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ASSOCIATION DES AMIES ET AMIS DE LA COMMUNE DE PARIS (1871) · 2013 TRIMESTRE 4 56 NUMÉRO Voyage au Luxembourg VOIR PAGE 26

La Commune. Association Des Amies Et Amis de La Commune de Paris (1871) - 2013 Trimestre 4 - Nº56

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  • ASSOCIAT ION DES AMIES ET AMIS DE LA COMMUNE DE PAR IS (1871) 2013 TR IMESTRE 4

    56NUMRO

    Voyage auLuxembourg

    VOIR PAGE 26

  • DITORIAL

    L a richesse de la programmation musicalede la Fte de la Commune 2013 a t denature satisfaire la diversit des gotsde la trs nombreuse assistance.Le florilge de chansons communardes, populaires et

    rvolutionnaires port par la gouaille entranante du duoNagAirs, des musiciens de Riton la Manivelle, du djantet dcoiffant groupe de rock Crve-moi , puis en acmpar la prestance et lmotion vhicule par FrancescaSolleville, a permis toutes et tous, dans une ambiancechaleureuse, de passer un fraternel aprs-midi. La traditionnelle prise de parole de lassociation sest

    porte sur la pertinence et la modernit des dcisionsprises durant les 72 jours dexistence de la Commune,rappelant que laction dmocratique et sociale de laCommune rsulte du formidable dynamisme et foison-nement idologique et politique de rpublicains o se ctoient, parfois se confondent, ou sopposentblanquistes, anarchistes, proudhoniens, fouriristes,disciples de Marx ou de Bakounine, etc. Remises en cause aprs la Semaine sanglante, cer-

    taines mesures ont d attendre plusieurs dcenniespour tre adoptes de nouveau, dautres attendentencore. Aujourdhui, en hommage au sacrifice de ces femmes

    et de ces hommes, le travail de notre association est de lutter contre loubli annonc de la Commune, et dassurer la permanence de ses valeurs. Pour y parvenir, il faut leffort et ladhsion de toutes et tous.Rappelons que les manuels dhistoire continuent

    de minimiser la porte de luvre de la Commune,quand ils ne loccultent pas.Le moment vient o il faudra dresser un bilan de

    notre campagne, engage loccasion du 140e anni-

    versaire, pour la rhabilitation de la Commune etdes communards. Le contraste apparat saisissantentre les mairies de gauche des arrondissements deParis o nous avons gnralement obtenu, par unepression incessante, que des plaques tmoignent dela prsence des lus communards, et les mairies dedroite qui ne nous ont donn aucune rponse.Cependant, force est aussi de constater que lessen-tiel des rponses des plus hautes autorits de lEtat,des ministres et des grandes institutions publiquesont t dilatoires ou inexistantes. Nous devrons porter ces faits la connaissance de lopinion.Mais faire vivre les idaux dmocratiques de la

    Commune serait le plus fort signe de la rhabilita-tion des communards. Cest dans ce sens que, lors denotre dernier conseil dadministration, la discussiona port sur les dfis relever dans les annes venir : la dmocratie sociale, la dmocratie politiqueet le droit au travail seront au cur de notre action.A lheure des renoncements, alors que nous

    entrons en automne, souvenons- nous de ce tempsdes cerises, quand les ides prenaient naissancedans le pays de labolition des privilges et se propageaient la vitesse des pollens, ignorant lesfrontires. Luvre de la Commune reste mditeret demeure un espoir indracinable, et encore ettoujours, lantidote toutes les tentatives de pauprisation des peuples.

    CHARLES FERNANDEZ

    PS La dernire assemble gnrale de notre association, aprs

    un dbat de haute facture, a vot pour un changement de son

    nom qui devient Les Amies et Amis de la Commune de Paris

    1871 . Nous reviendrons beaucoup plus longuement sur cet v-

    nement dans le prochain numro du Bulletin.

    NOTRE COUVERTURE

    Notre voyage au cur des Ardennes luxembourgeoises

    photo Georges Beisson

  • E n 1870, Paris, 84% des tablis-sements primaires sont privscontre 23,5% en France. Ilsaccueillent 57% des lvescontre 8,7% dans lensemble du pays. 1/3des enfants ne sont inscrits dans aucunecole (1).Dans le rglement destin aux instituteurs de

    la Seine de 1870, larticle I prcise que leprincipal devoir de linstituteur est de donneraux enfants une ducation morale et religieuseet de graver profondment dans leurs mes lesentiment de ce quils doivent Dieu . Dans les archives du XVIIe arrondissement, il

    est not que la prire doit tre dite par lins-tituteur au moins une fois par jour . De plus,la condition matrielle des enseignants est trsmauvaise. Mal pays, ils quittent lenseigne-ment ds quils sont librs de leur engagementdcennal. Les cours sont souvent assurs pardes adjoints qui en plus de leur travail donnentdes leons ou tiennent des livres de commerceavant ou aprs lcole afin de survivre (2).Quelques enseignants abandonnent le service

    public par rpublicanisme. Cest le cas notam-ment de Louise Michel, de Marie Verdure et deRaoul Urbain qui tentent douvrir des coleslibres. Dnomination qui na rien voir avec

    3 HISTOIRE

    Lenseignement sous la Commune

  • HISTOIRE 4

    celle daujourdhui. Il sagissait davoir descoles indpendantes de lEmpire car il fallaitprter serment lEmpereur pour avoir le droitdexercer. Urbain par exemple a pour devise dans son

    cole pas dglise, pas de prires, pas de pr-tres . Trs vite, les autorits arguent de mau-vaises conditions dhygine pour la faire fermer.Aussi, dans les clubs, lexigence de la lacit

    et de lamlioration des conditions de vie desinstituteurs grandit de jour en jour. La guerre et le sige, les conditions de vie

    qui en dcoulent, privent la population de res-sources. Le chmage plonge un grand nombrede familles dans la misre. Les parents retirentles enfants des coles prives payantes pourles mettre lcole publique. En octobre 1870, dans le XVIIe, deux coles

    laques sont cres l o nexistaient que descoles religieuses. Dautres arrondissementsfont de mme : le XIe, le Ve. Mais les moyensne suivent pas et les exigences grandissent.

    LA COMMUNE ET LCOLEDs le 2 avril 1871, la Commune dcide par

    dcret la sparation de lEglise et de lEtat. Elleaffirme dans ses dclarations les principesdune cole gratuite, laque, obligatoire pourles filles comme pour les garons. Trs vite ces dcisions se concrtisent dans la

    vie de tous les jours. La commission de lensei-gnement dirige par Vaillant lance, le 9 avril,un appel pour pourvoir aux postes laisssvacants par les religieux qui ne veulent pasadmettre le principe de la lacit dans leur ta-blissement. Les difficults sont grandes !Allemane rappelle dans ses mmoires la rsis-tance violente des religieux. Ils frappent lesinstitutrices se prsentant leur poste. Alcole des Carmes (Ve), ils prcipitent la direc-trice dans les escaliers Dans le IIIe arrondis-

    sement, une affiche rappelle que les frres de la doctrine chrtienne sont dmissionnaireset doivent tre immdiatement remplacs. Ilssont plus de vingt ! Aussi Vaillant lance-t-ilsans cesse des appels au recrutement.Des socits populaires, comme lEducation

    nouvelle qui regroupe enseignants et parents,se dveloppent. Il est remarquable de noterque les runions sont ouvertes tous y comprisaux non adhrents. On y dbat de nombreusesquestions. Leffort dducation est immense puisque des

    coles souvrent comme dans le VIIIe o la direc-trice annonce que les cours seront publics pourpermettre aux parents dy assister leur gr .Des mairies darrondissement prennent des

    initiatives, fournitures scolaires gratuites (IIIe).Dans le XXe arrondissement, la mairie se chargede nourrir et dhabiller les lves des coleslaques. Les ides nouvelles progressent et on ne peut

    passer sous silence les travaux denseignantscomme ceux de Louise Michel qui, mme si sousla Commune elle confie son tablissement lasous-matresse pour sengager comme Fdre,prcise quil faut prendre en compte lenfantcomme un individu . De mme pour MarieVerdure qui dclare pour les crches que ldu-cation commence ds la naissance . Elle dcritdans le mmoire remis aux reprsentants de laCommune des crches avec des jardins, desvolires, des jouets . Une modernit que lon nepeut oublier aujourdhui !Lenseignement a t une grande proccupa-

    tion de la Commune. Dans son Appel aux tra-vailleurs de la campagne , Andr Lo rappelleque Paris veut que le fils du paysan soit aussiinstruit que le fils du riche et pour rien, attenduque la science humaine est le bien de tous leshommes Le journal Le Pre Duchesne, dans un article

  • du 8 mai, analyse cette volont de faire parlcole des hommes complets, cest--dire capa-bles de mettre en uvre toutes leurs facults etde produire non seulement par les bras, maisencore par lintelligence Des coles professionnelles voient le jour, la

    premire le 6 mai, rue Lhomond. Sur lafficheannonant louverture, on peut lire quil estrecommand aux parents de dsigner lins-cription le mtier que chacun de ces enfantsdsire apprendre . Le 12 mai, rue Dupuytren,cest une cole dart industriel pour les jeunesfilles, jusque l cantonnes par les religieusesdans lapprentissage de la couture, qui montrelintrt de la Commune pour lenseignementde tous (3).Le 21 mai, la Commune dcide de lgalit de

    salaire entre les instituteurs et les institutricesavec une augmentation de leur traitement pourprendre en compte leurs conditions difficiles devie (Le Cri du Peuple, 21 mai). En mme temps,la Commune installe une commission charge dorganiser et de surveiller les coles de filles .Le 21 mai, les versaillais entrent dans Paris etla commission naura pas le loisir de fonctionner.Mais la Commune reste porteuse de cette

    volont de voir une cole qui apprend len-fant que toute conception philosophique doitsubir lexamen de la raison et de la science comme le soulignent le 26 mars 1871 les dl-gus du IVe arrondissement de lEducationnouvelle . Une rflexion toujours dactualit !

