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Mensuel protestant belge • ÉGLISE PROTESTANTE UNIE DE BELGIQUE N° 2 - Février 2014 Mensuel sauf août • Prix au numéro : 2,00 • P 505016 • Éd resp. : S. Fuite, Rue Brogniez 44 – 1070 Bruxelles La colère Photo : Fotolia @ vbaleha PB- PP B- BELGIE(N) - BELGIQUE 04785

La colère - epub.be · Marre, marre ! » (NB : La formule existe aussi en mode plus grivois). ... Au début de la création c’est le souffle que Dieu lance dans les narines de

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Mensuel protestant belge • Église Protestante Unie de BelgiqUe • n° 2 - Février 2014Mensuel sauf août • Prix au numéro : 2,00 • P 505016 • Éd resp. : S. Fuite, Rue Brogniez 44 – 1070 Bruxelles

La colère

R 10 G 123 B 166R 240 G 146 B 5R 251 G 201 B 139R 253 G 228 B 198

C 100 M 0 Y 9 K 30C 0 M 51 Y 100 K 1C 0 M 25,5 Y 50 K 0,5C 0 M 12,75 Y 25 K 0,25

PANTONE 314 CPANTONE 152 C

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En colère !« Bon, maintenant, ça suffit ! Marre, marre ! » (NB : La formule existe aussi en mode plus grivois).

A des degrés divers, il nous arrive à tous d’exprimer quelques fois notre rage ou notre énervement face à une situation qui ne se déroule pas exactement comme nous le souhaiterions. Bien souvent alors, ensuite, il nous faut le temps de nous apaiser, le temps de revenir à un état « normal » comme on dit. Quel curieux mécanisme ou état d’esprit que celui-là, mais en même temps tellement humain…

Si vous possédez une concordance biblique, vous risquez alors d’être sur-pris en constatant à quelle fréquence la colère est associée à Dieu dans les Ecritures saintes ! Dieu se met en colère et, c’est visiblement là un signe de sa puissance. On craint ou on souhaite fuir la colère ou la fureur divine. Parfois même, comme dans certains psaumes, on voudrait qu’elle s’abatte sur les ennemis… C’est même à se demander si la colère ne constituerait pas l’un des principaux qualificatifs de l’Eternel. Un comble ou une hérésie serait-on tenté de dire. Et pourtant…

Comme les rédacteurs de ce mois nous le feront remarquer, il existe bien différents types de colère. En effet, râler dans les embouteillages ou s’énerver contre l’ordinateur qui déconne encore, ce n’est pas vraiment pareil que le parent aimant qui hausse la voix pour protéger et guider son enfant ou celui ou celle qui s’insurge contre une injustice flagrante ! La colère n’est donc pas toujours mauvaise conseillère, comme le dit l’adage populaire. Elle peut, au contraire, être parfaitement justifiée ou légitime. Jésus (lui-même !) s’est mis réellement en colère contre les marchands du temple ou contre ceux qui étaient trop obtus (Marc 3.5) et on aurait bien tort d’édulcorer ou d’adoucir ces passages. N’oublions pas qu’être disciple du Christ implique aussi une remise en question perpétuelle de notre manière d’être, d’agir et de penser. Et quelquefois, cela doit se faire de manière ferme !

Patrick Wilmotte

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Éditorial 2

Coup de projecteur

La colère 3

Femmes 2000 4

Un homme en colère 5

La colère : l’accepter, la vivre et

la subir est une autre histoire… 10

Bible ouverte

…Que le soleil ne se couche

pas sur votre colère 16

La Bible en 6 ans 17

Place aux jeunes

Comment considérer la colère ? 18

De ci, de là

Vive Madiba 19

Hommage au président

Nelson Rolihlahla Mandela 21

Agenda

Colloque « Recherche et Vie » 23

A la rencontre du pays aux

milles collines et de l’EPR 23

Mois de mars :

Nos droits et nos devoirs

Éditorial

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oup de projecteur

La colère

Pour les catholiques, c’est un des sept péchés capitaux. Mais pour le com-mun des mortels c’est quoi ? C’est si grave que cela ? Comment cela se manifeste-t-il ? Cela fait-il peur ? Peur de sa propre colère ? Peur de la colère des autres ?

Tout le monde vous le dira : c’est un vilain défaut... surtout celle des autres qu’il faut affronter. Personnellement je ne peux supporter la colère des jeunes enfants qui ne savent pas encore s’exprimer et qui rugissent, la bouche baveuse, des larmes plein les yeux, la gorge éructant des sons inarticulés. Comment les comprendre ? Les cal-mer ? Cela me mettait dans des états d’angoisse que j’avais du mal à gérer. Comment arriver à ce que l’enfant, en face, hurlant et fulminant se calme et puisse dire ce qu’il a sur le cœur ?

J’avais trouvé un truc pour essayer de le calmer ... souffler de toute son énergie sur n’importe quoi : sa main, la mienne, une herbe.... Afin d’au moins calmer ce flot de rage jusqu’au mo-ment où il pourra dire avec ses propres mots ce qu’il ressent....Cela marche assez bien quand l’enfant sait parler mais quand il s’agit d’un bébé qui ne parle pas c’est impossible et il m’est arrivé de passer une nuit en-tière avec une de mes filles que je ne suis pas arrivée à calmer et n’ai jamais su le sujet de sa rage ou de son effroi....Faut-il laisser le jeune enfant hurler sa colère dans un coin reculé de la maison et attendre que cela passe en proclamant bien haut :’’ cela lui fait

les poumons ‘’ ? Personnellement j’en suis incapable.

La colère passe rarement. Il en reste presque toujours une empreinte ... mais quand le tout jeune enfant ne sait pas dire ce qu’il ressent ? Quand on s’est assuré qu’il ne semble pas avoir mal, que c’est plus profond et non- exprimable, il ne reste que le câlin en réponse à la détresse et la souffrance engendrées par cette colère non ex-primée.

Mais la colère des adultes, c’est quoi ? A ne pas confondre avec l’irritation, la mauvaise humeur, celui qui s’est ‘’levé du pied gauche ‘’. Parle-t-on alors de colère ? Ou simplement d’énerve-ments, d’accumulation de contrarié-tés, de différends dans la manière de voir les choses...La colère a quelque chose de violent, d’irréfléchi, de presque reflex. C’est un état qui nous saisit quand les mots ne viennent plus, quand cela déborde et nous envahit sans contrôle. La colère vient du mot choléra. Est-ce que cette maladie qui n’est plus courante aujourd’hui et qui déclenchait des excès de bile, provoquait ces états de non- contrôle ?

La colère est un vilain défaut, dit-on ; elle fait peur parce qu’elle déclenche des accès de violence incontrôlée. Une personne en colère n’est plus raisonnable : on ne peut ni discuter, ni lui faire entendre ce qui nous parait ‘’ raisonnable ‘’. ...Mais une solution ‘’ raisonnable’’ ré-fléchie n’est peut-être pas toujours la

bonne. Si on regarde l’histoire ce sont souvent des hommes et des femmes ‘’ révoltés ‘’ qui ont permis des chan-gements.Il fallait une belle force d’âme pour s’engager, pour enfreindre les cou-tumes, les lois. Dire simplement qu’on n’est pas d’accord n’amène aucun changement. Il faut souvent aller plus loin, crier sa colère, s’indigner....

C’est là qu’intervient le jugement, l’appréciation, car nous sommes sans cesse invités à réagir. Est-ce que cette facilité, avec laquelle nous pouvons nous insurger contre les mille et une choses qui ne demandent qu’une si-gnature ou une adresse mail, n’est pas le tombeau des saintes colères qui ont saisi des femmes et des hommes qui voulaient créer un monde plus juste, plus humain, plus respectueux des valeurs qui sont sensées être plus conformes à ‘’ pour faire court’’ ce que Dieu nous demande ? A force de signer des pétitions, ne canalisons-nous pas nos colères vers des voies plus tran-quilles, plus raisonnables ? Et pourtant il y a là de profonds engagements ...

On parle également de ‘’saintes co-lères’’, La Bible nous décrit des colères de Dieu, ses emportements contre le mal, contre la méchanceté, l’injustice, le déni... Le mot hébreu est proche des narines et du souffle. Au début de la création c’est le souffle que Dieu lance dans les narines de l’homme. Ce souffle est Esprit mais aussi violence et c’est sur ce difficile et périlleux par-tage que se joue la colère. On parle ainsi d’une sainte colère provoquée

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par la méchanceté, le pouvoir et les abus de l’humain.Comment vivre entre cette colère qui va de la simple irritation devant ce qui nous dérange et de cette sainte colère qui nous permet de nous mobiliser et de nous donner des forces pour lut-ter contre tout ce qui avilit l’humain, la création et Dieu au travers de son œuvre.

Il me semble ‘’ juste et bon ‘’ de se mettre en colère contre toutes les injustices humaines, contre tout ce qui dégrade l’humain, ses relations, son environnement. Et hélas les mobilisations ne manquent pas, les appels fleurissent et surabondent... Cette profusion n’émousse-t-elle pas nos possibilités de révolte. A force de défendre et de prendre parti ‘’ pour ‘’, ou plutôt, ‘’ contre’’ tous les maux que la société engendre, nous risquons d’émousser notre colère, cette sainte fureur et nous ne libérons plus qu’un sentiment de profonde injustice...Et pourtant ces engagements ont du poids et du prix, et même des effets....

Alors la colère : un vilain défaut ?On est loin de l’enfant écumant, ba-vant, et crachant son désespoir quand on considère l’engagement, l’entête-ment, l’indignation de certaines per-sonnes qui ont donné leur énergie, leur force et souvent leur vie pour changer le monde.Et pourtant c’est le même mot.

Pasteur Jeanne Somer-Gotteland

La colère (suite)

Coup

de projecteur

Prix de la journée (repas chaud inclus) : 25 €

Date limite d’inscription : 21 mars 2014

Inscription définitive après paiement :Femmes 2000 BelgiqueBE87 0682 4701 7294

Inscription par email ou courrier à :Chantal MeunierRue Libioulle 5 Bte 106001 [email protected]

Lieu : Camp de Limauges Chemin de Bigaumont 1341 Céroux-Mousty

Talon réponse - Rencontre pour femmes engagées…

Prénom :

Nom :

Adresse :

Tél. :

E-mail :

Eglise :

Responsabilité :

« Précieuse pour Dieu et active avec lui » avec Nelly Sinclair

Nelly est mariée avec Christopher et mère de 2 jeunes adultes.Comme responsable de « La Traversée » (lieu d’accueil et d’écoute) et comme intervenante

dans divers contextes, elle a développé un ministère d'enseignement et de formation. Son approche est fondée sur la bible et elle prend en compte les divers aspects de la vie et de la personne.

