de

l’infraction. L’infraction serait ainsi constituée d’un élément matériel, s’analysant comme le

comportement envisagé par le texte, d’un élément moral, correspondant à l’élément

psychologique exigé par le texte, et enfin de cet élément injuste, compris comme la violation

de l’intérêt juridiquement protégé1390

. Or, bien que cette définition témoigne d’un contenu

positif de l’élément injuste1391

, ce dernier est généralement présenté de façon négative comme

l’absence de fait justificatif. Ainsi, dans l’hypothèse où un fait justificatif est caractérisé,

l’intérêt légitime ayant présidé à sa commission empêche de caractériser un des éléments

1388 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 331 ; A.-C. DANA, Essai sur la notion

d’infraction pénale, préc., n° 14 et 57 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 430 ;

M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 86 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 104 ; N.

STONESTREET, La notion d’infraction pénale, thèse Bordeaux IV, 2010, n° 8. Plus généralement, sur la

contestation de la neutralisation de l’élément légal par les faits justificatifs, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans

la responsabilité pénale, préc., n° 99. 1389

R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 433 ; X. PIN, Droit pénal

général, préc., n° 201 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p. 370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général,

préc., p. 250. 1390

X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 201 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 250. 1391

Il s’agit alors de l’atteinte à un intérêt juridiquement protégé : v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 201 ;

J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 250.

Page 372: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

372

constitutifs de l’infraction et donc cette dernière. Parce qu’elle s’explique alors par

l’accomplissement d’un droit ou d’un devoir, l’infraction perd son caractère injuste. Par

exemple, le législateur autorise les individus à se défendre contre des attaques illégitimes à

travers la légitime défense ou encore à sauver une vie face à un péril grave et imminent à

travers l’état de nécessité (il s’agit alors de l’exercice d’un droit), et impose parfois d’agir ou

de s’abstenir dans certaines situations à travers l’ordre de la loi (il s’agit alors de l’exercice

d’un devoir)1392

.

455. Effet in rem. – Ainsi, si l’exercice d’un droit ou d’un devoir peut faire perdre son

caractère injuste à l’infraction, celle-ci n’est pas constituée. L’absence d’élément injuste

produit donc un effet in rem en faisant disparaître l’infraction. Celle-ci étant commune aux

coauteurs, elle disparaît donc à l’égard de tous les coauteurs. Il est en effet difficile d’imaginer

que la loi impose le devoir d’agir ou de s’abstenir à un individu ou lui octroie un tel droit alors

qu’elle ne le ferait pas pour un autre individu placé dans les mêmes circonstances. Cela est

d’autant plus vrai que la coaction se caractérise par une entente et une concomitance qui,

même entendues de façon large1393

, impliquent toutes deux que les circonstances ayant

présidé à la commission de l’infraction pour l’un des coauteurs se retrouvent nécessairement

pour l’autre. L’absence d’élément injuste joue donc erga omnes.

456. Contestations doctrinales de la référence à l’élément injuste. – Cependant, cette

théorie ne rencontre que peu de partisans, beaucoup d’auteurs contestant l’existence d’un tel

élément constitutif1394

. L’élément injuste se confondrait ainsi avec l’élément légal ou

l’élément moral de l’infraction1395

. En effet, selon certains, seule la légalité de l’acte, c’est-à-

1392 R. MERLE, Droit pénal général complémentaire, préc., p. 112 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit

criminel – Droit pénal général, préc., n° 443 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 212. Pour une critique,

v. E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1143 ; J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit

privé, Eléments pour une théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 587. 1393

V. supra n° 121 et s. et 283 et s. 1394

V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 332 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc.,

n° 223 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; A. DECOCQ , Droit pénal

général, Armand Colin, coll. « U », 1971, p. 150 ; W. JEANDIDIER, Droit pénal général, Montchrestien, coll.

Précis Domat Droit privé, 1991, n° 210 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général,

préc., n° 435. 1395

R. VOUIN et J. LEAUTE, Droit pénal général et criminologie, coll. Thémis, p. 147 et 148. V. également PH.

CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; A. DECOCQ , Droit pénal général, préc.,

p. 149 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 430 ; W. JEANDIDIER, Droit pénal

général, préc., n° 210.

Page 373: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

373

dire le fait qu’il ait été prévu par la loi, permettrait de juger du caractère juste ou injuste de

l’acte1396

. De plus, pour d’autres, réfléchir au caractère juste ou injuste de l’acte reviendrait à

s’interroger sur l’existence d’un mobile légitime dans la commission de l’infraction. En effet,

si l’infraction était commise sous l’empire d’un mobile louable, son élément intentionnel

disparaîtrait. Toutefois, cette dernière critique n’est certainement pas décisive puisque comme

il l’a été remarqué, les faits justificatifs ne peuvent être considérés comme des causes de

disparition de l’élément intentionnel de l’infraction1397

. Même réduit à un contenu négatif,

l’élément injuste ne peut donc être confondu avec l’élément moral de l’infraction. Quant à son

assimilation à l’élément légal de l’infraction, elle est également contestable puisque

l’existence même de l’élément légal en tant qu’élément constitutif de l’infraction est elle aussi

discutée1398

. D’autres enfin font valoir que le régime probatoire des faits justificatifs s’oppose

à la consécration de l’élément injuste puisque la preuve du fait justificatif incombe

généralement au prévenu1399

alors qu’ « en tant qu’élément constitutif de l’infraction, sa

preuve devrait être rapportée par le ministère public, à qui il incombe de démontrer la réalité

de l’infraction »1400

. Pourtant, cet argument peut être relativisé : des considérations pratiques

telles que le caractère exceptionnel des faits justificatifs ainsi que la difficulté qu’aurait le

ministère public à rapporter des preuves négatives expliquent le régime probatoire de la

justification. Or, il apparaît délicat de faire douter de la réalité d’une notion en raison de la

simple adaptation de son régime aux difficultés qu’elle serait susceptible d’entraîner.

Mais quoi qu’il en soit, qu’ils adhèrent ou non à l’existence d’un élément injuste

comme constitutif de l’infraction, la majorité des auteurs considérant les faits justificatifs

comme des causes objectives d’irresponsabilité pénale expliquent la justification par une mise

en balance des intérêts en jeu.

1396 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 223 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal

général, préc., n° 241. 1397

V. supra n° 445. 1398

V. supra n° 453. Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n°

121; G. RABUT, Plaidoyer en faveur de l’élément injuste, Pour l’intégration du concept d’antijuridicité dans la

théorie française de l’infraction, préc., n° 13. 1399

V. notamment Cass. crim., 6 janv. 1966, Gaz. Pal. 1966, 1, p. 209. La doctrine majoritaire est d’ailleurs en

ce sens : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 245 ; F.

DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 739 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n°

1139 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 462. 1400

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 121.

Page 374: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

374

457. Mise en balance des intérêts. – Ainsi, au-delà du mécanisme permettant la

justification de l’infraction, ce qui explique l’impunité de l’infraction, c’est l’absence d’intérêt

à la réprimer pour la société1401

. En effet, les hypothèses dans lesquelles les infractions sont

justifiées témoignent d’une véritable utilité de l’infraction ainsi commise, ou du moins de sa

neutralité. Il s’agit en réalité d’effectuer une « pesée des intérêts en présence »1402

pour

déterminer si l’infraction est utile ou neutre pour la société, selon que l’intérêt sacrifié est

inférieur ou équivalent à celui protégé. Par exemple, la femme volant du pain pour nourrir son

enfant commet, certes, une atteinte à la propriété. Cependant, elle évite de la sorte un péril

plus grand, celui de l’atteinte à la vie de son enfant. Partant, la vie étant un intérêt supérieur à

la propriété, son acte s’est révélé utile à la société. Dans le même ordre d’idées, un auteur

énonce que « Considérer […] que des violences restent impunies lorsqu’elles sont exercées

dans un contexte de défense légitime, c’est intégrer le fait qu’elles sont plus utiles à la société

que la non-violence »1403

. Le raisonnement est le même lorsque deux valeurs semblables sont

en concours : la société n’a pas intérêt, ainsi, à privilégier la vie d’un individu innocent par

exemple au détriment de celle d’un autre tout aussi innocent1404

.

458. Nécessité de l’infraction justifiée. – Plus encore que cette idée de neutralité ou

d’utilité sociale, certains ont ainsi considéré que l’acte de riposte en matière de légitime

défense était une véritable « nécessité sociale »1405

. Du reste, un auteur a également montré

que l’idée de nécessité propre à l’accomplissement d’un fait justificatif en constituait une

véritable condition puisque l’infraction justifiable s’entend, en réalité, d’une infraction

strictement et évidemment nécessaire1406

. Par conséquent, elle doit présenter un caractère

exceptionnel et relever de l’évidence.

459. Discussion quant à l’effet erga omnes. – A nouveau, il convient alors de retenir

un effet erga omnes des faits justificatifs : comment, en effet, concevoir qu’une infraction

1401 Sans compter que la peine qui serait infligée à un individu caractérisant un fait justificatif ne pourrait remplir

aucune de ses fonctions traditionnelles : C. MASCALA, « Etat de nécessité », J.-Cl. Pénal Code, art. 122-7, n° 17. 1402

X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 212. 1403

Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 399. 1404

La précision relative à l’innocence des deux individus est importante car la légitime défense par exemple

permet de privilégier la vie de celui qui se défend. 1405

V. R. BERNARDINI, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 18, citant la doctrine étrangère, et notamment J. BENTHAM,

Theory of Legislation, trad. E. Dumont, Londres, 1931, p. 269 et s. 1406

X. PIN, L’infraction juste, préc.

Page 375: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

375

témoigne d’une neutralité ou d’une nécessité sociales pour un individu alors que ce ne serait

pas le cas pour un autre ayant participé avec lui à la même infraction ?

Certains exemples soulevés par des auteurs proposant tant une conception objective

qu’une conception subjective de la justification pourraient cependant en faire douter. Ainsi,

dans l’hypothèse où des individus se joindraient à une bagarre en ignorant que l’un de ses

acteurs est en état de légitime défense, ils ne devraient pas bénéficier de ce fait justificatif,

faute d’avoir agi en connaissance de cette situation1407

, et donc faute de « conscience

justificative »1408

. De même, d’autres auteurs1409

envisagent le cas dans lequel deux personnes

commettraient un vol alors que seule l’une d’entre elles le ferait en état de nécessité, pour

nourrir ses enfants par exemple. Le bénéfice du fait justificatif devrait, selon eux, être refusé à

celui n’ayant pas agi en état de nécessité. Enfin, un dernier exemple peut être cité : celui de

l’individu donnant un ordre qu’il sait illégal, et appliqué par l’un de ses subordonnés qui, lui,

ignore ce caractère illégal1410

. Ce dernier pourrait bénéficier du fait justificatif du

commandement de l’autorité légitime dès lors que l’ordre n’était pas manifestement illégal, en

vertu de l’alinéa 2 de l’article 122-4 du Code pénal. Mais si le fait justificatif joue erga

omnes, il devrait alors, a priori, bénéficier à tous les participants à l’infraction, et donc au

donneur d’ordre. Pourtant, ne serait-il pas étonnant, voire particulièrement discutable, d’en

faire bénéficier l’individu qui est précisément à l’origine de la violation de la loi ?

460. Admission de l’effet erga omnes. – Ces différentes situations font alors douter du

bien-fondé de l’effet erga omnes des faits justificatifs et feraient plutôt souhaiter leur effet in

personam. Cependant, le dernier exemple envisagé ne met pas en jeu des coauteurs, faute

d’infraction unique, dans la mesure où les deux protagonistes n’ont pu, par principe,

s’entendre sur la commission d’une infraction puisque le subordonné ignorait pour sa part

qu’il violait la loi pénale. La situation s’apparente plus à celle d’un complice, le donneur

d’ordre en l’espèce, qui emprunterait la matérialité de son acte à l’auteur principal, le

subordonné, et devrait ainsi pouvoir être considéré comme complice de l’infraction

matériellement commise par le subordonné, bien que celle-ci ne puisse être retenue à

1407 J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 266 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,

préc., n° 167. 1408

La notion est empruntée à F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 144 et s. 1409

F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 750. 1410

F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 167.

Page 376: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

376

l’encontre de ce dernier en tant qu’auteur principal1411

, ou à celle d’un auteur médiat1412

.

L’effet erga omnes des faits justificatifs ne doit ainsi pouvoir être caractérisé qu’autant qu’il

existe une infraction unique, collective, ce qui est toujours le cas en matière de coaction.

En outre, s’agissant des deux autres hypothèses évoquées, la préférence pour un effet

in personam des faits justificatifs n’est certainement pas si tranchée si l’on raisonne en termes

d’utilité ou de neutralité sociales de l’infraction envisagée comme une infraction unique et

collective. A priori, l’utilité ou la neutralité de l’infraction quand l’un seulement des coauteurs

est en état de nécessité ou de légitime défense semble discutable : peut-on considérer qu’une

infraction peut être utile ou neutre pour l’un, mais pas pour l’autre ? En réalité, il semble que

raisonner de la sorte oblige à dissocier une infraction qui n’est qu’une : les coauteurs, dans

une telle hypothèse, se sont bien entendus sur le résultat de l’infraction1413

. Partant, et en

application du principe de faveur, ne devrait-on pas considérer que l’infraction est utile ou

neutre, dans sa globalité ? En effet, les individus se joignant à une bagarre et aidant sans le

savoir un individu en situation de légitime défense, en augmentant les forces en présence, ont

certainement contribué à mettre en fuite l’assaillant. Leur infraction s’est donc finalement

révélée utile. De même, en commettant le vol à plusieurs, celui-ci avait probablement plus de

chances de succès. Dès lors, en permettant la réussite de l’infraction commise en état de

nécessité, le coauteur ne pouvant à première vue se prévaloir de cette situation a contribué,

dans une certaine mesure, à l’utilité sociale. Ainsi, en s’attachant à raisonner sur la

justification de l’infraction envisagée globalement, il est possible de caractériser l’utilité ou la

neutralité sociales de celle-ci alors même que la justification ne pourrait être établie à l’égard

de chacun des coauteurs. Ce raisonnement est d’ailleurs parfaitement en accord avec une

conception objective des faits justificatifs en démontrant que plus qu’un mobile légitime ou

qu’une certaine attitude psychologique de l’individu, la justification est d’abord affaire de

circonstances objectives. Il faut ainsi envisager l’infraction des coauteurs dans sa spécificité,

c’est-à-dire en tant qu’infraction unique et collective, pour se demander si elle était

1411 Sur cette situation et l’emprunt de matérialité, v. supra n° 111 et s. Cet exemple confirme du reste qu’il serait

préférable de créer un statut à part entière de l’instigateur, qui, dès lors, ne bénéficierait pas nécessairement de

l’effet in rem des faits justificatifs. Il faudrait pour cela qu’il participe à la même infraction que l’individu qu’il

aura provoqué, ce qui ne sera pas toujours le cas comme le démontre l’exemple en question en l’espèce. 1412

V. supra n° 71. Il n’y a alors pas d’infraction collective dans cette hypothèse, l’infraction étant fictivement

réalisée par le seul auteur médiat. 1413

Certes, pour considérer que l’infraction est unique, il faudrait concevoir l’élément injuste comme extérieur à

l’infraction puisque ces différents exemples démontrent précisément l’absence d’entente sur cet élément. Mais

rien n’empêche de le considérer comme une cause de non-imputation objective de l’infraction.

Page 377: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

377

objectivement utile ou neutre, sans égard à son utilité ou sa neutralité considérée par rapport à

chacun des coauteurs1414

.

461. Conclusion de la section 1. – Ainsi, quel que soit le fondement objectif des faits

justificatifs retenu, qu’ils soient envisagés comme une cause de disparition de l’élément légal

ou de l’élément injuste, ils doivent étendre leurs effets à l’ensemble des coauteurs. Mais plutôt

qu’une communication, il s’agit en réalité ici de la conséquence du fondement objectif des

faits justificatifs, alliée à l’unicité de l’infraction réalisée en coaction. En effet, dès l’instant où

un individu participe à une infraction qui se trouve justifiée, cette circonstance objective de

justification existe en elle-même, indépendamment du nombre d’individus y ayant pris part, et

devra donc produire ses effets à l’égard de ce participant. Or, dans la mesure où les coauteurs

participent nécessairement à une unique infraction, qui leur est commune, l’infraction justifiée

le sera à l’égard de tous.

En participant à une infraction unique, les coauteurs sont donc soumis à une

justification commune de l’infraction. Pour les mêmes raisons, d’autres causes affectant

l’infraction sont alors susceptibles d’être communes aux coauteurs : celles relatives à l’oubli

de l’infraction.

1414 Il est vrai que la solution peut sembler sévère, et même injuste, pour les victimes de l’infraction justifiée, en

particulier lorsque l’un des coauteurs de cette dernière ne caractérisait pas en sa personne le fait justificatif

retenu. Celles-ci ont bien subi un préjudice. Cependant, elles ne se trouvent pas pour autant privées de toute

réparation puisque l’irresponsabilité pénale ne préjuge en rien de l’irresponsabilité civile. Les quasi-contrats tels

que la gestion d’affaire ou l’enrichissement sans cause, ou encore les régimes de responsabilité sans faute

pourraient ainsi permettre une indemnisation. Toutefois, la Cour de cassation a refusé cette dernière possibilité

s’agissant de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil : Civ. 2ème

, 22 avr. 1992, Bull. civ. II n° 127, D. 1992, p. 353,

note J.-F. BURGELIN ; Dr. pén. 1992, chr. n° 226. Pour la prise en charge des infractions socialement utiles par

un fonds d’indemnisation, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une

théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 626 et s.

Page 378: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr
Page 379: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

379

Section 2- L’oubli commun de l’infraction

462. Absence de caractère délictueux des faits. – Outre les faits justificatifs, d’autres

causes sont susceptibles de faire disparaître la responsabilité d’un individu pour un fait qui

avait pourtant l’apparence d’une infraction. Ainsi, dans certaines hypothèses, l’acte ou

l’omission en cause est considéré, non pas comme justifié en raison des circonstances

objectives ayant présidé à sa commission lors de sa commission, mais comme n’ayant

précisément jamais été délictueux.

463. Amnistie. – En premier lieu et de façon exceptionnelle, le législateur estime par

exemple que certains faits ne méritent pas d’être sanctionnés car ils s’expliquent par des

considérations particulières tenant à des périodes de trouble (infractions commises pendant

l’Occupation1415

, liées à la guerre d’Algérie1416

, ou aux événements en Nouvelle-Calédonie1417

notamment). Il souhaite ainsi restaurer la paix sociale et exprimer « une forme de

pardon »1418

, en les amnistiant. De même, jusqu’en 2007, chaque élection présidentielle

donnait lieu à l’amnistie de certains faits limitativement énumérés1419

. De la sorte, le

législateur exprime une véritable « amnésie institutionnelle»1420

, ce dont témoigne

l’étymologie même du terme amnistie1421

.

464. Prescription de l’action publique. – En second lieu, le temps écoulé depuis la

commission d’une infraction peut également expliquer que cette dernière perde son caractère

délictueux. La Cour de cassation énonce ainsi que « la prescription de l’action publique ôte

aux faits poursuivis tout caractère délictueux »1422

. Le législateur a en effet institué un

mécanisme de prescription de l’action publique, qui empêche toute poursuite passé un certain

1415 V. notamment L. n° 47-1504 du 16 août 1947 et L. n° 51-18 du 5 janvier 1951.

1416 L. n° 68-697 du 31 juillet 1968.

1417 L. n° 85-1467 du 31 décembre 1985, L. n° 88-1028 du 9 novembre 1988 et L. n° 90-33 du 10 janvier 1990.

1418 B. PY, « Amnistie », Rép. pén., 2003, n° 274.

1419 V. la dernière en date : L. n° 2002-1062 du 6 août 2002.

1420 P. RICOEUR, « Sanction, réhabilitation, pardon », in Le Juste, éd. Esprit, 1995, p. 205. Plus généralement, sur

les liens entre prescription, amnistie et oubli, v. C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, LGDJ, 2008. 1421

Celui-ci vient en effet du grec a privatif, et mnaomai « je me souviens ». 1422

Cass. crim., 27 oct. 1993, Bull. n° 320 ; 30 oct. 2002, Bull. n° 224.

Page 380: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

380

délai d’inaction1423

. La prescription s’expliquerait ainsi par une forme de droit à l’oubli1424

, la

rapprochant en cela de l’amnistie.

465. Démarche. – Certes, certains auteurs voient la prescription comme une exception

d’impunité « sans rapport avec le fond du droit »1425

, et cette institution est généralement

étudiée dans les manuels au titre de la procédure pénale, non du droit pénal général, en ce

qu’elle éteint l’action publique1426

. D’ailleurs, cette question a été envisagée comme une

conséquence de l’indivisibilité procédurale unissant les coauteurs1427

. Toutefois, d’autres lui

reconnaissent un caractère véritablement substantiel, puisqu’elle entraînerait une

irresponsabilité par rétroactivité en effaçant le caractère délictueux des faits1428

. Or, si cette

vision substantielle permettait de conclure également à une nécessaire communauté des

mécanismes relatifs à la prescription entre coauteurs, la solution en serait assurément

renforcée.

Si amnistie et prescription font donc véritablement disparaître l’infraction, il semble

que, de prime abord et à l’instar des solutions retenues s’agissant des faits justificatifs, ces

institutions doivent profiter à l’ensemble des coauteurs de l’infraction. Il convient alors de

s’en assurer en s’intéressant à l’amnistie de l’infraction (§1) ainsi qu’à sa prescription (§2).

§1- L’amnistie commune de l’infraction

466. Définition. – L’amnistie s’analyse traditionnellement comme un mécanisme

permettant d’ôter à des faits apparemment infractionnels leur caractère délictueux en

neutralisant l’élément légal de l’infraction1429

. Elle se distingue ainsi de l’abrogation en ce

1423 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions en vertu respectivement des

articles 9, 8 et 7 du Code de procédure pénale. 1424

F. DESPORTES et L. LAZERGES-COUSQUER, Traité de procédure pénale, préc., n° 970 ; S. GUINCHARD et J.

BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1366 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 16ème

éd., 2011, n° 236. 1425

A. DECOCQ, Droit pénal général, préc., p. 295. 1426

V. notamment S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1365 et s. ; J. PRADEL, Procédure

pénale, préc., n° 235 et s. 1427

V. supra n° 400 et s. 1428

Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 394 et s. 1429

V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 896 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 290 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 1094 ; Y.

Page 381: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

381

qu’elle ne joue que sur des événements passés et nécessairement limités dans le temps, alors

que cette dernière agit seulement sur l’avenir en supprimant purement et simplement

l’incrimination. Mais l’amnistie ne renvoie pas à une unique réalité, à tel point qu’il faudrait

désormais parler des amnisties selon certains1430

.

467. Amnistie réelle et amnistie personnelle1431

. – Certes, l’amnistie est toujours le

fait du législateur, ce qui se comprend en ce qu’elle neutralise l’élément légal de

l’infraction1432

. Cependant, elle peut prendre plusieurs formes. Ainsi, alors qu’elle est

classiquement une mesure réelle puisqu’elle prive certains faits de leur caractère délictueux et

s’applique donc automatiquement1433

, elle présente de plus en plus fréquemment un caractère

personnel. Dans cette dernière hypothèse, le législateur ne s’attache, en effet, non plus aux

faits en cause mais à leur auteur. Par exemple, l’amnistie pourra être subordonnée à la qualité

d’ancien combattant1434

ou au fait de s’être distingué d’une manière exceptionnelle dans les

domaines culturel, scientifique ou sportif1435

.

De même, le législateur autorise parfois les pouvoirs exécutif et judiciaire à désigner

les bénéficiaires d’une amnistie. Dans le premier cas, il s’agit ainsi de la grâce amnistiante, ou

amnistie par mesure individuelle, par laquelle le législateur réserve le bénéfice de l’amnistie

aux personnes ayant obtenu un décret de grâce. Dans le second, il s’agit des amnisties

judiciaires, qui sont subordonnées à la peine prononcée. Par exemple, la loi du 6 août 2002

dispose que « les délits punis […] de peines d’emprisonnement inférieures ou égales à trois

mois sans sursis » sont amnistiés lorsqu’ils ont été commis avant le 17 mai 20021436

, en visant

les délits effectivement punis d’une telle peine, c’est-à-dire qu’il est fait référence à la peine

MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 174, p. 190 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 237 ; J. PRADEL,

Droit pénal général, préc., n° 354 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 175. 1430

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 290 ; E. DREYER,

Droit pénal général, préc., n° 1631. V. également B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 896 et s. et X. PIN,

Droit pénal général, préc., n° 241 et s., qui évoquent « les lois d’amnistie ». 1431

Ces détours théoriques sont nécessaires afin de montrer que seule l’amnistie réelle est une véritable

hypothèse d’oubli de l’infraction, qui justifie alors d’évoquer un oubli commun de l’infraction à l’égard des

coauteurs. 1432

Les arguments sont ici les mêmes que s’agissant de la neutralisation de l’élément légal par les faits

justificatifs : v. supra n° 448 et s. 1433

En vertu de la nature ou de la gravité de l’infraction commise. 1434

V. notamment la loi du 16 août 1947, préc. 1435

Loi du 6 août 2002, préc. 1436

Art. 6.