    CLAUDINE REY

    (1) Sources : Wolikow Serge - tude parue dans La Nouvelle

    critique, mars 1971.

    (2) Sources : Girard - Linstruction primaire Paris et dans le

    dpartement de la Seine, publi en 1872.

    (3) Sources : brochure La Commune et lcole - Amis de la

    commune

  • 6HISTOIRE

    Le grand public connat mal lhistoire de la Commune : il en a surtout retenu linopportunit duneguerre civile qui se droule sous les yeux des Prussiens , la violence des combats, le massacre desotages, la duret de la rpression et plus encore que tout le reste les incendies des plusbeaux monuments de Paris par les communards et les ptroleuses.Si lon examine, comme je viens den faire ltude, la prsentation de l'histoire de la Commune quedonnent depuis la fin du XIXe sicle jusqu nos jours les manuels scolaires, on comprend alorsparfaitement ces ractions. Le grand public a t un trs bon lve et il ne fait que rpter ce quila appris dans ses manuels ! Sur ce moment de notre histoire, de mme dailleurs que sur beaucoupdautres, les manuels scolaires font uvre de dsinformation systmatique. Il est vrai que les pro-blmes politiques de 1871 perdurent aujourdhui et que lenseignement de cette priode de lhis-toire nest pas neutre. Les concepteurs des programmes scolaires sont, eux aussi, loin dtre neutres.Il convient dajouter que les auteurs de ces manuels scolaires ont une conception un peu particu-lire de la pdagogie de lhistoire. En effet, et cest pour moi la plus grande surprise de cette tude,ils maillent la prsentation quils font des vnements de commentaires affectifs et subjectifs. Ilsfont plus appel lmotion des enfants qu leur intelligence : cest sans doute efficace pour marte-ler une thse, mais ce nest pas intellectuellement trs honnte.

    La prsentation de lhistoire de la Commune dans les manuels scolaires 1

  • HISTOIRE 8

    Je viens d'tudier les pages consa-cres la Commune dans les qua-tre-vingt-dix manuels scolairesque j'ai pu runir. Ce qui frappeds l'abord, c'est leur homog-

    nit : depuis 1881, ils tiennent tous peu prsle mme langage et les mmes propos. Aprsquelques considrations d'ordre mthodologique,je prsenterai ce schma de base qui est unvritable modle conceptuel avant d'en dcli-ner les variations en fonction : dabord de la datede parution, puis des niveaux scolaires, enfin desauteurs et des diteurs. Une place part serafaite l'enseignement priv catholique qui tientsur la Commune un discours qui lui est propre.

    MTHODOLOGIE

    C'est en relisant le manuel dans lequel j'aimoi-mme tudi l'histoire du XIXe sicle, leMalet-Isaac de 1931, que j'ai t frapp par lemanque d'objectivit de cet ouvrage et quem'est venue l'ide d'tudier de plus prs lesmanuels scolaires. Ayant achet un manuelcontemporain pour voir si les choses avaientchang, le Bourel-Chevallier de 2007, j'ai puconstater qu'il n'en tait pratiquement rien etai t confort dans mon ide.J'ai donc, dans le n47 de septembre 2011 du

    bulletin de La Commune, lanc un appel contribution qumandant les photocopies despages consacres la Commune dans les manuelsscolaires que pouvaient avoir conservs nosadhrents (1). Cet appel a t fructueux : jai reu,de douze adhrents, soixante-trois photocopiesde manuels scolaires auxquelles se sont ajoutesvingt-sept autres communiques par des nonadhrents.L'chantillon de 90 manuels dont je dispose

    est donc tout fait alatoire, sans tre pourautant raisonn. Peut-il prsenter un biais ? Le

    fait que les collecteurs des manuels soientmajoritairement des amis de la Commune deParis met-il en pril la validit de l'chantillon ?Je ne le pense pas, dans la mesure o lesmanuels qui m'ont t envoys sont, soit ceuxque mes correspondants ont eus quand ilstaient lves, soit ceux qu'ils ont utiliss entant qu'enseignants. Par ailleurs, la majorit desmanuels formulant les mmes thses et tenantpresque toujours le mme discours, l'chan-tillon prsente trs peu de variabilit. Il mesemble donc d'autant plus exploitable en l'tat.

    LE SCHMA DE BASE

    Il est frappant de noter que le contenu desmanuels varie peu au cours de la priode tudie, ce qui permet danalyser de maniredifiante la fabrique de lhistoire officielle dela Commune : il sagit dune prsentation poli-tique entirement au service de la bourgeoisie,classe sociale toujours au pouvoir aujourdhui.Plus que dune vritable falsification, il sagitdun tri, dune savante slection : laccent estmis sur certaines informations discrditant laCommune, le silence sur dautres qui pourraientla valoriser.Ds 1881, le dcor est plant. Le grand thme

    retenu est celui de la cration de la IIIe

    Rpublique par un homme dtat minent,Adolphe Thiers, artisan de la paix, librateur duterritoire et politicien de gnie. La Communenest quun dtail qui retarde laction deThiers pendant deux mois : certains manuels delenseignement primaire font dailleurs le choixde ne pas en parler.Certes des maladresses ont t commises : le

    10 mars 1871, lAssemble choisit Versaillespour sinstaller ; elle supprime la solde desgardes nationaux et met fin aux moratoires surles loyers et sur les chances ; le 18 mars,

  • 9 HISTOIRE

    larme ne prvoit pas dattelages en nombre suffisant et Claude Lecomte trane enlever lescanons. Il nen reste pas moins que cest bien lepeuple de Paris, excit par quelques meneursrvolutionnaires, qui excute Lecomte et Thomas.Cest la Commune qui dicte le dcret sur lesotages et qui finira par les fusiller un mois etdemi plus tard. Cest la Commune qui fait dmo-lir la colonne Vendme et, mme sil est puis et dsespr, cest encore le peuple de Paris quiincendie de trop nombreux monuments publics.Certes, la rpression est sanglante et des condam-nations sont encore prononces longtemps aprsla fin des combats, mais il faut bien rtablir lordre et en finir avec les rvolutionnaires.

    Par contre, presquaucun manuel ne signaleque Lecomte avait donn lordre de tirer sur lafoule, ni que le dcret sur les otages tait unerponse au fait que les versaillais excutaientsommairement les prisonniers, refusant de leuraccorder le statut de belligrants. Presquaucun manuel ne mentionne que les

    incendies ntaient pas le fait des seuls com-munards. Aucun ne sappesantit sur les des-tructions par les canons versaillais des arron-dissements de Paris porte du Mont-Valrien. Quant la rpression, aucun manuel ne cite

    Thiers : On ne parle plus du socialisme et lonfait bien, nous sommes dbarrasss du socia-lisme . En dfinitive, aucun manuel nanalyseles vnements de 1871 pour ce quils ont trellement : lcrasement voulu, mticuleux etsystmatique du mouvement ouvrier, alors enplein essor, par la bourgeoisie.

    On comprend mieux que, de nos jours, le grandpublic ait retenu, au passif de la Commune, lesincendies et lexcution des otages et ne sacherien, lactif de la Commune, de son uvre etde sa modernit.

  • HISTOIRE 10

    CHRONOLOGIQUEMENT,LE DISCOURS VOLUE PEU

    Au fur et mesure que le temps se droule,les passions viennent timidement se calmer.Une plus grande rigueur historique se fait jour partir des annes trente : on utilise des for-

    mulations plus neutres et onabandonne les connotationsmorales et affectives exces-sives. Les gnraux sontassassins pour la dernirefois en 1922 ; aprs cettedate, ils ne seront plus quefusills (2). De mme, le derniermassacre des otages a lieu en1940 ; ensuite, il ny aura plusque leur excution. Aprs1948, les communards cessentde boire du vin et de lalcool pleins tonneaux.

    Une variante intressantecaractrise les ouvrages critsdans les annes 1910 : lesPrussiens ne sont plus neutreset sont prsents, lap-proche de la Premire Guerremondiale, sous un jour anti-pathique. Albert Malet, en 1911, est

    trs explicite ds l'introduc-tion : Lunit allemande sestacheve en violant le droitimprescriptible des peuples disposer seuls deux-mmes.Elle sest acheve en lsant laFrance, dont le territoire estdmembr, la frontire dman-tele, la scurit mise en per-ptuel pril. Cest pourquoi le

    trait de Francfort est une trve et non pas lapaix ; cest pourquoi, depuis 1871, lEuropeentire vit en permanence sous les armes (3).En 1910, Ernest Lavisse crivait dans le mme

    esprit lintention du cours moyen : Aujourdhui presque tous les Alsaciens etLorrains qui avaient lge dhomme au moment

    Page du Malet et Isaac de 1930.

