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Foyer d’Accueil Médicalisé La Maison des Aulnes
La Cognition sociale : une dimension indispensable à intégrer
dans un lieu de vie collectif
Comment le déficit de conscience de soi et les troubles de la cognition sociale viennent perturber les interactions des résidents entre eux et avec les professionnels?
Avant-Propos
• Cette présentation est réalisée pour le groupe ergothérapie du CRFTC. Les auteurs de celle-ci ne sont pas des spécialistes de la cognition sociale. Elles s’appuient sur leur expérience professionnelle auprès d’adultes cérébro-lésées dans un établissement médico-social.
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Les relations interpersonnelles sont sous tendues par la cognition dite « sociale »
Partons d’une situation : Vous rencontrez dans la rue une ancienne connaissance (quelqu’un que vous avez apprécié mais que vous avez ensuite perdu de vue) néanmoins cette personne a beaucoup changé il/elle a perdu une vingtaine de kilos et a complètement modifié sa manière de s’habiller. Vous avez très envie de l’aborder mais vous hésitez. Pourquoi ?
Nous avons un «cerveau social qui interagit avec d’autres cerveaux en analysant et en se représentant les états mentaux d’autrui » Etat mental : « ce que je pense » Interprétation des états mentaux d’autrui :
« ce que je pense que l’autre pense… » = théorie de l’esprit
La cognition sociale : définition
Ensemble des aptitudes et expériences émotionnelles et sociales qui régulent les relations entre les individus et permet d’expliquer les comportements individuels ou groupaux.
Trois grands processus de la cognition sociale communiquant entre eux (McDonald, 2013)
1. Perception des visages, du discours, des gestes, des mouvements sociaux pertinents
2. La cognition sociale « chaude » : perception des émotions et empathie émotionnelle et la cognition sociale « froide » : théorie de l’esprit, empathie cognitive, inférence pragmatique
3. Éléments ayant trait à la régulation : conscience de soi, autoréflexion, contextualisation, contrôle cognitif, régulation émotionnelle
La cognition sociale est indispensable à la régulation des conduites et des interactions
sociales. Personnes avec un cerveau non lésé: • aptitudes plus ou moins développées • dépendantes de l'éducation, du milieu culturel,
des expériences émotionnelles vécues. Personnes avec une lésion cérébrale : des études montrent qu'il existe des déficits au niveau des différents processus décrits précédemment.
« les dommages cérébraux quels qu’ils soient, ne provoquent jamais seulement des détériorations cognitives mais toujours
aussi des détériorations émotionnelles…» (Les nouveaux blessés, Catherine Malabou, 2007)
Cas de Phineas Gage (Damasio, 2001) Lésions du lobe pré-frontal (orbito-frontal) : « Gage n’était plus gage » Exemple de Monsieur R
EVALUER la cognition sociale (Etchepare, Merceron, Amieva, Cady, Roux, Prouteau, 2014)
1. Epreuves évaluant la théorie de l’esprit : tâche de fausse croyance, tâche de faux-pas
2. Epreuves évaluant les capacités à reconnaitre les émotions faciales : Faces test
3. Epreuve évaluant le lexique émotionnel par la tâche de fluence émotionnelle
4. Epreuve évaluant la conscience émotionnelle (Bydlowski et al. 2002) (« capacité à décrire et à se représenter des états émotionnels distincts sur soi et sur autrui »)
5. Epreuve évaluant le niveau d’alexithymie (« difficulté à identifier et décrire ses émotions »)
6. Evaluation de la conscience de soi
Tâche de fausse croyance
Tâche de faux-pas : inférer des états mentaux affectifs (Stone, Baron-Cohen & Knight, 1998)