Page 382: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

382

prononcée, non à la peine encourue. Or, la peine prononcée est nécessairement liée à la

personne condamnée.

Toutefois, ces diverses références à la personne du délinquant plutôt qu’aux faits

commis dévoient nécessairement l’institution de l’amnistie. En effet, celle-ci se rapproche

alors de la notion d’immunité1437

, cause d’irresponsabilité affectant la sanction et non

l’incrimination, et brouille donc les frontières entre les deux institutions. De plus, l’amnistie

personnelle ne peut être commune aux coauteurs. En effet, elle s’explique par des données

purement personnelles au délinquant et produit ainsi nécessairement un effet in personam. Les

raisons ayant présidé à son adoption sont ainsi propres à une qualité de l’individu et rien ne

justifierait une communication de cette amnistie à des individus ne présentant pas cette

qualité1438

. Enfin, comme l’a montré un auteur1439

, le fondement même de l’amnistie qu’est

classiquement l’oubli est également malmené : l’amnistie personnelle s’apparente plus à une

forme de pardon, nécessairement personnel, qu’à un oubli, par essence neutre et objectif1440

.

L’amnistie dont il sera question dans ces développements sera donc l’amnistie au sens

classique du terme, c’est-à-dire l’amnistie réelle1441

.

468. Effet in rem de l’amnistie réelle. – Si elle fait perdre aux faits leur caractère

délictueux, l’amnistie a alors, par nature, un effet in rem1442

. La doctrine est du reste

unanime1443

et y voit même le fondement de l’institution1444

. L’effet à l’égard des coauteurs

1437 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 290.

1438 Ces arguments peuvent d’ailleurs être repris pour exclure toute communication relative aux immunités dont

un coauteur pourrait être l’objet. En outre, un argument supplémentaire s’y ajoute : si une immunité familiale par

exemple pouvait être communiquée à un coauteur n’en bénéficiant en principe pas, cette conclusion pourrait

entraîner un effet pervers. En effet, dans la mesure où les immunités sont prévues par la loi, il serait alors

profitable aux délinquants de s’associer en connaissance de cause à un individu bénéficiant d’une telle immunité

afin de ne pas être inquiété pénalement. Plus généralement, il faut ainsi considérer que les causes purement

personnelles à l’agent ne peuvent se communiquer entre coauteurs. 1439

C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, préc., n° 43 et s. 1440

Pardon et oubli seraient ainsi deux notions antithétiques : C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction,

préc., n° 26. 1441

Au demeurant, selon PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 293, « il s’agit

de la seule véritable amnistie ». 1442

Parler d’effet in rem de l’amnistie réelle confine d’ailleurs au pléonasme. 1443

V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 293 ; Y. MAYAUD,

Droit pénal général, préc., n° 383 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n°

946. 1444

C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, préc., n° 43, qui, évoquant le caractère objectif de l’oubli à la

différence du caractère subjectif et distributif du pardon considère que « le fondement de l’amnistie ne semble

pas devoir être trouvé a priori et seulement dans le contexte ou les circonstances d’élaboration de la mesure

Page 383: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

383

est alors indéniable : ceux-ci participant à la même infraction, si cette dernière disparaît, leur

participation s’éteint également1445

. L’article 133-9 du Code pénal confirme d’ailleurs

implicitement cette solution puisqu’il dispose que « L’amnistie efface les condamnations

prononcées, elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les

peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait

pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure ». En visant à la fois l’auteur et le

complice de l’infraction, le texte semble ainsi témoigner de l’effet in rem de l’amnistie. Or,

dans la mesure où la complicité ne se greffe pas nécessairement sur une infraction unique1446

,

la solution devrait valoir, a fortiori, en matière de coaction.

469. Parce qu’ils participent à une seule et même infraction, les coauteurs bénéficient

ainsi d’une amnistie commune de l’infraction. La même conclusion devrait alors s’appliquer

s’agissant de la prescription de l’infraction.

§2- La prescription commune de l’infraction

470. Prescription de l’action publique et prescription de la peine. – La prescription

de l’action publique se définit classiquement comme un « mode d’extinction de l’action en

justice résultant du non-exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé par la loi »1447

. Sa

durée est fixée par le Code pénal à un an pour les contraventions, trois ans pour les délits et

dix ans pour les crimes. Elle est donc fondée sur la classification tripartite des infractions et

parfaitement indifférente à la personnalité de l’auteur. Ainsi, dès l’instant où les coauteurs

participent à une seule et même infraction, le délai de prescription de cette dernière est

nécessairement le même pour chacun d’entre eux. Il faut toutefois veiller à distinguer cette

hypothèse de celle de la prescription de la peine, qui vise pour sa part l’hypothèse dans

mais bien aussi dans sa technicité et dans ses critères d’application dès lors que ces critères évoquent

précisément ceux du pardon ou, au contraire, ceux de l’oubli véritable… ». 1445

En revanche, l’amnistie personnelle ne pourra évidemment profiter aux participants à l’infraction, ce que ne

remet pas en cause la jurisprudence : v., s’agissant du complice, Cass. crim., 10 fév. 1949, JCP G 1949, II, 4857,

note COSTE ; Rev. sc. crim. 1949, p. 338, obs. J. MAGNOL. 1446

V. supra n° 102 et s. 1447

G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc.

Page 384: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

384

laquelle le délai écoulé depuis le prononcé de la sanction fait obstacle à son exécution1448

.

Attachée à la peine et non à l’infraction, elle est alors nécessairement individuelle et ne peut

donc profiter à l’ensemble des coauteurs. Mais la participation des coauteurs à une infraction

unique n’a pas pour seule conséquence de permettre un délai de prescription commun.

471. Point de départ du délai. – En outre, cette caractéristique de la notion de coaction

produit immanquablement des conséquences sur le point de départ de ce délai de prescription.

En effet, celui-ci est fixé par rapport au moment de consommation de l’infraction1449

. Or, cette

dernière étant collective et unique pour les coauteurs, le moment de sa consommation leur est

nécessairement commun. La jurisprudence retient du reste une telle solution, tant à l’égard de

la complicité que de la coaction. La Cour de cassation énonce ainsi que « la prescription, en

matière pénale, ne constitue pas un bénéfice personnel, mais s’applique au fait lui-même ;

lorsqu’elle est acquise, elle éteint l’action définitivement, et à l’égard de tous auteurs,

coauteurs ou complices […] »1450

. C’est d’ailleurs de la sorte que doit être comprise la

décision de la Cour d’appel de Nancy du 24 mai 1950 relative aux recels successifs1451

. En

l’espèce, les juges avaient considéré que les recels successifs d’un même objet, « réitérés par

des individus différents en exécution de la même résolution criminelle pour atteindre le même

but [devait] les faire considérer comme les éléments d’une seule infraction, dont le caractère

continu fait apparaître chacun des receleurs successifs, non pas comme auteur d’un délit

distinct, mais comme coauteur d’un même délit ». La caractérisation d’une coaction y est

souvent présentée comme un moyen pour les juges de repousser le point de départ du délai de

prescription du recel1452

. Mais cette solution se comprend tout à fait dès lors qu’une véritable

coaction pouvait être constatée entre les différents receleurs1453

. A partir du moment où

l’infraction est collective et unique, le point de départ du délai de prescription est

nécessairement le même pour chacun des coauteurs1454

.

1448 C. pén., art. 133-1 et s.

1449 L’article 7 alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose en effet que l’action publique se prescrit « à

compter du jour où le crime a été commis » et les articles 8 alinéa 1 et 9 du même code affirment une solution

identique s’agissant des délits et des contraventions. 1450

Cass. crim., 4 déc. 1952, Bull. n° 294. V. également Cass. crim., 23 nov. 1954, Bull. n° 343. 1451

CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236. 1452

V. notamment Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 380, p. 397. 1453

Sur ce point, v. supra n° 400. 1454

En outre, la solution se justifie également au regard du caractère continu de l’infraction de recel. En effet, en

cas d’infraction continue, la prescription court à compter du jour où l’état délictueux a pris fin « dans ses actes

constitutifs et dans ses effets » (v. notamment Cass. crim., 30 sept. 1992, Bull. n° 300), c’est-à-dire, s’agissant du

Page 385: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

385

Plus encore, les distinctions relatives à la nature de l’infraction pour déterminer ce

point de départ sont indifférentes : peu importe que l’infraction soit instantanée, continue ou

d’habitude, le point de départ du délai de prescription sera le même pour l’ensemble des

coauteurs.

En revanche, la solution ne devrait pas nécessairement être la même pour la

complicité. Certes, il serait envisageable que le sort du complice soit traité en considération de

l’infraction principale et donc que le point de départ du délai de prescription de cette dernière

soit également celui de sa propre participation. La jurisprudence retient du reste cette solution.

Elle considère en effet que la prescription de la complicité doit être appréciée par rapport à

celle de l’infraction principale1455

, non à compter de l’acte de complicité1456

. Cependant, si

cette solution se comprend au regard de la dépendance du complice à l’égard de l’infraction

principale, elle nie également la criminalité propre de la complicité : les actes du complice,

distincts de ceux de l’infraction principale, ne sont pas innocents en eux-mêmes et peuvent

permettre de distinguer la participation à l’infraction du complice de sa réalisation par

l’auteur. De plus, complice et auteur principal ne participent pas nécessairement à une seule et

même infraction1457

, argument qui justifie le point de départ commun du délai de prescription

s’agissant des coauteurs. Partant, il est possible d’imaginer que le délai de prescription

commence à courir à partir de la réalisation des actes de participation par le complice et non

de l’infraction principale. La solution est d’autant plus intéressante que la complicité peut se

traduire par des actes antérieurs à l’infraction principale, permettant de faire courir le délai

plus tôt que pour cette dernière. Les sorts du complice et de l’auteur principal seraient alors

dissociés. S’agissant des coauteurs, leur participation étant nécessairement concomitante à la

réalisation de l’infraction collective1458

, le point de départ du délai sera nécessairement

commun, renforçant de fait la spécificité du régime de ce titre d’imputation.

recel, au lendemain du jour où la détention de l’objet volé a cessé, alors même qu’à cette date l’infraction ayant

procuré la chose était déjà prescrite (v. notamment Cass. crim., 17 mai 1983, Bull. n° 48). Ainsi, si l’existence de

différents coauteurs est établie, tant que l’un d’entre eux détiendra la chose objet du vol, le point de départ du

délai de prescription ne pourra pas commencer à courir, même à l’égard de ceux s’étant personnellement

dessaisis de la chose. 1455

Cass. crim., 15 déc. 1929, Bull. n° 342. 1456

Cass. crim., 8 janv. 1991, Bull. n° 15. 1457

V. supra n° 102 et s. 1458

V. supra n° 283 et s.

Page 386: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

386

472. Interruption du délai de prescription de l’action publique. – Enfin, toujours

parce que les coauteurs participent à une infraction unique, l’acte interruptif de prescription

devra produire ses effets à l’égard de chacun des coauteurs. En effet, la prescription est

interrompue à l’égard de l’infraction, et non à l’égard des participants, ce que la jurisprudence

ne manque pas de relever. Dans l’arrêt précédemment évoqué1459

, après avoir énoncé que la

prescription s’applique au fait lui-même, la Cour de cassation en déduit alors que « […] si elle

est valablement interrompue, les effets de l’interruption sont opposables à tous ». La solution

n’a d’ailleurs jamais été remise en cause1460

. A nouveau, parce que les coauteurs participent à

la même infraction, l’interruption du délai de prescription profite nécessairement à tous.

473. Ainsi, du fait de leur participation à une unique infraction, collective, les coauteurs

sont soumis à une prescription commune de l’infraction, tant s’agissant de la durée que du

point de départ ou encore de l’interruption de ce délai. La conclusion est alors identique à

celle tirée de l’indivisibilité procédurale entre coauteurs1461

, la confirmant davantage.

474. Conclusion de la section 2. – Parce que les coauteurs participent à une infraction

unique, toute cause affectant l’infraction aura nécessairement des conséquences sur chacun

d’entre eux. Partant, les causes entraînant un oubli de l’infraction, en ce qu’elles s’attachent

au fait et non à leur auteur, profitent à chacun des participants à l’infraction. Ainsi, dans la

mesure où l’amnistie vise l’infraction et non son auteur, elle sera nécessairement commune

aux coauteurs. Pour les mêmes raisons, une conclusion semblable s’impose s’agissant de la

prescription de l’infraction.

1459 Cass. crim., 4 déc. 1952, préc.

1460 V. notamment Cass. crim., 3 fév. 1955, JCP G 1955, II, 8663, note P. CHAMBON; 20 fév. 1985, Bull. n° 83 ;

5 juil. 1995, Bull. n° 239. 1461

V. supra n° 400 et 401.

Page 387: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

387

Conclusion du chapitre 1

475. En participant à une infraction collective, les coauteurs réalisent une seule et même

infraction. Dès lors, si une cause objective affecte cette dernière, elle devra profiter à tous. Il

fallait alors montrer quelles causes sont susceptibles d’avoir un impact sur l’infraction

collective. Si les causes d’aggravation de l’infraction devaient être exclues1462

, il restait alors à

s’intéresser aux causes de disparition de celle-ci. Or, un fait peut perdre son caractère

délictueux pour deux raisons principales : soit il est justifié, soit il est oublié.

476. Justification commune de l’infraction. – La doctrine présente traditionnellement

les faits justificatifs comme des causes objectives d’irresponsabilité dont les effets devraient

se communiquer erga omnes, et donc aux coauteurs. Il convenait alors de vérifier cette

affirmation pour mieux conclure à la nécessaire justification commune de l’infraction. Or,

dans la mesure où aucune conception subjective des faits justificatifs n’a pu être retenue, il

fallait nécessairement se tourner vers les conceptions objectives. Il est alors apparu que quelle

que soit la théorie retenue, et qu’elle considère le fait justificatif comme une cause de

disparition de l’élément légal ou de l’élément injuste de l’infraction, cette cause

d’irresponsabilité devait nécessairement produire ses effets à l’égard de l’ensemble des

coauteurs.

477. Oubli commun de l’infraction. – Une démarche identique devait alors être menée

s’agissant des causes susceptibles d’entraîner la disparition de l’infraction en occasionnant

son oubli. Il s’agissait alors de vérifier que l’amnistie comme la prescription s’expliquaient

bien par des considérations touchant au fait en lui-même et non à son auteur. Dans la mesure

où une réponse positive a pu être apportée à cette interrogation, et parce que les coauteurs

participent à une seule et même infraction, l’oubli de l’infraction commise par des coauteurs

devait inévitablement être qualifié de commun.

1462 V. supra n° 435.

Page 388: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

388

478. Mais l’infraction collective réalisée par les coauteurs n’est pas simplement une

infraction unique, elle est également leur propre infraction, ce qui doit nécessairement

produire des conséquences quant au régime de la coaction.

Page 389: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

389

Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le

régime de la coaction

479. Parenté avec l’action. – Le fait que les coauteurs commettent leur propre

infraction joue sur la définition même de la notion de coaction et, plus particulièrement, sur le

lien de causalité devant unir les différents coauteurs au résultat pénal ainsi que sur le

comportement exigé en matière de coaction1463

. En toute logique, cette influence devrait

également se retrouver à propos de la répression de cette forme de participation à l’infraction.

Or, en raison de sa parenté avec l’action1464

, il semble que la coaction permette de sanctionner

certains comportements qui ne pourraient pas nécessairement l’être s’ils étaient commis par

un complice alors qu’ils le sont dès l’instant qu’ils sont commis par un auteur. Le domaine

matériel de la coaction serait alors plus large que celui de la complicité, renforçant l’intérêt

répressif de la coaction, ce qu’il convient de vérifier (Section 1). Il appartiendra ensuite de se

demander si les spécificités du régime de la coaction impliquent d’envisager des peines

propres à ce mode de participation à l’infraction (Section 2).

1463 V. supra n° 170 et s.

1464 V. supra n° 21.

Page 390: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr
Page 391: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

391

Section 1- Le domaine matériel de la coaction

480. Parce qu’elle emprunte certains caractères à l’action, la coaction présente un

domaine matériel qui s’en approche. Elle permet ainsi de réprimer davantage de

comportements que la complicité. En particulier, elle permet de sanctionner la tentative de

coaction (§1) ainsi que les coauteurs d’une contravention (§2).

§1- La tentative de coaction

481. Tentative de coaction et tentative réalisée en coaction. – S’agissant de la

tentative, la distinction entre la complicité et la coaction se fait lorsque l’on raisonne sur une

tentative de participation à l’infraction et non sur une participation à une infraction tentée.

Effectivement, en ce qui concerne cette dernière, il semble que les solutions soient les mêmes,

quel que soit le mode d’imputation envisagé.

La répression de la complicité de tentative n’a en effet jamais été discutée, la tentative de

crime ou délit, dès lors qu’elle est incriminée, apparaissant comme le fait principal punissable

nécessaire à la complicité1465

. Quant à la répression de la tentative réalisée en coaction, elle ne

pose a priori pas de difficulté particulière : il s’agirait, pour des coauteurs, de commettre des

actes assimilables au commencement d’exécution de l’infraction en cause. Pourtant, eu égard

à la notion proposée de l’acte de coaction1466

, la question mérite quelque attention. Celui-ci a

en effet été défini comme un acte constitutif ou un commencement d’exécution de l’infraction

collective, c’est-à-dire en référence à la tentative. Le fait de forcer la serrure d’une habitation

avait ainsi pu être considéré comme un acte de coaction du vol ainsi commis1467

. Dès lors, la

tentative exigeant elle-même un commencement d’exécution, une conclusion trop rapide

pourrait amener à considérer que sanctionner une tentative réalisée en coaction pourrait

1465 Cette solution a effectivement été admise en jurisprudence dès le XIXème siècle (v. notamment Cass. crim.,

29 mars 1827, Bull. n° 66 ; Cass. crim., 2 juin 1832, Bull. n° 200 ; Cass. crim., 23 août 1877, Bull. n° 201) et est

maintenue depuis (v. notamment Cass. crim., 3 mars 1954, JCP G 1954, IV, 53 ; Cass. crim., 4 juin 1998,

JurisData n° 1998-003410, Dr. pén. 1998, comm. 142, obs. M. VERON ; Cass. crim., 6 sept. 2000, JurisData

n° 2000-006055 ; Cass. crim., 12 janv. 2011, pourvoi n° 10-83180). 1466

V. supra n° 280 et s. 1467

V. supra n° 292.

Page 392: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

392

conduire à réprimer un commencement d’exécution d’un commencement d’exécution

d’infraction collective, soit des actes seulement préparatoires de l’infraction collective. Ainsi,

le fait de se rendre à plusieurs à proximité d’une habitation appartenant à autrui ou d’acheter

un instrument susceptible d’être utilisé pour forcer une serrure pourrait caractériser un tel

commencement d’exécution de coaction. Les écueils d’une telle conception sont alors

évidents.

Toutefois, l’objection n’est en réalité qu’apparente. En effet, le commencement

d’exécution de l’infraction collective n’est pas en lui-même suffisant à caractériser un acte de

coaction. Pour que ce dernier soit établi, il faut qu’un autre coauteur consomme l’élément

matériel de l’infraction collective. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra communiquer

l’acte consommé de l’infraction collective au coauteur qui en aura seulement réalisé le

commencement d’exécution. Le commencement d’exécution de l’infraction collective ne

pourra donc être constitutif d’un acte de coaction que si les autres coauteurs réalisent des actes

permettant de conclure à la consommation de l’infraction collective. Ainsi, ce n’est que parce

que d’autres individus ont soustrait des objets que le fait de forcer la serrure a pu être

considéré comme un acte de coaction du vol consommé. Il n’est alors pas possible d’imaginer

retenir une infraction consommée en état de coaction si seulement des actes de

commencement d’exécution de l’infraction collective étaient réalisés et donc, par exemple, si

les individus avaient respectivement forcé une serrure et posé leurs mains sur les objets à

dérober. En revanche, cette hypothèse pourrait certainement constituer une tentative

d’infraction réalisée en état de coaction, sans pour autant réprimer des actes préparatoires.

Partant, les participants à une tentative, qu’ils soient complices ou coauteurs, peuvent tous

être sanctionnés. En revanche, cette identité de répression ne se retrouve pas si l’on raisonne

sur la tentative de participation à l’infraction : alors que la tentative de complicité ne peut être

sanctionnée (A), celle de coaction le peut (B).

A- L’absence de répression de la tentative de complicité

482. Une absence de répression classique. – Il est traditionnellement enseigné

qu’alors que la complicité de tentative est punissable, la tentative de complicité ne l’est pas.

Page 393: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

393

Doctrines classique1468

et moderne1469

s’accordent sur ce point, tout comme la jurisprudence,

puisque déjà sous l’empire du Code pénal de 1791, le Tribunal de cassation considérait que

« dans tout le contexte de nos lois criminelles on n’aperçoit aucune peine applicable à la

tentative de complicité de crime, mais que tant le Code pénal que la loi du 22 prairial an IV

ne contiennent des dispositions pénales que contre la tentative du crime même, tentative qui

se rapporte à l’auteur et non au complice du crime, et n’en prononcent aucune contre la

tentative de complicité »1470

. Depuis, la solution est demeurée1471

, malgré les nombreuses

controverses qu’elle a pu susciter.

483. Une absence de répression compréhensible. – Effectivement, l’opinion publique

s’est émue de l’impunité de celui qui avait offert une somme d’argent à un homme de main

afin qu’il exécute un individu lorsque celui-ci s’était désisté. Certains ont même vu dans cette

solution le hasard devenu « arbitre de la répression »1472

. Pourtant, elle semble justifiée tant

les enjeux au regard des libertés individuelles sont importants1473

. Surtout, l’absence de

répression de la tentative de complicité n’apparaît que comme une conséquence, sur le plan du

régime, de la définition de la complicité. Cette dernière s’analysant comme la participation à

l’infraction d’autrui, faute d’infraction d’autrui, il semble délicat d’imaginer une répression de

ce qui n’est en réalité qu’une complicité de rien... Cette solution semble d’ailleurs s’imposer

que l’on raisonne selon le système de l’emprunt de criminalité ou celui de l’emprunt de

matérialité1474

: pour que le complice emprunte quelque chose, encore faut-il qu’il ait quelque

1468 V. notamment H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée,

Sirey, 2ème

éd., Paris, 1943, n° 428 ; E. GARCON, Code pénal annoté, préc., art. 59 et 60, n° 344. 1469

V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 346; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, préc., n° 411 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 553 ; X. PIN,

Droit pénal général, préc., n° 279 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 429 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal

général, Ellipses, coll. Cours magistral, 2006, n° 354 p. 408 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 352.

Pour une contestation de cette solution, v. notamment E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1047. 1470

Trib. Cass., 23 vendémiaire an VIII, Bull. n° 48, cité par C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité,

Mélanges Patin, Cujas, 1966, p. 153 et s., spéc. p. 162. 1471

V. par exemple Cass. crim., 16 juin 1955, JCP 1955.8851, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956 p. 99, obs. A.

LEGAL ; et surtout Cass. crim., 25 oct. 1962 (LACOUR et SCHIEB-BENAMAR) ; J.C.P. 1963, II, 12985, note R.

VOUIN, D. 1963, 221, note P. BOUZAT. ; Rev. sc. crim. 1963, p. 533, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands

arrêts de la jurisprudence criminelle, n° 88 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal

général, n° 32. 1472

R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le hasard peut-il être arbitre de la

répression ?, Rev. sc. crim., 1959, p. 454. 1473

"Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent" écrivait déjà Voltaire en 1747

(Zadig ou la destinée). 1474

Sur ces théories, v. supra n° 102 et s.

Page 394: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

394

chose à emprunter. Ce n’est qu’en se tournant vers le système de la « complicité délit-

distinct »1475

que la répression de la tentative de complicité serait réellement envisageable :

auteur d’une infraction autonome, le complice serait susceptible de voir sa responsabilité

pénale engagée au titre de la tentative sans que surgissent de difficultés particulières autres

que celles liées à la caractérisation du commencement d’exécution1476

. Or, il l’a été dit, une

telle solution semble inopportune dans la mesure où elle ne respecte pas la véritable nature de

« délit conditionné »1477

de la complicité.

484. Mise en place de palliatifs. – En outre, dans ces hypothèses, la jurisprudence a

parfois retenu l’infraction d’association de malfaiteurs1478

. Enfin, ponctuellement et dans les

hypothèses où l’impunité de celui qui a accompli tous ses actes de participation sans que

l’auteur principal ne commette un quelconque acte coupable aurait pu ou a pu apparaître

particulièrement choquante, le législateur est intervenu afin de prévoir spécialement la

répression de la tentative de complicité d’assassinat ou d’empoisonnement commise par des

offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques1479

. Ainsi, il est vrai que même si

la tentative de complicité n’est pas réprimée, des palliatifs sont envisageables dans les

hypothèses où l’impunité de son auteur serait particulièrement choquante. Cependant, cette

technique demeure peu satisfaisante1480

et il faut alors se réjouir que la coaction ne la

nécessite pas dans la mesure où sa tentative pourrait être réprimée de façon générale.

B- La répression envisageable de la tentative de coaction

485. Hypothèse. – L’hypothèse est la suivante : deux individus, X et Y, décident de

commettre un vol et, avant que l’infraction soit entrée dans sa phase d’exécution, l’un d’eux,

1475 V. supra n° 107 et s.

1476 Sur cette question, v. supra n° 295.

1477 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices, préc.

