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La consultation anténatale du pédiatre : vingt années de recul; The prenatal paediatric visit: a twenty years experience;

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Page 1: La consultation anténatale du pédiatre : vingt années de recul; The prenatal paediatric visit: a twenty years experience;

TÉMOIGNAGE / OPINION DOSSIER

La consultation anténatale du pédiatre : vingt années de recul

The prenatal paediatric visit: a twenty years experience

E. Mazurier · M. Misraoui · R.-M. Toubin

Reçu le 12 juin 2014 ; accepté le 3 août 2014© Springer-Verlag France 2014

Résumé La visite anténatale pédiatrique pratiquée depuis20 ans à Montpellier constitue un tournant majeur dans lesuivi médical de la grossesse : proposition entre 20 et 28SA, réalisation avant 32 SA, modalités de proposition préci-ses et centrées sur la grossesse et l’anticipation de la nais-sance, discours sans fausse réassurance et centré sur la placeactive des parents dès la salle de naissance par rapport ausyndrome de sevrage, retour d’information vers l’envoyeurrigoureux, transmissions précises et transparentes vers lesprofessionnels en amont. Ces échanges au sein d’un collectifrelié et cohérent permet de juguler la spirale de culpabilité enactivant l’alliance avec les professionnels et en rendant lesparents actifs dans ce processus de santé alors que leur tra-jectoire personnelle a contribué à une perte de confiance eneux et un isolement relationnel.

Mots clés Opiacés · Addictions · Consultation anténatalepédiatrique · Relation précoce parents-enfant ·Transmissions interprofessionnelles · Suivi de grossesse àhaut risque · Syndrome de sevrage · Unité kangourou

Abstract The prenatal visit to a paediatrician has been prac-tised for the 20 last years at Montpellier and it is a majorchange in the medical follow-up of pregnant women: itshould be proposed between 20 WA and 28 WA, realisedbefore 32 WA with precise referral reasons focused on pre-gnancy and anticipatory guidance for birth. In addition, it isrecommended to give explanations without any fake reassu-

ring, to encourage parents’ active participation since the deli-very room concerning the abstinence syndrome, to providefeedback to the referring colleague and specific and cleartransmissions to the professionals that will take up later on.The exchanges in such a coherent, multidisciplinary, interre-lated framework allow breaking the vicious circle of culpa-bility by activating the health care alliance and turningparents into active parts of the care. Their personal tracksmay have led to lose their self-confidence and end upisolated.

Keywords Opioids · Addictions · Parents · Prenatalpaediatric visit · Early parent-infant attachment · Inter-professional transmissions · High-risk pregnancies’ follow-up · Abstinence syndrome · Kangaroo Unit

La rencontre avec un pédiatre, avant la naissance de l’enfant,s’est construite historiquement dans les situations de diag-nostic anténatal et de grande prématurité à la fin des années1990. Par la suite cette expertise a été adaptée aux situationsd’exposition du fœtus aux opiacés. Les futures mères pou-vaient être substituées à la suite d’une dépendance aux opia-cés, avant ou en cours de grossesse. La trame de travail éla-borée dans ce premier temps a été appliquée à d’autresaddictions, telles que l’alcool, le cannabis, la cocaïne, lesconsommations festives, ainsi qu’à la prise de médicamentspsychotropes, ou d’antalgiques de paliers 2 et 3 au longcours.

Après avoir décliné les principes de base, nous aborde-rons les points plus spécifiques en fonction des produitsou des situations cliniques complexes telles qu’une poly-consommation en général associée à une grande fragilitépsychique.

Les principes de base

Ils se sont affinés au fur et à mesure de l’expérience [1], enanalysant succès et échecs. Il s’en est dégagé la nécessitéd’une grande rigueur à chaque étape.

E. Mazurier (*)Service de pédiatrie néonatale, hôpital Arnaud de Villeneuve,CHRU Montpellier, F-34295 Montpellier cedex 5, Francee-mail : [email protected]

M. MisraouiCabinet libéral, 55 bis, boulevard des Arceaux,F-34000 Montpellier, France

R.-M. ToubinService de médecine psychologique pour enfant et adolescent,hôpital La Colombière, CHRU Montpellier,F-35295 Montpellier cedex 5, France

Rev. Méd. Périnat. (2014) 6:172-178DOI 10.1007/s12611-014-0295-3

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Qui adresse au pédiatre ?

