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La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux Mémoire Maîtrise en droit Romane Nouzières Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL.M.) et Université de Toulouse I Capitole Toulouse, France Master (M.) © Romane Nouzières, 2017

La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme ... · DUDH Déclaration universelle des droits de l'Homme JCP Juris-Classeur périodique ... Je remercie également ma

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La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux

Mémoire Maîtrise en droit

Romane Nouzières

Université Laval Québec, Canada

Maître en droit (LL.M.)

et

Université de Toulouse I Capitole Toulouse, France

Master (M.)

© Romane Nouzières, 2017

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Résumé.

Phénomène ancien, le terrorisme est au cœur des préoccupations contemporaines. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’ensemble des Etats démocratiques multiplient les efforts pour l’enrayer. Il parait aujourd’hui indispensable de s’interroger sur les réponses juridiques face à de tels actes. Parmi elles, les Etats ont fait le choix de recourir au droit pénal pour appréhender le phénomène. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les législateurs ont été contraints de renforcer leurs arsenaux avec la création d’incrimination spécifiques et la mise en œuvre de procédures pénales particulières. Toutefois, les dispositifs antiterroristes limitent considérablement les droits fondamentaux et libertés individuelles. Se pose alors la question de la conciliation de la lutte contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux.

La France et le Canada sont construits sur des valeurs démocratiques communes mais ne répondent pas exactement de la même manière au phénomène terroriste. En ce sens, l’analyse comparée des législations est particulièrement intéressante.

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Table des matières _______________________________________________________________

Résumé ............................................................................................................... ii

Table des matières ............................................................................................. iii

Liste des abréviations ......................................................................................... vi

Remerciements ................................................................................................ viii

Introduction......................................................................................................... 1

A) La définition du terrorisme : un préalable complexe mais indispensable . 3

B) L’enjeu de la définition : la mise en œuvre d’une procédure pénale dérogatoire au droit commun et potentiellement attentatoire aux droits fondamentaux ......................................................................................... 4

1. Le choix de régimes procéduraux dérogatoires aux droits communs 5

2. Des régimes procéduraux potentiellement attentatoires aux droits fondamentaux ................................................................................... 5

I. Le champ de la conciliation : la définition du terrorisme ........................ 12

A) Définitions nationales du terrorisme : étude comparée franco-canadienne .............................................................................................................. 13

1. Définition française .......................................................................... 13

a. La conception extensive du terrorisme ....................................... 14

a.1. Elément matériel : l’accomplissement d’un comportement spécialement visé ....................................................................... 14

a.2. Elément moral : l’accomplissement de l’acte dans un certain contexte et selon un certain but ................................................. 15

b. Une limite à l'élargissement de la notion .................................... 17

2. Définition canadienne ....................................................................... 23

a. Définition de l'activité terroriste ................................................... 24

b. Définition du groupe terroriste .................................................... 28

c. Les infractions de terrorisme ....................................................... 29

3. Comparaison des définitions ............................................................ 30

B) Définitions internationales du terrorisme ............................................... 33

1. Des tentatives d’une définition universelle du terrorisme ................ 33

a. « L’introuvable définition » .......................................................... 34

b. Les obstacles à la définition universelle du terrorisme ............... 36

2. A une lutte sectorielle et géographiquement fractionnée ................. 39

a. Une lutte sectorielle .................................................................... 39

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b. Une lutte géographiquement fractionnée .................................... 41

II. La teneur de la conciliation : un aménagement des mesures d’enquête au détriment des droits fondamentaux ............................................................ 47

A) Les mesures coercitives : principalement attentatoires à la liberté individuelle ............................................................................................ 48

1. L’arrestation ................................................................................... 48

a. L'arrestation en droit canadien ................................................... 48

a.1. L’arrestation de droit commun ............................................. 49

a.2. L’arrestation en matière de terrorisme ................................. 51

b. L'arrestation en droit français ..................................................... 53

b.1. L’arrestation dans le cadre d'une enquête ........................... 53

b.2. L’arrestation dans le cadre d'un contrôle d'identité .............. 54

2. La garde à vue ................................................................................ 58

a. La garde à vue en droit français ................................................. 58

a.1. Les modalités d’exécution de la garde à vue : la durée de la mesure ....................................................................................... 59

a.2. Les droits de la personne placée en garde à vue ................ 63

b. Le placement sous garde en droit canadien ............................... 69

B) Les mesures d’investigations : principalement attentatoires à la vie privée .............................................................................................................. 72

1. Les perquisitions et saisies ............................................................. 72

a. Les perquisitions et saisies en droit français ............................... 72

a.1. L’autorisation d’opérer de nuit : les perquisitions nocturnes . 75

a.2. Les perquisitions sans l’assentiment de l’intéressé ............. 77

b. Les perquisitions et saisies en droit canadien ............................. 81

b.1. Conditions : l’exigence d’un mandat .................................... 82

b.2. L’exécution de la perquisition ............................................... 84

b.3. Le but des perquisitions : la saisie ........................................ 86

2. Les écoutes téléphoniques ............................................................. 86

a. Les écoutes téléphoniques en droit canadien ............................. 86

a.1. Conditions des écoutes téléphoniques : l’exigence d’un mandat ........................................................................................ 87

a.2. Exécution des écoutes téléphoniques .................................. 91

b. Les écoutes téléphoniques en droit français .............................. 94

b.1. Les écoutes judiciaires ......................................................... 95

b.2. Les écoutes administratives ................................................. 98

3. L’audience d’investigation : une spécificité canadienne ................ 101

a. La demande de collecte de renseignement ............................... 101

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v

b. L’audience d’investigation ......................................................... 102

Conclusion...................................................................................................... 107

Bibliographie ................................................................................................... 111

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vi

Liste des abréviations _______________________________________________________________

A.C.F. Jugements de la Cour fédérale du Canada

AIJC Annuaire international de justice constitutionnelle

AJ Pénal L’Actualité Juridique : pénal

A.N.-B Jugements du Nouveau-Brunswick

Art. Article

Ass. Nat. Assemblée Nationale

B.C.J Jugements de la Colombie-Britannique et du Yukon

BOMJ Bulletin officiel du ministère de la Justice

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

C. pén Code pénal

C. proc. pén. Code de procédure pénale

CA Cour d’appel

CBR Cour du Banc de la Reine

Crim. Cour de cassation, chambre criminelle

Charte Charte canadienne des droits et libertés

CNCTR Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

ConvEDH Convention européenne des droits de l'homme

CourEDH Cour européenne des droits de l’homme

CPI Cour pénale internationale

DC Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Déc. Décision du Conseil constitutionnel

DUDH Déclaration universelle des droits de l'Homme

JCP Juris-Classeur périodique

JDA Journal du Droit Administratif

JO Journal officiel

J.Q. Jugements du Québec

L.C. Lois du Canada

L.R.C Lois révisées du Canada

M.J. Jugements du Manitoba

N.J. Jugements de Terre-Neuve-et-

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Labrador

O.J. Jugements de l’Ontario

O.R. Recueils des arrêts de l’Ontario

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

QPC Question prioritaire de constitutionnalité

R.C.S. Recueils des arrêts de la Cour suprême du Canada

RGDIP Revue générale de droit international public

RISEO Revue risques, études et observations

RRJ Revue de la Recherche Juridique

RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

RUDH Revue universelle des droits de l'homme

S.C.L.R. The Supreme Court Law Review

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Je tiens particulièrement à remercier Messieurs les professeurs Antoine Botton et Alexandre Stylios pour le soutien qu’ils m’ont apporté tout au long de mon travail. Je remercie également ma famille et mes proches pour leur soutien.

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1

Introduction _______________________________________________________________

« La férocité de l’acte terroriste porte atteinte à tous les principes moraux et

juridiques de notre humanité. En cela, il ne mérite pas la paix. »1

Le terrorisme est un phénomène ancien, dont certains historiens2 font

remonter l’existence au premier siècle après JC. L’établissement de l’ensemble

des manifestations terroristes à travers l’histoire ne présenterait que très peu

d’intérêt : les situations diffèrent mais ont toutes pour point commun d’être

illégitimes.

Le terrorisme est au cœur des préoccupations contemporaines. Depuis

les attentats du 11 septembre 2001, l’ensemble des Etats démocratiques ont

renforcé leur sécurité intérieure tout en multipliant les efforts pour enrayer ce

phénomène devenu international et touchant aux valeurs universelles.

Ainsi, il parait aujourd’hui indispensable de s’interroger sur les réactions

étatiques face à de tels actes : quelle(s) réponse(s) juridique(s) apporter au

terrorisme sans compromettre le caractère libre et démocratique des sociétés

occidentales?

***

Instrument entre les mains des Etats afin de lutter contre la criminalité, le

droit pénal doit s’adapter aux évolutions de la société et donc aux changements

de la criminalité. Pendant longtemps, les Etats se sont contentés d’appréhender

les différents actes de terrorisme par le droit commun, sans égard au mobile.

Mais face à la multiplication des actions terroristes et leur diversité,

l’insuffisance du droit pénal traditionnel a été constatée3. Ainsi, ce n’est que

1 Marie Hélène Gozzi, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Mise au point, Edition Ellipses, Paris, 2003, p. 5. 2 D’après les historiens, au Ier siècle, les Zélotes auraient résisté à la domination de l’Empire romain en ayant recours à des mesures de terreur. Voir en ce sens : Gérard Chaliand, L’arme du terrorisme, Édition Louis Audibert, Paris, 2002, p.21 et Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Al-Qaïda, Bayard, Paris, 2006, p. 65. 3 En France, le choix de soumettre les infractions terroristes au régime de droit commun montra ses limites notamment lors du procès de plusieurs membres du groupe « Action Directe » dont Régis Schleicher, par la Cour d’assises de Paris en 1986. Au cours de ce procès, plusieurs

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2

récemment, dans la dernière partie du 20ème siècle, que les États ont fait le

choix de recourir au droit pénal pour appréhender le terrorisme en tant que tel.

En France, la naissance de la législation antiterroriste remonte à la loi du 9

septembre 19864 et fait suite à une succession d’attentats perpétrés sur le

territoire. Cette loi ne définit pas le terrorisme – il s’agit en effet d’une loi de

procédure qui a pour but de soumettre des infractions de droit commun,

limitativement énumérées et commises dans un certain contexte, à un régime

procédural dérogatoire. Plus tard, la loi du 22 juillet 1992 a officiellement donné

naissance aux infractions de terrorisme en les transférant dans le Code pénal5.

Elle illustre « [la prise] en compte [de] la réalité contemporaine que constitue le

terrorisme (…) [en] consacr[ant] l’autonomie des infractions terroristes »6.

Depuis, les lois en la matière se succèdent à un rythme effréné, dans un souci

d’adaptation à l’évolution de la menace terroriste. Véritable « boulimie

législative », ces cinq dernières années, ce n’est pas moins de six lois qui ont

été adoptées pour renforcer l’arsenal pénal français7. Parallèlement, depuis les

attentats de novembre 2015, la France vit sous l’égide de l’état d’urgence.

Régime d’exception, l’état d’urgence ne cesse pourtant d’être prolongé,

permettant la mise en place de mesures administratives pour lutter contre le

terrorisme, particulièrement restrictives des droits et libertés. Récemment, le

gouvernement français, emmené par Édouard Philippe, a proposé un projet de

membres du jury ont fait l’objet de menaces et de pressions. Cinq jurés ayant été dispensés de siéger, le procès fut renvoyé. Cet événement est à l’origine de la première loi antiterroriste française, du 9 septembre 1986 qui a, notamment, crée une cour d’assises spéciale composée uniquement de magistrats professionnels. Au Canada, une série d’actes criminels pouvant être qualifiés de terrorisme (notamment les actes commis par le Front de libération du Québec et l’attentat du Vol Air India) fut perpétrés dans les années 70. Pourtant, le Canada ne fit le choix de recourir au droit pénal pour appréhender le terrorisme qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001. 4 Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme. 5 Loi n°92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique. Le procédé de construction a ainsi été inversé puisque la première étape n’a pas été de définir des incriminations puis de les soumettre à un régime procédural mais de définir un régime dérogatoire, puis de lui attribuer un contenu 6 M. Sapin, Exposé des motifs, JO déb. Ass. Nat. 1ère séance 7 octobre 1991 n°70 p.4209 7 Loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme – Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme – Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement – Loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs – Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement – Loi n°2016-987du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et renforçant la lutte antiterroriste.

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3

loi antiterroriste "renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure"

qui vise à normaliser la plupart de ces mesures8.

A l’inverse, la législation antiterroriste canadienne est beaucoup plus récente et

quantitativement plus faible. Principalement9, deux lois antiterroristes ont régi la

matière. La première loi a été adoptée le 15 octobre 200110, après les attentats

du 11 septembre 2001 ayant touché les États-Unis. La seconde a été adoptée

le 23 février 201511 à la suite d’actes commis sur le territoire canadien. A l’instar

de la France, le gouvernement canadien a déposé le 20 juin 2017 un projet de

loi antiterroriste afin de s’adapter aux évolutions de la menace terroriste12.

La lutte contre le terrorisme se traduit aujourd’hui par la création

d’incriminations spécifiques (A) et la mise en œuvre de procédures pénales

particulières (B).

A) La définition du terrorisme : un préalable complexe mais

indispensable

Définir le terrorisme constitue un préalable indispensable puisque c’est la

qualification d’un acte en infraction terroriste qui entrainera la mise en œuvre

d’une procédure pénale dérogatoire.

Cependant cette tâche est loin d’être évidente comme le fait très

justement remarquer Albert Camus : « Qualifier un acte de ’terroriste’ est une

entreprise délicate tant s’y croisent une question de définition d’une part, un

enjeu moral et politique, de l’autre »13.

Incriminer le terrorisme s’est révélé complexe au cours de l’histoire, en droit

interne comme en droit international : le phénomène est difficile à appréhender

car il est mouvant, évolutif et protéiforme. En effet, au fil des années, les

8 Le projet de la loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 juin 2017 par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur. La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 28 juin 2017. Le projet de la loi a été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 18 juillet 2017. Il devrait être présenté à l’Assemblée Nationale en octobre 2017. (Voir : Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017) 9 Depuis 2001, plusieurs lois ont également été adoptées modifiant des dispositions éparses en matière de terrorisme 10 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41) 11 Loi C-51 du 18 juin 2015 (L.C. 2015, ch. 20) 12 Projet de loi C-59 présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017. 13 Albert Camus avec la participation de J. Lévi-Valensi, A. Garapon et D. Salas, Réflexions sur le terrorisme, Edition NP, Paris, 2003, p.188.

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auteurs d’actes terroristes changent, les personnes visées diffèrent et les

moyens d’action évoluent.

Pourtant « un effort de définition s’impose dès lors qu’il constitue un

phénomène saisi par le droit dont découlent d’importantes conséquences,

notamment une répression accrue et une procédure dérogatoire »14.

Définir le terrorisme constitue aujourd’hui un véritable défi pour la société

internationale et les législateurs nationaux. Au plan international, malgré les

efforts de la Société des Nations puis de l’Organisation des Nations-Unis, il

n’existe pas de définition tangible et universelle du terrorisme. En effet, les

Etats semblent avoir des difficultés à s’accorder sur une définition unique. Face

à cette problématique, la société internationale et les Etats qui la composent

cherchent alors, à endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte

sectorielle et géographiquement fractionnée. Au plan national, la plupart des

ordres juridiques possède une définition légale du phénomène. C’est le cas de

la France et du Canada. Cependant, au rythme des attentats, les différentes

politiques criminelles en la matière ont conduit les législateurs nationaux à

élargir peu à peu la définition du terrorisme. Or une conception trop large du

terrorisme peut s’avérer dangereuse, d’autant plus que la qualification d’un acte

en infraction de terrorisme entraine la mise en œuvre de règles dérogatoires au

droit commun, particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux.

B) L’enjeu de la définition : la mise en œuvre d’une procédure pénale

dérogatoire au droit commun et potentiellement attentatoire aux droits

fondamentaux

L’enjeu de la définition du terrorisme est procédural. Face à l’insuffisance

du droit pénal traditionnel et au caractère exceptionnel de cette criminalité, la

lutte contre le terrorisme justifie la mise en œuvre d’une procédure pénale

dérogatoire au droit commun, potentiellement attentatoire aux droits

fondamentaux et aux libertés individuelles.

14 Fabien Marchadier. ‘Terrorisme’ in Joël Andriantsimbazovina, Hélène Gaudin, Jean-Pierre Marguenaud, Stéphane Rials, Frédéric Sudre (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, Quadrige / PUF, Paris, 2008, pp. 727-729

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1. Le choix de régimes procéduraux dérogatoires aux droits

communs

Face au terrorisme, les législateurs nationaux doivent agir pour mettre en

place une législation efficace afin de prévenir les actes et le cas échéant,

sanctionner leurs auteurs15. Cela passe par un régime procédural spécifique,

dérogatoire au droit pénal traditionnel. Leur action a été reconnue par certains

juges constitutionnels qui ont souligné la nécessité de telles législations16.

La législation antiterroriste a ainsi pour vocation assumée d’instaurer des règles

dérogatoires au droit commun. D’une part, elle aménage les règles

traditionnelles applicables lors de l’enquête en instaurant des techniques

spéciales d’investigation. D’autre part, elle modifie les principes classiques de la

phase de jugement en introduisant des dérogations aux règles traditionnelles

de compétence et en instaurant un régime de sanction plus sévère.

Ce choix est évidemment justifié : les affaires de terrorisme sont

éminemment complexes et nécessitent une prise en charge spécifique afin

d’assurer au mieux la défense de l’ordre public et de la sécurité collective. En

effet, l’instauration de telles règles est justifiée par la nécessité de disposer de

moyens juridiques adaptés au phénomène terroriste, organisé et désormais

international.

2. Des régimes procéduraux potentiellement attentatoires aux droits

fondamentaux

La mise en place de législations adaptées au phénomène correspond à

l’instauration de régimes dérogatoires qui portent particulièrement atteinte aux

15 La société internationale impose indirectement aux Etats de lutter contre le terrorisme. Pour les textes généraux : Art. 3 Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH), Art. 9.1 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Art 5.1 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales (ConvEDH). Pour les textes spéciaux : Résolution 1373 (2001), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 28 septembre 2001, 4385ème séance, S/RES/1373 (2001) par. 2.e) et Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme art. premier. Ils doivent prendre des mesures raisonnables et adéquates pour assurer la sécurité des personnes. Voir en ce sens : CourEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71 par. 49 16 Déduit en France de la décision n°85-187 du 25 janvier 1985 Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie où le Conseil Constitutionnel admet la compétence du législateur à adopter des régimes d’exception aménageant les droits fondamentaux dans certaines circonstances.

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droits fondamentaux. Ainsi, le choix fait par les Etats tend à un véritable « droit

pénal de l’ennemi » (pour reprendre la doctrine allemande de Günther

Jakobs17). Pour lutter efficacement et réussir à endiguer ce phénomène, il y a

une limitation considérable des droits fondamentaux et des libertés

individuelles. Or une telle limitation est peu concevable dans des sociétés

démocratiques, étant davantage l’apanage des Etats totalitaires.

Les droits fondamentaux sont généralement désignés comme un ensemble des

droits subjectifs primordiaux de l’individu qui doivent être garantis par l’Etat. Cet

ensemble constitue un instrument d’autolimitation de l’activité étatique, un

rempart contre les ingérences. Ils constituent ainsi une condition indispensable

d’un Etat de droit. Néanmoins, la majorité de ces droits ne sont pas absolus et

peuvent se voir limiter au nom de l’intérêt général. C’est ainsi dans le domaine

si particulier du terrorisme que certains de ces droits sont limités voire

supprimés, au nom de la sécurité collective.

Le système antiterroriste américain est le plus alarmant (pratique de la

torture, instauration de juridictions d’exception, détentions dans le centre de

Guantanamo…). Même s’ils ne vont pas aussi loin, les régimes procéduraux

mis en place au Canada et en France pour lutter contre le terrorisme, instaurent

également des procédés particulièrement liberticides.

Un individu soupçonné d’avoir commis un acte de terrorisme ne voit-il pas ses

droits et libertés atteints de manière disproportionnée par les différentes

mesures dérogatoires mises en œuvre au cours du procès pénal ? En effet,

bénéficie-t-il réellement d’une défense effective alors même que le législateur

français permet le report de l’intervention de l’avocat ? A-t-il effectivement un

droit au silence, principe processuel fondamental, malgré les audiences

d’investigations qui peuvent être mises en œuvre dans le système canadien ?

Est-il véritablement présumé innocent ?

Autant de questions auxquelles il est indispensable de répondre dans un Etat

de droit.

17 Günther Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », RSC, 2009 p.7

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Protection des droits fondamentaux et lutte contre le terrorisme sont donc a

priori perçues comme des objectifs contradictoires. Mais le sont-ils réellement ?

Est-ce que la lutte pénale contre le terrorisme est conciliable avec le respect

des droits fondamentaux et des libertés individuelles ?

Afin de répondre à cette délicate problématique, trois questions de

recherche doivent particulièrement être abordées.

- Quelle est la définition du terrorisme ? La question de la définition du

terrorisme se pose avec une importance particulière parce qu’à cette définition

est assignée une tâche primordiale : délimiter le champ d’application d’un

régime dérogatoire. Bien qu’essentielle, la définition du phénomène se révèle

délicate tant au plan national qu’international. Au plan international, les Etats

paraissent éprouver des difficultés à s’accorder sur une définition universelle.

Au plan national, la plupart des Etats démocratiques possède une définition

légale. Cependant, afin de prévenir les actes et sanctionner leurs auteurs, les

législateurs nationaux semblent avoir tendance à concevoir la notion de

manière extensive, posant ainsi la question du respect des principes d’un Etat

de droit.

- Est-ce que les procédures françaises et canadiennes applicables aux

personnes soupçonnées d’avoir commis des actes terroristes sont attentatoires

aux droits fondamentaux ? La deuxième hypothèse consiste à répondre par

l’affirmative à cette question. Il ressort du droit canadien et du droit français une

même résolution de combattre avec fermeté le terrorisme. Afin de prévenir les

actes de terrorisme et de traiter efficacement les affaires, ces droits ont pris

quelques distances par rapport au droit commun. A ce titre, les Etats ont fait le

choix de procédures pénales dérogatoires qui portent vraisemblablement

atteintes aux droits fondamentaux (liberté individuelle, vie privée, droits de la

défense, droit au silence pour ne citer qu’eux)

- Est-ce que cette atteinte est nécessaire et proportionnée ? Cette

dernière question appellera également une réponse affirmative, toutefois plus

nuancée. Les législateurs des deux pays oscillent entre la volonté de respecter

les droits fondamentaux des citoyens et la volonté de combattre efficacement le

phénomène au moyen d’instruments juridiques dérogatoires. Cependant, les

Etats, en proie à la terreur, s’efforcent de maintenir l’équilibre fragile entre

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sécurité et liberté. En effet, afin de concilier ces deux impératifs, les législateurs

nationaux conditionnent et encadrent la mise en œuvre des règles dérogatoires,

rendant, ainsi apparemment acceptable les atteintes aux droits fondamentaux18.

Les juges constitutionnels vont jouer un rôle essentiel en contrôlant le maintien

de cet équilibre à travers le contrôle de la constitutionnalité des législations

adoptées et la légalité des actions menées sur leurs fondements19.

Ainsi, il existe un lien incontestable entre le terrorisme et les droits

fondamentaux. D’une part, le terrorisme, par son acte, porte atteinte aux droits

de l’Homme dans son ensemble. Il aurait ainsi un effet direct « étant en lui-

même une violation pure et simple des droits de l’homme [et] en tout premier

lieu du droit à la vie et à l’intégrité physique »20. Comme l’écrit la rapporteuse

spéciale des Nations Unies « en fait, il n’est probablement pas un seul droit de

l’homme qui ne souffre des effets du terrorisme »21. D’autre part, le terrorisme

incite les Etats à instaurer des régimes procéduraux dérogatoires risquant eux-

mêmes de porter atteinte aux droits fondamentaux. Le terrorisme aurait

également un effet indirect sur les droits de l’Homme car « de par sa violence

destructrice qui engendre l’angoisse et l’anxiété parmi la population (…), le

terrorisme incite les Etats à prendre des mesures répressives (…) qui trop

18 A titre d’exemple et de manière non exhaustive : D’abord, l’exigence du critère de nécessité encadre la mise en œuvre de certaines techniques d’investigations comme la garde à vue dérogatoire dans le système français. Egalement la mise en œuvre des mesures d’enquêtes est soumise à autorisation par un juge, garant des libertés individuelles en vertu des Constitutions respectives 19 Précision sur les contrôles de constitutionnalité. En France, le contrôle de constitutionnalité des lois est opéré par le Conseil Constitutionnel depuis 1958. Le contrôle ne porte pas sur toutes les lois et la possibilité de le déclencher est étroitement limitée. Il peut être fait a priori sur saisine politique ou a posteriori par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Pour un exemple dans la jurisprudence française : Déc. n°2011-223 QPC du 17 février 2012 [Ordre des avocats du barreau de Bastia] où le juge constitutionnel a considéré la disposition limitant le libre choix de l’avocat contraire aux droits de la défense. Au Canada, le contrôle de constitutionnalité est différent puisqu’il peut être opéré par tout tribunal de droit commun. Ainsi, devant une juridiction, tout plaideur peut demander de vérifier la conformité d'une norme ou d’un comportement étatique avec les droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Pour un exemple de jurisprudence canadienne en matière de terrorisme : Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code Criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248 où la Cour suprême a considéré que l’audience d’investigation, procédure qui contraint un individu à témoigner, ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale (notamment la protection contre l’auto-incrimination et le droit de garder le silence). 20 Rapport d’analyse de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité, n°429, Octobre 2005, p. 12 21 Rapports intérimaire de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Commission des droits de l’Homme, Questions diverses : terrorisme et droit de l’Homme, 27 juin 2001, p.30

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souvent s’affranchissent dans une large ou moindre mesure, des droits de

l’Homme »22

La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme et le respect des

droits fondamentaux doit se faire à deux niveaux : d’une part, s’agissant de la

définition du terrorisme et d’autre part, s’agissant de la procédure pénale

applicable aux auteurs de tels actes. La démonstration sera alors organisée en

deux parties.

Dans un premier temps, la question de la définition du terrorisme sera

abordée (I). L’examen des définitions juridique du terrorisme, nationales (A) et

internationales (B), est essentiel. Afin de mettre en œuvre les procédures

pénales spécifiques au terrorisme, il est indispensable que l’acte commis soit

qualifié de terrorisme en vertu d’une définition respectant les principes d’un Etat

de droit. Cependant, face à un phénomène mouvant et polymorphe, les Etats

éprouvent des difficultés à délimiter les contours du terrorisme. D’une part, afin

de faire face à la menace terroriste, les législateurs nationaux ont tendance à

concevoir la notion de manière large jusqu’à embrasser tout comportement qui

présente un lien, plus ou moins direct, avec le phénomène. D’autre part, la

société internationale s’accorde difficilement sur une définition universelle du

terrorisme et tente donc d’enrayer le phénomène par la mise en place de

moyens de lutte particuliers.

Dans un second temps, il sera possible d’analyser les points saillants de

la procédure pénale applicable en matière de terrorisme (II). Face à cette

criminalité, les Etats ont mis en place des procédures pénales dérogatoires au

droit commun et ce quelle que soit l’étape du procès : lors de la poursuite du

terroriste (prise au sens large, comprenant l’enquête et l’instruction selon le

système français) et lors du jugement du terroriste. Cependant, seule la phase

de l’enquête sera ici développée23. Lors de cette étape, un ensemble de

mesures d’investigations sont accomplies par l’autorité judiciaire ou sous son

22 Rapport d’analyse de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. loc. cit. 23 La phase de jugement ne sera pas abordée dans cette étude. Durant cette étape, un aménagement des règles est prévu mais il est toutefois plus limité en raison du statut de l’accusé. En effet, au stade du jugement, le rapport de force est différent de celui durant l’enquête puisque l’auteur présumé de l’acte terrorisme est placé sous le contrôle des autorités. Partant, les dérogations aux droits et libertés fondamentaux sont donc moins présentes car plus difficiles à justifier.

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contrôle, par les services de police, afin de réunir les éléments d’informations

nécessaires à la manifestation de la vérité. En matière de terrorisme, dans un

but d’efficacité, les législateurs nationaux ont aménagé les règles de droit

commun afin de permettre aux autorités policières et judiciaires chargées des

enquêtes de bénéficier de moyens plus importants. C’est durant cette phase

préparatoire que l’ajustement entre le souci d’efficacité et le respect des droits

fondamentaux est le plus délicat. En effet, magistrats et policiers se voient

reconnaitre d’une part, des pouvoirs coercitifs notamment attentatoires à la

liberté individuelle (A) et d’autre part, des pouvoirs d’investigations plus

particulièrement attentatoires au droit à la vie privée (B). Tout au long de cette

partie, les procédures pénales française et canadienne seront étudiées,

comparées et confrontées aux droits fondamentaux qui sont susceptibles d’être

bafoués. Pour chaque dérogation, les législateurs nationaux tentent de

minimiser les atteintes en ayant recours à différents procédés et les juges

constitutionnels, remparts contre la dérive sécuritaire, contrôlent le fragile

équilibre entre sécurité et liberté.

***

Plus que jamais, la légitimité des incriminations terroristes mais surtout

de la procédure pénale applicable en la matière est remise en cause. Bien que

la nécessité de règles spéciales pour lutter contre le terrorisme soit

unanimement admise, des voix s’élèvent pour dénoncer la dérive sécuritaire et

le caractère liberticide des législations en la matière.

Est-ce que les législations françaises et canadiennes de lutte contre le

terrorisme réalisent un juste équilibre entre les impératifs de sécurité de la

société et le respect des droits fondamentaux ?

L’étude comparative du système canadien et du système français est

intéressante principalement pour deux raisons.

D’une part, ces pays renvoient à des systèmes procéduraux a priori

antagonistes. En effet, la France et le Canada sont marqués par des traditions

juridiques différentes : respectivement, la tradition romano-germanique et la

common law. Ces traditions ont eu des conséquences sur le système

procédural de chacun des pays. Le système canadien est accusatoire alors que

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le système français est principalement inquisitoire, du moins dans la phase

préparatoire.

D’autre part, ces pays ont une histoire totalement différente vis-à-vis du

terrorisme. En effet, la France a été plusieurs fois touchées par le phénomène

et ce depuis de nombreuses années. C’est à l’épreuve de ces événements

dramatiques que la procédure française en la matière s’est peu à peu élaborée,

parfois dans l’urgence. A l’inverse le Canada a été quantativement moins

touché et donc la législation s’est constituée plutôt de manière préventive par

rapport au phénomène.

L’étude comparée des lois antiterroristes françaises et canadienne

souligne la difficile conciliation entre deux impératifs : la protection des libertés

individuelles fondamentales d’une part, et la défense de l’ordre public et de la

sécurité collective, d’autre part.

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I. LE CHAMP DE LA CONCILIATION : LA DEFINITION DU TERRORISME

_______________________________________________________________

Certains auteurs ont pu soutenir qu’il n’était pas essentiel de donner une

définition du terrorisme pour le réprimer24 . Cependant, une telle affirmation est

dangereuse notamment dans des Etats démocratiques tels que la France et le

Canada. En vertu des principes d’un Etat de droit et notamment du principe de

légalité, il est indispensable de définir le terrorisme.

A partir de quel moment est-il possible de considérer qu’un acte relève du

terrorisme ?

De grands philosophes tels que Raymond Aron25, des professionnels

engagés dans la lutte aux législateurs nationaux, de la Société des Nations à

l’Organisation des Nations Unies, beaucoup cherchent à le définir. Mais cette

tâche est loin d’être évidente. Le terrorisme est juridiquement difficile à

appréhender car c’est un phénomène mouvant et polymorphe. En plus, « au

lieu de renvoyer à l’acte criminel, le terrorisme évoque, de façon plus

subjective, le but recherché, terroriser »26. La conceptualisation du terrorisme

est un exercice complexe mais néanmoins nécessaire car il en a va de

l’application d’une procédure pénale particulièrement rigoureuse.

Si le terrorisme est défini par les législateurs nationaux (A), il n’existe

cependant pas de définition universelle du phénomène (B).

24 Voir en ce sens : Bilan des recherches de l’Académie de droit international de la Haye sur les aspects juridiques du terrorisme international, Martinus Nijhoff Publishers, 1988, p. 20 25 Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calman-Levy, 1962 26 Mireille Delmas-Marty (dir.) et Henry Laurens (dir.), Terrorismes – Histoire et droit, CNRS Editions, 2010

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A) Définitions nationales du terrorisme : étude comparée franco-canadienne

_____________________________________________________________

Issu du mot « terreur » (du latin « terror »), le mot terrorisme est apparu

dans la langue française depuis 1794 pour qualifier le régime révolutionnaire de

Maximilien Robespierre27. Mais son sens a progressivement été étendu.