1478 Cass.crim. 30 avr. 1996, JurisData n° 1996-003834 ; Bull. n° 176; Rev. sc. crim. 1997, p.113, obs. J.-P.

DELMAS SAINT-HILAIRE. Cass. crim. 26 mai 1999, JurisData n° 1999-002800 ; Bull. n° 103 ; Rev. sc. crim.

2000, p. 621, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE. 1479

V. en particulier l’article 221-5-1 du Code pénal mis en place par la loi du 9 mars 2004 afin de répondre aux

critiques suscitées par les arrêts Lacour et Schieb. De façon plus générale, l’incrimination de provocations non

suivies d’effet poursuit ce but (par exemple la provocation non suivie d’effet à la trahison et l’espionnage, C.

pén., art. 411-1). 1480

Car créer des incriminations au cas par cas suppose nécessairement d’avoir constaté une lacune de la

répression et car l’association de malfaiteurs est enfermée dans des conditions strictes (crime ou délit puni d’au

moins cinq ans d’emprisonnement) : v. supra n° 34.

Page 395: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

395

X, renonce. Deux solutions se présentent alors à Y : soit il choisit de se désister également,

soit il décide de poursuivre et de réaliser tout de même l’infraction.

Si Y renonce lui aussi, aucune répression ne pourra intervenir puisqu’aucun

commencement d’exécution ne sera caractérisé. En revanche, si Y persiste et consomme ou

tente l’infraction, il pourra être poursuivi pour vol ou tentative de vol.

486. Systématisation. – Ainsi, l’individu qui était déterminé à agir en coaction et a tout

fait pour y parvenir, mais dont « l’aspirant coauteur » s’est désisté, pourra être poursuivi

pénalement au titre de l’action. En effet, contrairement au complice, il n’est pas lié par le

caractère punissable d’un acte extérieur à lui puisque, à la façon d’un auteur, il réalise lui-

même l’acte répréhensible. En réalité, la tentative de coaction serait donc punissable pour

celui des coauteurs qui aura poursuivi son dessein, mais simplement au titre de l’action. En

revanche, celui qui n’a commis aucun commencement d’exécution d’infraction, alors même

qu’il projetait de commettre cette dernière en état de coaction, n’encourra aucune sanction. La

coaction étant un mode de participation à une infraction et non une infraction à part entière, le

simple fait de s’être entendu avec autrui pour réaliser une infraction ne peut, en effet, être

punissable si l’infraction n’a pas été au moins tentée. Il semble d’ailleurs que la solution soit

révélatrice de la définition donnée de la coaction : elle est un titre d’imputation à mi-chemin

entre l’action et la complicité1481

. Dès lors, il est logique que les solutions la concernant

s’approchent de celles concernant l’action et la complicité. Plus encore, en l’espèce, elles

révèlent le caractère « hybride »1482

de la coaction : les solutions relatives au coauteur s’étant

désisté rejoignent celles relatives à la tentative de complicité, et celles relatives au coauteur

ayant poursuivi son action s’apparentent à celles relatives à l’action.

Ainsi, la tentative de coaction n’est peut-être pas répréhensible en tant que telle, c’est-

à-dire sous cette terminologie, mais il reste qu’un tel comportement est susceptible d’être

sanctionné, à la différence des solutions applicables à la complicité. Une différence similaire

entre ces deux modes d’imputation se retrouve s’agissant des personnes susceptibles de

commettre une contravention.

1481 V. supra n° 21.

1482 Ibid.

Page 396: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

396

§2- La contravention réalisée en coaction

487. Non-incrimination de la complicité de contravention sous l’ancien Code pénal

et utilisation répressive de la coaction. – Sous l’empire de l’ancien Code pénal, l’article 59

relatif à la complicité ne visait que la complicité de crime ou délit1483

. Partant, la complicité

de contravention n’était pas punissable, ce que la jurisprudence ne manquait pas de

relever1484

, sauf en cas de prévision contraire de la loi. La jurisprudence a alors parfois utilisé

la notion de coaction afin de réprimer des individus qui, en vertu des définitions classiques de

ces notions, auraient dû être qualifiés de complices1485

. Une espèce est ainsi fréquemment

citée pour en témoigner : l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 24 juin 19221486

. Il

s’agissait d’individus ayant défilé au sein d’un cortège en tête duquel l’un d’eux portait un

drapeau portant l’inscription « Jeunesse Communiste ». Tous furent condamnés pour

contravention de port de drapeau prohibé, alors même qu’un seul avait effectivement porté le

drapeau en cause. Si pour le Tribunal de Police de Valenciennes, ceux qui avaient simplement

participé au défilé n’étaient que de simples complices, la Chambre criminelle les considéra

comme des coauteurs, au motif que le défilé s’apparentait à une « manifestation commune et

simultanée constituant une même contravention ».

488. Justification de la solution au regard de la notion de coaction établie. –

Certains auteurs font valoir que malgré l’intérêt répressif de telles solutions, elles demeurent

« éminemment contestables en ce qu’elles portent atteinte au principe de légalité des crimes

et délits »1487

. La pertinence de cette objection ne peut être remise en question au regard du

droit positif ; cependant, la notion de coaction établie précédemment permettrait de la faire

tomber. En effet, puisque la coaction ne nécessite pas l’accomplissement de l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction par chaque coauteur et que l’interchangeabilité des rôles

1483 Il disposait en effet que disposait que « Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine

que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement ». 1484

V. notamment Cass. crim., 26 déc. 1857, Bull. n° 412 ; DP 1858, 1, p. 143 ; Cass. crim., 6 mars 1862, DP

1862, 1, p. 77 ; Cass. crim., 3 mai 1966, Bull. n° 127 ; Cass. crim., 4 juin 1986, Lorly, cité in J.-Cl. Pénal Code,

Complicité, art. 121-6 et 121-7, P. SALVAGE, 2005. 1485

En effet, la définition du coauteur étant traditionnellement calquée sur celle de l’auteur, la coaction ne

distingue pas selon que l’infraction commise est un crime, un délit ou une contravention. 1486

S. 1923, 1, 41, note J.-A. ROUX. 1487

F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 567, p. 518.

Page 397: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

397

entre différents participants révèle l’égalité propre à ce titre d’imputation1488

, la solution se

trouve alors justifiée. Dans l’espèce commentée, il semble bien que la personnalité du porteur

du drapeau était indifférente et qu’à tout moment, l’un des manifestants était prêt à le relayer.

Plus encore, et dans le même sens, un auteur y voit une manifestation de la représentation

dans l’action propre à la coaction selon lui1489

. Par conséquent, la notion établie de coaction

permettrait de justifier ces solutions, sans pour autant malmener les principes du droit pénal.

489. Non-incrimination de la complicité par aide et assistance de contravention

depuis le nouveau Code pénal et maintien de l’intérêt répressif de la coaction. – Depuis le

nouveau Code pénal, il convient de distinguer entre la complicité par instigation et la

complicité par aide et assistance. En effet, l’alinéa 1er

de l’article 121-7, relatif à ce dernier

mode de complicité, vise seulement le complice d’un crime ou d’un délit alors que l’alinéa

second, relatif à la complicité par instigation, ne fournit pas une telle précision. Il faut alors en

déduire qu’il permet la répression de la complicité par provocation ou instructions quelle que

soit la nature de l’infraction en jeu, et donc de la complicité par instigation d’une

contravention, ce que confirme l’article R. 610-2. Ce dernier dispose en effet que « Le

complice d'une contravention au sens du second alinéa de l'article 121-7 est puni

conformément à l'article 121-6 ». Certes, l’intérêt de la coaction en la matière est alors plus

limité que sous l’ancien Code pénal, d’autant plus que le législateur a maintenu l’admission

d’exceptions au refus de la complicité de contravention s’agissant de l’aide et de

l’assistance1490

. Toutefois, il demeure1491

. Par exemple, l’article R. 645-2 du Code pénal

incrimine « le fait, dans une zone d'interdiction fixée par l'autorité militaire et faisant l'objet

d'une signalisation particulière, d'effectuer, sans l'autorisation de cette autorité, des dessins,

levés ou des enregistrements d'images, de sons ou de signaux de toute nature ». Dans

l’hypothèse où deux individus filmeraient un terrain militaire dans de telles conditions, et en

application stricte des principes du droit positif, seul celui tenant la caméra devrait encourir la

1488 V. supra n° 235 et s.

1489 D. ALLIX, Essai sur la coaction, Contribution à la genèse d’une notion prétorienne, LGDJ, 1976, n° 130.

1490 V. notamment C. pén., art. R. 624-1 relatif aux violences n’ayant occasionné aucune incapacité totale de

travail, R. 625-1 relatif aux violences ayant occasionné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou

égale à huit jours, et R. 635-1 relatif aux destructions, dégradations et détériorations ayant occasionné un

dommage léger. 1491

En ce sens, v. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 338 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,

Droit pénal général, A. Colin, 7ème

éd., 2004, n° 406 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit

pénal général, t.1, Cujas, 7ème

éd., 1997, n° 553 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 448.

Page 398: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

398

contravention visée puisqu’il est le seul à enregistrer des images. Le second individu,

complice par aide et assistance, ne le pourrait, sauf à malmener le principe de légalité

criminelle. Mais si l’on admet que la coaction peut être caractérisée par une interchangeabilité

des rôles entre coauteurs, sans exiger que chacun accomplisse dès lors l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction, la qualification de coauteurs pour les deux individus se

trouve justifiée, sans pour autant dévoyer les sens de la complicité et de la coaction.

490. En partageant des caractères avec l’action, la coaction fait ainsi preuve d’une

autonomie qui sert sa répression puisqu’elle n’est pas soumise à la nature de l’infraction

commise pour être sanctionnée, ni à la caractérisation d’un fait principal punissable. Pour

parfaire cette autonomie dans sa répression, il apparaît alors important de se demander si elle

nécessite d’envisager des peines particulières.

Page 399: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

399

Section 2- Les peines de la coaction

491. Identité des peines encourues en droit positif. – En droit positif, le législateur ne

prévoyant pas d’incrimination autonome de la coaction, cette dernière n’est évidemment pas

soumise à des peines spécifiques. Le coauteur, envisagé comme un simple auteur, encourt

alors les mêmes peines que ce dernier. Il en va de même pour le complice, l’article 121-7 du

Code pénal disposant que « le complice encourt les peines prévues… ». Mais dans la mesure

où la coaction a été envisagée comme un mode de participation à l’infraction, témoignant

d’une dangerosité accrue, il est possible de s’interroger sur le bien-fondé de cette solution.

Echelonner les peines entre auteur, coauteur et complice ne serait-il pas préférable ?

492. Insuffisance de la circonstance de réunion. – Certes, le législateur fait de la

pluralité de participants une circonstance aggravante de l’infraction, et prend donc en compte

la coaction à ce titre s’agissant de la pénalité. Mais cette circonstance de réunion vise aussi

bien les complices que les coauteurs. Elle ne met donc pas en lumière la spécificité de la

coaction. De plus, comme il l’a été vu, la circonstance de réunion n’est pas prévue pour toutes

les infractions, parmi lesquelles des infractions particulièrement graves telles que le meurtre.

Or, ne devrait-on pas regretter que l’existence d’une coaction n’ait aucune incidence

particulière en cas de meurtre par exemple1492

?

493. Démarche. – Partant, eu égard à la spécificité établie de la notion de coaction, il

semble important de se demander s’il ne serait pas souhaitable de mettre en place des peines

propres à ce mode de participation. Si la réponse à cette question semble négative, il ne

faudrait pas pour autant en déduire qu’il est indifférent de qualifier un individu d’auteur, de

coauteur ou de complice d’une infraction car tous encourent la même peine. Ne pas

s’interroger précisément sur la qualification d’un participant ou changer sa qualification ne

peut être justifié par le seul fait que les différents participants encourent une peine identique.

1492 Si ce n’est au stade de l’individualisation de la sanction puisque le juge pourra prendre en compte cette

circonstance mais, quoi qu’il en soit, la peine encourue ne sera pas aggravée, et le coauteur ne pourra encourir

plus que le maximum légal prévu pour l’infraction simple (sauf s’il caractérise d’autres circonstances

aggravantes).

Page 400: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

400

Ainsi, constater l’inutilité de peines autonomes en matière de coaction (§1) ne doit pas

remettre en cause l’inanité de la théorie de la peine justifiée (§2).

§1- L’inutilité de peines autonomes

494. Pour asseoir la sévérité du régime de la coaction, il est possible d’imaginer des

peines spécifiques pour cette dernière. Il serait ainsi envisageable d’augmenter le quantum de

la peine d’un tiers ou d’un quart par exemple en cas de réalisation de l’infraction en état de

coaction, ou encore de prévoir des peines à la nature spécifique. Pourtant, il apparaît que cette

technique semblerait en réalité non seulement inadaptée à la coaction (A) mais également

superflue (B).

A- Le caractère inadapté des peines autonomes à la coaction

495. Pour s’assurer de la pertinence qu’il y aurait à envisager des peines autonomes à la

coaction, il semble opportun de se tourner vers d’autres systèmes afin de voir les solutions

qu’ils ont retenues et d’éventuellement s’en inspirer. Cette démarche est d’autant plus

appropriée que certains systèmes étrangers se rapprochent des propositions ici émises.

Cependant, l’étude du droit comparé démontre que la coaction n’y fait pas l’objet de peines

propres (1). La solution se comprend du reste parfaitement au regard du droit français tant le

risque de confondre coaction et criminalité organisée serait alors important (2).

1- L’absence de peines propres à la coaction dans les systèmes étrangers

496. Comme il l’a été vu1493

, les systèmes étrangers n’utilisent pas, à notre

connaissance, d’équivalent aux termes de « coauteur » ou de « coaction » dans leur

législation. La coaction y est pourtant envisagée, à travers une définition large de la notion

d’auteur. Cependant, dans la mesure où aucun d’entre eux ne définit de façon autonome la

coaction, pas un n’envisage une peine supérieure à celle de l’auteur en cas de coaction. Deux

exemples en témoignent, celui de la Belgique et de l’Espagne.

1493 V. supra n° 12.

Page 401: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

401

497. L’exemple belge. – En vertu de l’article 66 du Code pénal belge, « Seront punis

comme auteurs d’un crime ou d’un délit :

Ceux qui l’auront exécuté ou qui auront coopéré directement à son exécution ;

Ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur

assistance, le crime ou le délit n’eût pu être commis ;

Ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou

artifices coupables, auront directement provoqué à ce crime ou délit ;

Ceux qui, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des

écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés, distribués

ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, auront provoqué directement à le

commettre, sans préjudice des peines portées par la loi contre les auteurs de provocations à

des crimes ou à des délits, même dans le cas où ces provocations n’ont pas été suivies

d’effet ». L’auteur n’y est ainsi pas seulement défini comme l’individu qui réalise l’infraction,

mais aussi comme celui qui y participe. Selon l’alinéa premier, est auteur celui qui prend

« directement » part à l’infraction, ce qui n’est pas sans rappeler l’exigence de causalité

précédemment évoquée pour caractériser la coaction1494

. La doctrine considère ainsi que

« celui qui lie les bras de la personne à qui l’on veut donner la mort, ou qui la bâillonne, est

l’auteur de l’assassinat à l’égal de celui qui l’égorge »1495

. Quant aux alinéas suivants, ils

définissent selon la doctrine1496

les coauteurs comme ceux qui ont apporté une aide nécessaire

à l’infraction ou qui y ont directement provoqué. Si la provocation ne peut, à notre sens, être

qualifiée d’acte de coaction, l’idée d’une aide nécessaire rappelle à nouveau la notion de

coaction établie. Quant aux complices, ils sont définis par les articles 67 et 68 comme ceux

ayant fourni des instructions ou des instruments pour commettre l’infraction, ayant procuré

une aide « accessoire »1497

dans l’exécution ou la préparation de l’infraction ou ayant recelé

de façon habituelle certains malfaiteurs. En réalité, on retrouve alors la distinction entre

participants principaux et accessoires. Le législateur belge envisage ainsi une échelle des

1494 V. supra n° 217 et s.

1495 J. J. HAUS, Principes généraux de droit pénal belge, 3

ème éd., 1879, n° 509.

1496 V. C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruylant, 2003, n° 299, qui distinguent au sein des

participants à l’infraction les coauteurs, définis par les alinéas 2, 3 et 4 de l’article 66, et les complices définis par

les articles 67 et 68 du Code pénal. Cependant, le « coopérateur direct » visé par l’alinéa premier devrait

également être qualifié de coauteur à notre sens. 1497

C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, préc., n° 300.

Page 402: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

402

peines entre les auteurs et complices, en considérant que « Les complices d’un crime seront

punis de la peine immédiatement inférieure à celle qu’ils encourraient s’ils étaient auteurs de

ce crime […].

La peine prononcée contre les complices d’un délit n’excèdera pas les deux tiers de celle qui

leur serait appliquée s’ils étaient auteurs de ce délit ».

Cependant, aucune distinction entre les pénalités n’est prévue entre l’auteur et le

coauteur. Ce dernier, parce qu’il est défini comme un auteur, est soumis au même régime que

lui et n’encourt pas de peine supérieure.

Du reste, le droit pénal belge ne fait que rarement cas de la pluralité de participants

pour aggraver la peine encourue, et lorsqu’il le fait, il ne distingue pas selon que les

participants ont agi au titre de la coaction ou de la complicité. Par exemple, l’article 377 du

Code pénal aggrave la peine encourue pour viol « si le coupable, quel qu’il soit, a été aidé,

dans l’exécution du crime ou du délit, par une ou plusieurs personnes ». De même, l’article

471 aggrave la peine du vol commis à l’aide de violences ou menaces « si l’infraction a été

commise par deux ou plusieurs personnes ». Ce n’est donc qu’en tant que circonstance

aggravante que la qualité de coauteur peut éventuellement entraîner une peine plus sévère que

celle d’auteur, mais de même que le ferait celle de complice. En outre, ainsi qu’en droit positif

français, cette circonstance n’est pas générale, et se trouve ainsi soumise à sa prévision par le

législateur. La coaction n’entraîne donc pas, de façon générale, de peine plus sévère que

l’action.

498. L’exemple espagnol. – Ces solutions peuvent également être rapprochées du droit

espagnol. En la matière, le législateur distingue les autores des cόmplices1498

. Les premiers

sont « ceux qui prennent part directement à l’exécution du fait, ceux qui le réalisent

conjointement ou qui utilisent un tiers comme instrument, ceux qui forcent ou poussent

directement autrui à l’exécution, ceux qui coopèrent à l’exécution du fait par un acte sans

1498 Ainsi que les encubridores qui se rapprochent de nos receleurs puisqu’ils sont définis comme « ceux qui

ayant connaissance d’une infraction sans y avoir participé comme auteur ou complice interviennent après sa

réalisation, en aidant le délinquant à tirer profit de l’infraction sans esprit d’un bénéfice personnel, en effaçant

ou en altérant les traces de l’infraction pour empêcher sa découverte ou en aidant les présumés responsables

d’un délit à se soustraire aux investigations des autorités ou encore en facilitant la fuite du délinquant » (C. pén.

espagnol, art. 298 et 451). Les différentes traductions sont empruntées à J. PRADEL, Droit pénal comparé, préc.,

n° 90.

Page 403: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

403

lequel ce dernier ne se serait pas réalisé »1499

alors que les seconds sont « ceux qui coopèrent

à l’exécution du fait par des actes qui lui sont antérieurs ou simultanés »1500

. Ainsi, de même

que dans la conception proposée, la participation nécessaire est considérée comme de la

coaction, même si les actes réalisés ne s’apparentent pas à la réalisation de l’ensemble des

éléments constitutifs de l’infraction1501

. En outre, là encore, il existe une véritable distinction

entre les participants principaux et les participants secondaires. En effet, pour que la

distinction avec la coaction soit assurée, les complices qui agissent par des actes simultanés à

la réalisation de l’infraction commettent inévitablement des actes qui ne peuvent être qualifiés

de nécessaires, à défaut de quoi ils seraient considérés comme des coauteurs. La distinction

entre participants principaux et secondaires se retrouve du reste quant aux peines encourues.

En effet, la peine des complices est réduite en vertu des articles 62 à 70 du Code pénal et peut

descendre jusqu’à la moitié de la peine encourue. Par exemple, la peine encourue pour

complicité de meurtre est de 5 à 10 ans d’emprisonnement alors qu’elle est de 10 à 15 ans

pour l’auteur ou le coauteur de l’homicide1502

. En revanche, la coaction, en tant que telle,

n’est pas réprimée plus sévèrement que l’action. Seule la pluralité de participants l’est, sans

égard pour le titre d’imputation en jeu. Pour preuve, l’article 22 du Code espagnol prévoit des

circonstances aggravantes générales, c’est-à-dire applicables à toute infraction, parmi

lesquelles le fait d’exécuter les faits en profitant de l’aide d’autres personnes qui affaiblissent

la défense de la victime. En outre, d’autres articles envisagent la pluralité de participants en

tant que circonstance aggravante spéciale afin d’augmenter le quantum de la peine qui serait

encourue en vertu de la circonstance générale de pluralité de participants et, même alors, ils

ne distinguent pas selon le mode de participation en cause. Par exemple, l’article 180 1°

alinéa 2 prévoit que le viol sera aggravé en cas d’action conjointe de deux personnes ou plus,

sans faire état d’une quelconque distinction selon que ces personnes seraient complices ou

coauteurs. Certes, dans une telle hypothèse, il sera certainement question de coauteurs car les

termes d’action conjointe impliquent une idée de concomitance. Or, il est difficile d’imaginer

une action conjointe en cas de viol par des actes qui ne pourraient être nécessaires à la

1499 C. pén. espagnol, art. 28.

1500 C. pén. espagnol, art. 29.

1501 Cependant, la coaction est envisagée de façon plus large dans la mesure où l’instigation est considérée

comme de la coaction. 1502

C. pén. espagnol, art. 138.

Page 404: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

404

réalisation de l’infraction. Ainsi, le fait de maintenir la victime pour ne pas qu’elle s’échappe

s’analyse certainement comme un acte de coaction plus que comme un acte de complicité.

Mais quoi qu’il en soit, la qualité de coauteur n’emporte pas en tant que telle une aggravation

de peine par rapport à celle d’auteur.

Ainsi, dans ces deux exemples, la coaction est assimilée à l’action et se trouve, à ce

titre, punie plus sévèrement que la complicité. En revanche, aucun statut autonome ne lui est

conféré et, alors même qu’elle est entendue plus largement qu’en droit français, elle n’est pas

réprimée plus sévèrement que l’action. Cette solution semble devoir être approuvée, au risque

de confondre coaction et criminalité organisée.

2- Le risque de confusion avec la criminalité organisée

499. Inopportunité de créer une catégorie intermédiaire. – Prévoir un système de

pénalités autonomes à l’égard de la coaction ne semble pas pertinent s’agissant de la

distinction des différentes formes collectives de délinquance. En effet, en raisonnant de façon

négative, si l’on imaginait des peines spécifiques à la coaction, il existerait certainement un

risque de confusion de ce titre d’imputation avec d’autres formes de participation plus

sévèrement punies, en particulier avec la criminalité organisée. En effet, cette dernière étant

elle-même punie plus sévèrement que la participation classique, mais s’en distinguant par ses

caractères, prévoir de façon générale une peine supérieure à celle de l’action en cas de

coaction pourrait laisser croire à la création d’une catégorie intermédiaire, à la frontière de la

criminalité organisée. Or, créer de trop nombreuses distinctions se révèlerait certainement trop

complexe, et pourrait entraîner une perte de sens et d’intérêt de la notion de coaction.

Prévoir des peines propres à la coaction se révèlerait ainsi certainement inadapté. En

outre, une telle solution présenterait surtout un caractère superflu.

B- Le caractère superflu des peines autonomes

500. Parce que le régime de la coaction apparaît intrinsèquement répressif (1), il semble

suffire à assurer la sévérité de la coaction, sans pour autant qu’il soit nécessaire d’imaginer

des peines plus sévères en matière de coaction que d’action. Seules des peines adaptées à la

complicité pourraient être envisagées (2).

Page 405: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

405

1- Le régime intrinsèquement répressif de la coaction

501. Sévérité du régime de la coaction. – La coaction se caractérise par un régime

suffisamment sévère pour marquer sa distinction avec l’action et la complicité. En effet,

comme il l’a été montré, différents éléments qu’il convient de rappeler en assurent une

répression accrue. Ainsi, la solidarité procédurale unissant les coauteurs justifie notamment

que l’acte interruptif de prescription émis à l’égard de l’un d’entre eux produise ses effets à

l’égard de tous et reconduise un nouveau délai de prescription pour chacun d’entre eux. De

même, le caractère large du domaine matériel de la coaction implique que davantage d’actes

soient punissables au titre de la coaction que de la complicité. Tentative et contravention sont

ainsi punissables en matière de coaction alors qu’elles ne le sont pas s’agissant de la

complicité.