Dans la pratique actuelle, par ordre décroissant de fréquence,il s’agit d’un professionnel significatif pour la femmeenceinte et le couple :

• une sage-femme de coordination référent « parentalité etaddiction » : à 100 % pour les opiacés, cette voie est laplus fréquente dans l’ensemble ;

• une sage-femme tabacologue, un gynécologue-obstétricien,une sage-femme de consultation, un psychiatre : dans lescas de cannabis associé à d’autres substances tels que despsychotropes prescrits ou en automédication, la cocaïne,l’alcool… ;

• un pédopsychiatre : situation exceptionnelle pour les opia-cés, l’orientation dérive en général de la sage-femme réfé-rent ou de consultation pour éviter qu’une mise en causedes futures compétences maternelles, une peur d’anorma-lité, une résonnance avec des éléments traumatiques, nesoit ressenties par la femme ou le couple ;

• le médecin généraliste : cas exceptionnel sauf pour dessituations d’addiction simple sans mise en place d’unesage-femme de coordination.

Dans quel but ?

Les professionnels du champ de la grossesse ont appris, dansla proximité avec les équipes de pédiatrie et de pédopsychia-trie, à « trouver les mots » pour présenter cette rencontreaux parents qui l’appréhendent a priori. Lorsque les ques-tions émergent, ils savent que rassurer faussement augmentel’anxiété [2]. Ils ne cherchent pas à atténuer l’inquiétude ini-tiale ni à différer l’information, du style « Ne vous inquiétezpas, Madame, vous verrez à la naissance, le pédiatre vousexpliquera tout… ! » À l’opposé ils dénichent les questionsembarrassantes des parents en décrivant l’effet bénéfique decette rencontre anténatale : « Qu’est-ce que le syndrome desevrage ? Comment le traite-t-on ? Où va être mon enfant ?Que dire à la famille ? Quelles répercussions plus tard sur lecomportement ? Sera-t-il prédisposé à devenir toxico ? » Parailleurs, ils ont appris à ne pas répondre eux-mêmes auxquestions – même si leurs connaissances le permettaient –pour laisser le champ libre au pédiatre qui, de sa place demédecin de l’enfant, pourra aider les parents à reformulerleurs questions et ainsi les rendre actifs dans le processus.Portés par la bienveillance des professionnels rencontrés, ilspeuvent prendre le risque d’affronter le regard du spécialistede l’enfant – futur témoin de ce qu’ils craignent – et partagerpeur et culpabilité.

Quand adresser ?

Au travers des 500 situations rencontrées, il s’avère que lemoment où les parents se montrent le plus réceptifs à l’orien-

tation vers le pédiatre se situe entre 24 et 34 SA. S’ils seposent des questions plus tôt, nous préférons attendre, afinde laisser le temps à l’installation dans la grossesse, avec lesmodifications corporelles et la perception des mouvementsfœtaux. On peut alors parler du bébé avec un vécu physiquedans le présent – « Elle est calme », « Il bouge, il est hyper-actif comme l’enfant de ma copine », « Il se réveille beau-coup le soir… ». Ces sensations offrent un panel de scéna-rios pour échanger sur les émotions qui y sont attachées :« J’ai peur de me retrouver seule avec lui le soir s’il bougecomme ça… ».

Proposée plus tard, la consultation survient dans l’immi-nence de la naissance qui recentre toute l’attention mater-nelle sur l’accouchement et les peurs attenantes. Hors cesmères appréhendent fortement une dépendance à un tiersdans un moment de confrontation à leur propre insécurité :rapport à la douleur, expression des émotions sous le regardd’inconnus, anxiété face à l’imprévu, risque pour elles-mêmes. L’anticipation de la rencontre avec l’enfant se trouveplus ou moins occultée et, même si la consultation peut seréaliser sous la pression bienveillante de l’équipe anténatale,la réceptivité devient moindre à l’approche de l’accouche-ment. On peut le constater lors de l’entretien, mais surtoutdans le post-partum immédiat où il reste peu d’empreinte decet échange.