OratriceOratrice : Nelly Sinclair - Kuen

Femmes2000

Belgique

Journée de ressourcementPour femmes engagées dans un service spirituel

au « Camp de Limauges »Le 29 mars 2014

visitez notre sitewww.femmes2000.eu

Françoise Lukusa

0487 10 44 77

[email protected]

•Bluette Estievenart

0499 40 27 27

[email protected]

ContactsContacts

Accueil et café à 9h30•Rencontre à 10h

•Diner chaud

•Rencontre

•Convivialité« aller à la recontre de l’autre »•

Librairie

ProgrammeProgramme

Thème :

« Précieuse pour Dieu

et active avec Lui »

Enseignements et

applications pratiques

Membres du comité belge : Chantal Meunier, Françoise Lukusa, Arla Bracke, Marie Druart, Bluette Estievenart,Sylvanna Ferrarini, Rosanna Geva, Hortense Mutonji et Chantal Tshombe.

Prix de la journée (repas chaud inclus) : 25 €

Date limite d’inscription : 21 mars 2014

Inscription définitive après paiement :Femmes 2000 BelgiqueBE87 0682 4701 7294

Inscription par email ou courrier à :Chantal MeunierRue Libioulle 5 Bte 106001 [email protected]

Lieu : Camp de Limauges Chemin de Bigaumont 1341 Céroux-Mousty

Talon réponse - Rencontre pour femmes engagées…

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E-mail :

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Responsabilité :

« Précieuse pour Dieu et active avec lui » avec Nelly Sinclair

Nelly est mariée avec Christopher et mère de 2 jeunes adultes.Comme responsable de « La Traversée » (lieu d’accueil et d’écoute) et comme intervenante

dans divers contextes, elle a développé un ministère d'enseignement et de formation. Son approche est fondée sur la bible et elle prend en compte les divers aspects de la vie et de la personne.

OratriceOratrice : Nelly Sinclair - Kuen

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au « Camp de Limauges »Le 29 mars 2014

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Françoise Lukusa

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0499 40 27 27

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et active avec Lui »

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Membres du comité belge : Chantal Meunier, Françoise Lukusa, Arla Bracke, Marie Druart, Bluette Estievenart,Sylvanna Ferrarini, Rosanna Geva, Hortense Mutonji et Chantal Tshombe.

Un homme en colère

La colère ! Ah, la colère…Que d’émotions elle suscite en nous, que de souvenirs, de peurs, de regrets, de délivrances, de troubles ! On y perçoit même quelque chose relatif au sacré, tant on passe à son sujet du tremendum au fascinans, de l’effroi à la fascina-tion pour son pouvoir destructeur ou libérateur. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle la colère est souvent associée à la divinité et dans la Bible à Dieu.Actuellement, la colère est assez tendance et est mise à toutes les sauces. Il est de bon ton de se dire « en colère » ; ce serait donc dommage de faillir à la règle !« Un imam en colère » (Tareq Oubrou) ; « Un bouddhiste en colère » (Seth Greenland) ; il n’y a pas encore de « pro-testant en colère », mais patience !La colère à toutes les sauces (même à l’aubergine), en voici un échantillon en découvrant quelques titres de livres sur les premières pages d’un célèbre moteur de recherche : La colère du grand Sphinx (énigmatique) ; La -- de la momie (elle revient –encore et toujours !), La -- des dieux aztèques (pourront-ils égaler Cortès ?), La -- des volcans (surtout islandais), La -- de Gaïa (en faux gras), La -- des aubergines (qui voient rouge au milieu des tomates)… Et puis, L’ (inévi-table) colère de Dieu (de Paul – non le Saint, mais Harding), concept qui s’exprime plus poétiquement encore dans Le vin de la colère divine, faisant écho aux (célèbres) raisins de la colère, roman de John Steinbeck, dont le titre (trouvé par son épouse !) renvoie à Apocalypse 14.19, 20 : « L’ange…coupa les grappes de la vigne…et les jeta dans le grand pres-soir de la colère de Dieu ».Ce thème va-t-il inspirer les théologiens ? La colère a la cote, mais pas vraiment celle de Dieu ! C’est Lytta Basset qui ouvre la marche avec son classique Sainte colère, Jacob, Job, Jésus qui m’a fort inspiré sur ce thème ; vient ensuite Oser la colère, théologie d’une émotion (Yves-Alexandra Thalmann) sorti en octobre dernier ; et encore Jours de colère de Sylvie Germain, un conte cruel au cœur des forêts du Morvan ; puis dans la gamme psy, nous n’avons que l’embarras du choix : Que dit votre colère ? ( ten-dez-lui le micro et en duo dansez le tango) ; Transformez votre colère en émotion positive (« Think positive » à la ma-

nière de Steve Jobs); La sagesse de nos colères (de la sagesse en toute chose, même dans la folie, dont on a fait l’Eloge) ; La colère, cette émotion mal-aimée (ça dépend pour qui) ; Exprimer sa colère sans perdre le contrôle, etc.On est loin de la sagesse des Anciens qui nous décon-seillaient de dormir sur notre colère et, comme Sénèque, mettaient en garde son ami Novatus contre cette passion « hideuse et effrénée » :« Vous exigez de moi, Novatus, que je traite par écrit des moyens de guérir la colère ; et je vous applaudis d’avoir craint particulièrement cette passion, de toutes la plus hideuse et la plus effrénée. Les autres, en effet, ont encore un reste de calme et de sang-froid : celle-ci n’est qu’impétuosité ; toute à l’élan de son irritation, ivre de guerre, de sang, de supplices ; sans souci d’elle-même, pourvu qu’elle nuise à son ennemi ; se ruant sur les épées nues, et avide de vengeances qui appelleront un ven-geur. » Le remède du moraliste est simple : il suffit de lutter contre la colère… en ne se mettant pas en colère ! Variante : en se mettant en colère…contre sa colère !L’Église catholique en a même fait un des sept péchés capi-taux : «La colère est un désir de vengeance […] Si la colère va jusqu’au désir délibéré de tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement contre la charité ; elle est péché mortel. » Et le Catéchisme de l’Église catholique de conclure par cette citation tirée de l’Évangile : « Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du juge-ment » (Mat. 5.22). Donc si vous vous mettez en colère, conseil d’un moraliste : évitez de tuer celui qui vous a offen-sé. Vous vous épargnerez deux peines : la prison et l’enfer.C’est malheureusement le conseil que n’a pas suivi Brad Pitt. La colère meurtrière, dont nous parlait Sénèque, « ivre de guerre et de sang », nous en avons un bel exemple dans Homère…« Chante la colère, déesse, du fils de Pélée, Achille, colère fu-neste, qui causa mille douleurs aux Achéens, précipita chez Hadès mainte âme forte de héros, et fit de leur corps la proie des chiens et des animaux innombrables : la volonté de Zeus s’accomplissait. »

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C’est donc par ces vers que s’ouvre le chant I de l’Iliade : « Chante la colère »… Non celle d’un dieu, mais d’un héros célèbre de la guerre de Troie, une de ces colères fameuses de l’Antiquité, qui fait comme le fil conducteur de toute l’épopée. Colère au côté (auto)destructeur, empreinte d’orgueil, d’amour-propre blessé, de ressentiment et de désir de vengeance ; Achille, l’homme en colère dépossédé de son propre « noos » (esprit, raison), semblable à une bête sauvage, à un feu ravageur, à un lion indomptable. Rien ni personne (tous les héros grecs, Ulysse en tête, s’y sont essayés) ne peut arrêter cet être littéralement hors de lui.Cette colère s’opère en deux temps. Contre Agamemnon d’abord, le chef de l’expédition grecque, qui lui en-lève sa captive, Briséis ; contre Hector ensuite, le fils du roi Priam, et à travers lui contre les autres Troyens, qui lui ravit par la mort son meilleur ami, Patrocle. Achille y est blâmé par les dieux eux-mêmes pour son ab-sence de pitié et son aveuglement, la perte de sa capacité de discernement et de raisonnement. Fou de douleur, il en vient ainsi aux chants XX et XXI à provoquer un car-nage parmi les Troyens et à outrager à plusieurs reprises le cadavre d’Hector qu’il vient de tuer (chants XXII à XXIV) à tel point qu’il encourt la colère de Zeus.Sensible aux souffrances de Priam, qui vient lui racheter le corps de son fils, conscient de l’imminence de sa mort, il parvient à faire un retour sur lui-même et à sortir (enfin !) de sa colère, en comprenant que c’est Zeus lui-même qui lui enjoint de se calmer. Zeus, image de son surmoi (ou de sa conscience) découvrant en Priam l’image de son propre père qui lui commande de respecter la douleur de ce père autre et de ne pas enfreindre le domaine du sacré.« Faire un retour sur soi-même », c’est aussi ce que Dieu demande à Caïn qui fulmine de colère contre son frère dont le sacrifice a été agréé, à la différence du sien :Ça brûle beaucoup Caïn et son visage s’affaissa. Le Seigneur dit à Caïn : « Pourquoi cela t’a-t-il brûlé ? Pourquoi ton visage s’est-il affaissé » ? (Gen. 4.5, Traduction Lytta Basset)Le visage affaissé, on pourrait croire que Caïn « tire la gueule ». En fait, son mal est plus redoutable ; il est malade de jalousie et sa colère, qui se porte initialement contre