  • 11 HISTOIRE

    de la guerre sont morts. Mais leurs enfants nontpas oubli la France. Elle est toujours la patriede leur cur. Les Allemands les tourmentent de toutes les

    faons. Ils ne veulent mme pas quils parlent lefranais en Alsace. On na plus le droit de sap-peler lise ; il faut sappeler Elsa. Les Allemandsdfendent mme quon crive des noms franaissur les tombes. Dans les coles et les collges, les instituteurs

    et les professeurs disent des choses mchantes etmensongres sur la France. Les Allemands obligent les Alsaciens et les

    Lorrains servir dans larme allemande. Or, il ya beaucoup de familles alsaciennes et lorrainesqui ont des enfants tablis en France, et dautresrests en Alsace et en Lorraine. Sil y avait laguerre, il y aurait des frres forcs de combattreles uns contre les autres. Cest une chose abomi-nable (4) .Une page plus loin, il assortissait sadescription des vnements de la Commune ducommentaire suivant : Les Allemands occu-paient encore les environs de Paris. Ils entendi-rent avec joie la fusillade et la canonnade. Lanuit, ils regardrent la flamme et la fume desincendies. La France semblait se dtruire elle-mme dans un accs de folie furieuse (5).

    Ce qui frappe le plus toutefois lorsque lonconfronte lensemble des manuels, cest bien laconstance de la prsentation historique surprs dun sicle et demi. A titre dexemple, en2007, Bourel et Chevallier rsument lhistoirede la Commune en cinq lignes gure diff-rentes de celles qucrivaient leurs prdces-seurs des XIXe et XXe sicles : Le 18 mars1871, Paris, qui a vot socialiste et anarchiste,se dresse contre lAssemble. Des lectionsmunicipales dsignent le Conseil gnral de laCommune qui prtend instaurer une Rpubliquesociale. Retirs Versailles, le gouvernement et

    lAssemble envoient une arme, commandepar Mac-Mahon, craser les communards (21 au28 mai) (6).

    GEORGES BEISSON

    Je souhaite nouveau remercier tous les amis de la Commune qui

    m'ont rpondu et notamment Dominique Balandras, M. Barracq,

    Didier Berger, Daniel Depresle, Franois Fardeau, Marc Forestier,

    Alain Gelly, Andr Gorius, Marie-Claude Juin, Hubert de Leffe,

    Gilbert Provost et Francis Vitel.

    Je remercie galement les amis non membres de lassociation que

    jai pu contacter par ailleurs et qui mont permis de runir vingt-

    sept ouvrages supplmentaires, notamment Arlette Masson,

    Vincent Martinez, Claude Prudhommeau et Maurice Stein.

    (1) La Commune, n47, Association des amis de la Commune de

    Paris, 3e trimestre 2011, p. 23.

    (2) Une exception toutefois : Bessige, Lyonnet & Blanc, Librairie

    ISTRA, Paris, 1958, continuent les assassiner, de mme, dail-

    leurs, qu massacrer les otages !

    (3) Albert Malet, Histoire de France depuis la Rvolution jusquen

    1875, Hachette & Cie, Paris, 1911, p. 500.

    (4) Ernest Lavisse, CM, Armand Colin, Paris, 1910, p. 232.

    (5) Ernest Lavisse, Idem, p. 233.

    (6) Guillaume Bourel & Marielle Chevallier, Histoire 1re L, ES, S,

    Hatier, Paris, 2007, p. 128. Toutefois lexpos est complt par

    quatre documents : la dclaration de la Commune au peuple

    franais du 19 avril 1871, la proclamation de Thiers aux Parisiens

    du 8 mai 1871, une dclaration de Louise Michel lors de son pro-

    cs, trois mesures prises par la Commune (remise des loyers,

    sparation de lglise et de ltat, exploitation des ateliers aban-

    donns par lassociation cooprative des ouvriers).

  • 12HISTOIRE

    Il est un coin du XIXe arrondissementde Paris, entre le Parc des ButtesChaumont et le boulevard Serrurier, onlappelle le quartier de la Mouzaa :petites rues autour dune place

    centrale, jolies maisonnettes basses avec jardinets, un quartier charmant et paisible.Au nord, la rue des carrires dAmrique nous

    indique que pendant plusieurs sicles tout ce quartier ntait que carrires exploites pour leurspierres meulires et leur gypse que des fours transformaient en pltre, et que ce pltre taitexport en Amrique do le nom de la rue.Tout prs : rue de la Solidarit au n 1, sur une

    plaque discrtement accole une maison, on peutlire que tout prs dici reposent de trsnombreux citoyens morts en mai 1871 pourla Rpublique et la Libert . On cherche aucimetire de la Villette tout proche : rien. Alors ochercher ?Les archives de la Prfecture de Police de Paris

    nous fournissent une piste. En effet, ds octobre1871, la demande du Prfet de police, une enqute

    est diligente au sujet des spultures dinsurgssitues dans les contrescarpes des fortifications de ParisAu lendemain de la Commune, il sagissait

    deffacer toute trace des combats et du massacredes communardsUn rapport dat du 31 octobre 1871, trs

    circonstanci, nous permet de retrouver en partie o ont t ensevelis les insurgs .Dans ce rapport qui fait le tour des fortifications

    de Paris, il est indiqu : le Point du Jour (aujourdhui Porte dAuteuil)

    jusqu la Porte dAsnires, o les cadavres inhums ont t transports ailleurs. La porte Uhrich (aujourdhui Porte Dauphine)

    o se trouvent deux petits tumulus sous lesquelssuivant les dires des employs de loctroi, seraienttrois corps dinsurgs. Le bastion 37 (aujourdhui entre la Porte

    de Clignancourt et limpasse Lecuyer), la terre fra-chement remue indique lemplacement de tombes. Le bastion 10 (aujourdhui Porte de Vincennes,

    hauteur de la rue de Lagny), on voit un petit ter-

    Regard sur un quartier paisible

  • 13

    tre de peu dlvation contenant, assure-t-on uncadavre. Des fleurs aujourdhui dessches ont tplantes il y a quelques jours. Le bastion 84 (aujourdhui, avenue Caffieri

    parallle au boulevard Kellermann), on remarqueplusieurs monticules paraissant tre des spul-tures. Des travaux de terrassement font supposerque les exhumations ont dj eu lieu. Rue de Vanves (Porte de Vanves au niveau de la

    rue Raymond Losserand) subsiste encore un desdeux fosss dans lesquels on avait plac les corpsde sept insurgs.Le rapporteur semble satisfait du travail

    dexhumations: les travaux entrepris sur touteltendue des remblais des fortifications tendentdu reste faire disparatre toute trace dinhu-mation. Toutefois, un point noir subsiste au niveau des

    carrires dAmrique. Il crit : On ma inform quil existait dans les

    Carrires dAmrique deux fosses dont jai faitreconnatre la situation. Elles se trouvent dansun prcipice quon appelle la Cloche et dontla profondeur atteint environ 40 mtres. La premire qui a environ 20 mtres de circonf-rence renferme 75 cadavres enterrs une

    profondeur de 5 mtres et recouverts de chaux.La seconde dont ltendue est double abrite de870 875 corps enfouis une profondeur de sixmtres et galement recouverts de chaux.Ces fosses quaucun insigne extrieur ne dcle

    sont visites journellement par des femmes quiviennent y pleurer. Elles ont servi enterrer lesmorts du 2e secteur dans lequel dailleurs ellessont situes, 200 mtres environ du bastion22 (aujourdhui au-dessus de lancien hpitalHrold, boulevard Srurier). On craint quelles nesoient lobjet dun plerinage loccasion de laToussaint. Une annotation en marge de ceparagraphe indique quune surveillance spcialesera exerce.Hier, ces communards taient pleurs, aujourdhui

    nous demandons quils soient rhabilits.SYLVIE PPINO

    Sources : Archives de la Prfecture de Police ; Archives de

    Paris, Plans parcellaires de 1860 et les plans de 1808-1825

    Carrires dAmrique

  • 14HISTOIRE

    tudier le rle des mitrailleuses pendant la Commune de Paris peut d'emble paratre incongru.La chanson ne dit-elle pas propos du drapeau rouge, emblme de la Commune : A tous les peuples de la terre, porte la paix et le bonheur ? Ce serait oublier que si les communeux dnonaient le militarisme et les armes permanentes, ils n'en taient pas pour autant non-violents. A leurs yeux, la mise en place de mesures de transformation sociale et la conduite de laguerre contre Versailles n'taient nullement exclusives l'une de l'autre. Puisque l'antagonismepolitique dbouchait sur une confrontation arme, il fallait assurer le succs de son camp. La question de l'armement notamment, loin d'tre considre comme secondaire, devint alors une proccupation centrale. En outre, parce qu'ils taient largement des manuels , les fdrsvourent leurs armes le mme attachement qu' un outil de travail. On en a de multiples tmoignages.

    Les mitrailleuses pendant la CommuneUne arme rvolutionnaire?PREMIRE PARTIE : LES ORIGINES

  • 15 HISTOIRE

    Dans l'histoire de l'armement et lamanire dutiliser le matriel deguerre, la Commune ne s'inscritdonc pas comme une paren-thse vide, par dsintrt ou

    idalisme. C'est le cas en ce qui concerne lesmitrailleuses.