Mais là ne sont pas les seules marques de la sévérité du régime de la coaction. La

communication pénale, en permettant un emprunt réciproque des éléments constitutifs et des

circonstances aggravantes de l’infraction, permet de réprimer un grand nombre de

comportements et ce, quelle que soit la nature de l’infraction collective commise. La

répression est alors plus sévère que celle de la complicité puisque chaque coauteur peut

influer sur la qualification pénale alors que le complice ne le peut pas. Elle est même plus

sévère que celle de l’action car il n’est pas nécessaire que le coauteur réunisse l’ensemble des

éléments constitutifs sur sa tête pour être punissable. Par exemple, un individu pourra être

convaincu de coaction pour une infraction d’habitude alors même qu’il n’aura réalisé qu’un

acte et non la répétition nécessaire à la constitution de l’habitude. La solution sera la même

s’agissant d’une infraction complexe : même si l’individu n’a pas accompli la totalité des

actes exigés pour retenir l’infraction, il pourra être punissable dès l’instant où son coauteur

aura accompli les actes lui faisant défaut. En revanche, le complice ne doit pas pouvoir être

inquiété pour une infraction d’habitude si l’auteur principal n’a pas lui-même caractérisé la

répétition. Peu importe qu’il soit coutumier pour le complice de s’associer à des actes pouvant

être qualifiés d’infraction d’habitude s’ils étaient répétés, l’habitude constatée en sa personne

de participer à de telles infractions ne peut permettre de punir l’auteur principal qui n’aurait

commis que le premier acte nécessaire à l’habitude1503

.

1503 V. supra n° 343.

Page 406: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

406

Intrinsèquement, le régime de la coaction est donc plus sévère que celui de la

complicité et de l’action. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir de façon générale une peine

plus sévère en matière de coaction que d’action. En revanche, prévoir des peines adaptées à la

complicité pourrait se révéler opportun.

2- L’éventualité de peines adaptées à la complicité

502. Caractère résiduel de la complicité. – En élargissant le domaine de la coaction, la

notion précédemment établie conduit nécessairement à restreindre le champ d’application de

la complicité. Ce constat est d’autant plus vrai s’il est prévu un statut autonome à

l’instigation1504

. En effet, la complicité se trouve alors réduite à des actes d’aide et

d’assistance antérieurs à la réalisation de l’infraction ou concomitants à celle-ci mais qui n’en

sont pas des causes directes, ainsi qu’à des actes de fourniture d’instruction. Le pouvoir causal

de ces actes étant ainsi moindre que celui des actes de coaction, il serait alors envisageable de

les punir moins sévèrement que des actes démontrant un véritable pouvoir d’action sur

l’infraction. A l’instar des exemples belge et espagnol, il faudrait alors prévoir une échelle des

peines entre auteurs principaux et participants secondaires à l’infraction, les premiers

encourant une peine supérieure aux seconds.

503. Proposition d’un texte autonome à la coaction. – En revanche, et à la différence

des exemples précités, il semblerait préférable de prévoir un texte autonome s’intéressant à la

coaction, dont les peines seraient néanmoins calquées sur celles de l’action, et en aucun cas

plus sévères. En effet, ne pas traiter des auteurs et des coauteurs dans un même article aurait

le mérite de mettre en lumière que ces deux modes d’imputation sont deux choses différentes :

les auteurs s’analysent comme de véritables réalisateurs de l’infraction, devant réunir

l’ensemble des éléments constitutifs sur leur tête1505

, alors que les coauteurs sont des

participants. Action et participation seraient ainsi bien délimitées. Un article 121-4-1 rédigé

de la sorte pourrait ainsi suivre celui relatif à la définition de l’auteur : « Est coauteur de

1504 V. supra n° 232 note 771 et 254 note 833.

1505 Il est toutefois vrai que cette réunion se fera parfois par le recours à une fiction : il en va ainsi de l’hypothèse

de l’auteur médiat, dans laquelle un individu est considéré comme auteur de l’infraction lorsqu’il fait commettre

celle-ci par un tiers inconscient. Ce dernier étant considéré comme son bras armé, l’agent est alors réputé avoir

accompli lui-même l’élément matériel de l’infraction. Ajouté à l’élément moral dont il témoigne nécessairement,

il a ainsi réalisé l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction et doit donc être qualifié d’auteur de celle-ci.

Page 407: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

407

l’infraction la personne qui, s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien

d’autorité existe entre elles, réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est

puni comme l’auteur ».

504. Eventuel cantonnement de la circonstance aggravante de réunion à la

coaction. – Par principe, la sanction encourue en cas de coaction ne serait donc pas plus

sévère que celle encourue en matière d’action. Mais de même qu’en droit positif, la

circonstance de réunion, prévue au cas par cas, pourrait demeurer et aggraver l’infraction. Il

serait même envisageable de la cantonner à la coaction dans la mesure où la complicité peut

être considérée comme moins dangereuse, son pouvoir causal étant plus éloigné du résultat de

l’infraction. La solution rappelle alors celle retenue sous l’ancien Code pénal, solution

pourtant décriée car ayant conduit les juges à malmener la définition classique de la coaction

afin de retenir la circonstance aggravante dans des hypothèses relevant logiquement de la

complicité1506

. Cependant, il n’est pas certain que les mêmes écueils se retrouvent aujourd’hui

si la nouvelle définition de la coaction implique un élargissement de son domaine. Il

n’apparaîtrait alors pas nécessaire de dévoyer la définition de la coaction pour considérer

comme des coauteurs des individus qui devraient légalement être qualifiés de complices.

Surtout, cette solution permettrait de prévoir une aggravation au cas pas cas et donc seulement

pour les infractions choisies par le législateur. La sévérité de la coaction quant à la peine

encourue serait donc ponctuelle.

505. En admettant une échelle des peines entre coauteurs et complices, ils

n’encourraient pas la même sanction. Partant, la théorie de la peine justifiée ne pourrait leur

être appliquée. Celle-ci était en effet utilisée par les juges afin de ne pas remettre en cause une

décision de justice lorsque la qualification du titre d’imputation était discutée, dans la mesure

où la peine encourue au titre de la coaction ou de la complicité était identique. Mais même en

maintenant l’identité de peines encourues entre complice et coauteur, et parce que coauteurs

et auteurs encourent précisément la même sanction, il convient de démontrer l’inanité de cette

théorie tant les définitions de ces différents modes d’imputation imposent de les distinguer.

1506 V. supra n° 9 et 143 et s.

Page 408: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

408

§2- L’inanité de la théorie de la peine justifiée

506. La théorie de la peine justifiée, création prétorienne fondée sur l’article 598 du

Code de procédure pénale, a parfois été utilisée par les magistrats afin de « sauver » la

condamnation d’un individu qualifié de complice là où les juges du fond auraient dû voir un

coauteur, et inversement. A la lumière des développements précédents, il serait alors possible

d’imaginer la reconduire dans l’hypothèse où un individu serait par exemple qualifié à tort

d’auteur de l’infraction alors qu’il en serait coauteur. Pourtant, cette solution doit absolument

être rejetée au regard des insuffisances de la théorie (A). Seule une requalification des faits

devra avoir lieu dans une telle hypothèse (B).

A- Les insuffisances de la théorie

507. Explication et fondement. – Pour mieux apprécier les insuffisances de la théorie

de la peine justifiée, il appartient de revenir brièvement sur son fondement et sa genèse. En

vertu de l’article 598 du Code de procédure pénale1507

, « lorsque la peine prononcée est la

même que celle portée par la loi qui s’applique à l’infraction, nul ne peut demander

l’annulation de l’arrêt sous le prétexte qu’il y aurait erreur dans la citation de la loi ». Ce

texte vise ainsi l’erreur matérielle de citation, c’est-à-dire la simple « coquille », qui ne peut

ouvrir droit à un pourvoi en cassation. Pourtant, la Cour de cassation l’a peu à peu étendu à

d’autres types d’erreurs, touchant au « raisonnement juridique de la décision attaquée »1508

.

Par exemple, sous l’ancien Code pénal, lorsque l’abus de confiance supposait le constat d’un

contrat particulier, peu importait que les juges aient commis une erreur sur la qualification de

celui-ci dès l’instant que les constatations de l’arrêt permettaient de montrer l’existence d’un

autre des six contrats exigés par le texte d’incrimination1509

. De même, l’erreur de

qualification n’entraîne pas de cassation de l’arrêt si la qualification véritable faisait encourir

à l’individu la même peine que celle encourue pour l’infraction retenue à tort. Dans ces

différentes hypothèses, la cassation n’était pas encourue car la peine était considérée comme

justifiée.

1507 Autrefois article 411 du Code d’instruction criminelle.

1508 L. BORE, Feu la peine justifiée ?, D. 2011, p. 251., n° 3.

1509 Cass. crim., 29 nov. 1866, S. 1867, 1, 188.

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409

508. Applications jurisprudentielles en matière de participation à l’infraction. – En

matière de participation criminelle, et dans la mesure où complice et auteur de l’infraction

encourent une peine identique, cette théorie a alors connu de nombreuses applications. Ainsi,

l’arrêt déclarant à tort un individu coauteur d’escroquerie n’encourt pas la cassation dès lors

que cet agent était en réalité complice de cette infraction. La Chambre criminelle se fonde du

reste explicitement sur l’article 598 du Code de procédure pénale puisqu’elle dispose

que lorsqu’un arrêt a déclaré à tort coauteur d’une infraction un individu qui n’en était que

complice, « [il] ne saurait cependant être censuré de ce chef, aux termes mêmes de l’article

598 du Code de procédure pénale, la peine prévue par la loi étant la même pour le complice

que pour l’auteur principal d’une escroquerie »1510

.

509. Critique. – La solution appliquée à la participation criminelle était

particulièrement contestable sous l’empire de l’ancien Code pénal dans la mesure où

complices et coauteurs d’une infraction n’encouraient pas nécessairement la même peine, ce

qui expliquait précisément que la jurisprudence déforme le concept de coaction1511

. Certains

auteurs estiment ainsi que « les dispositions du nouveau Code pénal la rendent plus fondée

que par le passé »1512

et louent « la souplesse […]bienvenue »1513

de cette solution. Il est en

outre indéniable que la solution permet de limiter sensiblement le nombre de pourvois en

cassation1514

. Pour autant, ces considérations pratiques ne doivent pas masquer les réserves

qu’il convient d’apporter à cette théorie1515

. En effet, il existe toujours un intérêt moral pour le

délinquant à établir sa véritable qualification pénale1516

, d’autant plus que toutes les

qualifications pénales n’impliquent pas la même réprobation sociale1517

. Ce même argument

se retrouve à l’égard des victimes de l’infraction pénale, afin « que soit reconnue la réalité

1510 Cass. crim., 7 mars 1972, Bull. n° 84. V. également Cass. crim., 19 juil. 1895, D. P. 1900, I, 567 ; 30 janv.

1979, Bull. n° 44, D. 1979, I. R. p. 301. 1511

V. supra n° 9. 1512

F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 568. 1513

Ibid. 1514

Dans le même sens, v. Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135. 1515

Sur ces réserves, v. en particulier J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, Rev. sc. crim. 1978, p. 553. 1516

J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, préc., n° 16. V. également R. et P. GARRAUD, Traité théorique et

pratique d’instruction criminelle et de procédure pénale, t. V, Sirey, 1928, n° 1836, p. 382 ; R. MERLE et A.

VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n° 1479. 1517

H. FENAUX, note sous Cass. crim., 5 oct. 1984, D. 1984, jurispr. p. 383.

Page 410: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

410

des atteintes qu’elles ont subies »1518

. De plus, l’intérêt pour le délinquant est également

juridique, dans la mesure où établir sa véritable qualification pénale lui permettra de discuter

les éléments de cette qualification. En outre, un auteur a montré que la théorie de la peine

justifiée venait contrarier le principe d’individualisation de la peine, le juge ayant fondé son

raisonnement sur des clés de raisonnement erronées1519

. Surtout, il paraît très surprenant que

la Cour de cassation, pourtant gardienne de la légalité, absolve de telles erreurs alors même

qu’elle est chargée de les condamner1520

. La solution est d’autant plus inacceptable que la

coaction ne se réduit pas à une juxtaposition d’actions et se caractérise par des éléments

constitutifs ainsi qu’un régime autonomes. Ces différentes critiques expliquent que la théorie

de la peine justifiée ait donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité.

510. Question prioritaire de constitutionnalité. – Cette dernière faisait valoir que les

dispositions de l’article 598 du Code de procédure pénale, qui fondent la théorie de la « peine

justifiée », portent atteinte aux droits de la défense tels que garantis par les principes

fondamentaux reconnus par les lois de la République et l’article 16 de la Déclaration des

droits de l’Homme et du citoyen, comme au principe d’individualisation des peines issu de

l’article 8 de cette même Déclaration. Cependant, la Cour de cassation a refusé de transmettre

cette question au Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’était pas nouvelle, et ne présentait

pas un caractère sérieux. S’agissant de ce dernier point, elle justifie sa solution par le fait que

la question « critique non pas l’article 598 du code de procédure pénale mais la « théorie de

la peine justifiée », élaborée à partir de cette disposition législative »1521

. De la sorte, elle

reprend des décisions du même jour qui refusent d’admettre le caractère sérieux d’une

question prioritaire de constitutionnalité dès lors qu’elle tend à critiquer l’interprétation que

fait la Cour de cassation d’une disposition législative1522

. La Chambre criminelle distingue

1518 Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135.

1519 J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, Rev. sc. crim. 1978, p. 553, n° 19.

1520 Dans le même sens, v. Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135. V. également J. AUDIER, « Le biais

de la peine justifiée », préc., n° 18, selon qui « le « biais » de la peine justifiée doit nécessairement être appliqué

avec parcimonie car il établit une exception à cet autre principe qui veut que toute violation de la loi de fond

ouvre le pourvoi en cassation ». H. FENAUX, note préc., va encore plus loin en considérant qu’une telle solution

tend « à faire du droit pénal une matière abstraite, voire peu juridique si l’on n’en sanctionne pas les fausses

applications ». 1521

Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87.651. 1522

Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82.582, D. 2010, p. 1352 ; D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO ;

RTD civ. 2010, p. 508, note P. DEUMIER ; pourvoi n° 09-83.328, D. 2010, p. 1351 ; D. 2010, p. 2236, point de

vue H. NICO ; et pourvoi n° 09-87.307, D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO.

Page 411: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

411

donc selon que la question touche à la loi ou à l’interprétation qui en est donnée. Or, si la

solution est celle-ci lorsqu’une interprétation jurisprudentielle est en cause, elle est a fortiori

la même lorsqu’il s’agit d’une véritable théorie prétorienne.

Mais cette position se révélait contestable1523

. Effectivement, il est particulièrement

discutable de distinguer la loi et l’interprétation qui en est faite tant toutes deux sont

indissociablement liées, ce que la doctrine n’a pas manqué de relever1524

. Le Conseil d’Etat

admet d’ailleurs, pour cette raison, que l’interprétation de la loi soit contestée devant le

Conseil constitutionnel1525

. En outre, la Cour européenne des droits de l’Homme considère

que « dans un domaine couvert par le droit écrit, la « loi » est le texte en vigueur tel que les

juridictions l’ont interprété »1526

. Quant au Conseil constitutionnel, il a lui-même considéré

par la suite que « tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée

effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition »1527

.

C’est pourquoi la Chambre criminelle est revenue sur sa position. En acceptant de transmettre

au Conseil une question prioritaire de constitutionnalité visant à contester l’absence de

motivation des arrêts d’assises1528

, elle lui a en effet indirectement adressé une question

portant sur l’interprétation jurisprudentielle qu’elle donne d’une disposition législative1529

. En

vertu de cette nouvelle solution, il est ainsi envisageable que la Cour de cassation transmette

désormais au Conseil constitutionnel une question qui porterait sur la constitutionnalité de la

théorie de la peine justifiée.

1523 V. J. PRADEL, D. 2011, p. 2231 et s., spéc. p. 2232.

1524 V. notamment P. DEUMIER, note sous Cass. crim., 19 mai 2010, préc., RTD civ. 2010, p. 508. V. également

PH. THERY, De la question prioritaire de constitutionnalité comme révélateur des mentalités : la Cour de

cassation demeure et ne se rend pas…, RTD civ. 2010, p. 810. 1525

CE, 16 juil. 2010, SCI La Saulaie, AJDA 2010, p. 1453 ; RFDA 2010, 1257, chron. A. ROBLOT-TROIZIER et

T. RAMBAUD. 1526

Cour EDH, 24 avr. 1990, Kruslin, n° 11801/85, D. 1990, p. 353, note J. PRADEL ; D. 1990, p. 187, chron. R.

KOERING-JOULIN ; Rev. sc. crim. 1990, p. 615, obs. L.-E. PETTITI ; RTD civ. 1991, p. 292, obs. J. HAUSER. 1527

Cons. Constit., déc. n° 2010-39 QPC du 6 oct. 2010, D. 2010, p. 2744, obs. I. GALLMEISTER, note F.

CHENEDE ; D. 2011, p. 529, chron. N. MAZIAU ; AJ famille 2010, p. 487, obs. F. CHENEDE ; AJ famille 2010, p.

489, obs. C. MECARY ; Constitutions 2011, p. 75, obs. P. CHEVALIER ; RTD civ. 2010, p. 776, obs. J. HAUSER ;

RTD civ. 2011, p. 90, obs. P. DEUMIER. 1528

Cass. crim., 19 janv. 2011, pourvois n° 10-85305 et 10-85159, D. 2011, p. 447, obs. S. LAVRIC ; D. 2011,

p. 800, note J.-B. PERRIER. 1529

En ce sens, v. J.-B. PERRIER, note sous Cass. crim., 19 janv. 2011, préc., D. 2011, p. 800. Le revirement est

d’autant plus net que, de même que s’agissant de l’un des arrêts du 19 mai 2010, la question portait sur la

motivation des arrêts d’assises.

Page 412: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

412

511. Quoi qu’il en soit, et peut-être en raison de ces réserves, la théorie de la peine

justifiée tombe peu à peu en désuétude1530

. L’exigence de respect des droits de la défense en

cas de requalification laisse même croire à son abandon.

B- L’exigence d’une requalification

512. Saisine in rem et requalification. – Dans l’hypothèse où un individu aura été

qualifié à tort d’auteur de l’infraction alors qu’il en était coauteur, la requalification devrait

être obligatoire, peu important que les pénalités encourues soient les mêmes en cas d’action et

de coaction. Certes, les juges du fond ont le devoir de percevoir toutes les qualifications

envisageables tout en respectant le principe de la saisine in rem des juridictions de jugement.

Ils ne peuvent ainsi connaître que des faits visés dans l’acte de saisine, sans y ajouter1531

.

Cependant, il ne semble pas que ce soit ajouter aux faits que de considérer qu’ils ont été

commis à plusieurs. Dès lors, les juges doivent respecter les règles générales de la

requalification1532

. En conséquence, ils sont tenus de redonner aux faits leur véritable

qualification, qualification qui comprend les modifications relatives aux modes d’imputation

en cause.

513. Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 25 mars 1999. – Les

hypothèses de requalification d’auteur en complice – et inversement – ne sont d’ailleurs pas

rares en jurisprudence1533

. La jurisprudence européenne elle-même l’a d’ailleurs admis

s’agissant de la requalification de faits de banqueroute en complicité de banqueroute1534

. Elle

a ainsi considéré que « le principe d’interprétation stricte du droit pénal interdit d’éluder les

1530 Sur ce point, v. l’article précité de L. BORE au titre évocateur : Feu la peine justifiée ?.

1531 Sur la saisine in rem et la requalification, v. notamment : S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,

préc., n° 2478. 1532

Sur cette question, v. C. GUERY, Du cap à la péninsule… (la requalification par une juridiction pénale), Dr.

pén. 2012, Etude 12. 1533

V. notamment Cass. crim., 12 sept. 2011, Bull. n° 177 pour la requalification du délit d’entrave aux

vérifications et aux contrôles du commissaire aux comptes en complicité de ce délit ; Cass. crim., 21 oct. 2009,

inédit, pourvoi n° 08-87.474, (Dr. pén. 2010, comm. 14, note A. MARON et M. HAAS) pour la requalification

d’une escroquerie en complicité de ce délit ; Cass. crim., 29 juin 2005, Bull. n° 201 (Rev. sc. crim. 2005, p.

8669 ; obs. D.-N. COMMARET, Rev. sc. crim. 2006, p. 619, obs. H. MATSOPOULOU ; RTD com. 2006, p. 227,

obs. B. BOULOC) pour la requalification de complicité d’abus de bien social en abus de bien social. 1534

Cour EDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi contre France, D. 2000, p. 357, note D. ROETS ; RTDH 2000,

p. 281, note T. MASSIS et G. FLECHEUX.

Page 413: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

413

éléments spécifiques de la complicité »1535

, après avoir rappelé que « la complicité nécessite

[…] la présence d’un élément matériel, c’est-à-dire la commission d’un acte spécifique tel

que prévu part l’art. 60 c. pén., et d’un élément intentionnel, à savoir la conscience de l’aide

apportée à la commission de l’infraction »1536

. Comme il l’a été remarqué1537

, la Cour

observe ici « qu’il n’y a pas seulement différence de degré mais de nature entre le complice et

l’auteur principal ». En outre, la Cour a surtout soumis cette solution aux exigences de

l’article 6§1 et §3 alinéas a) et b) de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de

l’Homme et des Libertés fondamentales, relatifs respectivement au droit à un procès équitable

et au respect des droits de la défense. En effet, elle a reproché aux juges français d’avoir

requalifié les faits sans avoir respecté ces droits en ce que cette requalification ne leur avait

pas été communiquée. La solution a du reste été reprise par la Chambre criminelle, dans une

affaire ayant requalifié l’auteur de vols et tentative de vols en complicité de ces délits. La

Cour de cassation vise désormais les articles 388 du Code de procédure pénale, 6§1 de la

Convention européenne des droits de l’Homme et l’article préliminaire du Code de procédure

pénale pour considérer que « s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils

sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été en mesure de

se défendre sur la nouvelle qualification envisagée »1538

.

514. Transposition à la coaction. – Or, cette solution pourrait parfaitement être

appliquée à une hypothèse de requalification d’un auteur en coauteur par exemple, ou encore

d’un complice en coauteur1539

. En effet, la coaction, à l’instar de l’argument envisagé par la

Cour européenne s’agissant de la complicité, se caractérise également par des éléments

constitutifs propres ainsi qu’un régime autonome. La requalification est alors pleinement

justifiée et doit s’imposer, tout en respectant les droits de la défense de celui qui y est soumis.

La solution est d’autant plus fondée que la coaction témoigne d’un régime particulièrement

répressif.

1535 Ibid., § 60.

1536 Ibid., § 58.

1537 T. MASSIS et G. FLECHEUX, note sous Cour EDH, 25 mars 1999, RTDH 2000, p. 281.

1538 Cass. crim., 16 mars 2004, inédit, pourvoi n° 03-82.803, Dr. pén. 2004, comm. 138, obs. A. MARON. V.

également C. GUERY, Du cap à la péninsule… (la requalification par une juridiction pénale), préc., spéc. n° 24. 1539

Et même a fortiori dans cette dernière hypothèse puisque la théorie de la peine justifiée ne pourrait être

avancée, coauteur et complice n’encourant pas la même sanction : v. supra n° 502 (s’agissant de la pénalité

adaptée à la complicité) et n°507 (s’agissant de la peine justifiée).

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414

515. Conclusion de la section 2. – La coaction pourrait ainsi disposer de peines

spécifiques sans pour autant être autonomes de celles prévues pour l’action. Les exemples

étrangers sont en ce sens puisqu’aucun, à notre connaissance, ne prévoit de pénalités

parfaitement propres à la coaction, c’est-à-dire qui ne soient pas calquées sur celles réservées

à l’action. La sévérité du régime répressif de la coaction suffit du reste à lui assurer une

répression autonome, accrue par rapport à celle de l’action. Pour autant, afin d’asseoir sa

distinction avec celle-ci, il semblerait préférable de lui consacrer un texte de définition

autonome, pouvant être rédigé de la sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui,

s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles,

réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ». En

revanche, parce que coaction et action impliquent un pouvoir causal direct sur l’infraction, il

semble possible de les regrouper sous la qualification de participations principales et de

distinguer alors entre participants principaux et secondaires à l’infraction. Une véritable

échelle des peines pourrait alors être mise en place, les premiers encourant une peine

supérieure aux seconds.

Dans une telle hypothèse, si complices et coauteurs ne risquent pas la même peine, la

théorie de la peine justifiée appliquée jusqu’alors en jurisprudence n’aurait plus de raison

d’être. Toutefois, il importait de démontrer ses insuffisances dès lors que coauteurs et auteurs

encourent pour leur part des pénalités identiques. Il aurait en effet été envisageable de leur

appliquer cette théorie prétorienne. Cependant, parce qu’action et coaction se distinguent par

leurs éléments constitutifs comme par leur régime, une telle solution eut été particulièrement

contestable. La requalification s’impose alors face à ces situations.

Page 415: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

415

Conclusion du chapitre 2

516. Le domaine matériel de la coaction. – La participation des coauteurs à leur

propre infraction est une caractéristique de la coaction qui se retrouve nécessairement au stade

de l’étude du régime de ce mode d’imputation. Aussi, parce que l’infraction est leur, les

coauteurs empruntent certaines spécificités aux auteurs. Ce constat se retrouve s’agissant de

l’éventail des comportements qu’il est possible de leur imputer. Il a ainsi été démontré que le

domaine matériel de la coaction est large car il admet de sanctionner la tentative de coaction

ainsi que les coauteurs d’une contravention. Partant, la coaction permet d’incriminer

davantage de comportements que la complicité, précisément parce que l’infraction à laquelle

ils participent n’est pas l’infraction d’autrui mais bien la leur.