Comment adresser ?

Un créneau de consultation est pré-organisé, facilitant laprise de rendez-vous à condition de rester attentif à sa per-sonnalisation par courriel, lettre ou téléphone. La sage-femme coordinatrice appelle le secrétariat de pédiatrie et lerendez-vous se donne dans un délai de 15 jours à un moisvers les pédiatres repérés sur cette thématique (praticien hos-pitalier ou pédiatre libéral détenteur d’une vacation « addic-tions »). Ce rendez-vous peut s’inscrire sur le créneau d’unehospitalisation de jour en obstétrique.

Des transmissions ciblées du professionnel qui adressevisent à assurer la fluidité de la rencontre et son acceptation.Se discutent entre le professionnel qui adresse et le pédiatre :

• les modalités de présentation proposées aux parents ;

• le moment et le lieu le plus propice selon le cas : consul-tation hospitalière, hôpital de jour, cabinet libéral ;

• les éléments pertinents concernant la situation singulière :inquiétude maternelle, place du futur père, antécédentsobstétricaux traumatiques, mauvais vécu en suites de cou-ches, interruption de grossesse à l’étranger, comportementinhabituel lié à une pathologie mentale, place des enfantsaînés par rapport à la durée d’hospitalisation en suites decouches (anticipation de la séparation, relais, …) ;

• le degré d’urgence.

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Au fil des 20 années nous avons proposé les rendez-vous avec le pédiatre libéral aux femmes en situation noncomplexes (mono consommation, en situation sociale stabi-lisée, ayant une bonne complaisance au suivi en libéral…).Les femmes en situations médicale ou psychosocialecomplexes sont orientées vers la consultation au CHU.

Ces transmissions sont essentielles, elles font parties dumaillage de soutien [3]. Trop souvent ces dernières années,la banalisation et le systématisme s’emparant de cetteconsultation, les pédiatres ont reçu des mères qui ne pou-vaient pas retransmettre les motifs de la consultation. L’em-barras face à une patiente ou un couple qui ne peut exprimerpourquoi il vient gêne à établir le climat de confiance néces-saire à l’expression des craintes des futurs parents : « Lasage-femme m’a dit de prendre rendez vous avec vous, jene sais pas pourquoi ». Dans ces situations la place duconjoint qui resitue le contexte est souvent primordiale pouramorcer le dialogue : «Tu sais bien, c’est parce que tuprends des médicaments et qu’on a peur pour le bébé… ».Quand on n’arrive pas à resituer le motif, il faut alors impro-viser et de manière à ce que les parents n’aient pas l’impres-sion d’avoir perdu leur temps. Quand il s’agit de leurpremier enfant, la consultation peut s’orienter d’abord surle comportement habituel d’un enfant en bonne santé enmaternité pour ensuite cibler la problématique. Ce sontdes consultations qui s’étirent souvent en longueur et pourlesquelles l’alliance n’est pas optimale malgré le tempsconsacré.

Les rendez-vous non honorés signent en général unegrande fragilité. Le pédiatre rappelle alors la sage-femmecoordinatrice. Les modalités d’un nouveau rendez-vousrapide se discutent en fonction du suivi de grossesse. Lasage-femme informe le gynécologue-obstétricien et le pédo-psychiatre s’il est en piste pour qu’ils puissent soutenir auprèsde la femme ou du couple l’intérêt de la consultation pédia-trique. Parfois elle se couplera avec la consultation pédopsy-chiatrique afin que les parents sentent leur anxiété prise encompte. Chaque intervenant maintient sa vigilance et s’inté-resse à la réalisation et à l’impact de la rencontre pédiatrique,convaincu de son intérêt tant pour la famille que pour l’équipepédiatrique. Il est exceptionnel que la consultation ait à serenouveler en cours de grossesse. Cela peut se faire si le pèren’a pu assister ou si une problématique avec un aîné nous faitopter pour une rencontre directe avec ce dernier pour anticiperle séjour en maternité et son corollaire de séparation.