Au rythme des attentats, les différentes politiques criminelles en la

matière ont conduit les législateurs nationaux à élargir peu à peu la définition du

terrorisme. En effet, face à une volonté de prévenir les actes et sanctionner

leurs auteurs, le législateur a tendance à concevoir la notion de manière

extensive. Ainsi, une définition, bien souvent très large, est retenue afin

d’englober tout comportement susceptible de présenter un lien, plus ou moins

direct, avec le phénomène. La France (1) et le Canada (2) ne font pas figure

d’exception.

1. Définition française

Dans un premier temps, le législateur français a tenté de sanctionner le

terrorisme par le biais d’une incrimination unique, qui serait à la fois une

définition juridique du phénomène et une base légale pour les poursuites. C’est

ainsi, qu’à la suite d’une série d’attentats, Jacques Chirac, alors premier

ministre, avait annoncé dans son discours de politique générale le 9 avril 1986

« la création dans le code pénal d’un crime de terrorisme »28.

Mais toutes les tentatives de définition se sont heurtées aux difficultés

traditionnelles en la matière : le caractère mouvant et polymorphe du

terrorisme. « Définir, c’est limiter »29 : le législateur français n’a donc pas adopté

de définition générale du terrorisme et a fait le choix d’une méthode dite

inductive30.

27 Dès son origine, le terme est ainsi lié à un contexte politique. Pourtant la France n’a pas cessé d’objectiviser le terrorisme en occultant la nature politique de la criminalité terroriste. Alain Rey. ‘Terreur’, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1998 28 Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur le programme du gouvernement, à l’Assemblée nationale le 9 avril 1986 via discours.vie-publique.fr 29 Oscar Wilde « Le portrait de Dorian Gray » Chapitre XVII 30 Cette méthode tend à incriminer certains comportements sans pour autant proposer une définition unique du terrorisme. Voir en ce sens : Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch (dir.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009. p 31

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Dans un souci de prévenir les manifestations et d’élargir la répression

pénale, le législateur français a une conception particulièrement extensive du

phénomène (a). En effet, « il ne s’agit pas tant de définir le terrorisme pour ce

qu’il est, mais de dessiner les contours d’une répression dérogatoire »31.

Toutefois, le Conseil Constitutionnel cantonne l’élargissement de la notion à

travers plusieurs principes constitutionnels (b).

a. La conception extensive de terrorisme

Le Code pénal comporte un chapitre intitulé « Des actes de terrorisme »

sans cesse enrichi de nouvelles dispositions afin de renforcer les moyens de

lutte contre le terrorisme. Pourtant, il ne prévoit pas une infraction générale de

terrorisme. En effet, il reprend d’une part, une liste d’infractions existantes et

d’autre part, crée des nouvelles infractions qui relèvent du

terrorisme lorsqu’elles sont assorties d’une même circonstance : elles sont

« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective

ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la

terreur »32

En d’autres termes, selon le droit français, l’acte de terrorisme suppose

un élément matériel – objectif (un comportement spécialement visée) et un

élément moral – mixte (commis dans un certain contexte et selon un certain

but).

a.1. Elément matériel : l’accomplissement d’un comportement

spécialement visé

S’agissant de l’élément matériel, le législateur a entrepris de définir le

terrorisme par référence à une pluralité de comportements. Ces incriminations

se caractérisent par des actes matériels divers et présentent des degrés de

gravité différents.

Au sein de ces différentes incriminations, il est possible d’opérer une distinction

entre les « actes terroristes » et les « activités terroristes »

31 Julie Alix, « La qualification terroriste après l’arrêt du 10 janvier 2017 (affaire dite ‘’de Tarnac’’) » AJ pénal 2017.79 32 Art 421-1 C. pén

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- Les actes terroristes sont par nature violents et attentatoires à l’ordre

public, en ce sens qu’ils permettent la réalisation de l’attentat. Rentrent dans

cette catégorie33 : le terrorisme dit ‘classique’ et le terrorisme écologique.

- Les « activités terroristes » sont des délits obstacles34 visant à

sanctionner le soutien, financier ou humain, au terrorisme. Le but est de

prévenir les actions terroristes en intervenant le plus en amont possible sur l’iter

criminis. Pour reprendre les termes de Christine Lazerges et Hervé Henrion-

Stoffel, « le législateur contourne ostensiblement l’interdiction de punir en

amont d’un commencement d’exécution en érigeant en infraction ce qui en

réalité constitue une simple étape intellectuelle ou matérielle préalable au

commencement de l’infraction et devrait donc échapper à toute répression »35.

Rentrent dans cette catégorie36 : le terrorisme par association de malfaiteurs ; le

financement du terrorisme ; la non-justification de ressources ; le recrutement

terroriste ; la provocation et l’apologie du terrorisme ; le fait d’extraire,

reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au

terrorisme ; le fait de consulter un site provoquant au terrorisme ou en faisant

l’apologie et la préparation isolée d’un acte terroriste.

a.2. Elément moral : l’accomplissement de l’acte dans un certain

contexte et selon un certain but.

S’agissant de l’élément moral, la qualification terroriste de ces

comportements est subordonnée à leur commission dans un certain contexte et

selon un certain but. Il s’agit là du dénominateur commun à toutes les

33 Art. 421-1 C. pén. (terrorisme classique) et Art 421-2 C. pén. (terrorisme écologique) 34 Le délit obstacle ne vise pas à sanctionner le résultat dommageable mais l’accomplissement d’actes préparatoires. Voir en ce sens : Marie-Elisabeth Cartier « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français » RSC 1995. 225 et Jean Pradel « Les infractions de terrorisme, un nouvel exemple de l’éclatement du droit pénal » D. 1987 Chron 39-42 35 Christine Lazerges et Hervé Henrion-Stoffel « Le déclin du droit pénal : l'émergence d'une politique criminelle de l'ennemi » RSC 2016. 649. Reprise de la pensée de Raphaële Parizot, L’anticipation de la répression, in Olivier Cahn et Karine Parrot (dir.) Actes de la journée d’études radicales : le principe de nécessité en droit pénal, Cergy-Pontoise 12 mars 2012, p.126 36 Art. 421-2-1 C. pén. (terrorisme par association de malfaiteurs), Art. 421-2-2 C. pén. (financement du terrorisme), Art. 421-2-3 C. pén (non-justification de ressources), Art. 421-2-4 C. pén. (recrutement terroriste), Art. 421-2-5 C. pén. (provocation et apologie du terrorisme), Art. 421-2-5-1 C. pén. (le fait d’extraire, reproduire, transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme), Art. 421-2-5-2 C. pén. (le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme) et Art. 421-2-6 C. pén. (la préparation isolée d’un acte terroriste)

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infractions terroristes. L’accomplissement de l’acte matériel doit être

« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective

ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la

terreur »37.

Dans une décision du 3 septembre 1986, le Conseil Constitutionnel a considéré

que cette formule était « énoncée en des termes d'une précision suffisante pour

qu'il n'y ait pas méconnaissance [du principe de légalité des délits et des

peines] »38. Toutefois, une partie de la doctrine regrette le « flou des termes

utilisés et [le] vague critère retenu »39, que le Conseil Constitutionnel ait

« considéré la formule comme insuffisamment imprécise pour constituer une

méconnaissance du principe de légalité »40.

Le législateur a soumis l’élément moral à deux conditions.

- La première condition est la relation avec une entreprise individuelle ou

collective (élément objectif)41. « La notion d'entreprise est exclusive de toute

idée d'improvisation ; elle suppose des préparatifs et un minimum

d'organisation »42 Ainsi la relation avec une entreprise, individuelle ou

collective, implique une certaine organisation matérielle.

- La seconde condition est la recherche d’un but c’est-à-dire le trouble à

l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (élément subjectif). Ainsi l’acte

suppose une intention particulière pour être qualifié de terroriste43. Cette

intention ne doit pas être recherchée en la personne de l’agent mais par rapport

à l’entreprise avec laquelle il est en relation : c’est l’entreprise qui doit

poursuivre ce but.

Dans sa décision du 3 septembre 1986, le Conseil Constitutionnel s’est

prononcé sur la notion de terrorisme en droit français44. Le juge constitutionnel

37 Art 421-1 C. pén 38 Déc. n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid.6) 39 Bernard Bouloc, « Le terrorisme », in Problèmes actuels de science criminelle, Presses universitaires d'Aix-Marseille 1989, p. 70 40 Reynald Ottenhof, « Le droit pénal français à l'épreuve du terrorisme » RSC 1987, p. 613 41 Crim, 7 mai 1987 n° 87-80.822 Bull. crim. 1987 n°186 p 497 et Crim 17 octobre 1995 n°93-14.836 Bull. crim. 1995 n°368 p.256 42 Circulaire CRIM 86-21F1, 10 octobre 1986, BOMJ, n°24 43 Marie-Elisabeth Cartier « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français » RSC 1995. 225 44 Déc. n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 5 et 6)

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français a validé implicitement la définition en précisant la nécessité de réunir

les deux éléments, matériel et moral, pour caractériser l’infraction de

terrorisme45. Il a admis la constitutionnalité de la définition en affirmant que

l’ensemble de ses éléments satisfaisaient au principe de légalité des délits et

des peines.

Si une partie de la doctrine considère qu’« en définitive, l’étude de la

qualification pénale des actes de terrorisme met en évidence une inquiétante

imprécision, calculée par le législateur et consacrée par le Conseil

Constitutionnel »46, il est tout de même possible de nuancer ces propos.

b. Une limite à l’élargissement de la notion

La lutte contre le terrorisme se traduit d’abord par la création

d’incriminations spécifiques. Au fil des événements dramatiques, le législateur a

considérablement élargi la catégorie des infractions terroristes pour embrasser

tout comportement présentant un lien avec le phénomène.

Conscient de cette réalité, le juge constitutionnel a paru, parfois,

imposer des limites à l’extension de la notion, au nom de principes

constitutionnels47.

En effet, plusieurs principes constitutionnels viennent spécifiquement cantonner

et encadrer le processus d’incrimination. Tout d’abord, le principe de légalité

criminelle48, contenu dans l’adage latin Nullum crimnel sine lege, nulla poena

sine lege, impose au législateur une définition préalable, claire et suffisamment

précise des infractions ainsi que des peines qui leur sont applicables.

45 Cette définition en deux parties présente l’avantage de pouvoir être modifié facilement au gré des événements comme le souligne Constance Grewe et Renée Koering Joulin « Le procédé est commode puisqu’il suffit, le plus souvent au gré d’une actualité tragique, de compléter cette liste par de nouvelles prévisions » (Constance Grewe et Renée Koring-Joulin, « De la légalité de l'infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes », in Mélanges G. Cohen-Jonathan. Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p. 900-906.) 46 Jean-Pierre Marguénaud « La qualification pénale des actes de terrorisme » RSC 1990.1 p.1-28 47 D’après l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 48 Arts 111-2 et 111-3 C. pén. Voir en ce sens : Bertrand De Lamy « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel » Cahiers du Conseil constitutionnel n°26 (Dossier : La Constitution et le droit pénal) Août 2009.

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Egalement, le principe de nécessité de l’incrimination signifie que le

comportement incriminé doit être suffisamment significatif pour justifier la

répression. Enfin, le principe de proportionnalité oblige le législateur à une

pondération dans le choix de la sanction. Refusant de se substituer à

l’appréciation du législateur, le juge constitutionnel exerce un contrôle limité et

censurera seulement les dispositions législatives manifestement

disproportionnées par rapport aux droits fondamentaux49.

Aux termes de plusieurs décisions, le Conseil Constitutionnel s’est

prononcé sur l’utilisation des incriminations terroristes à des fins préventives.

Trois d’entre elles paraissent particulièrement intéressantes.

- Dans une décision du 16 juillet 199650, le Conseil Constitutionnel, a pour

la première fois, censuré une incrimination de terrorisme.

La loi du 16 juillet 199651 prévoyait d’ajouter à la liste des actes de terrorisme52 :

l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger53

lorsqu’elle est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou

collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation

ou la terreur.

En se fondant sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du

citoyen, le Conseil Constitutionnel « inaugure un contrôle de l’erreur manifeste

d’appréciation en matière de nécessité des délits et des peines »54. Il considère

que « ce comportement n'est pas en relation immédiate avec la commission de

l'acte terroriste ; qu'au demeurant lorsque cette relation apparaît, ce

comportement peut entrer dans le champ de la répression de la complicité des

actes de terrorisme, du recel de criminel et de la participation à une association

de malfaiteurs prévue par ailleurs ». Or il prend acte que « la qualification d’acte

de terrorisme a pour conséquence non seulement une aggravation des peines

49 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 Sécurité et liberté. 50 Déc. n°96-377 DC du 16 juillet 1996. 51 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire 52 Art 421-1 C. pén. 53 Définie à l’article 21 de l’ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. 54 Julie Alix « La prévention pénale du terrorisme devant le Conseil Constitutionnel - Conseil Constitutionnel 7 avril 2017 » AJ pénal 2017.237

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mais aussi l'application de règles procédurales dérogatoires au droit

commun »55. Au regard des dispositions existantes et des conséquences

pénales qui y sont attachées, l’incrimination d’aide à l’entrée, à la circulation ou

au séjour irréguliers d’un étranger n’est pas nécessaire. Ainsi, le Conseil

Constitutionnel affirme qu’en estimant que ce comportement était susceptible

d’entrer dans le champ des actes de terrorisme, le législateur avait entaché son

appréciation d’une disproportion manifeste. La disposition a donc été déclarée

contraire aux exigences constitutionnelles.

A travers cette décision, il est possible de remarquer que la nécessité

d’une incrimination s’apprécie selon deux considérations : au regard des

dispositions déjà existantes et au regard de la substance de l’incrimination (les

comportements incriminés doivent être suffisamment significatifs pour justifier

de telles conséquences procédurales et répressives)56. Cette appréciation

semble être toujours la ligne de conduite du Conseil Constitutionnel.

- Plus récemment, le Conseil Constitutionnel a été saisi du délit de

consultation d’un site provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en

faisant l’apologie57. Dans une décision du 10 février 201758, il a estimé que

cette disposition portait une atteinte à la liberté de communication qui n’était

pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

Le Conseil Constitutionnel considère que ce délit a « pour objet de prévenir

l’endoctrinement d’individus susceptibles de commettre ensuite des [actes de

terrorisme] ». Il rappelle toutefois que les autorités disposent déjà de

nombreuses prérogatives afin de prévenir le terrorisme. D’une part, « la

législation comprend un ensemble d'infractions pénales (…) et de dispositions

procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission

d'actes de terrorisme ». D’autre part, « le législateur a également conféré à

l'autorité administrative de nombreux pouvoirs afin de prévenir la commission

d'actes de terrorisme ». Ce constat lui permet de conclure que cette

incrimination n’est pas nécessaire.

55 Ibid. consid. 8 56 Bertrand De Lamy, « La lutte contre le terrorisme à l’épreuve du contrôle de constitutionnalité : utiles précisions sur la nécessité d’une incrimination » RSC 2017.385 57 Art 421-2-5-2 C. pén. dans sa version en vigueur avant le 12 février 2017 58 Déc. n°2016-611 QPC du 10 février 2017 M. David P.

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Egalement, le Conseil Constitutionnel considère que l’atteinte à la liberté de

communication n’est pas adaptée et proportionnée car cette disposition réprime

le simple fait de consulter à plusieurs reprises un site, quelle que soit l’intention

de son auteur (excepté les motifs de non-application énumérés59) En effet,

l’incrimination n’impose pas que « l’auteur de la consultation (…) ait la volonté

de commettre des actes terroristes » et n’exige pas « la preuve que cette

consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie

exprimée sur [les sites] »

Le juge a donc considéré qu’en qualifiant ce comportement de terrorisme, le

législateur avait porté une atteinte à la liberté de communication qui n’était pas

nécessaire, adaptée et proportionnée. La disposition est donc contraire aux

exigences constitutionnelles (ici l’article 11 de la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen)

Malgré la censure, le législateur a rétabli ce délit par une loi du 28 février

201760. Il a repris les termes de la disposition pourtant abrogée mais en y

apportant quelques modifications afin de se conformer aux exigences

constitutionnelles.

D’une part, est ajouté un élément supplémentaire « cette consultation [doit]

s'accompagne[r] d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce

service». D’autre part, les exceptions à la mise en œuvre de la disposition sont

plus clairement définies : elles ne mentionnent plus la « bonne foi » et sont

complétées par : « le fait que cette consultation s'accompagne d'un signalement

des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes »

Bien que le législateur ait tenté de répondre aux préconisations du Conseil

constitutionnel, une partie de la doctrine considère que le rétablissement de ce

délit est critiquable car son contenu demeure inconstitutionnel61. En effet, les

modifications apportées permettent peut-être de rendre l’atteinte à la liberté de

59 En effet, l’article 421-2-5-2 du Code pénal, dans la version présentée au Conseil Constitutionnel, prévoyait que « le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice » 60 Art. 24 de la Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique 61 Voir en ce sens : Mathieu Carpentier, « Un ‘’lit de justice’’ contestable : la réintroduction du délit de consultation de sites terroristes » Blog de Jus Politicum, Revue internationale de droit constitutionnel, 13 mars 2017.

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communication adaptée et proportionnée, mais celle-ci ne semble toujours pas

nécessaire.

- Enfin, le Conseil Constitutionnel a été saisi du délit d’entreprise

individuelle terroriste. Dans une décision du 7 avril 2017, il a admis la légitimité

de l’incrimination mais en a réduit le champ d’application62.

Ce délit vise la préparation individuelle de certains actes de terrorisme. En effet,

le législateur a souhaité appréhender les ‘’loups solitaires’’ qui s’apprêtent à

commettre une infraction de terrorisme mais échappent à la qualification

d’association terroriste de malfaiteurs63. Est ainsi incriminé : le fait de préparer

la commission d’une infraction portant atteinte à la personne humaine en ayant

une volonté terroriste (être intentionnellement en relation avec une entreprise

individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation

ou la terreur). Cette préparation doit être caractérisée par la réunion de deux

éléments matériels. La personne doit détenir, rechercher, se procurer ou

fabriquer des ou substances de nature à créer un danger pour autrui. Elle doit

également avoir commis l’un des faits suivants : avoir recueilli des

renseignements sur des lieux - personnes pour mener une opération ou s’être

entrainé - formé aux maniements des armes ou avoir consulté habituellement

des sites internet provoquant au terrorisme - en faisant l’apologie ou avoir

séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opération terroriste.

Saisi de la constitutionnalité de ce délit, le Conseil Constitutionnel a

réduit son champ d’application en censurant un terme et en émettant une

réserve d’interprétation sur le fondement du principe de nécessité.

Dans un premier temps, le juge a considéré que cette incrimination ne portait

pas atteinte au principe de légalité des délits et des peines. En effet, il

considère que l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction sont

clairement définis : les infractions dont la commission doit être préparée pour

que le délit soit constitué, la notion d’entreprise individuelle ayant pour but de

troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et les faits

matériels susceptibles de caractériser un acte préparatoire. De même, le juge a

62 Déc. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017 M. Amadou S. 63 Il est nécessaire de préciser que cette qualification est peu retenue. En effet, les investigations mettent souvent en lumière l’existence d’un groupe ; le terroriste agit rarement seul.

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considéré que la disposition n’était pas contraire au principe de proportionnalité

des peines, le législateur n’ayant pas « institué une peine manifestement

disproportionnée ».

Dans un second temps, le Conseil constitutionnel a examiné le grief tiré de la

méconnaissance du principe de nécessité. Il a d’abord approuvé le choix fait

par le législateur de « limiter le champ du délit aux actes préparatoires à la

commission d’infraction portant atteinte à la personne humaine et s’inscrivant

dans une volonté terroriste » et de ne pas réprimer la seule intention puisque le

délit « ne peut être constitué que si plusieurs faits matériels ont été constatés ».

Cependant, il considère qu’ « en retenant au titre des faits matériels pouvant

constituer un acte préparatoire le fait de ‘’rechercher ... des objets ou des

substances de nature à créer un danger pour autrui’’, sans circonscrire les

actes pouvant constituer une telle recherche (...), le législateur a permis que

soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de

préparer une infraction ». Ainsi, le Conseil Constitutionnel admet l’incrimination

d’actes préparatoires mais ces actes doivent refléter explicitement la volonté de

préparer une infraction. Partant, les termes « de rechercher » sont

manifestement contraires au principe de nécessité des délits et des peines et

donc aux exigences constitutionnelles (ici l’article 8 de la Déclaration des droits

de l’homme et du citoyen). Enfin, le juge a émis une réserve d’interprétation

s’agissant de la preuve de l’intention de l’auteur des faits de préparer une

infraction terroriste. Il affirme que la preuve de cette intention « ne saurait, sans

méconnaitre le principe de nécessité des délits et des peines, résulter des seuls

faits matériels retenus comme actes préparatoires (…) ces faits matériels [ne]

doivent [que] corroborer cette intention.» Ainsi, le Conseil Constitutionnel prend

le soin de rappeler aux juges que la preuve de l’intention doit se faire par une

démonstration distincte de celle des éléments matériels64.

Ces décisions traduisent la nécessaire conciliation entre la lutte contre le

terrorisme et le respect de principes constitutionnels. Le Conseil Constitutionnel

valide par principe la politique d’incrimination mise en œuvre par le législateur

64 Cependant, comme l’affirme le professeur Yves Mayaud, il est possible de considérer que cette précision est inutile car « inhérente à toutes les infractions terroristes ». Voir en ce sens : Yves Mayaud, « Le terrorisme par entreprise individuelle sous contrôle constitutionnel », D. 2017.1134.

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mais pose toutefois quelques limites lorsque la disposition est manifestement

disproportionnée. Ainsi le contrôle de constitutionnalité se trouve modifié en

considération de l’objet même de la législation, le juge admettant plus

facilement des restrictions aux droits fondamentaux en matière de lutte contre

le terrorisme65

Toutefois, pour reprendre la pensée du professeur Yves Mayaud, « les

qualifications terroristes sont en droit pénal en constante évolution, même si on

peut penser que le champ de leur couverture est aujourd’hui arrivé à quasi-

maturité »66.

2. Définition canadienne

Historiquement, la notion de terrorisme existait dans le droit canadien

depuis de nombreuses années aux termes de la Loi sur l’immigration interdisant

l’entrée des immigrants soupçonnés d’un tel acte67. Toutefois, face à la difficulté

de l’exercice et la rareté des actions, le terrorisme n’était pas défini, ni par le

législateur ni par les juges68.

L’élaboration d’une définition et l’appréhension du terrorisme en tant que

tel sont dues aux attentats du 11 septembre 2001 ayant touché les Etats-Unis.

Au lendemain de ce tragique événement, le Canada se devait d’adopter une

position forte et conforme à ses obligations internationales en matière de lutte

contre le terrorisme (notamment la Résolution 1373 du Conseil de sécurité)69.

Très rapidement, le Canada a donc adopté une loi anti-terroriste70 dans laquelle

il définit le terrorisme.

65 Sonia Ben Younes « La lutte contre le terrorisme devant la justice constitutionnelle » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2 66 Yves Mayaud, « La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente » AJ pénal 2013.442. 67Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 ; art. 19(1) [Abrogée, 2001] – Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 ; art 34(1). D’après cette disposition, ne sont pas admissibles au Canada les personnes à l’encontre desquelles il existe des motifs raisonnables de croire qu’elles ont commis ou vont commettre des actes de terrorisme – qu’elles sont membres d’une organisation terroriste. 68 Voir en ce sens les propos de M. le Juge Denault dans l’arrêt Ahani. Ahani (Re), [1998] A.C.F. no 507, par. 21. 69 Résolution adoptée par le Conseil de sécurité sur la menace à la paix et à la sécurité internationales résultant d'actes terroristes le 28 septembre 2001. 70 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch.41)

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Aux termes de l’article 2 du Code criminel, l’infraction de terrorisme comprend :

a) Infraction visée à l’un des articles 83.02 à 83.04 et 83.18 à

83.23;

b) acte criminel — visé par la présente loi ou par une autre loi

fédérale — commis au profit ou sous la direction d’un groupe

terroriste, ou en association avec lui;

c) acte criminel visé par la présente loi ou par une autre loi

fédérale et dont l’élément matériel — acte ou omission —

constitue également une activité terroriste

d) complot ou tentative en vue de commettre l’infraction visée à

l’un des alinéas a) à c) ou, relativement à une telle infraction,

complicité après le fait ou encouragement à la perpétration

Le législateur a défini les notions d’activité terroriste et de groupe

terroriste. .

a. Définition de l’activité terroriste

La définition de l’activité terroriste comporte deux parties71 qui peuvent être

invoquées distinctement :

- Tout d’abord, le premier volet, appelé ‘partie fonctionnelle’, énumère une

série d’infractions qui sont destinées à mettre en œuvre les dix conventions

internationales72 contre le terrorisme auxquelles le Canada est partie. Chacune

constitue une activité terroriste.

71 Art. 83.01 (1) C.cr 72 Il s’agit de : Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs signée à La Haye le 16 décembre 1970, Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile signée à Montréal le 23 septembre 1971, Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973, Convention internationale contre la prise d’otages adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979, Convention sur la protection physique des matières nucléaires faite à Vienne et New York le 3 mars 1980 et Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire faite à New-York le 13 avril 2005, Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale signé à Montréal le 24 février 1988, Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime conclue à Rome le 10 mars 1988, Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental conclu à Rome le 10 mars 1988, Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1997 et Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1999

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- Ensuite, le second volet, appelé ‘partie stipulative’, comporte une

définition générale de l’activité terroriste. Selon le droit canadien, l’activité

terroriste suppose l’établissement de deux éléments :

(1) En premier lieu, l’activité terroriste suppose un actus reus. L’acte (action ou

omission) doit être accompli (au Canada ou à l’étranger) selon une

motivation particulière (au nom d’un but, d’un objectif ou d’une cause de

nature politique, religieuse ou idéologique) et un objectif bien précis (en vue

d’intimider la population quant à sa sécurité ou contraindre une personne,

un gouvernement ou une organisation à accomplir un acte ou à s’en

abstenir). La Couronne doit donc apporter un double élément de preuve

pour qu’un acte soit qualifié d’activité terroriste.

Ainsi le législateur canadien, sans doute inspiré de la législation anglaise73,

fait expressément référence au mobile. Cette référence a suscité

d’importantes critiques74. Kent Roach a notamment affirmé « The political,

religious or other motives of the perpetrators should not (…) constitute part

of the crime of terrorism »75. D’une part, la criminalisation du motif alourdit le

fardeau de la preuve. En effet, contrairement au droit commun76, les

services de police doivent vérifier – et la Couronne doit prouver hors de tout

doute raisonnable77, que l’acte a été commis au nom d’une cause de nature

73 Royaume Uni, Terrorism Act (2000) Art 1. : le terrorisme est défini comme l’accomplissement de certains actes conçus pour influencer un gouvernement ou une organisation internationale ; ou pour intimider la population ou une partie de la population dans le but de faire progresser une cause politique, religieuse raciale ou idéologique [Traduction] « In this Act “terrorism” means the use or threat of action where (a) the action falls within subsection (b) the use or threat is designed to influence the government or an international governmental organisation ; or to intimidate the public or a section of the public, and (c)the use or threat is made for the purpose of advancing a political, religious, racial or ideological cause » 74 Pour un avis contraire : Ben Saul estime que l’inclusion des motifs politiques, religieux ou idéologiques est nécessaire pour permettre la distinction entre le terrorisme et des phénomènes voisins. Voir : Saul Ben, Defining Terrorism in International Law, Oxford Monographs in International Law, 2005. 75 Roach Kent « The Case for Defining Terrorism With Restraint and Without Reference to Political or Religious Motive » in Andrew Lynch, Edwina MacDonald, George Williams, Law and liberty in the war on terror, The Syndey, Federation Press, 2007. p.39 76 Le mobile est la raison pour laquelle l’individu a décidé de commettre l’infraction. En droit commun, par principe, le mobile est indifférent et la poursuite ne doit pas en faire la preuve. (R. c. McRae, [2013] 3 R.C.S. 931 et Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème ed, Yvon Blais, 1998) « It does not matter to society, in its efforts to secure social peace and order, what an accused’s motive was, but only what the accused intended to do » (R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432

par. 43) [Traduction] « Dans son effort pour maintenir la paix sociale, la société ne se préoccupe pas du mobile de l'accusé, mais seulement de ce qu'il avait l'intention de faire » 77 Notion de « preuve hors de tout doute raisonnable » : La preuve hors de tout doute raisonnable se situe entre la certitude absolue et le hautement probable. (Gisèle Côté-Harper,

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politique, religieuse ou idéologique. Certes, ceci limite la portée de la

définition du terrorisme78 mais cela peut s’avérer contreproductif. En effet,

cette mention peut entraîner des conséquences néfastes face à la difficulté

pour la Couronne de prouver ce motif : l’alourdissement du fardeau de la

preuve peut entrainer davantage d’acquittements en la matière79. D’autre

part, la criminalisation du motif entrainerait une atteinte importante à la

liberté de croyance et de religion. En effet, selon certains auteurs, cela

encourage les enquêtes portant sur les croyances des individus et les

profilages racial ou religieux80. Cette critique a d’ailleurs conduit la Cour

supérieure de l’Ontario, dans l’affaire R. c. Khawaja, à considérer que cette

mention était contraire à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et

libertés relatif notamment à la liberté de conscience et de religion81. (Cette

décision a toutefois été invalidée par la suite, par la Cour d’appel de

l’Ontario et la Cour suprême du Canada)82. Pour répondre à ces critiques, le

gouvernement a pris un amendement en considérant que « l’expression

d’une pensée, d’une croyance ou d’une opinion de nature politique,

religieuse ou idéologique [ne constitue une] activité terroriste (…) que si elle

constitue un acte — action ou omission — répondant aux critères de [la

Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème éd, Yvon Blais, 1998 p.195) Ainsi, le mobile terroriste doit être l’unique conclusion logique qui s’impose à la lumière des faits en preuve. 78 Vince Westwick, Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 --- Kent Roach « Did September 11 change everything? Struggling to Preserve Canadian Values in the face of Terrorism, McGill Law Journal 2002, vol. 47. 79 Roach Kent « The Case for Defining Terrorism With Restraint and Without Reference to Political or Religious Motive » in Andrew Lynch, Edwina MacDonald, George Williams, Law and liberty in the war on terror, The Syndey, Federation Press, 2007. pp.39-48 80 Observations finales du 25 mai 2007 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Nations-Unies, par. 14 --- Alex Neve, Amnistie internationale, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 --- Nations Unies, Comité des droits de l’homme, 85ème session, Examen des rapports présentés par les Etats parties en vue de l’article 40 du PIDCP, Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, CCPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006, par. 12. --- Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 81 R. v. Khawaja, [2006] O.J. No. 4245. D’après la Cour supérieure de l’Ontario, cette "disposition relative au mobile (…) fait porter l'enquête policière et l'examen du poursuivant sur les croyances, les opinions et les idées exprimées par des personnes ou des groupes" [Traduction]. (par. 58). Il a donc conclu que cette atteinte ne pouvait être justifiée au regard de l'article premier et a retranché la référence au mobile du paragraphe 83.01(1) du Code Criminel. 82 Pour le jugement de la Cour d’appel de l’Ontario : R. v. Khawaja, [2010] O.J. No. 5471 et pour celui de la Cour suprême : R. c/ Khawaja [2012] 3 RCS 555

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loi] »83. Selon Kent Roach, cet amendement rend probablement la

criminalisation du motif à l’abri d’une déclaration d’inconstitutionnalité84.

(2) Ensuite, l’activité terroriste suppose une certaine mens rea. Pour être

qualifié de terrorisme, le comportement doit intentionnellement causer une

des nombreuses formes précisées de préjudice grave (à savoir causer des

blessures graves à une personne ou sa mort par l’usage de la violence ;

mettre en danger la vie d’une personne ; compromettre gravement la santé

ou la sécurité de tout ou partie de la population ; causer des dommages

matériels considérables à des biens publics ou privés ; perturber gravement

ou paralyser des services, installations ou systèmes essentiels publics ou

privés).

Le champ des incriminations est particulièrement large et la définition a

donc soulevé d’importantes critiques85. Selon une partie de la doctrine, la

définition du terrorisme serait si large qu’elle aurait une portée excessive86. Elle

pourrait s’appliquer à des actes d’opposition légitimes tels que des grèves ou

des manifestations publiques, sans lien avec du terrorisme.