Dieu, se retourne contre son frère. Il brûle, il bouillonne de colère, il se consume en une rage silencieuse. Comme le souligne Elie Wiesel, Caïn ne parvient pas à extérioriser sa colère, il ne peut pas la crier ; comme il doit la rentrer en lui-même, elle se transforme eu une haine puissante. A cet égard Caïn est l’antitype de Job. Un détail du texte retient mon attention ; au moment où Caïn se trouve en face de son frère et qu’il ouvre la bouche pour lui parler…il reste muet ! Et Caïn dit à Abel son frère… (4.8) Mais Caïn ne dit rien et au lieu de faire exploser sa colère par des mots, il le fait (à la ligne suivante) par un double acte…mortel. Il se lève contre et il le tue. A défaut du sacrifice qu’il n’avait pas pu faire monter, c’est son corps qui se lève devant son frère, contre lui. Certains copistes ont cru à une erreur et ont proposé d’ajouter « Viens » ou « Allons aux champs », mais je reste persuadé que ces points de suspension sont volontaires. Caïn est incapable d’articuler le moindre mot, même insignifiant ; comme Achille, il est paralysé. En tuant son frère, il croit extraire sa colère ; ce n’est pas en enlevant l’écran qu’on éteint le projecteur !Cette « colère censurée » (Lytta Basset) qui parasite toute relation (à soi-même, aux autres et à Dieu) se déplace et retombe sur un autrui innocent. Mais est-il si innocent cet Abel qui profite de la situation et feint d’ignorer la détresse de son frère ? C’est la puissance du texte, de nous laisser tout imaginer…Imaginons donc Caïn qui se réveille de sa peur de dire ses mots, qui se libère de ce silence qui lui fait mal ; imaginons-le en rappeur français déambulant dans nos rues, un bonnet gris enfoncé sur le crâne, un long manteau noir qui lui bat les talons, un masque de loup qui lui cache les yeux ; voici ce nouveau Caïn en OrelSan dans son Suicide Social : Aujourd’hui sera le dernier jour de mon existenceLa dernière fois que j’ ferme les yeuxMon dernier silenceJ’ai longtemps cherché la solution à ces nuisancesÇa m’apparaît maintenant comme une évidence

Fini d’être une photocopieFini la monotonie, la lobotomie

Un homme en colère (suite)

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Aujourd’hui, j’mettrai ni ma chemise ni ma cravateJ’ irai pas jusqu’au travail, j’donnerai pas la patteSuit comme une litanie, un cri qui sourde du plus profond de soi, une mélopée qui devient obsédante, 35 fois le mot « Adieu » martelé, hurlé, vomi, qui épingle toutes les catégo-ries sociales, culturelles, politiques de la société française. Adieu les employés de bureau, les comptables séniles, les grands PDG (« Ils font leur beurre sur des salariés déses-pérés Et jouent les vierges effarouchées quand ils se font séquestrer »), les fascistes, les profs dépressifs (« T’as raté ta propre vie comment tu comptes élever mes fils? »), adieu les associations bien-pensantes, les politiques, les sectes et les religieux (« Ceux qui voudraient m’imposer des règles pour que je vive mieux »), adieu les pseudos artistes engagés … Plein de banalités démagogues dans la trachéeÉcouter des chanteurs faire la morale ça me fait chierEssaie d’écrire des bonnes paroles avant de la prêcherAdieu les petits mongoles qui savent écrire qu’en abrégéAdieu les sans papier, les clochards, tous ces tas de déchets, je les haisLes sportifs, les hooligans dans les stades, les citadins, les bou-seux dans leur étable Les marginaux, les gens respectablesLes chômeurs, les emplois stables, les génies, les gens passablesDe la plus grande crapule à la médaille du mériteDe la première dame au dernier trav’ du pays…Voilà donc notre Caïn libéré, sinon de sa colère contre le monde et contre Dieu, au moins de sa rage meurtrière contre son frère. Un rappeur n’est pas un tueur (sauf quand il est victime du Noir Désir) ! Il ne donnera plus la patte, il ne mettra plus de cravate, il ne sera plus la photocopie d’un ordre social, il osera devenir lui-même, même si c’est pour clamer sa révolte et de ce fait n’être pas encore entièrement libre. A lui ensuite de créer ses valeurs, de construire ce nouveau monde, s’il le peut, pour s’opposer au pouvoir en place et à ses idoles. Mais subtile et insidieuse, cette terrible tentation de devenir à son tour une idole… De là cette haine en lui de se sentir contaminé, haine qu’il projette sur les autres et sur « la société ». On échappe difficilement au syndrome de Caïn !Pour le Caïn de la Genèse, l’idole, c’est le Dieu qu’il s’est

forgé, le dieu de l’élection absurde, le dieu qui pousse à la tentation et à la faute ; c’est le dieu avec qui on ne discute pas et qui impose ses dictats et ses caprices. C’est le Dieu d’Abel, de l’autre intouchable, comme on dirait actuelle-ment le dieu de l’Amérique (le pays béni des protestants) ou le dieu des Pauvres (car le Royaume des cieux est à eux) ou le dieu du Progrès (dont on voit les bienfaits tous les jours). Le dieu qu’il faut craindre, cruel et aveugle, « politiquement (ou socialement) correct ».Car il est de ces colères libératrices. Un des plus beaux exemples bibliques est celui de Job qui refuse de se taire face à ses trois amis. Durant 34 chapitres (si l’on compte aussi l’intervention d’Elihou), il argumente avec eux et se plaint de leur écoute tronquée. « Mes amis m’ont déçu comme un ruisseau sans eau, comme un de ces torrents dont le lit devient sec » (6.15). Job demande une pa-role vraie et il ne reçoit de leur part que des reproches (Ta culpabilité inspire tes paroles … c’est ton langage, et non pas moi qui te condamne (15.3, 4) et des admonestations tirées d’une logique rétributive (Crois-tu vraiment que Dieu modi-fie la justice ?…Tes fils ont dû commettre une faute contre lui (8.3, 4). Aussi finit-il par s’emporter contre eux et les traiter de « Badigeonneurs de mensonge » et de « Médecins de néant » (13.4, 12). Oh, il est facile de les blâmer et d’en faire les hérauts d’une morale sinon d’une théologie conservatrices et d’une in-sensibilité crasse face aux malheurs et à la souffrance de leur ami. On oublie pourtant un détail, donné à la fin du prologue en prose. Dès qu’ils apprennent les malheurs de Job, ses trois amis se mettent en route pour « le plaindre et le consoler ». Ils éclatent en sanglots et restent 7 jours et 7 nuits dans le silence, « tant sa souffrance leur paraissait grande » (2.13). Lytta Basset nous fait aussi remarquer que « dans la mesure où ils lui résistent et lui font obstacle, ils constituent de l’AUTRE en face de lui, et cette existence-contre le sauve sans doute de la pire des douleurs : celle qui engloutit toute plainte et toute colère ». (p.53) C’est précisément cet « autre » qui a manqué à Caïn, ce vis-à-vis libérateur pour pouvoir extérioriser son ressentiment et le nommer.La colère de Job se déverse surtout contre ce Dieu qui

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punit l’innocent, qui ignore la cause du Juste, qui met au monde pour ensuite détruire, jusqu’au moment où il est confronté à la présence même de ce Dieu qu’il convoquait à ce procès. Ses amis qui défendent (si maladroitement) Sa cause deviennent eux aussi les objets de sa vindicte. « En ne supportant pas la violence verbale d’autrui, nous le privons de vis-à-vis et le renvoyons à l’abîme de sa colère » (p.58). Le rôle de ses amis est donc terriblement ambigu. D’une part, ils manifestent par leur présence leur sympathie et la chaleur de leur amitié ; par leur opposition même ils lui permettent de développer ses arguments et d’exhaler sa plainte ; mais d’autre part ils refusent d’écouter ses do-léances et se bouchent les oreilles (et le cœur) pour éviter d’être confrontés à leur propre angoisse de la souffrance sans cause ; en lui rabâchant un discours moralisateur, ils esquivent leur conflit intérieur, ils se soulagent à bon compte et enferment leur ami dans la solitude de ses mal-heurs.Aussi, ultimement, seul Dieu pourra être son véritable in-terlocuteur, même s’Il ne répond pas directement aux inter-rogations de Job concernant le mystère de la souffrance, de la raison obscure pour laquelle un juste a été frappé par ce Dieu imprévisible, mais dans lequel il n’a pas cessé de croire.Pour terminer, venons-en à ce « protestant en colère » que j’avais annoncé dès le début. De qui s’agit-il sinon de cet homme que je ne connais que trop bien, ce moi que j’habite, et ce « moi » bien que per-sonnel aussi paradigmatique ? A la lecture de cette littéra-ture consacrée à la colère, en réfléchissant à ses différentes formes et ses expressions dans notre vie, en relisant les his-toires particulières d’Achille, de Caïn ou de Job, en écoutant mon fils chanter (à tue-tête) le Suicide Social, je me suis découvert, moi aussi, un « homme en colère ». Quand je vous disais que c’était « tendance » !Comme le dit D. Goleman, dans L’intelligence émotionnelle (cité par Lytta Basset), « La conscience de soi exerce un effet plus puissant sur les sentiments hostiles et agressifs : com-prendre que l’on éprouve de la colère élargit l’éventail des possibilités – on peut décider de lui donner libre cours, mais aussi de s’en affranchir. » En prendre conscience, ce n’est donc pas automatiquement s’en débarrasser…mais c’est un

premier pas nécessaire et utile. Comme Armstrong qui fit son premier pas sur la lune, me voici moi aussi faisant mes premiers pas à la découverte de ce nouveau continent…En colère contre quoi ou contre qui, me direz-vous fort per-tinemment ? Oh, j’aimerais comme l’abbé Pierre me dire un homme en colère contre la pauvreté, ou comme Martin Luther King contre le racisme, ou encore comme Théodore Monod contre la guerre et toute forme de violence à l’en-contre de la vie, mais je dois reconnaître que ma colère est une colère plus sourde, plus diffuse, plus intérieure, partant plus paralysante.Je suis souvent en colère contre moi-même, en constatant combien « misérable » je suis (d’autant plus en écrivant un article sur la colère !) en comparaison de l’image idéale que j’aimerais faire rayonner autour de moi ; en colère parfois contre les objets qui m’entourent (zeste d’animisme) en ne comprenant pas pourquoi ils me résistent au moment où je veux leur imposer ma volonté, en colère contre les autres qui ne répondent pas à mes attentes ou semblent me man-quer de reconnaissance (car comme toi, lecteur, je suis un être extraordinaire !) ; en colère contre Dieu (kyrie eleison !) qui par la naissance m’a condamné à vieillir et à mourir et qui (à mes yeux myopes de pécheur) brille davantage par son absence que par sa puissance…surtout au moment où j’ai besoin de Lui ! « Jusques à quand, Seigneur… » Permettras-tu cette grande souffrance humaine dont nous connaissons tous les récits les plus horribles et qui, telle une immense marée venue de la nuit des temps, monte jusqu’à Toi ? Quand compren-dras-tu les remontrances du Grand Inquisiteur et que notre liberté est un cadeau trop lourd à (sup) porter ? Quand écouteras-tu enfin notre prière pour nous délivrer de cette « écharde dans la chair » qui nous accable et nous obsède (en ce domaine nous sommes souvent de grands égoïstes et en pleurant sur le malheur des autres c’est d’abord sur le nôtre que nous nous apitoyons) ?Pourquoi cette injustice que nous voyons partout et d’abord en nous-mêmes ? Pourquoi si peu de cohérence entre ce que je pense et ce que je dis, entre ce que je dis et ce que je fais, entre ce que je suis et ce que j’aimerais (ou devrais) être ? Pourquoi cette angoisse qui me tenaille face à la