517. Les peines de la coaction. – En outre, l’autonomie de la coaction amenait à

s’interroger sur la possibilité de prévoir des peines particulières à son encontre. Or, si des

pénalités parfaitement autonomes de celles envisagées à l’égard de la complicité ou de

l’action ne paraissent pas souhaitables, il demeure néanmoins qu’une échelle des peines entre

participants principaux et secondaires à l’infraction pourrait être envisageable. Toutefois, pour

asseoir sa distinction avec l’action et témoigner de ce qu’elle s’analyse comme un mode de

participation autonome à l’infraction, la coaction pourrait être réprimée à travers un texte de

définition distinct, calquant ses peines sur celles de l’action. Le texte pourrait être rédigé de la

sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui, s’entendant avec une ou plusieurs

autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles, réalise au moins partiellement cette

infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ». Les complices, en tant que participants

secondaires à l’infraction, encourraient une peine moins sévère.

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417

Conclusion du titre 2

518. L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la

coaction. – La participation du coauteur à une infraction collective détermine ainsi le régime

de ce titre d’imputation. Or, l’infraction collective des coauteurs est d’abord une infraction

unique. Partant, les causes traditionnellement considérées comme affectant cette dernière

devaient a priori témoigner d’un impact sur l’ensemble d’entre eux. Ce sentiment s’est trouvé

confirmé tant s’agissant des causes touchant à la justification de l’infraction que de celles

touchant à son oubli. En effet, concernant les causes de justification de l’infraction, seules les

conceptions objectives ont été retenues : la justification s’analyse comme un élément affectant

l’infraction et non la personne la réalisant ou y participant. De fait, parce que les coauteurs

participent à la même infraction, la justification leur bénéficie à tous, elle leur est donc

commune. Concernant les causes entraînant un oubli de l’infraction, c’est-à-dire l’amnistie et

la prescription, elles touchent elles aussi à l’infraction et non à l’individu. Elles doivent alors,

pour les mêmes raisons, être considérées comme communes aux coauteurs.

519. L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la

coaction. – L’infraction collective réalisée par les coauteurs est ensuite leur propre infraction,

les rapprochant en cela des auteurs. En conséquence, le domaine matériel de la coaction est

plus large que celui de la complicité, et permet de réprimer des comportements qui ne

pourraient l’être s’ils étaient commis par des complices. La coaction implique alors de lui

consacrer un texte d’incrimination autonome, sans pour autant lui prévoir des pénalités

indépendantes de celles de l’action. En effet, le régime répressif de la coaction suffit à assurer

la sévérité de mode de participation à l’infraction.

Ainsi, le régime déterminé par la participation à sa propre infraction témoigne lui aussi

de la sévérité de ce titre d’imputation, du moins par rapport à la complicité. En effet, même si

justification et oubli communs de l’infraction ne traduisent pas une répression accrue de la

coaction par rapport à la complicité, alliés à un domaine matériel plus large que cette dernière,

ils sont nécessairement plus répressifs que celle-ci. Cela est d’autant plus marqué qu’une

distinction doit alors être établie entre participants principaux et secondaires à l’infraction.

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419

Conclusion de la seconde partie

520. Originalité du régime de la coaction. – En conclusion, il apparaît que le régime

de la coaction révèle le particularisme de cette notion. En effet, les caractères distinctifs de la

coaction emportent des conséquences sur sa répression lui assurant une véritable originalité.

Le régime répressif de la coaction est ainsi plus sévère que celui de la complicité et de

l’action, tant en raison de l’interdépendance unissant les coauteurs que parce qu’ils participent

à une infraction unique.

521. L’influence de l’interdépendance entre coauteurs sur le régime de la

coaction. – L’interdépendance constatée entre les coauteurs au stade de la définition de ce

titre d’imputation crée ainsi une véritable solidarité entre eux.

Cette solidarité se retrouve d’abord dans les conditions de leur responsabilité.

L’interdépendance, ou dépendance réciproque, unissant les coauteurs explique ainsi que

s’établisse une véritable communication pénale entre eux, c’est-à-dire qu’ils puissent se

transmettre certains éléments relatifs à leur responsabilité. En effet, en tant que mode de

participation à l’infraction, la coaction autorise un emprunt des éléments constitutifs comme

des circonstances aggravantes de l’infraction collective chez chacun des coauteurs.

L’interdépendance établie entre ces derniers révèle alors tout son intérêt : le lien de réciprocité

caractéristique de la notion de coaction impose que l’emprunt soit également réciproque. En

d’autres termes, chaque coauteur peut emprunter des éléments constitutifs à son coauteur,

mais chacun peut également se voir emprunter ces mêmes éléments. Cette solution justifie

ainsi que le coauteur qui n’aurait pas accompli l’ensemble des éléments constitutifs de

l’infraction collective en réponde tout-de-même. En outre, elle met en lumière une distinction

majeure avec la complicité : cette dernière, parce qu’elle ne se caractérise pas par une

interdépendance avec l’auteur principal, ne peut autoriser un emprunt réciproque d’un

quelconque élément de responsabilité. Seul le complice peut emprunter certains de ces

éléments, sous réserve qu’il en ait eu connaissance, mais cette possibilité n’est, en revanche,

jamais offerte à l’auteur principal. Aussi, en assurant une véritable communication pénale des

éléments d’engagement ou d’aggravation de la répression, la coaction permet de sanctionner

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420

des comportements qui ne pourraient l’être s’ils avaient été commis par des complices ou des

auteurs, témoignant de la sévérité de ce titre d’imputation.

Cette solidarité s’établit ensuite au sein de la procédure qui leur est appliquée. La

coaction ne peut ainsi impliquer qu’une indivisibilité procédurale entre coauteurs, seule à

même de rendre compte de l’interdépendance les unissant. Ceux-ci doivent en effet, dans la

mesure du possible, être jugés ensemble, c’est-à-dire au cours d’une même instance, afin de

mieux prendre en compte les liens les unissant et leurs spécificités. Lorsque cette solution ne

sera pas envisageable, par suite d’une impossibilité matérielle parce que l’un des participants

demeure inconnu par exemple, ou d’une impossibilité juridique parce que l’action publique

n’aura pas été engagée à l’encontre de l’un d’entre eux, la question se heurte à celle de

l’autorité de la chose jugée. Envisagée à l’égard de la matière pénale, elle implique que reste

ouverte la possibilité d’un recours en révision pour l’individu absent de l’instance l’ayant

qualifié de coauteur. En revanche, envisagée à l’égard de la matière civile, elle impose que les

individus qualifiés de coauteurs par le juge pénal le soient nécessairement par le juge civil. A

nouveau, ces constats démontraient la sévérité de la coaction par rapport à l’action ou la

complicité puisque l’indivisibilité, propre à la coaction, implique par exemple que l’acte

interruptif de prescription établi à l’encontre de l’un des coauteurs produise ses effets à

l’égard des autres, ou encore qu’une solidarité dans le paiement des dommages et intérêts soit

mise en place entre eux.

522. L’influence de la participation à une infraction collective sur le régime de la

coaction. – Mais la sévérité de la coaction s’est également révélée à travers les conséquences

tirées de ce que les coauteurs participent à une infraction collective.

En premier lieu, en tant qu’infraction unique, elle implique ainsi que les causes

affectant cette dernière jouent sur l’ensemble des coauteurs. Dès lors, l’infraction qui serait

justifiée à l’égard de l’un des coauteurs doit l’être à l’égard de tous. En effet, après avoir

rejeté les conceptions subjectives des faits justificatifs, seules ont pu être retenues les théories

objectives. Il en est alors résulté qu’en faisant disparaître l’infraction, ces causes profitaient

nécessairement à l’ensemble des coauteurs. Le même constat s’imposait alors en ce qui

concernait les causes participant de l’oubli de l’infraction. Effectivement, parce qu’amnistie et

prescription entraînent en principe un oubli du fait délictueux, sans tenir compte de la

personnalité du délinquant, ces deux institutions portent sur l’infraction en elle-même. En

conséquence, elles doivent également profiter à l’ensemble des coauteurs. Certes, ces

considérations valent pour tous les participants à l’infraction, et donc pour les complices. De

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421

ce point de vue, la coaction ne semblerait pas révéler une sévérité particulière. Cependant, la

participation à une infraction collective témoigne de cette dernière lorsqu’elle est envisagée à

travers son caractère d’infraction propre aux coauteurs.

En second lieu, l’infraction collective a en effet été appréhendée comme la propre

infraction des coauteurs. En d’autres termes, en faisant leur l’infraction, les coauteurs se

rapprochent de la définition des auteurs et partagent donc des points communs avec le régime

qui leur est appliqué. Cette considération se retrouve s’agissant du domaine matériel de la

coaction puisque comme il l’a été démontré, ce titre d’imputation permet de réprimer la

tentative réalisée en coaction ainsi que les coauteurs d’une contravention. Or, dans la mesure

où la complicité ne permet pas une telle répression, la sévérité qui frappe la coaction est alors

patente. De facto, ces divers éléments suffisent à assurer la sanction de la coaction. Il n’est

ainsi pas nécessaire de lui prévoir des peines autonomes, distinctes de celles prévues pour la

complicité et l’action, au risque de la confondre avec la criminalité organisée. En revanche,

pour assurer une cohérence avec les différents modes de participation établis, mettre en place

une échelle des peines entre participation principale et participation secondaire à l’infraction

paraît souhaitable.

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423

CONCLUSION GENERALE

523. Coaction, notion et régime. – Cette étude a été l’occasion de s’intéresser à une

notion utilisée en doctrine comme en jurisprudence mais jamais définie par le législateur, la

coaction. Il a ainsi été mis en avant qu’elle imposait, de prime abord, de la comparer avec la

complicité pour mieux l’en distinguer. En effet, les rares textes évoquant les coauteurs,

comme les explications doctrinales les concernant, les mettent toujours en parallèle avec les

complices. A cette fin, plusieurs définitions doctrinales de la coaction ont été envisagées, se

fondant tantôt sur des critères subjectifs, tantôt sur des critères objectifs. Aujourd’hui, le

coauteur est traditionnellement considéré comme la personne qui réunit sur sa tête l’ensemble

des éléments constitutifs de l’infraction, alors que le complice est défini par le Code pénal

comme la personne qui, sciemment, facilite la consommation ou la préparation d’un crime ou

d’un délit, ainsi que celle qui provoque ou donne des instructions pour commettre une

infraction. Cependant, cette approche a démontré ses insuffisances tant la jurisprudence a été

conduite à dévoyer les notions de coaction et de complicité ainsi établies. Dans un souci

essentiellement répressif, les magistrats ont par exemple considéré de simples complices

comme des coauteurs, et inversement. Surtout, définir le coauteur de la sorte conduit à en

faire un auteur comme un autre, avec pour seule particularité d’être juxtaposé à un autre. Or,

l’étymologie du terme coaction témoigne de son originalité. Le terme présentant des points

communs avec ceux de complicité et d’action, il laissait alors penser que la coaction était à

mi-chemin entre ces deux titres d’imputation. Plus encore, les idées d’unité et d’égalité entre

coauteurs apparaissaient, chaque coauteur s’associant à son alter ego. Il appartenait alors de

repenser la notion de coaction pour prendre en compte ces spécificités. La coaction s’est alors

révélée comme un mode de participation à sa propre infraction, marqué par des relations

d’interdépendance et de réciprocité unissant ses participants. Ces caractères se retrouvent tant

dans la notion que dans le régime de la coaction, imprimant toute sa singularité à ce mode de

participation criminelle.

524. Un mode de participation à une infraction. – La coaction s’analyse d’abord

comme un mode de participation à une infraction. L’affirmation méritait d’être scindée en

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424

deux, pour montrer que la coaction s’apparente avant tout à un mode de participation

criminelle, dont la particularité est de se greffer sur une infraction unique.

En premier lieu, parce qu’elle est un mode de participation criminelle, la coaction

suppose nécessairement une pluralité d’intervenants dans la réalisation de l’infraction, à

l’instar de la complicité. Si ce point pouvait sembler de prime abord acquis, il importait

toutefois d’en traiter. En effet, si certaines infractions peuvent être indifféremment le fait d’un

ou de plusieurs individus, d’autres exigent impérativement une pluralité de participants pour

être constituées. Il fallait alors déterminer si l’établissement d’une coaction dans chacune de

ces hypothèses présentait un intérêt. Or, seules les infractions commises collectivement, c’est-

à-dire celles pour lesquelles la pluralité d’intervenants n’est pas un élément constitutif,

permettent de mettre en exergue la spécificité et d’apprécier l’intérêt de la coaction. A

l’inverse, les infractions collectives par nature, c’est-à-dire celles qui exigent une telle

pluralité pour être caractérisées, brouillent les frontières entre les différents modes de

participation. C’était alors montrer que la coaction allait s’épanouir au sein des infractions

commises collectivement, qui seraient ainsi le socle de l’étude.

En outre, le terme de participation implique une volonté de s’associer de la part du coauteur.

Partant, la participation et, donc, la coaction sont intentionnelles. Il aurait alors été tentant de

croire que ce caractère allait restreindre à l’excès le champ d’application de la coaction.

Cependant, s’il est vrai que la coaction entre une personne subjectivement irresponsable et

une personne responsable est inenvisageable tant la réciprocité nécessaire à ce titre

d’imputation fera alors défaut, il n’en demeure pas moins que la participation des personnes

morales n’est en rien limitée par cette exigence. En effet, dès l’instant où les personnes

morales sont incarnées par leur organe ou représentant, il est tout à fait envisageable qu’elles

fassent preuve d’un élément moral, et donc d’une intention. Du reste, le principe même de la

généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales implique une telle solution.

Définie comme un mode de participation criminelle, la coaction présentait ainsi des points

communs indéniables avec la complicité.

En second lieu cependant, il apparaissait nécessaire de relativiser ce constat. En effet,

parce que les coauteurs sont des alter ego, chacun d’entre eux témoigne d’une volonté de

s’associer. C’était alors exiger de leur part la caractérisation d’une entente. Or, parce que leur

entente porte sur l’acte ou le résultat de l’infraction commise, les coauteurs participent

nécessairement à la même infraction. Ils devraient ainsi inévitablement se voir reprocher la

même qualification pénale. En revanche, parce que seul le complice peut être qualifié de

participant à l’infraction, l’aide qu’il apporte à l’auteur principal ne suppose pas

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425

nécessairement d’entente entre eux. Dès lors, l’éventualité d’une disparité entre les

qualifications reprochées au complice et à l’auteur principal apparaissait. Cette nouvelle

exigence relative à la coaction aurait pu laisser croire à un cantonnement de la notion aux

infractions intentionnelles. Pourtant, là encore, l’éventualité d’une restriction de son champ

d’application devait être rejetée. Parce que l’entente peut porter aussi bien sur l’acte que sur le

résultat de l’infraction, cette dernière peut alors être aussi bien intentionnelle que non

intentionnelle. La coaction est ainsi envisageable tant en matière de violences collectives que

d’imprudence commune. Mais la comparaison de ce titre d’imputation avec la complicité,

nécessaire en ce que toutes deux s’analysent comme des modes de participation criminelle,

devait être complétée par un rapprochement avec l’action, dont la coaction tire certains

caractères.

525. Un mode de participation à sa propre infraction. – En tant que mode de

participation à sa propre infraction, la coaction exige que ses participants aient un véritable

pouvoir d’action sur l’infraction afin que, précisément, elle puisse être considérée comme leur

propre infraction. Par conséquent, elle implique une participation aux différents stades de

l’infraction, c’est-à-dire au résultat infractionnel collectif comme au comportement

infractionnel collectif.

S’agissant de la participation au résultat infractionnel collectif, la coaction exige ainsi

que chaque coauteur ait contribué à ce dernier. Il faut alors établir le lien de causalité unissant

chaque prétendu coauteur au résultat de l’infraction collective. Si cette exigence est commune

à la complicité puisque cette dernière est également soumise à une contribution causale au

résultat de l’infraction collective, la distinction entre les deux titres d’imputation apparaît

nettement lorsqu’il est question de l’intensité de la contribution causale exigée. En effet, il a

été démontré que la complicité se satisfaisait d’une contribution causale indirecte à

l’infraction. Des comportements éloignés du résultat pénal tels que l’encouragement moral,

dès lors qu’ils peuvent y être reliés avec certitude, peuvent ainsi être qualifiés d’actes de

complicité. En revanche, en raison de sa parenté avec l’action, la coaction est conditionnée à

une certaine intensité causale. Des comportements trop éloignés du résultat pénal ne peuvent

ainsi être qualifiés d’actes de coaction. Il restait alors à qualifier cette intensité causale exigée.

Or, il est apparu que les coauteurs, pour être qualifiés comme tels, devaient s’apparenter, par

la fusion de leurs comportements, à une condition sine qua non de l’infraction collective.

C’était alors conditionner la coaction à une contribution causale au résultat de l’infraction

collective déterminante.

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426

S’agissant de la participation au comportement infractionnel collectif, deux aspects se

devaient d’être soulignés. Pour que chaque coauteur puisse considérer l’infraction comme

sienne et non comme celle d’autrui, il importait de caractériser une égalité entre eux afin

qu’aucun ne prenne le pas sur l’autre. L’égalité induite du terme même de coaction dès

l’introduction de l’étude devait donc impérativement se traduire d’un point de vue objectif. Il

a ainsi été démontré que cette égalité pouvait être appréhendée, en premier lieu, dans son

versant négatif : le coauteur, pour être considéré comme l’égal de son coparticipant, ne devait

pas être lié à lui par des relations d’autorité. Une indépendance morale entre coauteurs est

ainsi impérative à la caractérisation de ce mode d’imputation. Les relations au sein de

l’entreprise, tant entre personnes physiques qu’entre personnes morales, ont permis de s’en

assurer à titre d’exemple significatif mais ne doivent pas occulter le fait que cette

indépendance morale ne se cantonne pas aux rapports marqués par une autorité de droit. Toute

autorité morale ou plus largement, de fait, entre individus, doit ainsi exclure la qualification

de coaction. Envisagée dans son versant positif, en second lieu, l’égalité entre coauteurs

imposait de se traduire matériellement par des actes d’assistance réciproque réalisés de façon

concomitante, démontrant que chaque coauteur avait besoin de l’autre pour réaliser

l’infraction collective. Partant, l’acte consommé de coaction peut se définir comme

l’accomplissement de l’élément matériel de l’infraction ou simplement comme un acte de

commencement d’exécution de l’infraction collective dès lors que les autres coauteurs

complètent ce commencement d’exécution. La dépendance matérielle de chaque coauteur à

l’égard de son alter ego se révélait ainsi être un gage de l’égalité dans la participation au

comportement infractionnel collectif. Plus encore, l’interdépendance entre coauteurs pouvait

être considérée comme le socle de ce titre d’imputation.

Définie de la sorte comme un mode de participation à sa propre infraction caractérisé

par l’interdépendance unissant ses membres, la coaction témoignait sans conteste de son

originalité : mêlant certains aspects de la complicité et d’autres de l’action, elle s’en révélait

parfaitement autonome. La construction d’un régime reflétant ces spécificités devait alors

compléter cette singularité.

526. L’influence de l’interdépendance entre coauteurs sur le régime de la

coaction. – Parce qu’elle est la clé de la notion de coaction, l’interdépendance entre coauteurs

devait nécessairement impliquer des conséquences quant au régime de ce titre d’imputation.

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D’abord, d’un point de vue substantiel, il a été exposé qu’elle permettait aux coauteurs

d’emprunter certains éléments de leur responsabilité à leurs coparticipants. En effet, si l’acte

consommé de coaction peut s’entendre d’un acte de commencement d’exécution de

l’infraction collective sans exiger que chaque coauteur accomplisse lui-même l’ensemble de

l’élément matériel de l’infraction collective, c’est parce que les autres coauteurs complètent

pour leur part cet élément matériel. L’idée d’un emprunt des éléments constitutifs de

l’infraction entre coauteurs apparaissait alors, et permettait de mettre en exergue la sévérité de

la coaction. Les exemples des infractions attitrées et des infractions complexes ont permis

d’en convaincre : en autorisant le coauteur à emprunter une qualité ou un acte matériel à son

coauteur, des comportements a priori non punissables deviennent répréhensibles au titre de la

coaction. L’analyse devait alors être poursuivie s’agissant des circonstances aggravantes de

l’infraction afin de déterminer si les coauteurs peuvent, du fait de cette qualification, se voir

reprocher toute circonstance aggravante caractérisée par leurs coauteurs. La démonstration

devait aboutir à considérer que cet emprunt, possible, devait cependant être conditionné. Quoi

qu’il en soit, plus généralement, l’idée emprunt pouvait, à nouveau, laisser penser à un

rapprochement avec la complicité. Pourtant, ce constat devait en réalité conduire à mieux

distinguer ces deux titres d’imputation. En effet, dans la mesure où chaque coauteur peut

emprunter des éléments constitutifs à son alter ego, l’emprunt est réciproque ; en revanche, en

matière de complicité, seul le complice est susceptible d’emprunter des éléments à l’auteur

principal. Plus qu’un emprunt entre coauteurs, il a ainsi été établi que ce mode de

participation criminelle imposait une véritable communication pénale.

Ensuite, le constat de l’interdépendance entre coauteurs devait produire des

conséquences sur le plan procédural. L’interdépendance entre coauteurs au stade de la

réalisation de l’infraction témoignant d’une solidarité entre coauteurs, la procédure leur étant

appliquée devait elle aussi répondre à cette logique de solidarité. A cette fin, il semblait

logique d’exiger que les coauteurs soient jugés ensemble. Connexité et indivisibilité

pouvaient alors être envisagées pour parvenir à ce résultat. Or, il a été dégagé que seule

l’indivisibilité pouvait rendre compte de cette solidarité compte tenu de la notion de coaction.

Il fallait alors en admettre les effets à l’égard des coauteurs, c’est-à-dire principalement la

jonction des procédures auxquels ils sont soumis. Pour autant, cette conclusion ne réglait pas

toutes les difficultés. Effectivement, il est des hypothèses dans lesquelles l’indivisibilité sera

matériellement impossible à mettre en œuvre parce que, par exemple, l’un des coauteurs sera

en fuite. La bonne administration de la justice ne pouvant se satisfaire d’attendre qu’il soit

retrouvé pour que tous soient jugés ensemble, il convenait de déterminer si la chose jugée à

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428

l’égard d’un coauteur s’imposait inévitablement à son coauteur. La question de l’autorité de

chose jugée entre coauteurs devait ainsi être traitée tant s’agissant de l’autorité du criminel sur

le criminel que de l’autorité du criminel sur le civil.

Mais ces considérations tirées de l’interdépendance entre coauteurs ne devaient pas

faire oublier la deuxième spécificité marquante de la coaction : le fait qu’elle s’analyse

comme un mode de participation à une infraction collective.

527. L’influence de la participation à une infraction collective sur le régime de la

coaction. – L’infraction collective réalisée par les coauteurs revêt elle aussi deux

particularités à partir desquelles pouvaient être déduites des conséquences quant à son régime.

En premier lieu, elle s’analyse comme une infraction unique. Par conséquent, dès lors

qu’un élément affecte cette infraction, il a été démontré qu’il avait des répercussions sur

l’ensemble des coauteurs. Si les causes d’aggravation de la répression avaient été envisagées à

travers l’interdépendance unissant les coauteurs, il restait alors à voir les causes pouvant

profiter aux coauteurs. Il est alors apparu que les causes permettant de justifier l’infraction,

telles que l’état de nécessité ou la légitime défense, parce qu’elles s’attachent précisément à

justifier l’infraction en elle-même et ne sont pas liées à la personnalité de son auteur, jouent

sur l’ensemble des participants à l’infraction et donc des coauteurs. Dès lors qu’une de ces

causes est caractérisée, elle profite ainsi à l’ensemble des coauteurs, sans avoir à la rechercher

en la personne de chacun. Cette conclusion devait être étendue à d’autres causes pouvant

profiter aux coauteurs. Il a alors été démontré que l’amnistie et la prescription, en entraînant

l’oubli de l’infraction, s’étendaient également à l’ensemble des coauteurs. Parce que les

coauteurs participent à une seule et unique infraction, la justification comme l’oubli de

l’infraction leur sont donc communs.