Afin de répondre à cette problématique, le gouvernement a donc fait le choix

d’exclure de la définition certains actes87. Ont tout d’abord été exclus, les actes

commis « dans le cadre de revendications, de protestations ou de

manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de

provoquer [des atteintes graves aux personnes] »88. Egalement, les actes

83 Art 83.01 (1.1) C. cr 84 Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 p.26 85 Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003. p.34 --- José Woehrling « Les mesures adoptées par le Canada à la suite des attentats du 11 septembre 2001 », Revue française de droit constitutionnel, 2002, pp. 449-450 86 Notion de portée excessive. Le texte d’incrimination doit s’abstenir de toute portée excessive en ce sens que les moyens ne doivent pas être trop généraux par rapport à l’objectif poursuivi. L’interdiction des textes ayant une portée excessive est un principe constitutionnel découlant de l’article 7 de la Charte. Un texte aura une portée excessive lorsque l’interdit est en lien avec la volonté du législateur mais dans certaines applications, l’atteinte à la liberté est trop importante et ne cadre pas avec l’objectif. (Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème ed, Yvon Blais, 1998 -- Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101 -- R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761) 87 Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, LexisNexis Canada, Toronto, 5th ed. 2015 pp. 702-718 88 Art 83.01 (1) b) ii) E) C. cr

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commis au cours de conflits armés licites et conformes au droit international ne

peuvent être qualifiés d’activité terroriste89.

La définition de l’activité terroriste a été examinée par la Cour suprême

du Canada dans l’affaire R. c. Khawaja90. Les juges ont considéré que la

disposition était constitutionnelle au regard de la Charte Canadienne des droits

et libertés. En effet, la Cour a rejeté les arguments considérant que la définition

était imprécise et excessive.

b. Définition du groupe terroriste

Le législateur canadien, influencé par le système américain, a également

défini la notion de groupes terroristes. Le groupe terroriste91 est ainsi

défini comme une « entité dont l’un des objets ou l’une des activités est de se

livrer à des activités terroristes ou de les faciliter » ou renvoi à une liste d’entités

établie par le gouvernement canadien92.

La loi antiterroriste permet ainsi au gouvernement de dresser une liste

d’entités terroristes. Cette liste est établie par un règlement du gouverneur en

conseil. Il peut y inscrire toute entité dont il est convaincu, sur la

recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile,

qu’il existe des motifs raisonnables de croire : que, sciemment, elle s’est livrée

ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l’a facilitée, ou

que sciemment, elle agit au nom d’une entité visée, sous sa direction ou en

collaboration avec elle. Tout groupement inscrit dispose d’un recours contre

cette inscription, il peut demander la radiation de la liste selon une procédure

spécifique93.

Le fait de figurer sur cette liste ne constitue pas en soi une infraction

mais cela entraine des conséquences importantes, notamment parce que toute

89 Art 83.01 (1) b) C.cr 90 R. c. Khawaja [2012] 3 RCS 555 91 Art. 83.01 (1) C. cr. 92 Art 83.05(1) C. cr. La liste des entités terroristes est disponible dans La Gazette du Canada ou sur le site https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/ntnl-scrt/cntr-trrrsm/lstd-ntts/crrnt-lstd-ntts-fr.aspx. Actuellement, cinquante-trois entités sont visées par la liste. 93 Le projet de loi C-59 propose d’apporter des modifications de nature procédurale au régime d’inscription d’entités terroristes, notamment en prévoyant des examens ministériels et en donnant au Ministre de la Sécurité publique de la Protection civile le pouvoir de modifier les noms des entités inscrites. (Voir en ce sens : Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017)

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personne étant associée à un groupe terroriste peut être poursuivie sur le

fondement des infractions autonomes prévues par le Code criminel.

L’établissement de cette liste comporte certains avantages notamment pour la

mise en œuvre de la Loi sur l’immigration et la protection des étrangers94.

Toutefois, une partie de la doctrine considère que la définition a une portée

excessive et rétroactive – et que la procédure n’est pas transparente et

équitable95.

c. Les infractions de terrorisme

A elles seules ces définitions ne créent pas d’infractions et ne constituent

donc pas une base légale aux poursuites. Le législateur canadien a incriminé le

terrorisme de façon binaire :

- D’une part, la notion d’activités terroriste est considérée comme une

circonstance aggravante de tout acte criminel de droit commun96. Ainsi

l’incrimination du terrorisme est particulièrement large en droit canadien,

puisque tout comportement infractionnel, quel qu’il soit, est susceptible d’être

qualifié de terrorisme dès lors qu’il présente les caractéristiques de l’activité

terroriste.

- D’autre part, il a incriminé quatorze comportements autonomes qui

peuvent être considérés comme des actes terroristes périphériques puisqu’ils

visent des actes de soutien, matériel ou humain, préparatoire ou postérieur, au

terrorisme. Parmi ces actes périphériques, il est possible de distinguer les actes

de « financement de terrorisme97 » et le « fait de participer, faciliter, donner des

instructions et héberger98 ». L’incrimination de ces comportements a soulevé

94 Plusieurs dispositions de cette loi contenaient la référence au « groupe terroriste » sans jamais définir le terme. Ainsi, la qualification d’une entité en groupe terroriste variait et dépendait de l’appréciation de chaque juge. 95 En effet, les entités inscrites sur la liste peuvent uniquement contester leur inscription a posteriori et la procédure n’est pas contradictoire. Voir : Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 96 Art 83.27 C. cr 97 Le financement du terrorisme est incriminé aux articles 83.02 à 83.04 du Code criminel. Rentrent dans cette catégorie : Fournir ou réunir des biens en vue d’un acte terroriste ; Fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes ; Utiliser ou avoir en sa possession des biens à des fins terroristes. 98 Le fait de participer, faciliter, donner des instructions et héberger est incriminé aux articles 83.18 à 83.23 du Code criminel. Rentrent dans cette catégorie : Participation à une activité d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de participer à une activité d’un groupe terroriste ;

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d’importantes critiques. Le professeur Kent Roach a affirmé, à plusieurs

reprises, son inquiétude face à l’absence de « lien étroit » entre ces

incriminations et l’activité terroriste. D’une part, les infractions de financement

du terrorisme s’appliquent à toute activité sans tenir compte de l’importance de

la contribution matérielle et sans exiger que l’accusé ait souhaité favoriser

l’activité99. D’autre part, les autres infractions sont considérées par l’Association

canadienne des Professeures et Professeurs d’Université comme des

infractions « incomplètes ajoutées à d’autres infractions incomplètes ». En effet,

sont ici incriminés des actes qui préparent ou qui suivent une infraction de

terrorisme. Or la tentative, le complot, la menace et la complicité après le fait

sont déjà sanctionnés en matière de terrorisme. « En vertu du droit criminel

existant, les Cours ont généralement réussi à éviter des monstruosités telles la

tentative de tentative, la tentative de complot et l'encouragement à

l'encouragement à la perpétration d'une infraction, mais elles auront peut-être

des difficultés à le faire en vertu de [la Loi antiterroriste] »100

3. Comparaison des définitions

Les définitions française et canadienne montrent des similitudes dans

l’appréhension juridique du terrorisme mais présentent toutefois des différences

importantes.

Ajouté au travail effectué par les chercheurs Alex Schmidt et Albert

Jongman101, les définitions française et canadienne montrent clairement qu’il

Facilitation d’une activité terroriste ; Quitter le Canada afin de faciliter une activité terroriste ; Infraction au profit d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de perpétrer une infraction au profit d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de perpétrer une infraction constituant une activité terroriste ; Charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste ; Charger une personne de se livrer à une activité terroriste ; Préconiser ou fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme (*le projet C-59 propose de remplacer cette infraction par celle de ‘’conseiller la commission d’infractions de terrorisme’’) ; Cacher une personne qui s’est livrée à une activité terroriste. 99 Association Canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, « Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste », 28 février 2005 100 Kent Roach, Ronald Daniels et Patrick Macklem, The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-Terrorism Bill, University of Toronto Press, 2001 p.160. [Traduction] reprise de : Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005 101 Aux termes de leur recherche, ils ont recueilli près de 109 définitions différentes du terrorisme auprès de juristes, universitaires, politiques et sociologues. Ils ont comparé les

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existe certains points concordants. En effet, trois éléments semblent

unanimement caractériser le terrorisme : une violence préméditée d’une

certaine gravité (une méthode), une idéologie (un mobile, qui n’est cependant

pas inscrit dans la définition française) et une volonté d’intimider une population

pour contraindre un gouvernement ou une organisation à faire ou s’abstenir (un

but).

Egalement, ces définitions traduisent la volonté des législateurs

nationaux d’aller au-delà de la répression des seuls actes de perpétration du

terrorisme et sanctionner également les actes de soutien au terrorisme.

Finalement, c’est l’ensemble de l’activité terroriste qui se trouve appréhendé par

le droit pénal. Pour reprendre les termes du professeur Christine Lazerges

« C’est l’irruption d’un droit pénal du risque réprimant des comportements dont

les conséquences dommageables ne sont pas certaines, mais simplement

possibles, voire probables »102.

Cependant, les définitions française et canadienne présentent une

divergence importante : la référence à la dimension idéologique. Considéré par

les criminologues comme la singularité du phénomène terroriste103, l’idéologie,

politique ou religieuse, est pourtant absente de la définition française. La

France justifie principalement l’absence de cette mention par la volonté d’éviter

qu’un procès en matière de terrorisme devienne une tribune, un lieu de débat

politique ou religieux.

Ce choix a une conséquence quant à l’appréhension des infractions politiques.

Si le Canada admet aisément qu’un acte politique peut relever du terrorisme, la

France s’y est toujours opposée. En effet, elle a toujours refusé de considérer

définitions et ont calculé le nombre de fois où un élément revenait. « L’utilisation de la violence » est inscrite dans 83,5% des définitions, « les raisons politiques » dans 65%, la « terreur » dans 51% et les « victimes civiles » dans 17,5%. Voir en ce sens : Alex P. Schmid et Albert J. Jongman, Political terrorism: a new guide to actors, authors, concepts, data bases, theories and literature, New Brunswick, Transaction Books, 1988, p.5-6. Un travail de recherche plus récent a révélé l’existence de 212 définitions du terrorisme dans le monde dont 90 sont utilisées officiellement. Voir : Jeffrey D. Simon, The Terrorist Trap, Indiana University Press, 1994, p.29 102 Christine Lazerges et Hervé Henrion-Stoffel « Le déclin du droit pénal : l'émergence d'une politique criminelle de l'ennemi » RSC 2016. 649. Reprise de la pensée de Raphaële Parizot, L’anticipation de la répression, in Olivier Cahn et Karine Parrot (dir.) Actes de la journée d’études radicales : le principe de nécessité en droit pénal, Cergy-Pontoise 12 mars 2012, p.127 103 Martin Gus parle des motifs et des objectifs « inéluctablement politiques » de tout acte terroriste. Voir : Martin Gus « Understanding Terrorism : challenges, perspectives and issues » London : Sage, 2006, p.46

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les infractions politiques comme du terrorisme et les a, au contraire, soumises

à un régime plus favorable au droit commun (notamment pour faire échapper

les auteurs de ces infractions à la peine de mort qui était alors applicable à

l’époque104 et à l’extradition105). La France dénie totalement la nature politique

de la criminalité terroriste106. Mais il est nécessaire de s’interroger sur l’état du

droit positif : face à un acte politique aujourd’hui en France, les autorités

compétentes le qualifieraient-elles réellement d’infraction politique107 avec un

régime avantageux ? Ceci est peu probable, elles préfèreraient sans doute la

qualification d’acte de terrorisme permettant la mise en œuvre d’un régime

procédural plus efficace (tant sur le plan national qu’international). La France

s’alignera-t-elle prochainement sur la conception canadienne ?

Il semble impossible de déterminer quelle définition est la plus large. En

effet, la définition canadienne est plus étendue à certains égards puisque toute

infraction de droit commun peut potentiellement être qualifiée de terrorisme.

Elle est toutefois plus restreinte à d’autres égards notamment avec la

criminalisation des motifs qui oblige le Procureur de la Couronne à prouver un

élément supplémentaire, au risque de voir prononcer l’acquittement de l’accusé.

***

Comme le souligne Julie Alix dans sa thèse sur le sujet108, la

problématique de l’incrimination du terrorisme est essentielle « parce qu’elle

définit les frontières du licite et de l’illicite, la délimitation de l’incrimination est

104 Confrontée à l’anarchisme, la France avait dépolitisé ce type de comportements par la loi du 28 juillet 1894. Par la suite, la Cour de cassation a supprimé le caractère politique d’un acte, toutes les fois où il s’agit de faits graves. Voir Crim. 20 aout 1932 Bull. crim. 1932 n°207 et Renée Koering Joulin « Infraction politique et violence » JCP, 1982, I, 31102 105 Art. 5 Loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers [Abrogée 2004] – Art. 696-4 C. proc. pén. et Art 3 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Selon Françoise Tulkens, le législateur ne mentionne pas le caractère politique de l’acte terroriste dans le but de « favoriser et de faciliter les mesures d’extradition et d’entraide judiciaire internationale » Voir : Françoise Tulkens « Analyse critique de la Convention européenne pour la répression du terrorisme », in Déviance et société, Genève, vol.3, n°3, 1979, p.235. 106 François Loloum et Patrick Nguyen Huu, « Le Conseil constitutionnel et les réformes du droit pénal en 1986 », RSC, n° 3, 1987, p. 565 107 Conformément au droit pénal français, l’infraction politique est prise dans son sens objectif (Crim. 20 aout 1932. Bull. crim. 1932 n°207) c’est-à-dire comme tout « agissement portant atteinte aux droits politiques des citoyens et à l’Etat dans son organisation et son fonctionnement » 108 Julie Alix, Terrorisme et droit pénal : études critiques des incriminations terroristes, Nouvelles bibliothèques de Thèse Dalloz 2010 p.10

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encore davantage porteuse de risques pour les libertés que le régime des

infractions ».

B) Définitions internationales du terrorisme

_____________________________________________________________

« Le terrorisme est (…) un acte contraire au droit des gens, troublant,

(…) l’ordre public international »109

A l’origine, le recours au droit international comme instrument de lutte

contre le terrorisme n’était pas envisagé par les différents Etats110. Mais, pour

reprendre les termes de Mireille Delmas-Marty « il est (..) clair qu’une réponse

purement nationale, aussi sécuritaire soit-elle, ne peut à elle seule supprimer

toute menace »111. Ainsi, face à la multiplication des actes terroristes dans le

monde, la société internationale a décidé de réagir afin d’unifier la lutte et donc

la rendre plus efficace.

Il n’existe pas de définition tangible et universelle du terrorisme (1). Les

textes internationaux qui font référence au phénomène s’abstiennent pour la

plupart de le définir. La raison principale à cela réside dans la difficulté pour les

Etats de s’accorder sur une définition commune du terrorisme. Face à cette

problématique, la société internationale et les Etats qui la composent cherchent

alors à endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte sectorielle et

géographiquement fractionnée. (2)

1. Des tentatives d’une définition universelle du terrorisme

109 Marie Hélène Gozzi, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Mise au point, Edition Ellipses. 2003. p 70 110 Luigi Condorelli, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? » RGDIP, 2001 111 Mireille Delmas-Marty, « Le caractère global du terrorisme appelle une justice globale », in Le Monde, 1er avril 2016.

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En raison de ses caractéristiques, le terrorisme est un phénomène

difficile à appréhender juridiquement. Partant, la notion échappe au droit

international qui ne parvient pas à trouver une définition universelle112.

a. « L’introuvable définition »113

Parmi les premières tentatives internationales, la Convention pour la

prévention et la répression du terrorisme adoptée par la Société des Nations à

Genève le 16 novembre 1937114 proposa une définition générale du terrorisme

et énuméra une série d’actes réputés terroristes. Le terrorisme y est alors défini

comme des « faits criminels dirigés contre un État et dont le but ou la nature est

de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de

personnes ou dans le public ». Bien qu’elle ne soit jamais entrée en vigueur

faute d’un nombre suffisant de ratifications, cette convention a mis en lumière la

volonté des Etats de s’unir face au terrorisme mais les difficultés à s’entendre

sur une définition universelle du phénomène.

Plus récemment, la définition du terrorisme a intéressé les négociations

du Statut de Rome de la Cour pénale internationale115. En effet, certaines

propositions visaient à inclure le terrorisme dans les infractions relevant de la

compétence rationae materiae de la Cour. Cependant, elles ont été rejetées,

faute d’accord sur la définition116.

112 Jean Marc Sorel, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 113 Mario Bettati « Le terrorisme : les voies de la coopération internationale », Odile Jacob, Paris, 2013, p.88 114 Au vingtième siècle, plusieurs attentats sont commis en Europe : dès 1914 avec l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand et en 1934 avec les assassinats du Roi de Yougoslavie Alexandre Ier et du Ministre des Affaires étrangères français Louis Barthou. C’est dans ce contexte que le Conseil de la Société des Nations décida de créer un comité ayant pour mission d’élaborer une convention internationale relative à la répression du terrorisme. Les travaux du comité aboutirent le 16 novembre 1937 avec l’élaboration de deux textes : la « Convention pour la prévention et la répression du terrorisme » et la « Convention pour la création d’une cour pénale internationale ». Voir en ce sens. Jean-Christophe Martin, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.13-14 115 Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, A/CONF. 183/ 9 116 Pourtant, une partie de la doctrine, encore aujourd’hui, propose d’ériger le terrorisme au rang de crime contre l’humanité. Deux arguments principaux sont avancés. D’une part, le terrorisme est une infraction internationale qui porte atteinte à la société dans son ensemble car ce sont ses valeurs qui sont bafouées. La Cour pénale internationale, émanation de cette société internationale, est donc la plus légitime à juger les auteurs de tels actes. D’autre part, le crime contre l’humanité est défini comme un acte commis « en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de populations civiles dans le cadre d’une attaque généralisée ou

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Enfin, la définition du terrorisme a retenu l’attention de l’Organisation des

Nations-Unies. L’Assemblée générale des Nations Unies a créé en 1996 un

comité spécial chargé d’élaborer une Convention générale sur le terrorisme117,

dont les travaux sont toujours en cours.

Le projet de Convention générale sur le terrorisme international propose une

définition internationale du phénomène 118:

Commet une infraction au sens de la présente Convention

quiconque cause par quelque moyen que ce soit,

illicitement et intentionnellement :

a) La mort d’autrui ou des dommages corporels

graves à autrui;

b) De sérieux dommages à un bien public ou privé,

notamment un lieu public, une installation

gouvernementale ou publique, un système de transport

public, une infrastructure, ou à l’environnement; ou

c) Des dommages aux biens, lieux, installations ou

systèmes mentionnés à l’alinéa b) du paragraphe 1 du

présent article, qui entraînent ou risquent d’entraîner des

pertes économiques considérables;

lorsque le comportement incriminé, par sa nature ou son

contexte, a pour but d’intimider une population ou de

contraindre un gouvernement ou une organisation

internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose.

2. Commet également une infraction quiconque menace

sérieusement et de manière crédible de commettre une

infraction visée au paragraphe 1 du présent article.

3. Commet également une infraction quiconque tente de

commettre une infraction visée au paragraphe 1 du présent

article.

4. Commet également une infraction, quiconque :

systématique » (art. 212-1 C. pén). Or la politique qui conduit à cette attaque peut être le fait d’un Etat ou d’un groupe (CPI, Ch. préliminaire II, 31 mars 2010, Situation en République du Kenya, ICC-01/09) Ce qui ouvre l’infraction au terrorisme. Cependant, il est quand même possible de noter une différence importante entre le crime contre l’humanité et le terrorisme : la valeur protégée. En effet, le crime contre l’humanité protège la population civile en tant que telle alors que le terrorisme vise à protéger un Etat ou une organisation, la population civile n’étant qu’un moyen pour déstabiliser ou contraindre cet Etat ou organisation. 117 Résolution A/RES/51/210 du 17 décembre 1996 118 Art 2 du texte du projet de convention générale sur le terrorisme international A/C.6/65/L.10. Mesures visant à éliminer le terrorisme international - Rapport du groupe de travail présidé par M. Rohan Perera et présenté le 3 novembre 2010 dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies

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a) Se rend complice d’une infraction visée aux

paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article; ou

b) Organise la commission d’une infraction visée

aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article ou donne

l’ordre à d’autres personnes de la commettre; ou

c) Contribue à la commission d’une ou plusieurs des

infractions visées aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent

article par un groupe de personnes agissant de concert. La

contribution doit être délibérée et faite :

i) Soit pour faciliter l’activité criminelle ou le

dessein criminel du groupe, lorsque l’activité ou le

dessein implique la commission d’une infraction visée

au paragraphe 1 du présent article;

ii) Soit en pleine connaissance de l’intention du

groupe de commettre une infraction visée au

paragraphe 1 du présent article

Est donc considéré comme terroriste, un certain comportement qui « par sa

nature ou son contexte, a pour but d’intimider une population ou de contraindre

un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à ne pas faire

quelque chose. » Cette définition n’est pas véritablement une nouveauté

puisqu’elle ne fait que reprendre un ensemble de critères déjà invoqués. Son

importance réside plutôt dans sa future acceptation par l’ensemble des Etats.

Cependant, l’adoption de cette convention rencontre de nombreuses difficultés

et aucun accord ne semble pour le moment se dégager. En effet, la définition

du terrorisme énoncée ne semble pas faire l’unanimité au sein de la société

internationale.

b. Les obstacles à la définition universelle du terrorisme

A ce jour, il n’existe aucune définition du terrorisme qui soit unanimement

admise par l’ensemble des Etats. En effet, il parait complexe de trouver un

accord sur une définition éminemment subjective, dépendant de son auteur, de

ses valeurs et sa situation. De nombreux facteurs y contribuent ; mais il est

possible d’identifier deux obstacles principaux à l’établissement d’une définition

universelle.

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- Tout d’abord, l’exclusion des mouvements de libération nationale au sein

de la définition du terrorisme est controversée. « Ce qui apparaît à certains

comme un terroriste est un combattant de la liberté pour d'autres ».

Le droit à l’autodétermination est le droit pour un peuple de déterminer

librement, sans ingérence étrangère, son statut international et son mode

d’organisation politique. Il constitue un droit international fondamental

découlant du principe selon lequel les peuples ont le droit de disposer d’eux-

mêmes119. En vertu de ce droit, des minorités ethniques ou religieuses peuvent

revendiquer leur indépendance, interne ou externe, par rapport à un Etat. A ce

titre, elles peuvent accomplir certains actes, y compris violents et à l’encontre

de civils, de libération nationale.

Face au terrorisme, cela suscite plusieurs interrogations. D’une part, qu’est-ce

qui distinguent les mouvements de libération nationale du terrorisme ? Aucun

critère ne semble avoir été posé120. Pourtant, alors que les « combattants de la

liberté » sont considérés comme légitimes – les terroristes sont des criminels. A

titre d’exemple, les actes accomplis par le Front de libération nationale durant la

guerre d’Algérie relèvent-ils du droit des peuples à l’autodétermination ou sont-

ils constitutifs d’actes de terrorisme ? D’autre part, la définition internationale du

terrorisme doit-elle exclure de son champ d’application, les actes accomplis

dans l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples ? Cette question

divise121. D’ailleurs, l’opportunité d’exclure de la définition ces actes est à

119 Le droit à l’autodétermination et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont reconnus par la Charte des Nations Unies (arts 1 §2 et 55) et dans les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l’homme (arts 1er). Ils sont également consacrés par nombreuses déclarations et résolutions onusiennes. Voir : Christian Charbonneau, « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes: un droit collectif à la démocratie… et rien d’autre », Revue québécoise de droit international n°9 - 1995, 20 juin 1996 pp. 111-130. 120 En l’absence de définition internationale, la notion même de peuple est débattue. Certains considèrent que l’ensemble des citoyens d’un Etat constitue un peuple unique. A l’inverse, d’autres estiment que des communautés (linguistiques, religieuses….) peuvent constituer un peuple à part entière et exercer leur droit à l’autodétermination. 121 Principalement, les pays du Sud écartent les mouvements de libération nationale du champ d’application de l’infraction de terrorisme. Voir en ce sens : les conventions régionales antiterroristes de la Ligue des Etats arabe (art. 2 de la Convention de la Ligue des Etats arabe sur le terrorisme du 22 avril 1998), de l’organisation de la Conférence islamique (art. 2 §a de la Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999), de l’organisation de l’Unité africaine (Article 3 §1 de la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme du 14 juillet 1999) ainsi que le Mouvement des non-alignés. A l’inverse, les pays du Nord considèrent majoritairement que ces actes peuvent relever du terrorisme.

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l’origine du blocage actuel du projet de Convention générale sur le terrorisme

international122

- De même, l’exclusion du terrorisme d’Etat au sein de la définition du

terrorisme pose des difficultés. Au sens strict, le terrorisme d’Etat est le fait pour

le Prince régnant de conserver son titre. Il va alors utiliser, de façon excessive,

son monopôle de violence légitime pour assurer sa survie ; « permettant au

pouvoir en place de briser, à force de mesures extrêmes et d'effroi collectif,

ceux qui lui résistent »123. Dans un sens plus large, le terrorisme d’Etat est

lorsqu’un Etat reconnu juridiquement sur la scène internationale est impliqué

dans des actes de terrorisme124.

La définition internationale du terrorisme doit-elle exclure de son champ

d’application, ces actes accomplis par un Etat ? Le terrorisme d’Etat est en

général exclu des conventions internationales125. Ainsi la Convention pour la

répression des attentats terroristes à l’explosif de 1997 et la Convention

internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005

excluent expressément les agissements des forces armées d’un Etat de leur

champ d’application126. En vertu de ces dispositions, des comportements, en

principe constitutifs d’actes de terrorisme, accomplis par les forces armées d’un

Etat, dans le cadre d’un conflit armé ou pas, ne peuvent être qualifiés comme

tel. Officiellement, les Etats127 refusant de reconnaitre ce type de terrorisme

mettent en avant deux arguments. Tout d’abord, ils considèrent que les actes

accomplis peuvent être réprimés sous d’autres qualifications telles que le crime

contre l’humanité. Ensuite et plus politiquement, ils estiment que reconnaitre ce

type de terrorisme permettrait de délégitimer des Etats sur la scène

122 Voir en ce sens : Pierre d’Argent, « Examen du projet de Convention générale sur le terrorisme international » in: Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten et Barbara Delcourt (dir.), Le droit international face au terrorisme : après le 11 septembre 2001, Pedone, Paris, 2002, pp. 121-140 123 Pierre Dabezies, Jean Servier, Gérard Chaliand et Sylvia Preuss-Laussinotte « Terrorisme », Encyclopædia Universalis 124 Rapport final de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Droits de l’Homme et terrorisme, 2004 (E/CN.4/Sub.2/2004/40) 125 Pour les Etats, il s’agit surtout d’une obligation de prendre des mesures internes pour lutter contre le terrorisme et d’une interdiction d’encourager ou soutenir des actes de terrorisme. 126 Voir : art. 19 §2 de la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif de 1997 et art. 4 §2 de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005. 127 En général, les pays occidentaux défendent l’idée selon laquelle le terrorisme est un acte commis par un individu ou un groupe d’individus.

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internationale. La décision d’exclure de la définition générale le terrorisme

d’Etat n’est toutefois pas unanimement admise et fait l’objet de nombreux

débats128.

« Terrorism therefore remains a crime in search of a definition »129.

Pourtant, l’admission d’une définition unique du terrorisme présenterait bien

davantage sur la scène internationale130.

2. A une lutte sectorielle et géographiquement fractionnée

En raison des difficultés à s’entendre sur une définition universelle du

terrorisme, les Etats cherchent à enrayer ce phénomène par la mise en place

de moyens particuliers. Cela se traduit par deux moyens principaux.

a. Une lutte sectorielle

Les Etats cherchent à endiguer le phénomène par une lutte sectorielle au

moyen de conventions internationales relatives à des domaines particuliers.

Actuellement, treize instruments juridiques internationaux ont été adoptés.

Ces conventions, pour la plupart, ne proposent pas de définition

internationale du terrorisme. Elles incitent les Etats à incriminer certains

comportements, qui sont perpétrés dans certains secteurs ou lieux, utilisant

certains moyens ou visant certaines cibles. Ces domaines, considérés par les

Etats comme vitaux, ont pu faire l’objet d’un consensus.

- S’agissant des secteurs d’activités et lieux dans lesquels sont

susceptibles d’être commis un acte de terrorisme, peuvent rentrer dans cette

128 Voir en ce sens : Marcelo G. Kohen, « Les controverses sur la question du "terrorisme d'Etat" » » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 pp. 83-93. 129 Tim Stephens « International criminal law and the response to international terrorism », UNSW Law Journal, Vol. 27, No. 2, pp. 454-481, 2004 p.458. 130 Face à la diversité des actes que le terme terrorisme peut recouvrir, il parait aujourd’hui indispensable de s’accorder sur une définition universelle. Ceci permettrait d’éviter les conflits de compétence (tant vertical qu’horizontal) ainsi que de garantir la répression de l’acte, une utilisation non politique de la situation, et l’indemnisation des victimes. Voir en ce sens : Thèse d’Abir Ghanem-Larson « Essai sur la notion d’acte terroriste en droit international pénal » dirigée par Xavier Philippe. Droit international public. Faculté d’Aix Marseille III, 2011.

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catégorie : les conventions relatives au terrorisme aérien131 et au terrorisme

maritime132.

- S’agissant des moyens utilisés pour commettre l’acte de terrorisme,

peuvent rentrer dans cette catégorie : les conventions relatives à la prise

d’otages133, au domaine des explosifs134, au domaine nucléaire135 et au

financement du terrorisme136.

- S’agissant des cibles visées par l’acte de terrorisme, peuvent rentrer

dans cette catégorie : la convention relative aux personnes jouissant d’une

protection internationale137.

Il s’agit là d’un véritable « éparpillement conventionnel »138

Selon le professeur Jean-Marc Sorel, « Punir sans réellement définir »

semble alors être « l’attitude concrète de la communauté internationale »139.

Cependant, il est possible de nuancer ces propos. En effet, alors que les

conventions sectorielles élaborées dans le cadre de l’ONU privilégient

généralement une méthode inductive, la Convention internationale pour la

répression du financement du terrorisme de 1999 semble faire figure

131 Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14 septembre 1963 (et son protocole du 14 avril 2014), Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 décembre 1970, Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile du 23 septembre 1971 (et son protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile), Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale du 10 septembre 2010 (et son protocole de la même date). 132 Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime du 10 mars 1988 (et son protocole du 14 octobre 2005) et son Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental du 10 mars 1989 (et son protocole du 14 octobre 2005). 133 Convention internationale contre les prises d’otages du 17 décembre 1979 134 Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection du 1er mars 1991 et Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997 135 Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (et son amendement du 8 juillet 2005) et Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 136 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999 137 Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale du 14 décembre 1973 138 Mario Bettati, Le terrorisme : les voies de la coopération internationale, Odile Jacob, Paris, 2013, p.112 139 Jean Marc Sorel, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 p. 44

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d’exception et a prétention à l’universel140. Cette Convention propose une

ébauche de définition générale du terrorisme en complétant les définitions des

actes de terrorisme des conventions sectorielles. Est visé :

Tout (…) acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil,

ou toute autre personne qui ne participe pas directement

aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque,

par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une

population ou à contraindre un gouvernement ou une

organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir

d’accomplir un acte quelconque. 141

Cette définition a d’ailleurs été reprise, pour partie, par la Cour suprême du

Canada dans le jugement Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de

l’Immigration)142 . Cependant, elle n’est pas exempte de tout reproche. Il est,

en effet, possible de regretter la référence aux situations de conflits armés qui

limite considérablement sa portée143.

b. Une lutte géographiquement fractionnée

Les Etats tentent, également, de combattre le terrorisme par une lutte

géographiquement fractionnée selon les régions.

C’est ainsi que l’Organisation des Etats américains144, l’Organisation de

l’unité africaine145, la Ligue des Etats arabe146, l’Organisation de la Conférence

140 Tim Stephens « International Criminal Law and the Response to International Terrorism » New South Wales Law Journal, 2004, p.4 141 Art 2 de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme signée à New-York le 9 décembre 1999. 142 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 par. 98 Pierre-Olivier Marcoux dénonce le fait que la Cour surpême n‘ait utilisé qu’une partie de la définition donnée par la Convention. Voir en ce sens : Pierre-Olivier Marcoux « La lutte au terrorisme international au Canada Panopticon ou Banopticon ? » Lex Electronica, vol. 11 n°1, Printemps 2006) 143 Mémoire de Jean-Paul Sikeli, La lutte contre le terrorisme en droit international, Université d’Abidjan-Cocody, DEA droit public 2006. 144 Convention pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions internationales du 2 février 1971 145 Art. 2 de la Convention de l’OUA sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme adoptée le 14 juillet 1999. 146 Art. 1 de la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme signée le 22 avril 1998

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islamique147, le Conseil de l’Europe ou encore l’Union européenne ont décidé

de lutter contre le terrorisme par une coopération étroite entre leurs membres.