Un homme en colère (suite)

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déchirure de la mort, au néant et à la perte de sens ? Oui, je me découvre nu et seul en ce monde où je n’ai pas demandé à naître et comme Job, bien que n’étant pas juste comme lui, je veux en demander raison à Dieu.Heureusement que j’ai trois amis qui viendront me dire que je n’ai rien compris à l’amour et la bonté de Dieu… et qui exacerberont encore ma colère !

Mais voilà que, comme Caïn, le nez me brûle et ma figure commence à s’affaisser…Il est donc temps d’aller trouver mon frère et de lui dire… (Points de suspension)De lui dire : « Toi et moi et Dieu-avec-nous » !

Bernard Locoge, le 25/12/2013

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Quelle drôle et, en même temps, bonne idée de me deman-der de participer à un article sur la colère. Drôle, car je ne me sens pas fondamentalement un être colérique. Je peux compter sur les doigts d’une main, très sincère-ment, les rares fois où « j’ai pété les plombs », excusez-moi cher lecteur, je voulais dire où je me suis vraiment mis en colère. Et bonne, car voilà une opportunité pour y réfléchir et laisser aux lecteurs de Mosaïque l’occasion de deviser sur la colère de mes « alter ego », dans l’exercice de mon vécu, avec la fibre d’un médiateur dans des situations de conflit. Commençons par essayer de définir ce que nous disent cer-taines sources sur cette émotion humaine qu’est la colère…

Ainsi le Petit Larousse la définit comme « un état violent et passager résultant du sentiment d’avoir été agressé ou offensé ».

Au niveau de l’Intelligence Émotion-nelle, la colère fait partie des 4 grandes familles d’émotions, auxquelles je me limite volontairement dans le cadre de cet article, et ce au même titre que la peur, la joie et la tristesse.

La colère est à considérer, tout compte fait, comme natu-relle, normale voire indispensable et nécessaire dans un vécu relationnel.

L’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire…

Dans un des premiers passages bibliques, comme celui décrit dans le livre de la Genèse (4.1-10) nous trouvons les premières informations sur cette émotion humaine et plus concrètement dans la relation de fratrie qu’entretiennent Caïn et Abel et comment le profond dépit et la tristesse de Caïn l’amenèrent à envisager l’irréparable de l’expression ultime de la colère : l’extermination de l’autre. Nous pouvons déduire, dans cette relation entre deux frères et qui, malheureusement, ne sera pas la dernière dans le récit biblique, que la colère peut se transformer et deve-nir une colère profonde, que nous pourrions comparer à la folie, car pour un moment, un moment seulement, on

peut perdre le contrôle et donc souffrir une folie temporelle et commettre l’irréparable.

Un peu plus loin en Genèse (27. 41-45) la relation entre deux autres frères, Esaü et Jacob, est empreinte de jalousies et inévitablement de colère. Ici, une tierce personne, leur mère, conseille à l’un de ses fils (Jacob) de s’éloigner quelques temps afin d’éviter des représailles et : « que la colère de ton frère Esaü se détourne de toi et qu’il oublie ce que tu as fait... ».

Nous pourrions continuer à interpréter et commenter d’autres situations ultérieures, au sein de la famille de ce même Jacob, et voir comment il va reproduire lui-même, des éléments analogues à celui de son propre père Isaac, dont le favoritisme adopté envers son fils Joseph et la rela-tion de ses propres frères avec celui-ci, empreinte de res-sentiment, d’indignation et de colère.

Au niveau familial et psychosociologique, ces premiers chapitres bibliques nous renseignent déjà sur les dangers potentiels de la colère aveugle : briser des relations affec-tives, parasiter souvent la communication dans ces rela-tions et conduire à la dépression. Voilà un début d’histoire humaine assez surprenant et où les relations entre les gens vivant fort proches sont aussi porteuses d’émotions fortes comme la colère et les conséquences brutales et extrêmes que celle-ci peut avoir lorsqu’elle n’est pas canalisée.

Ce serait le début des blessures humaines au sein de la plus petite unité sociale qu’est la famille, entraînant des conséquences dans la vie de tous les descendants de la race humaine. Nous serions donc tous et toutes « touchés » par ces bles-sures à un degré variable à un niveau plus personnel ? Ainsi nous serions tous porteurs d’une certaine mémoire dite universelle, celle que nous ont transmises nos propres parents, qui eux aussi l’ont reçue de leurs propres parents, qui eux aussi… ?

La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire…

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Divers experts dans les disciplines humaines et dans les neurosciences, appellent cela nos blessures d’enfance. Tout commencerait donc là !

Nous serions dès notre conception avec des blessures, comme l’état colérique et que nous ne maîtriserions pas. Sauf, sans doute, si l’on en prend conscience, que l’on veut sortir de cette ignorance et que l’on fait le choix d’envisager un travail en profondeur et bienveillant pour cela. Ce sera le travail de toute une vie. A bon entendeur et/ou pour paraphraser Jésus à son époque : « Écoutez bien si vous avez des oreilles pour en-tendre ! » Je réalise dans mes relations avec les autres et notam-ment au travers de mon rôle de médiateur, que j’apprends quelque chose de chaque personne que je rencontre au travers de sa souffrance, même si des fois cette souffrance est inhibée par la colère.

Me viennent à l’esprit toute l’incongruité et la sagesse de cette histoire universelle : Quelqu’un vit un homme chercher quelque chose sur le sol.

- Qu’avez-vous perdu cher voisin ?

- Ma clé, dit celui-ci. Ils se mirent alors tous les deux à genoux pour essayer de la trouver.

- Après un temps : mais, au fait, ou l’avez-vous laissé tom-ber ?

- Dans ma maison.

- Alors pourquoi la cherches-tu ici ?

- Il y a plus de lumière ici que dans ma maison.

Quel drôle de manière de fonctionner, ce n’est sûrement pas vous ou moi qui ferions cela, n’est-ce pas ? Pourtant cet homme ou cette femme, c’est chacun de nous à chaque fois que nous regardons ce qui ne va pas chez l’autre au lieu de nous arrêter sur nous-mêmes et d’envisa-ger de prendre un temps de silence et d’écoute personnelle afin de saisir ce qui se passe en nous. Ceci dans le simple but d’essayer de comprendre ce dont

nous avons besoin et puis ce que nous voulons concrète-ment.

« L’homme sage voit où il va, l’insensé avance à tâtons… » Ecclésiaste 2.14

Arrêter de chercher ses clés dans l’obscurité, c’est arrêter de projeter sur les autres les problèmes que nous avons en nous. Car au lieu de nous voir nous-mêmes, nous accusons les autres.

La colère est souvent provoquée par une critique exagérée sur ce que l’autre fait ou ne fait pas, dit ou ne dit pas, dans une situation donnée et/ou répétitive. Ceci s’exacerbera davantage en situation de crise et de conflit. Car l’autre sera vu comme la source de nos petits maux répétitifs et fina-lement celui qui, définitivement, contribue à notre propre malheur.

Il va être donc plus aisé et facile de chercher dans l’obscurité de l’autre, -alors que souvent il n’y est pour rien -, plutôt que dans la lumière de notre propre histoire de vie.

Il peut être le révélateur du moment, mais jamais la cause. La cause est beaucoup plus profonde et lointaine dans nos origines.

Il est vrai que chercher ses clés, c’est-à-dire découvrir puis verbaliser ce que nous souhaitons vraiment demande un effort, demande un travail, demande un savoir-faire et un savoir-être que l’on ne nous a peut-être jamais enseigné.

La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire…

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La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire… (suite)

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Cependant, je crains que, si nous ne faisons pas cet effort nous-mêmes, il y ait peu de chances que l’autre le fasse à notre place !

Je cite une phrase de Wayne Dyer, dans son ouvrage « Tes zones erronées » où il écrit que la colère serait semblable « à une grippe psychologique qui peut te fragiliser et affaiblir comme le ferait toute autre maladie ». Il sera donc, me semble-t-il, fort pertinent de prendre nos responsabilités dans le but de canaliser et apprendre à gérer nos colères, afin de ne pas nous en rendre malade, dans tous les sens du terme.

Pour ce faire, un premier pas intelligent et plein de sagesse serait de dégager l’autre personne de toute responsabilité dans notre colère.

En fait, l’autre ne porte aucune responsabilité dans notre état émotionnel (étymologiquement, e-movare : qui cir-cule, bouge et se meut en nous à l’intérieur).

Certes, il/elle va faire bouger, par son comportement, ses dires ou ses silences, des choses en nous, mais nous en sommes responsables, car nous nous devons d’apprendre à distinguer la cause de cette colère avec les facteurs la déclenchant.

Apprenons à observer la colère de plusieurs points de vue et avec nos différents centres de la personnalité.