En second lieu, l’infraction collective réalisée par les coauteurs s’analyse comme leur

propre infraction. Cette caractéristique les rapprochant en partie de la définition des auteurs,

certains éléments du régime devaient s’en ressentir. Il a alors été mis en évidence que le

domaine matériel de la coaction témoignait de cette proximité. En effet, tandis que la tentative

de complicité n’est pas punissable, la tentative de coaction, à l’instar de la tentative d’action,

est parfaitement concevable. De même, si les complices par aide et assistance d’une

contravention ne peuvent être réprimés, rien n’empêche de punir les coauteurs d’une

contravention. Le domaine matériel de la coaction, plus large que celui de la complicité,

dénotait encore la sévérité de la coaction. C’est pourquoi lorsqu’il a fallu s’interroger sur les

peines applicables à ce mode d’imputation autonome, il a semblé opportun de considérer que

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prévoir des peines autonomes à la coaction, plus sévères que celles retenues à l’égard de

l’action, ne s’imposait pas. Effectivement, outre ce domaine matériel large, la communication

pénale ou encore l’indivisibilité procédurale unissant les coauteurs révèlent une sévérité de ce

mode de partipation qui suffisent à asseoir sa singularité. Assimiler la coaction à l’action

quant aux peines encourues semblait ainsi raisonnable. Quant à la complicité, les conclusions

de l’étude auront certainement contribué à restreindre quelque peu son champ d’application,

en particulier en cas d’aide concomitante à la réalisation de l’infraction. Dans cette dernière

hypothèse, le complice se distingue notamment du coauteur en ce qu’il apparaît comme un

participant secondaire à l’infraction. Partant, si coauteurs et auteurs doivent encourir la même

peine, il a cependant paru envisageable de concevoir une échelle des peines entre complices et

auteurs ou coauteurs. Il convenait alors, pour signer l’aboutissement de ces conclusions, de

proposer d’insérer un nouveau texte au sein du Code pénal relatif à la coaction. Un article

121-4-1 pourrait être rédigé de la sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui,

s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles,

réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ».

528. Dans le même sac et du même fil. – Ainsi, pour reprendre les écrits des

Professeurs CARBONNIER et DE LAMY, s’il est indiscutable qu’auteur principal et complice

sont « cousus dans le même sac »1540

mais « pas […] du même fil »1541

, les relations

d’interdépendance unissant les coauteurs permettent d’affirmer qu’ils sont, pour leur part, non

seulement cousus dans le même sac, mais également du même fil.

1540 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice, JCP G 1952, I, 1034.

1541 B. DE LAMY, obs. sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2004, p. 311.

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note sous Civ. 2ème

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note sous Cass. crim., 5 oct. 1984, D. 1984, jur. p. 383.

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note sous Cass. 1ère

civ., 24 sept. 2009, RTD civ. 2010, p. 111.

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obs. sous Cass. crim., 10 mars 1977, Rev. sc. crim. 1979, p. 75.

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note sous Cass. crim., 19 mars 2008, D. 2008, p. 1665, n° 1.

MASCALA (C.)

note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, D. 2012, p. 1698.

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obs. sous Cass. crim., 11 mai 1999, Rev. sc. crim. 2000, p. 197.

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note sous Cass. crim., 19 janv. 2011, D. 2011, p. 800.

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ROUX (J.-A.)

- note sous Cass. crim., 22 juil. 1910, S. 1914, 1, p. 49.

- note sous Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, I, 41.

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déc. 1923, S. 1924, 1, p. 281.

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Point trop n’en « faux »… sur le banc des accusés !, note sous CA Toulouse, 14 avr. 2005, D.

2006, p. 352.

SAINT-PAU (J.-CH.)

- note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, D. 2012, p. 1381.

- La faute diffuse de la personne morale, obs. sous Cass. crim., 29 avr. 2003, D. 2004, p. 167.

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- note sous Cass. crim., 20 juin 2006, D. 2007, p. 617.

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- J.-Cl. Proc. pén., Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, art. 191 à 230, fasc.

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- J.-Cl. Proc. pén., Demandes en révision, Art. 622 à 626, fasc. 20, 2010.

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Rép. civ. Dalloz, v° Indivisibilité, 2009.

BERNARDINI (R.)

- Rép. pén. Dalloz, v° Légitime défense, 2007.

BORE (L.)

J.-Cl. Proc. pén., Tribunal correctionnel, Solidarité, art. 478 à 484, fasc. 20, 2006.

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- J.-Cl. Procéd. pén., Autorité de la chose jugée, Autorité de la chose jugée au pénal sur le

civil, app. art. 6, fasc. 20, 2011.

- J.-Cl. Proc. pén., art. 6, Action Publique, Extinction, Autorité de la chose jugée au pénal sur

le pénal, fasc. 20, 2003.

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Rép. pén. Dalloz , v° Circonstances aggravantes, 2001.

DE LAMY (B.) et SEGONDS (M.)

J.-Cl. Pénal des affaires. Notions fondamentales, Responsabilité pénale des personnes

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J.-Cl. Pénal Code, Responsabilité pénale des personnes morales, art. 121-2, fasc. 20, 2001.

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Rép. pén. Dalloz, v° Complicité, 2001.

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J.-Cl. Pénal Code, Responsabilité pénale des personnes morales, art. 121-2, fasc. 20, 2010.

MARON (A.)

J.-Cl. Proc. pén., Tribunal correctionnel, Compétence et saisine, art. 381 à 392-1, Fasc. 15,

2011.

MASCALA (C.)

- J.-Cl. Pénal Code, Etat de nécessité, art. 122-7, fasc. unique, 2003.

- J.-Cl. Pénal Code, Légitime défense, art. 122-5 et 122-6, fasc. 20, 2002.

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- Rép. pén. Dalloz, v° Violences volontaires, 2008.

- Rép. pén. Dalloz, v° Meurtre, 2006.

- Rép. pén. Dalloz, v° Violences involontaires (théorie générale), 2006.

MISTRETTA (P.)

Rép. pén., Dalloz, v° Harcèlement, 2007.

PY (B.)

Rép. pén., Dalloz, v° Amnistie, 2003.

REBUT (D.)

- Rép. pén., Dalloz, v° « Abus de biens sociaux », 2010.

SALVAGE (PH.)

J.-Cl. Pénal Code, Complicité, art. 121-6 et 121-7, fasc. 20, 2005.

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J.-Cl. Pénal Code, Participation à une association de malfaiteurs, art. 450-1 à 450-5 fasc. 20,

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Rép. civ. Dalloz, v° Personne morale, 1998.

Page 454: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr
Page 455: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

455

INDEX DE JURISPRUDENCE

INTRODUCTION

Juridictions internationales :

- Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I, décision de confirmation des charges,

Affaire ICC-01/04-0106, Procureur c/ Lubanga, 29 janvier 2007, § 330 et s.

- Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I, Affaire ICC-01/04-01/07, Procureur c/

Katanga et Ngudjolo Chui, décision de confirmation des charges du 30 septembre 2008, § 490

et s.

Cour de cassation :

- Cass. crim., Génold et Pélissier, 24 août 1827, Bull. n° 224.

- Cass. crim., 9 juin 1848, S., 1848, I, p. 527.

- Cass. crim., 15 juin 1860, S., 1861, I, p. 398.

- Cass. crim., 24 juin 1922, S., 1923, I, p. 41.

- Cass. crim., 7 déc. 1954, D. 1955, jur. p. 221.

- Cass. crim., 25 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973, 1, somm. p. 94.

Juridictions du fond :

CA Agen, 9 sept. 2010, M. P. / K., Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et Midi-Pyrénées,

2011-1, n° AB.1729, p. 100.

Page 456: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

456

PARTIE 1- LA NOTION DE COACTION

TITRE 1 – UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION

Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle

Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation

Cour de cassation :

- Cass. crim., 11 juin 1970, Bull. n° 199, Rev. sc. crim. 1971, p. 108, obs. A. VITU.

- Cass. crim., 8 fév. 1979, Bull. n° 58, JCP G 1979, IV, p. 121 ; D. 1979, inf. rap. p. 528, obs.

M. PUECH ; Rev. sc. crim. 1980, p. 151, obs. J. ROBERT.

- Cass. crim., 6 nov. 1986, JurisData n° 1986-002831 ; JCP G 1987, IV, p.16 ; Gaz. Pal.

1987, 1, somm. p. 200, obs. J.-P. DOUCET.

- Cass. crim., 11 mai 2000, JurisData n° 2000-002726.

- Cass. crim., 23 avril 2003, Bull. n° 84.

Juridictions du fond :

CA Paris 26 janv. 2001, JurisData n° 2001-141804.

Section 2 – La volonté de s’associer, condition phare de la participation

Cour de cassation :

- Cass. crim., 3 juil. 1909, DP 1911, 1, p. 290.

- Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, 185, note J.-A. ROUX.

- Cass. crim., 14 déc. 1934, DP 1935, 1, 96.

- Cass. crim., 8 fév. 1936, DP 1936, 1, 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.

- Cass. crim., 9 oct. 1941, DA 1941, 374.

- Cass. crim., 29 nov. 1945, JCP G 1946, IV, 14.

- Cass. crim., 20 oct. 1949, Bull. n° 291.

- Cass. civ., 28 janvier 1954, D. 1954, jur. p. 217 note G. LEVASSEUR ; JCP G 1954, II,

7978 concl. P. LEMOINE.

- Cass. crim., 21 juill. 1955, JCP G 1955, IV, 129.

- Cass. crim., 24 oct. 1972, Gaz. Pal. 1973, 1, p. 218.

- Cass.. crim., 8 mai 1976, D. 1976, p. 578, note C. GAVALDA.

- Cass. crim., 4 janv. 1978, Bull. n° 5 ; Rev. sc. crim. 1978, p. 859, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 3 janv. 1985, Bull. n° 2.

- Cass. crim.,19 mars 1986, Bull. n° 112.

- Cass. crim., 6 déc. 1989, Dr. pén. 1990, p. 117.

- Cass. crim.,13 mars 1991, Bull. n° 125.

- Cass. crim., 3 avril 1991, JCP E 1992, I, 154, n° 11, obs. C. GAVALDA et G.

STOUFFLET.

- Cass. crim., 17 juin 1992, Bull. n° 243.

- Cass. crim., 28 juin 1995, Bull. n° 241.

Page 457: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

457

- Cass. crim., 2 déc. 1997, Bull. n° 408 ; JCP G 1998, IV, 1820 ; JCP G 1998, II, 10023, rapp.

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2000, n° 241, p. 18, note C. DUCOULOUX-FAVARD.

- Cass. com., 30 oct. 2000, D. 2001, p. 231.

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- Cass. crim., 7 mai 2002, JurisData n° 2002-013184.

- Cass. crim., 17 déc. 2002, Bull. n° 227; Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.

- Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5 ; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC ; D.

2003, p. 2661, note E. GARCON ; D. 2004, Somm. 310, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2003, 2,

10159, note W. JEANDIDIER.

- Cass. crim., 25 avr. 2006, pourvoi n° 05-83407 ; JurisData n° 2006-033669.

- Cass. crim., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-83551 ; JurisData n° 2006-034775.

- Cass. crim., 20 juin 2006, Bull. n° 188 ; D. 2007, p. 617, note J.-C. SAINT-PAU ; JCP G

2006, II, 10199, note E. DREYER ; Dr. pén. 2006, comm. 128, note M. VERON ; D. 2007, p.

1624, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2006, p. 825, obs. Y. MAYAUD ; Rev. sociétés

2006, p. 895, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 12 juin 2007, pourvoi n° 06-86220; JurisData n° 2007-040033.

- Cass. crim., 25 juin 2008, Bull. n° 167 ; Dr. pén. 2008, comm. 140, note M. VERON ; RPDP

2008, p. 858, note PH. BONFILS ; Rev. sociétés 2008, p. 873, note H. MATSOPOULOU ;

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- Cass. crim., 11 juin 2010, pourvoi n° 09-87884, D. 2010, p. 1712 ; D. 2010, p. 2732, obs. G.

ROUJOU DE BOUBEE, T. GARE et S. MIRABAIL ; D. 2011, p. 1859, obs. C. MASCALA ;

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JCP G 2010, p. 1030, obs. J.-H. ROBERT ; JCP G 2010, p. 1031, obs. H. MATSOPOULOU.

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SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2012, p. 375, note Y.

MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER.

- Cass. crim., 2 oct. 2012, pourvoi n° 11-84415.

Chapitre 2 – Une participation à une infraction unique

Cour de cassation :

Cass. crim., 11 déc. 1924, DP 1925.1.87 ; 8 déc. 1998, Bull. n° 336.

Section 1 – L’exigence d’une entente entre coauteurs

Cour de cassation :

- Cass. crim., 8 juill. 1813, Bull. n° 150 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22.

- Cass. crim., 27 nov. 1845, DP 1846.5.94.

Page 458: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

458

- Cass. crim., 25 oct. 1962, Bull. n° 292 et 293. V. notamment D. 1963.221, note P.

BOUZAT ; JCP G 1963, II, 12985, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1963, p. 553, obs. A.

LEGAL.

- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.

- Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269 ; v. également Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chr. ; 14

janv. 1921, S. 1922, I, p. 235.

- Cass. crim., 10 avril 1975, Bull. n° 89.

- Cass. crim., 30 oct. 1989, Dr. pén. 1990, p. 88.

- Cass. crim., 23 janv. 1997, Bull. n° 32 ; D. 1997, Jur. p. 147, note J. PRADEL.

- Cass. crim., 4 mars 1998, Bull. n° 83.

- Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC; D. 2003,

Jur. p. 2661, note E. GARCON; D. 2004, p. 310, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2003, II, 10159,

note W. JEANDIDIER.

- Cass. crim., 15 déc. 2004, JurisData n° 2004-027401 ; Dr. pén. 2005, Comm. 79, obs. J.-H.

ROBERT.

- Cass. crim., 15 déc. 2004, Bull. n° 322; D. 2005, p. 2128; JCP G 2005, II, 10050, obs. Y.

MARECHAL ; Rev. sc. crim. 2005, p. 298, obs. G. VERMELLE.

Juridictions du fond :

CA Saint-Denis de la Réunion, 17 déc. 1998, D. 1999, p. 609, note D.R. MARTIN.

Section 2 – L’indifférence quant à l’objet de l’entente

Cour de cassation :

- Cass. crim., 20 avril 1827, Bull. n° 92.

- Cass. crim., 16 juill. 1835, Bull. n° 292.

- Cass. crim., 9 juin 1848, Igneux, S. 1848, I, p. 527 ; M. PUECH, Les grands arrêts de la

jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n° 96 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands

arrêts du droit pénal général, Dalloz, 7ème éd., 2009, n° 36.

- Cass. crim., 19 juin 1848, Bull. n° 178.

- Cass. crim., 24 mars 1853, Bull. n° 110.

- Cass. crim., 30 sept. 1853, Bull. n° 490.

- Cass. crim., 11 mai 1866, Bull. n° 135.

- Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1861, I, p. 368.

- C.Cass. Belgique, 29 sept. 1871.

- Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326.

- Cass. crim., 14 nov. 1924, D. 1925, I, 332.

- Cass. crim., 15 nov. 1928, D.P. 1932, 1, 56.

- Cass. crim., 12 avr. 1930, Bull. n° 214.

- Cass. crim., 10 janv. 1952, JCP G 1952, IV, p. 38.

- Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566.

- Cass. crim., 12 oct. 1961, Bull. n° 399; Rev. sc. crim. 1963, p. 103, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 22 mars 1966, JCP G 1967, II, 14970, note A. RIEG ; Rev. sc. crim. 1968, p.

67, obs. A. LEGAL.

- Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326.

- Cass. crim., 7 mars 1968, Bull. n° 81; Rev. sc. crim. 1968, p. 628, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 28 juillet 1969, Bull. n° 239.

Page 459: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

459

- Cass. crim., 14 janv. 1971, Bull. n° 13.

- Cass. crim., 27 janv. 1971, Bull. n° 28 ; Rev. sc. crim. 1971, p. 942, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195 ; D. 1972, somm. 202 ; Rev. sc. crim. 1973.879, obs.

J. LARGUIER.

- Cass. crim., 15 janv. 1974, Bull. n° 22.

- Cass. crim., 10 avr. 1975, Bull. n° 90.

- Cass. crim., 15 janv. 1979, Bull. n° 21; RJ com., 1982, p. 293, note B. BOULOC.

- Cass. crim., 30 mai 1980, Bull. n° 166 ; Rev. sc. crim. 1981, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 23 juillet 1986, Bull. n° 243 ; JCP G 1987, II, 20897, note J. BORRICAND ;

Gaz. pal. 1987, Jur. p. 104, note J.-P. DOUCET.

- Cass. crim., 17 févr. 1988, Bull. n° 80.

- Cass. crim., 15 janv. 1990, Bull. n° 22.

- Cass. crim., 14 févr. 1996, Bull. n° 78 ; Rev. sc. crim. 1996, p. 856, obs. MAYAUD.

- Cass. crim., 13 févr. 2001, Bull. n° 4.

- Cass. crim., 6 fév. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER ; Dr. pén. 2002.69, obs. M.

VERON.

- Cass. crim., 18 mars 2003, Bull. n° 70 ; Dr. pén. 2003, Comm. 95, obs. M. VERON.

- Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 69, note Y. MAYAUD ; D.

2005, p. 2986.

- Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 73, obs. J.-P. DELMAS

SAINT-HILAIRE.

- Cass. crim., 15 mars 2006, Bull. n° 78.

- Cass. crim., 12 janv. 2010, pourvoi n° 09-82928, Gaz. pal. 2010, n° 84, p. 20, obs. S.

DETRAZ.

Juridictions du fond :

- CA Chambéry, 8 mars 1956, JCP G 1956, II, 9224, obs. R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956,

p. 532, obs. A. LEGAL.

- CA Limoges, 4 juin 1997, Rev. sc. crim. 1998, p. 549, chr. Y. MAYAUD.

- CA Aix-en-Provence, 14 mars 2001, JurisData n° 2001-143774.

- CA Reims, 7 juil. 2004, Dr. pén. 2005, comm. 142, obs. M. VERON.

TITRE 2 – UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION

Cour de cassation :

- Cass. crim., 16 janv. 1947, Bull. n° 23.

- Cass. crim., 9 janv. 1990, Bull. n° 15 ; Rev. sc. crim. 1990, 337, obs. G. LEVASSEUR.

Page 460: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

460

Chapitre 1 – Une influence sur le résultat de l’infraction collective

Section 1 – L’exigence d’une contribution causale à l’infraction

Cour de cassation :

- Cass. crim., 13 avr. 1911, Bull. n° 210 ; 21 nov. 1957, Bull. n° 762.

- Cass. crim., 9 nov. 1928, D. 1929, 1, 97, note A. HENRY.

- Cass. crim., 24 déc. 1942, S. 1944, 1, 7.

- Cass. crim. 13 janv. 1954, D. 1954, p. 128 ; Rev. sc. crim. 1954, p. 372, obs. J.

HUGUENEY.

- Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566.

- Cass. crim., 11 déc. 1957, Bull. n° 829, JCP G 1958, II, 10423.

- Cass. crim., 17 mai 1962, Bull. n° 200, D. 1962, p. 473 ; Rev. sc. crim. 1962, 102, obs. A.

LEGAL ; M. PUECH, Grands arrêts, t. 1, p. 442.

- Cass. crim., 13 mars 1963, Bull. n° 116.

- Cass. crim., 27 mai 1963, Bull. n° 188.

- Cass. crim., 25 avr. 1967, Bull. n° 129 ; Gaz. Pal. 1968, I, 343.

- Cass. crim., 23 juil. 1969, Bull. n° 234 ; D. 1970, jur. p. 361, note G. ROUJOU DE

BOUBEE ; Rev. sc. crim. 1970, p. 656, obs. P. BOUZAT.

- Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269.

- Cass. crim., 24 oct. 1973, Bull. n° 378 ; D. 1973, IR 222.

- Cass. crim., 10 mars 1977, Bull. n° 91, D. 1977, IR p. 237, note M. PUECH.

- Cass. crim., 8 janv. 1985, Gaz. Pal. 1986, I, Somm. 124.

- Cass. crim., 16 janv. 1986, Perdereau , Bull. n° 25, JCP G 1987, II, 20774, note G.

ROUJOU DE BOUBEE ; D. 1986, jur. p. 265, note D. MAYER et C. GAZOUNAUD ; Rev.

sc. crim. 1986, p. 839, obs. A. VITU.

- Cass. crim., 10 janv. 1991, Dr. pén. 1991, p. 169, Rev. sc. crim. 1992, p. 77, obs. G.

LEVASSEUR.

- Cass. crim., 21 sept. 1994, Bull. n° 302 ; Dr. pén. 1995, comm. 2, obs. M. VERON ; Rev. sc.

crim. 1995, p. 343, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 7 sept. 2004, JurisData n° 2004-025104, Dr. pén. 2004, comm. 174, note J.-H.

ROBERT.

- Cass. crim., 5 oct. 2004, Bull. n° 230, D. 2005, p. 1525, obs. S. MIRABAIL, AJ pén. 2005,

p. 25, obs. J. COSTE, Gaz. Pal. 2004, 2, 3831, concl. PH. COMMARET, Rev. sc. crim. 2005,

p. 71, obs. Y. MAYAUD.

- Cass. crim., 22 mars 2005, Dr. pén. 2005, p. 103, obs. M. VERON

- Cass. crim., 14 mai 2008, Bull. n° 112, D. 2009, p. 128, obs. T. GARE, AJ pén. 2008,

p. 371, obs. C. DUPARC, Dr. pén. 2008, Comm. 111, obs. M. VERON.

Section 2 – L’intensité de la contribution causale à l’infraction

Cour de cassation :

- Cass. crim., 8 juil. 1813, Bull. n° 150.

- Cass.crim., 12 fév. 1874, D. 1875, I, p. 482.

- Cass. crim., 23 mai 1884, Bull. n° 179.

- Cass. crim., 26 juin 1885, Bull. n° 186 (arrêt Diard).

Page 461: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

461

- Cass. crim., 31 oct. 1889, Bull. n° 225 (arrêt Tissot).

- Cass. crim., 13 juin 1902, Bull. n° 220 (arrêt Gairaud).

- Cass. crim., 23 nov 1905, Bull. n° 514.

- Cass. crim., 14 nov. 1924, S. 1925, 1, 332.

- Cass. crim., 5 nov. 1928, DP 1929, 1, p. 97, note A. HENRY ; JCP G 1929, p. 239, note R.

GARRAUD.

- Cass. crim., 5 nov. 1941, S. 1942, 1, 89.

- Cass. crim., 17 nov. 1944, Rev. sc. crim. 1946, p. 67, Chr. L. HUGUENEY.

- Cass. crim., 29 nov. 1946, Gaz. Pal. 1947, p. 25.

- Cass. crim., 8 juil. 1949, JCP G 1949, II, p. 5128, note A. COLOMBINI, S. 1949, 1, p. 186,

Rev. sc. crim. 1950 p. 50, obs. L. HUGUENEY.

- Cass.crim., 27 oct. 1971, Bull. n° 284, Gaz. Pal. 14-15 janv. 1972, Somm., note J.-P. D. ;

Rev. sc. crim. 1972, p. 375, obs. A. LEGAL, et p. 385, obs. A. VITU.

- Cass. crim., 15 janv. 1974, Bull. n° 22.

- Cass. crim., 3 mai 1974, Bull. n° 157, D. 1973, Som. 20.

- Cass.crim., 4 déc. 1974, Gaz. Pal. 1975, I, Som. 93.

- Cass. crim., 5 juin 1984, Bull. n° 212.

- Cass. crim., 1er sept. 1987, Bull. n° 308, Rev. sc. crim. 1990, p. 325, note A. VITU.

- Cass. crim., 17 fév. 1988, Bull. n° 80.

- Cass. crim., 9 nov. 1992, Dr. pén. 1993, p. 138, obs. J.-H. ROBERT.

- Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, obs. J.-H. ROBERT.

- Cass. crim., 18 mai 2001, pourvoi n° 10-87.768, Rev. des sociétés 2011, p. 711, note T.

GRANIER.

- Cass. crim., 25 sept. 2001, Bull. n° 188.

- Cass. crim., 15 déc. 2004, JCP G 2005, II, 10050, note J.-Y. MARECHAL.

Chapitre 2 – Une participation au comportement infractionnel collectif

Section 1 – Une indépendance morale entre coauteurs

Juridictions internationales :

- CJCE, 25 oct. 1983, aff. C-107/82, Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft AEG-Telefunken

AG c/ Commission CE, Rec. CJCE 1983, p. 03151.

- CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec.

CJCE 1991, I, p. 1979.

- CJCE 24 oct. 1996, Viho Europe, Rec. 5482 ; TPICE 6 juil. 2000, Sté VW et Audi, aff. T-

62/98.

- CJUE, 20 janv. 2011, aff. n° C-90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés, 2011,

n° 137, note G. DECOCQ.

- TPICE, 8 juil. 2008, aff. T-99/04, AC Treuhand AG, JOUE n° C 209, 15 sept. 2008, p. 49 ;

Contrats, conc., consom., 2008, comm. 235, note G. DECOCQ.

- TPICE, 18 déc. 2008, aff. T-85/06, General Quimica SA, Repsol SA, Repsol YPF SA c/

Commission CE, att. n° 81 et 82.

Page 462: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

462

Conseil de la concurrence :

- Cons. conc. 5 nov. 1991, Secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi, BOCC 3 janv.

1992.

- Cons. conc., déc. n° 2000-D-6, 13 févr. 2001, Pratiques constatées dans le secteur de la

vente d’espaces publicitaires télévisuels, BOCC 2001, p. 166.

Cour de cassation :

- Cass. crim., 27 janv. 1859, S. 1859, 1, 364.

- Cass. crim., 28 avril 1866, DP 1866, 1, 356.

- Cass. crim., 20 sept. 1894, DP 1899, 1, 350.

- Cass. crim., 28 déc. 1900, Rozoff, DP 1901, 1, p. 81, note A. LE POITTEVIN.