Les Etats qui composent chacune de ces organisations ont adopté des

conventions relatives au terrorisme dont certaines fournissent une définition du

terrorisme. Il semble ainsi plus aisé d’adopter une telle définition au niveau

régional.

Seule la coopération européenne sera ici abordée148.

- Cette coopération s’est d’abord organisée dans le cadre du Conseil de

l’Europe. En effet, le Conseil de l’Europe a élaboré plusieurs conventions

spécifiques destinées à lutter contre le terrorisme. Parmi ces textes, la

Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977149

affirme la volonté des Etats de rendre efficace la répression des auteurs d’actes

de terrorisme. Pour cela, le texte énumère les actes réputés terroristes et

organise la procédure d’extradition des auteurs150. La recommandation 1426

(1999) du Conseil de l’Europe définit le terrorisme comme « tout délit commis

par des individus ou des groupes recourant à la violence ou menaçant de

l’utiliser contre un pays, ses institutions, sa population en général ou des

individus concrets, qui, motivé par des aspirations séparatistes, par des

conceptions idéologiques extrémistes ou par le fanatisme ou inspiré par des

mobiles irrationnels et subjectifs, vise à soumettre les pouvoirs publics, certains

individus ou groupes de la société ou d’une façon générale l’opinion publique à

un climat de terreur »151 Plusieurs textes ont ensuite suivi, dans un souci de

prévenir les actes de terrorisme et de sanctionner efficacement leurs auteurs en

renforçant les moyens de coopération, notamment la Convention du Conseil de

l’Europe pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005152.

147 Art. 1 de la Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999 148 Anne-Sophie Traversac « Les politiques européennes de lutte contre le terrorisme », Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2 149 Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 STE n°090 150 Afin de ne pas faire obstacle à la coopération internationale, l’article 1 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme affirme expressément que les infractions de terrorisme ne sont pas considérées comme des infractions politiques 151 Recommandation 1426 (1999) Démocraties européennes face au terrorisme du Conseil de l’Europe par. 5 152 Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005 STCE n°196

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- A l’instar du Conseil de l’Europe, l’Union européenne a décidé de réagir

au terrorisme, certainement de façon plus rigoureuse depuis les attentats du

World Trade Center153. Qualifié de « véritable défi pour le monde et pour

l’Europe », le terrorisme est « plus que jamais objectif prioritaire pour l’Union

européenne »154. Dans un premier temps, le Conseil européen a adopté une

position commune155 dans lequel il définit notamment l’acte de terrorisme et la

notion de groupe terroriste. Puis, le Conseil européen a adopté une décision-

cadre relative à la lutte contre le terrorisme156, afin d’harmoniser les législations

nationales (seuls six pays étaient dotés d’une législation spécifique : la France,

l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et le Portugal). Très

récemment, le Parlement et le Conseil européen ont adopté une directive157 qui

reprend pour l’essentiel les dispositions des textes précédents mais en affinant

sa position au regard des derniers événements tragiques perpétrés en Europe.

L’acte de terrorisme est défini, très largement, comme :

1. Les actes intentionnels suivants (…) qui, par leur nature ou

leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou

à une organisation internationale lorsqu’ils sont commis dans

l’un des buts énumérés au paragraphe 2 :

a) les atteintes à la vie d'une personne pouvant entraîner la

mort;

b) les atteintes à l'intégrité physique d'une personne;

c) l'enlèvement ou la prise d'otage;

d) le fait de causer des destructions massives à une

installation gouvernementale ou publique, à un système

de transport, à une infrastructure, y compris un système

153 En réalité, la lutte contre le terrorisme relève de la compétence de l’Union européenne depuis le traité de Maastricht. L’ancien article K.1, désormais 29, du Traité de l’Union européenne, élève ainsi au rang de « question d’intérêt commun », « la coopération policière et judiciaire [en vue de] la prévention de la criminalité, organisée ou autre, et [de] la lutte ce phénomène, notamment le terrorisme ». 154 Conclusions et plan d’action du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 155 Position commune du Conseil européen du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC) 156 Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme. Par la suite, la liste des actes réputés terroristes a été modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 pour y inclure la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement et l’entrainement au terrorisme 157 Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette directive contient notamment l’obligation pour les Etats d’incriminer les voyages à des fins terroristes, l’organisation et la facilitation de ces voyages et le financement du terrorisme. Elle renforce également les droits des victimes du terrorisme.

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informatique, à une plateforme fixe située sur le plateau

continental, à un lieu public ou une propriété privée,

susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de

produire des pertes économiques considérables;

e) la capture d'aéronefs et de navires ou d'autres moyens de

transport collectifs ou de marchandises;

f) la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport, la

fourniture ou l'utilisation d'explosifs ou d’armes y

compris d’armes chimiques, biologiques, radiologiques

ou nucléaires, ainsi que la recherche et le développement

pour ce qui est des armes chimiques, biologiques,

radiologiques ou nucléaires;

g) la libération de substances dangereuses, ou la

provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions,

ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines;

h) la perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement

en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle

fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des

vies humaines;

i) l’atteinte illégale à l’intégrité d’un système, telle qu’elle

est visée par l’article 4 de la directive 2013/40/UE (…) et

l’atteinte illégale à l’intégrité des données, telle qu’elle

est visée à l’article 5 de ladite directive (…)

j) la menace de réaliser l'un des comportements énumérés

aux points a) à i).

2. Les buts visés au paragraphe 1 sont les suivants:

a) gravement intimider une population;

b) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une

organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir

d'accomplir un acte quelconque;

c) gravement déstabiliser ou détruire les structures

politiques, constitutionnelles, économiques ou

sociales fondamentales d'un pays ou d’une

organisation internationale;

***

« Les points de vue sont tellement différents et les contextes tellement

divers qu’il s’est révélé à ce jour impossible pour la communauté internationale

d’en donner une définition acceptée de tous »158. Pour autant, cela n’empêche

pas les Etats, dans le cadre de la société internationale, de combattre le

158 Rapport d’activité de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’Homme, aout 2001

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phénomène159. Une double coopération est mise en place. D’une part, une

coopération normative avec l’interdiction d’encourager des actes de

terrorisme160 et corrélativement l’obligation pour les Etats de prendre des

mesures internes pour lutter contre le phénomène161. D’autre part, une

coopération opérationnelle lors de l’enquête avec un échange de

renseignements et lors du jugement du terroriste avec notamment le mandat

d’arrêt international.

***

Malgré le consensus sur l’importance de criminaliser le terrorisme, les

Etats ont des conceptions différentes du phénomène, si bien qu’aujourd’hui

définir le terrorisme constitue un véritable défi pour la société internationale et

les législateurs nationaux162. En ce sens, Constance Grewe et Renée Koering-

Joulin font remarquer : « rarement comportement aura suscité autant de

consensus pour le réprimer et même sévèrement » mais que « dans le même

temps et non sans paradoxe, aucun n’aura rencontré si peu d’accord pour le

définir »163

Le terrorisme étant un phénomène variable et mouvant dans l’espace et

dans le temps, les textes sont régulièrement dépassés par la commission

d’attentats. Au fil des années, les auteurs d’actes changent, les personnes

visées diffèrent et les moyens d’action évoluent.

Au plan international, les Etats ont des conceptions si différentes du

phénomène qu’aucune définition générale du terrorisme n’a recueilli

l’assentiment de tous. La notion de terrorisme semble particulièrement délicate

159 Voir en ce sens : Alain Bauer et Christophe Soullez, Terrorismes, Dalloz, Paris, 2015. 160 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 9 décembre 1985 A/RES/40/61. Le paragraphe 6 « demande à tous les Etats de se conformer à l’obligation qui leur incombe, en vertu du droit international, de s’abstenir d’organiser ou d’encourager des actes de terrorisme dans d’autres Etats, d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur leur territoire des activités organisées en vue de l’exécution de tels actes » 161 Résolution du Conseil de Sécurité du 28 septembre 2001 S/RES/1373 (2001) et les diverses conventions sectorielles relatives à la lutte contre le terrorisme. 162 La doctrine exprime largement la difficulté à définir le terrorisme. Ainsi, définir le terrorisme est une « entreprise périlleuse » selon Reynald Ottenhof (Reynald Ottenhof, « Le droit pénal français à l'épreuve du terrorisme » RSC 1987 p.613) 163 Grewe Constance et Renée Koering-Joulin. « De la légalité de l’infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes » in Mélanges G. Cohen-Jonathan, Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p. 900-906

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à circonscrire pour la société internationale. Face à cette problématique, les

Etats tentent alors, d’endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte

sectorielle et géographiquement fractionnée.

Au plan national, comme la plupart des Etats, la France et le Canada possèdent

des définitions légales du terrorisme. Cependant, au fil des attentats, un

mouvement d’extension des définitions est observable jusqu’à englober tout

comportement qui présente un lien, plus ou moins diffus, avec le phénomène.

Une telle conception est dangereuse, notamment parce qu’il en va de

l’application d’un régime dérogatoire au droit commun susceptible de porter

atteinte aux droits fondamentaux.

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II. LA TENEUR DE LA CONCILIATION : UN AMENAGEMENT DES MESURES D’ENQUETE AU DETRIMENT DES DROITS FONDAMENTAUX

_______________________________________________________________

Face à la menace, les Etats doivent adopter une législation efficace afin

de prévenir les actes de terrorisme et le cas échéant, sanctionner leurs auteurs.

La réaction de la communauté internationale sera laissée de côté au profit de

l’étude comparée des réactions françaises et canadiennes.

Quelles sont les règles applicables à un individu soupçonné d’avoir commis,

tenté de commettre ou de vouloir commettre un acte de terrorisme ?

Les législateurs nationaux ont fait le choix de la procédure pénale

dérogatoire au droit commun, et ce quelle que soit l’étape du procès : lors de

phase d’enquête et lors de la phase de jugement. Seule la phase de l’enquête

sera abordée ici.

Durant cette étape procédurale, un ensemble de mesures sont accomplies par

les services de police, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, afin de réunir des

éléments utiles à la manifestation de la vérité. En matière de terrorisme, les

législateurs nationaux ont souhaité doter les autorités policières et judiciaires de

moyens plus adaptés et plus efficaces. Pour cela, ils ont aménagé les règles

classiques afférentes aux mesures d’enquête.

Cependant, ces aménagements entrainent vraisemblablement une limitation

des droits fondamentaux et des libertés individuelles, ce qui est peu concevable

dans des Etats démocratiques tels que la France et le Canada. Magistrats et

policiers se voient reconnaitre d’une part, des pouvoirs coercitifs principalement

attentatoires à la liberté individuelle (comme l’arrestation et la garde à vue) (A)

et d’autre part, des pouvoirs d’investigations principalement attentatoires à la

vie privée (comme les perquisitions, les écoutes téléphoniques ou l’audience

d’investigation) (B)

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Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et la

protection des droits fondamentaux, les législateurs conditionnent et encadrent

particulièrement la mise en œuvre des mesures spéciales d’enquête. L’objectif

est de minimiser et rendre apparemment acceptables, les atteintes aux droits

des citoyens. Les juges constitutionnels vérifient le maintien du fragile équilibre

entre sécurité et liberté en contrôlant la constitutionnalité des législations

adoptées et la légalité des actions menées sur leurs fondements.

A) Les mesures coercitives : principalement attentatoires à la liberté

individuelle

_____________________________________________________________

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, magistrats et policiers

peuvent avoir recours à des mesures coercitives qui ont été adaptées à ce type

de criminalité. Ces mesures portent principalement atteinte à la liberté

individuelle. L’arrestation (1) et la garde à vue (2) sont les principales.

1. L’arrestation

a. L’arrestation en droit canadien

L’arrestation est une mesure privative de libertés qui existe depuis de

nombreuses années au Canada164. L’arrestation se définit comme le « fait

d’appréhender une personne (avec ou sans mandat) en recourant, si

nécessaire, à la force physique en vue de la mettre sous le contrôle des

autorités judiciaires »165 .

Au Canada, l’arrestation d’un individu peut être effectuée par un

citoyen166 ou par un agent de la paix167. La loi antiterroriste ne modifie pas le

régime de l’arrestation effectuée par un simple citoyen, seule l’arrestation par

164 Le droit d’effectuer une arrestation était traditionnellement prévu par la common law et a été inséré en 1892 dans le Code criminel à l’article 552. 165 Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, p. 40 166 Art 464 C.cr 167 Art 495 C. cr

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un agent de la paix sera donc abordée. L’appréhension de la personne par

l’agent de la paix peut se faire avec ou sans mandat168.

L’arrestation étant une entrave à la liberté individuelle, elle est soumise à

plusieurs conditions à défaut desquelles elle sera déclarée arbitraire en vertu de

l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. En matière de lutte

contre le terrorisme, le législateur a atténué les exigences traditionnelles.

a.1. L’arrestation de droit commun

Selon le droit commun, l’agent de la paix peut effectuer une arrestation

avec ou sans mandat, en fonction de la situation.

- Tout d’abord, l’arrestation d’une personne peut s’effectuer avec un

mandat. Dans ce cas, l’agent de la paix doit déposer une dénonciation auprès

d’un juge de paix et devra démontrer l’existence de motifs raisonnables de

croire que la personne à arrêter a perpétré une infraction169. Le juge de paix qui

reçoit dénonciation, effectuera une pré-enquête170 et décernera, le cas échéant,

un mandat d’arrestation.

- Ensuite, l’agent de la paix peut procéder à l’arrestation d’un individu,

sans mandat171, s’il possède des motifs raisonnable de croire que cette

personne a commis un acte criminel, qu’elle est en train de commettre un acte

ou une infraction criminelle, qu’il y a un mandat d’arrestation émis à son

encontre.

Ainsi, le législateur exige que l’agent de la paix procédant à l’arrestation se

fonde sur des « motifs raisonnables de croire ». Partant, il est nécessaire

d’établir d’une part, que l’agent de la paix avait subjectivement des motifs

raisonnables de procéder à l’arrestation et d’autre part, qu’une personne

raisonnable placée dans la même situation, aurait estimé également qu’il

existait des motifs raisonnables172. L’exigence de posséder des motifs

168 Le mandat est défini comme un « ordre donné par un juge ou un officier de justice dûment autorisé enjoignant à un agent de la paix d’arrêter une personne accusée d’une infraction et de l’amener devant le tribunal pour qu’elle répondre de l’accusation portée contre elle. » - Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, p.362 169 Arts 504 et 505 C. cr 170 Arts 507 et 508 C.cr 171 Art 495 C. cr 172 R. c. Storrey, [1990] 1 RCS 241 par. 15 et 16

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raisonnables pour arrêter une personne est une garantie qui vise à protéger la

liberté individuelle des citoyens contre les mesures arbitraires.

La personne arrêtée bénéficie, à ce titre, de plusieurs droits énoncés à

l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, elle a le droit :

d’être informée dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation (a) ;

d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce

droit173 (b) ; et de faire contrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention

et d’obtenir le cas échéant sa libération (c).

Au cours de l’arrestation, l’agent de la paix pourra procéder à la fouille de

l’individu, sous certaines conditions. En principe, une fouille doit être autorisée

judiciairement, préalablement à son exécution, pour être valide174. A défaut,

d’un mandat, la recherche policière sera considérée comme abusive au sens de

l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, la common

law permet à un policier de fouiller une personne en état d’arrestation, sans

mandat et sans motifs raisonnables indépendants. La fouille doit être

véritablement accessoire à l’arrestation en ce sens que son but doit être lié à

celui de cette dernière175. L’objectif de l’agent de la paix procédant à la fouille

accessoire doit être : d’assurer sa sécurité ou celle de public, de découvrir des

éléments de preuve ou d’en empêcher la destruction176. Cette fouille est, en

principe, une fouille sommaire177. Elle peut toutefois être plus étendue sous

certaines conditions. Ainsi, la fouille à nu au poste de police pourra être

admise178. De même, l’agent de la paix pourra perquisitionner le téléphone de

la personne arrêtée dans certains cas179.

173 En principe, la personne arrêtée a immédiatement droit à l’assistance d’un avocat. Cependant, l’exercice de ce droit peut être retardé dans le temps en cas de menace pour la sécurité. Voir en ce sens : R. c. Suberu [2009] 2 R.C.S. 460 par. 42 et R. c. Strachan [1988] 2. R.C.S. 980 par. 34 174 Hunter c. Southman Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 175 R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 17 176 Ibid. par. 19 177 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 22ème éd. par Martin Vauclair, Cowansville, Editions Yvon Blais, 2015, par. 946 178 R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679. Le fait que les policiers aient des motifs raisonnables de procéder à une arrestation ne leur confère pas automatiquement le pouvoir d’effectuer une fouille à nu. Il faut qu’il y ait des motifs supplémentaires permettant d’établir qu’elle est nécessaire dans les circonstances particulières de l’arrestation. 179 La common law permet de perquisitionner un téléphone lors d’une fouille incidente à une arrestation sous certaines conditions : l’arrestation doit être légale, la fouille doit être justifiée par un objectif valable, la nature et l’étendue de la fouille doivent être adaptés à son objectif, et

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a.2. L’arrestation en matière de terrorisme

En matière de terrorisme, le législateur canadien a souhaité faciliter les

investigations et a donc assoupli les exigences traditionnelles. Comme en droit

commun, l’agent de la paix peut effectuer une arrestation avec ou sans mandat,

en fonction de la situation. Toutefois, la différence repose sur les motifs sur

lesquels l’agent de la paix se fonde pour l’effectuer.

- Tout d’abord, l’arrestation d’une personne soupçonnée d’une infraction

terroriste peut s’effectuer avec un mandat180. Dans ce cas, l’agent de la paix

doit déposer une dénonciation auprès d’un juge d’une Cour provinciale et

obtenir son accord. Il doit avoir eu l’autorisation préalable du Procureur général

et doit posséder à la fois « des motifs raisonnables de croire à la possibilité

qu’une activité terroriste soit entreprise » et « des motifs raisonnables de

soupçonner que l’imposition, à une personne, d’un engagement assorti de

conditions ou son arrestation aura vraisemblablement pour effet181 d’empêcher

que l’activité terroriste ne soit entreprise »

- Ensuite, l’arrestation d’une personne soupçonnée d’une infraction

terroriste peut s’effectuer sans obtenir mandat182. Dans ce cas, l’agent de la

paix doit avoir des « des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous

garde de la personne aura vraisemblablement pour effet de183 l’empêcher de se

livrer à une activité terroriste ». Afin de concilier l’efficacité des investigations et

le respect des droits fondamentaux, cette mesure doit s’inscrire dans un cadre

bien précis :

soit l’urgence de la situation184 rend difficilement réalisable le dépôt d’une

dénonciation alors que les motifs pour l’effectuer sont réunis. A l’issue de

les policiers doivent prendre des notes de ce qu’ils ont fait et trouvé. Voir en ce sens : R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621 180 Arts 83.3 (1) (2) et (3) C. cr 181 Le projet de loi C-59 propose de modifier les termes « aura vraisemblablement pour effet » par une exigence plus contraignante « est nécessaire pour ». (Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.) 182 Art 83.3 (4) C. cr 183 Cf. note n°181 184 Le caractère urgent d’une situation n’a pas été défini en matière de terrorisme. Cependant, la jurisprudence a précisé la notion, notamment en matière de fouilles, perquisitions et saisies sans mandat. En effet dans le jugement R. c. Grant, la Cour suprême a affirmé « qu'il y a situation d'urgence s'il existe un risque imminent que les éléments de preuve soient perdus, enlevés, détruits ou qu'ils disparaissent si la fouille, la perquisition ou la saisie est retardée » (R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223 par 32). De même, la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Kelsy a relevé deux situations en général urgentes. La première vise à prévenir la perte ou la

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l’arrestation, l’agent de la paix aura toute de même l’obligation de déposer

une dénonciation à défaut de quoi l’individu arrêté sera relâchée185.

soit une dénonciation a été déposée et une sommation décernée186.

Ainsi, en matière de terrorisme, le législateur permet l’arrestation d’une

personne dès lors que l’agent de la paix a des motifs raisonnables de

soupçonner qu’elle a commis ou va commettre une infraction terroriste c’est-à-

dire pour des motifs moindres que ceux de droit commun187.

Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition.

Malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.

L’article 9 de la Charte canadienne protège les citoyens contre l’arrestation

arbitraire. Afin de respecter cette exigence, il faut prendre en compte deux

éléments : la légalité de la loi permettant l’arrestation et les motifs sur lesquels

se fonde la personne (agent de la paix ou citoyen) pour effectuer l’arrestation.

D’après la législation et la jurisprudence canadienne188, pour être valide,

l’arrestation doit être fondée sur des « motifs raisonnables » de croire qu’un

individu a commis ou va commettre une infraction. Cependant, en matière de

terrorisme, l’arrestation (avec ou sans mandat) se fonde seulement sur des

« soupçons raisonnables » c’est-à-dire sur un standard probatoire beaucoup

destruction d’une preuve. La deuxième situation vise les cas où la sécurité du public ou des forces policières est en jeu (R. c. Kelsy, [2011] O.J. No. 4159 par.24) Ainsi, transposé au terrorisme, il est possible de considérer qu’il y a urgence en cas de risque de commission d’une infraction terroriste et en cas de risque que la personne soupçonnée ou des éléments de preuve disparaissent. 185 Art 83.3 (5) C. cr 186 Il s’agit du cas où une dénonciation a déjà été déposée auprès d’un juge d’une Cour provinciale aux fins d’obtenir un mandat d’arrestation mais celui-ci a décerné une sommation à comparaitre. Dans cette situation, l’agent de la paix peut passer outre la décision du juge et arrêter l’individu sans mandat dès lors qu’il possède des soupçons suffisants. 187 Il convient de distinguer les ‘’motifs raisonnables de soupçonner’’ également appelés ‘’soupçons raisonnables’’ des ‘’motifs raisonnables de croire’’. La jurisprudence s’attarde à délimiter les contours de ces notions quelques peu floues. Voir en ce sens : R. c. MacKenzie, [2013] 3 R.C.S. 250, – R. c. Chehil, [2013] 2 R.C.S. 220, – R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456. Les deux notions doivent d’abord se distinguer des simples soupçons puisqu’une « croyance subjective sincère ne suffit pas » à les justifier (R. c. Kang-Brown par. 75 et R. c. MacKenzie par. 41). Ils doivent reposer sur des « faits objectivement discernables, qui peuvent ensuite être soumis à l’examen judiciaire » (R. c. Chehil par. 26 et R. c. MacKenzie par. 41). Cependant, la norme des motifs raisonnables et probables est plus exigeante que celle des soupçons raisonnables. En effet, les soupçons raisonnables « constituent une norme moins rigoureuse, puisqu’ils évoquent la possibilité – plutôt que la probabilité – raisonnable d’un crime » (R. c. Chehil par. 27 – R. c. Mackenzie par. 38 et R. c. Kang-Brown, par. 164) Ainsi par soupçons raisonnables, il faut entendre les motifs raisonnables « de croire qu’une personne pourrait être impliquée dans une infraction donnée, et non qu’elle l’est » (R. c. Mackenzie par. 74). 188 Pour la législation : art 495 C. cr – et pour la jurisprudence : R. c. Duguay [1989] 1 RCS 93.

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moins élevé189. Or, la Cour suprême semble considérer qu’utiliser le standard

moindre du soupçon raisonnable pour fonder une arrestation est contraire à une

société démocratique190. Ainsi, l’arrestation en matière de terrorisme semble

par nature arbitraire et donc, la disposition parait contraire à l’article 9 de la

Charte canadienne191

L’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit certains droits

à la personne arrêtée. Les lois antiterroristes n’ont prévu aucune limitation de

ces droits192 et semblent donc parfaitement constitutionnelles de ce point de

vue-là.

b. L’arrestation en droit français

La mesure d’arrestation existe également en droit français. Elle peut être

effectuée par un simple citoyen, dans certains cas193, ou par un officier de

police judiciaire, avec ou sans mandat.

b.1. L’arrestation dans le cadre d’une enquête.

Dans le cadre d’une enquête, un officier de police judiciaire, sous le

contrôle du procureur de la République, peut, dans certaines circonstances,

procéder à une arrestation. En matière de terrorisme, aucun aménagement n’a

été prévu par le législateur. Mais il semble intéressant de préciser certains

points à des fins de comparaison avec la législation canadienne.

- Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire,

comme tout citoyen, peut appréhender l’auteur présumé d’une infraction194. Il

peut également faire comparaitre devant lui toute personne susceptible de

189 Cf. note n°187 190 R. c. Storrey, [1990] 1 RCS 241 où la Cour suprême affirme qu’ « en l’absence de cette importante mesure protectrice, même la société la plus démocratique ne pourrait que trop facilement devenir la proie des abus et des excès d’un Etat policier » (par. 14) Cette exigence constitue en effet « l’un des fondements de la protection des personnes arrêtées » (François Crépeau et Estibalitz Jimenez « L’impact de la lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada » in Emmanuelle Bribosia et Anne Weyembergh (dir.) Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, coll. Droit et Justice, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.276) 191 Cependant, bien que la disposition semble contraire à l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés, elle n’est pas inconstitutionnelle pour autant. En effet, l’atteinte à l’article 9 de la Charte peut être justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique en vertu de l’article 1er. Ceci sera laissé à l’appréciation souveraine des juges 192 Sous réserve des limitations de droit commun énoncées. Cf. note n° 175 193 Art 73 C proc pén, en cas d’infraction flagrante au sens de l’article 53 du même Code 194 loc. cit. et Arts 61 et 62 C proc pén.

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fournir des renseignements, y compris par l’usage de la force avec l’autorisation

du procureur de la République. S’il n’existe aucune raison plausible de

soupçonner que la personne arrêtée a commis ou tenté de commettre une

infraction alors elle n’est qu’un simple témoin et ne peut être retenue que le

temps nécessaire à son audition. Au contraire, s’il existe des raisons plausibles

de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction alors elle

est mise en garde à vue.

- Dans le cadre d’une enquête préliminaire195, l’officier de police judiciaire

peut garder à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou

plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de

commettre une infraction.

Ainsi, l’arrestation dans le cadre d’une enquête se fonde sur des « raisons

plausibles de soupçonner », standard équivalent aux motifs prévus, non pas par

le droit commun canadien, mais par la loi antiterroriste. La mise en œuvre de la

procédure d’arrestation semble donc plus simple en droit français.

b.2. L’arrestation dans le cadre d’un contrôle d’identité

Les officiers de police judiciaire peuvent, dans certaines circonstances,

contrôler l’identité d’une personne. S’il est impossible de la déterminer, ils

peuvent alors réaliser une vérification d’identité, mesure plus coercitive.

Le contrôle d’identité est une mesure par laquelle les officiers de police

judiciaire ou, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, demandent à

des personnes se trouvant sur le territoire national la preuve documentaire de

leur identité196. La personne ainsi contrôlée doit se soumettre à ce contrôle et

pourra prouver son identité par tout moyen.

Les contrôles exercés peuvent être de deux ordres :

- Le contrôle judiciaire est effectué en cas d’infraction197. Dans ce cas,

l’officier de police judiciaire peut demander la justification d’identité de toute

personne à l’égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de

soupçonner : soit qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; soit

195 Art77 C proc pén 196 Art 78-1 C proc pén 197 Art 78-2 C proc pén

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qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; soit qu’elle est susceptible

de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;

soit qu’elle a violé son contrôle judiciaire ou son assignation à résidence ; ou

soit qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Le contrôle peut également être autorisé sur réquisitions du procureur de la

République. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire peut contrôler l’identité de

toute personne, quel que soit son comportement, dans un lieu et une période

de temps déterminés, par les réquisitions écrites du procureur de la

République, aux fins de recherche et de poursuite d’infractions précises. Ce

contrôle est soumis à plusieurs exigences : seul le procureur de la République

peut en décider, par des réquisitions écrites, où il précise les modalités

d’exécution (lieux et périodes de temps) ainsi que les infractions recherchées.

Pour certaines infractions graves, dont le terrorisme, un contrôle similaire peut

être effectué à des conditions plus souples198. En effet, dans ce cas,

contrairement au droit commun, le procureur de la République n’a pas besoin

de démontrer, pour prendre ses réquisitions, l’existence d’indices de

commission d’infraction, de risque de commission, ou d’un risque d’atteinte à

l’ordre public199. A titre de garantie, il est prévu que seul un officier de police

judiciaire peut procéder à un contrôle d’identité en application de cette

disposition200. Le Conseil Constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes

aux exigences constitutionnelles201.

Dans le cadre de l’état d’urgence actuellement en vigueur en France, les

préfets ont également le pouvoir de délivrer des ‘’réquisitions’’ de contrôles

d’identité’’202. La décision du préfet doit être motivée et désigner avec précision

les lieux concernés ainsi que la durée de l’autorisation qui ne peut excéder

vingt-quatre heures. Cette décision est transmise sans délai au procureur de la

République.

- Le contrôle administratif ne fait pas suite à la commission d’une

infraction, il a une visée préventive et est donc potentiellement plus attentatoire

à la liberté individuelle. Ce contrôle peut s’adresser à toute personne, y compris

198 Art 78-2-2 C proc pén 199 Civ. 2ème, 19 février 2004, n° 03-50025, Bull. crim. 2004 II N° 70 p. 58 200 Civ. 1ère, 16 mars 2016 n°14-25.068 201 Décision n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017 - M. Ahmed M. et autre (consid. 15 à 31) 202 Art 8-1 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa version issue de la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016.

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celle à l’encontre de laquelle il n’existe aucun soupçon quant à la commission

d’une infraction. Mais ces contrôles semblent nécessaires203 et peuvent être

mis en œuvre afin de prévenir un acte de terrorisme. Il existe plusieurs types de

contrôles administratifs. Le contrôle peut être effectué au nom de l’ordre

public204, et dans le cadre de Schengen205.

Si l’individu refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son

identité, une procédure plus contraignante peut être mise en œuvre : la

vérification d’identité206. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire peut retenir

l’intéressé sur place ou le conduire dans un local de police afin de vérifier son

identité, et ce pendant le temps strictement nécessaire à l’établissement de son

identité (au maximum quatre heures). L’intéressé peut prouver son identité par

tout moyen. Cependant, s’il continue de refuser à établir son identité, l’officier

pourra procéder à une véritable enquête pouvant aller jusqu’à la prise

d’empreintes et de photographies, avec autorisation du procureur de la

République.

Jusqu’à récemment, un contrôle d’identité ne permettait pas de fouiller

une personne (sauf palpation de sécurité), son sac ou son véhicule. Désormais,

depuis la loi du 3 juin 2016207, dans le cadre d’un contrôle d’identité, les officiers

de police judiciaire peuvent procéder à la fouille des bagages d’une personne

ou de son véhicule, sur autorisation du procureur de la République.

203 Lors des débats parlementaires relatifs à la loi du 24 aout 1993 n°93-1013 autorisant les contrôles administratifs, il a été rappelé l’importance pour les autorités de pouvoir procéder à de tels contrôles. Le rapporteur du projet de loi au Sénat rappelle que c’est « à la suite d'un banal contrôle de routine [que] de dangereux individus comme Maxime Frérot, l'artificier du groupe terroriste Action Directe » ont été arrêtés. Rapport Bonnet, Sénat, n°381 annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1993, p. 3 204 Art 78-2 al 3 C proc pén. Dans ce cas, l’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Ceci est très attentatoire à la liberté individuelle en ce sens que la loi n’exige pas de réquisitions du procureur de la République et s’adresse à toute personne au nom de l’ordre public 205 Art 78-2 al 4 C proc pén. La convention de Schengen du 19 juin 1990 a instauré une liberté de circulation des personnes dans plusieurs pays en Europe. Cependant, cette liberté présente le risque de faciliter, également, la circulation de criminels. Pour éviter cela, le législateur français a prévu un contrôle d’identité dans certaines zones délimitées telles que les frontières terrestres, les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares… 206 Art 78-3 C proc pén 207 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Art 78-2-2 C proc pén. Jusqu’à cette loi, ces fouilles dépendaient du régime des perquisitions qui est beaucoup plus restrictif.

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***

En matière de terrorisme, le législateur français a introduit une nouvelle

mesure afin de renforcer les pouvoirs des policiers lors des contrôles d’identité :

la retenue pour examen de la situation administrative208. Lorsqu’un contrôle ou

une vérification d’identité révèle qu’il existe des « raisons sérieuses de penser

que le comportement de l’individu peut être lié des activités à caractère

terroriste », il peut être retenu pendant le temps exigé par l’établissement de

son identité (maximum quatre heures). Le Procureur est informé dès le début

de la mesure et peut y mettre fin à tout moment. Au cours de cette période de

temps, l’officier de police judiciaire pourra consulter certains fichiers et

interroger les services à l’origine du signalement, ainsi que des organismes de

coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de

police étrangers. Il s’agit là de vérifier la situation d’une personne, et non plus

seulement son identité.