Voici pour illustrer cette distinction un exemple d’une situa-tion de médiation vécue. « Un père de famille vint me voir un jour, dans le but d’explo-rer les possibilités qu’offrait la médiation de pouvoir revoir et reparler sereinement avec ses filles qu’il ne voyait qua-siment plus. Ce père avait quitté le domicile familial trois ans auparavant, pour aller vivre et refaire sa vie avec une autre femme. Je réalisais ainsi combien peu de contact il avait eu avec ses trois filles et le sentiment qu’elles lui manquaient de plus en plus, à en devenir malade.Après un contact personnel avec chacune des filles, elles ont accepté que je puisse organiser un espace de médiation chacune à leur tour avec leur père. Malgré leur différence d’âge, chacune d’elles exprima une colère sur ce qu’il avait fait ou n’avait pas fait, dans un cer-tain nombre de situations précises et mettant aussi sur ce compte l’état affectif et moral dans lequel il avait laissé leur mère. Malgré la gravité de cette situation pour chacune des filles et leur « juste colère » envers ce père, le facteur déclenchant leur colère (le départ du père et sa manière pour le faire) n’était pas la cause originelle. Toutes trois ont reconnu vivre cette colère, comme un retour à leur blessure d’enfance et qui correspondait à la cause réelle de leur (vraie) colère (larvée), à savoir le sen-timent d’abandon qui les habitait depuis qu’elles étaient petites filles. Un père caractérisé, semble-t-il, par son absentéisme régu-lier. Elles avaient l’impression de ne pas avoir eu un papa qui les prenne, comme elles auraient souhaité, sur ses genoux, qui joue avec elles et leur dise tout simplement un « je t’aime » tellement nécessaire à un bon départ dans la vie et ensuite à une bonne santé relationnelle. Lui, de son côté, argumentait ses absences par le fait d’acti-vités professionnelles débordantes.

D’où vient la colère, quelle est donc sa cause ?

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La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire… (suite de page 12)considérer que notre cerveau, composé en cerveaux droit et gauche avec des fonctions différentes, inscrit en son sein une triade, formée :

- d’un cerveau reptilien (le plus ancien, l’instinctif, le colé-rique)

- d’un cerveau limbique (l’émotionnel, le cœur, la tristesse) - et du cerveau néocortex (la tête, l’intellect et la peur).

Une étude et une meilleure connaissance de cette triangu-lation, présente en chacun de nous, nous offre des infor-mations réelles sur nous et surtout lorsque quelque chose bouge et circule en nous au niveau colérique.

Plusieurs choix et pistes à envisager

Ainsi, nous pouvons choisir de considérer que chaque fois que nous sommes en colère, c’est parce que l’autre est en tort. Ex. : « Tu m’énerves lorsque je vois ce que tu as fait, ce que tu as dit, etc. ». Et c’est « presque » une évidence de réagir ainsi puisque la plupart de nous avons appris à penser que ce sont « les autres » qui sont responsables des sentiments que nous ressentons.Cette façon de penser est une des origines de la colère : juger les actes ou les discours des autres. Avez-vous remarqué combien lorsque nous agissons ainsi nous participons (involontairement) au développement de la violence ?

Cette façon d’exprimer la colère informe que nous avons fait appel à notre intellect (à notre ego, au masque que nous portons, aux rôles que nous jouons et à notre personnalité) pour analyser et juger l’autre au lieu de nous arrêter sur nos désirs insatisfaits.

Car même si nous n’en sommes pas conscients, c’est dans notre pensée que la colère prend sa source.

La colère provient aussi donc de notre façon de construire le monde mental et de nos pensées. Ce monde mental est coupé de la « vraie » vie et de sa vraie énergie comme nous le verrons plus loin.

Lorsque nous devenons conscients de ceci, une des clés pour débuter le changement peut être : « La cause de ma colère n’est pas celle que je pense ».

Shakespeare disait « qu’il n’y a rien qui soit bien ou mal, c’est la pensée qui le rend ainsi ». Laissons résonner cette phrase de ce grand écrivain en nous, autour du pouvoir de la pensée et voir comment elle nous parle, en lien avec notre sujet sur la colère…

Le lecteur l’aura repéré, nous sommes ici dans le centre mental ou de l’intellect, c’est notre cerveau néocortex.

Une autre piste est cependant possible. Plutôt que de regarder à l’extérieur de nous, nous pouvons faire le choix de regarder en nous et de nous en occuper, en essayant de voir ce qui nous habite et de quoi cela est composé. Il sera fait appel ici à notre vécu intérieur. Ici nous pouvons porter l’attention consciente de nous occuper de nos propres sentiments et surtout de ce qui est le plus important pour nous, le monde de nos besoins essentiels.

C’est ce qu’il y a de plus vivant en nous, tout simplement parce que nous sommes toujours (consciemment ou pas) en train de les assouvir et d’essayer de les satisfaire. Nos besoins vont constituer notre baromètre intérieur. Ils

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La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire… (suite)nous donnent constamment la vraie température de notre Être profond, c’est à dire le monde de l’énergie vitale, là où nous rejoignons finalement la vraie Source de l’Esprit.

Pour faire ceci, nous devrons stopper toute activité, nous calmer aussi afin de respirer et de rechercher des moments de silence. Pour l’un ce sera à travers la prière, pour un autre via la contemplation, pour un autre encore par la médita-tion, etc. ...

Avez-vous remarqué que lorsque l’on se comporte ainsi : respirer profondément, prendre contact avec la douleur que nous venons de vivre, et/ou la colère qui nous agite, c’est une belle façon de prendre soin de soi ?

Car quand nous pouvons nous occuper de nous-mêmes, nous avons d’abord plus de chance de pouvoir nous occuper de l’humanité de l’autre. Nous sommes en relation. Et ceci c’est la vie. Nous en avons, je l’espère, tous fait l’expérience et avons certainement ressenti le besoin d’être considérés ainsi.

Nous pouvons commencer à entendre et comprendre, pour nous-mêmes et/ou pour les autres, que derrière chaque évaluation ou jugement, il y a certainement un besoin non-satisfait.

Une autre option peut consister à être présent à l’autre dans ce qu’il vit de l’intérieur. Ainsi nous pouvons porter toute notre attention à son vécu et essayer de comprendre de quoi sont constitués ses besoins.

Ici une bonne distanciation et une écoute active empa-thique seront nécessaires.

Comment gérer la colère en médiation ? Existe-t-il la notion d’une bonne colère ?

Oui, avec quelques conditions cependant et un cadre pro-tecteur et sécurisant. En médiation (comme dans la vie réelle, d’ailleurs) la colère est souvent tournée vers l’autre. Une énergie incroyable se

libère envers l’autre, que nous n’avons plus (re)vu depuis longtemps, par exemple.

Pour le médiateur, la colère constituera un premier signal d’alarme, disons, plutôt couleur rouge ! Celui-ci va lui indi-quer qu’il y a un besoin (ou plusieurs) qui n’est pas géré-ou satisfaits.

Sachant que les pensées, les mots et leur contenu, ainsi que leur réception ont peu de chance de trouver un terrain favorable à la création de ponts, il invitera les parties à pas-ser d’un mode intellectuel et mental à celui de recouvrer l’expression émotionnelle et comprendre les besoins de l’un et de l’autre.

Ceci constituera, dans un processus de médiation, la partie la plus importante au niveau de l’énergie à déployer. Dans la vie réelle, c’est pareil mais sans le tiers qui est là pour canaliser, guider et accompagner.

La colère va nous prendre beaucoup d’énergie, car en gé-néral critiquer, évaluer et juger sont des comportements et attitudes devenus comme une seconde nature pour la plupart d’entre nous. Nous les avons souvent mis en pra-tique nous-mêmes et vu faire par les autres. Une colère constructive sera donc la possibilité de dire à l’autre certes, mais aussi de se dire à soi ! Et ceci plus que dans notre centre mental : dans notre centre émotionnel.

Et ceci prendra du temps. Parfois beaucoup de temps. Mais alors une construction lente s’opère. La patience sera la vertu essentielle et à conseiller.

Mais dans l’exécution de chaque pas et dans cette attitude, la lumière des vécus s’opacifie de moins en moins et peut s’éclairer subitement.

Le tiers-médiateur aidera chacune des parties à modifier son discours, par ex : le « je suis en colère, parce que tu… » Par « je suis en colère parce que j’ai besoin de… »

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La colère : l’accepter, la vivre et la subir est une autre histoire… (suite)

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En colère, tout comme lui, nous perdons le bon cap de notre bateau re-lationnel.

Vers des conclusions :

Nos vies sont cycliques.

Comme le rythme des saisons et le rythme diurne et noc-turne, du printemps à l’hiver, de la naissance à la mort.

Nos rythmes personnels intellectuel et émotionnel sont semblables.

Il paraît que l’être humain a une moyenne de 60.000 pen-sées par jour (souvent les mêmes) et des centaines d’ex-pressions émotionnelles avec toute sa gamme de nuances. Dans ce monde inconscient pour beaucoup d’entre-nous et la plupart du temps, la colère est une des émotions dites « graves », d’autres l’appelleront négative. J’ai envie de l’inti-tuler pour cet article : « notre mal-à-dire (maladie)».

Elle est constituée, me semble-t-il, de deux composantes qui s’avèrent opposées : un certain « danger » et en même temps une opportunité pour démarrer autre chose dans la relation. C’est un paradoxe.

Nous avons besoin d’un mode d’emploi pour une bonne utilisation de nos colères. Ce besoin d’avoir le b.a-ba du comment faire et du comment être seront des clés recom-mandées et nécessaires pour la déposer et l’exprimer à l’autre, afin de ne pas imploser ou déprimer, voire d’exploser et/ou de perdre le contrôle.

Ainsi dans un monde moderne, la médiation fait une place importante à accueillir ces désordres émotionnels et rela-tionnels.

Les colères sont présentes. Et ceci quel que soit le cadre et/ou le secteur de la société. L’Église n’y échappe pas. Elle est aussi une communauté d’hommes et de femmes en construction permanente, souvent rassemblés pour une noble cause, et parfois aussi en souffrance à cause de cette noble cause.

La spécificité essentielle de la médiation est certes d’ac-cueillir les désordres des parties. Pour cela il est important d’envisager la rencontre. L’enjeu est parfois vital. La médiation sera toujours orga-nisée et acceptée. Il faudra par conséquent donner à cet espace sa véritable dimension, car c’est ici que les colères (exprimées ou silen-cieuses) auront lieu. Dans d’autres cadres on ne permet pas de telles expressions donc on élimine le désordre et la colère.