Céline est une petite fille de 3 ans avec un visage rond et des cheveux blonds courts. Elle se trouve chez sa tante Carole. La sonnette retentit, sa tante Carole ouvre la porte. C'est Marie, une voisine. Sa tante Carole dit alors : "Bonjour ! Ravie que tu te sois arrêtée." Marie répond : "Bonjour", et ajoute en regardant Céline : "Oh, je ne pense pas avoir déjà rencontré ce petit garçon. Quel est ton nom ?" Est-ce que quelqu'un a dit quelque chose qu'il n'aurait pas dû dire ou a dit quelque chose de maladroit ? Si oui, demandez : - Qui a dit quelque chose qu'il n'aurait pas dû dire ou a dit quelque chose de maladroit ? - Pourquoi il/elle n'aurait-il pas dû le dire ou pourquoi était-ce maladroit ? - Pourquoi pensez-vous qu'il/elle l'a dit ? - Marie savait-elle que Céline était une fille ? - Que pensez-vous que Céline ait ressenti selon vous ? Questions contrôle : Dans l’histoire, où est Céline ? Qui est venu rendre visite ? Figure 9. Exemple d’histoire avec faux pas
La fluence émotionnelle
• Evalue l’accès et la richesse du lexique émotionnel
• Consiste à donner le plus de noms d’émotions ou de sentiments possibles en deux minutes
• Mesuré par 5 dimensions :
-Pensée opératoire -Appauvrissement de la vie fantasmatique -Réactivité émotionnelle -Difficultés à reconnaitre un état émotionnel - Difficultés à exprimer ses émotions à autrui
BAVQ : le questionnaire d’Alexithymie
Conscience de Soi (terme employé en réadaptation) : «la capacité de percevoir le soi de manière relativement objective tout en
maintenant un côté subjectif » (Prigatano et Schacter 1991). • Reconnaissance par le patient de ses propres forces et de ses propres
limites, en particulier la capacité de comprendre la nature de son incapacité et d'en apprécier les répercussions.
La conscience de soi est un processus cognitif nécessitant l'intégration de l'information issue à la fois de la réalité extérieure et de son expérience personnelle. L’anosognosie correspond à une conscience de soi erronée.
Evaluation de l’anosognosie
Questionnaire sur les troubles de la mémoire QAM ?
Questionnaire de qualité de vie ? Etonnant de voir les réponses des résidents à la question "Globalement êtes-vous gêné (e) par les suites de votre traumatisme crânien ?"
Questionnaire famille/patient : on calcule la différence de
perception entre le patient et sa famille comme un score d’anosognosie
Question du profil des AVQ sur le retentissement du handicap dans la vie quotidienne
Conséquences d’une moindre conscience de soi notamment dans un lieu de vie collectif ?
• Le résident ne comprend pas pourquoi il est là • Ne comprend pourquoi il ne peut pas sortir seul • Propose des projets non réalistes (de notre point de vue...) • N’adhère pas aux outils proposés (notamment par rapport à la
mémoire) • Nombreux quiproquos et incidents entre résidents, parfois avec les
professionnels du FAM et dans le monde « ordinaire »
Nécessité d’un accompagnement à la conscience de soi sur du long terme (ex : une évolution positive Monsieur Du, Monsieur De)
Les autres déficits impactant la cognition sociale
L’ Aphasie Quand la compréhension est touchée : les phrases
longues, les formes verbales complexes, les sous-entendus, l’ironie Quand l’expression est touchée et que les seuls mots qui
sortent sont des insultes La basse-vision, les difficultés d’audition Lenteur de traitement de l’information (M. B, Mme F…) Le manque de flexibilité
Etudes de cas : Madame T
• Interprétation erronée des émotions faciales et de la prosodie • Trouble de la mémoire : ne peut pas comprendre ce qui lui est
reproché par les autres résidents car ne se souvient pas des épisodes d’altercation et de ce fait ne peut pas réguler son comportement en fonction des expériences émotionnelles vécues précédemment.
sentiment de persécution : « elle me parle agressivement ». Elle ne comprend pas ce qui lui est reproché par certains résidents.
Peut mener à la paranoïa sur des personnalités non paranoïaques
Anosognosie des troubles cognitifs trouble de la mémoire et confabulations mauvaise interprétation des intentions d’autrui incompréhension de la distance avec laquelle les professionnels l’abordent Délire de persécution renforcé par les confabulations : Importantes difficultés du travail sur la conscience de soi traitement neuroleptique lourd pour éviter passage à l’acte
Etudes de cas : Monsieur C
• Monsieur K : anosognosie difficulté prise en charge vie quotidienne.
• Monsieur B : alexithymie, sentiment
d’impénétrabilité, peu de capacité d’empathie , conscience de soi satisfaisante.