Cette mesure attentatoire à la liberté individuelle est cependant, entourée

d’un certain nombre de garanties et de droits pour la personne retenue. Tout

d’abord, le procureur de la République compétent est informé de cette retenue

dès son début. Il contrôlera cette rétention en ce sens qu’il peut y mettre fin à

tout moment. Ensuite, la personne retenue est informée de plusieurs éléments

notamment de ses droits dans une langue qu’elle comprend (le fondement légal

de son placement en retenue, la durée maximale de la mesure, le fait que la

retenue dont elle fait l’objet ne peut donner lieu à audition et qu’elle a le droit de

garder le silence, et le fait qu’elle bénéficie du droit de faire prévenir toute

personne de son choix ainsi que son employeur). Egalement, l’officier de police

judiciaire mentionne dans un procès-verbal un certains nombres d’informations

(les motifs qui justifient la vérification de la situation administrative, les

conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de

ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise également les éléments

horaires de la procédure : jour et heure du début et de la fin de la vérification et

sa durée) qui est ensuite transmis au procureur de la République. Enfin et

surtout, la personne concernée ne pourra faire l’objet d’aucune audition.

208 Art 78-3-1 C proc pén. issu de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016. Voir en ce sens le Rapport Mercier, Lutte contre le crime organisé et le terrorisme, Sénat, n°491, 23 mars 2016, p.169

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Lors de son adoption, cette disposition a fait l’objet de vives critiques. En

effet, certains considèrent que cette mesure est une garde à vue déguisée,

privant la personne concernée de sa liberté individuelle sans les garanties

nécessaires209. A l’heure actuelle, la rétention pour examen de la situation

administrative n’a pas été soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel.

Cependant, malgré les critiques, il est possible de penser que le juge

constitutionnel considérera que cette mesure ne porte pas une atteinte

excessive à la liberté individuelle compte tenu de sa durée et des garanties

minimales qui y sont attachées.

2. La garde à vue

a. La garde à vue en droit français

La garde à vue se définit comme une mesure de contrainte décidée par

un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, qui

impose à une personne de demeurer dans les locaux de police pour les

nécessités de l’enquête ou de l’instruction, durant les délais fixés par la loi, afin

de l’interroger sur les faits ou de réaliser des actes d’investigations nécessitant

sa présence.

Cette mesure privative de liberté peut être imposée à toute personne en

l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de

soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni

d'emprisonnement. Elle doit être l’unique moyen de parvenir à l’un des six

objectifs fixés par la loi210

La garde à vue étant une mesure particulièrement attentatoire à la liberté

individuelle, elle est très encadrée juridiquement. Cependant en matière de

terrorisme, le régime de la garde à vue diffère du droit commun, tant par sa

209 L’avocat et député, Patrick Devedjian a ainsi affirmé « Vous inventez la rétention sans garantie pour ne pas avoir les contraintes de la garde à vue ». De même, Jean-Yves Le Bouillonnec a souligné « On ne peut pas priver de liberté sans des règles extrêmement strictes, ça s'appelle la garde à vue » Voir également : Avis du Défenseur des droits n°16-08 du 16 mars 2016 pp. 8-11 et Avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale du 17 mars 2016 pp. 7 à 10 210 Art 62-2 C proc pén.

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durée (a.1) que par les droits qui sont reconnus à la personne concernée

(a.2)211

a.1. Les modalités d’exécution de la garde à vue : la durée de la

mesure

En matière de terrorisme, la principale dérogation du régime de la garde

à vue concerne sa durée. Fixée à 48 heures avec prolongation en droit

commun et à 96 heures avec prolongation en matière de criminalité organisée,

la garde à vue peut aller jusqu’à 144 heures, soit six jours, en matière de

terrorisme.

- En droit commun212, la mesure de garde à vue est décidée par l’officier

de police judiciaire, d’office ou sur instruction du procureur de la République. Sa

durée ne peut excéder vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être

prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures maximum, sur

autorisation écrite et motivée, du procureur de la République ou du juge

d’instruction en cas d’enquête sur commission rogatoire. Cette prolongation

n’est possible que si trois conditions sont cumulativement réunies. D’abord, la

personne gardée à vue doit être soupçonnée d’avoir commis ou tenté de

commettre un crime ou un délit d’une peine supérieure ou égale à un an

d’emprisonnement. Ensuite, la prolongation doit être l’unique moyen de parvenir

à l’un des objectifs de la garde à vue énumérés par la loi213. Enfin, la personne

gardée à vue doit être présentée au magistrat en charge du contrôle (si besoin

au moyen de la télécommunication audiovisuelle)

- En matière de criminalité organisée, la loi du 9 mars 2004214 a instauré

une garde à vue dérogatoire au droit commun215. Ainsi si les nécessités de

211 Ces dispositions dérogatoires ne s’appliquent pas à certaines infractions pourtant qualifiées de terrorisme. En effet, l’article 706-24-1 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le régime spécifique de garde à vue ne s’applique pas pour les infractions de provocation et apologie du terrorisme (art 421-2-5 C pén.), pour le fait d’extraire, reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-1 C pén.) et pour le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-2 C pén.). Le législateur a soumis ces infractions au droit commun, sans doute en application des principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité 212 Art 63 C proc pén. 213 Art 62-2 C proc pén. 214 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

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l’enquête ou de l’instruction l’exigent, la garde à vue peut faire l’objet soit de

deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune, soit d’une

prolongation supplémentaire de quarante-huit heures. La durée de la garde à

vue peut donc aller jusqu’à quatre-vingt-seize heures, soit quatre jours. Ces

prolongations sont accordées, par décision écrite et motivée, par le juge des

libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le

juge d’instruction en cas d’information. Le Conseil Constitutionnel216 a admis la

validité constitutionnelle d’un tel régime et a jugé que ces dispositions ne

portaient pas une atteinte excessive à la liberté individuelle.

- En matière de terrorisme217, s’il ressort des premiers éléments de

l’enquête218 qu’il existe un « risque sérieux de l’imminence d’une action

terroriste en France ou à l’étranger » ou que les « nécessités de la coopération

internationale le requièrent impérativement », la garde à vue peut aller jusqu’à

cent quarante-quatre heures, soit six jours au total. En effet, le juge des libertés

et de la détention ou le juge d’instruction, peut dans ces cas, ajouter aux

prolongations spécifiques à la criminalité organisée, deux prolongations

supplémentaires, d’une durée de vingt-quatre heures chacune.

Bien que pour une partie de la doctrine elle soit « indigne d’une

démocratie »219, la garde à vue d’une durée de six jours en matière de

terrorisme trouve une justification. Le terrorisme est une criminalité clandestine,

organisée et désormais internationale, de sorte que les enquêteurs doivent

disposer de moyens plus coercitifs à l’encontre des personnes soupçonnées

d’avoir commis ou de vouloir commettre un acte terroriste.

Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et la liberté

individuelle des citoyens, le législateur français conditionne et encadre la mise

en œuvre de la prolongation de la durée de garde à vue. Tout d’abord, la

prolongation de la garde vue doit être nécessaire c’est-à-dire qu’il doit exister

215 Art 706-88 C proc pén. Cependant, cette loi ne crée aucune nouveauté en ce sens qu’une telle garde à vue dérogatoire existait déjà en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. En ce sens : Décision n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 17) 216 Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 23 à 27) 217 Art 706-88-1 C proc pén. 218 La notion d’enquête doit être prise au sens large puisque cette prolongation peut être mise en œuvre au cours de tous les types d’enquêtes c’est-à-dire lors de l’enquête de flagrance, préliminaire ou sur commission rogatoire. 219 Gildas Roussel, Procédure pénale, Vuibert Droit, 7ème ed., 2017, p. 698

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un « risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à

l’étranger » ou que les « nécessités de la coopération internationale le

requièrent impérativement ». Ensuite et surtout, la prolongation est soumise à

autorisation. En effet, la prolongation ne peut être accordée que par le juge des

libertés et de la détention, sur demande du procureur de la République, ou par

le juge d’instruction. Ainsi la décision ne peut être prise que par un magistrat du

siège en raison du degré d’atteinte à la liberté individuelle de la personne

gardée à vue220

La légitimité de la prolongation de la garde à vue en matière terroriste a

très tôt été reconnue par le Conseil Constitutionnel221. Le régime de la

prolongation exceptionnelle de la garde à vue, en matière de terrorisme, a

également été validé par le Conseil Constitutionnel. Après avoir rappelé qu’il

avait déjà déclaré les six premiers alinéas de l’article 706-88 conformes à la

Constitution222, le Conseil Constitutionnel considère que les alinéas 7 à 10 de

l’article « ne portent atteinte à aucun droit ou liberté que la Constitution

garantit » dès lors que la prolongation exceptionnelle de la garde à vue « ne

peut être autorisée que pour permettre d’empêcher la réalisation d’un action

220 Le Conseil Constitutionnel considère qu’au-delà de la quarante huitième heure de garde à vue, « l’intervention d’un magistrat du siège » est « nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution » Voir en ce sens : Décision n°80-127 DC du 20 janvier 1981 (consid. 25). En vertu de sa jurisprudence traditionnelle, la Cour européenne des droits de l’Homme considère que seuls les magistrats du siège sont membres de l’autorité judiciaire (gardienne de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution française). Voir en ce sens : CEDH, Gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03 (par.124) et CEDH, 5e Sect., 23 novembre 2010, Moulin c. France, Req. n° 37104/06 (par. 56 à 59) 221 Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 15 à 17). Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par soixante sénateurs qui considéraient que la disposition, permettant la prolongation de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures à l’époque, violait la liberté individuelle. Ils ne contestaient pas le principe même de la prolongation de la garde à vue mais seulement les garanties qui y étaient attachées (l’absence d’examen médical et l’absence de présentation physique du gardé à vue à un magistrat du siège). Le Conseil Constitutionnel va d’une part, considérer que les garanties prévues par le législateur sont suffisantes et va d’autre part, plus loin, en affirmant la nécessité d’une telle prolongation en la matière. Pour plus de précisions : François Loloum et Patrick Nguyen Huu. Le Conseil Constitutionnel et les réformes du droit pénal en 1986. RSC. 1987, p.567 222 En effet, le Conseil Constitutionnel avait jugé dans la Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 que les dispositions permettant la prolongation de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures, à l’époque, pour plusieurs infractions de criminalité organisée, dont le terrorisme (qui était déjà soumis à cette dérogation), ne portaient pas une atteinte excessive à la liberté individuelle. Il a considéré ces dispositions conformes à la Constitution car elles « concerne[nt] des enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières » (consid. 25) et qu’elles sont entourées par des garanties suffisantes. Ici, il rappelle qu’en l’absence de changement des circonstances depuis cette décision, il n’y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ces dispositions

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terroriste en France ou à l’étranger dont l’imminence a été établie (…) [et ainsi]

(…) être mise en œuvre qu’à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des

personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément

identifiée ». Il précise également qu’elle est « décidée par le juge des libertés à

qui il appartient de vérifier que les circonstances précises fixées par ces

dispositions sont réunies [et] que, dans ces conditions et compte tenu des

garanties fixées par le législateur, ces dispositions respectent le principe,

découlant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de

1789, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur

qui ne soit nécessaire, et de l’article 66 de la Constitution qui confie à l’autorité

judiciaire la protection de la liberté individuelle »223. Ainsi le Conseil

Constitutionnel considère que l’équilibre entre les impératifs de lutte contre le

terrorisme et les droits fondamentaux (ici la liberté individuelle) est maintenu par

le législateur qui encadre suffisamment la mise en œuvre de cette prolongation

(d’une part, par son caractère exceptionnel et d’autre part, par le contrôle

effectué par un juge du siège).

La prolongation exceptionnelle de la garde à vue en matière terrorisme

semble également conforme aux exigences conventionnelles. Tout d’abord,

l’article 5 paragraphe 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme

énonce que « toute personne arrêtée ou détenue (…) doit être aussitôt traduite

devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions

judiciaires ». Conformément à cette exigence de délai raisonnable, l’individu

placé en garde à vue est présenté à un magistrat à l’issue de vingt-quatre

heures. Ensuite, dans l’arrêt Schiesser224, la Cour a précisé que pour être

compétent, le magistrat doit offrir des « garanties appropriées aux fonctions

‘’judiciaires’’ que la loi lui attribue (…) la première d’entre elles résidant dans

l’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties ». Conformément à cette

exigence, la prolongation de la garde à vue en matière de terrorisme est

décidée par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, tous

deux magistrats du siège.

223 Décision n°2010-31 QPC du 22 septembre 2010 M. Brulent A. et autres (consid 5) 224 CEDH, Ch. 4 décembre 1979,Schiesser c. Suisse, Req. n° 7710/76 (par. 30 et 31)

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Mais comme Pierre Mazeaud225, il est possible de s’interroger sur la

« question des limites au-delà desquelles la durée de la garde à vue ne pourrait

plus être constitutionnelle admise ». Selon lui « on approche désormais des

limites ultimes ».

a.2. Les droits de la personne placée en garde à vue

En droit commun, l’individu placé en garde à vue bénéficie de plusieurs

droits: il a le droit à une information immédiate (notamment sur le placement en

garde à vue, sa durée et la possibilité de prolongation ; les motifs justifiant son

placement ainsi que la qualification – date et lieu présumé de l’infraction) dans

une langue comprise par lui ; le droit au silence (droit de faire des

déclarations ; de répondre aux questions ou de se taire) ; des garanties

sanitaires (droit d’être examiné par un médecin) ; le droit à l’information des

proches (droit de faire prévenir un proche désigné ou son employeur) ; le droit

d’être assisté par un avocat ou un interprète ; le droit de consulter certains

documents et le droit de présenter des observations pour qu’il soit mis fin à la

garde à vue226.

Toutefois, en raison de la gravité et du caractère exceptionnel des infractions

de terrorisme, ces droits ont fait l’objet d’aménagements.

D’une part, des garanties supplémentaires ont été accordées à l’individu

placé en garde à vue. Ainsi, la personne gardée à vue doit obligatoirement être

présentée au magistrat compétent qui statue sur la prolongation, préalablement

à cette décision227. Une fois la prolongation autorisée, l’individu doit être

examiné par un médecin qui devra se prononcer sur la compatibilité de la

prolongation de la mesure avec l’état de santé de l’intéressé228. Enfin, s’il n’a

pas été fait droit à sa demande de faire prévenir un proche, la personne gardée

225 Pierre Mazeaud. La lutte contre le terrorisme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Intervention lors de sa visite à la Cour suprême du Canada du 24 au 26 avril 2006, Document du Conseil Constitutionnel, [en ligne], p. 10 226 Art 63-1 C proc pén. 227 Art 706-88 al 3 C proc pén. 228 Art 706-88-1 al 3 C proc pén.

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à vue peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième

heure229.

D’autre part, certains des droits accordés à l’individu placé en garde à

vue se sont vu limiter dans le cadre du terrorisme.

La loi du 5 mars 2007230 avait instauré une garantie supplémentaire pour la

personne gardée à vue en prévoyant l’enregistrement audiovisuel obligatoire

des auditions, effectuées dans un local de police ou de gendarmerie, des

individus mis en cause pour crime. Cependant, le législateur avait exclu

expressément de cette obligation d’enregistrement, les auditions d’une

personne mise en cause pour un crime terroriste, sauf décision contraire du

procureur de la République ou du juge d’instruction. Le Conseil Constitutionnel

a déclaré cette disposition inconstitutionnelle car méconnaissant le principe

d’égalité231 .

Le droit accordé au gardé à vue le plus limité en matière de terrorisme est sans

aucun doute, le droit à l’assistance d’un avocat. Le droit à l’assistance de

l’avocat est certainement le droit le plus important reconnu au gardé à vue232.

Droit essentiel de l’individu placé en garde à vue, il a cependant été très limité

en matière de terrorisme.

- La présence de l’avocat en garde à vue. Traditionnellement, la loi du 24

aout 1993233 privait les individus suspectés d’acte de terrorisme de l’assistance

d’un avocat pendant la garde à vue. Cependant, le Conseil Constitutionnel a,

heureusement, censuré cette disposition, la jugeant, contraire au principe

d’égalité : « Considérant en revanche que dénier à une personne tout droit à

s’entretenir avec un avocat pendant une garde à vue à raison de certaines

infractions, alors que ce droit est reconnu à d’autres personnes dans le cadre

229 Art 706-88-1 al 4 C proc pén. En droit commun, la personne a le droit de faire prévenir de son placement en garde à vue, par téléphone l’une des personnes énumérées par la loi (art 63-2 C proc pén.) Cependant, l’officier de police judiciaire, peut, en raison des nécessités de l’enquête, solliciter l’autorisation de différer un tel avis (article 63-2 al 2 C proc pén.). En matière de lutte contre le terrorisme, cet avis peut être différé jusqu’à la quatre-vingt-seizième heure. 230 Loi n°2007-291 du 5 mars 2007 – anciennement art 64-1 al 7 C proc pén. 231 Décision n°2012-228/229 QPC du 6 avril 2012 M. Kiril Z (consid. 9) 232 En droit commun, le droit à la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue a été reconnu par la loi n°93-2 du 4 janvier 1993. Cependant, quelques mois plus tard, la loi n°93-1013 du 24 aout 1993, a modifié ce droit en n’autorisant l’entretien qu’après 20 heures de garde à vue. Il faudra attendre la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 pour permettre à l’individu placé en garde à vue de bénéficier de l’assistance de l’avocat dès le début de la mesure. 233 Loi n°93-1013 du 24 aout 1993 modifiant la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale

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d’enquêtes sur des infractions différentes punies de peines aussi graves et dont

les éléments de fait peuvent se révéler aussi complexes, méconnait, s’agissant

d’un droit de la défense, l’égalité des justiciables ; que dès lors (…) [la

disposition] est contraire à la Constitution »234 . Si le législateur ne peut

supprimer le droit à l’avocat au nom du principe d’égalité, il peut néanmoins

organiser son assistance.

- Le choix de l’avocat. Dans une volonté de limiter toujours plus les droits

de la défense du gardé à vue en matière de terrorisme, la loi du 14 avril 2001235

avait altéré la liberté de choix de l’avocat. Inspiré de la législation espagnole236,

l’article 706-88-2 du Code de procédure pénale prévoyait que le juge des

libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge

d’instruction, pouvait décider que l’avocat assistant le suspect serait désigné

par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités, établie par le bureau du

Conseil national des barreaux sur proposition des conseils de l’ordre de chaque

barreau. Un décret avait déterminé les modalités d’application de ces

dispositions237. Ces dispositions altéraient donc particulièrement le principe de

libre choix de l’avocat, compris dans les droits de la défense. Le Conseil

Constitutionnel a considéré que cette disposition était contraire à la

Constitution. Il rappelle dans un premier temps que : « Si la liberté, pour la

personne soupçonnée, de choisir son avocat peut, à titre exceptionnel, être

différée pendant la durée de sa garde à vue afin de ne pas compromettre la

recherche des auteurs de crimes et délits en matière de terrorisme ou de

garantir la sécurité des personnes, il incombe au législateur de définir les

conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions

d’exercice des droits de la défense peut être mise en œuvre ». Néanmoins,

234 Décision n°93-326 DC du 11 aout 1993 (consid. 15) 235 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue 236 Voir en ce sens : Sénat, Document de travail, Série Législation comparée, LC n°204, décembre 2009, p.33. En matière de terrorisme le juge espagnol peut décider de la mise au secret. Sous ce régime, les personnes effectuant la garde à vue ne bénéficient pas de tous les droits fondamentaux prévus par le Code de procédure pénale espagnole notamment le libre choix de l’avocat 237 Décret n° 2011-1520 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Afin d’établir cette liste, ce décret prévoyait que le Conseil de l’ordre de chaque barreau devait proposer au bureau du Conseil national des barreaux, des avocats, titulaires et suppléants, selon un nombre déterminé et inscrits au tableau depuis plus de cinq ans. Le Conseil national des barreaux arrêtait alors la liste des avocats habilités à intervenir pour une durée de trois ans. Le bâtonnier du ressort où se déroulait la garde à vue désignait l’avocat sur la liste établie.

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« les dispositions contestées (…) n’obligent pas à motiver la décision ni ne

définissent les circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction et les

raisons permettant d’imposer une telle restriction aux droits de la défense ».

Ainsi, « en adoptant les dispositions contestées sans encadrer le pouvoir donné

au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat, le

législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions qui

portent atteinte aux droits de la défense ; que par suite, l’article 706-88-2 du

Code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution »238.

Toutefois, le juge constitutionnel ne semble pas censurer le principe même de

la liste d’avocats habilités à intervenir en garde à vue. Il considère que le

législateur doit suffisamment encadrer la mise en œuvre de cette liste239. Le

Conseil Constitutionnel met ici en avant l’importance de prévoir des garanties

minimales dans toute mesure restrictive de droits, afin de concilier les différents

impératifs en présence.

- Le report de l’assistance de l’avocat. Prenant acte de l’impossibilité de

supprimer l’intervention de l’avocat, le législateur a choisi de reporter

l’assistance de l’avocat dans le temps.

Depuis une loi du 1er février 1994240, l’intervention de l’avocat peut être retardée

à la soixante-douzième heure de garde à vue en matière de terrorisme241. En

effet lorsqu’un individu est gardé à vue pour une infraction de terrorisme,

l’intervention de l’avocat peut être différée « en considération des raisons

impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de

l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit

pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique

d’une personne » jusqu’à une durée maximale de soixante-douze heures. Le

report de l’intervention de l’avocat jusqu’à la vingt-quatrième heure est décidé

par le procureur de la République, d’office ou à la demande de l’officier de

238 Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012 Ordre des avocats du barreau de Bastia (consid. 7). Par conséquent, le décret du 14 novembre 2011 a été abrogé par le décret n°2012-476 du 13 avril 2012 239 Voir en ce sens : Jean-Baptiste Perrier, « Restriction au libre choix de l’avocat lors de la garde à vue en matière de terrorisme : une inconstitutionnalité et une possibilité – Conseil Constitutionnel 17 février 2012 » AJ pénal 2012.342 240 Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédures pénales 241 Art 706-88 al 6 C proc pén.

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police judiciaire. Au-delà, le report est décidé par le juge des libertés et de la

détention, sur requête du procureur de la République ou par le juge d’instruction

en cas d’information. Dans tous les cas, la décision du magistrat doit être écrite,

motivée242 et préciser la durée pour laquelle l’intervention de l’avocat est

différée.

L’individu soupçonné d’une infraction terroriste, pourtant présumé

innocent, bénéficie-t-il d’une défense effective alors même qu’il n’a pas la

possibilité d’être assisté par un avocat ? Il est possible d’en douter. Néanmoins,

le Conseil Constitutionnel a considéré, dans une jurisprudence constante, que

cette disposition était conforme aux exigences constitutionnelles243. Après avoir

affirmé que « constitue un droit de la défense le droit de la personne gardée à

vue à s’entretenir avec un avocat », le Conseil Constitutionnel a, cependant,

émis des réserves : « le nouveau délai, justifié par la gravité et la complexité

des infractions concernées, s’il modifie les modalités d’exercice des droits de la

défense, n’en met pas en cause le principe ». Il énonce que « le législateur

avait nécessairement entendu que [Le procureur de la République avisé de la

qualification des faits justifiant le report de la première intervention de l’avocat]

(…) contrôle aussitôt cette qualification ; que l’appréciation initialement portée

par l’officier de police judiciaire (…) est ainsi soumise au contrôle de l’autorité

judiciaire et ne saurait déterminer le déroulement ultérieur de la procédure ».

Pour cette raison, le Conseil Constitutionnel considère que la disposition

prévoyant le report de l’intervention de l’avocat ne porte pas une atteinte

injustifiée aux droits de la défense244. Le Conseil Constitutionnel a confirmé

cette position plus récemment « Le respect des droits de la défense (…)

n’interdit pas qu’en raison de la particulière gravité ou de la complexité de

certains infractions commises par des personnes agissant en groupe ou en

réseau, l’assistance de l’avocat à la personne gardée à vue puisse être

reportée par une décision du procureur de la République, du juge d’instruction

ou du juge des libertés et de la détention, lorsqu’un tel report apparait

242 Le Conseil Constitutionnel a considéré qu’un report automatique de l’intervention de l’avocat, sans justification, méconnaissait les exigences constitutionnelles : Décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 M. Daniel W. et autres (consid. 28). 243 Décision n°93-334 DC 20 janvier 1994 (consid.19) pour la première décision en la matière sur le fondement du principe d’égalité. 244 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 28 à 34)

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nécessaire pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou prévenir

une atteinte aux personnes»245.

La possibilité de reporter l’assistance de l’avocat dans le temps ne

semble pas non plus contraire aux exigences conventionnelles (article 6§3 c)

de la Convention européenne des droits de l’Homme). Dans l’arrêt Salduz c.

Turquie246, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’ « une

législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la phase initiale

des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les

perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil

cas, l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de

l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police.

Ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être

soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s’agit donc, dans chaque

cas, de savoir si la restriction litigieuse est justifiée et, dans l’affirmative, si,

considérée à la lumière de la procédure dans son ensemble, elle a ou non privé

l’accusé d’un procès équitable » La Cour européenne des droits de l’homme a

précisé sa position plus récemment dans l’arrêt Ibrahim et autres c. Royaume-

Uni : « Le principe, énoncé dans l’arrêt Salduz, servant à déterminer la

compatibilité d’une restriction à l’accès à un avocat avec le droit à un procès

équitable se compose de deux critères. La Cour doit premièrement rechercher

si la restriction en question était justifiée par des raisons impérieuses. Elle doit

deuxièmement apprécier le préjudice que cette restriction a pu causer aux

droits de la défense »247.

Cette disposition illustre parfaitement le contrôle effectué par les juges

(constitutionnels et conventionnels) en matière de terrorisme. Conscient des

impératifs de lutte contre le terrorisme, les juges ne censurent pas les mesures

restrictives de libertés en elles-mêmes. Cependant, ils s’attachent à vérifier que

le législateur national subordonne la mise en œuvre de ces mesures à des

garanties minimales afin de concilier les intérêts en présence.

245 Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014 M. Nadav B (consid. 9) 246 CEDH, Gde ch., 27 novembre 2008. Salduz c. Turquie. n° 36391/02 (par. 52). Jurisprudence constante : CEDH, Gde ch., 8 février 1996, John Murray c. Royaume-Uni, n°18731/91 (par. 63) – CEDH, 3e Sect. 16 octobre 2001, Brennan c. Royaume-Uni n°39846/98 (par. 45) 247 CEDH, Gde ch. 13 septembre 2016. Ibrahim et autres c. Royaume-Uni. Requêtes n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09 (par. 257)

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Une fois qu’il est autorisé à intervenir en garde à vue, l’avocat dispose

des mêmes droits que ceux prévus dans le régime de droit commun248 : avoir

un entretien confidentiel avec son client d’une durée maximale de trente

minutes, consulter le procès-verbal (constatant la notification du placement en

garde à vue et des droits, le certificat médical et les procès-verbaux d’audition),

assister son client lors des auditions et confrontations ainsi que poser des

questions et présenter des observations à l’issue de chacune d’elle.

Il existe en droit canadien, une mesure comparable à la garde à vue

française : la mise sous garde

b. Le placement sous garde en droit canadien

La mise sous garde est une mesure qui permet, à la suite d’une

arrestation, de garder une personne en détention au poste de police, dans le

but de la présenter devant un juge de paix.

Selon le droit commun, en cas d’arrestation effectuée par un agent de la

paix, la personne arrêtée doit, par principe, être remise en liberté, sans

condition dès qu’elle ne présente plus de risque. A défaut, elle peut être

détenue au poste de police dans le but de la conduire devant un juge de

paix249.

- Dans certaines situations, le placement sous garde d’un individu est

obligatoire. C’est le cas lorsque l’arrestation est effectuée avec mandat250 et

lorsque la personne est arrêtée pour une infraction énumérée à l’article 469 du

Code criminel251.

Dans les autres situations, la décision de placement sous garde doit être

justifiée. D’une part, l’agent de la paix doit posséder le même niveau de

suspicion qui est requis pour procéder à une arrestation sans mandat (soit

l’existence de motifs raisonnables de croire que la personne a commis un acte

248 L’article 706-88 al 8 C proc pén. précise ainsi que l’avocat dispose des droits prévus aux articles 63-4, 63-4-1, 63-4-2 al 1 et 63-4-3 C proc pén. 249 Pour l’arrestation sans mandat : art 497 (1) C. cr. et pour l’arrestation avec mandat : art 499 C. cr. 250 Arts 499 et 507 (6) C. cr. Dans ce cas, la mise sous garde est obligatoire puisque la personne arrêtée doit inévitablement comparaitre devant un juge de paix. 251 Arts 503 (2) et 522 (1) C. cr. Dans ce cas, la mise sous garde est obligatoire car seul un juge d’une cour supérieure est compétent pour remettre l’individu en liberté.

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criminel, qu’elle était en train de commettre une infraction criminelle ou qu’un

mandat d’arrestation était émis à son encontre252). D’autre part, l’agent de la

paix doit prendre sa décision en considération de l’intérêt public253 et du risque

que la personne ne se présente pas si elle est remise en liberté.

- Le législateur précise que la personne mise sous garde doit être amenée

à comparaitre devant un juge de paix dans les plus brefs délais. En principe, la

personne doit comparaitre dans un délai de vingt-quatre heures après

l’arrestation et ce, sans qu’il n’y ait de retard injustifié. Cependant, ce délai peut

être augmenté si aucun juge de paix n’est disponible. Dans ce cas, la personne

doit être présentée « le plus tôt possible » 254. Toutefois, le juge de paix peut

ajourner la procédure et renvoyer le prévenu en détention, sur demande de

l’une des parties255. En effet, si le juge de paix estime que le prévenu ne peut

être remis en liberté, celui-ci peut être détenu jusqu’à quarante-huit heures de

plus que les vingt-quatre heures déjà imposées pour un total de soixante-douze

heures soit trois jours maximum (sauf si le prévenu consent à davantage).

- L’individu détenu bénéficie des droits garantis par l’article 10 de la Charte

canadienne des droits et libertés : le droit d’être informé dans les plus brefs

délais des motifs de sa détention ; le droit d’avoir recours sans délai à

l’assistance d’un avocat256 et d‘être informé de ce droit ; et le droit de faire

contrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention.

***

En matière de terrorisme, le législateur a prévu quelques spécificités.

Tout d’abord, la comparution de l’individu relève de la compétence exclusive

d’un juge d’une Cour provinciale. Ensuite, le juge de la cour provinciale peut

ajourner la procédure en l’absence d’une demande de l’une des parties et a

donc le pouvoir discrétionnaire d’étendre la mise sous garde à trois jours. En

effet, lorsque le prévenu est présenté devant lui, il peut le relâcher à certaines

conditions, ordonner sa détention provisoire dans certains cas mais il peut aussi

252 Art 495 C.cr 253 Pour évaluer l’intérêt du public, l’agent de la paix pourra prendre en compte toutes les considérations pertinentes, notamment la nécessité d’identifier la personne, de recueillir ou conserver une preuve, d’empêcher la répétition, la poursuite ou la commission d’une infraction, d’assurer la sécurité des victimes ou des témoins… (Art 497 (1.1) C.cr) 254 Art 503 (1) C.cr. Voir en ce sens : R. v. Koszulap, [1974] O.J. No. 726 255 Art 516 (1) C.cr. Voir en ce sens : R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407 (par. 120 et 127) 256 Sous réserve des limitations de droit commun énoncées. Cf. note n° 175

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imposer un ajournement, sans demande des parties, contrairement au droit

commun257. Tout au long de cette procédure, même en matière de terrorisme,

la personne mise sous garde bénéficie des droits garantis par l’article 10 de la

Charte.

Ainsi cette détention est beaucoup moins attentatoire à la liberté

individuelle et aux droits de la défense que la garde à vue instaurée en droit

français en matière de terrorisme. En effet, les règles encadrant la mise sous

garde sont plus exigeantes s’agissant d’une part, des modalités d’exécution258

et d’autre part, des droits reconnus à l’individu.

Cependant, il est tout de même possible de s’interroger sur la

constitutionnalité de cette disposition en vertu du droit canadien. Là encore,

malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.