- Cass. crim., 15 et 28 juin 1917, S. 1920, 1, p. 329, note J.-A. ROUX.

- Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note J.-A. ROUX.

- Cass. crim., 20 avril 1934, S. 1935, 1, p. 398.

- Cass. crim., 8 févr. 1936, DP 1936, 1, p. 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.

- Cass. crim., 30 nov. 1944, D. 1945, jur. p. 162.

- Cass. crim., 6 oct. 1955, Bull. n° 388.

- Cass. crim., 12 déc. 1956, Bull. n° 836.

- Cass. crim., 17 oct. 1967, Bull. n° 250.

- Cass. crim., 27 oct. 1976, Bull. n° 303.

- Cass. crim., 2 oct. 1979, Bull. n° 198.

- Cass. crim., 14 janv. 1980, Bull. n° 21.

- Cass. crim., 8 fév. 1983, D. 1983, p. 639, note H. SEILLAN.

- Cass. com., 8 déc. 1992, BRDA 1993/1.

- Cass. crim., 28 nov. 1995, deux arrêts, Dr. pén. 1996, comm. n° 88 et n° 164, obs. J.-H.

ROBERT.

- Cass. com., 12 mars 1996, BOCC 22 oct. 1996.

- Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, note J.-H. ROBERT.

- Cass. crim., 30 oct. 1996, Bull. n° 389.

- Cass. crim., 13 mars 1997, Bull. n° 107, Rev. sc. crim. 1997, p. 828, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 3 mars 1998, Bull. n° 82.

- Cass. crim., 1er déc. 1998, JurisData n° 005085.

- Cass. crim., 2 fév. 1999, JurisData n° 1999-001690.

- Civ. 1ère, 30 mai 2000, D. 2000, p. 879, note J.-P. CHAZAL ; JCP G 2001, II, 10461, note

G. LOISEAU ; Contrats Conc. Consom. 2000, n° 142, obs. L. LEVENEUR ; RTD civ. 2000,

p. 827, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; ibid., p. 863, obs. P.-Y. GAUTIER.

- Cass. soc., 11 juil. 2000, pourvoi n° 98-40.196, TPS 2000, n° 348 ; 19 juin 2008, pourvoi

n° 07-42.547.

- Cass. crim. 12 sept. 2000, Bull. n° 268 ; TPS 2001, n° 5 ; Rev. sc. crim. 2001, p. 159, obs. Y.

MAYAUD.

- Ass. Plén., 14 déc. 2001, Bull. n° 269, D. 2002, p. 1230, note J. JULIEN.

- Civ. 1ère, 3 avril 2002, D. 2002, jur. 1860, note J.-P. GRIDEL et J.-P. CHAZAL ; RTD civ.

2002, p. 502, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. FRANCON ;

RTD com. 2004, p. 267, note F. POLLAUD-DULIAN. ; Les Petites affiches 2004, n° 120,

p. 5, note M. BOIZARD ; Les Petites affiches 2004, n° 213, p. 14, note G. KESSLER.

- Cass. soc., 20 juin 2002, Droit ouvrier 2003, p. 214.

Page 463: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

463

- Cass. crim., 26 juin 2002, Bull. n° 148 ; D. 2003, somm. 172 ; obs. M. SEGONDS ; Dr. pén.

2002, comm. n° 133, obs. M. VERON ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93 ; obs. B. BOULOC ; RTD

com. 2003, p. 177, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 23 nov. 2004, D. 2005, p. 1521, note M. SEGONDS ; Rev. sc. crim. 2005, p.

321.

- Cass. crim., 8 mars 2005, Bull. n° 77.

- Cass. crim., 1er mars 2006, Bull. n° 58.

- Cass. crim., 12 déc. 2006, pourvoi n° 05-87.125.

- Cass. crim., 3 juin 2008, Dr. pén. 2008, chron. 9, obs. M. SEGONDS.

- Cass. crim., 12 mai 2009, JurisData n° 2009-048280, Dr. pén. 2009, chron. 10, obs. M.

SEGONDS.

- Cass. crim., 7 juin 2011, pourvoi n° 10-84283.

Juridictions du fond :

- CA Poitiers, 20 nov. 1901, D. 1902, p. 81, note G. LE POITTEVIN.

- CA Paris, 25 janv. 1994, BOCC 9 fév. 1994, p. 60, Contrats, conc., consom. 1994, n° 51,

obs. L. VOGEL.

- CA Poitiers, 11 avril 1997, D. 1997, jur. 512, note A. WAXIN, Rev. sc. crim. 1998, p. 110,

obs. R. OTTENHOF.

- CA Paris, 19 mai 1999, Contrats, conc., consom. 1999, n° 160, obs. M. MALAURIE-

VIGNAL.

Section 2 – Une dépendance matérielle entre coauteurs

Cour de cassation :

- Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chron. ; 31 juil. 1818, Jurisprudence Générale, Dalloz, V°

Attentats aux mœurs n° 129 ; 29 janv. 1820, Jurisprudence Générale, Dalloz, V° Attentats aux

mœurs n° 130 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 17 avril 1857, Bull. n° 155.

- Cass. crim., 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 9 nov. 1860, Bull. n° 229.

- Cass. crim., 9 juin 1848, S. 1848, 1, 527.

- Cass. crim.,15 juin 1860, S. 1861, 1, 398.

- Cass. crim., 9 nov. 1860, Bull. n° 229.

- Cass. crim., 14 janv. 1921, D. 1922, 1, 235.

- Cass. crim., 27 janv. 1921, D. 1922, 1, 235.

- Cass. crim., 4 août 1927, S. 1929, 1, 33, note J.-A. ROUX.

- Cass. crim., 20 juil. 1960, Bull. n° 382.

- Cass. crim., 21 janv. 1962, Bull. n° 68.

- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.

- Cass. crim., 6 sept. 1989, Dr. pén. 1990, comm. n° 55.

- Cass. crim., 6 févr. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER.

- Cass. crim., 17 déc 2002, Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.

- Cass. crim., 29 avr. 2003, D. 2004, p. 167.

- Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. n° 141, Rev. sc. crim. 2004, p. 881, note Y. MAYAUD.

- Cass. crim., 24 mars 2009, pourvoi n° 08-82691 ; JurisData n° 2009-049707 ; Dr. pén.

2009, comm. 84, obs. J.-H. ROBERT.

Page 464: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

464

- Cass. crim., 1er déc. 2009, pourvoi n° 09-82140 ; JurisData n° 2009-050985 ; Dr. pén.

2010, comm. 74, obs. M. VERON ; D. 2010, p. 1163, note C. MASCALA ; JCP G 2010,

n° 25, 689, J.-H. ROBERT.

- Cass. crim. 22 févr. 2011, Bull. n° 33 ; Gaz. Pal. 30-31 mars 2011, note J.-C. SAINT-PAU.

- Cass. crim., 11 avril 2012, pourvoi n° 10-86974, Bull. n° 94 ; D. 2012, p. 1381, note J.-C.

SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2012, p. 375, note Y.

MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER.

- Cass. crim., 2 oct. 2012, pourvoi n° 11-84415.

Juridictions du fond

CA Aix-en-Provence, 18 juin 2001, JurisData n° 2001-169339, JCP G 2002, IV, 2173.

PARTIE 2 – LE REGIME DE LA COACTION

TITRE 1 – L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE

COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA COACTION

Chapitre 1 – Une responsabilité soumise à la communication pénale

Section 1 – La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective

Cour de cassation :

- Cass. crim., 28 avr. 1842, S. 1842, 1, 504.

- Cass. crim., 17 mai 1851, DP 1851, 1, 303.

- Cass. crim., 17 déc. 1859, Bull., n° 281.

- Cass. crim., 10 nov. 1860, Bull. n° 231.

- Cass. crim., 20 août 1875, Bull. n° 275.

- Cass. crim., 8 juil. 1897, Bull. n° 230.

- Cass. crim., 13 mars 1936, DH 1936, p. 254 ; Rev. sc. crim. 1936, p. 410, obs. J. MAGNOL.

- Cass. crim., 22 mai 1957, Bull. n° 436.

- Cass. crim., 29 janv. 1965, D. 1965, jur. p. 288, note R. COMBALDIEU ; Rev. sc. crim.

1965, p. 655, n° 2, obs. L. HUGUENEY.

- Cass. crim., 25 janv. 1968, Bull. n° 25; D. 1968, jurispr. p. 153, JCP G 1969, II, 15425 ;

Gaz. Pal. 1968, 1, jurispr. p. 164; Rev. sc. crim. 1968, p. 344.

- Cass. crim., 5 sept. 1988, Rev. Sociétés 1989 p. 76, note W. JEANDIDIER.

- Cass. crim., 18 mai 1994, Bull. n° 195, D. 1994, IR 179 ; Contrats, concurrence,

consommation 1994. 180, obs. RAYMOND.

- Cass. crim., 20 mars 1997, Dr. pén. 1997, comm. n° 131, obs. J.-H. ROBERT ; JCP E 1997,

II, 1033, note J.-H. ROBERT.

- Cass. crim., 25 juin 1998, Dr. pén. 1998, comm. n° 145, obs. J.-H. ROBERT.

Page 465: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

465

- Cass. crim., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-85.054, JurisData n° 2008-043610, Dr. pén. 2008,

comm. 89, par J.-H. ROBERT ; D. 2008, p. 1665, note J. LASSERRE-CAPDEVILLE ; Rev.

dr. banc. fin. 2008, comm. 129, note F. CREDOT et T. SAMIN.

- Cass. crim., 23 mars 2011, pourvoi n° 10-84.314.

Section 2 – La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective

Cour de cassation :

- Cass. crim., 25 oct. 1811, Bull. n° 141.

- Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1860.1.600.

- Cass. crim., 11 mai 1866, S. 1867, 1, 143.

- Cass. crim., 30 mai 1879, S. 1880.1.481.

- Cass. crim., 2 avr. 1898, Bull. n° 144.

- Cass. crim., 22 déc. 1905, Bull. n° 570.

- Cass. crim.,11 janv. 1917, Bull. n° 7.

- Cass. crim., 23 oct. 1946, Bull. n° 185.

- Cass. crim., 31 déc. 1947, Bull. n° 270.

- Cass. crim., 26 janv. 1952, Bull. n° 32.

- Cass. crim.,5 juin 1956, Bull. n° 427.

- Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288.

- Cass. crim., 3 janv. 1959, Bull. n° 16.

- Cass. crim.,23 avr. 1959, D. 1959, jurispr. p. 338.

- Cass. crim.,16 oct. 1963, Bull. n° 284.

- Cass. crim., 12 mars 1968, Bull. n° 83.

- Cass. crim.,8 mars 1972, Bull. n° 89.

- Cass. crim.,5 janv. 1973, Bull. n° 8.

- Cass. crim., 28 oct. 1975, Bull. n° 227.

- Cass. crim.,4 sept. 1976, Bull. n° 272.

- Cass. crim.,8 janv. 1981, Bull. n° 7.

- Cass. crim., 5 mars 1981, Bull. n° 83.

- Cass. crim., 9 juin 1982, Bull. n° 155.

- Cass. crim., 4 janv. 1985, Bull. n° 9.

- Cass. crim.,15 nov. 1989, Bull. n° 421.

- Cass. crim., 28 oct. 1992, Bull. n° 347.

- Cass. crim., 2 févr. 1994, Bull. n° 50.

- Cass. crim., 21 mai1996, Bull. n° 206, Dr. pén. 1996, comm. n° 216, obs. M. VERON.

- Cass. crim.,30 oct. 1996, Bull. n° 384, D. 1996, somm. 147, obs. J. PRADEL.

- Cass. crim.,14 avr. 1999, D. 1999, somm. p. 323.

- Cass. crim.,14 avr. 1999, pourvoi n° 98-84081, D. 1999, somm. 323, obs. J. PRADEL.

- Cass. crim.,11 oct. 2000, JurisData n° 2000-006700.

- Cass. crim., 21 août 2002, pourvoi n° 02-83872.

- Cass. crim., 7 sept. 2005, Bull. n° 219 ; D. 2006, p. 835, note E. DREYER.

Page 466: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

466

Chapitre 2 – Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs

Section 1 – L’indivisibilité entre coauteurs

Conseil Constitutionnel :

Cons. const., 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953, Gaz. Pal. 4-5 sept. 2002, p. 3, note J.-

E. SCHOETTL.

Cour de cassation :

- Cass. crim., 19 sept. 1861, Bull. n° 213.

- Ch. réun., 27 fév. 1865, DP 1867, 1, 93.

- Cass. crim., 29 juil. 1875, Bull. n° 239.

- Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 239.

- Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 54.

- Cass. crim., 14 nov. 1898, DP 1899, 1, 65, concl. L. SARRUT.

- Cass. crim., 1er mars 1907, Bull. n° 101.

- Cass. crim., 28 mars 1914, Bull. n° 173.

- Cass. crim., 13 fév. 1926, Bull. n° 64.

- Cass. crim., 16 déc. 1926, S. 1928, 1, 155.

- Cass. crim., 15 nov. 1928, DP 1932, 1, 56.

- Cass. crim., 22 juil. 1932, Bull. n° 184.

- Cass. crim., 21 oct. 1940, Bull. n° 240.

- Cass. crim.,18 juin 1947, Bull. n° 159.

- Cass. crim.,12 juin 1954, Bull. n° 210.

- Cass. 2ème civ., 29 févr. 1956, JCP G 1956, II, 9384.

- Cass. crim., 4 janv. 1957, Bull. n° 8.

- Cass. crim., 27 nov. 1958, Bull. n° 699.

- Cass. crim., 15 oct. 1959, Bull. n° 435.

- Cass. crim., 22 juin 1960, Bull. n° 330.

- Cass. crim., 22 déc. 1960, Bull. n° 607.

- Cass. crim., 13 juin 1968, Bull. n° 196.

- Cass. crim., 6 janv. 1970, Bull. n° 11.

- Cass. crim., 17 janv. 1973, Bull. n° 24.

- Cass. crim.,13 fév. 1974, Bull. n° 64 .

- Cass. 2ème

civ., 21 janv. 1976, D. 1976, somm. p. 39.

- Cass. crim., 3 mars 1976, Bull. n° 80.

- Cass. crim.,12 nov. 1981, Bull. n° 302.

- Cass. crim., 23 mars 1982, Bull. n° 85.

- Cass. crim., 12 févr. 1985, Bull. n° 68.

- Cass. crim.,18 août 1987, D. 1988, somm. p. 194.

- Cass. crim., 26 juil. 1988, Bull. n° 305.

- Cass. crim., 4 juil. 1989, Cheraa, inédit, Rev. sc. crim. 1990, cité par A. VITU, Juridiction

compétente pour juger, en cas de crime, un mineur et des coaccusés majeurs, Rev. sc. crim.

1990, p. 59.

- Cass. crim., 20 fév. 1990, Bull. n° 84, D. 1991, jur. p. 395, note A. FOURNIER.

- Cass. crim., 5 juil. 1993, Bull. n° 239.

Page 467: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

467

- Cass. crim., 19 mars 1997, JCP G 1998, I, 105, obs. A. MARON.

- Cass. crim., 22 oct. 1997, Bull. n° 345.

- Cass. crim., 22 janv. 2003, pourvoi n° 01-88.157.

- Cass. crim., 28 mai 2003, Bull. n° 103.

- Cass. crim.,7 juil. 2005, Bull. n° 206.

- Cass. crim., 11 janv. 2006, pourvoi n° 05-82.055, Dr. pén. 2006, comm. 76, note A.

MARON.

- Cass. crim., 16 oct. 2007, Bull. n° 244, AJ pén. 2007, p. 542, obs. S. LAVRIC.

- Cass. crim., 7 avr. 2009, Bull. n° 65, AJ pén. 2009, p. 316, obs. C. DUPARC.

- Cass. crim.,15 mars 2011, pourvoi n° 10-81983.

- Cass. crim., 6 avr. 2011, pourvoi n° 10-85470.

- Cass. crim., 22 fév. 2012, pourvoi n° 11-80858.

Juridictions du fond :

- CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.

- CA Toulouse (3ème ch. appels correctionnels), 14 avr. 2005, D. 2006, p. 352, note M.

ROYO.

Section 2 – L’autorité de chose jugée entre coauteurs

Cour de cassation :

- Cass. crim., 7 mars 1839, Bull. n° 83.

- Cass. civ., 7 mars 1855, Bull. civ. n° 31 ; D. 1855, 1, 81; S. 1855, 1, 439.

- Cass. crim., 11 juin 1869, Bull. n° 138, S. 1870, 1, 190 ;

- Cass. crim., 25 mars 1875, Bull. n° 102.

- Cass. crim., 15 janv. 1902, Bull. n° 23, DP 1902, 1, 113, concl. M. BAUDOUIN.

- Cass. crim., 2 févr. 1919, Bull. n° 33.

- Cass. crim., 7 mars 1925, Bull. n° 86.

- Cass. 2ème civ., 4 janv. 1957, D. 1957, 264.

- Cass. 2ème civ., 5 juin 1957, D. 1957, 493, note SAVATIER ; JCP G 1957, 10205, note

ESMEIN.

- Cass. 2ème civ., 9 oct. 1957, D. 1957, 708.

- Cass. crim., 19 nov. 1958, Bull. n° 680, D. 1959, somm. p. 67.

- Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405.

- Cass. 2ème civ., 6 mars 1968, Bull. civ. II, n° 76.

- Cass. crim., 16 avr. 1970, Bull. n° 135.

- Cass. crim., 14 mars 1974, Bull. n° 115.

- Cass. 2ème civ., 12 juin 1975, Bull. civ. II, n° 176 ; RTD civ. 1997, p. 334, note G. DURRY.

- Cass. 2ème civ., 9 mai 1976, 3ème arrêt, JCP G 1978, II, 18773, note N. DEJEAN DE LA

BATIE.

- Cass. 2ème civ., 19 mai 1976, JCP G 1978, 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE, 1ère

esp. ; Bull. civ. II, n° 163.

- Cass. crim., 29 juin 1976, Bull. n° 235.

- Cass. 2ème civ., 21 oct. 1976, D. 1977, IR p. 14.

- Cass. 2ème civ., 5 janv. 1978, D. 1978, IR 201, obs. C. LARROUMET.

- Cass. 2ème civ., 15 déc. 1980, Bull. civ. II, n° 269.

Page 468: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

468

- Cass. 2ème civ., 1er avr. 1981, Bull. civ. I, n° 24.

- Cass. 2ème civ., 4 mars 1982, JCP G 1984, II, 20153, note F.C.

- Cass. crim., 5 févr. 1985, Bull. n° 59.

- Cass. crim., 14 nov. 1985, Bull. n° 357, Rev. sc. crim. 1986, p. 647, obs. A.

BRAUNSCHWEIG.

- Cass. crim., 5 nov. 1989, Bull. n° 392, Rev. sc. crim. 1988, p. 550, obs. A.

BRAUNSCHWEIG.

- Cass. crim., 26 juin 1991, Bull. n° 282.

- Cass. 2ème civ., 22 avr. 1992, Bull. civ. II, n° 127 ; D. 1992, jur. p. 353, note PH.

BURGELIN.

- Cass. 2ème civ., 31 mars 1993, Bull. civ. II, n° 130.

- Cass. crim., 20 juin 1994, Bull. n° 246.

- Cass. 1ère civ., 25 mars 1997, Bull. civ. I, n° 104.

- Cass. 2ème civ., 2 avr. 1997, D. 1997, IR 105, Bull. civ. II, n° 112.

- Cass. crim., 18 mars 1998, Bull. n° 104, JCP G 1998, IV, 2633.

- Cass. 2ème civ., 25 mars 1998, Bull. civ. II, n° 99 ; JCP G 1998, IV, 02156.

- Cass. crim., 17 juin 1998, Bull. n° 197.

- Cass. 3ème civ., 11 mai 2000, Bull. civ. III, n° 108.

- Cass. soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-41105, JurisData n° 2001-010272.

- Cass. crim., 19 juin 2002, pourvoi n° 01-88256, JurisData n° 2002-015351.

- Cass. crim., 24 mai 2006, Bull. n° 152, AJ pén. 2006, p. 316, obs. C. GIRAULT ; AJ pén.

2006, p. 369, obs. G. ROYER.

- Cass. crim., 17 janv. 2007, Bull. n° 11.

- Cass. crim., 15 janv. 2008, Bull. n° 8, AJ pén. 2008, p. 195, obs. C. SAAS.

- Cass. crim., 12 mai 2009, Di Guiseppe, pourvoi n° 08-85.744.

- Cass. 1ère civ., 24 sept. 2009, UCB Pharma et Novartis Santé Familiale, pourvois n° 08-

10.081 et n° 08-16.305, RTD civ. 2010. 111, note P. JOURDAIN ; D. 2010. 50, note

P. BRUN, et 2672, note I. GELBARD-LE DAUPHIN ; RDSS 2009 p. 1161, note J. PEIGNE ;

RTD com. 2010. 415, note B. BOULOC ; JCP G 2009, n° 44, 381, note S. HOCQUET-

BERG ; RCA 2009, étude 15, par C. RADE.

- Cass. crim., 28 janv. 2010, n° 08-18.837, RCA 2010, n° 80 ; D. 2010 p. 2671, obs.

I. GELBARD-LE DAUPHIN et 2011 p. 39, obs. P. BRUN ; RTD com. 2010. 776, obs.

B. BOULOC.

Juridictions du fond :

CA Grenoble, 22 mars 1929, D. 1930, II, 33, note G. HOLLEAUX.

Page 469: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

469

TITRE 2 – L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION

COLLECTIVE SUR LE REGIME DE LA COACTION

Chapitre 1 – L’influence de la participation à une infraction unique sur le

régime de la coaction

Section 1 – La justification commune de l’infraction

Cour de cassation :

- Cass. crim., 16 févr. 1967, Couzinet, JCP G 1967, II, 15034, note R. COMBALDIEU.

- Cass. crim., 29 mai 1989, Rev. sc. crim. 1990, p. 76, obs. G. LEVASSEUR.

- Cass. crim., 5 janv. 2000, D. 2000, jur. p. 780, note B. DE LAMY.

- Cass. crim., 5 janv. 2000, Bull. n° 3, D. 2000, p. 780, note B. DE LAMY ; Rev. sc. crim.

2000, p. 606, obs. Y. MAYAUD et p. 817, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 11 juin 2002, Rev. sc. crim. 2002, p. 619, obs. J. FRANCILLON ; Rev. sc. crim.

2002, p. 881, obs. J.-F. RENUCCI ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93, obs. B. BOULOC ; D. 2004, p.

317, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2002, 2, 10161, note E. DREYER ; Dr. pén. 2002, com. 135,

obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 2002, p. 1745, note Y. MONNET.

- Cass. crim., 11 mai 2004, Bull. n° 117, D. 2004, jur. 2327, note H. K. GABA ; Rev. sc. crim.

2004, p. 866.

Juridictions du fond :

- CA Amiens, 22 avr. 1898, S. 1898, 2, note J.-A. ROUX.

- CA Amiens, 22 avr. 1899, S. 1899, 2, 1, note A. ROUX ; DP 1899, 2, p. 329, note

L. JOSSERAND.

- T. Corr. Cherbourg, 6 fév. 1945, S. 1945, 2, p. 81.

Section 2 – L’oubli commun de l’infraction

Cour de cassation :

- Cass. crim., 15 déc. 1929, Bull. n° 342.

- Cass. crim., 10 fév. 1949, JCP G 1949, II, 4857, note J. COSTE ; Rev. sc. crim. 1949,

p. 338, obs. J. MAGNOL.

- Cass. crim., 4 déc. 1952, Bull. n° 294.

- Cass. crim., 23 nov. 1954, Bull. n° 343.

- Cass. crim., 3 fév. 1955, JCP G 1955, II, 8663, note P. CHAMBON.

- Cass. crim., 17 mai 1983, Bull. n° 48.

- Cass. crim., 20 fév. 1985, Bull. n° 83.

- Cass. crim., 8 janv. 1991, Bull. n° 15.

- Civ. 2ème, 22 avr. 1992, Bull. civ. II n° 127, D. 1992, p. 353, note PH. BURGELIN ; Dr.

pén. 1992, p. 226.

Page 470: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

470

- Cass. crim., 30 sept. 1992, Bull. n° 300.

- Cass. crim., 27 oct. 1993, Bull. n° 320.

- Cass. crim., 5 juil. 1995, Bull. n° 239.

- Cass. crim., 30 oct. 2002, Bull. n° 224.

Juridictions du fond :

CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.

Chapitre 2 – L’influence de la participation à sa propre infraction sur le

régime de la coaction

Section 1 – Le domaine matériel de la coaction

Cour de cassation :

- Cass. crim., 29 mars 1827, Bull. n° 66.

- Cass. crim., 2 juin 1832, Bull. n° 200.

- Cass. crim., 26 déc. 1857, Bull. n° 412 ; DP 1858, 1, 143.

- Cass. crim., 6 mars 1862, DP 1862, 1, 77.

- Cass. crim., 23 août 1877, Bull. n° 201.

- Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, 1, 41, note J.-A. ROUX.

- Cass. crim., 3 mars 1954, JCP G 1954, IV, 53.

- Cass. crim., 16 juin 1955, JCP G 1955.8851, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956 p. 99,

obs. A. LEGAL.