    LES ORIGINES. Pour mieux comprendre l'emploides mitrailleuses sous la Commune, il faut dabordremarquer que lapparition de celles-ci, dans lesannes 1860, est lie lhistoire de lartillerie. Ilconvient donc de rappeler grands traits lvolu-tion de cette dernire.On s'tait rendu compte trs tt que les projec-

    tiles pleins (boulets en pierre, puis en fonte)n'taient efficaces qu' leur unique point d'im-pact ; ils l'taient donc essentiellement contre lesfortifications et trs peu contre les hommes,mme dcouvert. D'o les recherches entre-prises pour multiplier les projectiles au cours d'unseul tir : on a alors l'ide dans un premier tempsde remplacer le boulet par des morceaux de fer-raille que la charge explosive propulse hors ducanon et qui se dispersent la sortie de celui-ci(on parlera alors de charger mitraille uncanon). A partir de 1670, on diminue l'imprci-sion du tir en plaant des balles ou des galettesde fonte, appeles parfois biscaens , non plusdirectement dans le canon, mais dans une enve-loppe lgre qui se dchire seulement la sortiede celui-ci : ce sont les botes mitraille ,encore utilises au temps de la Commune.

    LE XIXE. Au milieu du XIXe sicle, l'artillerieconnat de nouveaux perfectionnements avecl'obus explosif, dabord sphrique puis cylindriqueavec une pointe ogivale, dont le chargement dansle canon se fait dsormais par la culasse ( larrire) et non plus par la bouche ( lavant). Cesobus sont soit pleins, soit creux. Les obus pleins

    sont utiliss principalement contre les fortifica-tions, les obus creux surtout contre les hommes.Ces obus creux contiennent des balles sphriquesqui se dispersent non pas la sortie de la pice,comme dans le cas des botes mitraille, mais seulement lexplosion au moment de limpact. Onles appelle obus balles ou mitraille ouencore shrapnels , du nom dun de leurs inven-teurs. On accrot dans le mme temps la porte etla prcision des tirs au moyen de rainures hlico-dales sur la face interne des tubes. On donne cesnouvelles pices lappellation de canons rays ,par opposition aux canons lisses . Il fautremarquer quau moment de la Commune, lesbotes mitraille continuent coexister avecles obus balles, de mme que les canonslisses avec les canons rays.

    Mais le milieu du XIXe sicle voit aussiapparatre dans plusieurs pays, principalementles pays anglo-saxons, la Belgique et la France,une autre direction de recherche qui va tre l'origine de la mitrailleuse. Plutt que de sefocaliser sur le perfectionnement des canons etde leurs munitions, on tudie le moyen d'en-voyer partir d'une mme pice des projectilesbeaucoup plus petits mais qui se succdent trs grande cadence. Le dveloppement de lanouvelle arme est facilit par la mise au pointde la douille mtallique (1860).

    Ce principe gnral va donner lieu dansson application deux coles : lcole am-ricaine et lcole belge et franaise. Lcoleamricaine est reprsente essentiellement parles frres Gatling. Leur mitrailleuse, mise aupoint de 1861 1865, est constitue de 6 ou10 tubes accols qui tournent ensemble, enboucle, autour dune culasse fixe. Chaque tubereoit tour de rle une cartouche partirdun chargeur, fixe galement. Une fois le coupparti, chaque tube est rapprovisionn sontour automatiquement, puisque lensemble des

  • 16HISTOIRE

    tubes continue de tourner. Le tout estactionn gnralement au moyen dune mani-velle. La mitrailleuse Gatling va tre utilisependant la guerre de Scession, lors de cer-taines expditions coloniales anglaises, aucours de conflits en Amrique latine, semble-t-il, mais aussi pendant la guerre franco-alle-mande, puis la Commune.

    LCOLE FRANAISE. Les mitrailleuses de lcolebelge et franaise sont galement constituesde tubes accols. Mais ici ils sont fixes et appro-visionns tous en mme temps partir dun blocmtallique amovible o sont disposes les car-touches de telle sorte que chacune soit placeen face dun tube et puisse tre insre danscelui-ci. Tout larrire, une grande vis avec unemanivelle permet de mettre le bloc-chargeur aucontact de lextrmit des tubes. Une vis dedclenchement place sur le ct permet de

    provoquer successivement le tir de chaque car-touche par percussion. Un prototype est mis aupoint en Belgique ds 1851 par le capitaineFafschamps, mais ce sont deux industriels de cepays, Montigny et Christophe, qui ralisent lepremier modle oprationnel en 1863.Napolon III, qui avait une formation dartil-

    leur et tait curieux des innovations techniques,sintresse ds le dbut cette nouvelle arme.Cest le capitaine Verchre de Reffye, dabordofficier dordonnance de lempereur, qui va met-tre au point en secret au camp de Satory, de1863 1866, le principal modle franais (il yen aura dautres en province), appel alors canon balles . Celui-ci sinspire largementau dbut de la mitrailleuse belge. Il est composde vingt-cinq tubes rays en acier de calibre 13 mm, eux-mmes englobs dans un autretube, en bronze, de plus grand diamtre. Celui-ci tait mont sur un afft de canon muni de

  • 17 HISTOIRE

    grandes roues comme les pices dartillerie. Dola confusion frquente avec les canons clas-siques (1). Sur les gravures et les photographiesprises pendant la Commune, on peut reconnatreles mitrailleuses quelques indices : elles sontplus courtes que les canons, ce qui leur donneun aspect plus trapu ; leur extrmit avantest perce de trous correspondant aux tubes quiles composent ; certaines comportent de grandesplaques dacier perpendiculaires (les bou-cliers , pour protger les servants), do leurnom lpoque de mitrailleuses blindes ; surcelles qui arment les barricades, enfin, on peutsouvent distinguer la grande manivelle placetout larrire, dont sont dnus les canons.Le canon balles, adopt en 1867, est fabriqu

    latelier de Meudon, en banlieue parisienne, et,au moment de la guerre franco-allemande, enprovince, notamment Nantes et au Creusot. Lefinancement est assur au dbut par les fondssecrets de lempereur, les crdits militaires tantlargement entams par la fabrication en srie dufusil Chassepot.Au moment des essais, le canon balles est

    apprci pour sa prcision, au moins jusqu1 000 m, sa quasi-absence de recul (en raison deson poids, 1485kg avec lafft) et sa facilitdemploi. On regrette par contre la quasi-impos-sibilit de raliser un effet de balayage pendantle tir ainsi quune cadence de tir (125coups/minute au maximum) infrieure lamitrailleuse Gatling, partiellement automatisegrce son systme barillet.Mais cest surtout une doctrine demploi dfi-

    ciente, plus que ses dfauts de conception, quiva pnaliser lutilisation du canon balles. Iltait considr ainsi que son nom lindique comme une pice dartillerie, non une arme din-fanterie. A ce titre, il tait destin combler levide entre 500m (la porte des botes mitraille)et 1200m (la porte minimale des shrapnels). Il

    tait lui-mme hors datteinte du fusil allemandDreyse qui tirait 600m. On escomptait en par-ticulier quil pourrait causer des dommages parmiles servants des canons prussiens, suprieurs ceux de lartillerie franaise. A la dclaration de guerre, 168 canons

    balles, groups en batteries de 6 pices, sontdisponibles pour le service en campagne. Leurutilisation au sein de lartillerie, apporte sur-tout des dconvenues : ils sont surclasss parles canons prussiens qui tirent plus loin. Enoutre, quand il capitule Metz (27 octobre1871), Bazaine va livrer 12 batteries ladver-saire. Pourtant, lorsque drogeant la rgle,les canons balles sont utiliss contre linfan-terie ou la cavalerie, ils provoquent de vrita-bles hcatombes. Cest le cas par exemple labataille de Saint-Privat, pourtant dfaite fran-aise (18 aot), o la Garde prussienne estdcime par le tir des canons balles. Mais la chute de lEmpire, le bilan de leur utilisationest globalement ngatif. Ce sont finalement les Fdrs de la Commune

    qui, bien que ntant pas des soldats de mtier,vont au cours de la guerre contre Versailles tirerun meilleur parti des mitrailleuses en les utili-sant de fait comme une arme au service de lin-fanterie. (A suivre)

    HUBERT DE LEFFE

    (1) Ainsi, certains historiens, en se fondant sur le tableau

    Le Triomphe de lOrdre , laisseront entendre quau Mur

    des Fdrs, les prisonniers ont t fusillsau canon !

  • Quelques couples cl-bres ont contribu lhistoire de la Communede Paris, Louise Michel etThophile Ferr, AndrLo et Benot Malon,

    Anna et Victor Jaclard La rencontre de cettejeune aristocrate russe, frachement migre,avec cet tudiant en mdecine, arriv de pro-vince, a lieu dans les milieux blanquistes, dansun Paris en effervescence.