L’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés protège les citoyens

contre la détention arbitraire. Partant, la détention peut être déclare arbitraire si

le temps pendant lequel la personne a été retenue avant la comparution

dépasse les limites fixées par la loi. La jurisprudence canadienne semble

considérer qu’une détention de plus de vingt-quatre heures viole l’article 503 du

Code Criminel et constitue une détention arbitraire au sens de l’article 9 de la

Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi dans le jugement R. c. Simpson,

la Cour d’appel de Terre-Neuve énonce d’abord « Section 503 may be one of

the most important procedural provisions of the Criminal Code. The liberty of

the subject is dominant. A person not convicted of an offence should never be

held in custody except in accordance with constitutionally valid provisions of the

Criminal Code or other legislation » pour finalement considérer « Here there

was a major violation of a statutory provision protecting the fundamental right of

the respondent to be free unless properly detained by law. It is an

understatement to describe such detention as unlawful. It must be viewed as

arbitrary. There was a failure of a policeman to carry out his duty under the law

which, whether deliberate or simply neglectful, resulted in the respondent being

257 Art 83.3 (7) b) ii C.cr 258 Tout d’abord, l’agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire en la commission d’une infraction, et non simplement des soupçons comme en droit français, pour décider de la mise en garde de l’individu. Ensuite, en cas d’ajournement, la mise sous garde ne peut aller au-delà de trois jours, soit beaucoup moins que les six jours prévus par la législation antiterroriste française.

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detained. By act of neglect, the administrative or judicial system, or both, failed

the respondent. A neglect to follow s. 503(1) or to provide the mechanism by

which s. 503(1) may be followed is just as arbitrary as a positive decision not to

follow s. 503(1) »259.

La détention en matière de terrorisme excède largement la limite permise

puisqu’elle peut s’étendre jusqu’à soixante-douze heures si le juge décide

d’ajourner la comparution. Néanmoins, le principe d’un tel ajournement existe

également en droit commun et a été déclaré conforme aux exigences

constitutionnelles260. Cette prolongation de la mise sous garde ne semble donc

pas rendre la détention arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte canadienne

des droits et libertés. Toutefois, la question de la constitutionnalité de la mesure

pourrait se poser au regard du pouvoir discrétionnaire du juge (et donc de

l’absence de demande de l’une des parties) d’ordonner cette prolongation en

matière de terrorisme.

B) Les mesures d’investigations : principalement attentatoires à la vie privée

_____________________________________________________________

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, magistrats et policiers

peuvent également avoir recours à des mesures d’investigations qui ont été

adaptées à ce type de criminalité. Ces mesures portent principalement atteinte

à la vie privée. Les perquisitions et saisies (1), les écoutes téléphoniques (2) et

l’audience d’investigation (3) sont les principales.

1. Les perquisitions et saisies

a. Les perquisitions et saisies en droit français

La perquisition est l’acte par lequel un officier de police judiciaire ou un

magistrat pénètre dans un lieu déterminé (domicile, cabinet, entreprise…) afin

d’y rechercher et d’y saisir des éléments de preuve261.

259 R. v. Simpson (Nfld. C.A.), [1994] N.J. No. 69 (par. 36 et par.47). Confirmé par la Cour suprême dans R. v. Simpson [1995] 1 R.C.S. 449. Pour des décisions plus récentes : R. c. Lamoureux, [2002] J.Q. no 1059 (par. 73) et Collard c. R., [2004] J.Q. no 10376 (par. 30) 260 R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407 et R. v. Obed, [2011] N.J. No. 304 261 Hervé Vlamynck., Le policier et le principe de l’inviolabilité du domicile, AJ pénal 2011. 352

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Cette mesure peut être effectuée par un officier de police, spontanément sous

le contrôle du procureur de la République ou sur autorisation du juge

d’instruction en cas d’information. Les personnes pouvant faire l’objet d’une

perquisition sont les personnes qui paraissent avoir participé à une infraction ou

qui paraissent détenir des pièces, informations ou objets relatifs à celle-ci262. La

perquisition peut se dérouler dans tout lieu, et notamment dans un domicile263.

Elle vise la recherche d’objets et informations en lien avec l’infraction.

La perquisition constitue une ingérence dans la vie privée. Elle est donc

particulièrement encadrée.

- Tout d’abord, la perquisition est, en général, subordonnée au

consentement de l’intéressé. En effet, dans l’enquête préliminaire, la

perquisition nécessite l'accord écrit de la personne chez qui elle a lieu264.

Traditionnellement, à défaut d’un tel consentement, la perquisition était nulle265.

Cependant, la loi du 9 mars 2004266 a permis aux officiers de police judiciaire

de passer outre un refus si plusieurs conditions sont réunies (l’opération doit

être nécessaire ; l’enquête doit porter sur un crime ou un délit puni d’une peine

supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ; la décision doit être prise

par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la

République ; cette décision doit être écrite, motivée et précisée certains

éléments ; le déroulement de l’opération est contrôlée par ce même

magistrat)267. En enquête de flagrance et au cours de l’information, le

consentement de la personne n’est pas nécessaire pour la réalisation de la

perquisition.

- Ensuite, la perquisition nécessite la présence de témoins. Afin d’éviter

éventuels abus et contestations, certaines garanties ont été prises. Dans

l’enquête de flagrance et l’information, la personne au domicile de laquelle la

262 Art 56 al. 1 C proc pén. 263 Le domicile est défini comme un « lieu clos où une personne a le droit de se dire ‘’chez elle’’ quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » Voir notamment : Crim. 31 janvier 1914 Bull. crim. n°74 et Crim. 26 février 1963 n°62-90653 Bull. crim. n°92. 264 Art 76 C proc pén. 265 Crim. 30 mai 1980 Bull. crim. n°265. 266 Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 267 Art 76 al. 4 C proc pén.

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perquisition est effectuée doit être présente à peine de nullité268. Si cette

présence est impossible, l’officier de police judiciaire devra obligatoirement

l’inviter à désigner un tiers pour le représenter ou à défaut, il choisira deux

témoins. Pour l’enquête préliminaire, malgré que les textes ne précisent pas cet

élément, la doctrine269 considère que les règles applicables en matière de

flagrance et d’information s’appliquent également lors de l’enquête préliminaire.

- Enfin, la protection du domicile270 implique que la perquisition ne peut

être réalisée qu’à des heures légales précises : elle ne peut être commencée

avant six heures et après vingt et une heures (mais elle peut s’étendre au-

delà)271

La perquisition a pour objet la recherche d’éléments, informations ou

objets, utiles à la manifestation de la vérité. A ce titre, l’officier de police

judiciaire ou le magistrat compétent peut saisir tout objet qu’il estime

nécessaire. La saisie est le fait pour la police judiciaire d’appréhender un objet

et le mettre sous mains de justice. Il doit alors dresser immédiatement

l’inventaire des objets saisis, les placer sous scellés et les transporter au

tribunal où ils sont inscrits sur un registre272.

***

En matière de terrorisme, le domaine des perquisitions et saisies connait

des dérogations au droit commun273. Toutefois, afin de concilier les impératifs

de lutte contre le terrorisme et la vie privée des citoyens, le législateur français

conditionne et encadre la mise en œuvre de ces perquisitions.

268 Art 57 al. 1 C proc pén (pour l’enquête de flagrance) et Art 95 C proc pén. (pour l’information). 269 Serge Guinchard et Jacques Buisson, Procédure pénale, 10ème ed, Paris, LexisNexis, 2014 p.668 270 L’inviolabilité du domicile est un principe de valeur constitutionnelle d’après la décision n° 86-164 DC du 29 décembre 1983 consid. 28. 271 Art 59 C proc pén. 272 Art 56 al.4 C proc pén. 273 Là encore, ces dispositions dérogatoires ne s’appliquent pas à certaines infractions pourtant qualifiées de terrorisme. En effet, l’article 706-24-1 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le régime spécifique des perquisitions ne s’applique pas pour les infractions de provocation et apologie du terrorisme (art 421-2-5 C pén.), pour le fait d’extraire, reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-1 C pén.) et pour le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-2 C pén.). De même qu’en matière de garde à vue, le législateur a soumis ces infractions au droit commun, sans doute en application des principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité.

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a.1. L’autorisation d’opérer de nuit : les perquisitions nocturnes

Historiquement, les perquisitions nocturnes sont admises pour les

infractions de terrorisme depuis longtemps. A l’origine, la loi du 22 juillet 1996274

avait autorisé les perquisitions de nuit pour tous les types d’enquêtes relatives

aux infractions de terrorisme. Dans une décision du 16 juillet 1996, le Conseil

Constitutionnel considérait « qu’eu égard aux exigences de l’ordre public, le

législateur peut prévoir la possibilité d’opérer des visites, perquisitions et saisies

de nuit dans le cas où un crime ou un délit susceptible d’être qualifié d’acte de

terrorisme est en train de se commettre ou vient de se commettre, à condition

que l’autorisation de procéder auxdites opérations émane de l’autorité judiciaire,

gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures

autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées »275. Cependant,

le Conseil Constitutionnel avait limité l’application de cette mesure en censurant

une partie de la disposition. D’une part, la possibilité d’opérer de nuit n’était

possible qu’en matière de flagrance (et donc exclue durant l’enquête

préliminaire et l’instruction). D’autre part, seul le Président du TGI ou son

délégué, était compétents pour autoriser la perquisition de nuit (le procureur de

la République et le juge d’instruction n’étaient pas compétent pour ordonner

une telle mesure)

Aujourd’hui, les perquisitions de nuit (soit de vingt et une heures à six

heures du matin) sont admises, pour tout type d’enquête en matière de

terrorisme, sous certaines conditions.

- Dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire

relative à une infraction de terrorisme, le juge des libertés et de la détention

peut, à la requête du procureur de la République et si les nécessités de

l’enquête l’exigent, autoriser les perquisitions et saisies nocturnes. Cependant,

274 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996. La possibilité de perquisitionner de nuit était déjà possible dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants et le proxénétisme. Cependant, l’absence d’une telle mesure en matière de terrorisme était considérée comme une « lacune qui avait (…) de fâcheuses conséquences dans la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où les enquêteurs devaient interrompre leurs investigations entre vingt et une heures et six heures en dépit des nécessités de l’enquête et au risque de voir disparaitre certaines éléments essentiels de preuve, voire parfois des individus » (JO déb. Ass. Nat. 2ème séance 20 décembre 1995 p.5412) La loi du 22 juillet 1996 étendait ainsi la mesure aux enquêtes relatives aux infractions de terrorisme 275 Décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996 (consid. 17 et 18)

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il existe une différence entre ces deux types d’enquête. En matière de

flagrance, ces actes peuvent être exécutés en tout lieu y compris les locaux

d’habitation276. A l’inverse, en matière préliminaire, ces actes ne peuvent, en

principe, être accomplis dans des maisons d’habitation277. Le législateur a

toutefois prévu une exception, en cas d’urgence et afin de prévenir un risque

d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, ces opérations peuvent être

effectuées de nuit dans des locaux d’habitation278.

Pour autoriser une perquisition nocturne, le juge des libertés et de la détention

doit, à peine de nullité, prendre une ordonnance écrite, contenant un certain

nombre de mentions impératives (la qualification de l’infraction dont la preuve

est recherchée et l’adresse des lieux concernés par la pénétration nocturne) et

une motivation reprenant les éléments de fait ou de droit qui fondent la

nécessité de l’opération. Cette ordonnance est insusceptible d’appel279.

L’exécution des opérations est placée sous le contrôle du juge des libertés et

de la détention, auteur de l’autorisation280.

- Dans le cadre d’une information relative à une infraction de terrorisme, le

juge d’instruction peut, si les nécessités de l’instruction l’exigent, autoriser les

officiers de police judiciaire à procéder à des perquisitions et saisies

nocturnes281. En principe, ces opérations ne peuvent concerner les locaux

d’habitation. Cependant, en cas d’urgence, le magistrat peut autoriser de telles

mesures dans des maisons d’habitation dans quatre situations : lorsqu’il s'agit

d'un crime ou d'un délit flagrant ; lorsqu’il existe un risque immédiat de

disparition des preuves ou des indices matériels ; lorsqu’il existe une ou

plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une personne se trouvant dans

le local où la perquisition doit avoir lieu, est en train de commettre une infraction

de terrorisme ; et enfin, lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir

un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique en matière de terrorisme.

Pour autoriser une perquisition nocturne, le juge d’instruction doit, à peine de

nullité, prendre une ordonnance qui répond aux mêmes exigences que celles 276 Art 706-89 C proc pén. 277 Art 706-90 C proc pén. 278 Art 706-90 al. 2 C proc pén. issu de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale 279 Art 706-92 C proc pén. 280 Ibid. 281 Art 706-91 C proc pén.

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décrites précédemment dans le cadre d’une enquête de flagrance ou

préliminaire.

Dans tous les cas, le législateur précise que les perquisitions et saisies

nocturnes ne peuvent avoir d’autre finalité que la recherche et la constatation

d’une infraction entrant dans le champ de la criminalité organisée, dont le

terrorisme fait partie. Ainsi, tout détournement de procédure est interdit à peine

de nullité282

a.2. Les perquisitions sans l’assentiment de l’intéressé

En matière de terrorisme, le régime des perquisitions et saisies connait

une seconde dérogation au droit commun : il est possible de perquisitionner au

domicile d’une personne sans son assentiment.

Aux termes de l’article 706-94 du Code de procédure pénale, un

magistrat peut autoriser un officier de police judiciaire à effectuer une

perquisition sans la présence de la personne chez qui elle a lieu, lorsqu’elle est

en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place parait

devoir être évité en raison de risques graves (soit de troubles à l’ordre public ou

d’évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au

transport). La perquisition est alors effectuée en présence de deux témoins

requis par l’officier de police judiciaire selon le droit commun283 ou en présence

d’un représentant désigné par l’intéressé.

Le magistrat compétent pour ordonner une telle mesure diffère selon le cadre

de l’enquête284. Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’autorisation est

donnée par le procureur de la République ; alors que dans le cadre d’une

enquête préliminaire, seul le juge des libertés et de la détention est compétent.

Au cours d’une enquête effectuée sur commission rogatoire, l’autorisation de

perquisitionner sans l’assentiment de l’intéressée est donnée par le juge

d’instruction.

282 Art 706-93 C proc pén. 283 Art 57 al.2 C proc pén. 284 Cette dérogation au régime des perquisitions et saisies est en réalité seulement prévue dans le cadre de l’enquête préliminaire puisque dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une information, le consentement de la personne n’est pas requis pour la réalisation de la perquisition

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Comme le précise la circulaire CRIM 04-13 G1 du 2 septembre 2004, « Le

recours à ces dispositions devra rester exceptionnel, le droit d’un individu à

assister à une perquisition effectuée à son domicile et dans lequel peuvent être

trouvés des éléments qui seront versés à sa charge devant nécessairement

prévaloir ». Bien que la loi n’impose pas que l’autorisation donnée par le

magistrat soit motivée, elle doit être écrite et comporter certaines mentions.

L’ensemble de ces dérogations au régime traditionnel des perquisitions

et saisies se justifie par la nécessité d’agir rapidement, sans obstacle

procédural susceptible de limiter l’efficacité des investigations.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi du contrôle de constitutionnalité de

ces dispositions. Dans une décision du 2 mars 2004285, il a considéré que le

régime des perquisitions en matière de terrorisme ne portait pas une atteinte

excessive à l’inviolabilité du domicile. Il affirme ainsi qu’ « eu égard aux

exigences de l'ordre public et de la poursuite des auteurs d'infractions, le

législateur peut prévoir la possibilité d'opérer des perquisitions, visites

domiciliaires et saisies [sans l’assentiment de l’intéressé et] de nuit (…) à

condition que l'autorisation de procéder à ces opérations émane de l'autorité

judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des

mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées ». Ainsi

le Conseil Constitutionnel considère que l’équilibre entre les impératifs de lutte

contre le terrorisme et les droits fondamentaux (ici l’inviolabilité du domicile) est

maintenu par le législateur qui encadre suffisamment la mise en œuvre des

perquisitions286

***

Les perquisitions sont donc particulièrement encadrées même en

matière de terrorisme. Cependant, l’Etat d’urgence étant instauré en France,

des perquisitions administratives, beaucoup plus larges, sont désormais

permises.

285 Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 41 à 56) 286 D’abord, l’autorisation et le contrôle des perquisitions sont effectués par un magistrat du siège (le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction). Ensuite, les perquisitions doivent être nécessaires pour rechercher les auteurs d’infractions présentant un certain degré de gravité et de complexité. Enfin, la décision d’avoir recours à ces mesures doit être écrite et comporter certaines mentions obligatoires.

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Réponse politique à la menace terroriste, le soir des attentats du 13

novembre 2015, l’état d’urgence a été décrété en application de l’article 1er de

la loi du 3 avril 1955287. Il ne cesse d’être prolongé depuis, permettant la mise

en œuvre de mesures particulièrement restrictives de droits et libertés.

En vertu de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence,

le ministre de l’intérieur ou les préfets ont le pouvoir d’ordonner des

perquisitions administratives, de jour comme de nuit, sauf dans certains lieux,

« lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu est fréquenté par

une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et

l’ordre publics ».

- La décision ordonnant une perquisition administrative doit être écrite,

motivée et comporter un certain nombre de mentions288. Le procureur de la

République compétent est informé sans délai de cette décision. Le juge

administratif contrôle les éléments justifiant la mesure. Il vérifie également que

la mesure ordonnée est adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, au

regard des éléments dont dispose l’administration au moment où elle prend sa

décision.

- La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire.

Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’intéressé ou, à défaut, de son

représentant ou de deux témoins. Durant l’exécution de la perquisition, les

autorités peuvent accéder aux données stockées dans un système

informatique, et éventuellement les saisir289. Egalement, lorsqu’il existe des

raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour

la sécurité et l’ordre publics, les personnes présentes sur le lieu de la

perquisition peuvent être retenues par l’officier de police judiciaire pendant le

287 Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. 288 CE, avis, 6 juillet 2016, n°398234, 399135. Le Conseil d’Etat indique que la décision ordonnant la perquisition administrative est une décision administrative individuelle défavorable qui constitue une mesure de police. Elle doit dont être motivée selon l’article L.211-2 du Code des relations entre le public et l’Administration. La décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait faisant apparaitre les raisons impérieuses qui ont conduit l’autorité administrative à agir. Elle doit également mentionner le lieu et le moment de la perquisition. 289 Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]. Le Conseil Constitutionnel avait jugé contraire au respect de la vie privée les saisies de données informatiques réalisées pendant les perquisitions de l’état d’urgence (consid. 14). Cependant, la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a passé outre la décision d’inconstitutionnalité et a réintroduit la possibilité de procéder à des saisies de données informatiques en vue de leur exploitation ultérieure (art. 5 de la loi).

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temps strictement nécessaire au déroulement de la perquisition (maximum

quatre heures). Le procureur de la République est informé dès le début de la

retenue et peut y mettre fin à tout moment. Les personnes faisant l’objet de

cette retenue sont informées de leur droit de faire prévenir toute personne de

leur choix (sauf décision contraire du procureur de la République). A l’issue de

la perquisition, un compte rendu est établi et communiqué sans délai au

procureur de la République.

- L’intéressé peut former un recours, devant le tribunal administratif, contre

la décision ordonnant cette perquisition afin d’engager la responsabilité de

l’Etat290. Cependant, cette voie de recours ne peut être mise en œuvre que

postérieurement à l’exécution de la mesure.

Les perquisitions administratives mises en œuvre dans le cadre de l’état

d’urgence font, à juste titre, l’objet de vives critiques. Mesures particulièrement

attentatoires au droit à la vie privée, les perquisitions ne sont plus soumises au

contrôle de l’autorité judiciaire, pourtant garant de la liberté individuelle en vertu

de l’article 66 de la Constitution. Malgré les nombreuses critiques formulées par

la doctrine et les professionnels, le Conseil Constitutionnel a validé les

perquisitions administratives effectuées dans le cadre de l’état d’urgence291 :

« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions opèrent,

s'agissant d'un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être

limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou

les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, une

conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre [les droits

fondamentaux et les libertés individuelles des citoyens] (…) et l'objectif de

valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public »

Récemment, le gouvernement français a proposé un projet de loi

antiterroriste "renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure" qui

vise à normaliser la plupart des mesures de l’état d’urgence. Ainsi, une mesure

290 En effet, une décision ordonnant une perquisition déclarée par la suite illégale constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Même si la perquisition est légale, toute faute commise dans l’exécution de la perquisition est de nature à engager la responsabilité de l’Etat. S’il conclut à l’existence d’une faute, le juge administratif devra accorder une réparation des préjudices qui en résultent. 291 Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]

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similaire aux perquisitions administratives devrait être intégrée au droit commun

sous le nom de « visites et saisies ». Toutefois, elle présenterait quelques

différences avec les perquisitions administratives. Tout d’abord, le champ des

personnes visées serait, semble-il, plus restreint puisque la perquisition pourra

être prononcée à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle « il existe

des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace

d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et – soit entre « en

relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations

incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme » ; – soit « soutient ou

adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme en France

ou à l’étranger ou faisant l’apologie de tels actes ». De plus, la mesure ne

pourra être ordonnée par le préfet, qu’après autorisation motivée du juge des

libertés et de la détention. Les perquisitions seront effectuées sous l’autorité et

le contrôle de ce juge. Ce régime, certes plus respectueux des droits

fondamentaux que les perquisitions administratives mises en œuvre dans le

cadre de l’état d’urgence, est loin d’être pour autant exempt de tout reproche292.

b. Les perquisitions et saisies en droit canadien

Les perquisitions et saisies sont des mesures d’enquête qui existent

également au Canada depuis de nombreuses années. Comme en France, la

perquisition est définie comme « l’intrusion dans un lieu dans le but d'y trouver

un ou des objets précis »293. Il est important de noter que tout type d’enquête

gouvernementale ne constitue pas forcément une perquisition. Pour être

292 L’intervention du juge des libertés et de la détention dans le processus d’autorisation de la perquisition est considérée par le Syndicat de la Magistrature comme un « contrôle fantôme d’une autorité judiciaire alibi de l’exécutif » (Voir en ce sens : Décryptage du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure, Syndicat de la Magistrature, 9 juin 2017). Ainsi, cette disposition confie à l’autorité administrative le pouvoir de décider d’actes qui devraient relever de la compétence exclusive du juge judiciaire puisque portant atteinte au principe d’inviolabilité du domicile. Il est nécessaire de rappeler la décision n°83-164 DC du 29 décembre 1983 où le Conseil Constitutionnel avait censuré les dispositions de la loi de finances pour 1984 qui permettaient des perquisitions administratives avec l’autorisation du juge judiciaire. 293 Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994

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qualifiée comme telle, la recherche policière doit empiéter sur le « droit

raisonnable des particuliers à la vie privée »294.

Les perquisitions et saisies portant atteinte à la vie privée, elles sont

soumises à plusieurs conditions à défaut desquelles elles seront déclarées

abusives en vertu de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

En matière de terrorisme, aucun aménagement n’a été prévu par le législateur.

Mais il semble intéressant de préciser certains points à des fins de comparaison

avec la législation française.

L’article 487(1) du Code criminel permet aux policiers, à certaines

conditions, de pénétrer chez une personne pour y rechercher des éléments

susceptibles d’établir la commission d’une infraction criminelle.

b.1. Conditions : l’exigence d’un mandat

La perquisition d’un lieu ne peut s’effectuer que dans le respect des

règles strictes sous peine d’être considérée comme abusive au sens de l’article

8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Par principe, toute recherche policière doit être autorisée préalablement

à son exécution par un juge qui se fonde sur l’existence de motifs raisonnables

et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est commise et que

la recherche permettra de découvrir des éléments de preuve.295

Ainsi lorsque l’Etat veut procéder à une perquisition et qu’il existe une

expectative de vie privée, il doit obtenir de la part d’un juge de paix un mandat

de perquisition. Le mandat vise à apprécier, avant les faits, « les droits opposés

de l’Etat et du particulier, de sorte qu’on ne puisse porter atteinte au droit du

294 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. La Cour suprême a défini l’attente raisonnable de vie privée de la façon suivante : « La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu'une attente raisonnable. Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est-à-dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies "abusives", ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre "raisonnablement" à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi ». (par.25) 295 R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253

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particulier à la vie privée du particulier que (…) si la supériorité des intérêts de

l’Etat peut être démontrée »296.

- S’agissant de la saisine du juge de paix, un agent de la paix ou un

fonctionnaire spécifiquement désigné peut déposer une dénonciation auprès

d’un juge de paix aux fins de délivrance d’un mandat de perquisition. Dans sa

dénonciation, le policier doit indiquer les motifs raisonnables qui permettent de

croire que la délivrance du mandat est justifiée297 (c’est-à-dire qu’une infraction

a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit visé par la

recherche298). Il doit également décrire avec précision l’infraction pour laquelle

le mandat est demandé, l’endroit où doit s’effectuer la perquisition et les choses

à saisir qui s’y trouvent (sauf s’il n’est pas raisonnablement possible de le faire

– auquel cas le mandat pourra conférer à l’agent de la paix une certaine marge

de discrétion). Enfin, le dénonciateur doit alléguer que la perquisition permettra

de trouver : soit une chose à l’égard de laquelle une infraction à la loi fédérale a

été commise ; soit une chose qui est de nature à fournir une preuve touchant la

commission d’une infraction ou de nature à révéler l’endroit où se trouve

l’auteur présumé du crime ; soit une chose qui porte à croire qu’elle servira à

une infraction pour laquelle une personne peut être arrêté sans mandat ; soit,

enfin, un bien infractionnel299.

- Le juge de paix, saisi de la dénonciation, décide s’il y a lieu d’autoriser la

perquisition. Le mandat devra indiquer un certains nombres d’informations dont

l’infraction alléguée, l’endroit visé et la description des objets recherchés.

***

La perquisition effectuée sans mandat est présumée abusive en vertu de

l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés à moins que la

poursuite soit en mesure d’établir le contraire selon la prépondérance des

probabilités300. La perquisition sans mandat doit rester rare301, elle est donc

particulièrement encadrée. La possibilité d’opérer sans mandat doit d’abord être

296 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 par. 32 297 R. c. Pires ; R. c. Lising [2005] 3 R.C.S. 343 par 66 et R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253 298 R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253 par. 43 299 Art 487(1) C. cr 300 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 par. 30 301 R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223

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autorisée par la loi ou la common law302 et respecter les exigences qui y sont

indiquées.

Bien qu’il s’agisse du droit commun, plusieurs situations sont susceptibles de

s’appliquer dans le cadre du terrorisme.

- L’article 487.11 du Code criminel permet ainsi à l’agent de la paix de

perquisitionner sans mandat un lieu lorsque l’urgence de la situation303 rend

difficilement réalisable l’obtention du mandat, sous réserve que les conditions

de délivrance de celui-ci soient réunies. Egalement, l’article 117.02 (1) du Code

criminel permet à l’agent de la paix de perquisitionner sans mandat un lieu (sauf

une maison d’habitation) en cas d’infraction avec usage d’une arme lorsque

l’urgence de la situation rend difficilement réalisable l’obtention d’un mandat

mais que les conditions de délivrance sont réunies.

- La common law permet de perquisitionner un téléphone sans mandat

lors d’une fouille incidente à une arrestation. Ainsi lorsqu’une personne

soupçonnée d’avoir commis une infraction de terrorisme est arrêtée, l’agent de

la paix peut perquisitionner son téléphone sans mandat sous certaines

conditions304.

b.2. L’exécution de la perquisition

La recherche policière doit être effectuée de manière non abusive.

- Le mandat de perquisition permet aux policiers de rechercher dans le

lieu visé, tout élément permettant de « jeter la lumière sur les circonstances

d’un évènement »305. Généralement, les forces policières peuvent procéder à

un examen raisonnable de tous les biens qui se trouvent à l’intérieur306. Il existe

toutefois des exceptions. En effet, certains biens font intervenir une importante

expectative de vie privée et font donc l’objet d’une protection supplémentaire.

C’est le cas notamment des ordinateurs et des téléphones307. Les policiers

doivent toujours obtenir une autorisation judiciaire distincte avant de procéder à

302 R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par.25. 303 Pour la notion d’urgence de la situation en matière de terrorisme Cf. note n°184. 304 Pour les conditions relatives à la perquisition d’un téléphone sans mandat lors d’une fouille incidente à une arrestation : Cf. note n°179 et R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621 305 CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, par. 15 306 R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.23 307 R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.24

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la fouille d’un ordinateur ou d’un téléphone (sauf dans certains cas où la fouille

d’un téléphone sans mandat est admise). Ainsi, si les autorités policières savent

à l’avance qu’elles ont l’intention de fouiller un ordinateur ou un téléphone se

trouvant dans le lieu de la recherche, elles doivent convaincre le juge de paix

de l’existence de motifs raisonnables de croire que le bien contient des

éléments de preuve. Si au cours d’une perquisition, elles découvrent un

ordinateur ou un téléphone susceptible de contenir des éléments de preuves,

elles pourront le saisir mais devront requérir une autorisation spécifique avant

de le fouiller.

- Concernant le moment de l’exécution, en principe, un mandat de

perquisition doit être exécuté de jour (c’est-à-dire entre six heures et vingt et

une heures308). Toutefois, si le dénonciateur expose des motifs raisonnables de

procéder autrement, le juge de paix peut autoriser une perquisition nocturne309.

La Cour d’appel de l’Ontario310 a précisé qu’il fallait des circonstances

exceptionnelles pour rendre une telle ordonnance.

- Enfin, s’agissant du lieu de l’exécution, la perquisition sera

particulièrement contrôlée lorsqu’elle a lieu dans la résidence d’une personne,

en raison de l’importante expectative de vie privée. Ainsi, lorsque le lieu visé

par la recherche est une résidence, plusieurs conditions doivent être réunies

pour que la perquisition soit considérée comme raisonnable. Les policiers

procédant à la perquisition doivent frapper à la porte et s’annoncer311 sauf en

cas d’urgence, lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de craindre pour leur

sécurité ou celle d’autrui, ou de craindre que des éléments de preuve ne soient

détruits312. Ils peuvent utiliser la force seulement s’ils craignent pour leur

sécurité ou celle d’autrui313. Enfin, ils doivent avoir le mandat en leur

possession avant de pénétrer dans le lieu et le montrer si demandé314.

308 Art 2 C. cr 309 Art 488 C. cr 310 R. v. Sutherland, [2000] CA O.J. No. 4704 par. 25. Confirmé par R. v. MacDonald, [2012] CA O.J. No. 1673 et R. v. L.V.R., [2014] CA B.C.J. No. 2295 311 Eccles c. Bourque [1975] 2 R.C.S. 739 par. 7 et R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142 par. 18. Les policiers doivent « donner (i) avis de leur présence en frappant ou en sonnant, (ii) avis de leur autorité, en s'identifiant comme agents chargés d'exécuter la loi et (iii) avis du but de leur visite, en déclarant un motif légitime d'entrer » 312 R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par.20 et R. c. Grimson [1991] 3 R.C.S. 692. 313 Art 25 C. cr et R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59. 314 Art 29 C. cr et R. c. Manseau, [2010] CA J.Q. no 13933

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Ainsi la législation canadienne de droit commun est assez proche du

régime des perquisitions et saisies prévu en France en matière de terrorisme.

En effet, sous le contrôle d’un juge, les policiers peuvent procéder à des

perquisitions nocturnes et des perquisitions sans l’assentiment de la personne

concernée.

b.3. Le but des perquisitions : la saisie

Lors de la perquisition, l’agent de la paix peut saisir tout objet qu’il estime

nécessaire. En principe, il devra remettre le bien à son possesseur dans les

plus brefs délais dès qu’il est convaincu que sa détention n’est pas nécessaire

pour une procédure judiciaire. Dans le cas contraire, il devra faire un rapport au

juge de paix315. Ce dernier appréciera s’il est nécessaire de détenir l’objet saisi

aux fins d’une enquête ou d’une procédure judiciaire316.

Il existe quelques dispositions spécifiques s’agissant des saisies et

confiscations de biens en matière de terrorisme. Sur demande du procureur

général, un juge de la Cour fédérale convaincu qu’il existe des motifs

raisonnables de croire que des biens appartenant ou à la disposition de

terroristes se trouvent dans un lieu peut délivrer un mandat autorisant un agent

de la paix à perquisitionner et à les saisir. 317 Il peut également rendre une

ordonnance de confiscation de ces biens318.

2. Les écoutes téléphoniques

a. Les écoutes téléphoniques en droit canadien

L’interception de communications privées, communément appelée

‘’écoute téléphonique’’ se définit comme un « espionnage électronique effectué

par l'interception frauduleuse d'ondes électromagnétiques provenant

d'équipements informatiques en exploitation »319.

315 Art 489.1 (1) C.cr 316 Art 490 (1) C. cr En principe, l’Etat ne pourra détenir les biens saisis pour une période de plus de trois mois. Cependant si la détention du bien est toujours nécessaire au-delà de cette période, l’Etat pourra requérir une ordonnance de prolongation en vertu de l’art 490 (2) C.cr 317 Art 83.13 C.cr 318 Art 83.14 C.cr 319 Office québécois de la langue française, Le grand dictionnaire terminologique.