Ainsi lorsque l’on ose mettre face à face la souffrance, la violence et la colère, on les réintègre, on leur accorde une place, on les maîtrise mieux, par après.

En médiation, accepter la colère est un premier pas vers sa maîtrise. Permettre de la dire ensuite permet de la canaliser. Le médiateur veillera au « comment » elle est exprimée. Il continuera à rétablir cet équilibre vers le futur en com-pensant le déséquilibre du passé.

Mais comme tout passage (Pâques) est nécessairement lié au temps, ceci ne peut se réaliser que dans le temps. En général dans tous les conflits, les médiateurs savent que le temps est le meilleur des médiateurs. Et dans cette temporalité, le seul et unique moment que nous avons est l’instant présent.

Ce travail se fera donc toujours dans l’ici et maintenant. Il est, par conséquent, rarement achevé une fois pour toutes.

Juan José Romero, décembre 2013

«Si vous vous mettez en colère, ne péchez point, que le soleil ne se couche pas sur votre colère» (Ephésiens 4 : 26)

ible ouverte

La colère est une émotion que nous connaissons tous à de différents degrés ou sous diverses formes. Cette émotion semble commune à Dieu et aux humains.

Dans le Psaume 90, au verset 7, Moïse déclare : « Nous sommes consumés par ta colère et ta fu-reur nous épouvante.» Jean, dans son Évangile (3:6) affirme : «Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne vivra point de la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.»

Dans ce petit mot, je n’aborderai pas le thème de la colère de Dieu, mais bien celle de l’être humain.

La colère est donc une émotion qui exprime une blessure, un manque, une frustration, une insatisfac-tion. Elle peut signaler qu’un besoin est insatisfait, qu’un désir n’est pas comblé, qu’une attente est sans réponse ou encore qu’un caprice n’est pas exaucé.

Nous éprouvons de la colère envers l’obstacle à notre satisfaction, celui-ci pouvant être une personne, un objet ou un événement.

Selon l’importance de l’insatisfaction, mais aussi du tempérament de la personne, la colère peut prendre diverses identités. Elle peut, par exemple, ressem-bler à un volcan en éruption. Les gestes, les paroles deviennent incontrôlables et produisent de nom-breux dégâts collatéraux non désirés.

La colère peut être froide comme de la glace, calcu-latrice, manipulatrice, destructrice et animée par un désir de vengeance.

Elle peut ressembler à une huître qui se referme sur elle-même, qui croit ainsi se rendre absente du monde qui l’entoure et échapper à la souffrance. Cette colère, qui ne s’exprime pas, devient auto-destructrice.

La colère peut aussi varier dans son intensité : mé-contentement, irritation, exaspération, fureur, rage et même envie de meurtre.

Comme toute émotion, la colère peut avoir un visage laid et repoussant, mais elle peut aussi être saine, lorsqu’elle est sans jugement sur autrui et maintient l’intégrité physique et psychique de la personne en colère et de son entourage.

Dieu a voulu que nous ressentions des émotions, il a voulu que nous connaissions la colère. Toute colère n’est pas un péché. Nous pouvons être animés d’une saine colère.

Lorsque nous assistons à des événements drama-tiques qui détruisent la vie d’êtres humains, nous devrions être animés d’une saine colère.

Nous ne pouvons rester indifférents devant toutes les formes d’injustice qui corrompent et détruisent les êtres humains, les animaux et la nature. C’est l’indifférence qui, dans ces cas, se révèle être une grave anomalie et un péché. La saine colère stimule notre énergie dans la lutte contre le mal.

Toute colère n’est donc pas un péché, mais comme nous sommes des êtres limités, vivant dans un monde déchu, nos colères peuvent nous entraîner à commettre le mal. C’est pourquoi l’exhortation de l’apôtre Paul est d’une brûlante actualité : «Si vous vous mettez en colère, ne péchez point, que le soleil ne se couche pas sur votre colère».

Nos colères ne sont pas toujours saines, elles peuvent être injustes, destructrices, meurtrières. Nous nourrissons des colères injustes lorsque nous nous sentons autorisés à faire justice nous-mêmes, c’est-à-dire, lorsque nous agissons selon nos propres notions de justice, conformément aux exigences de nos désirs ou de nos blessures émotionnelles, de nos revendications, de nos amertumes et rancunes.

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Calendrier de lectures b i b l i q u e s

2012«Si vous vous mettez en colère, ne péchez point, que le soleil ne se couche pas sur votre colère» (Ephésiens 4 : 26)

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Bible ouverte

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Mais comment pouvons-nous apprendre à apaiser nos colères afin que celles-ci ne nous entraînent pas à commettre le mal ?

Pour nous apprendre à apaiser nos colères, la Bible nous trace deux pistes :

1. Dire nos colères

Nous n’avons pas à nier nos colères ou à faire sem-blant qu’elles ne nous habitent pas. Nous pouvons les crier, les déverser non pas sur les hommes, sur les événements ou sur les circonstances, mais les dire à Dieu lui-même. Lui seul peut nous comprendre et nous accepter totalement tels que nous sommes.

2. Le pardon apaise nos colères

Pardonner n’est pas suivre une émotion, éprouver le désir d’agir ainsi, mais c’est d’abord un acte de la volonté. Pardonner, c’est nous ouvrir à la grâce de Dieu.

La bonne nouvelle de l’Évangile est que la colère de Dieu à l’égard de nos péchés ne s’est pas concentrée sur nous, mais sur le Christ. C’est lui qui a été puni à cause de nos manquements.

Grâce à son sacrifice, nous n’avons plus à craindre la colère de Dieu. Parce que nous sommes gratuite-ment au bénéfice de la grâce de Dieu en Jésus-Christ, nous pouvons nous aussi faire grâce. Gracier celui ou celle qui nous a causé du tort, en disant à Dieu, tout simplement : «Je lui pardonne.»

Dire notre colère à Dieu et ensuite, pardonner à celui qui est dans notre réalité, dans notre ressenti ou dans notre imaginaire, la cause de notre colère, voilà deux moyens d’apaiser celle-ci.

Michel De Bock

Que le Dieu de l'espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, 7pour que vous abondiez en espérance par la puissance de l'Esprit saint ! (Romains 15.13)

Lecture suiviePrier

avec les Psaumes

Dimanches et fêtes*

S 1 Matthieu 9.27-35 117

D 2 Matthieu 9.36–10.15 24Sophonie 2.3 ; 3.11-13 1 Corinthiens 1.26-31Matthieu 5.1-12

L 3 Matthieu 10.16-31 118Ma 4 Matthieu 10.32–11.1 119.1-32Me 5 Matthieu 11.2-19 119.33-64J 6 Matthieu 11.20-30 119.65-96V 7 Matthieu 12.1-14 119.97-144S 8 Matthieu 12.15-21 119.145-176

D 9 Matthieu 12.22-37 112Esaïe 58.5-10 1 Corinthiens 2.1-5Matthieu 5.13-16

L 10 Matthieu 12.38-50 120Ma 11 Esaïe 21.1-17 121Me 12 Esaïe 22.1-14 122J 13 Esaïe 22.15-25 123V 14 Esaïe 23.1-18 124S 15 Esaïe 24.1-13 125

D 16 Esaïe 24.14-23 119.1-32Deutéronome 30.15-201 Corinthiens 2.6-10Matthieu 5.17-37

L 17 Esaïe 25.1-12 126Ma 18 Esaïe 26.1-15 127Me 19 Esaïe 26.16-21 128J 20 Esaïe 27.1-13 129V 21 Matthieu 13.1-17 130S 22 Matthieu 13.18-23 131

D 23 Matthieu 13.24-35 103Lévitique 19.1-2,17-181 Corinthiens 3.16-23Matthieu 5.38-48

L 24 Matthieu 13.36-52 132Ma 25 Matthieu 13.53-58 133Me 26 Matthieu 14.1-12 134J 27 Matthieu 14.13-21 135V 28 Matthieu 14.22-36 136

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« Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installé dans le temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du temple ainsi que leurs brebis et leurs bœufs. Il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : “Enlevez cela d’ ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic” ». (Jean 2 : 13-16)

Lorsqu’il m’a été demandé d’écrire un article sur la colère, deux pensées me sont venues immédiatement à l’esprit : (1) Jésus est l’exemple de la maîtrise de soi, dans les moments les plus difficiles ; et (2) la Bible nous donne cet exemple (que vous venez de lire) si frappant d’une colère déclarée de Jésus.

Ces pensées m’amènent à vous proposer une réflexion sur la manière de considérer la colère. Et j’aimerais m’adresser à vous en deux temps.

D’abord, concernant la colère, ou plutôt, une situation qui éveille en nous de la colère, il faut prendre garde de ne pas tomber dans deux extrêmes. Prenons l’exemple d’une situa-tion d’injustice. Le premier extrême nous pousserait à re-

fouler toute expression de la vérité et à accepter la situation, en pensant qu’aimer, c’est ne rien dire. Il est beau d’aimer son prochain comme soi-même, à travers le pardon notam-ment. Cependant, pardonner sans communiquer la vérité n’aide personne. Ainsi, nous n’aidons pas l’autre, qui reste dans sa vision des choses et continue à faire mal, jusqu’à en être la première victime. L’autre extrême nous invite à refuser de pardonner, en se concentrant sur la meilleure manière d’exprimer sa souffrance. Une colère inutile. Une colère qui devient la seule chose communiquée. Mais elle n’a pas de sens pour celui qui l’entend. Ainsi, il s’agit de trouver un juste milieu, équilibre très délicat, qui n’a pas toujours forcément à voir avec l’intensité de la voix ou des gestes (voyez l’attitude forte de Jésus). Je pense qu’il n’est bon d’exprimer la colère que si elle n’est pas la seule chose communiquée. La vérité et le pardon doivent être une valeur supérieure qui en ressort clairement.

Ensuite, il est important de comprendre en nous-mêmes la source et la raison de notre colère : est-ce une personne, une circonstance, une phrase, une attitude ? Est-il vraiment nécessaire de se mettre en colère contre quelqu’un pour une situation pour laquelle il ne peut pas grand-chose ? Cela nous arrive tellement de fois ! Simplement parce qu’il n’est pas facile de distinguer ce qui nous met en colère. Une personne vivante est une proie tellement plus facile qu’une situation, qu’un objet, qu’une frustration intérieure. Jésus nous invite vraiment à ce travail difficile, qui nous aidera à la maîtrise de soi. Comprendre sa colère est le premier pas vers sa disparition et vers la communication de ce qui doit vraiment être exprimé.