- Cass. crim., 25 oct. 1962, Lacour et Schieb-Benamar ; JCP G 1963, II, 12985, note

R. VOUIN, D. 1963, 221, note P. BOUZAT. ; Rev. sc. crim., 1963, p. 533, obs. A. LEGAL.

- Cass. crim., 3 mai 1966, Bull. n° 127.

- Cass. crim., 4 juin 1986, Lorly, cité in J.-Cl. Pénal Code, Complicité, art. 121-6 et 121-7,

PH. SALVAGE, 2005.

- Cass. crim., 30 avr. 1996, JurisData n° 1996-003834 ; Bull. n° 176; Rev. sc. crim., 1997,

p. 113, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE.

- Cass. crim., 4 juin 1998, JurisData n° 1998-003410, Dr. pén. 1998, comm. 142, obs. M.

VERON.

- Cass. crim., 26 mai 1999, JurisData n° 1999-002800 ; Bull. n° 103 ; Rev. sc. crim. 2000,

p. 621, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE.

- Cass. crim., 6 sept. 2000, JurisData n° 2000-006055.

- Cass. crim., 12 janv. 2011, pourvoi n° 10-83180.

Page 471: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

471

Section 2 – Les peines de la coaction

Juridictions européennes :

Cour EDH, 24 avr. 1990, Kruslin, n° 11801/85, D. 1990, p. 353, note J. PRADEL ; D. 1990,

p. 187, chron. R. KOERING-JOULIN ; Rev. sc. crim. 1990 p. 615, obs. L.-E. PETTITI ;

RTD civ. 1991, p. 292, obs. J. HAUSER.

Conseil Constitutionnel :

Cons. Constit., déc. n° 2010-39 QPC du 6 oct. 2010, D. 2010, p. 2744, obs.

I. GALLMEISTER, note F. CHENEDE ; D. 2011, p. 529, chron. N. MAZIAU ; AJ famille

2010, p. 487, obs. F. CHENEDE ; AJ famille 2010, p. 489, obs. C. MECARY ; Constitutions

2011, p. 75, obs. P. CHEVALIER ; RTD civ. 2010, p. 776, obs. J. HAUSER ; RTD civ. 2011,

p. 90, obs. P. DEUMIER.

Cour de cassation :

- Cass. crim., 29 nov. 1866, S. 1867, 1, 188.

- Cass. crim., 19 juil. 1895, DP 1900, I, 567.

- Cass. crim., 7 mars 1972, Bull. n° 84.

- Cass. crim., 30 janv. 1979, Bull. n° 44, D. 1979, IR p. 301.

- Cass. crim., 29 juin 2005, Bull. n° 201, Rev. sc. crim. 2005, p. 8669 ; obs. D.-N.

COMMARET, Rev. sc. crim. 2006, p. 619, obs. H. MATSOPOULOU ; RTD com. 2006,

p. 227, obs. B. BOULOC.

- Cass. crim., 21 oct. 2009, pourvoi n° 08-87474, Dr. pén. 2010, comm. 14, note A. MARON

et M. HAAS.

- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87651.

- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82582, D. 2010, p. 1352 ; D. 2010, p. 2236, point

de vue H. NICO ; RTD civ. 2010, p. 508, note P. DEUMIER.

- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83328, D. 2010, p. 1351 ; D. 2010, p. 2236, point

de vue H. NICO.

- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87307, D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO.

- Cass. crim., 19 janv. 2011, pourvois n° 10-85305 et 10-85159, D. 2011, p. 447, obs.

S. LAVRIC ; D. 2011, p. 800, note J.-B. PERRIER.

- Cass. crim., 12 sept. 2011, Bull. n° 177.

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Page 473: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

473

INDEX ALPHABETIQUE

(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

A

Abstention : 6, 208

- dans l’action : 209

- pure et simple : 210, 294

Abus de faiblesse : 284, 396

Aide et assistance : 10, 56, 188 et s., 489,

526

Amnistie : 399, 463, 466 et s.

- réelle / personnelle : 467

Association de malfaiteurs : 17, 30, 31,

34 et s., 484

Auteur

- direct : 163, 262

- indirect : 262

- juridique : 11, 249, 259

- juxtaposé : 14, 226, 523. V.

également juxtaposition d’actions

- matériel : 12, 13, 23, 122, 125,

232

- médiat : 71, 460

- moral : 12, 114, 115, 122, 232

- principal : 19 et s., 91 et s., 101,

102 et s., 117, 145, 166, 181, 513

Autorisation de la loi : 60, 436, 441

Autorité de la chose jugée

- au criminel sur le civil : 417 et s.

- au criminel sur le criminel : 407

et s.

Autorité de droit / de fait : 525. V.

également subordination de droit / de fait

B

Bande organisée : 17, 30, 39, 44 et s.

C

Causalité

- abstraite : 178, 317

- adéquate : 7, 185, 204, 211, 220,

221, 224, 228, 229

- certaine : 131, 135 et s., 151 et s.,

174 et s., 181 et s., 192, 223, 230,

424

- concrète : 225, 317, 421

- dans la coaction : 174 et s.

(exigence), 217 et s. (intensité)

- dans la complicité : 181 et s.

(exigence), 205 et s. (intensité)

- déterminante : 230

- indirecte : 7, 205 et s.

Chef d’entreprise : 163, 241 et s., 244

et s., 273, 278, 279, 290, 314

Commencement d’exécution : 178, 225,

229, 292 et s., 296, 298, 485 et s.

Page 474: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

474

- de l’infraction collective : 293

Communication :

- pénale : 323 et s.

- des circonstances aggravantes :

345 et s.

- des éléments constitutifs : 326

et s.

Complicité

- corespective : 9, 10, 133, 143 et s.,

350, 356

- de complicité : 95, 212 et s.

- de tentative : 105, 198, 481

- dol spécial : 94

- d’une infraction non

intentionnelle : 57, 125 et 126, 163

- l’entente dans la — : 93 et s.

- l’intention dans la — : 54 et s., 56

- par abstention : 122, 208 et s.

- par aide ou assistance : v. aide et

assistance

- par encouragement moral : 206

et s.

- par instigation : 10, 12, 42, 56,

111, 122, 213. V. également auteur

moral

- tentative de — : 212 et s.

Concomitance : 283 et s., 360, 364, 377

Contrainte :

- morale : 62, 64, 65

- physique : 62, 72 et s.

Coresponsables : 15

Criminalité organisée : 18, 30, 47, 49

et s., 499 et s.

Culpabilité :

- causes de non-— : 60 et s.

D

Délégation de pouvoir : 246, 253

Dépendance matérielle : 279 et s.

Dirigeant

- de droit : 245, 276

- de fait : 245, 276

Dol général : 50, 141

Dol spécial : 50, 94, 348

Dommages causés en groupe : 231, 333,

384, 419 et s. V. également imprudence

commune et violences collectives

Droits de la défense : 410, 449, 510, 513

et s.

E

Eléments constitutifs

- emprunt : 323 et s. V. également

communication

Elément injuste : 454 et s.

Elément légal : 448 et s., 456, 466, 467

Emprunt

- de criminalité : 13, 103 et s., 183,

324, 349, 356, 365, 483

- de matérialité : 71, 111 et s., 324,

483

- de pénalité : 103, 104, 143, 145,

147, 324, 350

- des circonstances aggravantes : v.

communication

Page 475: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

475

- des éléments constitutifs : v.

communication

Entente

- dans la coaction : 97 et s.

- dans la complicité : 93 et s.

- sur l’acte infractionnel : 121, 124

et s., 132

- sur le résultat infractionnel : 121,

122 et s.

- sur les circonstances aggravantes :

358 et s.

- sur les éléments constitutifs : 327

Erreur

- de droit : 60, 62, 64 et s.

- de fait : 60, 62, 69 et s.

Escroquerie : 95, 116, 238, 282, 287, 291,

302

Etat de nécessité : 60, 251, 437, 442, 445,

449, 454, 459, 460

Exportation illicite de stupéfiants : 114,

115, 452

Excitation à l’imprudence : 163

F

Fait principal punissable : 105, 114, 115,

192, 201, 205, 216, 239, 335, 415, 481

Faits justificatifs :

- conception objective des — : 447

et s.

- conception subjective des — : 439

et s.

- effet erga omnes des — : 451,

455, 459 et 460

- effet in personam des — : 440,

444, 452, 460

- effet in rem des — : 451, 455

Faute

- concurrente : 152, 153 et s.

- conjuguée : 152, 158 et s., 333

- intentionnelle : 122

- juxtaposée : v. juxtaposition

d’actions

- non intentionnelle : v. imprudence

- successive : 152

Faux : 74, 81, 116

Filiale : 266 et s.

G

Groupe de sociétés : 266 et s.

H

Homicide non intentionnel : 105, 133,

452

I

Identité de qualifications : 117 et s., 132

Imprudence

- commune : 151 et s., 231

- consciente : 56, 125, 126

- qualifiée : 163, 299, 303

- simple : 163, 299, 303

Imputabilité : 59

- causes de non-— : 60 et s., 68 et s.

Imputation

Page 476: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

476

- présomption d’— : 81, 308, 310,

312

Indépendance morale : 237 et s.

Indivisibilité

- des faits : 132, 138 et s.

- procédurale : 374 et s.

Infraction

- aggravée : 347 et s., 366

- attitrée : 329 et s.

- collective par nature : 30, 32 et s.

- commise collectivement : 30, 44

et s.

- complexe : 287, 336 et s.

- d’habitude : 288, 339 et s.

- non intentionnelle : 57, 71, 163,

179, 258 et s., 299, 421, 445. V.

également imprudence

Instigation : v. instigateur

Intention

- et participation : 54 et s.

Interdépendance :

- et entente : 92 et s.

- et matérialité : 279 et s.

- influence de l’— : 322 et s.

J

Juxtaposition d’actions : 19, 21, 23, 157,

273. V. également auteur juxtaposé

L

Légitime défense : 438, 441, 445, 451,

454, 458 et s.

M

Meurtre : 7, 9, 10, 45, 46, 70, 105, 112

et s.

Minorité : 60, 62, 64 et s.

Mobile : 50

- légitime : 442, 460

N

Négligence : v. imprudence

O

Omission : v. abstention

- infraction de commission par — :

258, 294

Ordre de la loi : 437, 454

P

Participation

- antérieure à l’infraction : 184,

294, 471, 502

- concomitante à l’infraction : 184,

283 et s., 294, 377, 502

- postérieure à l’infraction : 284

Peine justifiée : 9, 506 et s.

Personne morale :

- coaction entre — : 76 et s., 266

et s.

Page 477: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

477

- coaction entre une — et une

personne physique : 76 et s., 242,

296 et s.

- conception autonomiste de la — :

79 et s., 296 et s.

- faute diffuse de la — : 79, 82,

275, 306, 310

- organe collectif de la — : 79, 298

- présomption d’imputation à la — :

81 et 82, 308, 310, 312

- responsabilité « par ricochet » de

la — : 77, 78

- volonté propre de la — : 76 et s.

Préposé

- coaction avec le chef

d’entreprise : 247 et s.

- délégataire : 246

- non délégataire : 265, 299

Provocation : 232

R

Recel : 6, 39, 46, 400, 471

Récidive : 354, 356, 359, 361

Réciprocité

- et volonté de s’associer : 96 et s.

Représentation

- et personnes morales : 79 et s.,

297 et s.

- et coaction : 13, 24, 488

Requalification : 512 et s.

Responsabilité « en cascade » : 11

Révision : 414 et s.

S

Salarié : v. préposé

Scène unique de violences : v. violences

Société-mère : 266 et s.

Subordination

- de fait / de droit : 240 et s.

- entre personnes morales : 266 et s.

- entre personnes physiques : 243

et s.

- entre personnes morales et

personnes physiques : 242

T

Tentative : v. commencement d’exécution

- de complicité : 105, 192, 482 et s.

Trouble mental : 60, 62, 64 et s., 111

U

Unité de qualification : v. identité de

qualifications

V

Violation du secret professionnel : 327,

334, 449

Violences

- collectives : 133 et s., 161, 231,

377

- scène unique de — : 133, 134 et

s., 162, 333

Vol : 30, 47, 293

Page 478: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

478

Volonté

- de s’associer : 17, 53 et s., 92 et s.

- de la personne morale : 76 et s. V.

également personne morale

Page 479: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

479

TABLE DES MATIERES

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ........................................................................ 7

SOMMAIRE .............................................................................................................................. 9

INTRODUCTION .................................................................................................................. 11

PARTIE 1 – LA NOTION DE COACTION ....................................................................... 35

TITRE 1- UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION .................................................... 39

Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle .......................................................... 41

Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation ........ 42

§1- Les infractions collectives par nature..................................................................... 46

A- Identification des infractions collectives par nature............................................ 46

1- Identification positive ...................................................................................... 46

2- Identification négative ..................................................................................... 49

B- L’intérêt limité de la notion de coaction ............................................................. 52

§2- Les infractions commises collectivement .............................................................. 55

A- Identification des infractions commises collectivement. .................................... 55

B- L’intérêt retrouvé de la coaction ......................................................................... 58

1- Un mode de participation de droit commun .................................................... 59

2- L’incrimination d’un mode de participation relevant du droit pénal général .. 60

Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la participation ..... 62

§1- Le caractère intentionnel de la participation .......................................................... 63

§2 – Les conséquences du caractère intentionnel de la participation ........................... 66

A- La participation des personnes subjectivement irresponsables ........................... 67

1- Participation et causes de non-imputabilité ..................................................... 71

2- Participation et causes de non-culpabilité ........................................................ 74

B- La participation des personnes morales .............................................................. 79

Chapitre 2- Une participation à une infraction unique ................................................... 91

Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs ................................................... 93

§1- Une nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs ................. 93

A- La complicité indifférente à une entente ............................................................. 94

B- La coaction soumise à une entente ...................................................................... 97

Page 480: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

480

§2- Une nécessaire identité de qualifications entre coauteurs ...................................... 99

A- L’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur

principal .................................................................................................................. 100

1- Une disparité inenvisageable selon la théorie de l’emprunt de criminalité ... 100

2- Une disparité envisageable selon les autres conceptions de la complicité .... 104

a) La théorie du délit distinct .......................................................................... 104

b) La théorie de l’emprunt de matérialité ....................................................... 106

B- L’impossibilité d’une disparité de qualifications entre coauteurs ..................... 111

Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs ................................ 113

§1- Les objets possibles de l’entente .......................................................................... 114

A- L’entente sur le résultat infractionnel ............................................................... 114

B- L’entente sur l’acte infractionnel ...................................................................... 117

§2- Les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente ................................... 120

A- La coaction envisageable en cas de violences collectives ................................ 122

1- La théorie de la scène unique de violences .................................................... 122

a) Raisonnement retenu .................................................................................. 123

b) Fondement de la solution ........................................................................... 125

α) L’insuffisance de l’indivisibilité ............................................................ 126

β) La nécessité d’une entente ..................................................................... 128

2- Le rejet de la complicité corespective ............................................................ 130

a) Une théorie dépassée .................................................................................. 131

b) Une théorie contestable .............................................................................. 132

α) Critique technique de la théorie ............................................................. 133

β) Absence d’intérêt répressif de la théorie ................................................ 134

B- La coaction envisageable en cas d’imprudence commune ................................ 134

a) Définition ................................................................................................... 136

b) Absence d’entente ...................................................................................... 137

2- Exigence de fautes conjuguées ...................................................................... 138

a) Définition ................................................................................................... 139

b) Exigence supplémentaire d’une entente ..................................................... 141

TITRE 2- UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION ........................................ 149

Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif .................................. 153

Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction ............................... 153

§1- L’exigence de causalité en matière de coaction ................................................... 154

Page 481: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

481

A- Une exigence empruntée à l’action ................................................................... 154

B- Une exigence adaptée à la coaction .................................................................. 156

§2- L’exigence de causalité en matière de complicité .............................................. 160

A- Une exigence imposée par la cohérence du droit pénal .................................... 161

B- Une exigence confirmée en droit positif ........................................................... 163

1- Une exigence légale ....................................................................................... 163

a) En matière de complicité par aide et assistance ......................................... 163

b) En matière de complicité par instigation ................................................... 164

2- Une exigence jurisprudentielle....................................................................... 166

a) Le refus de sanctionner la participation inutilisée ...................................... 166

b) La recherche d’un encouragement moral ................................................... 168

Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction ................................. 173

§1- La complicité satisfaite par une contribution causale indirecte ........................... 173

A- La répression du simple encouragement moral ................................................. 174

B- La répression de la complicité de complicité .................................................... 178

§2- La coaction conditionnée à une contribution causale déterminante .................... 181

A- L’exigence d’une intensité causale ................................................................... 182

B- L’intensité causale exigée ................................................................................. 188

Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif ....................... 197

Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs................................................ 198

§1- L’absence de subordination entre personnes physiques au sein de l’entreprise .. 203

A- Détermination du chef d’entreprise ................................................................... 203

B- Détermination des infractions d’entreprise ....................................................... 206

1- L'infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise ............................. 208

2- L’infraction permise au préposé par le chef d’entreprise .............................. 213

a) L’apparente coaction du chef d’entreprise et de son préposé .................... 213

α) En cas d’infraction non intentionnelle du préposé ................................. 214

β) En cas d’infraction intentionnelle du préposé ........................................ 215

β) L’impossible coaction du chef d’entreprise et de son préposé .............. 216

§2- L’absence de subordination entre personnes morales au sein de l’entreprise ..... 220

A- En matière de pratiques anticoncurrentielles .................................................... 221

B- En matière de droit pénal du travail .................................................................. 225

Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs .............................................. 230

§1- Définition des actes de coaction .......................................................................... 231

Page 482: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

482

A- Des actes d’assistance réciproque ..................................................................... 231

B- Des actes concomitants ..................................................................................... 233

1- Définition de la concomitance ....................................................................... 233

2- Distinction avec la complicité ........................................................................ 237

§2- Transposition à la responsabilité des personnes morales ..................................... 242

A- La responsabilité par représentation de la personne morale ............................. 243

B- La responsabilité directe de la personne morale ............................................... 250

1- Le fondement de la responsabilité directe des personnes morales ................ 250

2- Compatibilité avec la notion de coaction ....................................................... 253

PARTIE 2- LE REGIME DE LA COACTION ................................................................ 265

TITRE 1- L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA

COACTION ............................................................................................................................ 267

Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale ............................ 269

Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective .... 273

§1- Les infractions attitrées ........................................................................................ 274

§2- Les infractions complexes .................................................................................... 282

A- Les infractions complexes stricto sensu ............................................................ 282

B- Les infractions d’habitude ................................................................................. 284

Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction

collective .................................................................................................................... 289

§1- Le principe de communication pénale entre coauteurs ........................................ 290

A- Le mécanisme de la communication ................................................................. 291

B- La distinction avec la complicité ....................................................................... 293

§2- Les conditions de la communication pénale entre coauteurs ............................... 295

A- Les critères envisageables ................................................................................. 295

1- La distinction entre circonstances réelles et personnelles .............................. 295

2- L’étendue de l’entente .................................................................................... 299

B- Le critère retenu ................................................................................................ 302

Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs ............................. 309

Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs ................................................................. 311

§1- La nécessité d’une indivisibilité entre coauteurs ................................................. 311

A- La connexité envisageable ................................................................................ 312

B- L’indivisibilité préférable .................................................................................. 313

Page 483: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

483

1- L’adéquation de la coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité .... 315

2- L’adéquation de la coaction aux définitions modernes de l’indivisibilité ..... 317

§2- Les effets de l’indivisibilité entre coauteurs ........................................................ 320

A- Effet principal de l’indivisibilité entre coauteurs .............................................. 320

1- Le conflit entre une juridiction de droit commun et une juridiction

d’exception ......................................................................................................... 321

2- Le conflit entre deux juridictions de droit commun ....................................... 324

B- Effets secondaires de l’indivisibilité entre coauteurs ........................................ 329

1- La prescription de l’action publique .............................................................. 330

2- La solidarité entre coauteurs .......................................................................... 332

Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs ................................................. 337

§1- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal ............................................... 337

A- L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives ..................... 339

B- La possibilité d’un recours en révision ............................................................. 342

§2- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ................................................. 345

A- L’absence d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ............................. 345

B- L’exigence d’une autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ..................... 346

1- L’établissement d’une présomption de causalité en matière pénale .............. 347

2- Les conséquences en matière civile ............................................................... 349

TITRE 2- L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION COLLECTIVE SUR LE REGIME

DE LA COACTION.................................................................................................................. 357

Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la

coaction .......................................................................................................................... 359

Section 1- La justification commune de l’infraction .................................................. 361

§1- Le rejet des conceptions subjectives des faits justificatifs ................................... 362

§2- L’adhésion aux conceptions objectives des faits justificatifs .............................. 366

A- La neutralisation de l’élément légal .................................................................. 367

B- La neutralisation de l’élément injuste .............................................................. 371

Section 2- L’oubli commun de l’infraction ................................................................ 379

§1- L’amnistie commune de l’infraction .................................................................... 380

§2- La prescription commune de l’infraction ............................................................. 383

Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la

coaction .......................................................................................................................... 389

Section 1- Le domaine matériel de la coaction .......................................................... 391

Page 484: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

484

§1- La tentative de coaction ....................................................................................... 391

A- L’absence de répression de la tentative de complicité ...................................... 392

B- La répression envisageable de la tentative de coaction ..................................... 394

§2- La contravention réalisée en coaction .................................................................. 396

Section 2- Les peines de la coaction .......................................................................... 399

§1- L’inutilité de peines autonomes ........................................................................... 400

A- Le caractère inadapté des peines autonomes à la coaction ............................... 400

1- L’absence de peines propres à la coaction dans les systèmes étrangers ........ 400

2- Le risque de confusion avec la criminalité organisée .................................... 404

B- Le caractère superflu des peines autonomes ..................................................... 404

1- Le régime intrinsèquement répressif de la coaction ...................................... 405

2- L’éventualité de peines adaptées à la complicité ........................................... 406

§2- L’inanité de la théorie de la peine justifiée .......................................................... 408

A- Les insuffisances de la théorie .......................................................................... 408

B- L’exigence d’une requalification....................................................................... 412

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 423

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 431

INDEX DE JURISPRUDENCE ............................................................................................ 455

INDEX ALPHABETIQUE .................................................................................................... 473

Page 485: LA COACTION EN DROIT PENAL - theses.fr

485

La coaction en droit pénal

Le coauteur est traditionnellement défini en droit pénal comme l’individu qui, agissant avec

un autre, réunit sur sa tête l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. Pourtant, il est

permis de douter de la pertinence de cette affirmation tant la jurisprudence comme la doctrine

en dévoient le sens.

En réalité, loin d’être cantonnée à une simple juxtaposition d’actions, la coaction doit être

appréhendée comme un mode à part entière de participation à l’infraction. En effet, elle

apparaît comme un titre d’imputation à mi-chemin entre l’action et la complicité, auxquelles

elle emprunte certains caractères. Autrement dit, elle se révèle être un mode de participation à

sa propre infraction. Surtout, son particularisme est assuré par l’interdépendance unissant les

coauteurs : parce que chacun s’associe à son alter ego, tous sont placés sur un pied d’égalité.

Ces différents éléments, qui se retrouvent dans sa notion et dans son régime, permettent ainsi

d’affirmer la spécificité de la coaction tout en renforçant la cohérence entre les différents

modes de participation criminelle.

Co-perpetration in criminal law

In criminal law, the co-perpetrator is classically presented as an individual who, acting jointly

with another, gathers all the constitutive elements of the offence. However, one may harbor

doubts concerning the relevance of this assertion since both case law and legal scholars

denature its meaning.

Actually, far from being limited to a mere juxtaposition of perpetrations, co-perpetration must

be understood as a full mode of participation in the offence. Indeed, it appears as a form of

imputation halfway between perpetration and complicity, from which it borrows some

characteristics. In other words, it proves to be a mode of participation in one’s own offence.

Above all, its particularism is provided by the interdependence between the co-perpetrators :

because each of them joins forces with his alter ego, all are placed on an equal footing. These

elements, which are found both in it’s concept and in it’s regime, demonstrate thereby the

specificity of co-perpetration while strengthening the coherence of the different modes of

criminal participation.

Mots-clés

Action, aide, autorité, causalité, circonstances aggravantes, chef d’entreprise, chose jugée,

commencement d’exécution, communication pénale, compétence, complicité, connexité,

emprunt de criminalité, entente, faits justificatifs, fautes concurrentes, fautes conjuguées,

filiale, groupe de sociétés, imprudence, imprudence commune, indivisibilité, infraction

collective, instigation, intention, interdépendance, participation, peine justifiée, personne

morale, préposé, résultat, solidarité, subordination, tentative, violences collectives.

Keywords

Perpetration, aiding and abetting, authority, causal link, aggravating circumstances, civilian

superiors, res judicata, initiation of execution, criminal communication, jurisdiction,

complicity, connexity, borrowing of criminality, common plan, justifications, subsidiary,

group of companies, recklessness, collective recklessness, imputability, imputation,

indivisibility, collective offence, instigation, intent, interdependence, participation, justified

sentence, legal persons, agent, accountability consequences of the conduct, solidarity,

subordination , attempt, collective violence.

Institut de sciences criminelles et de la justice – Université Montesquieu Bordeaux IV

4, rue du Maréchal Joffre – 33075 BORDEAUX CEDEX