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Ainsi, l’écoute téléphonique implique deux aspects : une interception (la notion

d’interception est large puisqu’elle vise le « fait d’écouter, d’enregistrer ou de

prendre volontairement connaissance d’une communication ou de sa

substance, son sens ou son objet »320) et une communication privée (c’est-à-

dire une « communication orale ou télécommunication (…) qui est faite dans

des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s’attendre à ce

qu’elle ne soit pas interceptée par un tiers »321)

Par principe, les écoutes téléphoniques sont prohibées322. Toutefois et

ce depuis de nombreuses années, le législateur canadien a admis des

exceptions et permet aux policiers d’utiliser ce moyen, à certaines conditions.

En raison de l’importante expectative de vie privée, les écoutes téléphoniques

ne peuvent se faire que dans le respect de règles strictes, à défaut desquelles

elles seront déclarées contraires aux exigences de la Charte canadienne des

droits et libertés. Cependant, dans un but d’efficacité, les lois antiterroristes

canadiennes sont venues assouplir les exigences traditionnelles en la matière

s’agissant des critères d’obtention du mandat et de sa durée.

Les articles 185 et 186 du Code criminel permettent à un agent de la paix

de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes téléphoniques. « En

vertu de ces articles, lus en conjonction avec la définition du terme ‘’infraction’’,

à l’article 183, cette procédure ne peut être utilisée qu’à l’égard de certains

crimes prévus au Code »323 dont notamment le terrorisme324.

a.1. Conditions des écoutes téléphoniques : l’exigence d’un

mandat

Les écoutes téléphoniques constituent des fouilles et saisies au sens de

l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.325 A ce titre, les

320 Art 183 C. cr et R. c. Société TELUS Communications, [2013] 2 R.C.S. 3 321 Ibid 322 Arts 184(1) et 184.5(1) C. cr. Le fait pour quiconque d’intercepter volontairement une communication privée constitue un acte criminel, passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. 323 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, 23ème éd., Montréal, Éditions Thémis, 2016, par. 556 324 Art 183 C. cr « infraction » a) (xii.1) à (xii.91) 325 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50

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interceptions de communications privées doivent donc être autorisées

préalablement à leur exécution.

- La demande d’autorisation pour procéder à l’écoute téléphonique doit

respecter plusieurs exigences326. Cette demande est présentée ex parte et par

écrit à un juge d’une cour supérieure. Elle doit être signée par le procureur

général de la province, ou par le ministre de la Sécurité publique et de la

Protection civile, ou par un mandataire spécialement désigné.

Au soutien de cette demande, est joint un affidavit rédigé par un agent de la

paix ou un fonctionnaire public. Cet affidavit doit préciser plusieurs éléments.

Tout d’abord, il doit mentionner les faits justifiant l’autorisation ainsi que les

détails relatifs à l’infraction (c’est-à-dire viser une infraction précise et préciser

en quoi l’écoute permettra de recueillir des preuves327). Ensuite, il doit indiquer

un ensemble de données techniques : le genre de communications privées qui

sera interceptée, des informations sur les personnes visées (nom, adresse,

professionnel), une description générale du lieu où les interceptions seront

effectuées et une description générale de la façon dont il souhaite procéder.

Egalement, si des demandes d’interception ont déjà été faites pour la même

infraction, l’affidavit doit indiquer leur nombre, leur date et le nom du juge

auxquelles elles ont été présentées. Enfin, il doit mentionner la période de

temps pour laquelle l’autorisation est demandée.

En droit commun, en plus de ces mentions, l’affidavit doit indiquer : si d’autres

méthodes d’enquêtes ont été essayées, pourquoi elles paraissent avoir peu de

chance de succès le cas échéant ou, étant donné de l’urgence de l’affaire, qu’il

ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que

ces méthodes328. Dans l’arrêt R. c. Araujo329, la Cour suprême a précisé qu’il ne

s’agissait pas de montrer que l’écoute téléphonique était une mesure de dernier

recours. Il faut justifier de la nécessité de procéder à l’écoute téléphonique en

démontrant qu’il n’existe aucun autre moyen d’enquête raisonnable dans les

circonstances de l’enquête330. A défaut d’avoir envisagé un minimum les autres

326 Art 185 C. cr 327 R. v. Shayesteh, [1996] CA O.J. No. 3934 328 Art 185(1) h) C. cr 329 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par 29 330 R. v. Schreinert, [2002] CA O.J. No. 2015 par. 34

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techniques d’enquête, le juge n’autorisera pas la mise en œuvre des écoutes

téléphoniques331.

Cependant, cette exigence de nécessité a été supprimée en matière de

terrorisme332. Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une

infraction de terrorisme, l’agent de la paix n’a pas à démontrer que d’autres

méthodes d’enquêtes ont été tentées.

- Le juge de la Cour supérieure fera droit à la demande s’il est

convaincu333 :

d’une part que l’octroi de cette autorisation « servirait au mieux

l’administration de la justice » Dans l’arrêt R. c. Araujo, la Cour suprême a

considéré que cette exigence signifiait « que, conformément à l’art. 8 de la

Charte canadienne des droits et libertés, il doit y avoir des motifs

raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise »334.

d’autre part que d’autres méthodes d’enquêtes ont été essayées, ont peu

de chance de succès ou que l’urgence de la situation est telle qu’il ne serait

pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les

autres méthodes d’enquêtes. Cependant, là encore cette exigence a été

supprimée en matière de terrorisme335.

Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de

terrorisme, la délivrance du mandat est plus aisée : le juge de la Cour

supérieure pourra accorder l’autorisation dès lors qu’il est convaincu que ces

écoutes serviraient au mieux l’administration de la justice.

L’autorisation d’effectuer l’écoute téléphonique doit mentionner plusieurs

éléments336. Elle doit indiquer l’infraction pour laquelle l’écoute est permise, le

type de communication qui pourra être interceptée, l’identité des personnes

visées, une description générale du lieu et de la façon dont les communications

331 R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S 265 par. 38, R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, par 47, R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 76 et R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 63. 332 Art 185 (1.1) c) C. cr affirme « L’alinéa (1) h) ne s’applique pas dans les cas où l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ». 333 Art 186 (1) C.cr 334 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par.20. La Cour suprême vient ici rappeler une interprétation constante. Voir en ce sens : Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 par.35; et R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30 par. 24 335 Art 186 (1.1) C. cr : Ce critère « ne s’applique pas dans les cas où le juge est convaincu que l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ». 336 Art 186 (4) C.cr

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seront interceptées, les modalités opportunes dans l’intérêt public et la période

de temps pendant laquelle les écoutes sont autorisées.

Bien que la mise en œuvre des écoutes téléphoniques soit soumise à

l’exigence d’un mandat, l’article 184.4 du Code criminel permet l’interception

d’une communication privée par un policier, sans autorisation préalable. Ce

dernier doit avoir des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation

est telle qu’une autorisation ne peut être obtenue en faisant preuve de toute

diligence raisonnable ; que l’interception immédiate est nécessaire pour

empêcher la perpétration d’un infraction qui causerait des dommages sérieux à

une personne ou un bien ; que l’une des parties à la communication est la

victime ou l’auteur potentiel de l’acte. Cette disposition qui constitue le droit

commun, peut bien évidemment s’appliquer dans le cadre de la lutte contre le

terrorisme337.

***

Comme en France, il existe au Canada, un système administratif

d’interception des communications privées338. Cette pratique est effectuée sous

certaines conditions par le CST (Centre de la sécurité des télécommunications),

après autorisation du Ministre de la Défense nationale (et non d’un juge

judiciaire).

En effet, le Ministre peut autoriser par écrit, l’interception de communication

privée dès lors qu’il est convaincu que l’interception vise des entités étrangères

situées à l’extérieur du Canada, que les renseignements ne peuvent

raisonnablement être obtenus d’une autre manière, que la valeur des

renseignements espérés justifie la mesure et qu’il existe des mesures

satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens. Ces interceptions ne

337 La possibilité d’effectuer une écoute téléphonique sans mandat est une mesure qui doit être exceptionnelle. En effet, dans l’arrêt R. c. Tse, la Cour suprême a affirmé qu’il s’agissait de « la seule disposition [relative à l’interception de communications privées] n’exigeant ni le consentement d’une partie, ni une autorisation préalable ». Le législateur l’a toutefois assortie de conditions importantes qui « créent intrinsèquement des limites temporelles strictes » et qui garantissent « que les communications ne seront interceptées sans autorisation qu'en [véritable] situation d'urgence pour prévenir des dommages sérieux » Elle a donc conclu que la disposition était conforme à l’article 7 et à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. (R. c. Tse, [2012] 1 R.C.S. 531 par. 27, 28 et 58) 338 Arts 273.65 (1) et (2) de la Loi sur la défense nationale (L.R.C. (1985), ch. N-5)

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peuvent être effectuées que dans le seul but d’obtenir des renseignements

étrangers.

a.2. Exécution des écoutes téléphoniques

- La durée de l’écoute téléphonique ne peut, en principe, excéder soixante

jours339.

Toutefois, un juge d’une cour supérieure peut renouveler l’autorisation lorsqu’il

reçoit une demande écrite accompagnée d’un affidavit indiquant un certain

nombre d’éléments (la raison et la période pour lesquelles le renouvellement

est demandé, les détails relatifs aux interceptions qui ont été faites ou tentées,

le nombre de cas où une demande de renouvellement a été présentée et tout

autre renseignement que le juge peut exiger).340 Le juge pourra accorder le

renouvellement d’une autorisation pour une période maximale de soixante jours

s’il est convaincu que l’une des circonstances fondant l’écoute téléphonique

existe encore341.

En matière de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques a été

considérablement augmentée. En effet, lorsque l’enquête porte sur une

infraction de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques peut être

augmentée à un an342. Et ce, pour la première autorisation et pour son

renouvellement.

- L’autorisation est assortie du pouvoir pour les policiers d’installer le

dispositif d’interception, de l’entretenir et de l’enlever secrètement343. Les

communications sont retranscrites par écrit. Tous les documents sont

confidentiels et placés dans un paquet scellé conservé par le tribunal344.

- Les écoutes téléphoniques sont faites par principe à l’insu des

participants. Toutefois, le droit canadien prévoit l’information de la personne

339 Art 186 (4) e) C. cr 340 Arts 186 (6) et (7) C. cr 341 Art 186 (1) C.cr 342 Art 186.1 c) C. cr affirme que « l’autorisation et le renouvellement peuvent être valides pour des périodes de plus de soixante jours précisées par l’autorisation et d’au plus un an chacune, dans les cas où l’autorisation vise : c) une infraction de terrorisme » 343 Art 186 (5.1) C.cr 344 Art 187 (1) C. cr

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visée par l’écoute, après un certain temps. En effet, la personne visée par

l’écoute téléphonique est informée de cette mesure postérieurement, par un

avis qui est donné par le procureur général de la province ou le ministre de la

Sécurité publique et de la Protection civile345. En principe, cet avis est délivré

« dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la période pour laquelle

l’autorisation a été donnée ou renouvelée »346.

Cependant, le procureur général ou le ministre peut demander au juge

de prolonger ce délai.347 Cette demande est accompagnée d’un affidavit

indiquant les faits justifiant la prolongation et le nombre de fois où une demande

de renouvellement a été faite348. Le juge de la cour supérieure décidera de

prolonger ce délai pour une période maximale de trois ans, s’il est convaincu

que l’enquête en cours ou toute autre enquête découlant d’un renseignement

obtenu « continue et que les intérêts de la justice justifient qu’il l’accepte ».349

En matière de terrorisme, les motifs pour accorder une telle prolongation ont été

modifiés. En effet, le juge décidera toujours de prolonger le délai initial pour une

période maximale de trois ans. Cependant, par dérogation au droit commun, le

juge accordera la prolongation dès lors qu’il est convaincu que l’autorisation

vise une infraction de terrorisme et que les intérêts de la justice justifient qu’il

accepte.350

Ainsi, en matière de terrorisme, le législateur permet aux policiers de

procéder à des interceptions de communications privées selon des conditions

plus souples que le droit commun et pour un délai plus long.

Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition.

Malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.

L’écoute téléphonique est une mesure attentatoire au droit à la vie privée qui

fait l’objet d’une double protection. D’une part, elle est protégée, à travers le

droit à la liberté, par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés351.

345 Art 196(1) C.cr 346 Ibid. 347 Art 196 (2) C.cr 348 Art 196 (4) C. cr 349 Art 196 (3) C.cr 350 Art 196 (5) c) C.cr 351 Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 65

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D’autre part, d’après la Cour suprême352, cette technique d’enquête constitue

une fouille, perquisition et saisie, et fait donc également l’objet d’une seconde

protection par l’article 8 de la Charte.

En matière de terrorisme, le législateur a fait le choix de faciliter le recours aux

écoutes téléphoniques, notamment en assouplissant les critères d’obtention du

mandat. En effet, en principe, il est nécessaire de démontrer la nécessité

d’avoir recours aux écoutes téléphoniques dans le cadre d’une enquête. Ainsi,

la demande d’autorisation doit indiquer que d’autres méthodes d’enquêtes ont

été évaluées et le juge doit le prendre en considération. Cette exigence a été

supprimée par la loi antiterroriste de 2001353. Or, la Cour suprême semble

considérer que le critère de nécessité est essentiel à l’obtention d’un mandat354.

Ainsi, l’écoute téléphonique, autorisée en vertu d’un mandat qui n’aurait pas

pris en considération cette exigence, semble abusive et partant contraire à

l’article 8 de la Charte Canadienne des droits et libertés.

Le législateur a également augmenté le délai de la mesure. Ce procédé ne

semble pas contraire en soi aux exigences constitutionnelles. Cependant, il

soulève des interrogations de la part des professionnels et de la doctrine. Ainsi,

dans l’arrêt R. c. Doiron355, l’avocat de la défense a affirmé « que cette période

d'un an permet que beaucoup d'autres personnes, inconnues au départ,

tombent sous le coup de la "clause résiduelle". Les écoutes autorisées

pourraient donc se métamorphoser, sans surveillance judiciaire, en une

multitude d'autres »

Enfin, le législateur a modifié les règles classiques relatives à l’avis de la

personne concernée par les écoutes téléphoniques. En matière de terrorisme, il

est prévu que le juge peut prolonger le délai d’avis pour une période maximale

de trois ans et selon des motifs moindres. La durée de la prolongation ne

semble pas en soi contraire aux exigences constitutionnelles puisqu’une même

durée est possible en droit commun. Cependant, les motifs d’octroi de la

prolongation sont moins exigeants et sont donc susceptibles d’être contraire à

la Charte canadienne.

352 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50 353 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41) 354 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par. 37 et 38 355 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no. 208 par. 62

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Comme il a été mentionné précédemment, il n’existe aucune décision en

matière d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de terrorisme. Mais, il

est possible de se référer aux décisions en matière de criminalité organisée

puisque dans ce domaine, le régime des écoutes téléphoniques est comparable

à celui du terrorisme. En effet, toutes les dérogations énumérées dans cette

partie s’appliquent également à « une infraction commise au profit ou sous la

direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle »356.

Dans le cadre de la criminalité organisée, plusieurs jugements ont admis la

validité constitutionnelle de ces dérogations. S’agissant du critère de nécessité,

la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a considéré qu’il pouvait être

supprimé sans pour autant être contraire à la Charte canadienne des droits et

libertés357. S’agissant de la durée de la mesure, la Cour du Banc de la Reine du

Nouveau-Brunswick, la Cour a également considéré que la disposition était

conforme aux exigences constitutionnelles358.

Finalement, malgré les critiques exposées, il est fort possible que les

dispositions en matière de terrorismes soient déclarées conformes à la Charte.

b. Les écoutes téléphoniques en droit français

Les écoutes téléphoniques, appelées ‘’interceptions de correspondance

émises par la voie des communications électroniques’’ existent également en

droit français et y sont définies comme des « opérations par lesquelles, sous

l’autorité et le contrôle d’un magistrat, sont captées, enregistrées et transcrites

les correspondances émises par la voie des télécommunications, lorsque les

nécessités d’une enquête ou d’une information l’exigent »359.

En principe, les écoutes téléphoniques et plus largement, toutes les

interceptions et captations de correspondances, sont prohibées360. Toutefois

des exceptions sont prévues par le législateur, permettant ainsi à un officier de

356 Art 185 (1.1) b) C.cr ; Art 186 (1.1) b) C.cr ; Art 186.1 b) C.cr et Art 196 (5) C. cr. Issu de la loi C-95 L.C. 1997, ch. 23 dite « loi anti-gang » 357 R. c. Pangman, [2000] CBR M.J. No. 300, par. 44 et R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 44, 45 et 61 358 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 64 359 Thierry Debard et Serge Guinchard (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 23ème ed., 2016. 360 Art 226-15 C. pén.

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police judiciaire de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes

téléphoniques.

b.1. Les écoutes judiciaires

Développées en l’absence de texte, les écoutes téléphoniques judiciaires

étaient, à l’origine, encadrées par la jurisprudence de la Cour de Cassation361.

Mais c’est à la suite d’une condamnation de la Cour européenne des droits de

l’homme362 que les écoutes judiciaires sont codifiées363. A ce titre, un certain

nombre de garanties sont prévues afin de concilier efficacité des investigations

et protection des libertés individuelles (ici le droit à la vie privée).

- Traditionnellement, les écoutes judiciaires ne peuvent être ordonnées

que par le juge d’instruction dans le cadre d’une information relative à un crime

ou un délit dont la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans

d’emprisonnement364. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son

contrôle. La décision d’interception est rendue par écrit, comporte un certain

nombre de mentions365 (identification de la ligne, infraction motivant l’écoute,

durée de la mesure) et est insusceptible de recours366.

La durée de la mesure est de quatre mois maximum367. Toutefois, elle peut être

renouvelée pour des périodes de quatre mois, dans la limite d’un an en droit

361 Dans l’arrêt Imbert, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a admis la validité de telles écoutes (Cass. Crim., 12 juin 1952, S. 1954, I, 69 Imbert). Puis, dans l’arrêt Tournet, la Chambre criminelle a apporté des précisions en conditionnant la validité de ces écoutes à plusieurs éléments et en les fondant sur des textes très larges dont l’article 81 al. 1 et l’article 151 C. proc. pén. (Crim. 9 octobre 1980 n° 80-93140 Tournet) 362 CEDH, Ch., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, req. n° 11801/85. 363 Par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques 364 Art 100 C. proc pén. S’agissant du monopole du juge d’instruction : Cass. Crim. 13 juin 1989 n° 89-81388 et 89-81709 Bull. crim. 1989 N° 254 p. 634 365 Art 100-1 C. proc. pén. 366 Art 100 C. proc. pén. Ceci est contesté par une partie de la doctrine. Ainsi Gilbert Roussel énonce « S’agissant d’une décision portant atteinte aux libertés individuelles et prise par un juge de premier degré, elle devrait, en bonne logique, pouvoir être contestée ». (Gildas Roussel, Procédure Pénale, Vuibert droit, 7ème éd. 2016, p. 305) En effet, selon la Cour de Cassation, l’intervention du juge judiciaire au moment de la prise de décision constitue une garantie suffisante. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme considère que cela revient à priver l’intéressé de tout recours, ce qui est contraire aux articles 8 et 13 de la Convention (CEDH, Cour (Chambre), 24 août 1998, Lambert c. France n° 23618/94 par. 43 et CEDH, Cour (Quatrième Section), 29 mars 2005, Matheron c. France, req n° 57752/00 par 44). 367 Art 100-2 C. proc pén.

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commun ou de deux ans en matière de criminalité organisée (dont le

terrorisme)368.

Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis peut requérir tout

agent qualifié en vue de procéder à l’installation du dispositif d’interception369.

L’exécution de la mesure est confiée à un officier de police judiciaire et un

agent de l’entreprise de télécommunication concernée. Le magistrat et l’officier

dressent un procès-verbal de chacune des opérations d’interception et

d’enregistrement en y indiquant la date et l’heure. Ils retranscrivent seulement

les conservations « utiles à la manifestation de la vérité »370. Les transcriptions

sont versées au dossier et les enregistrements sont ensuite placés sous scellés

fermés371. Une fois que la prescription de l’action publique a expiré, ces

enregistrements sont détruits à la diligence du procureur de la République ou

du procureur général372.

- Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le législateur a prévu des

règles dérogatoires de droit commun en admettant le recours à ces mesures

lors de l’enquête de flagrance et lors de l’enquête préliminaire. En effet, si les

nécessités de ces enquêtes relatives à une infraction de terrorisme l’exigent, le

juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la

République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de

correspondances privées373. Ces opérations sont effectuées sous le contrôle du

juge des libertés et de la détention. La décision d’interception doit présenter les

mêmes caractéristiques que celles énoncées pour l’instruction mais elle n’a pas

à être motivée374.

La durée de la mesure est d’un mois maximum mais peut être renouvelé une

fois dans les mêmes conditions de forme et de durée375.

Les attributions confiées lors de l’instruction au juge de l’instruction ou à

l’officier de police commis par lui, sont ici exercées par le procureur de la

368 Ibid. 369 Art 100-3 C. proc. pén. 370 Art 100- 5 C. proc pén. 371 Art 100-4 C. proc. pén. 372 Art 100-6 C. proc. pén 373 Art 706-95 al 1 C. proc. pén. 374 Cass. Crim. 27 septembre 2011 n°11-81458 375 Ibid

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République ou l’officier de police judiciaire requis par lui376. Le juge des libertés

et de la détention ayant autorisé l’interception est informé, sans délai, par le

procureur de la République des actes accomplis377.

***

Ainsi, dans un souci d’efficacité, le législateur a considérablement élargi le

régime des écoutes téléphoniques en matière de terrorisme puisqu’elles

peuvent désormais être accomplies lors de l’enquête de flagrance et de

l’enquête préliminaire contrairement au droit commun.

Toutefois, afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et le

droit à la vie privée, le législateur conditionne et encadre la mise en œuvre de

ces mesures. D’une part, la durée de ces écoutes est relativement courte, bien

inférieure aux durées lors de l’instruction. D’autre part, ces mesures ne peuvent

être effectuées qu’avec l’accord du juge des libertés et de la détention,

magistrat du siège et garant de la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel

a estimé que le régime des écoutes téléphoniques en matière de terrorisme

était entouré de garanties suffisantes et donc, conforme aux exigences

constitutionnelles378. De même, très tôt, la Cour européenne des droits de

l’homme a admis que la lutte contre le terrorisme justifiait le recours à des

méthodes spécifiques telles que les écoutes téléphoniques dans la mesure où

« les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours (…) par le

terrorisme, de sorte que l’Etat doit être capable, pour combattre efficacement

ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son

territoire »379.

Il existe également un régime spécifique en matière d’interceptions de

correspondances électroniques. A l’origine, la Chambre criminelle de la Cour de

cassation avait considéré que ces correspondances électroniques ne pouvaient

376 Art 706-95 al 2 C. proc. pén 377 Bien que le juge d’instruction doive être informé sans délai des actes accomplis, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis qu’un retard de trois jours était acceptable (Cass. Crim. 23 mai 2006 Bull. crim. n°139 ; D. 2006. 2836) 378 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 [Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité] où le Conseil Constitutionnel estime que « les dispositions (…) ne portent une atteinte excessive ni au secret de la vie privée ni à aucun autre principe constitutionnel » (consid. 61) 379 CEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71 par. 48

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faire l’objet d’une interception mais seulement d’une perquisition dont le régime

obéit à des règles plus strictes380.

En matière de terrorisme, le législateur permet désormais d’intercepter les

correspondances électroniques381. Ainsi, si les nécessités de l’enquête

l’exigent, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction en cas

d’information, peut autoriser par ordonnance motivée l’accès et la saisie, à

distance et à l’insu de la personne visée, des correspondances stockées par la

voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant

informatique.

b.2. Les écoutes administratives

Comme pour les écoutes judiciaires, les écoutes administratives ont été

réglementées, à la suite de la condamnation par la Cour européenne des droits

de l’homme382, par une loi du 10 juillet 1991383.

Les écoutes dites administratives appelées également ‘’interceptions de

sécurité’’ sont prescrites par le Premier ministre pour la sauvegarde d’un

impératif d’intérêt national. En effet, les services spécialisés de renseignement

peuvent recourir à des interceptions de sécurité pour « le recueil des

renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts

fondamentaux de la Nation » dont notamment la prévention du terrorisme384.

Elles sont réglementées par le Code de la sécurité intérieure.

- Les écoutes administratives sont autorisées par le Premier ministre sur

demande écrite et motivée des Ministres en charge de la défense, de l’intérieur,

de la justice, de l’économie, du budget ou des douanes385 (ou de l’une des

personnes que chacun d’eux a désignées). Cette demande doit préciser un

certain nombre d’élément (nombre d’éléments techniques à mettre en œuvre,

service pour lequel elle est présentée, finalités poursuivies, motifs des mesures,

380 Cass. Crim 8 juillet 2015 n°14-88.457 381 Art 706-95-1 C proc. pén. (pour l’enquête de flagrance et préliminaire) et Art 706-95-2 C proc. pén (pour l’instruction) 382 Cf. Note n°360 383 Cf. Note n°361. 384 Art L811-3 C séc. int. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 12) 385 Art L821-2 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 22)

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durée de l’autorisation, les personnes et lieux concernés)386. L’autorisation est

délivrée par le Premier Ministre, après avis de la Commission nationale de

contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)387. L’autorisation doit être

accordée par une décision écrite, motivée et comportant les mêmes mentions

que la demande. Si l’autorisation est délivrée après un avis défavorable de la

CNCTR, elle doit indiquer en plus les motifs pour lesquels cet avis n’a pas été

suivi. Elle est valable pour quatre mois maximum renouvelable dans les mêmes

conditions de forme et de durée388.

- Ces écoutes ne peuvent être mises en œuvre que par des agents

individuellement désignés et habilités389. Elles sont mises en œuvre sous

l’autorité du Premier Ministre, dans les conditions qu’il a définies390. Un relevé

de chaque écoute est établi391. Parmi les correspondances interceptées, seuls

les renseignements en relation avec l’intérêt public sont transcrits. Ces

transcriptions seront détruites dès que leur conservation n’est plus

nécessaire392.

- La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements

(CNCTR)393 est une autorité administrative indépendante qui a pour mission de

contrôler la légalité de ces écoutes administratives394. Elle est composée de

neuf membres395. La demande d’écoutes téléphoniques est communiquée à

cette Commission (sauf en cas d’urgence d’absolue396) qui rend un avis dans

un délai de soixante-douze heures maximum397. Toute personne qui pense faire

386 Ibid 387 Ibid 388 Art L824-1 C séc. int 389 Art L821-1 C séc. int 390 Art L822-1 C séc. int 391 Arts L822-1 et L822-2 C séc. int : Il mentionne dates, heures ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition de la commission. Il est détruit à l’issue d’une durée de trente jours à compter de son recueil. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 39) 392 Art L822-3 C séc. int 393 Elle remplace la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement) 394 Art L833-1 C séc. int 395 Art L831-1 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 44) 396 Art L821-5 C séc. int. Dans le cadre de la prévention du terrorisme et en cas d’urgence absolue, le Premier Ministre peut délivrer de manière exceptionnelle une autorisation sans avis préalable de la CNCTR. Il en informe celle-ci par sans délai et par tout moyen. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 26) 397 Art L821-3 C séc. int. Lorsque la demande est examinée par le Président de la Commission ou l’un de ses membres, l’avis est rendu dans un délai de vingt-quatre heures. Cependant, si la

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l’objet d’une écoute téléphonique administrative peut la saisir. Elle vérifiera

alors si une écoute est en cours et demandera son interruption si elle n’est pas

conforme aux prescriptions légales. Elle informera le demandeur que les

vérifications nécessaires ont été effectuées, sans confirmer ni infirmer la mise

en œuvre de l’écoute398.

- Le Conseil d’Etat se voit confier un contrôle juridictionnel. Il est

compétent pour connaitre des requêtes concernant la mise en œuvre des

interceptions de sécurité. Il peut être saisi par toute personne souhaitant vérifier

qu’aucune interception de sécurité n’est irrégulièrement mise en œuvre à son

égard et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure devant la

CNCTR. Il peut être également saisi par cette dernière soit lorsque le Premier

ministre ne donne pas suite aux avis de la commission soit lorsque les suites

qui y sont données sont estimées insuffisantes399. Il statue dans le délai d'un

mois à compter de sa saisine.

Les écoutes administratives sont certainement nécessaires afin de lutter

contre le terrorisme400. Toutefois, est ce que les garanties sont réellement

suffisantes au regard des droits fondamentaux des citoyens ? Il est possible

d’en douter401.

Pourtant, le Conseil Constitutionnel a validé les interceptions de

sécurité.402

demande est examinée par la formation restreinte ou la formation plénière de la Commission alors l’avis est rendu dans un délai de soixante-douze heures. 398 Art L833-4 C séc. int 399 Arts L841-1 et L833-8 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 49) 400 Durant l’année 2015/2016, la CNCTR a rendu 8538 avis sur des demandes d’interceptions de sécurité. 43% des demandes ont été motivées par la prévention du terrorisme. Dans un contexte fortement marqué par la menace terroriste, la CNCTR constate une importante augmentation des demandes par rapport aux années précédentes. Voir en ce sens : 1er Rapport d’activité 2015/2016 Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement p.68, 69 et 70. 401 D’une part, il est possible de déplorer l’absence du juge judiciaire pourtant garant de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution. D’autre part, la Commission ne dispose que d’une simple possibilité de recommandation et non d’un réel pouvoir de contrainte à l’encontre du Premier Ministre qui autorise les écoutes. 402 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015

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3. L’audience d’investigation : une spécificité canadienne

L’audience d’investigation est une mesure créée spécialement par la loi

antiterroriste de 2001403 pour lutter contre le phénomène. Elle ne peut donc être

utilisée que dans ce cadre. Selon la Cour suprême du Canada, « Bien que le

processus d’investigation judiciaire s’apparente [à d’autres mesures existantes],

la disposition représente, dans son ensemble, une nouveauté dans le paysage

juridique canadien »404.

Cette mesure consiste à contraindre un individu à se soumettre à un

interrogatoire, dans le cadre d’une enquête relative à une infraction de

terrorisme. Elle a pour but de faciliter la recherche de renseignements en la

matière.

a. La demande de collecte de renseignements

L’investigation dans le cadre d’une comparution, appelée également

‘’audience d’investigation’’, ne peut s’effectuer qu’avec l’autorisation d’un juge

(de la cour provinciale ou de la cour supérieure). Ainsi, dans le cadre d’une

infraction de terrorisme, l’agent de la paix peut présenter une requête au juge

afin qu’il rende une ordonnance autorisant la recherche de renseignements405.

Cette demande ne peut être présentée qu’avec le consentement préalable du

Procureur général406.

Le juge saisi de la demande peut rendre une telle ordonnance s’il est

convaincu de l’existence de l’une des deux situations décrites par l’article 83.28

(4) du Code Criminel :

- La première situation est celle dans laquelle une infraction a été

commise. Le juge pourra rendre une ordonnance autorisant la recherche de

renseignements à deux conditions. D’une part, il doit exister des motifs

raisonnables de croire qu’une infraction de terrorisme a été commise. D’autre

part, il doit exister des motifs raisonnables de croire que des renseignements

403 Art 83.28 C cr. Issu de la loi antiterroriste C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch.41) 404 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 33) 405 Art 83.28 (2) C cr. 406 Art 83.28 (3) C cr.

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relatifs à l’infraction reprochée ou concernant le lieu où se trouve l’individu

soupçonné d’un tel acte, sont susceptibles d’être obtenus.

- La seconde situation est celle dans laquelle aucune infraction n’a été

commise mais elle est redoutée. Le juge pourra rendre une ordonnance

autorisant la recherche de renseignements à trois conditions. Tout d’abord, il

doit exister des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de terrorisme va

être commise. Ensuite, il doit exister des motifs raisonnables de croire qu’une

personne possède des renseignements directs et pertinents relatif à l’infraction

ou de nature à révéler le lieu où se trouve l’individu soupçonné d’un tel acte.

Enfin, des efforts raisonnables doivent avoir été déployés pour obtenir ces

renseignements.

A l’issue de l’examen, le juge peut rendre une ordonnance autorisant la

recherche de renseignements. A ce titre, il peut exiger d’interroger la personne

désignée mais aussi ordonner un certains nombres d’éléments407. Le juge peut

ainsi enjoindre cette personne de se présenter au lieu fixé pour l’interrogatoire

et d’y demeurer jusqu’à ce qu’elle soit libérée. Il peut également lui ordonner

d’apporter tout bien qu’il possède. Enfin, il peut désigner un autre juge pour

présider l’interrogatoire et fixer les modalités qu’il estime indiquées.