L’éventualité d’une consultation anténatale pédiatriquelors d’une hospitalisation en secteur de grossesses à risquepour les situations complexes n’est pas exclue. L’analyserégulière des rendez-vous « ratés » a permis de faire le lienavec l’anxiété générée par l’idée de rencontrer un pédiatre. Ilarrive que soit programmée une courte hospitalisation pourévaluer et mieux prendre en compte les facteurs de stress parrapport au suivi de grossesse. Nous profitons de l’attention

resserrée de la part de l’équipe pour réaliser la rencontre tantredoutée par la patiente du fait d’une culpabilité non parta-geable jusqu’alors, mêlée à la peur du jugement et les crain-tes pour le devenir de l’enfant. Tous les membres de l’équipese mobilisent : aide-soignante de nuit qui recueille les confi-dences maternelles, pédopsychiatre avec qui la patiente peutreprendre le cheminement de ses peurs au travers d’un res-senti nouveau de protection de la part des soignants. Cetépisode constitue souvent un tournant dans la prise en chargeà partir duquel les mères les plus fragiles peuvent anticiperun partage de parentalité, dans l’anticipation de la réalité desbesoins du bébé à venir. Les motifs consensuels d’hospitali-sation en obstétrique sont clairement décrits aux parents : parexemple un sevrage au cannabis et une surveillance médi-cale, une anxiété majeure associée à une contractilité utérine,la mise sous traitement de substitution ou un réajustement,des facteurs environnementaux générateurs d’un stress délé-tère, la survenue d’insomnies rebelles annonçant une éven-tuelle décompensation dépressive.

Les situations complexes ne sont pas toujours corrélées autype d’addiction ou à la survenue d’une problématique médi-cale. En voici quelques exemples :

• une femme enceinte peut diminuer fortement sa consom-mation de cannabis et/ou son comportement addictif maisgarder une forte appréhension vis-à-vis de la consultationpédiatrique par peur irrationnelle des malformations, cequi induira stress et complications ultérieures ;

• une autre peut connaître une phase d’alcoolisation à l’arrêtd’un produit de substitution apparemment bien géré ;

• une autre, substituée depuis plusieurs années dans unestabilité de sa trajectoire sociale, redoutera la verbalisationde ses craintes envers elle-même et pour le syndrome desevrage de l’enfant. Ces « Madame tout va bien » man-quent les rendez-vous avec le pédiatre alors qu’on pourraitaisément penser que leur niveau d’angoisse est maîtrisé.Une patiente encore sous héroïne en début de grossesse etdébutant un traitement de substitution peut de manièreparadoxale partager ses angoisses et rencontrer plus aisé-ment le pédiatre.

Déroulement de la consultation anténataledu pédiatre [4]

Les conditions d’accueil sont importantes. La façon dont lesparents observent comment l’on s’adapte aux limites géogra-phiques et organisationnelles est un temps d’échange signi-ficatif où se tisse déjà le nid de liens de confiance pour lepost-partum. Il s’agit de trouver un endroit calme, préservé,protégé des regards et des bruits extérieurs. Il est primordialque le temps d’accueil ou d’attente avant la consultationbénéficie d’un accompagnement attentif car les parents

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vivent un état de stress maximum. La parole bienveillante dela secrétaire ou de la sage-femme doit préparer la venue dupédiatre, alors que cette pratique reste inhabituelle avant lanaissance.

L’entretien, véritable rencontre, dure en moyenne troisquarts d’heure. Selon le temps nécessaire à établir laconfiance et l’intensité des préoccupations parentales ou lacomplexité de la situation, il peut être prolongé ou fait endeux temps.

Nous situons la consultation dans le déroulement de lagrossesse, pour répondre aux questions qu’ils se posent enrapport avec leur traitement. Les objectifs sont :

• les informer des risques éventuels liés à la prise deproduits ;

• leur expliquer comment leur enfant sera pris en charge dèsla naissance ;

• les impliquer dans cette prise en charge ;

• leur dire la vérité, ce qui le plus souvent va avoir un effetde réassurance.