• Mme P : alexithymie, expression faciale pauvre, conscience de soi satisfaisante.
Comment permettre par nos interventions de thérapeutes
l’intégration de la cognition sociale au sein d’un lieu de vie ?
Médiateur des relations entre les résidents dans chaque groupe thérapeutique et sur les temps de vie quotidienne (Ergo présente 2X. Sem au repas)
Evaluation ( bilan psychologique, neuropsychologique) suivi thérapeutique (suivi individuel, travail de groupe : « Flash sur les Emotions », mimes…)
Personnes ressources auprès des autres professionnels du FAM : lors des temps
informels, lors de la réunion quotidienne de transmissions, lors des réunions de coordination avec l’équipe éducative,
auprès des intervenants extérieurs, (Musicothérapeute, Professionnels APAS, Bénévoles des Resto du C…)
auprès de l’entourage (projet pôle psy de rencontrer les familles)
Favoriser le questionnement socratique (pensez-vous que votre comportement est adapté ?)
Favoriser l’expression des ressentis en les aidant à formuler leurs émotions à partir de ce que vous percevez. Par exemple : Je sens que vous êtes énervé (e). Que vous arrive t-il ?
Ne pas tenter de trouver « des solutions » à leurs difficultés mais juste reconnaitre leur vécu et écouter leur subjectivité : « J’en ai marre d’être ici » ; « J’ai mal au dos ».
Revenir en équipe sur les situations complexes d’interactions afin de réfléchir ensemble sur l’attitude à adopter (importance de l’humilité dans tout travail « social »)
Adapter son discours aux personnes ayant des troubles de la cognition sociale et notamment de la conscience de soi
Groupe de Réadaptation du Fonctionnement Social
1 thème : Prendre les transports en commun parisien Connaitre sa situation financière, gérer son budget 1X/ semaine pendant 6 à 8 semaines Grp fermé de 3 à 5 résidents
BUT : Prise de conscience de leur propre situation, de leur propre
fonctionnement en tant que personne cérébro-lésé vivant en institution Proposition d’évolution pour gagner en autonomie, en responsabilité Trouver des outils individuels appropriés, les expérimenter, rendre
routinière leur utilisation. LIMITES : les habitudes sont ancrées tant au niveau du fonctionnement du
résident qu’au niveau du fonctionnement institutionnel dans l’accompagnement éducatif.
Pour conclure : Nous tentons de sensibiliser tous les professionnels au fait que
leur cerveau non lésé en interaction avec des personnes au cerveau lésé joue un rôle de médiateur relationnel.
Les professionnels doivent prendre conscience de leur importance dans la régulation des interactions entre les
résidents notamment en corrigeant les erreurs d’interprétation.
Et surtout avoir conscience que même avec un cerveau non lésé nous faisons tous des erreurs d’interprétation des états
mentaux d’autrui…
Nos interventions se réalisent donc tant auprès des résidents qu’auprès des professionnels.
Bibliographie Articles : • Stone, V. E., Baron-Cohen, S., & Knight, R. T. (1998). Frontal lobe contributions to theory of mind. Journal of Cognitive Neuroscience, 10(5),
640-656.
• Baron-Cohen, S., Wheelwright, S., Hill, J., Raste, Y., & Plumb, I. (2001). The 'Reading the mind in the eyes‘ Test revised version: A study with normal adults, and adults with Asperger syndrome or high-functioning autism. Journal Of Child Psychology And Psychiatry, 42(2), 241-251.
• Etchepare, A., Merceron K., Amieva, H., Cady, F., Roux, S., Prouteau, A., (2014). Evaluer la cognition sociale chez l’adulte : Validation préliminaire du protocole d’évaluation de la cognition sociale de Bordeaux (PECS-B), Revue de neuropsychologie, 6 (2), 138-149
• Martin-Rodriguez, J.F., Léon-Carrion, L. (2010). Theory of mind deficits in patients with acquired brain injury : a quantitative review, Neuropsychologia, 48, 1181-1191
• McDonald, S. (2013). Impairments in social cognition following severe traumatic brain injury, Journal of International Neuropsychology Society, 19, 231-246
Livre : Malabou, C., (2007). Les nouveaux Blessés : de Freud à la Neurologie, penser les traumatismes contemporains, Fayard
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