Cette ordonnance peut être exécutée en tout lieu au Canada408 et être modifiée

par le juge rendant l’ordonnance ou tout autre juge de la même cour, à tout

moment409. Selon la Cour suprême, « Grâce à l’inclusion de ce pouvoir général

de modifier l’ordonnance, le juge (…) dispose, dans chaque cas, de la latitude

nécessaire pour tenir compte du contexte particulier dans lequel s’applique la

disposition et pour assurer le respect des droits et des valeurs reconnus par la

Constitution et la Common-Law. »410

b. L’audience d’investigation

La personne visée par l’ordonnance est tenue de venir témoigner. A défaut,

elle pourra faire l’objet d’un mandat d’arrestation.

407 Art 83.28 (5) C cr. 408 Art 83.28 (6) C cr. 409 Art 83.28 (7) C cr. 410 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 48)

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En effet, le juge qui a rendu l’ordonnance ou tout autre juge du même tribunal

peut délivrer un mandat autorisant l’arrestation de la personne visée par

l’ordonnance dans trois cas : s’il est convaincu qu’elle se soustrait à la

signification de l’ordonnance, qu’elle est sur le point de s’esquiver ou qu’elle ne

s’est pas présentée en conformité avec l’ordonnance. Ainsi l’individu pourra

faire l’objet d’une arrestation s’il ne se présente pas ou s’il ne respecte les

modalités de présentation prescrites par l’ordonnance. L’agent de la paix qui

exécutera ce mandat conduira l’individu devant le juge qui a délivré le mandat

ou un autre juge du même tribunal. Afin de faciliter l’exécution de l’ordonnance,

ce dernier pourra ordonner la mise sous garde ou le libérer sur engagement411

La personne désignée est donc tenue de comparaitre. Durant

l’interrogatoire, elle doit répondre aux questions qui lui sont posées et remettre

les choses exigées par l’ordonnance, le cas échéant412. Si le juge présidant

l’interrogatoire est convaincu que la chose remise est susceptible d’être utile à

l’enquête relative à une infraction de terrorisme, il peut ordonner sa mise sous

garde413. Ainsi, cette procédure déroge aux pouvoirs traditionnels des juges

dans un système accusatoire. En effet, ici, le juge va véritablement participer à

l’enquête en ayant un rôle actif dans la recherche de la vérité414.

L’individu peut refuser d’obtempérer seulement dans la mesure où « le

fait de répondre aux questions ou de remettre une chose irait à l’encontre du

droit applicable en matière de privilèges ou de communication de

renseignements protégés ». Outre cette hypothèse, la personne amenée à

témoigner ne peut pas refuser de répondre aux questions posées ou refuser de

remettre un bien demandé et ce même s’il y a une possibilité que cela

l’incrimine, l’expose à des procédures ou pénalités. Ceci est donc

particulièrement attentatoire au droit au silence et à la protection contre l’auto-

411 Arts 83.29 (1) (2) et (3) C cr. 412 Art 83.28 (8) C cr. 413 Art 83.28 (12) C cr. 414 L’audience d’investigation est ainsi une mesure relevant davantage d’une procédure inquisitoire. Voir en ce sens : Association Canadienne des Professeures et Professeurs d’Université. Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste. 28 février 2005 p. 33

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incrimination415; droits qui ont été reconnus comme des principes de justice

fondamentale par la Cour suprême416

Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme avec ces

principes fondamentaux, le législateur canadien a tout de même prévu des

garanties pour l’individu interrogé. Tout d’abord, des immunités relatives aux

déclarations qui pourraient incriminer l’individu ont été prévues. Ainsi, la

réponse donnée ou la chose remise ne pourra pas être utilisée contre lui dans

le cadre de poursuites criminelles. De même, pour les preuves découlant de

l’investigation417. Ensuite, bien qu’il ne bénéficie pas de l’ensemble des droits

accordés par l’article 10 de la Charte Canadienne des droits et libertés,

l’individu a le droit d’être assisté par un avocat durant cet interrogatoire418.

Dans un but de lutter efficacement contre le terrorisme, le législateur

canadien a introduit cette nouvelle mesure permettant d’obliger une personne à

témoigner et ce même si elle risque de s’auto-incriminer. Face à l’atteinte au

droit au silence et à la protection contre l’auto-incrimination, il est possible de

s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle mesure.

415 Voir en ce sens : Roach Kent, « The danger of a Charter-Proof and Crime-Based Response to Terrorism », in. Ronald J. Daniels (dir.), Patrick Macklem (dir.), Kent Roach (dir.), The security of freedom: essays on Canada’s anti-terrorism bill, Toronto, University of Toronto Press, 2001, (p. 136) et Roach Kent, September 11’ : Consequences for Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 (p. 50) où il dénonce notamment l’érosion du droit au silence Egalement : Pierre Robert, « Détruire la démocratie au motif de la défendre - L'arsenal de la loi antiterroriste: nécessité ou prétexte? », Lettre ouverte préparée au nom de la Fédération québécoise des professeurs et professeurs d’Université, 2001. 416 Pour le droit au silence : Thomson Newspapers Ltd c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 (par. 173) et pour le droit de ne pas s’incriminer : R. c. R.J.S., [1995] 1 R.C.S. 451 (par. 95) 417 Art 83.28 (10) C cr. 418 Art 83.28 (11) C cr. Malgré qu’elle soit obligée de témoigner, la personne est considérée comme une personne libre donc elle ne peut bénéficier des droits garantis par l’article 10 de la Charte canadienne réservés à la personne arrêtée ou détenue. Ainsi cette protection accordée à la personne qui fait l’objet d’une procédure d’investigation n’est pas constitutionnellement obligatoire. Cependant une partie de la doctrine s’interroge sur la pertinence d’un tel droit « The lawyer, however, may often only inform the client that he or she is legally obliged to talk and remain in attendance until excused by the presiding judge or that he or she may even face prosecution under s. 127 of the Criminal Code or contempt of court for refusing to obey a court order for the gatering of evidence » Voir en ce sens : Roach Kent, « The danger of a Charter-Proof and Crime-Based Response to Terrorism », in Ronald J. Daniels (dir.), Patrick Macklem (dir.), Kent Roach (dir.), The security of freedom: essays on Canada.’s anti-terrorism bill, Toronto, University of Toronto Press, 2001. (p.136). Le droit à l’assistance de l’avocat a été instauré principalement pour permettre à l’individu de bénéficier de conseils et pour le protéger contre les risques d’auto-incrimination (R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190.). Mais ici, la personne amenée à témoigner ne peut pas refuser de répondre aux questions. L’assistance de l’avocat est donc extrêmement limitée.

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L’investigation dans le cadre d’une comparution est la seule mesure

antiterroriste à avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. La Cour

suprême, dans un arrêt Demande fondée sur l’article 83.28 du Code criminel

(Re), rendu dans le cadre de l’affaire Air India, a considéré que cette disposition

était conforme aux exigences constitutionnelles. Tout d’abord, la Cour suprême

a considéré que cette disposition ne portait pas atteinte au droit de garder le

silence et à la protection contre l’auto-incrimination car le législateur prévoyait

en contrepartie de l’obligation de témoigner, des immunités419. Ces immunités

empêchent que le témoignage ou le document incriminant qu’un individu a été

contraint de donner soit utilisé contre lui. Elles permettent ainsi de sauvegarder

la constitutionnalité de la disposition. Ensuite, la majorité des juges ont conclu

que la disposition n’allait pas à l’encontre des principes d’indépendance et

d’impartialité judiciaires420. Le juge Lebel et le juge Fish sont dissidents sur ce

point et considèrent que « les juges sont de fait amenés à présider des

enquêtes policières, qui relèvent de l’exercice du pouvoir exécutif, [cela] ne peut

qu’entraîner chez la personne raisonnable une perception que les juges sont

devenus alliés du pouvoir exécutif »421

A noter le projet de loi antiterroriste C-59 déposé par le gouvernement

canadien le 20 juin 2017422 propose d’abroger purement et simplement les

articles 83.28 à 83.29 du Code criminel relatifs aux audiences d’investigations.

419 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 69 à 73) 420 Le principe d’indépendance judiciaire a été reconnu comme un principe de justice fondamentale par la Cour suprême. L’indépendance judiciaire comprend « l'indépendance individuelle d'un juge, qui se manifeste dans certains de ses attributs, telle l'inamovibilité, et l’indépendance institutionnelle de la cour ou du tribunal qu'il préside, qui ressort de ses rapports institutionnels ou administratifs avec les organes exécutif et législatif du gouvernement » Voir en ce sens : R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673, (par. 20). Dans ce jugement, la Cour suprême du Canada a jugé que le principe d’indépendance judiciaire dans son ensemble était respecté 421 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 180). Les juges dissidents considèrent que le principe d’indépendance institutionnelle n’est pas totalement respecté. 422 Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.

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106

***

Les législateurs nationaux ont également aménagé les règles classiques

applicables lors de la phase de jugement du terroriste. Comme le soulignent,

Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch : « Juger le terrorisme tout en

respectant les principes et garanties de l’Etat de droit est, plus que jamais,

devenu un défi pour le monde juridique et les sociétés démocratiques »423

Durant cette étape primordiale, un aménagement des règles est prévu mais il

est toutefois plus limité en raison du statut de l’accusé. En effet, au stade du

jugement, le rapport de force est différent de celui durant l’enquête puisque

l’auteur présumé de l’acte terrorisme est placé sous le contrôle des autorités,

les dérogations aux droits et libertés fondamentaux sont donc plus difficile à

justifier.

L’impératif de lutte contre le terrorisme a un impact évident sur les règles

applicables au procès pénal. D’une part, certains Etats tendent de déroger aux

règles classiques de compétence, aussi bien nationale avec l’instauration de

juridictions spécialisées qu’internationale avec l’instauration d’exceptions au

principe traditionnel de territorialité. D’autre part, tous s’accordent qu’à une

criminalité exceptionnelle répond une sévérité exceptionnelle, notamment sur le

plan des sanctions. Ainsi la France comme le Canada ont instauré un

mécanisme de majoration systématique de la peine par rapport au droit

commun. Alors que la France admet depuis peu la perpétuité réelle, le Canada

semble lui souscrire, dans certains cas, au cumul de peines, sur la base du

modèle américain. Toutefois, afin de prévenir les actes de terrorisme, un

système de repentis est instauré par les deux modèles.

423 Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch (dir.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009, quatrième de couverture.

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Conclusion

_______________________________________________________________

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite

ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux »424 Benjamin Franklin

Le terrorisme fait partie des sujets soulevant d’importantes

interrogations et ce à juste titre. La France et le Canada sont construits sur des

valeurs démocratiques communes mais ne répondent pas exactement de

la même manière au phénomène terroriste. En ce sens, l’analyse comparée

des législations est particulièrement intéressante.

Au nom de la lutte contre le terrorisme, les législateurs nationaux ont été

contraints de renforcer leurs arsenaux. Les dispositifs antiterroristes français et

canadien sont des régimes dérogatoires au droit commun. Deux étapes sont

particulièrement propices à leurs actions. D’une part, le droit substantiel est

modifié avec un élargissement de la notion de terrorisme. D’autre part, le droit

procédural est bouleversé avec l’aménagement des règles classiques

applicables lors de l’enquête et lors du jugement. Comparativement, le dispositif

canadien pour combattre le terrorisme est moins sévère que le français mais

cela s’explique toutefois par le contexte profondément différent.

Les législations française et canadienne constituent toutes deux une

atteinte exceptionnelle aux droits fondamentaux. En effet, ces Etats ont recours

à des techniques limitant voire supprimant les droits fondamentaux pour mieux

lutter contre la menace terroriste et ainsi garantir la sécurité des citoyens.

Afin de concilier l’équilibre fragile entre sécurité et liberté, les juges

constitutionnels, gardiens de cette conciliation, vont jouer un rôle essentiel en

contrôlant la constitutionnalité des législations adoptées en la matière. Ils vont

424 La citation originelle serait « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité » - Lettre écrite par Benjamin Franklin au nom de l’Assemblée de Pennsylvanie à l’attention du gouverneur colonial, 1755. Retranscrit dans An Historical Review of the Constitution and Government of Pennsylvania (1759) et dans Mémoirs of the life and writings of Benjamin Franklin (1818).

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ainsi veiller à ce que les normes adoptées dans le cadre de la lutte contre le

terrorisme respectent les exigences d’un Etat de droit. L’analyse de ces

contrôles révèle l’existence d’un contrôle adapté au phénomène. En raison des

spécificités du terrorisme, les juges semblent admettre une « présomption de

conformité de la loi [antiterroriste] à la Constitution qui (…) n’est renversée

qu’au cas où la mesure prise dépasse manifestement ce qui serait nécessaire à

la poursuite des objectifs d’intérêt général qu’il recherche »425. « On a presque

l’impression que le but est jugé tellement important que seuls certaines

restrictions très excessives et l’absence de garanties seront censurées »426.

Ainsi, ils admettent une restriction plus importante aux droits fondamentaux

qu’ordinairement, tout en s’assurant de l’existence de garanties minimales. Le

contrôle de constitutionnalité est ainsi modelé mais néanmoins préservé par les

juges qui maintiennent la réaction législative dans les limites de l’Etat de droit.

Perspective d’évolution : des chemins différents.

La France dispose déjà de l’arsenal législatif le plus important en Europe.

Mais face à la menace terroriste devenue permanente, elle ne cesse de

renforcer sa législation pénale. Si bien qu’aujourd’hui, au regard des décisions

du Conseil constitutionnel et des législations adoptées, il semble que les limites

du droit pénal en matière de terrorisme soient atteintes. Partant, la réponse au

phénomène se diversifie. En effet, il se développe une réponse de plus en plus

administrative, comme en atteste le nouveau projet de loi antiterroriste427,

préparant la sortie de l’état d’urgence. Ce projet de loi soulève, à juste titre, de

vives inquiétudes tant de la part des professionnels que de la doctrine. En effet,

la loi créerait un système parallèle avec la mise en place de mesures

attentatoires aux droits fondamentaux sans intervention du juge judiciaire,

425 Thierry S. Renoux, Michel de Villiers et Xavier Magnon, Code constitutionnel commenté, LexisNexis, 2016 426 Constance Grewe et Renée Koering-Joulin. « De la légalité de l’infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes » in Mélanges G. Cohen-Jonathan, Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p.915 427 Le projet de la loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 juin 2017 par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur. La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 28 juin 2017. Le projet de la loi a été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 18 juillet 2017. Il devrait être présenté à l’Assemblée Nationale en octobre 2017. (Voir en ce sens : Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017)

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pourtant garant de la liberté individuelle en vertu de la Constitution428. Pour

reprendre la pensée de Jean-Louis Gillet, Philippe Chaudon et Wanda Mastor

« il (…) semble que c’est au juge [judiciaire] qu’il appartient de vérifier le degré

des atteintes portées aux droits fondamentaux dans le contexte de la lutte

contre le terrorisme. Peu importe finalement l’arsenal législatif qui ne sera, de

toute façon, jamais satisfaisant. Celui-ci peut difficilement prétendre à la

perfection. Il appartient à l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle,

de veiller à ce que les limitations, rendues nécessaires pour la poursuite d’un

objectif louable, n’aboutissent à vider totalement un droit de sa substance »429.

Comme le souligne très justement Julie Alix « Face à tous ces dispositifs

extrapénaux, le droit pénal, même dérogatoire est la réponse la plus admissible

apportée au terrorisme dans une démocratie »430

Alors que la France renforce plus encore son dispositif de lutte contre le

terrorisme, le gouvernement canadien fait le choix d’un assouplissement de sa

législation antiterroriste avec le dépôt du projet de loi antiterroriste C-59431. Ce

choix est justifié par plusieurs éléments. D’une part, la majorité de la doctrine

considérait jusqu’à présent que la loi antiterroriste n’était pas nécessaire au

Canada432. « L’adoption de mesures d’exception qui heurtent nécessairement

les libertés démocratiques exige politiquement et juridiquement d’être justifiée

par la démonstration d’un état de nécessité. L’ampleur des moyens doit aussi

être proportionnée à la réalité et à la durée de la menace appréhendée. Dans le

cas [de la loi antiterroriste] ces exigences élémentaires de l’Etat de droit ne sont

428 Art 66 Const. 429 Jean-Louis Gillet, Philippe Chaudon et Wanda Mastor. « Terrorisme et liberté ». Constitutions 2012. 403. 430 Julie Alix, Terrorisme et droit pénal : études critiques des incriminations terroristes. Nouvelles bibliothèques de Thèse Dalloz 2010 p.6 431 Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017. 432 Kent Roach soutenait ainsi que les mécanismes pénaux existant avant l’entrée en vigueur des lois antiterroristes étaient suffisants pour lutter contre le phénomène : « The New-Terrorism Offences and the Criminal Law » in Ron Daniels et al, eds, The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-terrorism Bill, University of Toronto Press, 2001 --- Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005 --- Association du Barreau canadien, Mémoire à propos du projet de loi C-36 Loi antiterroriste, octobre 2001 p. 8. Dans un sens contraire : David Paciocco « Constitutional Casualties of September 11 : Limiting the Legacy of the Anti-Terrorism act » 2002 Volume 16 S.C.L.R (2d), art. 7 qui considère que certains changements étaient nécessaires face à la menace terroriste.

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tout simplement pas satisfaites »433. D’autre part, cette volonté semble être

confirmée par la rareté des actions terroristes commises sur le territoire

canadien434. Ainsi, ce sont des voies littéralement opposées que le Canada et

la France s’apprêtent à emprunter.

L’étude comparée des législations française et canadienne en matière de

terrorisme illustre la capacité du phénomène à déplacer l’équilibre traditionnel

de la conciliation entre la sécurité et la liberté, tant au plan législatif que

juridictionnel.

433 Pierre Robert « Détruire la démocratie au motif de la défendre - L'arsenal de la loi antiterroriste: nécessité ou prétexte? », Lettre ouverte préparée au nom de la Fédération québécoise des professeurs et professeurs d’Université, 2001. 434 Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada : Depuis 2002, 20 personnes ont été reconnues coupables d’infractions de terrorisme et 21 personnes accusées sont en attente d’un procès ou visées par un mandat d’arrestation

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Renard Murielle, Les infractions de terrorisme contemporain au regard du droit pénal, Université de Paris I – Doctorat Droit, 1996

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IV. LEGISLATIONS A. Nationales

1. France

Code pénal

Code de la sécurité intérieure

Code de procédure pénale

Code des relations entre le public et l’Administration

Constitution

Circulaire CRIM 86-21F1, 10 octobre 1986, BOMJ, n°24

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Décret n° 2011-1520 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme

Décret n° 2012-476 du 13 avril 2012 abrogeant le décret du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme

Loi du 28 juillet 1894 dite Scélérate tendant à réprimer les menées anarchistes

Loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers [Abrogée 2004]

Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme

Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques

Loi n°92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique.

Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur

Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale

Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale

Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédures pénales

Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire

Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme

Loi n° 97-1273 du 29 décembre 1997 tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme

Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes

Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne

Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

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124

Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers

Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale

Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue

Loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme

Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement

Loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement

Loi n°2016-987du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et renforçant la lutte antiterroriste.

Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

Ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France

Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017

2. Canada

Charte canadienne des droits et libertés

Code criminel

Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41)

Loi C-51 du 18 juin 2015 (L.C. 2015, ch. 20)

Loi C-95 L.C. 1997, ch. 23 dite « loi anti-gang »

Loi protégeant Canada contre les terroristes (L.C. 2015, ch. 9)

Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. 1-2 [Aborgée, 2001]

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Loi sur la lutte contre le terrorisme (L.C. 2013, ch. 9)

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125

Loi sur la prévention des voyages de terroristes (L.C. 2015, ch. 36, art. 42)

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (L.R.C. (1985), ch. C-23)

Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens (L.C. 2012, ch. 1, art. 2),

Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.

3. Angleterre

Royaume Uni, Terrorism Act (2000)

B. Internationales et Régionales 1. Internationales

Charte des Nations-Unies

Déclaration universelle des droits de l'Homme

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Convention pour la prévention et la répression du terrorisme adoptée par la Société des Nations à Genève le 16 novembre 1937

Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14 septembre 1963 (et son protocole du 14 avril 2014)

Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 décembre 1970

Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile du 23 septembre 1971 (et son protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile)

Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale du 14 décembre 1973

Convention internationale contre les prises d’otages du 17 décembre 1979

Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (et son amendement du 8 juillet 2005)

Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime du 10 mars 1988 (et son protocole du 14 octobre 2005)

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Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection du 1er mars 1991

Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997

Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme 9 décembre 1999 (résolution A/RES/54/109)

Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005

Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale du 10 septembre 2010 (et son protocole de la même date)

Projet de Convention générale sur le terrorisme international des Nations Unies issu du rapport du groupe de travail présidé par M. Rohan Perera « Mesures visant à éliminer le terrorisme international », 2002

Résolution, Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1985, A/RES/40/61

Résolution, Assemblée générale des Nations-Unies, 17 décembre 1996, 51ème session, A/RES/51/210

Résolution, Assemblée générale des Nations-Unies, 17 février 1995, 49ème session, A/RES/49/60

Résolution 1373 (2001), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 28 septembre 2001, 4385ème séance, S/RES/1373 (2001)

Résolution 1566 (2004), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 8 octobre 2004, 5053ème séance, S/RES/1566 (2004)

Résolution 2178 (2014), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 24 septembre 2014, 7272ème séance, S/RES/2178 (2014)

Résolution 2368 (2017), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 20 juillet 2017, 8007ème séance, S/RES/2368 (2017)

2. Régionales a. Europe

(Union Européenne)

Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme

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Décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme

Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil.

Position commune du Conseil européen du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC)

Traité de l’Union européenne

(Conseil de l’Europe)

Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales

Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 STE n°24

Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 STE n°090

Convention européenne pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005 STCE n°196

Recommandation 1426 (1999) Démocraties européennes face au terrorisme

b. Autres

Convention de la Ligue des Etats arabe sur le terrorisme du 22 avril 1998

Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999

Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme du 14 juillet 1999

Convention de l’Organisation des Etats américains pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions internationales du 2 février 1971

V. DOCUMENTS GOUVERNEMENTAUX et NON GOUVERNEMENTAUX A. Nationaux

1. France

Centre de Recherches et d'Etudes sur les Droits Fondamentaux (CREDOF) en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, Tables rondes « La place des

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128

libertés face à la lutte contre le terrorisme », Section universitaire Nanterre, 18 juin 2015

Commission nationale consultative des droits de l’Homme sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, avis du 17 mars 2016

Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, Premier rapport d’activité 2015/2016

Conseil d’Etat, avis du 6 juillet 2016, n°398234, 399135.

Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur le programme du gouvernement, à l’Assemblée nationale le 9 avril 1986 via discours.vie-publique.fr

Défenseur des droits, avis n°16-08 du 16 mars 2016

JO déb. Ass. Nat. 1ère séance 7 octobre 1991 n°70

JO déb. Ass. Nat. 2ème séance 20 décembre 1995

Ligue des droits de l’homme, avis sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, juillet 2017.

Sénat, Document de travail, Série Législation comparée, LC n°204, décembre 2009

Sénat, Rapport Bonnet, n°381 annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1993

Sénat, Rapport Mercier, Lutte contre le crime organisé et le terrorisme, n°491, 23 mars 2016

Syndicat de la Magistrature, Rapport « Décryptage du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure », 9 juin 2017.

2. Canada

Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste », février 2007

Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005

Association du Barreau canadien, Mémoire à propos du projet de loi C-36 Loi antiterroriste, octobre 2001.

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129

Cour suprême du Canada, Lutter contre le terrorisme tout en préservant nos libertés civiles, Allocution prononcée par la très honorable Beverley McLachlin, C.P. Juge en chef du Canada 22 septembre 2009.

Gouvernement du Canada, Rapport « Renforcer la résilience face au terrorisme : stratégie antiterroriste du Canada », 2013

Ligue des droits et libertés, Rapport « Le projet de loi C-36 : une atteinte injustifiée et démesurée aux libertés civiles : un bref aperçu de la portée des principales dispositions du projet de loi antiterroriste », novembre 2001.

Ligue des droits et libertés, Rapport « La Loi antiterroriste de 2001 : une loi trompeuse, inutile et … dangereuse », 9 mai 2005.

Ministère de la Justice, Division de la recherche et de la statistique « La loi antiterroriste et ses effets : point de vue d’universitaires canadiens », 2004

Sécurité publique Canada, « Rapport public de 2016 sur la Menace terroriste pour le Canada », 2016

Sénat, Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme, Rapport intérimaire « Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l’avenir », mars 2011

B. Internationaux et Européens

Académie de droit international de la Haye « Les aspects juridiques du terrorisme international », Bilan des recherches, Martinus Nijhoff Publishers, 1988.

Amnistie Internationale, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007

Amnistie Internationale, « Insécurité et droits humains : Préoccupations et recommandations à l’égard du projet de loi C-51 : la loi antiterroriste 2015 », 9 mars 2015.

Conseil européen extraordinaire, Conclusions et plan d’action, 21 septembre 2001

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, Rapport « L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité », n°429, Octobre 2005

Nations-Unies, Assemblée générale, 59ème session, Note du Secrétaire général, 2 décembre 2004, A/59/565

Nations Unies, Comité des droits de l’homme, 85ème session, Examen des rapports présentés par les Etats parties en vue de l’article 40 du PIDCP, Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, CCPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006

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130

Nations Unies, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, « Observations finales », 25 mai 2007

Nations Unies, Commission des droits de l’Homme, Rapport intérimaire « Questions diverses : terrorisme et droit de l’Homme », 27 juin 2001

Nations Unies, Haut-Commissariat des droits de l’Homme « Les droits de l’Homme et la lutte contre le terrorisme » Feuillet Informatif n°32, Genève, 2008

Nations Unies, Rapport final « Droits de l’Homme et terrorisme » (E/CN.4/Sub.2/2004/40) 2004

Nations Unies, Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Rapport d’activité, aout 2001

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime « Manuel sur le rôle de la justice pénale dans la lutte contre le terrorisme » Série de manuels sur la réforme de la justice pénale. New-York 2009.

VI. JURISPRUDENCE

A. Nationale 1. France

Crim. 31 janvier 1914 Bull. crim. n°74

Crim. 20 aout 1932 Bull. crim. 1932 n°207

Crim. 12 juin 1952, Bull. crim. n°153 Imbert

Crim. 26 février 1963 n° 62-90653 Bull. crim. n°92

Crim 30 mai 1980 Bull. crim. n°265

Crim. 9 octobre 1980 n° 80-93.140 Tournet Bull. crim. n°255

Déc. 20 janvier 1981 n° 80-127 DC Sécurité et liberté

Déc. 29 décembre 1983 n°86-164

Déc. 25 janvier 1985 n° 85-187 DC Etat d'urgence en Nouvelle-Calédonie

Déc. 3 septembre 1986 n°86-213

Crim. 7 mai 1987 n° 87-80.822 Bull. crim. n°186 p 497

Crim. 3 juin 1987 n°87-82.998 Bull crim. 1987 N° 236 p. 646

Crim. 24 septembre 1987 n°87-84.128 Bull. crim. 1987 N° 313 p. 841

Crim. 13 juin 1989 n°89-81388 et 89-81709 Bull. crim. 1989 N° 254 p. 634

Déc. 11 aout 1993 n°93-326

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131

Déc. 20 janvier 1994 n°93-334 DC

Crim 17 octobre 1995 n°93-14.836 Bull. crim. 1995 n°368 p.256

Déc. 16 juillet 1996 n°96-377

Civ. 2ème, 19 février 2004, n° 03-50.025 Bulletin 2004 II N° 70 p. 58

Déc. 2 mars 2004 n°2004-492

Cass. Crim. 23 mai 2006 Bull. crim. n°139 ; Recueil Dalloz, 2006, p.2836

Crim 7 juillet 2006 Bull. crim. n°157

Déc. 30 juillet 2010 n°2010-14/22 QPC M. Daniel W. et autres

Déc. 22 septembre 2010 n°2010-31 QPC M. Brulent A et autres.

Crim. 31 mai 2011 n°10-88.809 Bull. crim. 2011, n°115

Crim. 27 septembre 2011 n°11-81.458 Bull. crim. 2011, n°186

Déc. 17 février 2012 n°2011-223 QPC Ordre des avocats du barreau de Bastia

Déc. 6 avril 2012 n°2012-228/229 QPC M. Kiril Z

Crim. 11 juillet 2012 n°11-85.220 Bull. crim. 2012, n°166

Crim. 22 octobre 2013 n°13-81.945 Bull. crim. 2013, n°196

Crim 8 avril 2014 n°14-80.254

Déc. 21 novembre 2014 n° 2014-428 QPC M. Nadav. B.

Crim 8 juillet 2015 n°14-88.457 Bull. crim. 2015, n°176

Déc. 23 juillet 2015 n°2015-713

Crim. 2 décembre 2015 n°14-81.866 Bull. crim. 2015, n°276

Déc. 19 février 2016 n° 2016-536 QPC, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]

Civ 1ère, 16 mars 2016 n°14-25.068

Crim. 12 juillet 2016 n°16-82.692

Crim. 7 octobre 2016 n°16-84.597

Crim. 10 janvier 2017 n° 16-84.596

Déc. 24 janvier 2017 n° 2016-606/607 QPC M. Ahmed M. et autre

Déc. n°2016-611 QPC du 10 février 2017 M. David P.

Déc. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017 M. Amadou S.

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132

Crim. 25 avril 2017 n°16-83.331

Crim. 11 juillet 2017 n°16-86.965

2. Canada

R. v. Koszulap, [1974] O.J. No. 726

Eccles c. Bourque [1975] 2 R.C.S. 739

Hunter c. Southman Inc., [1984] 2 R.C.S. 145

R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673

R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S 265

R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980

R. c. Duguay, [1989] 1 RCS 93

R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59

Thomson Newspapers Ltd c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425

R. c/ Storrey, [1990] 1 RCS 241

R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190

R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30

R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421

R. c. Grimson, [1991] 3 R.C.S. 692

R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223

R. v. Simpson, (Nfld. C.A.), [1994] N.J. No. 69

R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761

R. v. Simpson, [1995] 1 R.C.S. 449

R. c. R.J.S., [1995] 1 R.C.S. 451

R. v. Shayesteh, [1996] CA O.J. No. 3934

R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607

R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13

Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844

Ahani (Re), [1998] A.C.F. no 507

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133

R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51

CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743

R. c. Araujo, [2000] 2 RCS 992

R. v. Sutherland, [2000] CA O.J. No. 4704

R. c. Pangman, [2000] CBR M.J. No. 300

R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679

Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3

R. c. Lamoureux, [2002] J.Q. no 1059

R. v. Schreinert, [2002] CA O.J. No. 2015

R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631

R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no. 208

Collard c. R., [2004] J.Q. no 10376

Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248

R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432

R. c. Pires ; R. c. Lising [2005] 3 R.C.S. 343

R. v. Khawaja, [2006] O.J. No. 4245

R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456

R. c. Suberu [2009] 2 R.C.S. 460

R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142

R. v. Khawaja, [2010] O.J. No. 5471

R. c. Manseau, [2010] CA J.Q. no 13933

R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253

R. c. Kelsy, [2011] O.J. No. 4159

R. v. Obed, [2011] N.J. No. 304

R. c. Khawaja [2012] 3 RCS 555

R. v. MacDonald, [2012] CA O.J. No. 1673

R. c. Tse, [2012] 1 R.C.S. 531

R. c. McRae, [2013] 3 R.C.S. 931

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134

Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101

R. c. MacKenzie, [2013] 3 R.C.S. 250

R. c. Société TELUS Communications, [2013] 2 R.C.S. 3

R. c. Chehil, [2013] 2 R.C.S. 220

R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.23

R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407

R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621

R. v. L.V.R., [2014] CA B.C.J. No. 2295

B. Internationale et Européenne 1. Cour pénale internationale

CPI, Ch. préliminaire II, 31 mars 2010, Situation en République du Kenya, ICC-01/09

2. Cour européenne des droits de l’homme

CEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71

CEDH, Ch. 4 décembre 1979, Schiesser c. Suisse, Req. n° 7710/76

CEDH, Ch., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, req. n° 11801/85

CEDH, Gde ch. 8 février 1996, John Murray c. Royaume-Uni, req. n°18731/91

CEDH, Ch. 24 août 1998, Lambert c. France n° 23618/94

CEDH, 3e Sect. 16 octobre 2001, Brennan c. Royaume-Uni, req. n°39846/98

CEDH, 4e Sect. 29 mars 2005, Matheron c. France, req n° 57752/00

CEDH, Gde ch. 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, req. n° 36391/02

CEDH, Gde ch. 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03

CEDH, 5e Sect. 23 novembre 2010, Moulin c. France, req. n° 37104/06

CEDH, Gde ch. 13 septembre 2016, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni, req. n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/