    PRLUDE LA RENCONTREAnna Korvin-Krukovskaja 1, de son vrai nom,

    est ne Saint-Ptersbourg en octobre 1844.Issue dune vieille famille aristocrate russo-lituanienne, elle reoit avec sa sur une ducation digne de son rang. Attire par lcri-

    ture, elle envoie une nouvelle, Le Rve, Dostoevski, qui la publie dans sa revue. Unecorrespondance sensuit entre elle et lcrivaintomb amoureux. Au final, elle lconduit enrejetant sa demande en mariage. Gagnes parles ides socialistes, comme beaucoup de com-patriotes de leur temps, les deux surs dci-dent de fuir le despotisme et migrent enEurope en 1866. Tandis que Sophie se fixe Heidelberg et devient une brillante mathma-ticienne, Anna pousse jusqu Paris tudier la question sociale .Victor Jaclard est lui n Metz en Lorraine,

    dans un milieu modeste. Fils dun artisan sel-lier, il fait de bonnes tudes et enseigne untemps les mathmatiques, avant de monter Paris en 1864, afin de faire sa mdecine.Farouchement oppos au Second Empire, il se

    18HISTOIRE

    Anna et Victor JaclardUn couple communard

    Source : BIU Sant Paris

  • 19 HISTOIRE

    mle trs tt aux activits politiques de sescondisciples. Ainsi, fin octobre 1865, il est,avec Paul Lafargue, dlgu au Congrs inter-national des tudiants de Lige. Le Conseilacadmique de Paris, scandalis par leurs pro-pos socialistes et athes, les exclut de luniver-sit. A son retour aussi, Victor entre avec sescamarades en franc-maonnerie, initi LAvenir, une loge avant-gardiste. Il a surtoutintgr lorganisation clandestine mise enplace par Auguste Blanqui depuis sa prison deSainte-Plagie, en prparation dune actionrvolutionnaire prochaine.

    UN COUPLERVOLUTIONNAIREDepuis leur rencontre dans les cafs du

    Quartier Latin, le couple vit ensemble, aurythme de son engagement politique fort.Anna, ouvrire dans une imprimerie depuis sonarrive en France, saffirme comme fministe.Proche de Blanqui, Victor est charg alors,avec louvrier syndicaliste Emile Duval, dorga-niser les premiers groupes de combat du mou-vement. Mais, harcel par la police, il trouverefuge avec Anna Genve en juillet 1870. Enexil, elle adhre la section russe de lAIT tan-dis que lui milite au sein de lAlliance interna-tionale de la dmocratie socialiste, organisa-tion cre avec Bakounine deux ans avant.De retour Paris en septembre 1870, aprs

    la proclamation de la Rpublique, le couplesinstalle dans le XVIIe arrondissement, rueBiot. Anna qui doit bientt faire face, commetous les Parisiens, aux dures conditions duSige, milite au Comit des femmes avec AndrLo et Elisabeth Dmitrieff. Victor, ancienconscrit, entre dans la Garde nationale. luchef de bataillon, il est rvoqu puis incarcrpour son rle dans la journe insurrectionnelledu 31 octobre. Il nest remis en libert provi-

    soire quen janvier 1871. Entre-temps, il a tlu maire adjoint de Montmartre sur la liste deson ami Georges Clemenceau. Par contre, ilchoue comme candidat socialiste rvolution-naire aux lections lgislatives du 8 fvrier. Lpisode de la Commune est certainement

    enthousiasmant pour le couple qui sengagesans retenue. Ds le soir du 18 mars, Victorexhorte le Comit central des Vingt arrondisse-ments marcher sur Versailles. Il crit : Il nya quune manire de traiter avec Versailles, cestde la prendre 2. Nomm chef de la XVIIe

    lgion, il dmissionne suite des accusationsdabus de pouvoir. Il est alors nomm inspec-teur gnral des Fortifications, poste cl dansla dfense de Paris. De son ct, Anna, mem-bre du Comit de Vigilance des citoyennes duXVIIIe, participe avec son amie Andr Lo, lacommission charge dorganiser et de surveil-ler lenseignement des filles. Ensemble aussi,elles animent un journal politique, La Sociale.Surtout, le couple sest mari en mars la mai-rie du XVIIe, devant son maire Benot Malon.Lentre des versaillais dans la capitale obscurcit leur horizon. Anna, dlgue auxhpitaux et ambulances, assiste les blesssdans un Paris ravag par la guerre civile. Ellese bat aussi, fusil la main. Victor secondedabord Malon dans la dfense des Batignollesavant de se replier sur les barricades duChteau-dEau dont il a laiss un tmoignagemouvant 3.

    LEXIL ET LE RETOUR EN FRANCEArrt au bout de trois jours, Victor Jaclard

    est enferm dans la prison des Chantiers Versailles do il finit par svader au bout de4 mois. Il rejoint Anna, dj en fuite. Exils enSuisse, les Jaclard se mlent la communautdes proscrits franais. Victor achve ses tudesmdicales avant que le couple ne se rende en

  • NOTRE ASSOCIATION 20

    Russie en 1874. Dans la rgion de Saint-Ptersbourg o Victor enseigne le franais,Anna se remet lcriture en publiantquelques nouvelles.Amnisti, le couple rentre Paris en 1880.

    Trs vite, Victor entame une carrire de jour-naliste. Clemenceau, devenu dput, lem-bauche comme secrtaire de rdaction, dansson journal, La Justice. Il collabore galementau mensuel de Benot Malon, La Revue socia-liste. Avec lui, il fonde en 1893 le syndicat desjournalistes socialistes dont il est secrtairegnral quelques annes. On sait peu dechoses sur la fin de vie dAnna. Affaiblie par lesannes dexil, elle meurt jeune, en octobre1887, des suites dune opration, laissant unfils et un mari qui se bat pour reconstituer leurmariage, annul par le pouvoir ractionnaire.Il obtient gain de cause en 1893. Il est pr-sent, depuis 1889, conseiller municipaldAlfortville, en banlieue, aprs plusieurschecs lectoraux Paris. Encourag par lessordu mouvement ouvrier en Europe, il participeaussi la reconstruction de lInternationalesocialiste, comme dlgu ses premierscongrs (1889, 1891 et 1893).Il tait remari depuis presque dix ans,

    lorsquil meurt Paris en 1903. Il sera incinrau Pre-Lachaise. Dans un bref hommage, lejournal radical La Lanterne conclut : Ce futun convaincu et un travailleur : il fut toujours la peine et rarement lhonneur 4.

    ERIC LEBOUTEILLER

    (1) C. Rey, A. Gayat, S. Pepino, Petit dictionnaire des femmes

    de la Commune, Ed. Le bruit des autres, Paris, 2013, p. 162-164

    (2) La Revue Blanche, Enqute sur la Commune de Paris, Ed.

    de lAmateur, Paris, 2011, p. 160. (3) Idem, pp. 162-166. (4) La

    Lanterne, ncrologie de Victor Jaclard, le 17 avril 1903, p. 3

    A LA FTE DE LHUMANIT 2013

    Les communardessortent de loubli

    Comme les annes prcdentes, les Amis dela Commune de Paris taient prsents la Ftede lHumanit les 15 et 16 octobre derniers.De nombreux amis sont venus y acheter des

    livres, brochures, affiches, tee-shirts et souve-nirs divers sur la Commune de 1871. Ctaitloccasion de se procurer la toute dernire di-tion de notre association, le Petit dictionnairedes femmes de la Commune et de le faire ddi-cacer par leurs auteures, Annie Gayat, SylviePpino et Claudine Rey. Cinquante exemplairesont t diffuss pendant les deux jours de lafte contribuant ainsi faire connatre etreconnatre plus de 800 oublies de lhistoirede la Commune.

    YVES LENOIR

    HISTOIRE

  • 21 NOTRE ASSOCIATION

    L e 28 septembre, comme tous les ans, lAssociationLes Amis de la Commune organisait place de laCommune dans le XIIIe arrondissement de Paris, safte annuelle, neuvime du nom. Avec une mto qui tait dela partie, nos stands furent trs apprcis, en particulier celuide la littrature o lon se pressait pour faire ddicacer lepetit dictionnaire des femmes par les auteures AnnieGayat, Sylvie Ppino et Claudine Rey. Nous y avons aussi ra-lis une excellente vente avec nos brochures sur lhistoire, lu-vre et la modernit de la Commune qui suscitent un intrt tou-jours croissant.Le stand des nouveaux tee-shirts (Le temps des cerises, Jean

    Baptiste Clment) et des foulards a reu de nombreux ache-teurs. Et que dire de la buvette o lon se bousculait pourdguster les communards et les nombreux gteaux confection-ns par nos Amis.Merci aux nombreux visiteurs qui ont achet les bons de sou-

    tien (les numros gagnants sont en dernire page de ce bulle-tin) et ont ainsi contribu lquilibre financier de la Fte.Charles Fernandez rappelait dans son discours que la

    Commune de Paris tait un des moments les plus mal connus,les plus calomnis de notre histoire et pourtant un pisodepass presque immdiatement dans lhritage du mouvementouvrier : 72 jours pour construire un nouveau monde avec lasparation de lglise et de ltat, lgalit des droits entrefemmes et hommes, lgalit entre franais et trangers, ladfense des services publics, la rquisition des logementsvacants et ateliers abandonns et la mise en place du pouvoirdu peuple, par le peuple et pour le peuple.Ce fut aussi loccasion dcouter le groupe Nag air, le groupe

    de rock Crve-moi, Riton et son orgue de barbarie, etFrancesca Solleville.Un grand merci tous ceux qui ont prpar activement et

    fraternellement depuis plusieurs semaines cette grande journede fte populaire, de dbat, de contact entre les membres delassociation, les Amis et la population du XIIIe et dailleurs.Que le temps a pass vite, alors vivement 2014, que lon

    remette cela ! JOL RAGONNEAU

    FTE DE LA COMMUNE 2013

    Non la Commune nest pas morte !