Nous leur demandons comment elles vont, puis demême au père s’il est présent. Nous les invitons à parlerde leurs préoccupations concernant leur traitement. Ce quise dit diffère d’une maman à une autre, d’un couple à l’au-tre. Nous repérons le fil conducteur de l’entretien à partirde la logique de LEUR questionnement. Puis nous tentonsd’aborder l’ensemble des informations à délivrer en suivantce fil sans le perdre, ce qui nécessite un effort de concen-tration important pour ne rien omettre. Il devient possiblede réinjecter les éléments suivants, dans l’ordre de leurspréoccupations :

• le pourcentage de survenue du syndrome ;

• les signes qui font le diagnostic ;

• la manière dont on va accueillir le bébé pour limiter sasurvenue ;

• l’importance du nursing : portage, « peau à peau »,proximité ;

• la primauté de leur place de parent auprès de cet enfant etleur rôle de soutien ;

• l’assurance du soutien de l’équipe pour les aider à sur-monter les moments délicats du séjour ;

• l’allaitement selon le projet de la mère, et ses éventuellesdifficultés ;

• la confidentialité au sein de l’équipe ;

• les prénoms des puéricultrices qui les accueilleront ;

• le fonctionnement des équipes (unité de soins en berceau,suites de naissance habituelles, pédiatrie néonatale) ;

• l’intérêt de rencontrer la puéricultrice avant la nais-sance ;

• les possibilités de traitement médicamenteux de l’enfant ;

• la fratrie : qui gardera les enfants en cas de séjour long,leur attente du bébé à venir… ;

• le parcours de développement de l’enfant après syndromede sevrage en soulignant l’impact essentiel d’un environ-nement structurant et ajusté à ses besoins ;

• l’organisation du retour à domicile : où en sont-ils ?Savent-ils qui suivra l’enfant ?

Nous notons sur une feuille remise en fin d’entretien unrésumé des informations qu’ils peuvent emporter. La feuillede score d’évaluation clinique leur permettra de suivre lasurveillance de l’enfant. Ils en sont très contents et la rangentsoigneusement. Les éléments essentiels sont soulignés :chambre seule, durée de séjour, présence du père, visite desaînés, confidentialité. Ils sont informés d’une synthèse trans-mise aux professionnels déjà en place et à ceux qui intervien-dront par la suite.

Quelques points de spécificités en fonction des produits,que les années de pratique nous ont permisde distinguer

Lors de la prise d’opiacés [5,6]

La rencontre est proposée entre 32 et 34 SA. Nous souli-gnons plusieurs points qui nous semblent essentiels :

• l’importance de la confidentialité au sein de notre équipevis-à-vis de l’entourage proche. La question de l’ignorancede certains conjoints du traitement maternel nous a pousséà mener une réflexion collective dès l’anténatal avec lamère sur l’anticipation du séjour et les éventuelles ques-tions du père sur l’état de son bébé à l’équipe pédiatrique.Il en est ressorti que nous devions répondre au père sur lesmotifs de surveillance et de traitement de l’enfant si cedernier posait des questions. Cela a souvent permis quedes tabous sur le traitement maternel se lèvent dès l’anté-natal ou que des révélations puissent se faire dans le tempsde l’hospitalisation très entouré par les équipes [7] ;

• l’importance de la qualité de l’environnement sur le déve-loppement de l’enfant ;

• l’importance du maternage proximal en période néonatale ;

• le soutien durant le séjour en maternité des équipes estsouligné.

Pour les situations autres que les opiacés : la prise derendez-vous pourra être proposée lors d’un appel direct dusecrétariat du pédiatre à la patiente. Celle-ci aura au préalableété prévenue de l’appel par le professionnel qui adresse.

Lors de consommation d’alcool [8,9]

La consultation pédiatrique est proposée avant l’échogra-phie du deuxième trimestre et réalisée effectivement peu detemps après. Lorsque la consultation pédiatrique est propo-sée après cette échographie du deuxième trimestre, l’absence

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échographique de signes de syndrome d’alcoolisation fœtalerend imperméable la mère à l’information sur le risque desurvenue de troubles du comportement, ce qui ferme assezsouvent la porte de la rencontre avec un pédiatre. Nous sou-lignons tout particulièrement :

• l’importance du suivi de l’enfant par un médecin formé ausuivi du développement ;

• l’importance de ne pas mésestimer, ni sous-estimer lestroubles du comportement. En effet ceux-ci pouvant appa-raître dès les toutes premières années, la méconnaissancedes conséquences de l’exposition anténatale peut êtresource de délai de prise en charge spécialisée ;

• l’importance du besoin de la prise en charge précoce,c’est-à-dire dès la 1re année de vie de l’enfant par desstructures telles les centres d’action médicosociale pré-coce en soulignant que « Rien n’est irrémédiable ».