Simon Pál Schümmer

lace aux jeunes

Comment considérer la colère ?

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Vive Madiba Une nation a perdu son père. Le monde en a été appauvri d’un homme de référence et d’inspiration. Nelson, c’est le nom qui lui fut attribué dès son premier jour d’école. Ce nom coule sur les lèvres des Occidentaux beau-coup plus facilement que Rolihlahla. Dans le petit village insignifiant de Mvezo dans la province du Cap orien-tal, loin de la violence qui sévissait dans l’ouest, naquit le 18 juillet 1918 un artisan de paix. Juste avant la fin de la première guerre mondiale, il vint au monde sous le nom de Rolihlahla Mandela. Le monde l’a aimé en tant que Madiba, le nom qu’on donne aux rois Thembu dans son clan. Il allait ba-liser le chemin pour une réconciliation et une paix improbables en Afrique du Sud.

Ces derniers mois, le monde a été replacé sous le charme de cette fi-gure exceptionnelle. Lors du service à la mémoire de l’ancien président Mandela le 10 décembre 2013 à Soweto, le président Barack Obama tint une importante allocution. Obama aussi jouit d’un charisme, mais Nelson Mandela avait quelque chose de plus, ce qu’on appelait la magie de Madiba. Il savait transporter une nation par une simple danse, une danse que les Sud-Africains nomment affectueusement Madiba shuffle.

Peut-être cela est-il caractéristique de sa vie. Simplicité et humanité. Mais Nelson Mandela n’était pas un homme sans complications et ce pour quoi il se leva ne peut pas être taxé de simpliste. Il incarnait un idéal de

paix et de réconciliation, d’égalité et de justice pour tous. Le monde écou-tait quand Mandela parlait. Ses mots n’étaient pas vides, mais animés de la ferme conviction qu’il pouvait en être autrement en Afrique du Sud. Qui veut marcher sur les traces de Nelson Mandela arrive inévitablement à un carrefour, le carrefour du passé et de l’avenir. Et, à ce carrefour, on est confronté à la question : comment est-ce que je me positionne aujourd’hui ?

Lorsque Nelson Mandela fut libéré en 1990 après 27 ans de détention, il aurait pu penser à se venger de ses oppresseurs. Mais il avait placé sa vie sous le signe de la paix et de la réconci-liation et il avait la vision d’une Afrique du Sud libre et juste. Une société où chacun pourrait se sentir chez soi et pourrait mener une vie digne. A ce moment, Nelson Mandela se révéla un homme extraordinaire. Comme chacun, il avait aussi ses aspérités.

Jeune, il pratiquait volontiers la boxe. Et, en tant qu’activiste et politique, il boxait contre l’idéologie oppressante de l’apartheid. Souvent, l’on tait sa participation aux actes de sabotage de l’Umkhonto we Sizwe, la branche mili-taire de l’ANC. Mais il ne faut pas taire les aspérités, sinon, on ne prend pas l’autre au sérieux dans sa complexité. Le boxeur devint juriste, le juriste devint activiste et l’activiste devint le premier président élu démocrati-quement en Afrique du Sud. Il avait cette conscience et cette conviction que nous devons comprendre le passé

pour donner sens à l’avenir. Et il avait une espérance pour l’avenir.

Sans doute cette conscience et cette espérance lui ont-elles permis de repousser l’humiliation et l’injustice subies de son vivant pour avancer vers le futur avec tant de dignité. Là, il a montré toute sa grandeur, alors que si souvent, les hommes resservent l’injustice qui leur a été faite. Nelson Mandela ne s’est pas laissé ronger par là, mais au contraire, il en fut plus grand et fut alors aussi un digne réci-piendaire du Prix Nobel de la Paix en 1993.

Ces dernières semaines, j’ai beaucoup pensé au livre d’Alan Paton, Cry, the beloved country, publié en 1948. Le récit se déroule dans l’Afrique du Sud qui allait être déchirée en 1948 par la loi des ‘Territoires séparés’. Une légis-lation pour une ségrégation forcée et un soi-disant développement séparé des divers groupes de population. Deux pères d’arrière-plan ethnique différent font une rencontre impro-bable grâce à plusieurs événements tragiques. Le fils d’un des pères a été tué par celui de l’autre et le meurtrier a été exécuté. Tous deux ont perdu leur fils. Tous deux ont souffert de cette perte et doivent faire un travail de gué-rison. Par leur rencontre, ils essaient de comprendre la situation du fils de l’autre et par là de se comprendre mutuellement. Qui avait raison et qui avait tort ? Nous pouvons poser cette question, mais, lorsque des hommes se rencontrent avec une compréhen-sion de la complexité, de l’humanité

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e-ci, de-là

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De ci, de là

et de la fragilité de l’autre, la pulsion

pour des représailles s’estompe. Ce

qui s’est passé, nous ne pouvons pas

le changer, mais nous pouvons essayer

de le comprendre. Comprendre n’est

pas approuver, mais par une compré-

hension mutuelle, naît la possibilité de

construire ensemble l’avenir.

C’est un récit émouvant et une phrase

de Paton, qui surtout frappe: « Pleure,

pays bien aimé, l’enfant qui n’est pas

né et qui est l’héritier de notre peur. »

Nous voici 65 ans plus tard, mais la

peur de l’autre reste si fréquente,

la peur de l’inconnu qui sépare les

hommes les uns des autres. Et néan-

moins, Nelson Mandela avait réussi à

briser la peur qui sépare les hommes

les uns des autres comme une barrière

infranchissable. Il le fit à sa manière, avec charisme et dignité.

Son pays bien aimé pleure la perte d’un père. Et la question pour beau-coup de gens se pose : comment ira l’Afrique du Sud après Mandela ? Pour Nelson Mandela, ce fut un long voyage vers la liberté. Il est à espérer que les Sud-Africains suivront ses traces. Il est à espérer qu’ils ne l’emprisonneront pas à nouveau, lui et ses idéaux, en se réclamant de lui pour leurs ambitions politiques. Dans un pays à la démocra-tie durement conquise, mais si fragile, il faut se garder de visions politiques névrotiques d’une part et de l’oppor-tunisme politique d’autre part. Le pays bien aimé a encore besoin de leaders visionnaires avec un cœur pour tous les habitants du pays.

Nelson Mandela a essayé de ne pas tirer à lui la couverture dans la nou-velle démocratie d’Afrique du Sud. Par là nous réalisons encore la nature particulière de cet homme. Le père de la nation est maintenant devenu un ancêtre. Dans la culture africaine, on n’est mort que lorsqu’il n’y a plus per-sonne de la famille proche pour garder vivante sa mémoire. Nelson Mandela est décédé, mais sa mémoire vit. Elle inspire, elle enthousiasme des gens partout au monde. Sa mémoire vit là où des hommes se rencontrent dans la dignité. Puissions-nous de même reconnaître et respecter l’humanité de l’autre et, par là, devenir soi-même humain.

Ds. Werner Lategan (Alost)

Traduction : Daniel Vanescote

Vive Madiba (suite)

Dans cet hommage de l’URCSA, il est frappant que partout, Mandela soit appelé par son nom Xhosa: Rolihlahla. Ce nom signifie celui qui brise les castes, et en anglais trouble-maker (1). Et, pendant toute sa vie, il a fait en sorte que son nom tienne

parole. Son institutrice anglaise ne devait rien savoir de son nom – lui était-il imprononçable ? – et elle le changea en ‘Nelson’. Ainsi en allait-il d’ailleurs avec des milliers de jeunes. Il est un homme qui a servi son peuple très humblement. Lorsqu’il sortit de

prison, après 27 ans, il déclara dans

son premier discours au Cap : I stand

before you not as a prophet, but as a

humble servant of you, the people(2).

En prison, il ne s’est pas laissé conduire

par l’amertume ni par l’idée de ven-

geance. Il a littéralement converti de

ses préjugés son aumônier de prison,

blanc, méthodiste, qui les voyait tous

comme des terroristes. Et, après un an

de visite, lorsque ce pasteur fut deve-

nu ‘trop humain’, il n’eut plus la per-

Hommage au président Nelson Rolihlahla Mandela 1918-2013De notre Eglise sœur en Afrique australe, Uniting Reformed Church in Southern Africa (URCSA), nous avons reçu un large hommage à l’adresse du président Mandela qui évoque sa mémoire très dignement. C’est là une manière forte pour guérir des blessures et une perte douloureuse lors d’un deuil. Ainsi, nous nous sou-venons de Mandela en tant qu’un grand leader et serviteur.Ci-dessous, nous reprenons un certain nombre de passages forts auxquels nous ajouterons quelques réflexions.

mission de visiter Rolihlahla Mandela, détenu en régime sévère. Lors du premier camp CAP en Afrique du Sud, les jeunes ont pu visiter les deux prisons (sur l’ île Robben et Victor Verster à Paarl) et ce fut une expérience inoubliable.En dépit du fait que les blancs (et aussi les Eglises réformées blanches) avaient apporté l’apartheid, le soute-naient et en tiraient profit –un crime contre l’humanité qui l’excluait lui et le reste de la population sud-africaine par la pratique de l’injustice et de l’op-pression- Mandela conserva toute sa dignité morale pour ne pas se venger personnellement. A sa liberation en 1990, il en appela à la population blanche: We call on our white compa-triots to join us in the shaping of a new South Africa. The freedom movement is the political home for you too (3).

Lorsque les lois d’apartheid furent enfin abolies, cela signifiait une nou-velle étape pour les Eglises autrefois forcées de se séparer (la noire et la ‘colorée’ pour ce qui est de la famille des Eglises réformées) : elles s’unirent en 1994 pour former l’URCSA (sans l’Eglise blanche). Cette union fut fêtée treize jours avant la première élection libre d’Afrique du Sud, en présence de Nelson Rolihlahla Mandela pour leur premier synode. Un moment formi-dable! C’est à ce synode aussi que fut acceptée la confession de foi de Belhar comme nouvelle confession de

foi de leur Eglise, une confession que l’EPUB partage avec eux maintenant. A ce jour, l’Eglise blanche d’Afrique du Sud ne l’a toujours pas fait. C’est pourtant ce que souhaitait le nouveau président : unir au-delà des barrières et des frontières artificielles. En 2013, le journal de l’URCSA y attirait l’atten-tion avec une photo de visages sou-riants pour les 19 ans de l’URCSA.