  • 22NOTRE ASSOCIATION

    Cet t, Mme Calandra, mairedu XXe, et notre prsidentedhonneur, Claudine Rey, ontchoisi le 4 septembre - datehautement symbolique- pourlinauguration de la plaque deslus du XXe sous la Commune deParis en 1871. Il tardait en effet aux lus

    dinaugurer la plaque prsentelors de la monte au Mur desFdrs.Le jour anniversaire de la pro-

    clamation de la Rpublique, enfin de journe, la mairie nous adonc invits au dvoilement dela plaque en lhonneur des lusdu printemps 1871, en pr-sence de Mme le maire et denombreux lus, de quelquesrares habitants de larrondisse-ment (avertis trs tardivement)et dune quarantaine de nosadhrents contacts par lebouche oreille. Jean-Louis Robert sollicit

    pour une prise de parole a rap-pel avec motion la perma-nence de la Dmocratie socialeet politique en usage sous LaCommune. En cho, Mme lemaire a exprim son attache-ment la modernit des valeursde la Commune et sa volontden entretenir lhritage.

    Puis vient linstant du dvoi-lement de la plaque effectude concert par Mme Calandraet nos prsidents, instantsolennel relev comme il sedoit, lors de chaque inaugura-tion, par la prsence du dra-peau de la Commune.La plaque de marbre appo-

    se au-dessus de la porte dela salle des mariages et decelle prexistante de GabrielRanvier, rappelle avec forceconviction :

    Le verre de lamiti estvenu clturer la satisfac-tion gnrale cette belle ettant attendue crmonie.

    CHARLES FERNANDEZ

    Notre exposi-tion, LesD i e p p o i spendant laC ommunede Paris ,

    fruit d'une anne derecherches et de travail denotre ami Guy Dcamps, a tprsente dans diffrentslieux de la ville depuis sa ra-lisation. Elle vient d'tre accueil-lie pour la premire fois dans lanouvelle salle d'expositions duCentre social Oxygne deNeuville-les-Dieppe, du 14 maiau 28 juin 2013 .Le vernissage chaleureux s'est

    termin en chansons grce notre chorale, aprs les discoursdu maire de Dieppe, SbastienJumel, et du prsident du Centresocial, Patrick Buisson.Le 21 Mai, Jean-Louis Robert,

    notre historien-coprsident, aanim deux confrences illus-tres : la premire dans leslocaux du Collge Albert Camus,face aux trois classes de 4e et la

    Plaque en hommage aux lus sous la Communedu XXe arrondissement de Paris

  • 23

    seconde, le soir, dans la petitesalle de confrence du Centresocial ; nous tions presque qua-rante nous y tenir serrs pourentendre l'histoire de laCommune avec des clairagespassionnants. Merci Jean-Louis.Les jours suivants, les lves

    de 4e du Collge Camus sontvenus tudier attentivement lecontenu de notre expo afin derpondre un questionnaire ta-bli par leur professeur. La classede CM2 de l'cole voisine, elleaussi, a cherch dans les diff-rents panneaux les rponses un questionnaire que nous leurproposions avec leur professeur.Moments d'changes rares.D'autres visiteurs isols ou en

    groupes sont venus pour voir ourevoir cette expo au contenu trsriche.Quelques panneaux ont t

    montrs sur notre stand l'invi-tation du PCF, le 23 juin, lors desa fte populaire.Grce la qualit de cette

    exposition, des liens se nouent

    et des prolongements s'effec-tuent. Ainsi, l'atelier Mozaquede l'Ecole des Arts du Centresocial a ralis un portrait deLouise Michel ; il sera installdans le petit square ddi sammoire, le 28 septembre 2013 16 h, en prsence du maire deDieppe. Et les lves de l'atelierThtre ont quant eux prvud'y rciter des pomes crits parLouise Michel ; ce sera doncencore l'occasion de parler et dechanter la Commune.

    Cette expo nous a aussi permisd'entrer en contact avec la com-mune de Feytiat (ville proche deLimoges) qui nous invite le 9novembre 2013 en Limousinpour le vernissage d'une exposi-tion sur la Commune.Et enfin, elle sera montre

    pour la premire fois la fte del'Humanit Rouen, lademande du PCF, le samedi 23novembre 2013, la veille denotre banquet annuel la Fermedu Val de Bures.Jean-Louis a retrouv pour

    nous des noms de jeunes diep-pois partis travailler Paris etqui ont t condamns commecommunards. Notre souhait estque l'un d'entre nous, l'imagede Guy, ait le courage d'entre-prendre la recherche de leurspossibles descendants ; un nou-veau chantier en perspective.

    NELLY BAULT

    Petites nouvellesde Dieppe

    Lecture de pomes par des enfants pour linauguration dun portrait de Louise Michel en mosaque (voir page suivante)

  • 24NOTRE ASSOCIATION

    L es visites du Paris com-munard permettent defaire connatre lhistoire,luvre et la modernit de laCommune dune manire vivanteet ludique. En septembre dernier,nous avons effectu deux de cesvisites avec des organisationsadhrentes collectives des Amieset Amis de la Commune de Paris.Le mercredi 25, nous avons

    accompagn pendant trois heuresdes syndicalistes de lentrepriseCoca Cola, membres de la FNAF(Fdration nationale agroali-mentaire et forestire) CGT, aveclesquels nous avons visitMontmartre et le cimetire duPre-Lachaise.Quatre jours plus tard,

    dimanche 29 septembre, nousavons reu des amis de la FAL(Fdration des associationslaques) de Roubaix (Nord) pourune visite de la journe entire,de Montmartre au sige des

    Amies et Amis de la Commune enpassant par la place de laRpublique, lHtel-de-Ville et laplace de la Commune. Ces deux journes ont t enri-

    chissantes pour tous les visiteursqui ont exprim leur satisfaction,notamment en achetant de nom-breux livres et brochures au sigede notre association.Merci encore nos amis de la

    FNAF CGT et de la FAL de Roubaix.

    YVES LENOIR

    Les visites du Paris commu-nard peuvent se faire en auto-car ou en utilisant les trans-ports en commun. Leur durepeut tre dune demi-journe oudune journe entire. Elles peu-vent concerner un quartier deParis et, dans ce cas, se faire pied. Nous invitons nos amisintresss prendre contactauprs de notre association.

    Visites du Paris communardpour nos adhrents collectifs

    Aprs lexpo en mai LesDieppois pendant la Commune deParis Neuville-les-Dieppe,Catherine Bottineau de lcole desarts du centre Oxygne a ralispour notre comit un portrait deLouise Michel en mosaque qui at appos, le 28 septembre2013, dans le square LouiseMichel, inaugur en 2009. Lemaire Sbastien Jumel nous a denouveau fait lhonneur de partici-per la crmonie dinaugurationqui sest termine par des chan-sons de nos choristes, des pomesde Louise slectionns et lus partrois enfants de latelier-thtreet par un pot avec les habitantsdu quartier du Bout du Quai.Cette initiative, certes modeste,

    nous a permis une fois de plusdvoquer la Commune de Paris.

    GUILAINE MAISSE

    NEUVILLE-LES-DIEPPEUN PORTRAIT DE LOUISEMICHEL EN MOSAQUE

    Catherine Bottineau devant son uvre

  • 25 NOTRE ASSOCIATION

    Le conseil d'administration de l'association

    Nous avons tenu, le 19 octo-bre, notre CA qui nous permet defaire un bilan et de parler de ceque nous souhaitons mettre enavant dans nos activits pourfaire connatre la Commune etses valeurs.Jol Ragonneau, notre co-pr-

    sident, a dress le bilan desdiverses actions entreprises pourla rhabilitation des commu-nards. Les rsultats obtenusgrce notre tnacit sont nom-breux (poses de plaque dans lesmairies d'arrondissements, dansdes villes de banlieue et de pro-vince). Nos diverses demandesde rendez-vous auprs de la pr-sidence de la Rpublique, duSnat, de l'Assemble nationale,nos courriers aux ministresn'ont pas toujours t suivis derponses significatives. Lorsquenous avons t reus, nousavons t couts, mais pasentendus. Nous voulons rappeler nos interlocuteurs que nousattendons des rponses sur nos

    diverses propositions. Noussommes fiers d'avoir effectu cetravail sur la rhabilitation etnous le poursuivrons au quoti-dien, mais ce que nous voulonsmaintenant c'est mettre en avantl'oeuvre de la Commune qui apris de multiples mesuressociales et a su faire qu'une vri-table dmocratie existe durant laCommune dans des conditionsextrmement difficiles. Commentl'a-t-elle ralise dans la vie,dans les entreprises ? Commentfaire vivre la dmocratie commu-narde en restant sur notre ter-rain associatif ? Nos initiativesseront guides par ce thme etnotre carte d'adhrent pour 2014mettra l'accent sur ce que fut ladmocratie pour les commu-nards. Une trs riche discussiona eu lieu sur ces questions.Nos commissions ont pr-

    sent leurs diffrentes initia-tives et l'cho qu'elles ont ren-contr auprs de divers publics.Nous pouvons nous dire aprstous ces dbats que laCommune n'est pas morte etnous n'avons pas fini de puiserdes exemples dans son uvre.