Lors d’une exposition au cannabis [10]

Nous rappelons les informations essentielles sur la mort inat-tendue du nourrisson ainsi que sur les données actuelles desconséquences cérébrales. Du fait d’une certaine banalisation,nous rappelons qu’en matière d’allaitement «Moins vous enconsommerez, mieux se développera son cerveau ».

Lors de l’exposition à la cocaïne [10]

Nous insistons sur le fait que ce produit, qui est souventconsommé en association, est susceptible d’altérer le fonc-tionnement de nombreux organes.

Lors de l’exposition au tabac [11]

Les informations rejoignent celles sur le cannabis sauf sur laquestion de l’allaitement, puisque les données actuelles nouspermettent de leur dire qu’ « il est un plus grand bénéficepour l’enfant d’allaiter en fumant que de ne pas allaiter enfumant ».

Particularités de la consultation pédiatriquedans le cycle de changement

Lors de consommation de cannabis notamment, maisaussi tabac, cocaïne,… la rencontre anténatale peut êtreun élément de progression maternelle en se situant demanière adéquate dans le cycle dynamique de change-ment du comportement. Le pédiatre donnera les informa-tions objectives actualisées. Il se gardera d’être directif,« Votre enfant se portera mieux si vous arrivez à main-tenir votre arrêt de …. » « Quand l’alcool est arrêté sacroissance reprend, déjà une diminution est bénéfique ...

Nous n’avons pas à dire ce que la patiente doit faire etelle ne doit pas se sentir jugée au travers de nos conseils.

Ces sensibilités diverses ne sont pas simples à transmettreà de jeunes professionnels et nous citerons quelques exem-ples pour éclairer notre propos en prenant le cas d’une futuremère fumeuse de joints de cannabis [12] :

S’agissant d’une future mère fumeuse qui n’a pasl’intention de réduire sa consommation

Alors qu’elle revendique « Mais j’aime ça et cela me fait dubien », si le pédiatre informe des risques de manière tropappuyée, il se peut qu’il conforte la mère dans sa dépendance.À ce stade de « non recul », la rencontre anténatale est axéesur une information minimale : « Réduire la consomma-tion pourra avoir un impact positif sur le développement del’enfant, mais il est important que vous soyez bien ».

S’agissant d’une patiente qui a déjà avancédans sa décision de réduction

Elle envisage de diminuer et même d’arrêter en cours degrossesse. Le pédiatre va la conforter dans cette décisionen appuyant sur les bénéfices par exemple en terme de ris-ques diminués de mort inattendue...

S’agissant enfin d’une future mère qui a réussià nettement diminuer

Elle est en voie d’arrêt, il va la conforter dans son effort et luirappeler les bénéfices de ses efforts pour l’enfant.

Le préalable à ce type d’entretien est l’information de lasage-femme du stade de progression de la mère [13].

Les bénéfices pour les parentset pour les professionnels

C’est essentiellement une réassurance de chacun à sonniveau et la potentialisation de l’action de chaque profes-sionnel par rapport au côté imprévu attenant à la naissancetant sur le plan médical que psychologique.

Pour la personne qui adresse à la consultationpédiatrique anténatale

• Être assurée que sa patiente recevra des informations fia-bles et actualisées par un médecin spécialiste de l’enfant ;

• être informée de la conduite à tenir médicale pour l’enfantet pour l’allaitement ;

• s’appuyer sur les informations délivrées par le pédiatredans ses entretiens avec les parents en fonction de sa placeprofessionnelle ;

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• construire des liens de confiance avec le pédiatre ;

• mieux préparer le séjour en maternité.