L’African National Congress (ANC, mouvement de libération) a lutté sans violence pendant 48 ans. Ce n’est qu’après le bain de sang à Sharpeville et à bien d’autres endroits en 1960, que l’ANC décida d’utiliser la violence en certaines circonstances : il y avait eu des centaines de morts sous le gouvernement d’apartheid lors d’une manifestation pacifique contre la loi Pasje. Le rapport Kairos d’Afrique du Sud (1985) a comparé à ce moment-là la violence du gouvernement avec la violence d’un violeur et a posé la ques-tion: Qualifierez-vous la violence de la femme qui se défend contre un violeur de la même manière que celle d’un vio-leur ou du gouvernement d’apartheid ? Le ‘trublion’ Mandela soutenait entiè-rement cette décision et a maintenu ce point de vue jusqu’à l’année suivant sa libération.

Mandela a mis tout son zèle pour effa-cer complètement les conséquences de l’apartheid. Le fossé entre riches et pauvres était là le plus grand au

monde. C’est pourquoi l’URCSA plaide encore maintenant pour que la libération économique des vic-times de l’apartheid retienne tout particulièrement notre attention. Il n’y a pas seulement un apartheid racial, mais aussi un apartheid éco-nomique, qui éloigne fortement les hommes les uns des autres. Ne lais-sez pas les politiciens poursuivre leurs intérêts propres, mais qu’ils aient une conscience morale qui serve l’intérêt du peuple d’Afrique du Sud. Ceci fait indirectement référence à la Charte de la Liberté de l’ANC que Mandela aimait beaucoup. Le partenariat de l’EPUB avec l’URCSA est une contribution très modeste, mais significative, à leur plaidoyer et leur engagement pour une Eglise et un pays unis.

Dans son autobiographie, La Longue Marche vers la Liberté, Madiba écrit que sa marche n’est pas terminée, il y a encore beaucoup à faire et je m’y impliquerai. Maintenant, ajoutent les responsables de l’URCSA, son der-nier voyage sur terre a pris fin et il est vraiment libre. Il peut reposer en paix après son temps de labeur, dur et émouvant, dans lequel il s’est engagé pleinement pour son peuple.

Va Madiba, va en paix. Nous rendons grâces au Dieu Tout-Puissant pour l’exemple qu’il a donné en faveur de la réconciliation et de la lutte pour la paix. Il nous manquera.

Au nom de la Commission Eglise et Monde de l’EPUB,

Ds. Marc Loos (Gand)

Traduction: Daniel Vanescote

(1) trublion, agitateur(2) Je suis devant vous, non comme un prophète, mais comme un serviteur pour vous, le peuple.(3) Nous appelons nos compatriotes blancs à se joindre à nous pour former une nouvelle Afrique du Sud. Le mouve-ment de libération est pour vous aussi.

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De ci, de là

La mission aujourd’huiUn clin d’œil en arrièrePour ceux qui connaissent la conférence missionnaire d’Edimbourg, il est incontestable que les jalons de l’auto-nomie des Églises nées de la Mission ont été posés à cette occasion. Cette conférence tenue au mois de juin 1910 a rassemblé 1200 délégués venus de 150 Sociétés de Missions engagées dans le monde. Le plus grand nombre venait de Grande-Bretagne, des Etats-Unis et d’Allemagne. Il y avait aussi quelques délégués asiatiques, dont le pasteur chinois Cheng Ching Yi.1

Edimbourg a posé des questions intéressantes sur l’avenir de la Mission protestante dans le monde et sur la collabo-ration entre les pays missionnaires et les Eglises nées de la Mission. Bien que divisés sur la question, les partisans de l’indigénisation ont amorcé le processus d’autonomie des Eglises nées de l’évangélisation vis-à-vis des Sociétés missionnaires. Le mécanisme de relationsLe processus d’autonomie de l’EPR a été entamé en 1956. En 1959, la Société belge des Missions protestantes au Congo (SBMPC, actuellement «Eglise et Monde») a accordé à l’EPR son autonomie tout en poursuivant le travail ensemble. La présence physique d’un missionnaire a continué à être l’élément moteur et la pierre angulaire pour symboliser et visualiser l’universalité de l’Eglise du Christ. Il n’y a pas long-temps, les envoyés (médecins, enseignants, coopérants, etc.) de l’EPUB à l’EPR servaient de pont missionnaire entre le Rwanda et la Belgique. Le contact humain demeure un outil missionnaire très important et irremplaçable.Comment poursuivre la Mission aujourd’hui par le contact humain? Ces dernières années, la question traitée à Edimbourg s’est posée de manière pragmatique. Comment garder le lien entre les Eglises nées de la Mission et les Eglises mères. La réponse a été trouvée dans un autre type de relation très active et réaliste. Il s’agit de la création des jumelages.Cadre général des jumelages entre les districts de l’EPUB et les Régions synodes de l’EPRLes liens de jumelage au sein de l’EPUB sont inspirés par la déclaration de mission (mission statement) telle que

citée dans le rapport de la Coordination Eglise et Monde de l’EPUB dans son rapport 2004-2006.Objectifs des jumelagesLes relations de jumelage ne sont pas fondées sur l’idée du riche du Nord qui aide le pauvre du Sud mais sur le respect mutuel, la solidarité et le partage prônés par l’Evangile dans ses dimensions sans frontière.L’objectif est de garder l‘objectif missionnaire dans le témoignage de Jésus-Christ à partir de l’Eglise locale par l’échange d’expériences à travers les visites réciproques, la correspondance et le soutien des petits projets de dé-veloppement socio-économique. Le jumelage est un outil pouvant permettre la découverte mutuelle, la maîtrise des réalités contextuelles et culturelles des partenaires et le refus d’être une Eglise repliée sur elle-même et entre ses murs. Il est instrument effi-cace de l’Eglise hors les murs.Trois jumelages ont vu le jour respectivement entre les districts de l’EPUB (ABL du côté néerlandophone, HONL et Liège du côté francophone) et les Régions synodales de l’EPR (Itabire, Gisenyi et Ruyumba). Il existe aussi des liens de jumelage entre quelques paroisses néerlandophones et celles de l’URCSA. La coordination Eglise et Monde cherche un district de l’EPUB qui serait intéressé par des liens de jumelage avec la Région de Ruhengeri.Il ne faut pas avoir peur d’entrer dans ce processus de jume-lage. Au lieu d’être un fardeau financier comme certains peuvent le penser, il est un moyen d’apprendre de l’autre. Il faut profiter de cette occasion offerte d’un enrichissement mutuel par l’échange d’expériences et de vivre l’Eglise du Christ au-delà des frontières. Un district intéressé par cette expérience peut prendre contact avec la coordination Eglise et Monde, la figure et fille de la SBMPC fière du travail missionnaire qui se vit actuellement entre l’EPUB et l’EPR.

Dr Léonard Rwanyindo

1 Zorn, J.F. Le grand siècle d’une mission protestante. La mission de Paris de 1822 à 1914, Editions Karthala-Les bergers et les mages, 1993, p.696. Livre que l’on peut consulter à la Faculté protestante de Bruxelles.

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•Collaborateurs:R.H.Boudin,S-P.Schümmer, J.VanDamme-Fercot,V.Dubois,B.Lopez

•Collaborateursrégionaux: HainautOccidental:A.Benini. HONL:B.Alessandroni,R.Browet. Liège:L.Sotiaux. Brabant:J.Maystadt,P.Wilmotte

•Imprimerie:Colson,Zellik

Site : www.aprt.beVous pouvez demander et recevoir le trimestriel « Son et Lumière » en écrivant à l’APRT , rue Brogniez, 44 – 1070 Bruxelles

Colloque « Recherche et Vie »LA DIGNITE HUMAINE ? PARLONS-EN !

« Quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain » Paul Ricœur

Groupe porteur : Jean-Paul Lecomte, Benoit Mathot, François Saucin, Paul Scolas et Myriam Tonus

Le samedi 22 février 2014 de 8h45 à 16hIntervenants :

Stanislas DEPREZMaître de conférences en philosophie à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Lille et chargé de cours invité à l’UCL

Maurice BELLETDocteur en philosophie et théologien Formé à l’écoute psy-chanalytique et écrivainAvec la participation de Christine Mahy et Myriam Delmee

Lieu : au CEME (Charleroi Espace Meeting Européen) 147, rue des Français, à Dampremy.Inscription avant le 10 février 2014 :PAF : 25 € (collation de midi comprise) •Par courriel : [email protected] •Par courrier : F. SAUCIN – Rue Baty de Mélonsart,

25 – 6041 Gosselies - ou 0473 731 755 •Par versement au compte BE69 3600 0542 9578 de

Recherche et Vie Mentionner toujours «Colloque» + noms.

Renseignements : Jean-Paul LECOMTE 0472/53.32.21 ou [email protected]

À la rencontre du Pays des mille collines et de

l’Église Presbytérienne au RwandaPendant l’été prochain, du 1er au 16 juillet 2014, la « coordi-nation Église & Monde » de l’Église protestante unie de Belgique vous propose de découvrir cette Église sœur dont on a souvent parlé et pour laquelle nous envoyons régulièrement un soutien financier.

Ce sera en même temps une occasion de visiter quelques lieux d’intérêt touristique.

Selon notre estimation, le voyage coûtera 2.650 € en for-mule tout compris (avion, logements, repas, déplacements, entrées). Ajouter 200 € en single. Ceci ne comprend pas une excursion optionnelle au Parc des Volcans.

Un maximum de détails pourra être donné sur le contenu de ce voyage de découverte et de rencontre à la demande.

Les inscriptions sont déjà en cours depuis le 11 janvier, mais sont toujours possible selon les places encore disponibles

Pour la coordination :

Annie DE VLIEGER : tél. 071 45 25 67 courriel : [email protected]

Daniel VANESCOTE : tél. 071 87 51 57 courriel : [email protected]

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