    FRANOISE BAZIRE

    L'assemblegnrale extraordinairede l'association

    Le 19 octobre, nous avonstenu cette assemble sur laproposition faite, lors de l'A.G.du 20 avril dernier, du change-ment de nom de notre associa-tion. La discussion fut pas-sionne et constructive. Ilnous parat important de met-tre en avant les femmes et leurrle dans la socit. En l'affir-mant clairement dans le nomde notre association, nousserons parmi les premiers mettre en avant la reconnais-sance des femmes et de leursactions, comme lavait fait laCommune. Nous avons doncadopt la fminisation du nomde notre association qui dsormais s'appelle : Les Amies et Amis de laCommune de Paris - 1871 .

    FB

  • 26

    P artis trs tt de laplace d'Italie lesamedi 12 octobre2013, nous arrivons Vianden,au coeur des Ardennes luxem-bourgeoises quatre heures plustard. L'accueil chaleureux dumaire de Vianden est le coupd'envoi de notre sjour. Lemaire retrace brivement l'histoire de Vianden envoquant naturellement VictorHugo avant de nous convierau verre de l'amiti.Le djeuner est l'occasion de

    renouer avec nos Amis de laCommune du Luxembourg, etd'apprcier un buffet de qualitdans un restaurant typique dubourg de Vianden, proche de lamairie et du muse Victor

    Hugo. Nous profitons del'aprs-midi pour visiter la mai-son de Victor Hugo au bord del'Our. Les responsables ouvrentnon seulement le muse pournous, mais ils organisent unevisite guide d'un grand int-rt. Il va sans dire que VictorHugo laisse des souvenirsmmorables dans ce coin desArdennes. Et aujourd'huiencore, Vianden cultive lammoire hugolienne. Pendantson exil de la France bonapar-tiste, Victor Hugo fait plusieurscourts sjours Vianden dansle cadre de ses voyages sur leRhin (en 1862, 1863, 1864, et1865). Devenu rfugi poli-tique aprs la Commune deParis, il sjourne du 8 juin au

    22 aot 1871, avec sa com-pagne Juliette Drouet, Vianden o il est accueillitriomphalement par la popula-tion. Cette maison d'exil dedeux tages est un musedepuis 1935, et pour le cin-quantenaire de la mort deVictor Hugo, elle fait l'objetd'une rnovation musogra-phique complte (voir le sitevictor-hugo.lu). En fait, Vianden c'est un peu

    la ville de Victor Hugo car il estpartout ! Un buste par Rodintrne sur le pont sur l'Our, sansparler des enseignes deshtels, des restaurants et desmagasins. Une visite pdestrede Vianden, sous un beau soleilautomnal, nous occupe le restede l'aprs-midi, et ceci laveille de la foire aux noix.En soire, nous dnons

    Voyage au Luxembourg DU 12 AU 13 OCTOBRE 2013

  • NOTRE ASSOCIATION

    l'Htel Franais, situ dans levieux Luxembourg-Ville. C'estun moment privilgi avecnos amis luxembourgeois.Dans une atmosphre pleinede convivialit Danielle Kiesnous parle des activits duComit Luxembourgeois denotre Association.Le dimanche matin est consa-

    cr la visite guide deLuxembourg-Ville, tout particu-lirement la ville historiqueavec ses fortifications dues Vauban, ainsi que le quartier del'Europe, ultra moderne et enpleine expansion. Mais lemoment fort de cette visite alieu au cimetire de Pfaffenthal(des bons malades) o estrig un monument devenusymbole de la Commune deParis (cf. l'article de Georges

    Beisson, Les communardsluxembourgeois dans notrebulletin n53, 2013). C'estHenri Wehenkel, historien etami de la Commune, qui nousrsume l'histoire du cimetireet du monument.Aprs cette matine riche en

    dcouvertes, nous quittons leLuxembourg pour rejoindre laLorraine. Prs de Thionville,un copieux djeuner nousattend dans une aubergeaccueillante. Puis, nous nousrendons Neufchef, toujoursen Lorraine, pour visiter lamine de fer locale et son co-muse. Une visite guide d'en-viron 1h30, conduite par d'an-

    ciens mineurs, nous permet demieux comprendre l'volutiondu travail des mineurs de fer,ainsi que les dangers inhrents cette profession, depuis1820 jusqu' la fermeture dela mine la fin du XXe sicle.Nous reprenons la route pour

    Paris o nous arrivons placed'Italie devant la mairie duXIIIe arrondissement l'heureprvue. C'est la fin d'un beauvoyage, toujours convivialavec les amies et amis de laCommune.

    MARC LAGANA

    Buste de Victor Hugo

  • BesanonOuverture de la maison deVictor HugoLa maison natale de lcrivain a ouvert ses portes

    au public le 13 septembre dernier. Victor Hugo estn le 26 fvrier 1802, au premier tage de cetimmeuble, au-dessus de la pharmacie Baratte qui aretrouv ses boiseries dorigine cette occasion. Ilny a vcu que six semaines, son pre, le chef debataillon Lopold Hugo, tant rapidement mut Marseille. Victor Hugo est n Besanon au hasard dune

    garnison, mais sa grand-mre vivait Dle, dans leJura, et il ne faut pas croire quil a reni sa villenatale , souligne Jean-Marc Hovasse, biographede lcrivain et conseiller scientifique du projetbisontin. La maison Victor Hugo Besanon, celaa un sens, car cest aussi la ville de Pierre-JosephProudhon, Charles Fourier et Charles Nodier, qui aintgr Hugo au cercle des Francs-comtois de Paris ,ajoute-t-il. Pour montrer que ses combats restentdactualit, un espace dexposition a t rservaux quatre partenaires du projet : Reporters sansfrontires pour la libert dexpression, ATD-Quartmonde pour la lutte contre la misre, lUnicef pourles droits de lenfant et Amnesty International pourla libert des peuples. JS

    Maison natale de Victor Hugo :

    140 Grande-Rue 25000 Besanon. Tl : 03 81 87 85 35.

    Site internet : www.besancon.fr/victorhugo

    28ACTUALIT

    PanthonLouise Michelplbiscite parles internautesLe prsident de la Rpublique annoncera dici

    la fin de lanne le nom de la ou des person-nalits qui entreront au Panthon prochaine-ment. Il sagirait de femmes du XXe sicle, qui,toute leur vie, sont restes fidles aux valeurs dela Rpublique et qui ont manifest cette fidlitau travers dengagements dans lun ou lautre desconflits mondiaux , recommande le rapport duCentre des monuments nationaux (CMN), remis Franois Hollande, le 10 octobre. PhilippeBlaval, prsident du CMN, propose la candida-ture de personnalits issues de la Rsistance oude la dportation qui ont poursuivi leur parcoursdans des actions de transformation de la socit .Si lon sen tient ces critres historiques, notrechre Louise Michel devra encore attendre pourentrer au Panthon malgr ses bons rsultatsobtenus lors de la consultation organise, enseptembre, sur le site internet du Centre desmonuments nationaux. En effet, Louise Michel(1830-1905) est arrive la troisime place despersonnalits les plus souvent cites par lesinternautes, derrire Olympe de Gouges (1748-1793), pionnire du fminisme, et la rsistanteGermaine Tillion (1907-2008).

    JOHN SUTTON

  • ELOI VALATLA SEMAINE SANGLANTE DE LA COMMUNE DE PARIS

    Aprs Le Journal de la Commune etLEnterrement de Valls, voici LaSemaine Sanglante, dernier volume dela trilogie consacre la Commune deParis par Eloi Valat, ddi aux mortsde la Semaine sanglante.La prface de Marie-Hlne Roques,

    spcialiste de Jules Valls, insiste,dans une belle langue limpide, sur lestensions pousses lextrme de cettesemaine tragique. Les citations delauteur de LInsurg sont magnifiques.Le texte commence en coup de

    poing avec lignoble citation deThiers : Nous avons cras cettefaction dtestable ; et nous lavonscrase, jespre, pour longtemps. ,suivent en alternance les rapportsmilitaires de Mac Mahon imprims ennoir et diffrents textes des commu-nards imprims en rouge.

    Lauteur choisit de nous assommer,en terminant par diffrentes lettresde dnonciation ! Il fallait cela, sans

    doute, pour rendre compte de lhor-reur de cette tragdie.Les dessins dEloi Valat montrent le

    courage du peuple hroque, les sans-grade puiss, moribonds, ensanglan-ts, les femmes vaillantes, les armes la main, et mme les chevaux, euxaussi victimes du massacre. Les traitssont drus, concis, forts, le rouge estpartout, mme la fume de la ciga-rette dun militaire versaillais devantles cadavres est rouge sang !Dans cette boucherie, la lettre

    dadieu dchirante de CharlesDelescluze sa sur, et sa marchevers la mort consciente, hroque,sommet de la noblesse, nous rendlimage dune humanit quaucunebaonnette ne peut dtruire !Extrait : Souvenirs dun membre de

    la commune, Francis Jourde Delescluze, du mme pas grave

    et mesur, marchait, sans se soucier desprojectiles qui clataient autour de lui,

    dans la direction de la barricade.[]Nous tions arrivs vingt mtres de labarricade, je suppliai Delescluze de sar-rter, mais en vain.Ceux qui voulurent le suivre tomb-

    rent autour de lui. Sans hsitation, sansprcipitation, Delescluze sengagea dansle chemin couvert de la barricade. Ilavait cart son pardessus. Sur sa poi-trine dcouverte, lcharpe rouge franges dor de membre de la Communele dsignait, comme une cible, len-nemi mass deux cents mtres. Le feudes Versaillais redoubla dintensit.Delescluze put faire quelques pas encoresur la place du Chteau- dEau. Devantnous le soleil disparut, se voilant dansdes nuages dor et de pourpre. Quelquechose comme un dchirement immense,lugubre, se fit entendre Delescluzevenait de tomber foudroy !...