Pour les équipes d’hospitalisation qui vont accueillirla mère et son enfant

• Avoir une conduite à tenir claire pour les examens clini-ques et paracliniques à prévoir pour l’enfant pendant letemps de séjour ;

• savoir si l’allaitement est possible ou pas compte tenu destraitements ou des produits ;

• être rassuré sur le fait que la patiente a bien reçu cesinformations ;

• établir une alliance avec les parents dans la continuitédes liens et dans la rencontre de visu en anténatal, ce quifavorise l’expression de la culpabilité et des remanie-ments psychiques dans la rencontre avec l’enfant etdans le couple. Cette visite anténatale pédiatrique leplus souvent accompagnée d’une rencontre avec la pué-ricultrice du service de suites de couches facilite letemps de rencontre postnatal. Un pas a déjà été faitl’un vers l’autre, on se connaît et d’emblée le courantpasse avec ceux qui sont témoins des premières rela-tions parent-enfant : premier regard, peau à peau, idéeset sentiments qui traversent la psyché parentale alorsque le bébé dort ou pleure. Sans cette rencontre préa-lable, le contact et la confiance en maternité prennent2 à 4 jours pour s’établir entre parents et professionnels.Pour les cas les plus complexes, les germes de ce climatne s’amorcent même pas et font place à un état deméfiance figeant les relations.

Pour le patient

• Pouvoir poser ses questions, ses inquiétudes à un médecinde l’enfant, attentif aux besoins des parents ;

• avoir eu une réponse objective et en accord avec lesconnaissances actuelles au nom de l’enfant à naître ;

• être rassuré car souvent l’imaginaire construit des repré-sentations plus effrayantes que la « vérité », que la réalitéverbalisée par le médecin ;

• découvrir qu’il lui est possible d’être utile, de fairequelque chose pour son enfant, « malgré » l’expositionaux produits. Se sentir impliqué dans un possible grati-fiant et protecteur, dans une relation faite de réciprocité,qui leur rend toute la place de parents et d’adultesresponsables ;

• lorsque la consultation anténatale pédiatrique s’accom-pagne de la rencontre avec une puéricultrice qui reverral’enfant pendant le séjour une réassurance se construit.L’inconnu s’estompe, il prend un visage.

Les conditions préalables pour une bonneefficacité sont les transmissions ciblées [3]

Nous avons abordé ci-dessus les points clés les concernant.Il nous semble néanmoins important de revenir sur certains :

• les transmissions de la personne qui adresse au pédiatrevisent à assurer la fluidité du passage et son acceptation.Leur personnalisation nous semble indispensable ;

• les transmissions du pédiatre aux équipes. Il sera pertinentde transmettre ce qui est utile pour la prise en charge del’enfant, ce qui répond à ses besoins médicaux. Lorsquecela est nécessaire, elles seront aussi orientées sur lesbesoins exprimés par la patiente pour l’enfant.

Cela implique une vue synthétique de la situation de l’en-fant et de ses parents. Par exemple, à propos d’une femmequi a des consommations de cocaïne, il n’est nul besoin dedétailler à l’équipe les doses, les circonstances…mais plutôtde transmettre ses interrogations : « Mère inquiète de sesconsommations en début de grossesse. Prévoir pour cetenfant un examen clinique et les examens complémentairessuivants … ».

Conclusion

L’action du pédiatre en anténatal s’inscrit dans le suivi d’unegrossesse à haut risque, visant l’objectif commun auxparents et aux professionnels : un enfant en bonne santé etqui ne soit pas séparé de sa mère tout en bénéficiant d’uneprise en charge adaptée. Après 20 ans de pratique, la consul-tation anténatale paraît au centre de la construction de laconfiance des parents en eux-mêmes et envers les profes-sionnels mandatés pour jalonner le parcours du développe-ment de leur enfant : sans confiance, pas de suivi ultérieur.Le choix du pédiatre par la mère, possiblement celui qu’ellea rencontré avant la naissance, est un atout majeur pourassoir cette confiance. Le suivi demande cependant une dis-ponibilité téléphonique particulière, et seuls les quelquesenfants plus en difficulté entraîneront une surveillance plusrapprochée.

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liensd’intérêts.

Références

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