    ANNICK FENSCH

    Editions Bleu Autour (2013)

    LECTURES29

  • AUTOUR DE LA COMMUNE DEMARSEILLE

    La mmoire sur la Commune deMarseille, qui fut la premire pro-clame, stait peu peu efface etcest loccasion du 140e anniver-saire de la Commune de Paris, travers textes et documents retrou-vs (personne, entre 1871 et 2009,navait consult les dossiers descommunards condamns) et lareconstitution du procs de GastonCrmieux, que les auteurs dcidentde faire entendre ce que fut laCommune de Marseille.Le rtablissement de certains

    faits ignors les conduit mieuxfaire connatre ces douze jours quimarqurent lhistoire de la ville etde leur hros, Crmieux, instiga-teur de ce mouvement, fusill le 30novembre 1871, alors que la situa-tion stait rtablie depuis long-temps. On arrte et condamnejusquen 1875. On y retient que les ouvriers sex-

    primaient pour la plupart en occi-

    tan, ce qui accentuait les diff-rences de culture entre Paris etMarseille, les journaux tant rdi-gs en franais, peu en occitan. Unautre obstacle : la guerre est pluslointaine pour les Marseillais quinont pas connu les longs mois desige des Parisiens.La Ligue du midi pense que seul

    le midi libre pourra sauver le nordet prsente un programme poli-tique et social prcurseur.Des tudes sur les mouvements

    communaliste et ouvrier apportentdes lments prcieux pour com-prendre lvolution des faits avant,pendant et aprs la Commune.De nombreux historiens ont colla-

    bor lcriture, marquant ainsilintrt quils ont pour la Communede Marseille. Cet ouvrage nest pasdestin aux seuls Marseillais. Ilapporte une somme de connais-sances sur les raisons de lchec,mais surtout sur lespoir quelle asuscit par ses actions et ses pro-positions davant-garde.

    ANNETTE HUET

    Sous la direction de Grard Leidet et

    Colette Drogoz, ditions Syllepse (Paris) et

    Promeno (Marseille), collection Histoire :

    Enjeux et dbats.

    COURBET AU BORD DU LAC LMAN

    Courbet a quitt Ornans, ilcherche tablir une installa-tion sur la frontire la plus

    proche de son pays, et se met labri pour le futur procs de laColonne , peut-on lire dans unrapport de police du 25 aot1873, cit dans le livre de DavidBosc. Lauteur y dcrit demanire vivante et dans unstyle alerte les quatre derniresannes du peintre la Tour-de-Peilz, au bord du lac Lman.Courbet sest rfugi en Suissepour fuir la Justice fran-aise qui laccuse dtre respon-sable de la destruction de lacolonne Vendme, pendant laCommune. Aujourdhui, jap-partiens nettement, tous fraispays, la classe des hommesqui sont morts, hommes de curet dvous, sans intrtsgostes, la Rpublique , critCourbet le 23 juillet 1873.Hommage aux victimes de larpression ? A coup sr. Visionprmonitoire de sa mort proche ?

    30LECTURES

  • Peu probable au vu de lactivitdbordante de Courbet : il peintnormment, raffole des bai-gnades dans le lac Lman, parti-cipe la chorale du village, fr-quente les cafs et les aubergesen compagnie de ses amis Ctait une table disparate dan-ciens de la Commune qui ache-vaient de djeuner. Il y avaitVuillaume, Cluseret, Alavoine,Chardon, Arnould, Protot, dont levisage fut affreusement mutilsur la barricade de la Fontaine-au-Roi et aussi Slom, dessinateurpolonais qui fera le portrait deCourbet sur son lit de mort ,note David Bosc, comme silavait assist la scne. JS

    La claire fontaine, Verdier (2013)

    LA BARRICADE,HISTOIRE DUN OBJETRVOLUTIONNAIRE ERIC HAZAN

    Aprs son excellente histoirede la capitale (LInvention deParis, Points-Seuil) et celle dela Rvolution franaise (LaFabrique), Eric Hazan part lassaut de la barricade, deve-nue lemblme de toutes lesrvolutions. Il nous apprendque la premire vritable journe des barricades estorganise Paris, le 12 mai1588, par le duc de Guise, chefde la Ligue, parti des catho-

    liques extrmistes. Les tmoinsde lpoque dcrivent des amasde charrettes renverses, depavs, de meubles varis, etsurtout de barriques rempliesde terre, qui donnrent leurnom ces constructions htro-clites. Barricades des canuts Lyon en 1831 et 1834, barri-cades riges dans toutelEurope en 1848, celle du fau-bourg Saint-Antoine contre lecoup dEtat du 2 dcembre 1851sur laquelle le reprsentant dupeuple Alphonse Baudin sacri-fia sa vie en prononant ces

    paroles devenues clbres : Vous allez voir comment onmeurt pour vingt-cinq francs ! ,soit le montant de la solde dundput sous la DeuximeRpublique. Et la Commune, medirez-vous ? Lauteur y consacreun chapitre, qui commence parcette phrase : La barricadenest entre en jeu que durant ladernire semaine, mais cestpourtant elle dont on se souvient,elle qui reste le symbole de laCommune de Paris. Commenten est-on arriv l, cette semainetragique alors que la Communeavait bien des atouts, des armes,des forts, des canons ? , sinter-roge Eric Hazan. Pour lui, lesexplications ne manquent pas :lisolement de Paris aprs lchecdes Communes de Marseille, deNarbonne et de Limoges, les dis-sensions dans le mouvement pari-sien, limprparation de ladfense, labsence de chef mili-taire JS

    ditions Autrement (2013)

    31 LECTURES

    BIBLIOTHEQUEDES AMIES ET DES AMIS

    DE LA COMMUNE

    Un fonds ancien riche, des nouveauts Des outils de recherche

    CONSULTATION SUR PLACE LE MERCREDI DE 14 H 17 H(sur rendez-vous, sadresser au secrtariat)

  • DANS CE NUMRO

    dito 2

    HistoireLenseignement sous la Commune 3La Commune dans les manuels scolaires (I) 6Regard sur un quartier paisible 12Les mitrailleuses pendant la Commune (I) 14Anna et Victor Jaclard 18

    Notre associationFte de lHumanit 2013 20Fte de la Commune 2013 21Plaque la Mairie du XXe arrdt de Paris 22Petites nouvelles de Dieppe 23Paris communard 24Le CA de lAssociation 25Assemble gnrale extraordinaire de lAssociation 25Voyage au Luxembourg 26

    ActualitLouise Michel au Panthon ? 28Ouverture de la maison de Victor hugo 28

    Lectures 29-31 Eloi Valat (Semaine sanglante de la Commune), David Bosc (Laclaire fontaine), Autour de la Commune de Marseille, Eric Hazan(La barricade, Histoire dun objet rvolutionnaire)

    Le prochain bulletin (57) paratra en mars 2014Date limite pour faire parvenir vos articles : 31 dcembre 2013

    La Commune

    Ouvert du lundi au vendredi de 14 h 17 h Bibliothque ouverte aux adhrents le mercredi de 14h 17 h (sur rendez-vous)

    Directeur de la publication : Claude WillardOnt particip ce numro : Nelly Bault, Franoise Bazire, Georges Beisson, Annick Fensch,Charles Fernandez, Annette Huet, Marc Lagana, Eric Lebouteiller, Hubert de Leffe, Yves Lenoir,Guilne Maisse, Sylvie Ppino, Jol Ragonneau, Claudine Rey, John SuttonCoordination :Michle Camus Graphisme et iconographie : Alain FrappierImpression : Imprimerie Maugein ISSN : 1142 4524

    46 RUE DES CINQ-DIAMANTS 75013 PARIS TEL : 01 45 81 60 54 FAX : 01 45 81 47 91courriel : [email protected] site internet : commune1871.org

    8 554642 556428 556534 562539 564326 59464 59932 61303 628760 828419 856622 856761 906412 916143 919159 922255 947853 94997 967357 975911 976436 1041310 1124446 1133235 1143547 1186223 1209027 1220363 1256949 1271554 1277920 13428

    17 1364040 1425115 1425348 142736 1476738 1486245 1489550 1514624 1609733 1609562 161839 1670952 1699632 1708451 1708544 1708925 1720141 1720358 1734056 1734431 1750313 175111 1751637 175815 1760518 1767229 1767616 1769930 1770321 1771214 17717

    PREMIER CHIFFRE : N DE LOTDEUXIME CHIFFRE : N DE BILLET

    TOMBOLA 2013NUMROS GAGNANTS